Nikola

Gruevski

Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine »

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 7 octobre 2010

C’est pour moi un immense plaisir et un grand honneur que de prendre la parole devant vous alors que «l’ex‑République yougoslave de Macédoine» assure la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Présider aux travaux de l’instance exécutive de la plus ancienne organisation politique d’Europe constitue une grande responsabilité, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’une première pour notre pays, devenu membre du Conseil de l'Europe il y a quinze ans.

Chaque présidence s’emploie à assurer une continuité dans les travaux du Conseil de l'Europe et à ajouter ainsi sa contribution à l’œuvre accomplie par ses prédécesseurs, tout en laissant derrière elle des résultats tangibles qui seront autant de fondations sur lesquelles la présidence suivante pourra asseoir ses priorités. C’est ainsi que l’on assure la cohérence des travaux du Comité des Ministres et c’est précisément à cette fin que mon pays se concentre sur l’accomplissement de la mission clé de notre organisation: la protection des droits de l’homme, le renforcement de la démocratie et le renforcement de la primauté du droit.

Notre objectif fondamental n’est pas seulement de suivre les traces de nos brillants prédécesseurs, mais aussi de marquer les travaux du Conseil de l'Europe de notre spécificité. Nous souhaitons avant tout développer une société européenne multiculturelle et placée sous le signe de l’inclusion.

En tant que membre du Conseil de l'Europe, mon pays a démontré qu’il accepte le principe de l’Etat de droit. Il faut toujours garantir les libertés fondamentales. La présidence du Comité des Ministres a valeur aujourd’hui de symbole. Elle intervient en effet au moment de la célébration du 60anniversaire de l’adoption de la Convention européenne des droits de l’homme. Nous souhaitons tout mettre en œuvre pour renforcer cet instrument de protection des droits de l’homme et lui donner plus d’efficacité. Cet instrument juridique si important du Conseil de l'Europe a été le point de départ qui a permis à mon pays de fixer ses priorités.

Permettez‑moi de saisir cette occasion pour vous indiquer une nouvelle fois quels sont les objectifs prioritaires de la présidence macédonienne. Ces objectifs doivent contribuer à la stabilité démocratique de l’Europe. Nos priorités sont: une plus grande cohésion sociale grâce au respect des droits sociaux; une Europe fondée sur l’intégration des minorités nationales au sein de la société; la promotion du dialogue interreligieux et interculturel; une participation active de la jeunesse dans les processus démocratique et dans la conception des politiques.

La paix, la stabilité et la démocratie sont les pierres angulaires de relations interethniques harmonieuses, placées sous le signe d’une compréhension mutuelle et du respect des libertés et des droits fondamentaux. Construire une société multiculturelle est l’une des questions politiques les plus complexes et les plus sensibles de notre époque. Elle constitue une véritable gageure pour toutes les sociétés démocratiques.

Le Conseil de l'Europe a prouvé sa volonté politique de faire respecter les valeurs universelles qui sous‑tendent une société stable et équitable, capable de garantir la liberté d’expression et le respect des différences. Obtenir une union toujours plus étroite entre les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe tout en veillant au respect des droits de l’homme, des valeurs démocratiques et de l’Etat de droit, voilà ce que nous devons atteindre.

La République de Macédoine respecte les recommandations européennes et poursuit son développement conformément aux valeurs du Conseil de l'Europe: la paix, la stabilité, la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit.

Les droits de l’homme et leur protection sont l’un des trois piliers du Conseil de l’Europe. Les deux autres sont le renforcement de la démocratie et l’Etat de droit.

La Macédoine, en promouvant ce modèle de démocratie qui favorise l’inclusion, peut contribuer à l’avènement de ces valeurs. Respecter la coexistence culturelle et ethnique fait partie de notre tradition qui s’est construite au fil des siècles et qui peut servir de modèle pour l’avenir.

Face aux circonstances économiques actuelles, bien délicates, l’Europe doit réagir et la présidence macédonienne estime important de continuer à assurer le maintien du système de protection des droits de l’homme. Nous sommes convaincus que c’est par le plein respect de la Convention à l’échelon national et de l’organisation que ce sera possible.

La stabilité démocratique s’appuie sur le respect des droits de l’homme, dont des droits sociaux. À cet égard, la présidence macédonienne a porté une attention toute particulière à la mise en œuvre adéquate du principe de solidarité et au renforcement de la cohésion sociale en Europe. Nos efforts communs dans ce domaine devraient permettre de relever avec succès les nouveaux défis qui se posent en matière d’emploi et de conditions de vie des citoyens européens. C’est un défi particulièrement brûlant en ces temps de crise économique.

Les députés, la République de Macédoine jouit d’une longue tradition de respect de la diversité ethnique, linguistique et culturelle. Elle a ratifié la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales. Aujourd’hui, depuis cette tribune, j’encourage vivement les pays qui n’ont pas encore ratifié cet instrument à le faire sans retard. Ce n’est qu’ainsi que les minorités vivant dans ces pays seront à même de jouir pleinement de la protection qu’elle leur accorde.

La République de Macédoine est un pays multiethnique. Les idées d’ «unité dans la diversité», d’inclusion sociale et d’établissement de liens plus étroits au sein de l’Union européenne rejoignent les nôtres et s’inscrivent dans les objectifs de la société macédonienne. Le gouvernement de la République de Macédoine a, par ses actions et sans relâche, promu les valeurs européennes que sont la protection des droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. Nous avons cherché à y sensibiliser nos citoyens et à renforcer ainsi l’esprit européen qui imprègne déjà très fortement notre pays.

Tout au long de son histoire, la Macédoine a su mettre de côté ses intérêts nationaux pour servir des objectifs supérieurs et, à cet égard, je voudrais évoquer ici le Manifeste de la République de Kruševo qui, dès 1903, a appelé tout un chacun, indépendamment de son appartenance nationale, religieuse, de son sexe et de ses croyances, à se battre pour le droit de l’homme le plus fondamental: le droit à la liberté.

La Macédoine est aujourd’hui un pays exemplaire en Europe et dans le monde. Elle montre en effet comment, sur un petit territoire, un grand nombre de groupes ethniques différents peuvent vivre en équité. C’est un pays qui montre comment différentes cultures peuvent s’unir sans se menacer l’une l’autre, qui montre comment on peut respecter autrui indépendamment de son appartenance religieuse, culturelle ou ethnique. Par conséquent, il est assez naturel que l’une des priorités de la présidence macédonienne soit la promotion et l’encouragement de l’intégration des minorités nationales au sein des sociétés européennes.

La Macédoine continue à approfondir sa compréhension du phénomène multiethnique; Nous comprenons qu’aussi prononcées soient les différences qui existent entre nous, elles ne peuvent être telles, qu’elles nous empêchent de comprendre que nous sommes tous des êtres humains jouissant de droits et de libertés égaux. C’est en respectant l’autre que nous nous respectons nous‑mêmes.

La présidence macédonienne souhaite mettre tout particulièrement en exergue la question de l’intégration des groupes marginalisés de notre société. Alors que nous sommes dans la Décennie des Roms, je voudrais souligner ici, que le gouvernement de la République de Macédoine reste résolument engagé sur la voie de la promotion de la plus grande inclusion des Roms dans tous les événements, qu’ils soient sociaux ou économiques. Il faut que nous trouvions le moyen de remédier à l’exclusion sociale et de fournir cet accès à l’éducation que chacun appelle de ses vœux. Il faut que nous proposions à tous des conditions de vie décentes, que nous créions de nouveaux emplois, que nous éduquions ces enfants aux droits culturels, que nous assurions un enseignement dispensé dans la langue rom et que cette culture soit respectée. Une grammaire de la langue rom a été récemment éditée, tout comme un dictionnaire romani‑macédonien et macédonien‑romani. C’est un élément très important pour la culture et l’éducation de la communauté rom. En Macédoine, la population rom est dotée de son propre gouvernement local et un ministre du gouvernement de la République de Macédoine émane de cette communauté. C’est aussi le cas de membres de notre parlement. Les représentants de cette communauté sont également présents au sein de nos écoles, de nos médias et dans tous les aspects de la vie quotidienne.

L’objectif de notre Président est de parvenir à l’inclusion la plus complète possible de la population rom ainsi que, bien évidemment, de tous les autres groupes de citoyens actuellement marginalisés. Nous souhaitons l’inclusion la plus complète de ces personnes au moment où vont être prises des décisions qui auront un réel retentissement sur leur vie quotidienne. La participation en bonne et due forme, de la population rom ainsi que celle des groupes marginalisés à la vie culturelle, sociale et économique du pays supposent une intégration de fait. C’est une priorité importante tant pour mon pays que pour l’Europe dans son ensemble.

La diversité culturelle en Europe est également une de nos priorités. Elle vise à créer une société ouverte, une société d’inclusion qui respecte les différences qui ne cessent de se faire jour dans un environnement toujours plus multiculturel. J’ai le grand plaisir de souligner ici que le Conseil de l’Europe a déjà fait œuvre normative dans ce domaine.

Si l’on prend en ligne de compte la longue tradition de coexistence confessionnelle et culturelle qui est celle de la République de Macédoine, on a le sentiment qu’il est tout à fait normal pour nous, de participer activement à tout ce qui se fait en matière de dialogue interculturel. Dans ce contexte, nous avons organisé la Conférence ministérielle intitulée «Valeurs sociales du patrimoine culturel en Europe». À l’ouverture de cette conférence, nous avons promu le Livre blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel. La diversité culturelle est porteuse d’un grand potentiel créatif et c’est grâce à cela que le dialogue multiculturel se noue. C’est par ce biais que l’on obtient une consolidation de la situation politique et ethnique ainsi qu’un climat de confiance réel entre les différentes composantes de la société.

Il faut ouvrir les perspectives pour assurer la promotion de ce dialogue au sein des différentes cultures des pays européens. Les réflexions du Livre blanc sont une base solide pour la conception de stratégies qui permettront l’utilisation optimale de ce dialogue en vue de renforcer ce principe de cohésion sociale et d’accroître l’intérêt qu’il y a, à se familiariser avec les spécificités culturelles d’autres groupes ethniques. Il y a toujours intérêt à se pencher vers l’autre et à créer à un climat où prévalent la confiance et la tolérance mutuelles.

Depuis son accession à l’indépendance et jusqu’à ce jour, la République de Macédoine, par le biais de tous ses gouvernements, a toujours été le reflet de sa réalité multiethnique. Au sein du gouvernement macédonien, chaque communauté compte des représentants par la voix desquels peuvent s’exprimer les besoins et les intérêts du groupe ethnique qu’il représente à l’échelon institutionnel. La Macédoine est prête à partager son expérience avec tous ceux qui estiment qu’ils pourraient en tirer parti. Notre expérience, je le souligne ici, s’améliore et s’étoffe chaque jour. Le processus qui est en cours en Macédoine est donc un processus permanent de renforcement de la société démocratique multiculturelle.

Mesdames et Messieurs, la République de Macédoine est un pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne et un pays candidat à l’adhésion à l’Otan.

L’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan est la priorité absolue de la politique étrangère de la Macédoine. Nous avons le soutien de plus de 80 % de nos citoyens, quelle que soit leur appartenance ethnique, religieuse, politique ou autre.

Nous avons satisfait à tous les critères et mis en œuvre toutes les réformes et les mesures de modernisation. L’année dernière nous avons été les destinataires d’une recommandation visant à fixer la date de début des négociations devant mener à l’adhésion à l’Union européenne. Cette recommandation a été élaborée par la Commission européenne. Cependant, le Conseil de l’Union européenne, du fait de l’opposition d’un des Etats membres, n’a pas retenu cette recommandation. Les perspectives de la Macédoine en matière d’adhésion à l’Union européenne se trouvent désormais bloquées.

Je ne prolongerai pas cette intervention, mais vous devez savoir que nous sommes confrontés à des défis particulièrement graves et complexes qui surgissent de cette difficulté que nous avons à trouver une solution au différend – qui porte sur le nom de notre pays – qui nous oppose au pays voisin. Nous nous sentons pris en otage par ce problème.

Je voudrais cependant vous dire très clairement que nous sommes engagés sur la voie qui nous permettra de surmonter ce différend. Je le dis ici du fait de l’importance de l’institution au sein de laquelle nous nous trouvons et de l’importance des principes qu’elle incarne: la compréhension mutuelle, la tolérance le respect des différences, de l’identité d’autrui et du droit de chacun à l’auto‑identification; le respect de l’ordre international, de ses normes et de ses règles. Le Conseil de l’Europe doit promouvoir et protéger ces valeurs.

Mesdames et Messieurs, j’évoquerai maintenant rapidement la question de la jeunesse.

C’est l’une des priorités de la présidence. Les jeunes sont la vie même d’une société démocratique. Par conséquent, leur participation active au processus de prise de décisions est d’une importance exceptionnelle.

C’est ce qui nous a conduits à fixer comme l’une de nos priorités la participation des jeunes générations au processus démocratique européen, notamment dans la région de l’Europe du Sud‑Est. La présidence macédonienne a lancé le processus Ohrid, dont l’objectif est d’assurer une plus grande implication des jeunes de la région dans le processus de prise de décisions, de conception des politiques. C’est ainsi que nous construirons une société meilleure. Les défis qui se posent à l’échelle régionale exigent des solutions régionales. Les jeunes doivent être à nos côtés pour mettre sur pied des partenariats régionaux.

Les partis politiques ont, quant à eux, un rôle très important à jouer en matière de réformes démocratiques; c’est la raison pour laquelle ils sont les groupes cibles des débats de la jeunesse, mis en place dans l’Europe du Sud‑Est. Ces partis peuvent en effet les aider à promouvoir et à introduire les normes et les principes du Conseil de l’Europe. A cet égard, les activités des conseils de la jeunesse visent à ce que les sections «jeunesse» des partis politiques soient toujours parties prenantes aux réformes démocratiques lancées sur le plan interne. C’est ainsi qu’il y aura une participation accrue des jeunes à la création de ce que l’on a appelé les «politiques entre partis». Cela permettra de renforcer et d’institutionnaliser la coopération avec les écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe, présentes dans plusieurs pays de la région.

Il pourrait d’ailleurs s’agir là d’une des contributions du Conseil de l’Europe à l’Année internationale de la jeunesse qui a été proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies.

Mesdames, Messieurs, en conclusion je voudrais souligner que la présidence macédonienne, jusqu’à la fin de son mandat, s’emploiera à tout mettre en œuvre pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés – objectifs fixés en nous inspirant de notre longue tradition en tant qu’Etat multiethnique. Nous souhaitons renforcer les liens avec tous les groupes ethniques présents sur notre territoire.

La République de Macédoine soutient l’intégration européenne, qui est un modèle unique et qui a permis l’avènement d’une période de paix, de stabilité et de prospérité économique sans précédent pour le continent européen.

Par le biais de sa politique étrangère, la Macédoine promeut ses valeurs et ses intérêts nationaux, en forgeant des liens de coopération très étendus avec tous les pays de notre voisinage, proches et moins proches, que ce soit par le biais d’initiatives bilatérales ou régionales, par la participation aux initiatives de coopération régionales existantes ou par le biais d’autres initiatives. Nous assurons la promotion et le renforcement des valeurs du Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Monsieur Gruevski, je vous remercie de votre discours qui a vivement intéressé les membres de notre Assemblée.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question. Je leur rappelle que les questions doivent avoir un caractère interrogatif et ne pas dépasser 30 secondes.

La parole est à Mme Papadimitriou au nom du Groupe du Parti populaire européen.

Mme PAPADIMITRIOU (Grèce) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, en vue notamment de votre adhésion à l’Otan, vous avez souvent souligné que votre pays tenait à avoir des relations amicales avec ses voisins. Pourtant, vous avez, à maintes reprises, explicitement ou implicitement, encouragé les attitudes irrédentistes, inamicales et, en votre présence, des cartes ont été montrées avec la grande Macédoine incorporant Salonique. De telles attitudes sont-elles compatibles avec votre déclaration d’aujourd’hui?

M. Gruevski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine »

La Macédoine va se pencher avec une attention soutenue sur la recherche de solutions avec la Grèce, dans le cadre de sa Constitution afin d’avoir un avenir radieux avec ses voisins.

En ce qui concerne les cartes que vous avez mentionnées, il s’agit d’un événement auquel j’avais été invité; on ne peut donc pas le relier à notre vision et à nos efforts pour trouver une solution et surmonter les obstacles à notre adhésion à l’Otan et à l’Union européenne.

M. GROSS (Suisse) (interprétation)

Vous avez parlé de société multiculturelle et de défis, mais quelles sont concrètement vos priorités pour rassembler les deux communautés principales de votre pays, de telle sorte qu’elles aient vraiment le sentiment d’avoir en commun un même pays?

M. Gruevski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)

Notre pays a beaucoup œuvré pour octroyer davantage de droits individuels aux communautés dites ethniques. Même au début de l’existence de notre pays, en 1991, une commission avait estimé que notre Constitution se conformait aux critères applicables en la matière et, dans la foulée, nombre de pays avaient reconnu notre indépendance. Plus tard, nous avons pris beaucoup de mesures pour intégrer les minorités ethniques au sein de notre société. Avec l’une d’entre elles, prise en 2001 au niveau constitutionnel, ces droits sont montés en puissance. Nous sommes donc un excellent exemple à cet égard.

Les droits en question concernent l’éducation, l’utilisation de la langue, l’égalité de représentation au niveau de l’administration publique, la culture et les pouvoirs locaux, à travers le processus de décentralisation. Tout cela évolue donc dans le bon sens. Nous mettons en œuvre toutes ces mesures pour montrer qu’il est possible d’agir en faveur des communautés ethniques parlant une langue totalement différente. Nous témoignons ainsi que la coexistence est possible et que l’on peut régler les problèmes.

Pour cela, nous avons beaucoup discuté et il est vrai que, de temps à autre, dans une société multiethnique, on constate des divergences de vues, des différences d’approche sur telle ou telle problématique. Mais l’idée est de régler les problèmes à travers le dialogue et le débat, grâce à une approche positive devant déboucher sur des compromis. Voilà comment nous réglons les problèmes en Macédoine. Ainsi, nos initiatives sont couronnées de succès. Grâce à toutes ces mesures, les différentes communautés – on pense notamment aux Roms et aux minorités albanaise, serbe, turque – peuvent vivre en paix.

M. ZERNOVSKI («l’ex‑République yougoslave de Macédoine») (interprétation)

Au nom de mon groupe, je vous souhaite la bienvenue à Strasbourg, Monsieur le Premier ministre. Le Gouvernement de la République de Macédoine et l’opposition ont la même position: le principal obstacle à l’adhésion à l’Union européenne réside dans l’obstruction de notre voisin du sud, dont le veto va à l’encontre des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Nous savons que, lors d’une session antérieure, il y avait une ligne rouge au‑delà de laquelle M. Papandréou n’était pas prêt à aller. Pourriez‑vous, de votre côté, nous indiquer quelle est votre ligne rouge sur la question du nom?

M. Gruevski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)

Nous avons la conviction profonde que, si l’on souhaite trouver la solution à un problème, ce n’est pas une très bonne idée de parler de ligne rouge infranchissable. La Grèce invoque toujours la même, ce qui nuit profondément à la qualité de l’atmosphère et limite la portée de tout ce qui peut être fait, à commencer par des efforts que nous consentons pour trouver une solution. En effet, notre approche est différente. Selon nous, il faut trouver une solution par le biais du dialogue et du respect mutuel – respect du droit de chaque pays à se donner le nom qu’il souhaite, respect des droits individuels, respect de la nationalité, de la langue et de l’identité. C’est en discutant que nous résoudrons les difficultés, non pas en traçant des lignes rouges qui ne font qu’engendrer d’autres problèmes et empêchent un dialogue plus approfondi.

Nous souffrons tous de la situation, qui empêche la République de Macédoine d’adhérer à l’OTAN et à l’Union européenne. Nous sommes fort malheureux d’avoir de telles difficultés avec notre voisin le plus proche, qui devrait parrainer et favoriser notre adhésion à l’Union.

La Grèce est un grand partenaire commercial et un grand investisseur. Nous voudrions donc qu’elle ait à notre égard une approche beaucoup plus positive. Nous aimerions voir le jour où elle acceptera de discuter avec nous de cette situation, dans le respect des droits de l’homme et du droit de chaque pays à se donner un nom et à voir son identité reconnue. Nous avons quant à nous, la ferme intention de poursuivre les discussions pour trouver une solution qui sera acceptable pour les deux parties en présence. Il faut en effet que ce soit une solution acceptable pour nos citoyens, car nous avons des obligations politiques à assumer. Si nous débouchons sur un accord, nous organiserons un référendum en Macédoine qui donnera à nos citoyens la possibilité de se prononcer pour ou contre.

M. KOX (Pays‑Bas) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, la Bosnie-Herzégovine est un autre voisin proche de la Macédoine. Après les élections de dimanche dernier, les hommes politiques doivent trouver une manière de mettre en œuvre le jugement rendu l’an dernier par la Cour européenne des droits de l’homme afin que cesse la discrimination résultant de la loi électorale en Bosnie-Herzégovine. Comment, à votre avis, le Conseil de l’Europe peut‑il aider à relancer les pourparlers sur l’obligation qu’a la Bosnie Herzégovine de se conformer aux valeurs de l’Organisation?

M. Gruevski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)

La Bosnie fait partie de notre région et il est important, pour nous comme pour l’Europe, de voir la situation politique évoluer positivement dans ce pays. M. Antonio Milošoski, ministre des Affaires étrangères de notre pays, va se rendre en Bosnie-Herzégovine pour débattre de ces questions et pour proposer des amendements à la Constitution, de façon que les principes du Conseil de l’Europe soient respectés.

M. FOURNIER (France)

Monsieur le Premier ministre, la question du nom revient sur toutes les lèvres lorsque l’actualité de votre pays est évoquée.

Je note malheureusement que vos difficultés diplomatiques ne se limitent pas au seul différend qui vous oppose à Athènes mais concernent également la Bulgarie, qui ne reconnaît pas pleinement votre identité, la Serbie, dont l’Eglise orthodoxe ne reconnaît pas la vôtre, et l’Albanie, pays au sein duquel se pose le problème de la minorité macédonienne.

Pouvez‑vous, Monsieur le Premier ministre, résumer les discussions en cours avec ces trois pays?

M. Gruevski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)

Le problème que nous avons avec la Grèce ne peut être comparé à ceux que certains pays voisins ont avec nous. Nous avons de très bonnes relations avec la Bulgarie, avec laquelle nous entretenons de nombreux contacts. Beaucoup de visites de haut niveau ont lieu entre nos deux pays. La Bulgarie nous soutient beaucoup, s’agissant notamment de notre adhésion à l’Union européenne et à l’Otan.

Nos rapports avec l’Albanie et la Serbie sont tout aussi excellents. Dans les Balkans, il n’est pas rare que surgissent des problèmes mais, je le répète, le problème relatif au nom de notre pays est épineux et destructeur. Il a été ouvert par la Grèce au début des années quatre‑vingt‑dix et, depuis quelque vingt ans, aucun gouvernement n’a été en mesure de le régler. J’espère que la Grèce fera preuve à l’avenir d’une plus grande ouverture et affichera une meilleure volonté de régler cette importante question.

M. VEJKEY (Hongrie) (interprétation)

La Hongrie est très heureuse de vos performances économiques. Il suffit de penser au rapport du Forum économique mondial qui a été publié le 9 septembre dernier. La Macédoine est arrivée en 79e position, vous avez donc gagné cinq places.

Toutefois, l’économie macédonienne a dû encaisser les chocs de la crise économique mondiale. Quelles mesures envisagez‑vous de prendre pour diminuer le chômage, qui est très élevé dans votre pays, et diminuer la pauvreté?

M. Gruevski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)

Outre le rapport du Forum économique mondial, la Banque mondiale nous a également bien notés. Son rapport annuel, Doing Business, montre à quel point nous avons progressé. Le climat des affaires est favorable et d’autres institutions, qui suivent les réformes économiques et la modernisation que nous avons engagées, nous notent tout aussi bien.

Le rapport Doing Business souligne notamment que les mesures qu’a prises le Gouvernement sont propices aux affaires. De la 96e position, qui était la nôtre en 2006, nous sommes passés à la 32e. En 2007, la croissance du PIB a été de 6 % et en 2008 de 5 %. Au cours des deux dernières années, les exportations ont augmenté de 60 % et les investissements directs étrangers ont doublé par rapport aux années précédentes.

Les réformes engagées pour soutenir l’économie ont permis de réduire le chômage, qui reste toutefois un des gros problèmes que doit affronter le pays.

Pour faire face aux difficultés engendrées par la crise mondiale, nous avons pris des centaines de mesures visant à en juguler les conséquences. Les résultats ont été à la hauteur des espérances. Nous avons réussi à éviter la crise du système bancaire et nous n’avons pas dû augmenter les impôts. La Macédoine a la fiscalité la plus basse d’Europe grâce à la mise en application en 2007 d’un système d’impôts forfaitaire, qui nous a aidés durant la crise. Du reste, toutes les mesures que nous avons prises en amont de la crise, c’est‑à‑dire en 2007 et en 2008, nous ont beaucoup aidés. C’est ainsi que nous avons décidé durant ces deux années de rembourser une partie de nos dettes avec anticipation, ce qui nous a permis de ne pas avoir à raboter les salaires du secteur public ou les pensions. Nous n’avons pas dû procéder à des coupes claires dans l’administration.

Nous continuons la mise en œuvre de toute une panoplie de mesures visant à moderniser l’économie. Notre gouvernement n’a cessé, même durant la crise, de procéder aux réformes nécessaires, si bien qu’en 2009 la Banque mondiale nous a placés au rang de troisième réformateur mondial – cela figure dans son rapport annuel –, ce qui ne peut que nous encourager à poursuivre dans cette voie. C’est important pour le niveau de vie de nos concitoyens.

Notre économie est par ailleurs liée à l’économie européenne: plus de 60% ou 70% de nos exportations sont à destination de l’Europe, notamment de l’Allemagne. C’est pourquoi la reprise de l’économie européenne ne pourra que nous aider à retrouver la position que nous occupions avant la crise. Cette reprise, s’ajoutant aux réformes que nous avons entreprises, nous permettra de relever notre taux de croissance, de réduire celui du chômage, de baisser la fiscalité, de diminuer la bureaucratie et d’augmenter nos exportations ainsi que les investissements directs étrangers.

M. VAREIKIS (Lituanie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, c’est dommage qu’un pays tel que le vôtre, cinq ans après le dépôt de sa candidature, ne soit pas encore membre de l’Union européenne. Vous avez déclaré que le Conseil de l’Europe pourrait régler tous les problèmes pendants. Comment notre Assemblée pourrait‑elle résoudre le problème lié au nom de votre pays? Vous êtes membre à part entière de l’Europe et pourtant votre drapeau flotte dans l’ordre alphabétique à la lettre «T».

M. Gruevski, Premier ministre de « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (interprétation)

Une procédure est ouverte sous l’égide des Nations Unies. Le secrétaire général des Nations Unies a désigné un médiateur qui appelle parfois les deux parties à des consultations, des échanges d’idées pour voir comment on peut surmonter le problème. Il est évident que tout appui comme celui du Conseil de l’Europe est le bienvenu. Le problème ne pourra être résolu que par le dialogue, l’échange d’idées et le respect mutuel. Nous sommes engagés dans un dialogue sous l’égide des Nations Unies, et nous sommes engagés dans des dialogues directs à plusieurs niveaux. Nous savons que personne d’autre ne peut résoudre le problème. Mais, je le redis, l’appui que nous pouvons recevoir de votre Organisation est le bienvenu et nous en sommes très heureux.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Mes chers collègues, il nous faut maintenant mettre fin aux questions à M. Gruevski.

Au nom de l’Assemblée parlementaire, je vous remercie chaleureusement, Monsieur le Premier ministre, pour votre allocution et pour les réponses que vous avez bien voulu apporter aux questions qui vous ont été posées.