LE PRÉSIDENT (traduction)
Merci beaucoup,
Monsieur Georgievski, pour ce discours très intéressant et très
instructif. Vous avez aimablement accepté de répondre aux questions
des parlementaires. Dix-sept membres de l’Assemblée ont exprimé
le désir de vous poser une question. Je leur rappelle qu’ils disposent,
pour ce faire, de très exactement trente secondes; il s’agit, en
effet, de poser des questions et non de faire des discours.
Afin de permettre au plus grand nombre de parlementaires –
tous, je l’espère – de s’exprimer, je propose de ne pas autoriser
de question supplémentaire et de regrouper les questions par thème.
Le premier groupe de questions émane de MM. Kirilov, Obuljen et
Weiss. La parole est à M. Kirilov.
M. KIRILOV (Bulgarie) (traduction)
J’aimerais en
premier lieu dire la satisfaction que j’éprouve de voir que les
efforts déployés par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et
la Bulgarie ont permis de créer les conditions nécessaires au développement
de la coopération bilatérale et des relations de bon voisinage.
«L’ex-République yougoslave de Macédoine», qui est un Etat récent,
a fait la preuve de sa maturité au cours du conflit en Yougoslavie,
accueillant à la fois un nombre important de réfugiés et des troupes
de l’Otan. Vous avez déclaré à maintes reprises que la Macédoine
ne souhaitait pas que son territoire et son espace aérien soient
utilisés pour faciliter les frappes de l’Otan contre la Yougoslavie.
J’aimerais en connaître la raison.
M. OBULJEN (Croatie) (traduction)
Chacun sait que
votre pays a accueilli près de 250 000 réfugiés du Kosovo, ce qui représente
près de 12 % de sa population. La Croatie a connu une situation
semblable fin 1992; à cette époque, en effet, 700 000 personnes
ayant fui le régime de Belgrade y avaient trouvé refuge. C’est pourquoi je
comprends fort bien les problèmes auxquels vous devez faire face.
J’aimerais savoir, d’une part, quels sont les plus importants et,
de l’autre, comment la communauté internationale peut vous aider
à sortir de cette crise le plus rapidement possible.
M. Peter WEISS (Slovaquie) (traduction)
Il y a un mois,
je me suis rendu dans votre pays, que je tiens ici à remercier pour
tous les efforts qu’il déploie pour venir en aide aux réfugiés.
J’aimerais savoir comment, à votre avis, la communauté internationale
peut vous aider à surmonter le plus rapidement et le plus efficacement
possible les conséquences de la crise au Kosovo. J’aimerais également
savoir à combien vous estimez le nombre de réfugiés qui ne retourneront
pas au Kosovo et quelles en seraient les conséquences sur le développement politique
interne de votre pays.
M. Georgievski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)
rappelle
que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a accueilli 16 000
soldats de l’Otan, ce qui a conduit la Yougoslavie à l’accuser d’agression
et de provocation. Elle a cependant admis que cette présence pouvait encore
s’accroître. En même temps, par la voix de son parlement, elle a
décidé que son territoire et son espace aérien ne pouvaient être
utilisés à des fins militaires. Elle n’était pas seule dans ce cas
puisque tous les pays de la région ont eu la même attitude, qu’il
s’agisse de pays comme la Bulgarie et la Macédoine qui ne sont pas membres
de l’Otan, ou de pays comme la Grèce et la Hongrie, qui appartiennent,
eux, à l’Alliance.
Quelle aide la communauté peut-elle apporter? «L’ex-République
yougoslave de Macédoine» doit faire face à de graves problèmes économiques
du fait de la présence de très nombreux réfugiés et elle a subi
des pertes directes du fait de la guerre. Elle a donc besoin d’une
assistance économique, et souhaite surtout que le pacte de stabilité
soit mis en œuvre rapidement. Ce texte, M. Georgievski l’a dit à
plusieurs reprises, ne doit pas rester lettre morte. Les engagements
pris doivent être respectés, sinon tout est à redouter.
Combien de réfugiés seront tentés de rester dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine»? Si les programmes d’aide économique sont
satisfaisants et si les conditions politiques d’un retour sont réunies,
le problème restera mineur, même s’il y aura beaucoup à faire au
niveau du logement et des écoles. On peut espérer qu’aucun réfugié
ne restera dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine», mais
il faut savoir que nombre d’entre eux, d’origine albanaise, viennent
du sud de la Serbie. Or l’accord signé ne concerne que les réfugiés
du Kosovo. Il faut continuer à faire pression sur le Gouvernement
de Belgrade pour qu’il assure le retour de tous les réfugiés.
LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous remercie.
Les questions suivantes émanent de M. Lopez Henares, Mme Squarcialupi
et M. Saglam. Si vous voulez bien vous abstenir de faire des déclarations...
La parole est à M. Lopez Henares.
M. LOPEZ HENARES (Espagne) (interprétation)
demande si la
Macédoine, république multiethnique, a une politique éducative qui
favorise la coexistence loyale des différentes ethnies.
Mme SQUARCIALUPI (Italie) (traduction)
Comme vous l’avez
déjà expliqué, Monsieur Georgievski, votre pays a accepté d’accueillir
les contingents militaires de l’Otan ainsi que les réfugiés du Kosovo,
même si, parfois, il y a eu des manifestations de rejet qui ont
créé des tensions.
Ma question est la suivante: compte tenu des rapports historiques
de votre pays avec la Serbie et de la présence d’une importante
communauté serbe sur le territoire national, ne craignez-vous pas
que, tôt ou tard, votre pays doive payer le prix de cette collaboration?
M. SAGLAM (Turquie) (traduction)
Monsieur le Premier
ministre, je tiens en premier lieu à souligner que l’attitude de votre
pays force l’admiration. Compte tenu de ses moyens fort limités,
la Macédoine a accompli un travail remarquable en faveur des réfugiés
du Kosovo. J’aimerais savoir si, à votre avis, la communauté internationale vous
a apporté une aide suffisante. J’aimerais également savoir comment
vous appréciez l’aide fournie par la Turquie.
M. Georgievski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)
répond
que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» est un des pays qui
respecte le plus les droits des minorités et il est prêt à soutenir
tout projet du Conseil de l’Europe qui étudierait les normes macédoniennes
en la matière, normes qui répondent au standard européen. S’agissant
de l’éducation, il indique que les minorités ethniques ont droit
à un enseignement dans leur langue maternelle, du jardin d’enfants
à la terminale. En fait, les adolescents de ces minorités n’ont
que deux heures de macédonien par semaine et ont davantage de cours en
anglais. L’enseignement universitaire fait également l’objet de
mesures en faveur des minorités, mais il faut savoir que, à ce niveau,
un tel enseignement représente une très lourde charge.
En ce qui concerne les relations avec la Serbie, M. Georgievski
rappelle que son pays a entretenu des relations complexes avec son
voisin: il a été pendant quatre-vingts ans une colonie de celui-ci.
Actuellement des problèmes se posent encore quant au tracé de la
frontière, et il y a lieu de craindre pour l’avenir si la Serbie
ne se donne pas un régime démocratique. Des difficultés étaient
déjà apparues un mois avant la guerre, Belgrade ayant augmenté considérablement
les taxes dues pour le passage des camions. Or, la Macédoine est
obligée de passer par le territoire de son voisin pour ses relations
terrestres avec l’Europe de l’Ouest. C’est pourquoi elle aimerait
qu’une solution soit rapidement trouvée.
La troisième question portait sur les modalités de l’aide
internationale à «l’ex-République yougoslave de Macédoine». Le gouvernement
est pleinement satisfait de l’aide apportée aux réfugiés kosovars
qui, après un délai initial, s’est normalisée. Pour ce qui est de
la contribution aux frais que le pays a supportés, les choses sont
beaucoup moins satisfaisantes et le gouvernement multiplie les efforts
pour obtenir les compensations qui s’imposent. Ainsi, les autorités
avaient décidé que les 150 000 réfugiés kosovars accueillis chez
l’habitant auraient droit à des soins médicaux gratuits. Dans le
même temps, plus de 170000 Macédoniens n’ont pu percevoir de rémunération
pendant les trois mois qu’a duré le conflit mais, paradoxalement,
ils ne pouvaient prétendre à la gratuité des soins, ce qui a créé
des tensions compréhensibles. L’aide occidentale, indispensable,
devrait permettre de normaliser la situation.
Le gouvernement se félicite en tout cas de l’aide qui lui
a été apportée par la Turquie, qui a été l’un des premiers Etats
à réagir.
LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous remercie.
Je constate que M. Ivanov est absent. La parole est donc à MM. Behrendt
et Dokle, pour poser les deux questions suivantes.
M. BEHRENDT (Allemagne) (traduction)
On sait que
la Commission de l’Union européenne a proposé aux pays voisins du
Kosovo de conclure un pacte de stabilité et d’association, afin
de leur ouvrir des perspectives de rapprochement avec l’Union européenne.
En tant que chef de la délégation allemande, je me félicite tout particulièrement
de ce que cette offre ait vu le jour à la suite d’une coopération
menée avec le soutien actif de la présidence allemande. Cette initiative
ouvre une perspective qui tient dûment compte des charges particulières
qui pèsent sur la région.
Dans ce contexte, j’aimerais vous demander, Monsieur le Premier
ministre, si vous pensez qu’il serait souhaitable que, dans le cadre
du pacte de stabilité, le Conseil de l’Europe mette à votre disposition
ses programmes spécifiques et son expérience en matière de démocratie,
de prééminence du droit et de société civile pour vous aider à satisfaire
aux conditions d’adhésion définies à Copenhague et, partant, à accélérer
le processus de rapprochement de votre pays avec l’Union européenne.
M. DOKLE (Albanie) (interprétation)
sachant que M. Georgievski
a rencontré M. Thaçi, lui demande comment il envisage les relations
entre son pays et le signataire des accords de Rambouillet au nom
de l’UCK.
M. Georgievski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)
répond
à M. Behrendt que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a toujours
souhaité intégrer les institutions européennes et l’Alliance atlantique.
Le seul point positif du conflit au Kosovo est qu’il aura permis
de clarifier définitivement les choses à ce sujet, ce dont l’orateur
se félicite. Il y a deux jours, la commission compétente de l’Union
européenne a recommandé que des négociations s’engagent en vue d’un
accord d’association avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
et la présidence allemande de l’Union a ouvert de nouvelles perspectives
de coopération avec les pays de la région. M. Georgievski se félicite
de ces nouvelles initiatives, que son gouvernement entend traduire
dans les faits au plus vite. La mise en œuvre du Pacte de stabilité
pour l’Europe du Sud-Est devrait avoir pour effet que le conflit
du Kosovo entre dans l’Histoire comme la dernière guerre des Balkans,
région enfin devenue réellement européenne.
Répondant à M. Dokle, M. Georgievski rappelle que l’accord
de paix prévoit l’octroi d’une large autonomie au Kosovo. Il est
donc compréhensible que la Macédoine, pays voisin, souhaite engager
une coopération efficace avec les nouvelles autorités. D’ailleurs,
le retour rapide des réfugiés dans leurs foyers ne pourra se faire qu’avec
la collaboration du Gouvernement kosovar provisoire. Enfin, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» souhaite participer, autant qu’elle I le
peut, à la reconstruction de la province, en fonction des programmes
qu’auront définis les nouvelles autorités. Il est donc nécessaire
qu’une coopération permanente s’instaure entre les deux administrations
dans les meilleurs délais. Tout cela explique les relations engagées, sans
états d’âme, avec M. Thaçi.
Mme POPTODOROVA (Bulgarie) (traduction)
La stabilité
politique et économique à long terme de «l’ex-République yougoslave
de Macédoine» est la clé de la stabilité de la région en faveur
de laquelle mon pays, la Bulgarie, ne cesse de travailler. J’aimerais
savoir dans quelle mesure votre pays pourra préserver sa stabilité
politique à long terme. Quelles mesures spécifiques conviendra-t-il
de prendre, d’une part, dans le domaine politique, et, de l’autre,
pour favoriser le retour des réfugiés – condition préalable à la
stabilité?
M. SOLÉ TURA (Espagne) (traduction)
Monsieur le Premier
ministre, pensez-vous que le moment soit venu, pour les organisations
internationales et notamment pour le Conseil de l’Europe, de reconnaître
le véritable nom de votre pays, qui est «République de Macédoine»
et non «l’ex-République yougoslave de Macédoine»? Que devons-nous
faire?
M. TOSHEV (Bulgarie) (traduction)
Monsieur le
Premier ministre, permettez-moi de vous féliciter, d’une part, pour
le rôle qu’a joué votre pays au cours du conflit et, de l’autre,
pour sa politique en faveur du renforcement de la coopération entre
les pays de l’Europe du Sud-Est.
Ma question porte sur un sujet un peu particulier. On sait
que certains livres en langue bulgare, y compris des ouvrages de
mathématiques ou traduits d’autres langues européennes, ont été
confisqués soit aux frontières de votre pays soit au domicile de
citoyens macédoniens. Les cas de confiscation se sont multipliés
au cours de la campagne électorale de l’année dernière. Les incidents
ont cessé lorsque votre coalition est arrivée au pouvoir. J’aimerais
savoir si votre gouvernement compte procéder aux changements législatifs
qui permettront d’assurer la libre diffusion des ouvrages en langue
bulgare sur le territoire macédonien.
M. Georgievski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)
dit
placer les plus grands espoirs dans le pacte de stabilité, dont
les dispositions visent à garantir à la fois la démocratisation et
le développement économique, qui doivent en effet aller de pair
si l’on veut éviter qu’une nouvelle crise ne s’ouvre dans cinq ans.
Comment peut-on se satisfaire du fait qu’il n’existe pas d’autoroute
entre l’Albanie et «L’ ex-République yougoslave de Macédoine»? Comment
imaginer sérieusement, dans ces conditions, développer les relations
commerciales régionales? Il n’y a pas d’axe de communication digne
de ce nom dans les Balkans, et la liste des infrastructures qui
manquent donne le vertige. Participer à leur édification permettrait sans
aucun doute de multiplier les échanges régionaux et internationaux.
Quant aux réfugiés, ils ne rentreront que s’ils peuvent prétendre
à un avenir stable. C’est dire que la démocratisation ne suffit
pas: elle doit être assortie du développement économique.
Répondant à M. Solé Tura, M. Georgievski se dit heureux du
soutien que ce dernier vient de manifester à son pays. Cependant,
depuis l’installation du nouveau gouvernement dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», les relations avec la Grèce se sont améliorées
au point qu’on peut désormais les qualifier d’amicales sans crainte
d’être démenti. De nouvelles perspectives économiques se sont ouvertes,
qui font intervenir des entreprises grecques. Dans ce contexte,
la question du nom de la Macédoine devrait trouver une solution
dans le cadre du pacte de stabilité.
Répondant à M. Toshev, M. Georgievski explique que, jusqu’à
une date récente, la législation macédonienne interdisait l’accès
aux publications écrites en bulgare. Ces dispositions ont été annulées
et, depuis trois mois, la coopération se développe entre la Bulgarie
et la Macédoine, et les quelques obstacles qui subsistent seront sans
aucun doute surmontés. On peut donc s’attendre à ce que des centres
culturels soient établis dans les deux pays.
LE PRÉSIDENT (traduction)
J’ai bien
peur que nous ne puissions entendre les cinq questions suivantes,
car il nous faut lever la séance dans une minute. J’espère que les
parlementaires concernés voudront bien m’excuser de devoir interrompre
ici notre dialogue.
Je remercie M. Georgievski d’avoir répondu aux questions des
parlementaires et pour les observations qu’il a formulées.