Ljubco

Georgievski

Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine »

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 23 juin 1999

M. Ljubco GEORGIEVSKI (Premier ministre de «l’ex-République yougoslave de Macédoine») considère comme un grand honneur d’être invité à parler dans un des berceaux de la démocratie. A l’approche de son cinquantième anniversaire, le Conseil de l’Europe peut se flatter d’être resté fidèle aux principes qui ont présidé à sa création: il a été à l’origine d’un grand nombre de conventions, en particulier de la Convention européenne des Droits de l’Homme, et de l’institution d’une Cour qui est l’un des principaux acquis de l’intégration européenne. Tout récemment encore, il a installé un commissaire aux droits de l’homme dans lequel la Macédoine place beaucoup d’espoir.

La dernière décennie du siècle a été celle de grands changements. Cependant, la démocratie, la sécurité, le respect des droits de l’homme continuent d’être mis à rude épreuve, ne serait-ce que par la crise que vient de connaître l’Europe du Sud-Est. Dans cette dernière circonstance, la République de Macédoine s’est constamment prononcée pour une solution politique pacifique, qui supposait selon elle une autonomie aussi large que possible du Kosovo au sein de la République fédérale de Yougoslavie. Elle a accueilli les forces de paix de l’Otan sur son territoire, ainsi que plusieurs ONG et la Commission de vérification de l’OSCE.

Surtout, elle a dû recevoir plus de 360 000 réfugiés, soit à peu près 18 % de sa population; 250 000 se trouvent encore dans le pays. Toutes ces personnes ont été aidées du mieux qu’il était possible, les Macédoniens faisant preuve d’une très grande solidarité en dépit de moyens limités. On peut même faire état d’un certain succès, qui aurait pu être encore plus grand si la communauté internationale avait réagi plus rapidement et plus énergiquement.

Il reste que la situation économique du pays est particulièrement difficile. Les dommages directs de la crise se montent à 660 millions de dollars, les dommages indirects restant à évaluer. Le chômage touche 40 % de la population active. Les citoyens, qui ont fait preuve d’un très grand esprit d’humanité et de solidarité, ont su également résister aux facteurs de déstabilisation mais, pour la troisième fois en dix ans, le développement de la Macédoine se trouve bloqué, du fait d’un fardeau qui serait excessif même pour un pays plus grand.

Les autorités nationales ont donc demandé l’organisation d’une conférence des bailleurs de fonds en vue de compenser les dommages et de partager la charge. Le gouvernement est très satisfait de l’aide financière apportée par la communauté internationale, mais il souhaite que ce soutien se poursuive afin de surmonter au plus vite les conséquences de la crise. A ce propos, le Premier ministre tient à remercier le Fonds de développement social pour les 2 millions de dollars accordés à son pays.

Jusqu’au début du XXe siècle, les Balkans ont été le lieu où s’affrontaient les intérêts de trois empires: l’Empire austro-hongrois, la Russie et l’Empire ottoman. Pendant la guerre froide, la région était partagée entre trois groupes de deux pays: la Turquie et la Grèce qui appartenaient à l’Otan, la Bulgarie et la Roumanie qui étaient dans le Pacte de Varsovie, la République de Yougoslavie et l’Albanie qui ne relevaient d’aucune alliance. Tout cela ne laissait à la région aucune chance de s’unir ni de s’intégrer à l’Europe.

A la fin de la guerre froide, alors que les pays d’Europe centrale étaient préparés à l’intégration dans les organisations euro-atlantiques, ceux du Sud-Est n’ont pu bénéficier des mêmes atouts, certains d’entre eux s’étant engagés sur la voie du nationalisme. L’Union européenne n’est pas parvenue à arrêter cette évolution dangereuse. A certains moments, on a même eu le sentiment qu’elle abandonnait totalement la région à son sort, comme une zone vouée à l’instabilité.

Pour sa part, la Macédoine est résolue à promouvoir la paix et à développer la coopération régionale. Elle s’est donc associée à plusieurs initiatives destinées à renforcer la collaboration en matière de transports ou de défense. Ce travail d’intégration lui permet de placer de grands espoirs dans le pacte de stabilité: il importe que les organisations régionales et le Conseil de l’Europe lui-même œuvrent à une stabilisation définitive de la région, préalable à l’intégration dans les organisations euro-atlantiques.

Le Premier ministre lance donc un appel à une plus grande coopération, dans un esprit de complémentarité. Il insiste pour que soient mis en œuvre au plus vite les éléments du deuxième volet du pacte de stabilité, ceux qui ont trait au développement économique et à la reconstruction. Il espère qu’à côté de l’Union européenne et de l’OSCE le Conseil pourra apporter une contribution maximale aux objectifs communs, conformément à la déclaration adoptée par le Comité des Ministres le mois dernier.

M. Georgievski en profite pour se déclarer en faveur de la création d’un centre eurobalkanique de la jeunesse, qui pourrait avoir son siège en Macédoine, et qui serait consacré à la tolérance et à la compréhension entre les cultures. Si l’ensemble de la région du sud-est de l’Europe veut aller sur la voie de la prospérité et retrouver une espérance, elle ne doit plus ni perdre de temps ni se contenter de suivre passivement les événements. L’orateur se félicite des efforts du G8, de l’OSCE, de l’Union européenne, des Etats-Unis et de l’Otan, qui ont permis de trouver un début de solution à la crise du Kosovo, et il lance un appel pour la mise en œuvre rapide de la résolution du Conseil de sécurité sur le retour des réfugiés.

Il faut espérer que la crise qui vient d’avoir lieu sera la dernière dans les Balkans; il faut en tout cas tout faire pour éviter qu’elle ne se reproduise.

L’importance du travail d’une organisation internationale et sa survie même dépendent de sa capacité à s’adapter aux besoins et de son aptitude à trouver des solutions pratiques. L’orateur est persuadé que, par ses méthodes et son organisation, le Conseil de l’Europe est déjà prêt à relever les nouveaux défis qui se présenteront, et il salue le travail engagé par le Comité des sages. Le Conseil doit contribuer à la promotion des valeurs démocratiques et des droits de l’homme: la réussite de ce dessein dépend largement de la volonté qu’a chaque pays d’œuvrer en ce sens. La Macédoine, pour sa part, y est prête.