René

Felber

Président de la Confédération suisse

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 4 février 1992

Je vous remercie, Monsieur le Président, des paroles d’accueil que vous avez prononcées à mon égard. Permettez-moi d’ailleurs, au nom du Comité des Ministres, de vous féliciter de votre élection à la présidence de cette Assemblée. Je suis convaincu que les excellentes relations que vous avez nouées avec le Comité des Ministres dès votre prise de fonctions en tant que Président, vont se poursuivre et s’intensifier, ce qui est indispensable dans cette période particulièrement riche en développements.

Depuis notre session de septembre, nous avons vécu des événements d’une grande portée politique: la construction de l’Europe a progressé, au niveau de la Communauté européenne, grâce à la conclusion des Accords de Maastricht et les relations entre celle-ci et les pays de l’AELE se sont intensifiées, grâce aux efforts visant à créer un espace économique européen (EEE); les réformes ont progressé dans plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est, engageant ceux-ci sur la voie de la démocratisation et de l’économie de marché; l’Empire soviétique a éclaté, la crise en Yougoslavie a mené ce pays à la guerre civile et, finalement, à la dislocation.

Depuis 1989 – année de la chute du mur de Berlin – l’histoire de notre continent s’est donc accélérée prodigieusement et l’on peut dire, sans exagérer, que nous avons vécu non seulement la véritable fin de l’après-guerre et du partage de Yalta, mais également l’écroulement de l’édifice soviétique, ainsi que du bloc communiste, avec l’idéologie et le système qui en étaient le ciment depuis près de soixante-quinze ans.

Une Europe nouvelle est donc en train de se dessiner sous nos yeux.

Quelle que soit notre joie de voir les pays d’Europe centrale et de l’Est recouvrer leur liberté, se rapprocher de l’Europe démocratique et même adhérer au Conseil de l’Europe, nous ne devons pas nous complaire dans un optimisme béat. L’éclatement de l’Union Soviétique et de la Yougoslavie peut, bien sûr, mener plusieurs États nouvellement créés et reconnus sur la voie des réformes, mais il comporte également des périls non négligeables qui pourront, si l’on n’y prend garde, aboutir à de nouveaux conflits. Nous devons tout mettre en œuvre pour les éviter.

La situation précaire de certaines minorités, le nationalisme exacerbé que nous redécouvrons, la misère, voire la famine, constituent une menace à l’est de notre continent qui pourrait conduire à une situation explosive. Il nous appartient, dans un esprit de solidarité, d’aider avec courage et imagination les peuples qui, pendant si longtemps, furent séparés de nous par un rideau de fer dans leurs réformes démocratiques, économiques et sociales; la paix de notre continent est à ce prix.

Toutefois, l’intérêt que nous portons tout naturellement à l’Europe centrale et orientale ne doit pas éclipser celui que nous devons également manifester à l’égard du Bassin méditerranéen et à l’équilibre dans cette région. Nous devons continuer à tisser, de façon pragmatique, des liens culturels, économiques et autres afin de favoriser une meilleure compréhension entre pays de part et d’autre de la Méditerranée.

Monsieur le Président, dans une actualité internationale aussi dense que mouvementée, la session du Comité des Ministres qui s’est tenue le 26 novembre 1991 a revêtu une importance particulière. Non seulement, nous nous sommes penchés sur les événements dans les pays d’Europe centrale et orientale, et sur leurs relations avec le Conseil de l’Europe, mais nous avons également tenté de définir quelles seront les tâches politiques de notre Organisation dans l’Europe d’aujourd’hui.

En ce qui concerne les pays d’Europe centrale et de l’Est, le point culminant de notre session fut certainement l’adhésion de la Pologne au Conseil de l’Europe. Nous sommes heureux que ce pays, auquel l’Histoire a infligé tant de souffrances, ait enfin rejoint notre grande famille démocratique et je tiens à saluer, dans cet hémicycle, la délégation parlementaire polonaise, qui, pour la première fois, assiste de plein droit à une session plénière de votre Assemblée que le Président de la République de Pologne, M. Lech Walesa, a bien voulu honorer de sa présence ce matin même.

En outre, nous avons examiné les perspectives d’adhésions futures et exprimé l’espoir que la Bulgarie ainsi que l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie puissent, dans le courant de 1992, devenir membres du Conseil de l’Europe. Nous avons, à l’occasion de notre session ministérielle, eu des échanges de vues avec nos homologues des États baltes sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et leur pays. Je me réjouis d’ailleurs que votre Assemblée ait conféré le statut d’invité spécial à des délégations parlementaires de ces pays.

Nous avons également encouragé la poursuite et l’intensification de la coopération avec la Roumanie et l’Albanie, qui devrait aider ces pays dans leurs réformes démocratiques et ouvrir la voie à leur adhésion future.

C’est dans cet esprit que, le 19 décembre, le ministre des Affaires étrangères de Roumanie, M. Nastase, a déposé l’instrument d’adhésion de son pays à la Convention culturelle européenne et a eu un échange de vues avec les Délégués des Ministres sur la situation de son pays et les réformes en cours.

La coopération avec l’Albanie s’est intensifiée et c’est ainsi que, dans le domaine de l’éducation, le Conseil de l’Europe coordonne notamment une opération d’aide d’urgence aux écoles.

La situation dramatique en Yougoslavie a retenu toute notre attention; nos Délégués y ont consacré plusieurs réunions spéciales et ont, à cause des événements et notamment des violences et des violations des droits de l’homme, suspendu, dès le 8 octobre 1991, notre coopération avec les autorités de ce pays. Lors de notre réunion ministérielle de novembre, nous avons confirmé notre appui aux efforts de la Communauté européenne, de la CSCE ainsi que des Nations Unies, en vue d’une solution globale et pacifique. Nous avons rappelé à toutes les instances concernées que le Conseil de l’Europe tient à leur disposition, le moment venu, son expérience en matière de droits de l’homme, de protection des minorités ainsi que dans les domaines juridique et constitutionnel.

Nous avons également signifié notre disponibilité pour réexaminer les relations du Conseil de l’Europe avec toutes les parties qui coopèrent de bonne foi en vue de parvenir à une solution pacifique de la crise, fondée sur les principes de démocratie pluraliste, de respect des droits de l’homme et de l’État de droit.

Les développements récents ainsi que la reconnaissance de la Croatie et de la Slovénie par la plupart de nos États membres devraient nous permettre d’entamer officiellement et rapidement une coopération avec ces nouveaux États en vue de les assister dans leurs réformes démocratiques.

Je constate avec intérêt que votre Assemblée, Monsieur le Président, a accordé le statut d’invité spécial à la Slovénie et aura, demain, un débat sur la Yougoslavie.

La disparition de l’Union Soviétique et la naissance de nouveaux États, dont plusieurs ont déjà été reconnus par de nombreux pays membres du Conseil de l’Europe, constituent de nouveaux défis non seulement pour nos pays membres, mais également pour les responsables de la construction européenne.

De nouvelles questions se posent en effet quant à l’architecture future de l’Europe. A notre réunion ministérielle de novembre, alors que l’Union Soviétique existait encore, nous avions décidé d’accroître les contacts et la coopération avec les Républiques qui s’engagent sur la voie de la démocratie, de l’État de droit et de la protection des droits de l’homme, principes de base du Conseil de l’Europe, dans le cadre de l’équilibre politique et de la sécurité en Europe.

A la suite de la création de la Communauté des États indépendants – CEI – à Minsk le 8 décembre 1991, des accords d’Alma-Ata du 21 décembre et de la disparition de l’Union Soviétique, la question des relations entre le Conseil de l’Europe et les pays qui se substituent à celle-ci se pose en de nouveaux termes et fait l’objet d’un examen approfondi de la part du Comité des Ministres.

La Fédération de Russie s’est déclarée prête à assumer envers le Conseil de l’Europe toutes les obligations de l’Union Soviétique et, à ce titre, souhaite continuer à entretenir les relations établies avec l’Organisation.

Je me permets de sortir de mon texte pour souligner que la Fédération de Russie n’est pas nécessairement ni automatiquement le représentant de toutes les républiques de l’ancienne Union Soviétique. Les Délégués des Ministres examinent d’ailleurs la question des contacts avec les autres républiques, notamment avec celles qui ont manifesté de manière expresse leur intérêt pour de tels contacts.

J’ai constaté avec intérêt que votre Assemblée, Monsieur le Président, a, d’une part, décidé d’attribuer le statut d’invité spécial au Parlement de la Fédération de Russie et aura, d’autre part, au cours de la présente session, des réunions avec des délégations parlementaires de plusieurs autres républiques.

Nous suivrons également avec un vif intérêt le débat d’actualité que vous aurez jeudi sur l’évolution dans l’ex-Union Soviétique. Je suis, pour ma part, convaincu que nous devons tout mettre en œuvre pour éviter dans cette région des tensions qui pourraient mener à une nouvelle insécurité en Europe, voire à des conflits graves.

Le Conseil de l’Europe se transforme progressivement en un forum de la coopération paneuropéenne. Il affirme son rôle et ses responsabilités dans l’édification de la grande Europe. Il tend à développer des relations de complémentarité avec la Communauté européenne et la CSCE.

Dans la nouvelle Europe qui se dessine, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe joue un rôle important qui s’adapte à la nouvelle donne sur notre continent. Les relations entre le Conseil de l’Europe et la CSCE se sont, depuis le Sommet de Paris en novembre 1990, améliorées, intensifiées et consolidées, et notre Organisation a pu apporter une contribution constructive de qualité à diverses réunions CSCE organisées l’année dernière.

Lors de notre session ministérielle de novembre, nous avons exprimé notre soutien au renforcement d’une liaison effective avec la CSCE, en vue d’utiliser au mieux l’expérience et les capacités du Conseil de l’Europe. Dans ce contexte, les Délégués des Ministres examinent la possibilité de franchir un pas supplémentaire en offrant à tous les États de la CSCE, sur un pied d’égalité, une participation à certaines activités inter-gouvernementales du Conseil de l’Europe se situant dans le domaine de la dimension humaine, notamment dans celui de la coopération culturelle.

Notre coopération avec la Communauté européenne se développe de façon satisfaisante et j’ai eu l’occasion d’assister, le 20 novembre dernier, à la cinquième réunion quadripartite Communauté-Conseil de l’Europe, lors de laquelle nous avons évidemment discuté non seulement de la crise yougoslave et des événements en Union Soviétique, mais également de la coordination des programmes d’assistance respectifs aux pays d’Europe centrale et orientale, ainsi que de la CSCE et de l’Espace économique européen.

Lors de notre réunion ministérielle de novembre, nous avons souligné la nécessité de continuer à développer le rôle du Conseil de l’Europe comme structure de rassemblement et de coopération de l’Europe d’aujourd’hui. N’oublions pas qu’il a été conçu pour rassembler les peuples d’Europe autour de valeurs – démocratie pluraliste, droits de l’homme, État de droit – dont le respect est la première garantie de la stabilité et de la paix sur ce continent. Il constitue une structure d’accueil et de coopération directement disponible dont les pays d’Europe centrale et orientale ont un besoin immédiat, et pour laquelle ils manifestent tous un très vif intérêt.

Compte tenu de ces divers facteurs, le Comité des Ministres a souhaité donner un signal politique et des orientations précises en ce qui concerne la disponibilité du Conseil de l’Europe pour faire face à ses nouvelles tâches politiques. Il a examiné plusieurs initiatives suggérées à cet égard dans un mémorandum du Secrétaire Général.

Les Délégués examinent actuellement la mise en œuvre de certaines des propositions formulées par Mme Lalumière, notamment celles relatives à un plan pour le développement du droit dans les pays d’Europe centrale et orientale, et à un programme pour la démocratie locale. Ces initiatives ont rencontré un large soutien et j’espère qu’elles pourront bientôt être réalisées.

Les programmes d’assistance et de coopération avec les pays d’Europe centrale et orientale jouent un rôle crucial. C’est la raison pour laquelle nous avons, dans le budget pour 1992, pour ceux-ci, prévu une augmentation de 100% par rapport à 1991. A cela s’ajouteront le plan pour le développement du droit et le programme pour la démocratie locale que j’ai déjà mentionnés, qui devraient en partie être financés par des contributions volontaires.

Mon pays a déjà apporté de telles contributions dans le passé, d’autres pays également, et j’espère que nombreux seront ceux qui les suivront dans cette voie.

Du côté suisse, nous sommes disposés à verser en 1992, comme nous l’avons fait l’an dernier, une contribution supplémentaire d’un million de francs français pour soutenir le financement des programmes destinés à l’Europe centrale et orientale.

Dans le «redimensionnement» du rôle du Conseil de l’Europe, nous devrons développer nos relations avec les États-Unis et le Canada, également membres de la CSCE. Il s’agit donc de nous faire connaître auprès des autorités américaines, que ce soit l’Administration ou le Congrès, de faire valoir nos réalisations et de souligner notre potentiel pour mettre en évidence notre rôle ainsi que nos responsabilités à l’échelle du continent européen.

C’est afin de conduire une action d’information approfondie que j’ai décidé, en tant que Président en exercice du Comité des Ministres, de me rendre à

Washington en compagnie de notre Secrétaire Général, Mme Lalumière, les 10 et 11 février. Une rencontre avec le Président Bush est prévue.

Cette démarche aura pour objectif de présenter globalement le Conseil de l’Europe aux États-Unis, de faire valoir les compétences et les contributions très concrètes qu’il peut apporter, notamment à la CSCE, mais également de sensibiliser les responsables américains au rôle déterminant de notre Organisation dans le nouveau contexte européen.

En effet, dans sa mission de consolidation et d’approfondissement des structures démocratiques en Europe centrale et orientale, dans son rôle d’intégration progressive et irréversible de ces pays dans une Europe fondée sur notre patrimoine commun, notre Organisation apporte une contribution essentielle à la stabilité et à l’évolution équilibrée de la grande Europe.

Cette visite aux États-Unis sera suivie d’une visite de hauts fonctionnaires au Canada.

Je souhaite, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les parlementaires, puisque – hélas! – le Congrès américain était en vacances lors de notre voyage, que vous puissiez, au niveau parlementaire aussi, répondre directement aux questions qui nous sont posées par les membres du Congrès.

Le Conseil de l’Europe apporte une contribution essentielle à la construction européenne par le fonctionnement de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de son mécanisme de contrôle, uniques au monde.

Je tiens à souligner le travail de grande valeur réalisé par la Commission et la Cour européennes des Droits de l’Homme, mais nous devons bien reconnaître que leur charge de travail, déjà lourde, entraîne des procédures longues et qu’elles pourraient s’accroître encore avec les futures adhésions à la Convention.

Lors de notre réunion ministérielle de novembre, nous avons chargé les Délégués des Ministres d’accélérer les travaux de réformes du mécanisme de contrôle de cette Convention. Ils procéderont à une première discussion sur cette question dans quelques jours.

Le temps me paraît en effet venu de faire un choix politique et de donner les impulsions nécessaires pour aboutir sans tarder à une réforme profonde du fonctionnement de la Convention.

L’évolution accélérée en Europe dont nous avons été témoins au cours des derniers mois et le redimensionnement du Conseil de l’Europe qui s’ensuit rendent également nécessaire une réforme plus générale de notre Organisation.

Votre Assemblée a institué une commission ad hoc pour la révision du Statut; le Comité des Ministres de son côté a créé un groupe de travail sur le rôle institutionnel du Conseil de l’Europe, qui poursuit sa tâche d’une manière pragmatique. Il s’agit bien sûr d’un exercice complexe et délicat, dont il est difficile à ce stade de prévoir les résultats, mais qui doit être poursuivi avec ténacité.

Les travaux accomplis, tant du côté de l’Assemblée que de celui du Comité des Ministres, permettent déjà de discerner les problèmes à résoudre et les lacunes à combler. De part et d’autre, on s’efforce maintenant d’y trouver des solutions, et, le moment venu, il sera utile que nous échangions, entre Assemblée et Comité des Ministres, nos vues à ce sujet.

Je sais que de part et d’autre on a examiné, entre autres, la définition du rôle du Conseil de l’Europe dans un contexte paneuropéen, la réactualisation du statut de membre associé et la création d’un statut d’observateur, la modernisation des méthodes de travail ainsi que les moyens de donner à la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe la place qui lui revient dans notre Organisation.

Ce sont là des questions auxquelles nous accordons une grande importance et auxquelles nous espérons, sous peu, trouver des réponses pragmatiques dans l’intérêt de l’évolution du Conseil de l’Europe et de son rôle à plus long terme. Nous sommes, en effet, convaincus que notre Organisation a et aura un rôle de plus en plus important à jouer, et la présidence suisse s’efforcera de stimuler et de favoriser celui-ci.

Monsieur le Président, en tant que Président de la Confédération suisse, je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée de vous rappeler le profond attachement de mon pays au Conseil de l’Europe, aux valeurs qu’il représente et aux acquis qu’il a su développer au cours de ces quarante dernières années.

Ceux-ci sont bien connus de nous tous, mais je souhaite relever ici un domaine dans lequel le Conseil de l’Europe a réalisé des progrès importants et où il doit poursuivre ses efforts, je veux parler de ses activités en matière d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement naturel.

Les événements et développements historiques auxquels nous assistons et les conséquences qui en résultent donnent au Conseil de l’Europe une dimension et des responsabilités nouvelles. Dans ce contexte, la mission paneuropéenne du Conseil de l’Europe s’est affirmée au sein de la communauté internationale. Je m’en réjouis personnellement, car je considère que cette dimension paneuropéenne correspond parfaitement au potentiel de notre Organisation, à ses objectifs et à l’universalité de ses valeurs.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci, Monsieur Felber, de votre communication.

Le moment est venu d’aborder les questions parlementaires pour réponse orale à M. le Président du Comité des Ministres. Je rappelle à l’Assemblée que M. le ministre répondra aux seules questions des membres présents.

Onze questions ont été déposées. Elles figurent dans le document 6564.

J’autoriserai une brève question supplémentaire de trente secondes après la réponse de M. le ministre.

Nous en venons à la question n° 1, déposée par M. Hardy. La question est ainsi rédigée:

«M. Hardy demande au Président du Comité des Ministres si le Comité des Ministres est pleinement conscient de la nécessité de prendre d’urgence d’importantes mesures afin de permettre à notre Organisation en rapide expansion de fonctionner efficacement».

Monsieur Felber, vous avez la parole pour répondre à cette question.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je puis assurer à l’honorable parlementaire que le Comité des Ministres est conscient de la nécessité de prendre des mesures pour permettre au Conseil de l’Europe d’œuvrer efficacement.

Ainsi que je l’ai indiqué dans ma communication, le groupe de travail sur le rôle institutionnel de l’Organisation, créé par le Comité des Ministres, a déjà commencé ses travaux sur la redéfinition du rôle du Conseil de l’Europe dans l’Europe en mutation dans laquelle nous vivons.

Ce groupe de travail examinera également des modifications de fond au Statut de l’Organisation, tâche à laquelle se consacre également une commission ad hoc de votre Assemblée.

En outre, pour ce qui est des ressources budgétaires de l’Organisation, je tiens à ajouter que le Comité des Ministres a récemment adopté un budget ordinaire pour 1992 qui représente une augmentation, en termes nominaux, de 14,64% par rapport au budget de 1991, lequel était lui-même en augmentation de 18,56% – voyez que nous sommes très précis – par rapport à 1990.

De plus, compte tenu du rôle capital que joue notre Organisation en tant que structure directement disponible pour l’accueil des nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale, et pour la coopération avec celles-ci, le Comité des Ministres a adopté, pour 1992, des crédits en augmentation de 100% par rapport à 1991 pour le titre IX, «Coopération avec les pays d’Europe centrale et de l’Est», cela pour tenir compte du nombre accru de pays bénéficiaires et de la multiplication des domaines dans lesquels l’assistance du Conseil de l’Europe est sollicitée.

M. HARDY (Royaume-Uni) (traduction)

Merci pour cette réponse. Le Président en exercice du Comité des Ministres se rend-il compte, cependant, que cette Organisation, dont les structures sont plus adaptées à une Europe des quinze qu’à l’Europe des quarante-cinq vers laquelle on s’achemine à grands pas, doit faire face à des conditions déjà intolérables, comme dans le cas de nombre des commissions se réunissant au Bureau de Paris? J’espère que le Comité des Ministres prendra acte du fait qu’ici même, dans cette superbe ville, le Palais de l’Europe est peut être suffisamment spacieux, mais que les difficultés de transport auxquelles on se heurte pour y arriver sont telles que ce palais ne saurait en l’espèce offrir une solution. Je demande au Président et à ses collègues d’être particulièrement attentifs aux propos qui seront tenus jeudi prochain dans le débat sur les transports à propos de l’expérience déplorable vécue par mes collègues et par moi-même dans nos efforts pour parvenir jusqu’à cette Assemblée.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

L’honorable parlementaire a posé une série de questions, mais si nous essayons d’y répondre avant de résoudre les problèmes posés par les pays d’Europe centrale et orientale, ceux-ci auront le temps de mourir ou de s’entre-déchirer.

En effet, avant de résoudre les questions de locaux ou de transport, nous devons immédiatement faire preuve de solidarité. Nous l’avons fait en augmentant notre budget en la matière, mais nous savons que l’action du seul Conseil de l’Europe sera insuffisante pour venir en aide à tous les pays qui ont besoin de nous.

Aujourd’hui, le problème le plus crucial est celui de la coordination des aides que l’ensemble des pays industrialisés et l’Europe apporteront pour résoudre les difficultés.

Je souhaite aussi pouvoir faire état, au sein du Comité des Ministres, de l’appui de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour essayer de nous aider à dynamiser les solutions que nous devrons trouver.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je suis sûr qu’il y a réciprocité, Monsieur le Président. Nous comptons sur votre coopération aussi.

Nous allons passer à la question n° 2, posée par M. Hunault, relative au rôle du Conseil de l’Europe dans la construction européenne. Elle est ainsi rédigée:

«M. Hunault,

Considérant que l’Europe est dans une confusion institutionnelle manifeste:

– le Conseil de l’Europe (26 États plus les États qui ont un statut d’invité spécial auprès de notre Assemblée parlementaire);

– les Communautés européennes, fondées sur le Traité de Rome, l’Acte unique européen et le futur Traité de Maastricht (6, puis 9, puis 12 États, et maintenant “12 bis” États depuis la réunification allemande);

– l’Union de l’Europe occidentale (UEO), créée par le Traité de Bruxelles (7 États, 9 aujourd’hui);

– la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) créée par les accords d’Helsinki de 1975, confirmée par la Charte de Paris de novembre 1990, qui comprend 35 États et plus encore dans un avenir proche;

– l’Association européenne de libre-échange (AELE),

Demande au Président du Comité des Ministres:

– s’il ne pense pas qu’il est temps de clarifier cette situation;

– si, à son avis, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ne pourrait pas devenir l’assemblée constituante de l’Europe;

– si, à son avis, l’Assemblée n’aurait pas en effet la vocation naturelle, historique, de forger les institutions de cette grande Europe qui se construit aujourd’hui dans le désordre;

– s’il n’est pas temps de tracer, le plus rapidement possible, les contours de cette confédération qui devra organiser notre continent.»

Vous avez la parole, Monsieur le Président.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je laisse à l’honorable parlementaire, M. Hunault, la responsabilité de son jugement sur la confusion institutionnelle en Europe. En effet, s’il est vrai qu’existe un grand nombre d’institutions, je constate que chacune d’entre elles a son rôle à jouer et a vu ses tâches s’accroître depuis les bouleversements en Europe centrale et orientale.

La Communauté européenne, noyau dur de l’intégration européenne, a incontestablement, avec les Accords de Maastricht, franchi une étape décisive vers l’union européenne. Elle prépare maintenant son élargissement et conclut des accords d’association avec des États d’Europe centrale et orientale.

La dynamique de la Communauté européenne, ainsi que les leçons tirées de la guerre du Golfe, ont conféré à l’UEO un intérêt nouveau dans le domaine particulier de la défense européenne.

La CSCE s’étend, après la réunion des ministres des Affaires étrangères à Prague, la semaine passée, à quarante-huit États. Elle continuera certes à jouer un rôle dans le domaine de la sécurité et du règlement des différends. En outre, je tiens à souligner que, lors de la réunion de Prague, «les ministres ont donné pour directive à leur Bureau de collaborer étroitement avec les autres institutions qui sont actives dans le domaine du développement d’institutions démocratiques et des droits de l’homme, en particulier le Conseil de l’Europe et la Commission des Communautés européennes. (Démocratie par le droit)».

L’AELE s’efforce de créer, avec la Communauté, un espace économique européen.

Je pense par conséquent que les rôles respectifs des diverses organisations œuvrant en Europe sont assez clairs. Le Conseil de l’Europe de son côté voit son rôle se développer et se renforcer.

Puis-je rappeler simplement que le Comité des Ministres, lors de sa réunion de novembre dernier, a souligné la nécessité de continuer à développer le rôle du Conseil comme structure de rassemblement et de coopération de l’Europe d’aujourd’hui?

Il a rappelé que l’Organisation avait été conçue pour rassembler les peuples d’Europe autour de valeurs – démocratie pluraliste, droits de l’homme, État de droit – dont le respect est la première garantie de la stabilité et de la paix sur ce continent, et qu’elle constitue une structure d’accueil et de coopération directement disponible, dont les pays d’Europe centrale et orientale ont un besoin immédiat et pour laquelle ils manifestent leur vif intérêt.

J’ai mis l’accent, dans mon intervention, sur la mission paneuropéenne du Conseil de l’Europe qui s’est affirmée au sein de la communauté internationale et qui correspond parfaitement au potentiel de notre Organisation, à ses objectifs et à l’universalité de ses valeurs.

Les événements des dernières années ont prouvé qu’il était difficile de faire des prévisions à longue échéance et les politologues qui s’y sont risqués ont été dépassés par les événements qui ont bouleversé le continent européen. Toutefois, personnellement, je crois pouvoir partager l’opinion de ceux qui voient dans le Conseil de l’Europe le creuset d’une confédération européenne future.

Dans ce contexte, votre Assemblée aura bien entendu un rôle très significatif à jouer.

M. HUNAULT (France)

Ma question avait pour objet essentiel d’appeler l’attention de M. le Président en exercice du Comité des Ministres sur ce que j’appelle le «déficit institutionnel» de l’Europe. En effet, les institutions qui existent et dont il ne faut surtout pas minimiser l’importance et le rôle qu’elles ont joué jusqu’à maintenant ne sont pas adaptées aux exigences de l’évolution de l’Europe nouvelle.

C’est la raison pour laquelle je souhaitais que soit évoquée cette question institutionnelle pour que l’on puisse prendre des initiatives afin de doter l’Europe nouvelle d’institutions adaptées.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je répondrai en quelques mots à la seconde question de M. Hunault.

Les institutions ont été aussi surprises que chaque homme politique européen par l’accélération des événements en Europe. Néanmoins, elles ont pris conscience – cela me paraît essentiel – de la nécessité de coopérer entre elles. C’est en ce sens que nous entendons agir aujourd’hui.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci, Monsieur Hunault. Nous passons maintenant à la question n° 3, posée par Mme Grendelmeier. Cette question est ainsi rédigée:

«Mme Grendelmeier

Demande au Président du Comité des Ministres:

– s’il peut dire dans quel sens entend réagir le Comité des Ministres face à la nouvelle situation en Europe de l’Est (ancienne URSS);

– si le Conseil de l’Europe entend accepter la Communauté des États indépendants (CEI) en tant que telle, en tant qu’association, ou chaque État à titre individuel;

– en cas d’acceptation de chaque État à titre individuel, dans quelle mesure les États asiatiques de l’ex-URSS peuvent appartenir au Conseil de l’Europe;

– où cesse la frontière orientale de l’Europe et où se situe la frontière à l’intérieur de la Russie, laquelle est aux deux tiers asiatique.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

L’honorable parlementaire pose une série de questions extrêmement pertinentes en ce qui concerne les relations du Conseil de l’Europe avec ce qui fut l’URSS.

Il est vrai qu’avec la création de la Communauté des États indépendants (CEI) à Minsk le 8 décembre 1991, les accords d’Alma-Ata du 21 décembre 1991 et la disparition de l’ancienne Union Soviétique, la question des relations entre le Conseil de l’Europe et les pays qui succèdent à l’URSS se pose dans de nouveaux termes.

Les Délégués des Ministres ont entamé l’examen approfondi de cette question et ils le poursuivront la semaine prochaine. Je ne peux préjuger les résultats de celui-ci. Il est cependant clair que la Communauté des États indépendants n’est ni un État, ni une organisation internationale ayant des relations extérieures. L’expérience que j’ai vécue il y a deux jours à Davos en rencontrant tous les Présidents de l’ex-Union Soviétique le confirme clairement.

La question qui se pose est donc celle des relations entre le Conseil de l’Europe et les États individuels qui composent cette communauté.

On peut également constater que la Fédération de Russie a assuré la succession de l’ancienne URSS au Conseil de sécurité des Nations Unies, mais seulement là, d’une manière précise, et sans relation avec aucun autre accord.

En ce qui concerne les autres républiques membres de la Communauté des États indépendants, elles ont déjà été reconnues par un grand nombre, variable encore, d’États de la communauté internationale. Il appartiendra maintenant aux Délégués des Ministres de déterminer avec quels États établir des relations et quel type de relations.

Il ne m’appartient pas de préjuger du résultat de cet examen ou d’établir des critères géographiques ou autres. Cependant, il semble que nous pourrons bientôt autoriser Mme le Secrétaire Général à entamer des contacts avec les gouvernements de certaines républiques en vue de commencer la programmation et la mise en œuvre de projets choisis dans le cadre de la coopération et de l’assistance aux pays d’Europe centrale et orientale.

Mme GRENDELMEIER (Suisse) (traduction)

Monsieur le Président, je vous remercie de votre réponse, bien que vous ne m’ayez pas dit où s’arrête l’Europe, à l’est. C’est probablement une question qui n’a jamais été posée dans le passé. On ne s’est jamais soucié de savoir où s’arrêtait l’Europe à l’est. La Kirghizie, par exemple, en fait-elle partie?

Pour le reste, votre réponse m’amène à vous poser une nouvelle question. Si j’ai bien compris ce que vous venez de nous dire, le Conseil de l’Europe va connaître un notable élargissement. Est-on prêt en conséquence à doter le Secrétariat de moyens correspondants, car la masse de travail à fournir est d’ores et déjà considérable? Je ne pense pas qu’on puisse y faire face avec des effectifs inchangés.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je répondrai à l’honorable député, Mme Grendelmeier, que je ne connais pas aujourd’hui précisément de ministre, ni de député d’ailleurs, en Europe qui soit capable de définir d’une manière claire, juridiquement acceptable, internationalement reconnue, les frontières de l’Europe.

Il y a la traditionnelle limite de l’Oural.

Ce que je sais, par contre, c’est qu’indépendamment de la situation géographique dans un continent ou dans un autre, tous les pays qui forment la Communauté des États indépendants ont besoin d’aide, de contacts, et s’intéressent aux travaux de notre Organisation. Ce sera donc à nous, sur le plan internationale s’entend, de définir où sont les véritables frontières de l’Europe, en n’oubliant pas qu’un immense pays comme la Fédération de Russie dépasse largement celles-ci, tout en ayant une majorité de sa population de citoyenneté européenne. Voilà la difficulté.

Nous devons chercher maintenant d’autres moyens de coopération que, nécessairement, la définition de l’appartenance au continent. C’est un des principaux problèmes qui sont posés.

Quant aux moyens à disposition de l’administration et de notre Organisation, dans une certaine mesure, ils ont été trouvés à travers des voies budgétaires. Qu’ils soient insuffisants, c’est certain! Mais tous les moyens à disposition dans tous les pays, dans toutes les organisations, sont insuffisants pour répondre aux besoins des nouvelles républiques de l’Europe orientale et des nouvelles démocraties de l’Europe centrale.

Nous devons faire avec ces moyens. Le personnel de l’administration du Conseil de l’Europe a également reçu une légère augmentation.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la question n° 4, posée par M. Ruffy. Cette question est ainsi rédigée:

«M. Ruffy,

Considérant le rôle précieux que joue et que jouera, à juste titre à nos yeux, la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe dans l’Europe retrouvée,

Demande au Président du Comité des Ministres de préciser dans quels domaines plus particulièrement et selon quelles modalités la Conférence peut fournir les prestations qu’on attend d’elle.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je partage pleinement le point de vue de l’honorable parlementaire selon lequel la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe est appelée à jouer un rôle important dans le développement de la coopération avec les pays d’Europe centrale et de l’Est. La coopération au niveau intergouvernemental et au niveau parlementaire doit être complétée par le développement d’une coopération étroite entre les élus locaux et régionaux dans l’ensemble de l’Europe.

Depuis les changements intervenus dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, la CPLRE a largement montré qu’elle était en mesure d’apporter une contribution importante dans ce domaine. Parmi les différentes actions engagées à ce jour, on peut citer notamment les missions d’observateurs de la CPLRE qui se sont rendues dans plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est lors des élections locales.

La CPLRE a également contribué à la formation de responsables des collectivités locales et régionales de ces pays, et a invité des représentants élus à plusieurs séminaires et conférences organisés récemment.

En continuant d’associer le plus largement possible les élus locaux et régionaux à ses activités traditionnelles et au développement de ces programmes de formation, la CPLRÉ est amenée à apporter une contribution significative au développement de la démocratie au niveau des communes et des régions. La CPLRE contribue également à la mise en place et au développement des associations regroupant les collectivités locales et régionales dans ces pays.

Parmi les grands domaines d’action actuels de la CPLRE, on peut citer en particulier le projet de charte urbaine et la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale, ainsi que la coopération dans des secteurs spécifiques de la compétence des collectivités locales et régionales tels que l’éducation, la culture, les transports, le développement urbain, la sécurité et les questions de drogue dans les villes, la coopération entre des régions spécifiques, par exemple en Méditerranée, dans les régions frontalières, dans les régions insulaires ainsi que la coopération Nord-Sud.

Toutefois, cet important forum, créé en 1957, en tant que premier cadre de la coopération européenne entre représentants de collectivités locales, a besoin d’une réforme importante afin, d’une part, d’apporter à la CPLRE un rayonnement et un poids politiques accrus et, d’autre part, de la doter d’une véritable dimension régionale en y associant, si possible, les leaders politiques qui sont aujourd’hui à l’avant- garde de ce mouvement. Je sais que la tâche n’est pas simple et que votre Assemblée s’est prononcée l’an dernier sur les propositions faites dans ce domaine par la CPLRE.

Cette réforme d’une grande importance et qui mérite toute notre attention est depuis examinée par le Comité des Ministres. L’un des objectifs actuellement poursuivis est de permettre aux régions d’organiser leur coopération au niveau européen et de trouver une structure à cet effet.

Je peux confirmer à l’honorable parlementaire que l’Assemblée sera tenue informée des résultats de nos travaux et j’exprime le vœu que le Conseil de l’Europe qui avait fait œuvre de pionnier dans ce domaine pourra offrir un cadre parfaitement adéquat au développement d’une véritable coopération tant au niveau local ou municipal qu’au niveau régional.

La Suisse est, quant à elle, décidée à déployer des efforts importants pour mener cette réforme à bien dans les meilleurs délais.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

M. Ruffy, souhaitez-vous poser une question supplémentaire? Non. Nous en venons à la question n° 5, posée par M. Rehn.

Cette question est ainsi rédigée:

«M. Rehn,

Considérant que la Communauté européenne est actuellement le moteur politique de l’Europe, mais qu’elle ne recouvre pas la totalité de son territoire;

Conscient du fait que certains de nos problèmes communs sont clairement paneuropéens,

Demande au Président du Comité des Ministres quel type de rôle, selon lui, le Conseil de l’Europe pourrait jouer, à l’avenir, dans des domaines tels que la protection de l’environnement et la coordination des infrastructures en matière de télécommunications et de transport.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Comme le souligne l’honorable parlementaire, la protection de l’environnement et la coordination des grands axes de communication en Europe sont des questions qui débordent largement les douze pays de la Communauté européenne pour concerner l’Europe tout entière.

Les questions d’environnement sont traitées au Conseil de l’Europe sous l’angle particulier de la gestion de l’espace et du milieu naturel d’une part, dans le cadre d’un comité d’experts gouvernementaux, et, d’autre part, dans le cadre de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite Convention de Berne.

Tout en tenant compte de l’action des autres organisations internationales et européennes, le rôle du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’environnement naturel devrait se concrétiser dans le cadre de la Conférence paneuropéenne «Environnement pour l’Europe» qui se tiendra en Suisse fin 1992-début 1993 à la suite de la première conférence ministérielle qui a eu lieu à Prague en juin 1991.

A cet égard, je rappelle que mon pays a joué un rôle important pour permettre la fusion de l’initiative du Conseil de l’Europe d’organiser un forum paneuropéen sur l’environnement avec ce projet de deuxième conférence ministérielle. Le Conseil de l’Europe apportera une contribution au rapport sur l’état de l’environnement qui sera présenté lors de cette deuxième conférence ministérielle. Il pourrait ainsi affirmer son rôle au niveau européen en matière d’environnement naturel.

S’agissant des transports, je tiens à rappeler que le Conseil de l’Europe ne dispose pas d’activités spécifiques dans ce domaine dans son programme intergouvememental d’activités. La question des transports et particulièrement celle relative à la coordination des infrastructures ne sont abordées en tant que telles que dans le cadre de la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, et au sein de votre Assemblée.

Jusqu’à présent, le Comité des Ministres n’a jamais retenu les transports comme un secteur prioritaire de l’Organisation. Ces questions sont en effet traitées en particulier par la Communauté européenne, la Conférence européenne des ministres des Transports – la CEMT – ainsi que dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies. Votre Assemblée est d’ailleurs très informée de ces travaux et de ceux réalisés par la CEMT puisqu’un débat lui sera consacré lors de la présente session, en présence de M. Gelestathis, ministre des Transports et de la Communication de Grèce, président du Conseil de la CEMT.

Je tiens cependant à rappeler que, lors de la dernière réunion ministérielle du Comité des Ministres, certaines délégations ont préconisé d’étendre la compétence du Conseil de l’Europe au domaine des transports.

M. REHN (Finlande) (traduction)

Ma question est étroitement liée à celle posée par M. Hunault. Comme le rôle paneuropéen du Conseil de l’Europe est au cœur de la nouvelle architecture politique européenne, les pays européens ne devraient-ils pas s’efforcer de tracer les grandes lignes d’une telle confédération européenne fondée sur le Conseil de l’Europe à la prochaine réunion de suivi de la CSCE qui aura lieu prochainement à Helsinki? Entendez- vous promouvoir ce type de proposition et de procédure?

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Peut-être ai-je répondu trop brièvement à votre question, mais nous sommes sensibles à ce sujet au sein du Comité des Ministres. Je crois pouvoir répondre affirmativement quant à notre volonté d’avancer en la matière.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la question n° 6, posée par M. Rathbone. Cette question est ainsi rédigée:

«M. Rathbone

Demande au Président du Comité des Ministres:

– si le Comité, en plus de sa réponse à la Recommandation 1168 (1991), est également d’avis que son comité chargé d’améliorer la Charte sociale du Conseil de l’Europe devrait, au prochain stade de ses travaux, développer le potentiel de la Charte sur la base des propositions dont l’Assemblée a montré qu’elles étaient soutenues par l’ensemble de ses groupes politiques et de ses délégations nationales;

– s’il reconnaîtra la nécessité d’éviter toute approche par trop légaliste (qui serait étrangère à l’esprit original de la Charte), laquelle serait davantage de nature à diviser qu’à unir les vingt-six gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe, et que les perspectives de lui voir apporter des améliorations substantielles bien que limitées dans un proche avenir seraient ainsi minées, alors que l’urgence de ces améliorations va grandissant avec l’élargissement de notre Organisation.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

En réponse au premier volet de la question de M. Rathbone, je voudrais assurer l’honorable parlementaire – ainsi que cela a du reste déjà été fait par le Comité des Ministres dans sa réponse à la Recommandation 1168 de 1991 de l’Assemblée – que le Comité des Ministres entend prendre dûment en considération les contributions de l’Assemblée parlementaire dans le contexte des travaux de relance de la Charte sociale européenne, ainsi qu’il l’a fait jusqu’à présent.

Je rappelle à cet égard que dès le lendemain de la Conférence ministérielle informelle sur les droits de l’homme qui s’est tenue à Rome le 5 novembre 1990, des Représentants de l’Assemblée ont participé aux travaux du Comité pour la Charte sociale européenne. Cette participation de l’Assemblée va d’ailleurs se poursuivre dans le cadre de la poursuite des travaux dudit comité, dont le mandat vient d’être reconduit par le Comité des Ministres jusqu’en 1992.

Je rappelle également à quel point les premiers travaux de relance de la Charte ont été menés rapidement et ont abouti à l’adoption par le Comité des Ministres, dès le 16 octobre 1991, du projet de protocole portant amendement à la Charte sociale européenne, dont l’objet principal est de préciser les compétences respectives des organes de contrôle. Cette adoption a permis de conférer un relief particulier à la conférence ministérielle qui s’est tenue à Turin les 21 et 22 octobre 1991 à l’occasion de la commémoration du 30 e anniversaire de la Charte et qui a vu la signature de cet instrument par onze États membres, dont un sans réserve de ratification.

Cela me conduit tout naturellement à répondre au second volet de la question. L’honorable parlementaire voudra bien convenir avec moi que si le Comité des Ministres avait fait preuve d’un juridisme excessif, ces résultats importants n’auraient pas été atteints aussi rapidement.

Il va de soi – cela a été et cela demeurera l’approche constante du Comité des Ministres – que les travaux de relance de la Charte doivent être empreints de la nécessaire souplesse permettant à la fois d’augmenter le potentiel de cet instrument, d’associer tous les États membres et d’emporter leur adhésion, en particulier dans une période où, comme le souligne l’honorable parlementaire, la famille des pays démocratiques réunie au sein de notre Organisation s’agrandit. A cet égard, je voudrais faire observer que les nouveaux États membres participent pleinement aux travaux du Comité pour la Charte sociale européenne.

Je veux par ailleurs souligner que, dès le lendemain de la réunion ministérielle de Turin, le Comité des Ministres a repris à son compte les appels et recommandations formulés par les ministres à Turin, notamment en invitant les gouvernements des États membres à devenir Parties au protocole, de manière à le faire entrer en vigueur dès que possible.

Le Comité des Ministres a également demandé aux États parties à la Charte et aux organes de contrôle d’envisager l’application de certaines mesures prévues par ce protocole, avant même son entrée en vigueur, pour autant que le texte de la Charte le permette. Ce dernier appel atteste, s’il en était besoin, de la souplesse du Comité des Ministres sur cette question.

Je ne doute pas dès lors que toutes les questions, concernant tant la procédure de contrôle que le contenu matériel de la Charte, le projet de protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives ou encore les propositions d’amélioration du mécanisme de contrôle sans modification du texte de la Charte, dont le Comité pour la Charte sociale européenne poursuit dès à présent l’examen, seront traitées avec tout le pragmatisme nécessaire et que l’on parviendra à des décisions qui emporteront l’agrément de cette Assemblée.

M. RATHBONE (Royaume-Uni) (traduction)

Merci, Monsieur le Président. Merci, Monsieur le Président du Comité des Ministres de votre réponse. Il est visible que le devenir de la Charte sociale est en bonnes mains. Toutefois, il y a un élément que le Président n’a pas mentionné: le financement nécessaire à l’amélioration du mécanisme de contrôle de la Charte sociale. Compte tenu de ce qu’il a dit et de ce que M. Walesa a rappelé ce matin sur le caractère nécessairement contraignant de la Charte sociale au niveau paneuropéen, j’espère que lorsque l’on améliorera la procédure de rapport ou instaurera un système de recours collectif, les ministres voteront les fonds nécessaires.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, nombre de problèmes restent encore posés. Dans le cadre du budget de 1992, nous pourrons disposer de revenus supplémentaires pour favoriser la mise en œuvre de certains de ces mécanismes.

Voilà ce que je peux répondre actuellement à la question complémentaire qui m’a été posée.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la question n° 7, posée par M. König. Cette question est ainsi rédigée:

«M. König,

Se référant à la déclaration qu’il a faite en faveur de l’adhésion de la Suisse à la Communauté européenne,

Demande au Président du Comité des Ministres s’il peut dire quelle est l’attitude du Conseil fédéral de la Suisse à ce sujet et quelles en sont les conséquences vis-à-vis de la Communauté européenne et du Traité sur l’espace économique européen.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je répondrai à la question de M. König par une totale improvisation.

Le Conseil fédéral suisse, le Gouvernement de mon pays, a, le 22 octobre, expliqué très clairement sa position. Je la redéfinis ici pour ceux qui ne la connaîtraient pas, d’autant qu’elle a surpris nombre d’entre vous.

D’abord, le Gouvernement suisse a accepté le résultat des négociations aboutissant au Traité sur l’espace économique européen.

Ensuite, constatant que ce traité n’était pas totalement équilibré, en particulier dans le domaine institutionnel qui introduisait les relations entre les pays de l’AELE et la Communauté européenne, le Gouvernement suisse a considéré que si ce traité et l’Espace économique européen étaient une étape nécessaire, intéressante et enrichissante, cela devait conduire à l’adhésion de la Suisse à la Communauté européenne, tel devait être le but de sa politique d’intégration.

Telles sont les conséquences, puisque vous parlez de conséquences, Monsieur le député. Dans quelques années, la Communauté européenne comptera un membre supplémentaire.

M. Felber, Président de la Confédération suisse (traduction)

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Elle montre que la Suisse adopte en la matière une attitude comparable, voire tout à fait semblable à celle de l’Autriche. Mais la Suisse est, à ma connaissance, le seul État de l’AELE qui ait besoin d’un référendum, même pour ratifier le Traité sur l’espace économique européen qui est un traité multilatéral entre la Communauté économique européenne et l’AELE. Si le référendum donnait un résultat négatif, quelles en seraient les conséquences pour le traité?

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je ne suis pas prophète!

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je suis sûr que vous êtes honoré à ce titre dans votre pays. Nous en venons maintenant à la question n° 8, posée par M. Talay. Cette question est ainsi rédigée:

«M. Talay,

Considérant que, en octobre 1991, le Comité des Ministres a décidé de suspendre la coopération du Conseil de l’Europe avec les autorités yougoslaves;

Notant toutefois que le Conseil de l’Europe continue d’entretenir des contacts avec des citoyens yougoslaves, ainsi qu’avec des républiques yougoslaves non directement impliquées dans le conflit en cours dans ce pays, et de leur offrir son aide;

Considérant que, parmi ces républiques, après la Slovénie et la Croatie, la Macédoine a demandé à bénéficier du statut d’invité spécial auprès de l’Assemblée parlementaire,

Demande au Président du Comité des Ministres:

– si le Conseil de l’Europe compte offrir son aide à la République de Macédoine dans ses efforts pour renforcer ses institutions démocratiques;

– dans quels domaines le Conseil de l’Europe compte amorcer son aide à la République de Macédoine dans le cadre de ses programmes de coopération avec les pays d’Europe centrale et orientale;

– quels contacts le Conseil de l’Europe envisage de prendre avec les autorités macédoniennes en vue d’évaluer leurs besoins concernant une telle assistance.

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Ainsi que l’honorable parlementaire l’a lui-même fait observer, le Comité des Ministres a en effet décidé, le 8 octobre 1991, de suspendre la coopération avec les autorités yougoslaves.

Il est également vrai qu’en novembre 1991 les Délégués des Ministres ont autorisé le Secrétariat, dans le cadre du programme d’assistance et de coopération avec les pays d’Europe centrale et orientale, à poursuivre les contacts avec des particuliers et des organisations non gouvernementales en Yougoslavie.

Le 19 décembre dernier, tenant compte également des mesures positives prises par la Communauté européenne en faveur de certaines républiques, mais sans vouloir diminuer la portée politique de leur décision du 8 octobre, les Délégués des Ministres ont autorisé une coopération sélective et pragmatique avec certaines républiques yougoslaves.

Depuis lors, de nombreux États membres ont reconnu les Républiques de Slovénie et de Croatie, et, dès leur prochaine réunion qui se tiendra à partir du 10 février, les Délégués des Ministres se pencheront sur la question de la coopération avec ces républiques sur le plan intergouvernemental.

Je note par ailleurs que votre Assemblée, Monsieur le Président, vient d’octroyer le statut d’invité spécial à la Slovénie et que les demandes d’autres républiques, dont la Macédoine, sont encore à l’examen au sein de vos instances compétentes.

Il y a lieu de constater que la question de la reconnaissance de la Macédoine est encore floue.

M. TALAY (Turquie) (traduction)

Merci Monsieur le Président, merci Monsieur le ministre. Il est intéressant de noter que sur les quatre républiques yougoslaves qui ont déclaré leur indépendance, seules deux ont été reconnues par la plupart des pays européens. Quel sera le rôle du Conseil de l’Europe? Comment le Conseil de l’Europe peut-il contribuer à l’adoption d’une attitude impartiale face aux demandes de reconnaissance des deux autres républiques, à savoir la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine?

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, il me paraît essentiel de ne pas se tromper d’enceinte. Or, le Conseil de l’Europe n’est pas appelé à se prononcer sur la reconnaissance de telle ou telle république. Cela relève de la seule responsabilité des États de notre Organisation.

Nous considérons cependant qu’il est important que, lorsque la majorité, sinon la totalité, des États membres du Conseil de l’Europe a reconnu une république particulière, quelle qu’elle soit d’ailleurs, on permette au Conseil de l’Europe de tenter d’établir des relations avec cette république.

C’est la seule réponse que je peux actuellement vous donner. Le débat politique général quant à la reconnaissance d’autres États ne peut se dérouler qu’au sein du Comité des Ministres, et sur un plan très général. Il ne peut aboutir à une décision du Conseil de l’Europe. Ce débat aura d’ailleurs certainement lieu, comme cela fut déjà le cas au sein de la Communauté européenne et dans d’autres enceintes.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous passons maintenant à la question n° 9, posée par M. Seiler. Cette question est ainsi rédigée:

«M. Seiler,

Gardant à l’esprit que, à l’automne 1991, nous avons invité le Comité des Ministres, par notre Recommandation 1167, à organiser une conférence paneuropéenne en vue de trouver des solutions à la situation alimentaire alarmante des pays d’Europe orientale, mais que pratiquement rien n’a été fait jusqu’ici,

Demande au Président du Comité des Ministres ce que le Comité des Ministres compte entreprendre à ce sujet dans le proche avenir.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je tiens à souligner que notre Organisation a consenti des efforts considérables en matière d’assistance aux pays d’Europe centrale et orientale, et ce dans des domaines où elle possède une compétence particulière et reconnue, notamment la promotion des droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. Le Conseil de l’Europe a également fourni une assistance ponctuelle en matière de santé et d’éducation. Les crédits affectés à cette assistance ont été doublés en 1992 par rapport à 1991.

En revanche, et bien que le domaine évoqué par l’honorable parlementaire doive retenir toute notre attention, il convient de constater que le Conseil de l’Europe ne possède pas l’infrastructure lui permettant de mener à bien une aide en matière alimentaire et que de nombreuses autres organisations, telles que la Communauté européenne et le G24, ainsi que de nombreux États, bilatéralement, sont actifs dans ce domaine.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

M. Seiler, souhaitez-vous poser une question supplémentaire? Je vois que ce n’est pas le cas. Nous passons à la question n° 10, posée par M. Akarcali.

Cette question est ainsi rédigée:

«M. Akarcali,

Considérant que le Conseil de l’Europe est le berceau de la civilisation, de la démocratie et des droits de l’homme, et à partir de là le centre de participation des citoyens à la vie politique;

Considérant également qu’aucune discrimination ne doit être effectuée à l’encontre de la jouissance de ce droit;

Considérant que les citoyens turcs, compte tenu des rigueurs imposées par la France pour l’obtention des visas, ne bénéficient nullement de ce droit, même ceux qui vivent dans les pays limitrophes de la France pour suivre les sessions plénières de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe;

Considérant que cette situation est incompatible avec les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe,

Demande au Président du Comité des Ministres s’il envisage de prendre l’initiative de faire discuter cette question par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je tiens d’abord à souligner que le Comité des Ministres défend toujours le principe de la suppression de l’obligation de visas entre tous les États membres du Conseil de l’Europe, principe consacré par l’accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe, ratifié par treize États membres.

Je me rends bien compte qu’une telle affirmation peut sembler peu satisfaisante à l’honorable parlementaire qui représente un pays dont les ressortissants sont souvent obligés d’avoir des visas s’ils veulent se rendre dans d’autres États membres. Cela est vrai non seulement pour le pays hôte de notre Organisation – et je tiens à profiter de l’occasion pour rendre hommage à la générosité et à l’efficacité avec lesquelles les autorités françaises ont toujours rempli leur rôle d’hôtes du Conseil de l’Europe – mais aussi pour d’autres pays comme le mien. La dernière fois que nous avons évoqué cette question au sein du Comité des Ministres, les représentants des délégations des pays concernés ont exposé les raisons qui les ont obligés à recourir à de telles mesures de contrôle. Certains d’entre eux ont toutefois précisé que ces mesures étaient une réaction face à des circonstances exceptionnelles et j’espère qu’elles pourront être supprimées dès que possible.

Pour en venir au groupe particulier de personnes que vous évoquez, à savoir les ressortissants turcs qui souhaitent assister aux débats de l’Assemblée parlementaire, j’éprouve la plus grande sympathie pour ce souhait. Bien entendu, il est très difficile d’adopter des règles générales concernant les personnes autorisées à entrer dans un pays déterminé qui tiennent compte de toutes les raisons justifiées possibles pour lesquelles elles désirent entrer dans ce pays. A la connaissance du Comité des Ministres, aucun ressortissant turc ayant exprimé le souhait d’assister aux débats de l’Assemblée ne s’est vu refuser le droit d’entrer en France.

Néanmoins, je le répète, nous reconnaissons le bien-fondé de votre souci.

M. AKARCALI (Turquie)

J’aimerais simplement ajouter qu’il est difficile même pour un citoyen normal d’obtenir le bulletin nécessaire à l’obtention d’un visa. Je voulais le souligner à titre d’information.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je n’ai ni la compétence ni la possibilité de résoudre ce problème. Il s’agit avant tout de relations bilatérales. Certes, j’en prends note et, le cas échéant, nous pourrons soumettre ce problème au Comité des Ministres.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons maintenant à la question n° 11, posée par M. GÜL. Cette question est ainsi rédigée:

«M. Gül,

Rappelant que le peuple algérien a tenu ses premières élections générales libres et pluralistes pour choisir ses représentants démocratiques;

Rappelant également que ce processus démocratique et l’expression de la libre volonté du peuple algérien ont tous deux été stoppés par une intervention militaire violente;

Gardant à l’esprit que le Conseil de l’Europe est une Organisation essentiellement soucieuse des droits de l’homme et de la démocratie, et préoccupée de toute violation du droit à l’autodétermination des peuples, même hors d’Europe,

Demande au Comité des Ministres:

– pourquoi le Conseil de l’Europe a gardé le silence à cette occasion, silence qui constituait une approbation implicite de l’intervention militaire;

– si le Conseil de l’Europe appuie les élections libres et la démocratie, ou si nous devons nous abstenir de réagir lorsque les interventions militaires ou les juntes nous conviennent;

– quelles mesures le Conseil de l’Europe compte prendre pour relancer le processus démocratique en Algérie.»

La parole est à M. le Président du Comité des Ministres.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je ne peux que confirmer à M. Gül que le Comité des Ministres n’a pas, jusqu’à ce jour, discuté des événements récents en Algérie. Je constate que votre Assemblée n’a pas non plus pris position sur ceux-ci.

Cela ne signifie pas que nous nous désintéressons de la situation dans ce pays. Au contraire, nos gouvernements suivent de près les développements en Algérie et plusieurs d’entre eux se sont exprimés sur cette question.

Personnellement, j’exprime le ferme espoir que les autorités algériennes entreprendront tous les efforts possibles pour un retour à une vie institutionnelle normale et pour qu’un dialogue pacifique entre les parties concernées puisse se tenir afin de poursuivre le processus démocratique qui avait été engagé.

M. GÜL (Turquie) (traduction)

Merci Monsieur le Président, merci Monsieur le ministre. Je pense que c’est ainsi que nous pouvons préserver notre crédibilité et guider les pays qui luttent pour la démocratie. Merci beaucoup.

M. Felber, Président de la Confédération suisse

Je ne vais pas ouvrir un débat politique sur les récents événements intervenus en Algérie puisque votre Assemblée a décidé d’en parler au cours de cette session.

Je répète simplement que le Comité des Ministres sera certainement, lui aussi, appelé à discuter de ce problème. Qui ne l’a pas fait? Je ne puis donc, en aucun cas, me prononcer en son nom.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Au nom de l’Assemblée, permettez-moi, Monsieur Felber, de vous remercier de vos réponses claires et concises. Nous vous en sommes reconnaissants et vous remercions du travail que vous accomplissez. Nous espérons que la coopération entre les ministres et l’Assemblée continuera de porter ses fruits. Merci beaucoup.