Chaim

Herzog

Président de l'Etat d'Israël

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 5 février 1992

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, merci pour l’honneur que vous me faites et que vous faites à mon pays de me donner la parole devant les membres distingués du Conseil de l’Europe. Je connais la valeur intrinsèque de cette institution et je suis particulièrement sensible à son message universel. Strasbourg, où, malgré les dissensions séculaires, malgré les conflits qui ont déchiré ce continent, de grandes nations ont choisi l’option de la concorde et mis en place cette noble entreprise de l’histoire de l’humanité qu’est l’édification de l’Europe, est un exemple exaltant pour tous les pays du monde, et en particulier pour ceux de la région tourmentée d’où je viens.

Vous incarnez une idée et un dessein que nous, Israéliens, chérissons: le dialogue entre les peuples. Vous êtes parvenus à mettre en valeur les ressemblances et à estomper les divergences entre les nations. Malgré tous les écueils que la communauté européenne s’est efforcée et s’efforce de dépasser, ce qui se passe à Strasbourg constitue, pour le reste du monde, l’un des modèles les plus insignes de l’entente entre les peuples.

Ayant le privilège – et le regret aussi – de représenter la seule démocratie du Proche-Orient, je ne peux que formuler des vœux pour que nous aussi, dans notre région, possédions un jour une instance comme la vôtre, où, quittant le climat d’hostilité et le ton comminatoire de leurs diatribes, les délégués de tous les pays et de tous les parlements proche-orientaux se réuniront pour débattre ouvertement de leurs problèmes respectifs et chercher ensemble des solutions.

En moins de deux ans, le monde a subi de profonds bouleversements. L’échec de l’idéologie communiste, l’effondrement de l’empire soviétique et l’indépendance recouvrée des pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale marquent profondément la conjoncture internationale.

Nous avons été récemment gratifiés de l’abrogation, par l’Assemblée générale de l’ONU, de la résolution inique assimilant le sionisme et le racisme.

Pour se faire une idée du renversement des tendances, il suffit de souligner que ce fut à une majorité écrasante que fut votée cette infâme Résolution 3379, récemment abrogée à l’unanimité.

A ce propos, qu’il me soit permis de mettre en garde les membres distingués du Conseil de l’Europe – représentants des idéaux de liberté et de dignité de leurs pays – contre ces phénomènes regrettables que sont l’antisémitisme et le racisme en Europe. Il convient d’en combattre avec énergie les manifestations, avant qu’ils ne prennent des proportions incontrôlables.

Le plus grand défi d’Israël est l’accomplissement de la paix avec ses voisins arabes, Palestiniens compris.

En 1922, la Société des Nations accorda une reconnaissance politique aux droits historiques et religieux du peuple juif et l’investit du droit de posséder un Etat sur sa terre ancestrale, sanctifiée par la Bible depuis des millénaires et sainte pour les croyants des trois grandes religions monothéistes. Cette reconnaissance des droits du peuple juif fut entérinée par l’ONU le 29 novembre 1947.

Déjà, dans sa déclaration d’indépendance, Israël a tendu la main à ses voisins arabes, leur offrant la paix et des relations de bon voisinage. Notre offre a été rejetée et sept armées arabes se sont dressées contre nous, avec le soutien actif des Palestiniens, dans le dessein avoué de nous jeter à la mer. Avec l’énergie du désespoir, nous avons pris les armes, quand nous en avions, car la plupart des pays occidentaux avaient déclaré l’embargo contre nous. Inférieurs en nombre et en armement, nous avons sacrifié un pour cent de notre population, mais nous avons surmonté nos difficultés sous la direction éclairée et opiniâtre de David Ben Gourion.

Depuis, Israël n’a jamais cessé de proposer la paix. En vain. Les Palestiniens, pour leur part, se sont engagés sur le chemin de l’erreur qui les a conduits à la tragédie. Un de nos hommes d’Etat les plus éminents a fait à leur propos cette remarque, tristement pertinente, je cite: «Les Palestiniens n’ont jamais raté l’occasion de rater l’occasion.»

Pendant dix-neuf ans, de 1948 à 1967, la Cisjordanie s’est trouvée sous autorité jordanienne et la bande de Gaza sous hégémonie égyptienne. Pendant dix-neuf ans, les Palestiniens se sont laissé duper par les pays arabes, qui n’ont jamais reconnu l’entité palestinienne. Contrairement à leur rhétorique officielle, celle d’hier comme celle d’aujourd’hui, les pays arabes ne souhaitent pas la création d’un Etat palestinien.

Dix jours après la fin de la guerre de Six Jours, en juin 1967, le Conseil des ministres israélien a proposé à l’Egypte la restitution du désert du Sinaï et à la Syrie la restitution du plateau du Golan, en échange de la démilitarisation de ces régions et de la signature d’un traité de paix. Le Gouvernement israélien s’apprêtait à engager des pourparlers avec le roi Hussein de Jordanie. La réponse est venue du Sommet de Khartoum. Elle disait trois fois non: non aux négociations avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à la paix.

En 1977, le plan de pleine autonomie proposé par le Premier ministre Menahem Begin aux Palestiniens dans le cadre des accords de Camp David a également été rejeté en bloc. S’ils avaient accepté l’offre israélienne, nous serions tous engagés depuis longtemps sur le chemin de la paix.

Notre engagement dans la paix est irréversible. Et si je suis profondément convaincu que nous y parviendrons, c’est parce que, me reportant à la visite historique du regretté Président Anouar el-Sadate à Jérusalem, je me souviens qu’alors la quasi-totalité des frontières d’Israël était hermétiquement close, aux hommes comme aux marchandises. S’imaginait-on à l’époque qu’un jour prochain le drapeau israélien flotterait au-dessus de l’ambassade d’Israël au Caire et que le drapeau égyptien flotterait au-dessus de l’ambassade d’Egypte en Israël? S’imaginait-on que dix ans à peine après la signature du traité de paix entre nos pays, l’Egypte non seulement serait réinsérée dans la Ligue arabe, tout en respectant l’intégralité de ses engagements à l’égard d’Israël, mais encore reprendrait sa position légitime de leader du monde arabe?

Qui osait rêver que des dizaines de milliers d’Israéliens envahiraient un jour les sites touristiques égyptiens et que des projets conjoints de recherche agricole essaimeraient bientôt dans la vallée du Nil et dans notre désert du Néguev?

Qui osait rêver que plus d’un million de personnes traverseraient les ponts du Jourdain dans les deux directions et que jour après jour des centaines de camions assureraient la circulation des marchandises israéliennes et jordaniennes? Que des milliers de musulmans israéliens pourraient un jour effectuer leur pèlerinage traditionnel à La Mecque? Que des milliers de Libanais viendraient travailler en Israël?

Nous nous trouvons à un nouveau carrefour marqué par les troubles en Judée-Samarie et dans la bande de Gaza. Nous regrettons de tout cœur les effusions de sang, du côté israélien comme du côté palestinien, que notre politique de maintien de l’ordre et de respect du droit ne parvient pas toujours à éviter.

Les offensives arabes contre Israël ont toujours été marquées par leur caractère irrationnel et autodestructeur. La haine et la violence ont provoqué des désastres sans jamais parvenir à résoudre les problèmes. Les leçons sont hélas comprises trop tard. S’il y a, au sein de la population israélienne, des divergences profondes sur les moyens de parvenir à la paix, une chose est certaine cependant: personne en Israël ne souhaite dominer d’autres peuples. C’est sur les moyens de faire avancer la paix que s’articule le débat politique actuel dans mon pays. La démocratie israélienne doit prendre des décisions graves, dramatiques, qui n’ont d’égales que celles auxquelles sont confrontés les Palestiniens d’Israël et des territoires occupés. Tel sera l’enjeu des élections parlementaires de juin prochain.

Monsieur le Président, il est aisé de débattre de loin des problèmes de notre région, de discourir, d’écrire des articles et de proposer des solutions. La chose est beaucoup plus complexe pour ceux dont les enfants sont quotidiennement exposés aux attentats et à la perspective de conflits armés. Car ce qui est pour les autres pays une simple affaire de politique étrangère est pour Israël une question de vie ou de mort. Dans la conjoncture instable de notre région, nous ne pouvons pas hypothéquer notre avenir, et si nous nous fourvoyons cette fois, nous n’aurons plus d’autre chance.

Nous avons été profondément marqués par le lancement délibéré et brutal des missiles irakiens contre d’innocentes populations civiles. Personne ne peut oublier que ces actes d’agression reflètent des normes de conduite qui ne constituent pas une menace pour Israël uniquement, mais pour tout le Proche-Orient et le Moyen-Orient.

Dans l’état d’agitation qui règne en Judée-Samarie et à Gaza, l’alternative n’est pas d’opter soit pour le maintien de l’ordre, soit pour les négociations de paix. Nous avons choisi d’assurer le fonctionnement des institutions et la sécurité des habitants comme condition préalable aux négociations bilatérales, plutôt que de laisser la situation se dégrader dans le chaos et l’anarchie, comme ce fut le cas au Liban et plus récemment en Yougoslavie.

La force d’une société se mesure à ses capacités de surmonter des crises. Il me semble qu’en dépit de tous ses problèmes et de toutes ses faiblesses notre pays a fait preuve d’autant de maturité et de respect de la dignité humaine que bien d’autres placés dans de semblables circonstances. Golda Meir disait qu’elle ne pouvait pardonner aux Arabes, non parce qu’ils tuent nos enfants, mais parce qu’ils acculent nos enfants à tuer les leurs.

Nous n’avons pas de plus grand souhait que de contribuer au succès de l’initiative de paix actuelle, où les Etats-Unis jouent – comme ils l’ont fait par le passé – un rôle prépondérant.

Malheureusement, les pays étrangers ne se rendent pas compte que la population palestinienne avec laquelle nous vivons et entretenons des relations quotidiennes vit sous l’emprise de la menace et de la terreur provoquées par ses éléments les plus extrémistes. L’Intifada, qui sévit depuis quatre ans, a coûté la vie à 1 300 Palestiniens, dont 650, la moitié, ont été exécutés par leurs propres frères. En 1991, ce sinistre pourcentage a atteint 75%, dont 93% au mois de juin dernier et 84% en juillet et en novembre. Au règne de la terreur viennent s’ajouter les conflits violents qui opposent le camp des intégristes islamiques à celui des groupements les plus radicaux de l’OLP, et ces derniers aux autres factions de cette organisation terroriste.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que l’OLP reste fidèle à l’esprit de la Charte de la Palestine, qui préconise la destruction d’Israël.

Quel crédit accorder aux déclarations faites par des dirigeants qui ont manifestement perdu le contrôle des éléments qu’ils sont censés représenter et dont le soutien s’affaiblit de plus en plus? La nouvelle classe dirigeante palestinienne, qui a émergé en Cisjordanie et à Gaza, s’efforce de relever le flambeau d’une identité palestinienne bafouée par les leaders du passé.

Le débat sur la paix avec les Arabes, qui ne laisse pas de dresser les partis politiques israéliens les uns contre les autres, trouvera une issue démocratique, celle que pratiquent tous les pays civilisés: l’élection. Il est déplorable que les Palestiniens vivent sous le règne de la terreur et que les adhérents du Hamas intégriste ou de l’OLP soient tous violemment opposés à un règlement pacifique, comme à l’implication directe des Palestiniens aux pourparlers de paix. Les actes de terrorisme de ces organisations ne sont pas uniquement dirigés contre les Israéliens qui vivent dans les territoires, mais aussi contre tous les Arabes favorables au principe de la participation des Palestiniens aux pourparlers de paix. Toutes les activités des organisations terroristes, y compris les assassinats de Juifs et d’Arabes, n’ont qu’une visée: la création d’un climat d’hostilité et de haine endiguant systématiquement les chances de parvenir à la paix.

Les initiatives et les efforts fournis par les Etats-unis et la Russie ont débouché sur la Conférence de paix de Madrid où, pour la première fois dans l’Histoire, une délégation dirigée par le Premier ministre d’Israël a pris place aux côtés de délégués jordano-palestiniens, libanais et syriens.

J’ai déjà dit que l’élan vers la paix était irréversible. Les forums de Madrid et de Moscou, tenus il y a quelques jours, paraissaient utopiques il y a quelques années. A présent, des délégations israéliennes s’entretiennent avec des délégués jordano-palestiniens, libanais et syriens, et à chaque réunion sont posés de nouveaux jalons sur la voie de la paix et du dialogue.

Cependant, ne nous leurrons pas: si le chemin est inéluctable, il n’en sera pas moins long et parsemé d’embûches. Loin de moi l’intention de donner une image idéalisée des futures opportunités de coopération. Nous n’en sommes pour l’instant qu’aux prémices. Les troubles dans les territoires occupés et les actes perpétrés par les factions extrémistes d’organisations terroristes de tout bord en sont les principaux obstacles: actionnés de l’étranger, ils répandent la mort et le fanatisme.

Redoutant de passer pour des collaborateurs, de nombreuses personnalités palestiniennes refusent de s’exprimer ouvertement et occultent leurs opinions modérées. Il suffit à cet égard de rappeler le nombre incalculable de menaces directes et indirectes reçues par les membres de la délégation palestinienne aux pourparlers de paix.

L’espoir que nous avions placé dans certains dirigeants arabes a été déçu une fois de plus pendant la guerre du Golfe. Qui peut garantir qu’un nouveau despote ne surgira pas demain et, sur les traces de Sadam Hussein, opprimera son propre peuple et tout le monde arabe dans la foulée? Qui peut nous garantir que Saddam Hussein n’a pas recouvré l’intégralité des moyens dont il disposait à la veille de l’invasion du Koweït et qu’il ne réitérera pas ses menaces sur la région et sur le monde?

Les observateurs se méprennent sur le Proche-Orient. La majorité d’entre eux continue de considérer le conflit israélo-arabe comme le plus grave, le plus déterminant et le plus périlleux de la région, nonobstant les leçons de la guerre du Golfe. Certes, ce conflit est grave, et il n’est pas question ici d’en minimiser l’importance. Mais il est indispensable de souligner que, quelle que soit son importance, il est loin d’être le seul de la région. Ainsi, il n’a eu aucune incidence sur la guerre d’Afghanistan, sur la chute du Shah, sur l’accession au pouvoir de Khomeiny ou sur le long et meurtrier conflit irano-irakien; aucune incidence sur l’invasion du Koweït par l’Irak, ni sur les combats qui opposent depuis de longues années le Front Polisario au Maroc; aucune incidence non plus sur le déclenchement de la guerre civile au Liban en 1975 ni sur son issue par inféodation à la Syrie. Même si Israël venait à disparaître, les foyers de conflit de cette région, qui en regorge, continueraient de compromettre la paix du monde.

J’ai toujours redouté que l’attention démesurée accordée par les hommes d’Etat occidentaux au conflit israélo-arabe, à l’exclusion de tous ceux qui déchirent notre région, n’occulte leurs facultés d’analyse, d’évaluation et d’anticipation des événements majeurs du Proche-Orient. Israël détient, après Washington, le record du nombre de correspondants de presse étrangers. Le résultat est que le moindre jet de pierres en Cisjordanie a fait la une des médias à l’époque où le bain de sang du conflit irano-irakien était ignoré, tandis qu’un formidable arsenal d’armements de destruction massive était acquis en Irak, avec la collaboration active des puissances occidentales.

Je suis conscient de la virulence de mon propos, mais vous voudrez bien excuser mon scepticisme quant aux facultés des dirigeants occidentaux d’évaluer la situation dans notre région. Les faits parlent d’eux-mêmes: les puissances occidentales ont été prises de court par l’invasion de l’Afghanistan; par la chute du Shah, d’ailleurs prévue avec six mois d’avance par l’ambassadeur d’Israël en Iran; par l’accession au pouvoir de Khomeiny et de l’idéologie intégriste; par le déclenchement de la guerre irano-irakienne comme par son dénouement; par l’invasion du Koweït par un Saddam Hussein qui, quelques mois auparavant, passait aux yeux de membres influents du Congrès américain pour un parangon de paix et de sagesse. Quand, en 1981, Israël entreprit de bombarder le réacteur nucléaire irakien, cela souleva l’opprobre de la communauté internationale. Cette condamnation est restée depuis à l’ordre du jour de l’ONU, où elle est réitérée tous les ans! Pour distraire son attention de l’attaque israélienne, la communauté internationale a désormais le loisir d’inventorier les préparatifs terrifiants que fait l’Irak pour mettre au point des armements de destruction massive, atomique, chimique et biologique, assortis vraisemblablement d’une bombe à hydrogène. Le tout menaçant gravement notre région et dans une grande mesure le reste du monde.

Il convient de s’interroger sur la cause de tant d’erreurs d’appréciation survenues les unes après les autres, malgré les ressources quasiment illimitées des services de renseignements, malgré la sophistication de leurs équipements, malgré le réseau subtil des relations diplomatiques entre pays, malgré les innombrables instituts de recherches universitaires et malgré la toute-puissance des médias.

Après les opérations militaires de la «Tempête du désert», menées avec tant de courage et de perspicacité sous la direction du Président Bush, le monde s’est mépris sur le sens de la cessation des hostilités en Irak, permettant ainsi à un monstre de survivre, de resserrer son étau sur ses concitoyens, de se jouer de la commission de contrôle de l’ONU et de promouvoir la fabrication dans son pays d’armements de destruction massive aussi dangereux que les précédents. On pourrait critiquer le résultat des actions passées et être sceptique quant à la capacité des puissances occidentales d’évaluer le cours des événements dans notre région.

Monsieur le Président, le plus grand danger du monde actuel reste ignoré: la montée de l’intégrisme islamique. Il menace directement les pays du Proche-Orient et se répand partout. Nous savons tous que l’Iran est impliqué dans la montée de l’intégrisme dans les cinq républiques musulmanes de l’ex-Union Soviétique, qui comptent 60 millions d’habitants. Et ce, en dépit de la résistance opposée par la classe dirigeante de ces pays. Ce danger est d’autant plus grand que certains des acteurs principaux de l’intégrisme s’efforcent d’acquérir et de développer des technologies de destruction massive. La conjonction du fanatisme islamique et des horreurs perpétrées par les armements de destruction massive est une recette éprouvée d’apocalypse. Quelle sombre perspective pour le monde de demain!

C’est sur ce problème que les spécialistes du Proche-Orient doivent focaliser leur attention, et avec eux les dirigeants occidentaux, d’Amérique et d’Europe surtout – somme toute l’Algérie est proche. Or, c’est précisément celui qui est le plus volontiers éclipsé, pour des raisons que je ne parviens pas à comprendre. Le général Schwarzkopf a justement tourné en dérision les analyses des experts du Proche-Orient!

Il ne nous reste qu’à espérer, qu’à prier pour que nous avancions sur le chemin de la paix. Un chemin long et périlleux, j’en suis sûr, mais qui finira par nous mener au but auquel aspirent tous les peuples de la région. Oui, Monsieur le Président, nous avançons à pas mesurés, porteurs que nous sommes des prières de millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’ont pas la liberté de s’exprimer librement, qui sont déchirés par le fanatisme religieux. L’avènement de la paix viendra combler les aspirations de tous les peuples de la région.

Entre-temps, nous poursuivons un autre objectif en Israël: celui de l’épanouissement de notre société et du resserrement des liens avec les autres pays.

En quarante-quatre ans à peine, nous avons mis en place une société ouverte et démocratique, où la dignité humaine est promue au rang de valeur suprême. Notre pouvoir judiciaire est libre et indépendant; notre pouvoir législatif est démocratiquement élu, nous jouissons d’une liberté totale de la presse et d’un système éducatif très avancé. La renommée de nos percées agricoles et industrielles a dépassé depuis longtemps les frontières de notre pays. Nos industries de pointe produisent des technologies extrêmement performantes dans les domaines de la biotechnologie, de l’avionique, de l’imagerie médicale, etc., et la liste n’est pas exhaustive. On trouve des composants de fabrication israélienne dans les satellites et les avions les plus sophistiqués de fabrication américaine. Nous occupons le troisième rang au monde, après les Etats-Unis et le Japon, dans la recherche théorique et appliquée en énergie solaire. Nous apportons notre aide technique, agricole et médicale à de nombreux pays en voie de développement. Savez-vous que plus de la moitié des chirurgies ophtalmologiques réalisées au cours des trois dernières décennies en Afrique noire l’ont été par des médecins israéliens? Nous détenons d’impressionnants records mondiaux dans le domaine de l’irrigation, du dessalement de l’eau de mer et de l’activation des pluies. Nous avons été le huitième pays au monde à lancer dans l’espace un vaisseau de fabrication locale.

Monsieur le Président, je voudrais, pour conclure, évoquer l’un des facteurs essentiels de l’actualité israélienne: l’intégration de la vague d’immigrants en provenance des pays qui formaient l’Union Soviétique avant son démantèlement. Pour nous, petit pays qui subit, comme beaucoup d’autres, les contrecoups d’une grave récession économique, l’entreprise est comparable à l’absorption par les Etats-Unis de toute la population de la France. En effet, 400 000 immigrants sont arrivés depuis 1989, soit un accroissement de 10% de notre population. C’est comme si l’Allemagne devait absorber 8 millions d’immigrants.

Hautement qualifiée, cette immigration représente un afflux impressionnant de matière grise: 60 % des immigrants adultes ont en effet une formation universitaire. Leur intégration est délicate, onéreuse, douloureuse parfois. Mais, après deux ans, le bilan s’avère encourageant. La plupart des pays représentés au Conseil de l’Europe ont une longue expérience de l’absorption de réfugiés. Mais nos difficultés dépassent quantitativement et qualitativement celles que vous connaissez. Nous nous sommes engagés à trouver la solution à un problème humanitaire de premier plan.

Nous sommes convaincus que la plupart des pays représentés ici nous aideront à mener à bien ce plan d’action humanitaire, qui pourra servir d’exemple pour les autres peuples. Nous sommes fiers des engagements que nous avons pris à l’égard de nos frères et sœurs, de la disposition au sacrifice de nos concitoyens et du consensus national quant à la décision de les intégrer à notre société. Nous sommes fiers de la liberté dont jouissent nos citoyens arabes et druzes, lesquels constituent 17% de notre population et font partie intégrante de notre société. Nous sommes fiers du fait – et il n’est pas fortuit que je l’évoque devant cette Assemblée où le respect des droits de l’homme est une valeur suprême – que, malgré nos multiples problèmes, nous avons su mettre en œuvre l’idée et les fondements de la démocratie, et préserver la dignité et la liberté des hommes.

Les divergences de vue sur les questions de sécurité s’expriment librement en Israël dans les médias, au Parlement, dans l’opinion publique et dans les décisions indépendantes des tribunaux.

En tant que représentant de ce pays, je vous remercie de l’occasion que vous m’avez donnée de présenter l’éclairage israélien sur la situation de notre région. De cette tribune où l’enseignement de la «maison commune européenne» me sert de modèle, je formule mes vœux pour que le processus de paix soit couronné de succès. Nous entendons en effet, tout en défendant nos grandes valeurs, vivre en paix et en bonne coopération avec nos voisins arabes, dans l’intérêt de toutes les populations concernées.