Tarja
Halonen
Président de la Finlande
Discours prononcé devant l'Assemblée
mercredi, 25 janvier 2012
Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs, c’est toujours un grand plaisir pour moi que de m’adresser à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dont on dit que c’est la seule véritable Organisation paneuropéenne fondée sur les valeurs des droits de l’homme, de la démocratie et sur la prééminence du droit. Et, en tant que telle, elle revêt une importance unique, notamment pour ce qui est d’unifier notre continent et de supprimer les anciennes lignes de séparation. Cela a jeté des bases solides pour l’intégration européenne.
Je suis effectivement déjà venue ici où j’ai passé quatre années dans les années 90 et, avec le Président de l’Assemblée, je me félicite de tout ce qui a été fait par cette Organisation. C’était l’époque d’un nouvel espoir, de nouvelles opportunités pour l’Europe. Alors qu’une vague de démocratisation s’étendait sur le continent, rejoindre le Conseil de l'Europe était le premier objectif des pays sur la voie de la démocratie, et c’était également le début d’un très long partenariat avec vous.
L’Assemblée parlementaire a joué un rôle essentiel et a aidé les pays membres à tenir leurs promesses. J’ai participé au processus visant à créer un mécanisme pour veiller au respect par les Etats membres de leurs obligations. Aujourd’hui, ce mécanisme couvre tous les Etats membres et personne ni aucun pays n’étant parfait, il est important et nous lui devons notre plein soutien.
L’un des nombreux défis auxquels nos sociétés sont aujourd’hui confrontées est l’augmentation des inégalités, que ce soit au sein des pays ou entre les pays. Le panel des Nations Unies sur la durabilité, que j’ai présidé avec le président Jacob Zuma, souligne que les piliers économiques sociaux et environnementaux du développement durable sont de la même importance. C’est ce que j’appelle souvent «la Trinité moderne».
Les inégalités croissantes, la discrimination et l’intolérance ne sont pas une force de la nature: on peut y résister et nous devons pour cela accorder une attention toute particulière aux droits des minorités et d’autres groupes vulnérables. La démocratie représentative accorde à la majorité le droit de prendre des décisions s’appliquant à tous, mais ce droit va de pair avec la responsabilité de protéger les droits des minorités sans discrimination.
Il existe un lien direct entre la sécurité et la stabilité politique, le développement durable et la protection des droits de l’homme et nous l’avons déjà vu à plusieurs reprises dans l’histoire de l’Europe et ailleurs dans le monde.
Nous devons également accorder notre attention à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels. Tout le monde a droit à un emploi décent ainsi qu’à une protection sociale de base! A ce titre, je souhaite attirer votre attention sur la situation difficile que vivent les Roms. Ils constituent une minorité paneuropéenne et, en tant que groupe, ils sont beaucoup plus confrontés à la discrimination que les autres groupes vivant dans les Etats membres. Le Conseil de l'Europe est bien armé pour trouver des solutions communes permettant d’améliorer leur situation!
Je me félicite de tout le travail d’ores et déjà réalisé par le Conseil de l'Europe et l’Assemblée parlementaire, notamment en matière de sensibilisation, et de tout ce qui a été fait par le Secrétaire général. Il est particulièrement important de veiller à ce que les Roms eux-mêmes puissent participer aux processus décisionnels à tous les niveaux et influer sur les décisions qui les concernent. La création du Forum européen des Roms fut une étape importante. Il doit faire tout son possible afin que les Roms se fassent mieux entendre.
Mon mandat de présidente arrive à son terme et nous avons eu, il y a peu, la réunion des présidents européens. Nous nous réunirons bientôt de nouveau pour aborder les questions de tolérance et de lutte contre la discrimination, en février à Helsinki. J’ai invité le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Jagland, pour présenter ce sujet et j’espère que cela permettra d’améliorer la situation des Roms et de renforcer les liens entre l’Union européenne et le Conseil de l'Europe sans oublier l’OSCE.
Le Conseil de l'Europe et ses normes et mécanismes en matière de droits de l’homme sont une source d’inspiration importante. Nous devons faire de notre mieux pour développer ce système tout en respectant son indépendance et son efficacité. A cet égard, nous attendons avec impatience la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme qui permettra à cette dernière de se libérer de ses arriérés d’affaires.
Dans le même temps, il est particulièrement important de garantir le droit individuel de déposer une requête. La protection des droits de l’homme des Etats européens ne doit pas être affaiblie. Nous devons garder à l’esprit que la Cour est une véritable réussite avec tant d’histoires tristes qui finissent bien et c’est pourquoi elle suscite un tel intérêt! Nous devrions tous également nous regarder de temps à autre dans le miroir. Les requêtes déposées reflètent des difficultés sur le terrain. Les Etats membres ont la responsabilité principale en la matière et doivent veiller à ce que les tribunaux nationaux assument leur rôle premier, notamment en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et la mise en œuvre de la Convention et de sa jurisprudence.
Il est également important que l’Assemblée demeure vigilante.
La Finlande a joué un rôle actif dans la mise en place du bureau du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe. Ce dernier peut, de par son mandat, soulever tout problème en matière de droits de l’homme dans n’importe quel Etat, qu’il s’agisse de la liberté d’expression, des droits des minorités ou de problèmes récents comme ceux liés aux droits des personnes âgées.
Je suis très heureuse de voir que ce bureau est devenu le gardien européen des droits de l’homme. De toute évidence, cela mérite notre soutien et j’aimerais exprimer à M. Alvaro Gil-Robles et à M. Thomas Hammarberg, les deux premières personnes à avoir rempli cette fonction, mes plus vives félicitations et remerciements. Ils ont fait un travail excellent et remporté beaucoup de succès dans la promotion des droits de l’homme et du rôle du Conseil de l'Europe.
Mes félicitations vont également au Commissaire nouvellement élu, Nils Muiznieks, à qui je souhaite plein succès pour les six années à venir. Apportons-lui ainsi qu’à son bureau notre plein soutien dans les efforts qu’ils vont déployer pour élever le niveau des droits de l’homme dans tous les Etats membres!
Les évènements récents en Afrique du Nord et au Proche-Orient ont montré, une fois de plus, les liens entre développement, droits de l’homme, paix et sécurité. Les appels populaires en faveur de la réforme ont également montré le rôle important que la société civile peut jouer pour faire progresser la démocratie et les droits de l’homme. En Afrique du Nord et au Proche-Orient, les femmes ont participé activement au mouvement politique en faveur de la démocratie, de la justice sociale et de l’égalité.
Ensemble, hommes et femmes ont manifesté pour un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour les générations futures. Il est important qu’ils puissent rester côte à côte et poursuivre l’édification de sociétés démocratiques. Il reste encore beaucoup à faire pour être sûr que l’égalité devant la loi se traduira en une égalité de fait. Le Conseil de l’Europe a toujours été à l’avant-garde sur les questions d’égalité, et c’est avec impatience que j’attends de voir l’entrée en vigueur de la dernière convention du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes, la Convention pour combattre et prévenir la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et ce dès que possible.
Par ailleurs, la situation des enfants et des jeunes mérite également une attention toute particulière de notre part. Les occasions d’éducation et de travail décent revêtent une importance cruciale. Un chômage prolongé débouche souvent sur la pauvreté et sur le manque de perspectives d’avenir. Nous devons veiller à ce que nos jeunes ne se retrouvent pas aliénés ou exclus de notre société.
J’appuie fermement la réforme du Conseil de l’Europe. Cela vaut également pour mon pays. Cette réforme conduira l’Organisation à mieux promouvoir ses valeurs clés, à savoir le respect des droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit. L’OSCE, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont chacun leur rôle à jouer, et les activités de chacune de ces trois organisations doivent se renforcer. Il me semble que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont d’ores et déjà mis au point une synergie fructueuse, et l’expertise du Conseil de l’Europe se voit soutenue par les ressources de l’Union européenne. Grâce à son travail important en matière de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit, le Conseil de l’Europe aura été une source importante d’espoir pour nous tous depuis sa création en 1949.
Mesdames, Messieurs les parlementaires, c’est la dernière fois que je m’adresse à vous en ma qualité de Présidente de la République de la Finlande mais, croyez-le bien, je trouverai peut-être encore un moyen de revenir ici m’adresser à vous. Laissez-moi vous remercier de l’excellente et fructueuse coopération que nous avons menée au fil des ans et vous souhaiter plein succès dans votre important travail.
Bien entendu, puisque c’est la tradition, j’attends maintenant les questions que vous pourrez me poser. Je serai très heureuse d’y répondre.
LE PRÉSIDENT
Je vous remercie beaucoup, Madame la Présidente, pour ce très intéressant discours.
La première question est posée par Mme Cigane, au nom du Groupe du Parti populaire européen.
Mme CIGANE (Lettonie) (interprétation)
Ma question portera sur la politique interieure de la Finlande. Il est au moins un domaine où la Finlande pourrait servir de modèle: celui de l’éducation. Les résultats scolaires des jeunes Finlandais sont excellents, comme le montrent de nombreuses études. Comment les Finlandais ont-ils réussi à s’entendre sur la nécessité d’investir dans ce domaine? Comment avez-vous mis en place les réformes qui ont permis ces succès remarquables?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Parfois, lorsqu’on n’a pas de ressources naturelles, eh bien, on fait des efforts pour se développer autrement. Or, vous le savez, nous n’avons pas, chez nous, de pétrole, de charbon, de gaz. Nous avons beaucoup de neige l’hiver, et pas mal de pluie, alors nous ne pouvons investir que dans les hommes et les femmes.
Comme les autres pays nordiques, nous estimons avoir une responsabilité collective, qui s’explique peut-être par la nature qui nous entoure. C’est quelque chose que nous voulons préserver, qui s’inscrit dans une longue tradition, qui explique sans doute pourquoi nous avons compris que l’éducation était la clé de tout. Nous avons une longue tradition d’éducation très poussée qui doit permettre à chaque garçon et à chaque fille de saisir sa chance.
La formation des enseignants est un autre domaine clé. Mon pays, on le sait, fait partie des meilleurs à cet égard. Il est même, parfois, le meilleur. Mais nous ne sommes pas encore satisfaits. Nous aimerions également que l’on puisse atteindre d’excellents résultats dans l’enseignement secondaire et dans la formation professionnelle, pour que chacun ait sa chance dans notre société.
Je dis toujours aux jeunes générations: soyez heureux d’avoir le meilleur niveau d’éducation de notre histoire mais, attention, votre éducation sera très vite dépassée, beaucoup plus que celle que nous avions nous-mêmes reçue. Soyez donc préparés, soyez prêts. Je crois que cette exigence vaut pour nous tous en Europe.
Si vous regardez les comparaisons internationales, vous constatez que le système éducatif de la Finlande et ceux des autres pays nordiques nous situent à un bon niveau dans la concurrence internationale. C’est une ressource précieuse qui nous permet d’obtenir des résultats qui ne sont parfois pas si mauvais.
M. Mota Amaral, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Mignon au fauteuil présidentiel.
LE PRÉSIDENT (interprétation)
Je rappelle à tous mes collègues qu’ils disposent de trente secondes pour poser leur question.
La parole est à M. Iwinski, au nom du Groupe socialiste.
M. IWINSKI (Pologne) (interprétation)
Madame la Présidente, compte tenu de l’expérience que vous avez accumulée à Strasbourg et en tant que chef d’Etat à Helsinki, quelles sont, selon vous, les meilleures façons de lutter contre la recrudescence du nationalisme et de l’euroscepticisme? Que pouvons-nous faire, que ce soit en Finlande ou en Hongrie?
(interprétation)
Je pense que nous sommes confrontés aux mêmes problèmes dans toutes les sociétés. Il est naturel d’apprécier son pays, mais il faut se rendre compte également que l’échange d’expériences avec d’autres pays représente une véritable richesse pour l’Europe. À l’heure de la mondialisation, tout pays européen est finalement trop petit pour rester seul dans son coin, et cela vaut pour tous les pays européens, y compris la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Ce ne sont pas, à l’échelle mondiale, de grands pays. C’est difficile à expliquer: chacun voudrait que son pays soit le meilleur, qu’on puisse fermer les portes et les fenêtres et être heureux chez soi.
Ce n’est pas possible, à l’heure de la mondialisation. On peut tirer profit de cette coopération internationale, mais il faut du temps afin de travailler ensemble et d’expliquer que c’est finalement la seule façon de vivre en harmonie à l’avenir. Vous êtes membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, vous êtes parlementaires, vous êtes experts de vos pays, et vous êtes heureux de pouvoir partager points de vue et expériences, vous êtes heureux de tirer les leçons des expériences des autres, vous pouvez présenter des bonnes pratiques. Il faut également essayer d’éviter les plus mauvaises pratiques.
M. LIDDELL-GRAINGER (Royaume-Uni) (interprétation)
Vous nous avez parlé, Madame la Présidente, de la Cour européenne des droits de l’homme. Quelles propositions pratiques pourriez-vous nous soumettre pour réduire les coûts de la Cour européenne et la rendre plus efficace? Quelle serait votre recette du succès?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Je crois qu’on peut retenir un certain nombre de points.
Tout d’abord, la Cour est une très grande réussite pour l’Europe. Mais ce succès pourrait connaître une fin abrupte. Il convient d’expliquer dans nos Etats membres qu’il est nécessaire d’apporter une réponse à ce problème. Nous sommes heureux de voir que les gens ont commencé à bouger. Essayons, chacun d’entre nous, d’être plus actifs pour tenter d’apporter des solutions nationales et locales aux problèmes de la Cour. La seule façon d’interrompre cette accumulation de requêtes adressées à la Cour, c’est de faire un effort sur le plan national et local. Nous devrions regarder de plus près la situation des pays dont émanent la plupart des requêtes et essayer de trouver des solutions.
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe doit coopérer étroitement avec la Cour européenne des droits de l’homme. Les Etats membres ont ratifié les textes qui rendent possible une réforme de la Cour, je suis donc optimiste. C’est une institution très précieuse pour l’ensemble des citoyens européens. Travaillons donc à des solutions plus positives que les coupes budgétaires!
M. XUCLÀ (Espagne) (interprétation)
Madame la Présidente, vous avez affirmé que toutes les dictatures s’écroulent un jour mais que la démocratie ne se construit pas en un jour. Au Conseil de l'Europe, nous le savons bien! Que faut-il faire, selon vous, afin d’enraciner la démocratie dans les nouveaux pays membres du Conseil de l'Europe qui font encore l’objet d’une procédure de suivi?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Je doute que nous puissions assister à un miracle dans ce domaine. Dans les années 1990, alors qu’était envisagé l’élargissement du Conseil de l'Europe, nous avons vécu une période historique, au cours de laquelle plusieurs pays sont devenus membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Ces pays connaissent aujourd’hui une bonne gouvernance, même si l’application des grands principes démocratiques peut prendre du temps.
Le Conseil de l'Europe accueille des pays de l’Europe toute entière, y compris des pays non membres de l’Union européenne, qui font un excellent travail, comme la Norvège ou la Suisse. Il existe plusieurs bons exemples et je vous encourage à travailler avec les nouveaux membres, tels que l’Ukraine ou le Bélarus. Le Conseil de l'Europe se tourne également du côté du Moyen-Orient ou vers l’Afrique du Nord. Il est nécessaire de travailler main dans la main avec nos voisins, car nous ne vivons pas dans une forteresse.
A l’avenir, les pays émergents seront de plus en plus importants sur le plan économique. Le moment est venu de créer un monde plus harmonieux, afin de sauver notre planète, dans l’intérêt des générations futures. Le Conseil de l'Europe doit certes cibler son action sur ses Etats membres, mais il ne doit pas penser que le monde s’arrête aux frontières de l’Europe.
M. KOX (Pays-Bas) (interprétation)
Madame la Présidente, les membres élus des parlements sont le socle de la démocratie. Or, dans plusieurs pays, certains d’entre eux ne peuvent siéger au parlement car ils sont emprisonnés. Comment peut-on l’accepter?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Ce n’est certainement pas à moi de vous dire ce que vous devez faire. Toutefois, ayant occupé le poste de ministre des Affaires étrangères, je pense que l’Assemblée parlementaire est le meilleur endroit pour discuter du sujet que vous évoquez. Vous représentez de très nombreux parlements et vous disposez de différents moyens pour agir.
Le conseil que je peux vous donner est de vous considérer comme les principaux responsables du système démocratique. Vous devez dénoncer les difficultés qui existent dans certains pays et travailler avec l’OSCE. Les médias sont également importants, même si la liberté de la presse n’est pas respectée dans certains pays. Il faut adopter une attitude réaliste, pragmatique et rechercher des alliances avec les Nations Unies, l’Union européenne et toutes les autres organisations internationales.
Mme MARIN (France)
La particularité de la production d’électricité en Finlande réside dans la diversité de ses ressources énergétiques. Pouvez-vous, Madame la Présidente, nous expliquer la raison de ce mix énergétique? Demeure-t-il toujours une priorité pour votre pays?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
C’est une bonne question posée de surcroît par une représentante de la France. Il existe des opinions très différentes sur la politique énergétique. La Finlande fait partie des pays qui se sont prononcés récemment en faveur du nucléaire. De nombreux parlementaires finlandais estiment qu’il constitue une option pour régler le problème énergétique, même s’ils sont conscients des conséquences d’un tel choix. Personnellement, j’ai toujours été favorable aux énergies renouvelables, dans la perspective du développement durable.
Ensuite, en Finlande, en Allemagne, en France, même si nous mettons tout en œuvre pour régler ce problème et être de bons exemples, si nous ne parvenons pas à rallier à notre position les économies des pays émergents, nous ne pourrons pas sauver la planète. Il est important d'intensifier la coopération internationale en rendant les industries, les citoyens, les ménages parties prenantes. Les Nations Unies déploient des efforts particuliers dans ce dossier. Mon pays, je l’espère, appliquera ce qu’ont décidé les Nations Unies. Aujourd’hui, le système de notre pays est satisfaisant. Nous avons su faire preuve de pragmatisme. C’est ce dont nous avons besoin pour avancer.
Mme PAPADIMITRIOU (Grèce) (interprétation)
Les pays de l’Europe du Sud, en particulier la Grèce, sont victimes de flux migratoires importants en provenance d’Asie et d’Afrique. Les migrants passent par notre territoire pour s’installer dans les pays d’Europe centrale ou du Nord, où les conditions de vie sont meilleures. Ne pensez-vous pas que ces Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne devraient partager le fardeau que cela représente et contribuer à la résolution de cette catastrophe humanitaire plutôt que de se contenter de leçons de bon respect des droits de l’homme?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Nous devons traiter toutes les personnes qui viennent en Europe avec respect et respecter leurs droits de l’homme. Je ne pense pas qu’on puisse trouver une solution seuls. On ne peut pas tout simplement fermer les portes, les fenêtres et fermer tout le continent. Nous faisons partie d’un ensemble plus vaste. Des opérations sont en cours avec l’Afrique du nord et l’Afrique centrale pour renforcer notre efficacité. On devrait penser à toutes ces personnes. Qu’est-ce qui les a poussées à partir? Le Conseil de l’Europe doit avoir une vision plus large.
Une autre manière de procéder consisterait à lutter contre ceux qui s’adonnent au trafic d’êtres humains. Nous savons toute la criminalité qui y est liée. Nous savons également que les conditions sont si dures dans certains pays que les gens sont prêts à prendre d’énormes risques et à payer le prix fort pour venir jusqu’en Europe. Comme vous l’avez dit, c’est une responsabilité commune que nous partageons. Il ne s’agit pas uniquement des pays frontaliers.
La Finlande est un pays frontalier, mais elle se trouve au nord du continent. Au sein du Conseil de l’Europe, nous ne sommes plus un pays frontalier. Les politiques de voisinage fournissent des réponses. Il faut travailler avec d’autres organisations comme les Nations Unies. Il n’existe pas un seul accord international qui réponde aux préoccupations des uns et des autres et qui parvienne à contrôler les mouvements transfrontaliers. L’Onu n’a pas réussi à le faire. Nous avons besoin d’un tel accord.
M. VAREIKIS (Lituanie) (interprétation)
Madame la Présidente, je vous interrogerai sur votre stratégie en matière de politique étrangère. Lors de la guerre froide, le mot clé en Finlande, c’était la neutralité. Vous vous souvenez du processus d’Helsinki qui était peut-être le début de la fin de la guerre froide. Que veut dire la neutralité au XXIe siècle? Est-ce que la neutralité vaut toujours aujourd’hui? Quel est le mot clé de votre politique étrangère?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Nous n’utilisons plus ce terme de neutralité. Aujourd’hui, nous sommes non alignés du point de vue militaire, mais nous sommes alignés d’une certaine manière à l’Union européenne en matière de sécurité.
L’important, c’est la politique de voisinage. Nous avons des voisins extrêmement actifs. La Suède à l’ouest, la Norvège au nord-ouest, l’Estonie au sud et à l’est la Russie. La Russie appartenait à l’Union soviétique. Aujourd’hui, c’est la Fédération de Russie.
Nous avons mené de nombreuses guerres contre nos voisins. Il faut maintenant faire preuve de beaucoup de patience pour développer des relations de bon voisinage. Beaucoup diraient que nous avons une bonne politique de voisinage.
Il convient de favoriser l’échange des idées, les échanges commerciaux, les échanges de personnes. De plus en plus de touristes de l’Est viennent chez nous. Cela donne naissance à certains problèmes concrets, mais permet aussi de trouver de nouvelles solutions. Il faut qu’on apprenne à se connaître. C’est essentiel.
Nous sommes vraiment des membres à part entière de la famille nordique et cette année nous serons candidats à représenter les pays nordiques au Conseil de sécurité. Nous ne manquons pas d’idées pour donner un nouveau souffle à la politique. Nous entretenons de bonnes relations avec les pays voisins. La Grande Europe est notre maison.
M. Mignon, Président de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.
M. GAUDI NAGY (Hongrie) (interprétation)
Madame, je tiens à vous féliciter en qualité de première Présidente de la Finlande. Vous êtes à la tête d’un pays qui sert d’exemple quant au traitement des communautés nationales. Vous êtes la personne qui avait introduit la doctrine qui porte votre nom. Si un nouveau pays devenait membre du Conseil de l’Europe, cela voudrait dire qu’il devrait appliquer toutes les prescriptions du Conseil de l’Europe. Si un pays, comme la Roumanie, n’appliquait pas les recommandations du Conseil, notamment à l’égard d’une communauté de près d’un million de personnes qui vit sur son territoire, quelle serait votre position?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
J’ai déjà eu l’occasion d’en parler brièvement au sujet du premier élargissement du Conseil de l’Europe. Il y a eu ensuite l’élargissement de l’Union européenne.
Nous avons dû faire face à la problématique de la démocratie et à la manière de la protéger. Lorsqu’il s’agit d’un nouvel Etat démocratique, le respect des droits de l’homme et de la primauté du droit ne peut pas se faire en un jour. Dans un premier temps, il faut pouvoir s’entendre sur un socle fondamental.
Ensuite, d’autres pays candidats ont passé ce premier seuil. Une fois ce seuil franchi, ils doivent s’engager à poursuivre les réformes.
Cela a plutôt bien fonctionné. J’étais moi-même rapporteur pour la Slovaquie, pays qui a fort bien travaillé tout en se demandant comment il serait possible d’instaurer un tel système en si peu de temps alors que nous ne sommes pas parvenus nous-mêmes à nous montrer parfaitement exemplaires. Mais que l’on soit nouveau venu ou non, nous avons tous les mêmes droits et devoirs et nous devons trouver les moyens permettant de mettre en œuvre puis de respecter les accords. Les systèmes qui ont été mis en place voilà vingt ans se révèlent souvent obsolètes et doivent être alors réformés. Ici, à Strasbourg, nous pouvons réfléchir aux moyens pour qu’il en soit ainsi. Les critiques fraternelles que nous formulons ne signifient donc pas que tout doit être fait en un jour mais que des marges de progrès existent.
Quoi qu’il en soit, il importe d’entendre ce que chacun a à dire, y compris sur la question des droits de l’homme: la critique en vaut que si elle permet de résoudre les problèmes.
LE PRÉSIDENT
En l’absence de Mme Err, la parole est maintenant à M. Kaikkonen.
M. KAIKKONEN (Finlande) (interprétation)
Que pensez-vous, Madame la Présidente, de la situation de l’Europe dans un monde globalisé?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Les Africains et les Asiatiques ont parfois une image un peu surannée de la vieille Europe, qu’ils entretiennent ou non des liens économiques avec notre continent. Ils connaissent ces grands pays que sont la France, le Royaume-Uni, l’Espagne, et quelques autres mais ils ne savent peut-être pas situer la Slovénie et s’ils ont peut-être entendu parler de la Finlande, c’est en ignorant si nous sommes une république ou une monarchie. La réciproque est également vraie, mais je demande toujours à mes amis africains ou asiatiques qui m’invitent à venir voir la nouvelle Afrique ou la nouvelle Asie de venir visiter la nouvelle Europe!
J’espère, à ce propos, que ceux d’entre vous qui n’ont pas encore eu l’occasion de s’impliquer dans le domaine des relations internationales le feront bientôt.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, si l’Europe ne peut plus offrir au monde la quantité, elle peut lui donner la qualité – sans d’ailleurs faire preuve pour autant d’arrogance en restant aveugle aux progrès réalisés dans d’autres pays en matière d’égalité entre les femmes et les hommes en raison de la nouvelle vision politique ou philosophique qui les anime.
Finissons-en avec ces vieux réflexes et œuvrons à la préservation de la planète pour les jeunes générations en coopérant étroitement avec les autres régions du monde!
Mme PELKONEN (Finlande) (interprétation)
Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes est inscrit dans nombre de traités européens, le Traité de Rome exigeant quant à lui que les Etats signataires garantissent l’égalité des rémunérations pour un travail identique. Or, les femmes gagnant encore 17 % de moins que les hommes, quels sont d’après vous les principaux obstacles à une égalité effective et, en tant que pays pionnier, comment la Finlande pourrait-elle devenir un exemple pour l’Europe?
M. Halonen, Président de la Finlande (interprétation)
Ce n’est pas facile! L’égalité entre les hommes et les femmes est partout problématique mais la Finlande, il est vrai, a su survivre avec une Présidente à sa tête pendant douze ans et elle a connu un gouvernement dans lequel les femmes étaient légèrement majoritaires.
Dans le monde du travail, en revanche, nous sommes à la traîne, la situation des femmes demeurant bien meilleure dans de nombreux autres pays. Nous serions donc bien inspirés de nous inspirer de certains exemples étrangers. En Finlande, les femmes travaillent principalement dans les secteurs sociaux, de l’éducation ou de la santé, leur niveau de formation étant en outre souvent supérieur à celui des hommes – ce qui ne les empêche pas de se retrouver dans des situations compliquées lorsqu’elles entrent dans la vie active – alors que leurs salaires, eux, sont en général inférieurs à ceux qui sont en vigueur dans des secteurs traditionnellement masculins comme l’industrie.
Il faudrait considérer la valeur du travail des femmes et étudier la façon de mieux le rémunérer.
Il convient d’instaurer des politiques résolues dans l’ensemble de nos pays, en nous inspirant des réussites de chacun d’eux. J’espère qu’il ne sera pas nécessaire d’attendre la prochaine génération pour faire avancer le dossier. En Finlande, nous sommes allés aussi loin que possible. Nous avons d'ailleurs constaté que les entreprises où travaillent des hommes et des femmes sont plus performantes que celles qui ne comptent que des hommes dans leurs effectifs. Cela démontre la nécessité pour les entreprises d’être plus ouvertes et de trouver de nouvelles solutions à leurs problèmes. Nous vous fournirons des statistiques si cela vous intéresse.
LE PRÉSIDENT
Madame la Présidente, merci beaucoup. Ce fut un plaisir de vous entendre et d’écouter vos réponses aux nombreuses questions posées, d’autant que vous l’avez fait avec une grande spontanéité et beaucoup de franchise. Ce fut un très grand honneur pour nous de vous accueillir aujourd’hui.