Chaim

Herzog

Président de l'Etat d'Israël

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 5 février 1992

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, merci pour l’honneur que vous me faites et que vous faites à mon pays de me donner la parole devant les membres distingués du Conseil de l’Europe. Je connais la valeur intrinsèque de cette institution et je suis particulièrement sensible à son message universel. Strasbourg, où, malgré les dissensions séculaires, malgré les conflits qui ont déchiré ce continent, de grandes nations ont choisi l’option de la concorde et mis en place cette noble entreprise de l’histoire de l’humanité qu’est l’édification de l’Europe, est un exemple exaltant pour tous les pays du monde, et en particulier pour ceux de la région tourmentée d’où je viens.

Vous incarnez une idée et un dessein que nous, Israéliens, chérissons: le dialogue entre les peuples. Vous êtes parvenus à mettre en valeur les ressemblances et à estomper les divergences entre les nations. Malgré tous les écueils que la communauté européenne s’est efforcée et s’efforce de dépasser, ce qui se passe à Strasbourg constitue, pour le reste du monde, l’un des modèles les plus insignes de l’entente entre les peuples.

Ayant le privilège – et le regret aussi – de représenter la seule démocratie du Proche-Orient, je ne peux que formuler des vœux pour que nous aussi, dans notre région, possédions un jour une instance comme la vôtre, où, quittant le climat d’hostilité et le ton comminatoire de leurs diatribes, les délégués de tous les pays et de tous les parlements proche-orientaux se réuniront pour débattre ouvertement de leurs problèmes respectifs et chercher ensemble des solutions.

En moins de deux ans, le monde a subi de profonds bouleversements. L’échec de l’idéologie communiste, l’effondrement de l’empire soviétique et l’indépendance recouvrée des pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale marquent profondément la conjoncture internationale.

Nous avons été récemment gratifiés de l’abrogation, par l’Assemblée générale de l’ONU, de la résolution inique assimilant le sionisme et le racisme.

Pour se faire une idée du renversement des tendances, il suffit de souligner que ce fut à une majorité écrasante que fut votée cette infâme Résolution 3379, récemment abrogée à l’unanimité.

A ce propos, qu’il me soit permis de mettre en garde les membres distingués du Conseil de l’Europe – représentants des idéaux de liberté et de dignité de leurs pays – contre ces phénomènes regrettables que sont l’antisémitisme et le racisme en Europe. Il convient d’en combattre avec énergie les manifestations, avant qu’ils ne prennent des proportions incontrôlables.

Le plus grand défi d’Israël est l’accomplissement de la paix avec ses voisins arabes, Palestiniens compris.

En 1922, la Société des Nations accorda une reconnaissance politique aux droits historiques et religieux du peuple juif et l’investit du droit de posséder un Etat sur sa terre ancestrale, sanctifiée par la Bible depuis des millénaires et sainte pour les croyants des trois grandes religions monothéistes. Cette reconnaissance des droits du peuple juif fut entérinée par l’ONU le 29 novembre 1947.

Déjà, dans sa déclaration d’indépendance, Israël a tendu la main à ses voisins arabes, leur offrant la paix et des relations de bon voisinage. Notre offre a été rejetée et sept armées arabes se sont dressées contre nous, avec le soutien actif des Palestiniens, dans le dessein avoué de nous jeter à la mer. Avec l’énergie du désespoir, nous avons pris les armes, quand nous en avions, car la plupart des pays occidentaux avaient déclaré l’embargo contre nous. Inférieurs en nombre et en armement, nous avons sacrifié un pour cent de notre population, mais nous avons surmonté nos difficultés sous la direction éclairée et opiniâtre de David Ben Gourion.

Depuis, Israël n’a jamais cessé de proposer la paix. En vain. Les Palestiniens, pour leur part, se sont engagés sur le chemin de l’erreur qui les a conduits à la tragédie. Un de nos hommes d’Etat les plus éminents a fait à leur propos cette remarque, tristement pertinente, je cite: «Les Palestiniens n’ont jamais raté l’occasion de rater l’occasion.»

Pendant dix-neuf ans, de 1948 à 1967, la Cisjordanie s’est trouvée sous autorité jordanienne et la bande de Gaza sous hégémonie égyptienne. Pendant dix-neuf ans, les Palestiniens se sont laissé duper par les pays arabes, qui n’ont jamais reconnu l’entité palestinienne. Contrairement à leur rhétorique officielle, celle d’hier comme celle d’aujourd’hui, les pays arabes ne souhaitent pas la création d’un Etat palestinien.

Dix jours après la fin de la guerre de Six Jours, en juin 1967, le Conseil des ministres israélien a proposé à l’Egypte la restitution du désert du Sinaï et à la Syrie la restitution du plateau du Golan, en échange de la démilitarisation de ces régions et de la signature d’un traité de paix. Le Gouvernement israélien s’apprêtait à engager des pourparlers avec le roi Hussein de Jordanie. La réponse est venue du Sommet de Khartoum. Elle disait trois fois non: non aux négociations avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à la paix.

En 1977, le plan de pleine autonomie proposé par le Premier ministre Menahem Begin aux Palestiniens dans le cadre des accords de Camp David a également été rejeté en bloc. S’ils avaient accepté l’offre israélienne, nous serions tous engagés depuis longtemps sur le chemin de la paix.

Notre engagement dans la paix est irréversible. Et si je suis profondément convaincu que nous y parviendrons, c’est parce que, me reportant à la visite historique du regretté Président Anouar el-Sadate à Jérusalem, je me souviens qu’alors la quasi-totalité des frontières d’Israël était hermétiquement close, aux hommes comme aux marchandises. S’imaginait-on à l’époque qu’un jour prochain le drapeau israélien flotterait au-dessus de l’ambassade d’Israël au Caire et que le drapeau égyptien flotterait au-dessus de l’ambassade d’Egypte en Israël? S’imaginait-on que dix ans à peine après la signature du traité de paix entre nos pays, l’Egypte non seulement serait réinsérée dans la Ligue arabe, tout en respectant l’intégralité de ses engagements à l’égard d’Israël, mais encore reprendrait sa position légitime de leader du monde arabe?

Qui osait rêver que des dizaines de milliers d’Israéliens envahiraient un jour les sites touristiques égyptiens et que des projets conjoints de recherche agricole essaimeraient bientôt dans la vallée du Nil et dans notre désert du Néguev?

Qui osait rêver que plus d’un million de personnes traverseraient les ponts du Jourdain dans les deux directions et que jour après jour des centaines de camions assureraient la circulation des marchandises israéliennes et jordaniennes? Que des milliers de musulmans israéliens pourraient un jour effectuer leur pèlerinage traditionnel à La Mecque? Que des milliers de Libanais viendraient travailler en Israël?

Nous nous trouvons à un nouveau carrefour marqué par les troubles en Judée-Samarie et dans la bande de Gaza. Nous regrettons de tout cœur les effusions de sang, du côté israélien comme du côté palestinien, que notre politique de maintien de l’ordre et de respect du droit ne parvient pas toujours à éviter.

Les offensives arabes contre Israël ont toujours été marquées par leur caractère irrationnel et autodestructeur. La haine et la violence ont provoqué des désastres sans jamais parvenir à résoudre les problèmes. Les leçons sont hélas comprises trop tard. S’il y a, au sein de la population israélienne, des divergences profondes sur les moyens de parvenir à la paix, une chose est certaine cependant: personne en Israël ne souhaite dominer d’autres peuples. C’est sur les moyens de faire avancer la paix que s’articule le débat politique actuel dans mon pays. La démocratie israélienne doit prendre des décisions graves, dramatiques, qui n’ont d’égales que celles auxquelles sont confrontés les Palestiniens d’Israël et des territoires occupés. Tel sera l’enjeu des élections parlementaires de juin prochain.

Monsieur le Président, il est aisé de débattre de loin des problèmes de notre région, de discourir, d’écrire des articles et de proposer des solutions. La chose est beaucoup plus complexe pour ceux dont les enfants sont quotidiennement exposés aux attentats et à la perspective de conflits armés. Car ce qui est pour les autres pays une simple affaire de politique étrangère est pour Israël une question de vie ou de mort. Dans la conjoncture instable de notre région, nous ne pouvons pas hypothéquer notre avenir, et si nous nous fourvoyons cette fois, nous n’aurons plus d’autre chance.

Nous avons été profondément marqués par le lancement délibéré et brutal des missiles irakiens contre d’innocentes populations civiles. Personne ne peut oublier que ces actes d’agression reflètent des normes de conduite qui ne constituent pas une menace pour Israël uniquement, mais pour tout le Proche-Orient et le Moyen-Orient.

Dans l’état d’agitation qui règne en Judée-Samarie et à Gaza, l’alternative n’est pas d’opter soit pour le maintien de l’ordre, soit pour les négociations de paix. Nous avons choisi d’assurer le fonctionnement des institutions et la sécurité des habitants comme condition préalable aux négociations bilatérales, plutôt que de laisser la situation se dégrader dans le chaos et l’anarchie, comme ce fut le cas au Liban et plus récemment en Yougoslavie.

La force d’une société se mesure à ses capacités de surmonter des crises. Il me semble qu’en dépit de tous ses problèmes et de toutes ses faiblesses notre pays a fait preuve d’autant de maturité et de respect de la dignité humaine que bien d’autres placés dans de semblables circonstances. Golda Meir disait qu’elle ne pouvait pardonner aux Arabes, non parce qu’ils tuent nos enfants, mais parce qu’ils acculent nos enfants à tuer les leurs.

Nous n’avons pas de plus grand souhait que de contribuer au succès de l’initiative de paix actuelle, où les Etats-Unis jouent – comme ils l’ont fait par le passé – un rôle prépondérant.

Malheureusement, les pays étrangers ne se rendent pas compte que la population palestinienne avec laquelle nous vivons et entretenons des relations quotidiennes vit sous l’emprise de la menace et de la terreur provoquées par ses éléments les plus extrémistes. L’Intifada, qui sévit depuis quatre ans, a coûté la vie à 1 300 Palestiniens, dont 650, la moitié, ont été exécutés par leurs propres frères. En 1991, ce sinistre pourcentage a atteint 75%, dont 93% au mois de juin dernier et 84% en juillet et en novembre. Au règne de la terreur viennent s’ajouter les conflits violents qui opposent le camp des intégristes islamiques à celui des groupements les plus radicaux de l’OLP, et ces derniers aux autres factions de cette organisation terroriste.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que l’OLP reste fidèle à l’esprit de la Charte de la Palestine, qui préconise la destruction d’Israël.

Quel crédit accorder aux déclarations faites par des dirigeants qui ont manifestement perdu le contrôle des éléments qu’ils sont censés représenter et dont le soutien s’affaiblit de plus en plus? La nouvelle classe dirigeante palestinienne, qui a émergé en Cisjordanie et à Gaza, s’efforce de relever le flambeau d’une identité palestinienne bafouée par les leaders du passé.

Le débat sur la paix avec les Arabes, qui ne laisse pas de dresser les partis politiques israéliens les uns contre les autres, trouvera une issue démocratique, celle que pratiquent tous les pays civilisés: l’élection. Il est déplorable que les Palestiniens vivent sous le règne de la terreur et que les adhérents du Hamas intégriste ou de l’OLP soient tous violemment opposés à un règlement pacifique, comme à l’implication directe des Palestiniens aux pourparlers de paix. Les actes de terrorisme de ces organisations ne sont pas uniquement dirigés contre les Israéliens qui vivent dans les territoires, mais aussi contre tous les Arabes favorables au principe de la participation des Palestiniens aux pourparlers de paix. Toutes les activités des organisations terroristes, y compris les assassinats de Juifs et d’Arabes, n’ont qu’une visée: la création d’un climat d’hostilité et de haine endiguant systématiquement les chances de parvenir à la paix.

Les initiatives et les efforts fournis par les Etats-unis et la Russie ont débouché sur la Conférence de paix de Madrid où, pour la première fois dans l’Histoire, une délégation dirigée par le Premier ministre d’Israël a pris place aux côtés de délégués jordano-palestiniens, libanais et syriens.

J’ai déjà dit que l’élan vers la paix était irréversible. Les forums de Madrid et de Moscou, tenus il y a quelques jours, paraissaient utopiques il y a quelques années. A présent, des délégations israéliennes s’entretiennent avec des délégués jordano-palestiniens, libanais et syriens, et à chaque réunion sont posés de nouveaux jalons sur la voie de la paix et du dialogue.

Cependant, ne nous leurrons pas: si le chemin est inéluctable, il n’en sera pas moins long et parsemé d’embûches. Loin de moi l’intention de donner une image idéalisée des futures opportunités de coopération. Nous n’en sommes pour l’instant qu’aux prémices. Les troubles dans les territoires occupés et les actes perpétrés par les factions extrémistes d’organisations terroristes de tout bord en sont les principaux obstacles: actionnés de l’étranger, ils répandent la mort et le fanatisme.

Redoutant de passer pour des collaborateurs, de nombreuses personnalités palestiniennes refusent de s’exprimer ouvertement et occultent leurs opinions modérées. Il suffit à cet égard de rappeler le nombre incalculable de menaces directes et indirectes reçues par les membres de la délégation palestinienne aux pourparlers de paix.

L’espoir que nous avions placé dans certains dirigeants arabes a été déçu une fois de plus pendant la guerre du Golfe. Qui peut garantir qu’un nouveau despote ne surgira pas demain et, sur les traces de Sadam Hussein, opprimera son propre peuple et tout le monde arabe dans la foulée? Qui peut nous garantir que Saddam Hussein n’a pas recouvré l’intégralité des moyens dont il disposait à la veille de l’invasion du Koweït et qu’il ne réitérera pas ses menaces sur la région et sur le monde?

Les observateurs se méprennent sur le Proche-Orient. La majorité d’entre eux continue de considérer le conflit israélo-arabe comme le plus grave, le plus déterminant et le plus périlleux de la région, nonobstant les leçons de la guerre du Golfe. Certes, ce conflit est grave, et il n’est pas question ici d’en minimiser l’importance. Mais il est indispensable de souligner que, quelle que soit son importance, il est loin d’être le seul de la région. Ainsi, il n’a eu aucune incidence sur la guerre d’Afghanistan, sur la chute du Shah, sur l’accession au pouvoir de Khomeiny ou sur le long et meurtrier conflit irano-irakien; aucune incidence sur l’invasion du Koweït par l’Irak, ni sur les combats qui opposent depuis de longues années le Front Polisario au Maroc; aucune incidence non plus sur le déclenchement de la guerre civile au Liban en 1975 ni sur son issue par inféodation à la Syrie. Même si Israël venait à disparaître, les foyers de conflit de cette région, qui en regorge, continueraient de compromettre la paix du monde.

J’ai toujours redouté que l’attention démesurée accordée par les hommes d’Etat occidentaux au conflit israélo-arabe, à l’exclusion de tous ceux qui déchirent notre région, n’occulte leurs facultés d’analyse, d’évaluation et d’anticipation des événements majeurs du Proche-Orient. Israël détient, après Washington, le record du nombre de correspondants de presse étrangers. Le résultat est que le moindre jet de pierres en Cisjordanie a fait la une des médias à l’époque où le bain de sang du conflit irano-irakien était ignoré, tandis qu’un formidable arsenal d’armements de destruction massive était acquis en Irak, avec la collaboration active des puissances occidentales.

Je suis conscient de la virulence de mon propos, mais vous voudrez bien excuser mon scepticisme quant aux facultés des dirigeants occidentaux d’évaluer la situation dans notre région. Les faits parlent d’eux-mêmes: les puissances occidentales ont été prises de court par l’invasion de l’Afghanistan; par la chute du Shah, d’ailleurs prévue avec six mois d’avance par l’ambassadeur d’Israël en Iran; par l’accession au pouvoir de Khomeiny et de l’idéologie intégriste; par le déclenchement de la guerre irano-irakienne comme par son dénouement; par l’invasion du Koweït par un Saddam Hussein qui, quelques mois auparavant, passait aux yeux de membres influents du Congrès américain pour un parangon de paix et de sagesse. Quand, en 1981, Israël entreprit de bombarder le réacteur nucléaire irakien, cela souleva l’opprobre de la communauté internationale. Cette condamnation est restée depuis à l’ordre du jour de l’ONU, où elle est réitérée tous les ans! Pour distraire son attention de l’attaque israélienne, la communauté internationale a désormais le loisir d’inventorier les préparatifs terrifiants que fait l’Irak pour mettre au point des armements de destruction massive, atomique, chimique et biologique, assortis vraisemblablement d’une bombe à hydrogène. Le tout menaçant gravement notre région et dans une grande mesure le reste du monde.

Il convient de s’interroger sur la cause de tant d’erreurs d’appréciation survenues les unes après les autres, malgré les ressources quasiment illimitées des services de renseignements, malgré la sophistication de leurs équipements, malgré le réseau subtil des relations diplomatiques entre pays, malgré les innombrables instituts de recherches universitaires et malgré la toute-puissance des médias.

Après les opérations militaires de la «Tempête du désert», menées avec tant de courage et de perspicacité sous la direction du Président Bush, le monde s’est mépris sur le sens de la cessation des hostilités en Irak, permettant ainsi à un monstre de survivre, de resserrer son étau sur ses concitoyens, de se jouer de la commission de contrôle de l’ONU et de promouvoir la fabrication dans son pays d’armements de destruction massive aussi dangereux que les précédents. On pourrait critiquer le résultat des actions passées et être sceptique quant à la capacité des puissances occidentales d’évaluer le cours des événements dans notre région.

Monsieur le Président, le plus grand danger du monde actuel reste ignoré: la montée de l’intégrisme islamique. Il menace directement les pays du Proche-Orient et se répand partout. Nous savons tous que l’Iran est impliqué dans la montée de l’intégrisme dans les cinq républiques musulmanes de l’ex-Union Soviétique, qui comptent 60 millions d’habitants. Et ce, en dépit de la résistance opposée par la classe dirigeante de ces pays. Ce danger est d’autant plus grand que certains des acteurs principaux de l’intégrisme s’efforcent d’acquérir et de développer des technologies de destruction massive. La conjonction du fanatisme islamique et des horreurs perpétrées par les armements de destruction massive est une recette éprouvée d’apocalypse. Quelle sombre perspective pour le monde de demain!

C’est sur ce problème que les spécialistes du Proche-Orient doivent focaliser leur attention, et avec eux les dirigeants occidentaux, d’Amérique et d’Europe surtout – somme toute l’Algérie est proche. Or, c’est précisément celui qui est le plus volontiers éclipsé, pour des raisons que je ne parviens pas à comprendre. Le général Schwarzkopf a justement tourné en dérision les analyses des experts du Proche-Orient!

Il ne nous reste qu’à espérer, qu’à prier pour que nous avancions sur le chemin de la paix. Un chemin long et périlleux, j’en suis sûr, mais qui finira par nous mener au but auquel aspirent tous les peuples de la région. Oui, Monsieur le Président, nous avançons à pas mesurés, porteurs que nous sommes des prières de millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’ont pas la liberté de s’exprimer librement, qui sont déchirés par le fanatisme religieux. L’avènement de la paix viendra combler les aspirations de tous les peuples de la région.

Entre-temps, nous poursuivons un autre objectif en Israël: celui de l’épanouissement de notre société et du resserrement des liens avec les autres pays.

En quarante-quatre ans à peine, nous avons mis en place une société ouverte et démocratique, où la dignité humaine est promue au rang de valeur suprême. Notre pouvoir judiciaire est libre et indépendant; notre pouvoir législatif est démocratiquement élu, nous jouissons d’une liberté totale de la presse et d’un système éducatif très avancé. La renommée de nos percées agricoles et industrielles a dépassé depuis longtemps les frontières de notre pays. Nos industries de pointe produisent des technologies extrêmement performantes dans les domaines de la biotechnologie, de l’avionique, de l’imagerie médicale, etc., et la liste n’est pas exhaustive. On trouve des composants de fabrication israélienne dans les satellites et les avions les plus sophistiqués de fabrication américaine. Nous occupons le troisième rang au monde, après les Etats-Unis et le Japon, dans la recherche théorique et appliquée en énergie solaire. Nous apportons notre aide technique, agricole et médicale à de nombreux pays en voie de développement. Savez-vous que plus de la moitié des chirurgies ophtalmologiques réalisées au cours des trois dernières décennies en Afrique noire l’ont été par des médecins israéliens? Nous détenons d’impressionnants records mondiaux dans le domaine de l’irrigation, du dessalement de l’eau de mer et de l’activation des pluies. Nous avons été le huitième pays au monde à lancer dans l’espace un vaisseau de fabrication locale.

Monsieur le Président, je voudrais, pour conclure, évoquer l’un des facteurs essentiels de l’actualité israélienne: l’intégration de la vague d’immigrants en provenance des pays qui formaient l’Union Soviétique avant son démantèlement. Pour nous, petit pays qui subit, comme beaucoup d’autres, les contrecoups d’une grave récession économique, l’entreprise est comparable à l’absorption par les Etats-Unis de toute la population de la France. En effet, 400 000 immigrants sont arrivés depuis 1989, soit un accroissement de 10% de notre population. C’est comme si l’Allemagne devait absorber 8 millions d’immigrants.

Hautement qualifiée, cette immigration représente un afflux impressionnant de matière grise: 60 % des immigrants adultes ont en effet une formation universitaire. Leur intégration est délicate, onéreuse, douloureuse parfois. Mais, après deux ans, le bilan s’avère encourageant. La plupart des pays représentés au Conseil de l’Europe ont une longue expérience de l’absorption de réfugiés. Mais nos difficultés dépassent quantitativement et qualitativement celles que vous connaissez. Nous nous sommes engagés à trouver la solution à un problème humanitaire de premier plan.

Nous sommes convaincus que la plupart des pays représentés ici nous aideront à mener à bien ce plan d’action humanitaire, qui pourra servir d’exemple pour les autres peuples. Nous sommes fiers des engagements que nous avons pris à l’égard de nos frères et sœurs, de la disposition au sacrifice de nos concitoyens et du consensus national quant à la décision de les intégrer à notre société. Nous sommes fiers de la liberté dont jouissent nos citoyens arabes et druzes, lesquels constituent 17% de notre population et font partie intégrante de notre société. Nous sommes fiers du fait – et il n’est pas fortuit que je l’évoque devant cette Assemblée où le respect des droits de l’homme est une valeur suprême – que, malgré nos multiples problèmes, nous avons su mettre en œuvre l’idée et les fondements de la démocratie, et préserver la dignité et la liberté des hommes.

Les divergences de vue sur les questions de sécurité s’expriment librement en Israël dans les médias, au Parlement, dans l’opinion publique et dans les décisions indépendantes des tribunaux.

En tant que représentant de ce pays, je vous remercie de l’occasion que vous m’avez donnée de présenter l’éclairage israélien sur la situation de notre région. De cette tribune où l’enseignement de la «maison commune européenne» me sert de modèle, je formule mes vœux pour que le processus de paix soit couronné de succès. Nous entendons en effet, tout en défendant nos grandes valeurs, vivre en paix et en bonne coopération avec nos voisins arabes, dans l’intérêt de toutes les populations concernées.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur le Président, de cette intervention stimulante. Votre pays est véritablement multinational, et vous-même l’êtes aussi – né en Irlande, vous avez été officier de l’armée britannique, vous avez débarqué en Normandie et vous voici Président d’Israël. Vous êtes un exemple d’intégration. Si je puis, en tant que Britannique, me permettre d’exprimer ce souhait, j’espère que vous serez à même d’infuser dans votre Etat le maximum des éléments de notre culture qui pourront lui être utiles.

Vous avez eu l’amabilité d’accepter de répondre immédiatement aux questions des parlementaires. Nous avons reçu vingt questions; de ce fait, et compte tenu du temps dont nous disposons, il n’y aura pas de question supplémentaire et, tout comme hier, je m’efforcerai de faire strictement respecter la durée du temps de parole, qui est limitée à trente secondes. J’interromprai toute personne qui n’aura pas fini de poser sa question au bout de trente secondes, sinon les personnes inscrites en bout de liste ne pourront même pas commencer à poser leur question, ce qui serait injuste. La première question vient de M. Fourré.

M. FOURRÉ (France)

A l’issue de la Conférence de Moscou, M. Lévy se félicitait d’avoir obtenu ce qu’il attendait, c’est-à-dire la reconnaissance implicite d’Israël par une dizaine de pays arabes qui ont entamé le dialogue avec lui.

Est-ce, à vos yeux aussi, un motif de satisfaction suffisant, alors que, nous le voyons, les négociations semblent dans l’impasse?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Tout d’abord, les négociations ne sont absolument pas dans l’impasse. Les réunions des comités multilatéraux qui ont été institués – quatre ou cinq d’entre eux ont déjà été mis en place et les noms de nos représentants sont connus – doivent se tenir, si je ne me trompe, en mai ou juin, à Bruxelles, Tokyo, Toronto, Washington et en un autre endroit qui ne me revient pas à l’esprit. Je ne comprends donc pas pourquoi on parle d’impasse. Les négociations bilatérales doivent se poursuivre – je n’en suis pas très sûr, mais je crois que ce sera le 17 de ce mois, ou peut-être la semaine d’après, à Washington. En tout cas, elles sont en cours. Comme je l’ai dit, il y a des difficultés, et il y en aura d’autres; mais, si je puis dire, elles font de plus en plus partie du paysage politique du Moyen-Orient. Naturellement, nous souhaitons que ces négociations se déroulent de nouveau là où elles devraient se dérouler, c’est-à-dire au Moyen-Orient. Mais en attendant, elles continuent.

Tout ce que je peux dire, c’est que, quand les Israéliens ont vu à la télévision les représentants de l’Arabie Saoudite, des Etats du Golfe, de l’Egypte et de la Jordanie s’asseoir, à Moscou, à la même table que notre délégation, ils n’en croyaient pas leurs yeux. Nous en avions rêvé, nous avions prié pour que cela arrive, et nos vœux se sont réalisés.

Je suis absolument convaincu que, malgré toutes les difficultés, qui sont nombreuses, nous progresserons.

M. JESSEL (Royaume-Uni) (traduction)

Monsieur le Président d’Israël pourrait-il rappeler à l’Assemblée le nombre de Juifs qui ont été massacrés par les nazis durant l’Holocauste, notamment le nombre d’enfants, et aussi le nombre de Juifs qui vivent en Israël aujourd’hui? Peut-il expliquer à l’Assemblée ce que ces chiffres disent pour l’avenir d’Israël?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Dois-je vraiment répéter ces chiffres aux membres d’une assemblée comme celle-ci, qui est née de la seconde guerre mondiale?

Je le ferai pourtant: 6 millions de membres de notre peuple ont été massacrés durant l’Holocauste, dont 1,5 million d’enfants; et nous avons aujourd’hui une population mêlée d’environ 5 millions de Juifs, d’Arabes et de Druzes, dont 4,25 millions sont juifs. Nous sommes en train de reconstruire ce qui a été si tragiquement détruit durant cette guerre mondiale. Je ne pense pas qu’on connaisse d’autres exemples de peuple qui se soit délibérément reconstruit comme nous l’avons fait.

Mme HAGLUND (Suède) (traduction)

Je voudrais exprimer mon admiration pour la façon dont Israël absorbe des dizaines de milliers d’immigrants d’Ethiopie et des centaines de milliers d’immigrants de l’ex-Union Soviétique. Vous faites un effort extraordinaire; je crois que vous vous attendez à recevoir en tout au moins un million de personnes de l’ex-Union Soviétique. Quelles seront selon vous, les conséquences sociales et politiques de cette énorme immigration pour Israël?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Elles seront positives. Comme je l’ai dit, 60% des immigrants d’Union Soviétique possèdent un diplôme universitaire. Nous sommes un petit pays, mais, si je ne me trompe, nous possédons aujourd’hui huit ou neuf orchestres symphoniques de niveau international, que nous devons, essentiellement, à l’immigration russe. Il en va de même dans de nombreux domaines scientifiques. Il faut du temps. Comme je l’ai dit, le verre qui est déjà à moitié plein est encore à moitié vide!

L’intégration des Ethiopiens a pris longtemps. Aujourd’hui, on en compte environ 40 000 en Israël. J’ai rencontré une délégation de leurs dirigeants il y a quelques jours seulement. D’après eux, sur ces 40 000 immigrants, 20 000 sont maintenant complètement intégrés. Il a fallu pour cela plus de cinq ans. Mais ces immigrants sont des Israéliens à part entière. On les voit partout. On m’a fait remarquer, par exemple, il y a quelques jours qu’environ vingt-cinq élèves officiers d’origine éthiopienne ont déjà reçu leur diplôme de l’armée israélienne, sans parler du grand nombre d’Ethiopiens qui travaillent dans d’autres domaines, comme la construction mécanique et la médecine. C’est encourageant, et nous en sommes fiers. De plus, il y a des mariages entre des Ethiopiens et d’autres éléments de la population.

Comme je l’ai dit, notre principal problème aujourd’hui est l’immigration russe. C’est un lourd fardeau. Nous espérons pouvoir absorber un million d’immigrants. Je vous ai donné des exemples du nombre de personnes que cela représenterait proportionnellement dans divers pays, afin que vous puissiez, d’après votre propre expérience, vous rendre compte de ce que cela représente.

Mme GJORV (Norvège) (traduction)

Monsieur le Président, du fait de l’Intifada, les écoles et les universités de la rive occidentale et de Gaza ont été fermées pendant de longues périodes. J’ai appris que les écoles sont maintenant rouvertes en de nombreux endroits, mais que les universités restent fermées. Je considère le droit à l’éducation comme un droit fondamental de l’être humain. Ce droit est refusé à toute une génération de jeunes de ces régions. Je voudrais poser la question suivante: quand les universités et les écoles seront-elles toutes rouvertes?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Tout d’abord, vous serez étonnée d’apprendre que je suis tout à fait d’accord avec vous et que je considère que chacun a le droit imprescriptible à l’éducation. Nous aussi, nous en sommes convaincus. Mais nous ne pensons pas que l’éducation soit un droit fondamental pour une organisation qui se consacre au meurtre et à l’agitation. En d’autres termes, nous sommes des gens plutôt simples. Nous pensons que les universités et les écoles doivent être des lieux d’étude.

Vos informations sont erronées. Aucune école n’est fermée aujourd’hui. Toutes les universités sont ouvertes, à l’exception d’une seule: Bir Zeit. Celle-ci restera fermée jusqu’à ce nous ayons la garantie qu’elle ne sera plus le foyer d’assassins et de terroristes, ce qu’elle a été pendant longtemps. Toutes les autres universités s’y sont engagées, et elles sont toutes ouvertes. En outre, nous sommes sur le point d’ouvrir deux autres établissements dans le secteur arabe, l’un à Hébron et l’autre sur la rive occidentale.

Je regrette donc de vous dire que vos informations sont périmées. J’ai les tout derniers chiffres ici, devant moi. Je suis heureux de pouvoir dire qu’apparemment vous n’aurez bientôt plus aucun souci à vous faire et que tout sera rouvert.

M. FAULDS (Royaume-Uni)

On pourrait penser que, mieux que tout autre peuple au monde, les Juifs comprendraient l’horreur de la persécution. Dans ces conditions, comment les Israéliens peuvent-ils traiter les Palestiniens d’une manière aussi choquante et inhumaine?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Vous ne serez pas surpris que je ne sois pas d’accord avec vous. Certes, s’il est un peuple qui sait ce qu’est la persécution, c’est bien le peuple d’Israël. C’est pourquoi, malgré tous les problèmes que nous avons, la situation dans les territoires est ce qu’elle est. C’est parce qu’à aucun moment nous ne pouvons oublier ce que nous avons vécu. Vous savez fort bien que ce genre de situation se retrouve dans d’autres pays. Mais ces pays ne sont pas aussi magnanimes que vous semblez l’être face à l’agitation et au terrorisme. Par exemple, vous autres Britanniques, vous ne permettez à aucun membre de l’IRA de s’exprimer dans vos médias. En Israël, on voit Arafat à la télévision presque tous les jours. Notre attitude est donc entièrement différente. Nous n’avons jamais abattu une personne désarmée. Nous n’avons jamais fait ce qu’on a vu plusieurs fois en Irlande du Nord.

Nous devons faire face à des troubles. Nous sommes responsables, au regard du droit international, de la sécurité des habitants des territoires, et nous y veillons. Nous protégeons ces gens. S’il y a des émeutes, nous ne voulons pas voir se reproduire un nouveau Beyrouth au Moyen-Orient. Nous sommes prêts à négocier. Quand le Président Sadate est venu nous proposer des négociations, il nous a mis à l’épreuve, comme vous l’avez vu. Nous avons relevé le gant et nous sommes en paix avec l’Egypte. Maintenant, les autres aussi semblent avoir recouvré leur bon sens. Je suis convaincu que nous parviendrons finalement, avec eux aussi, à un arrangement pacifique.

Vous devez bien comprendre que vous commettez la même erreur qu’à peu près tout le monde, en considérant notre situation de façon trop simpliste: les Juifs contre les Arabes. Ce n’est pas la réalité. Nous vivons avec les Arabes, nous les rencontrons, nous habitons les mêmes rues. Le problème se situe sur le plan politique. Il est en voie de se résoudre, grâce aux efforts internationaux et à nos propres efforts, ainsi que ceux des Palestiniens, des Arabes et des pays arabes. Cela, c’est un aspect du problème. L’autre, c’est que, comme tous les gouvernements ici représentés, nous considérons de notre devoir de faire respecter l’ordre et la loi. Et nous continuerons de le faire.

Permettez-moi de vous rappeler qu’en quarante-quatre ans d’un terrorisme particulièrement actif – où d’odieux attentats ont été perpétrés par des organisations qui ont propagé le terrorisme dans le monde entier, ainsi que l’ont éprouvé beaucoup de vos pays – nous n’avons jamais exécuté un seul terroriste. Aucun terroriste n’est mort d’une grève de la faim dans nos prisons, comme cela s’est produit ailleurs. Nous pouvons regarder le monde entier, vous regarder tous dans les yeux, et vous demander ce que vous auriez fait dans les mêmes circonstances. Croyez-moi, compte tenu de tout ce qui s’est passé, nous sommes très fiers de ce que nous avons fait.

M. FLÜCKIGER (Suisse)

Monsieur le Président, vous venez de rappeler que votre pays tient ferme le cap de la démocratie. Vous avez raison de nous en faire souvenir, car, si la tradition démocratique en Israël va de soi, ce que l’on considère comme élémentaire pour l’un, on ose à peine l’espérer pour les autres Etats de la région.

Vous avez évoqué les arsenaux du Proche-Orient. Ne pensez-vous pas que les puissances patronnant, de près ou de loin, l’initiative de paix en cours, auraient dû s’entendre au préalable pour geler les livraisons d’armes aux pays concernés?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Après la guerre du Golfe, lorsqu’il était question d’un accord général de désarmement dans la région, cette question a été soulevée essentiellement par les Américains et les Russes. Ils ont débattu des armes non conventionnelles. Nous avons proposé que le gel s’applique à toutes les armes, y compris les armes conventionnelles, car la principale cause des troubles qui sévissent au Moyen-Orient depuis toutes ces années, ce sont, non pas les armes non conventionnelles qui, grâce à Dieu, ne s’y trouvent pas encore, mais la masse d’armes conventionnelles qui s’y déverse.

Il est regrettable que, jusqu’à présent, aucun accord n’ait été conclu qui nous permettrait, dans une première étape, de progresser sur la question du gel des armes conventionnelles. Un comité multilatéral vient d’être créé à Moscou pour étudier la question globale du désarmement dans la région. C’est un début modeste, mais c’est un début. Je crois qu’en dernière analyse, quand on comprendra ce que cela coûte à tous les peuples de la région, la sagesse prévaudra et qu’on parviendra à un accord de désarmement.

M. EWING (Royaume-Uni) (traduction)

Monsieur le Président, vous avez passé une partie de votre intervention à vous plaindre que les nations occidentales ne comprennent pas vraiment les problèmes du Moyen-Orient. Peut-être avez-vous raison, peut-être avez-vous tort. Toutefois, pour remédier à notre ignorance, nous avions souhaité que l’Assemblée tienne un débat sur la question du Moyen-Orient durant cette session. Sans vouloir vous froisser, je dois vous dire que j’ai été extrêmement étonné d’apprendre...

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Sans vouloir vous froisser, vous avez déjà dépassé vos trente secondes. Vous n’avez pas encore posé de question. Je vous donne cinq secondes de plus pour poser votre question.

M. EWING (traduction)

Je me demandais pourquoi les ambassades d’Israël dans toute l’Europe se sont autant démenées pour faire retirer ce débat de notre ordre du jour. Quel...

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Les ambassades d’Israël ont considéré que, si le chef de l’Etat devait intervenir ici, il n’était pas convenable que votre Assemblée tienne un débat et en tire des conclusions sans lui avoir au moins donné la possibilité de plaider sa cause.

M. ESPERSEN (Danemark) (traduction)

Bien que, si j’en crois votre discours, vous n’ayez guère d’admiration pour les capacités intellectuelles de nos dirigeants, je vous poserai la question suivante: comprenez-vous la préoccupation exprimée par les ministres des Affaires étrangères des pays nordiques à propos de la poursuite des implantations dans les territoires occupés, qui risque d’aggraver la situation et de réduire à néant les possibilités de paix? Comprenez-vous qu’ils s’inquiètent de vous voir expulser des habitants des régions occupées, en contradiction flagrante avec l’article 5 de la 4e Convention de Genève, une des conventions sur les droits de l’homme qui interdit toute expulsion, alors que vous avez la responsabilité de la sécurité dans ces territoires?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Premièrement, nous sommes un pays libre et démocratique. On trouve chez nous des opinions diverses sur toutes sortes de questions, y compris celles des implantations de colons. Permettez-moi de souligner, avant tout, que je n’ai pas mis en cause l’intelligence des dirigeants occidentaux. J’ai employé le terme d’«intelligence» au sens anglais de «renseignement», pour dire qu’ils étaient mal informés. J’ai évoqué les mauvais calculs et les mauvaises prévisions qui ont été faits. Qui pourrait dire le contraire. C’est une évidence pour tout le monde. Dois-je vous rappeler que tout un chacun savait que l’Irak faisait de vastes préparatifs de guerre et qu’il fabriquait des armes nucléaires, chimiques et biologiques? Vous avez des ambassades dans ce pays, et beaucoup d’entre vous sans doute y ont aussi des services de renseignements. N’étiez-vous pas au courant de tout cela?

La question des implantations de colons fait l’objet d’un débat politique en Israël. Je ne prendrai donc pas part à ce débat, car, selon notre Constitution, je suis au-dessus de la politique. Toutefois, sans entrer dans le débat, je vous dirai une seule chose. Vous avez mal interprété l’article 5 de la Convention de Genève. Cet article prévoit très clairement que toute personne qui s’oppose au pouvoir administrant une région s’exclut automatiquement du bénéfice de la Convention de Genève. C’est parfaitement clair. La 4e Convention de Genève a été adoptée pour éviter des expulsions de masse telles qu’il y en a eu en Europe durant la seconde guerre mondiale, et non dans l’optique d’incidents comme ceux qui se sont produits chez nous. En vingt-cinq ans, nous avons expulsé une soixantaine de terroristes, dont certains sont revenus depuis.

Vous affirmez à la légère que cela constitue un obstacle à la paix. Bien que, comme je l’ai dit, il ne convienne pas que j’entre dans ce débat, je vous rappellerai qu’au cours des dix-neuf ans où l’Egypte et la Jordanie contrôlaient la bande de Gaza et la rive occidentale il n’y avait pas d’implantation. On n’y trouvait que des troupes arabes. Pourtant, personne n’est venu nous proposer des pourparlers de paix. Quand le Président Sadate est venu en Israël pour parler de paix, il y avait déjà soixante-dix implantations. Cela ne nous a pas empêché de conclure un traité de paix. Nous avons maintenant entamé des négociations avec le monde arabe pour négocier la paix, et nous progressons. Je vous recommanderai donc de parler un peu plus prudemment de ce qui contribue à la paix et de ce qui l’empêche. Ce sont les faits sur le terrain qu’il faut considérer, et non des affirmations étourdies et sans fondement.

M. SCHWIMMER (Autriche) (traduction)

Monsieur le Président, le respect des droits de l’homme et la préservation de l’identité ethnique et religieuse des minorités sont aussi au nombre des conditions préalables au règlement pacifique et durable des conflits dont l’Assemblée a maintes fois débattu ces jours-ci eu égard aux conflits européens. Cela vaut aussi pour le Proche-Orient.

Ma question, Monsieur le Président, est la suivante: qu’en est-il des droits de l’homme et de la préservation de l’identité des minorités en Israël, et de la situation des minorités juives dans les pays arabes?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Israël a une importante minorité d’Arabes et de Druzes qui représentent 17% de sa population. Ceux-ci font partie de notre société et possèdent des représentants à la Knesset, qui élisent leurs députés et sont éligibles. Ils représenteront une composante politique très importante dans les prochaines élections. Comme je l’ai dit, ils se sont plaints de temps en temps, mais nous sommes un certain nombre chargés de les entendre. Je suis très fier d’être de ceux-là. Mais, en principe, comme vous le verrez au moment des élections, ils constituent un élément très important pour nous.

Je ne parlerai pas de ce qui se produit ailleurs en Europe – il appartient à chaque pays représenté ici de relater ce qui se passe chez lui – mais je peux dire que nous sommes fiers d’avoir une minorité arabe, une minorité druze et une minorité circassienne, la seule communauté circassienne au monde qui soit libre d’étudier sa langue. Nous pouvons nous enorgueillir de ce que nous avons fait à cet égard, et je veux espérer que beaucoup de pays prendront exemple sur nous pour traiter les problèmes de leurs minorités.

M. BENDER (Pologne) (traduction)

Hier, Lech Walesa, le Président de la Pologne nouvellement indépendante, est venu au Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, c’est vous qui êtes notre hôte. En cette grande occasion, j’aimerais connaître votre avis sur les relations futures entre Israël et la Pologne. Nous avons là dix siècles d’Histoire en commun. C’est notre vie; nous avons vécu longtemps ensemble.

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Vous avez absolument raison. Nous avons mille ans d’Histoire commune. Nous avons connu un âge d’or ensemble, en tout cas sur le plan intellectuel et culturel, et c’est aussi sur le sol de la Pologne que s’est produite la pire tragédie qu’ait jamais connue un peuple, une tragédie qu’aucun d’entre nous ne peut oublier. Un des moments les plus émouvants de la visite officielle de Lech Walesa en Israël a été celui où, devant la Knesset, il a demandé au peuple juif de pardonner ce qui s’est passé en Pologne. La réaction a été immédiate et très intense.

Nous entretenons maintenant de bonnes relations avec la Pologne. J’ai eu le plaisir de recevoir le Président Walesa en Israël, et je serai heureux d’être son hôte en Pologne. A côté des relations normales entre deux pays indépendants qui progressent chacun sur sa route, la coopération entre nos deux pays est particulièrement active en matière de culture et d’éducation. J’espère que nous entretiendrons les meilleures relations avec la Pologne et de nombreux autres pays d’Europe orientale, mais surtout avec la Pologne, pour faire oublier les sombres moments du passé.

M. REDMOND (Royaume-Uni) (traduction)

En quel endroit des territoires occupés avez-vous l’intention d’installer le million d’immigrants juifs soviétiques et quels droits auront les Palestiniens qui sont propriétaires de ces terres?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Tout d’abord, je voudrais qu’il soit clair – je ne l’ai pas dit clairement en répondant à une question précédente – qu’aucune implantation israélienne sur la rive occidentale et dans la bande de Gaza ne s’est faite sur des terres appartenant à des Arabes. Aucun d’entre eux n’a été spolié. Ils peuvent en appeler à la Cour suprême d’Israël – celle-ci a d’ailleurs été saisie cette semaine même – et ils font confiance aux tribunaux d’Israël. Les implantations se sont effectuées sur des terres qu’on appelait autrefois les terres de la Couronne, qui n’appartenaient pas à des Arabes. Aucun Arabe n’a été dépossédé de sa terre. Si quelqu’un a décidé de vendre, c’est une autre question, et il l’a fait sur le marché libre et sous la surveillance des tribunaux d’Israël.

En fait, il n’y a eu aucune implantation de Juifs soviétiques dans ces territoires. Lorsqu’ils arrivent, ils deviennent citoyens. S’ils veulent ensuite quitter l’endroit où on les a installés, ils peuvent aller vivre dans une autre partie du pays. Nous ne ferons rien pour les en empêcher. Je vois que, vous aussi, vous avez des idées préconçues. Il ne sert donc pas à grand-chose que j’essaie de vous convaincre; mais je voudrais assurer les membres de cette Assemblée que personne n’a été illégalement expulsé de sa terre. Les tribunaux d’Israël l’ont vérifié à plusieurs reprises. S’ils n’étaient pas sûrs d’obtenir justice des tribunaux israéliens, les Arabes ne s’adresseraient pas régulièrement à eux, comme ils le font. Beaucoup d’Arabes souhaitent vendre; c’est leur affaire, et non la nôtre.

M. AKARCALI (Turquie) (interprétation)

expose que la Turquie a deux projets: le premier, appelé «eau pour la paix», souhaite utiliser l’eau turque pour la mettre à la disposition des pays du Proche-Orient...

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je signale à l’orateur qu’il a déjà dépassé son temps de parole et qu’il n’a pas encore posé sa question.

M. AKARCALI (interprétation)

aimerait savoir ce que l’Etat d’Israël peut faire pour réaliser ces projets.

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

En fait, vous ne m’avez parlé que d’eau; je vous répondrai donc là-dessus. Bien évidemment, nous aimerions mettre au point un projet à l’échelle du Moyen-Orient en matière d’eau. L’eau est ce qu’il y a de plus important dans notre région. Croyez-moi, elle est beaucoup plus précieuse que le pétrole, pour nous, bien sûr, et aussi pour beaucoup d’autres pays du Moyen-Orient. Nous avons toujours espéré pouvoir mettre en place une coopération internationale avec des réseaux de conduites, etc., couvrant le Moyen-Orient. C’est ce que nous avons fait chez nous, avec les meilleurs résultats. Nous aimerions maintenant passer à un niveau international. Il devait en être question lors d’une conférence internationale sur les ressources en eau qui devait se tenir en Turquie il y a quelques mois, mais la Syrie a refusé d’y participer. Sans la Syrie – comme vous le savez, ce pays se trouve entre la Turquie et nous – cette réunion n’avait guère de raison d’être.

Un des comités multilatéraux créés à Moscou est chargé du problème de l’eau – de l’eau pour le Moyen-Orient. Notre délégation est dirigée par notre commissaire dans ce domaine et quelques personnalités éminentes y participent. Une fois que ce comité commencera à se réunir et à travailler, et que chacun verra tous les avantages que l’on peut retirer d’une répartition équitable de l’eau dans toute la région – et les immenses possibilités qui s’offriront à des régions aujourd’hui désertiques – je suis certain qu’avec les progrès que nous avons réalisés en matière d’agriculture en zone aride nous pourrons certainement éliminer la faim dans une grande partie du monde.

Nous pensons que ce comité aura une grande importance. Il a déjà été créé. Les délégués sont nommés. Il se réunira, pour autant que je sache, au mois de mai, pour commencer ses travaux. Il est évident que la Turquie y jouera un rôle central de plaque tournante.

M. ROKOFYLLOS (Grèce)

Vous avez souligné, Monsieur le Président, la métamorphose profonde de l’Europe, passant des déchirements du passé à une situation de concorde dont cette salle constitue un exemple représentatif. Ne croyez-vous pas qu’il est grand temps que cet élan de paix, que vous-même avez qualifié d’irréversible, devienne une réalité afin qu’il n’y ait plus de territoires occupés et que la vie devienne normale aussi au Moyen-Orient?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël

Je suis entièrement d’accord. Nous espérons et nous prions pour la paix. Il y a longtemps que nous espérons et que nous prions pour la paix – j’ai fait un historique au cours de mon exposé – et nous n’avons jamais cessé d’essayer. Il a fallu qu’enfin un grand homme – le Président Sadate – vienne à Jérusalem parler devant la Knesset pour que nous puissions en arriver à la situation actuelle. Il nous a dit ce que nous attendions et, pendant vingt et un mois, nous avons négocié avec les Egyptiens. Le résultat est là. Chaque jour, des autobus quittent Tel-Aviv et Jérusalem pour se rendre au Caire, et vice-versa. Je suis sûr qu’il ne faudra pas longtemps avant qu’il en soit de même entre Israël et les autres capitales du Moyen-Orient. Evidemment, les négociations ne peuvent pas être unilatérales; comme le dit la chanson, il faut être deux pour danser le tango.

Quand le Président Sadate est venu à nous pour nous mettre à l’épreuve, nous avons su surmonter cette épreuve, et, aujourd’hui, nous avons la paix. Un nouveau processus vient d’être lancé. Cela fait des années que nous souhaitions entamer des négociations avec les Arabes, et c’est la première fois que cela devient possible. Le processus est en cours, mais ce genre de chose prend du temps. Je suis certain que nous arriverons à ce que nous voulons, c’est-à-dire, à la paix dans la région, sur la base du respect mutuel et de la prise en compte des intérêts de tous.

Sir John STOKES (Royaume-Uni) (traduction)

Ma question concernait les implantations sur la rive occidentale, et elle a déjà été posée. Je regrette, Monsieur le Président, que votre Constitution ne vous permette pas d’y répondre. Pour moi, c’est un sujet de la plus grande importance pour le processus de paix.

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Selon la Constitution, je n’ai pas à prendre parti dans ce débat. Le problème a deux facettes, et il fait actuellement l’objet d’une controverse en Israël. Certains sont pour, d’autres sont contre. Certains recherchent la modération, d’autres sont moins modérés. Je ne m’étendrai pas là-dessus. Il est nécessaire de comprendre le problème, et il n’est que justice de tenir compte des faits tels qu’ils sont. J’ai essayé de mettre les choses au point devant cette Assemblée. Nous parlons d’une population d’environ 100 000 personnes dans une région habitée par environ 1,5 million Arabes. Israël compte 5 millions d’habitants. Les proportions que cette question prend à l’étranger sont tout à fait démesurées. Chacun a le droit d’être d’accord ou non, mais il est indispensable de bien connaître les faits. Je vous ai exposé les faits et les chiffres. Je rappelle qu’aucun Arabe n’a été dépossédé illégalement de ses biens. Soit les terres ont été achetées, soit elles n’appartenaient à personne. Je parle des terres de la Couronne dont nous avons hérité.

M. BERG (Norvège)

Monsieur le Président, pourriez-vous s’il vous plaît parler un peu du fait inquiétant qu’un nombre croissant de sociétés européennes exercent, sous la pression des Arabes, une forme de boycott économique à l’égard d’Israël, dans la perspective d’une croissance de leurs bénéfices, en faisant fi des accords de libre-échange et en profitant au maximum du pouvoir d’achat des grands marchés arabes? Quelle est l’ampleur de cette pratique malhonnête? Est-elle conforme aux principes fondamentaux du GATT? Que suggérez-vous de faire pour lutter contre cette déplorable duplicité de certains Européens?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Le boycott économique est une tache sur les relations internationales telles qu’on les conçoit aujourd’hui. C’est une honte internationale. Certains pays, comme les Etats-Unis, l’ont déclaré illégal. Ils ont pris une position très ferme. Si je ne me trompe, la République Fédérale d’Allemagne, elle aussi, a résolument pris position sur ce sujet. Nous sommes dans un monde libre, où rien ne devrait restreindre les échanges. En fait, le boycott arabe n’est pas totalement hermétique du fait des nombreuses divergences d’intérêts au Moyen-Orient.

Laissez-moi vous rappeler que nous sommes en paix avec un pays arabe et que nous commerçons avec lui. Les flux commerciaux traversent le Jourdain et passent d’Israël dans le monde arabe, et réciproquement. Cela se produit tous les jours. En d’autres termes, il y a beaucoup d’hypocrisie, derrière laquelle se cachent bien des intérêts économiques qui n’ont rien à voir avec la situation politique. Il serait correct de la part de tous les pays démocratiques – tous les pays représentés ici – de suivre l’exemple des Etats-Unis. S’ils le font, cette pratique cessera. Ce serait un élément capital dans notre marche vers la paix. Nous espérions que ce boycott cesserait à l’ouverture des négociations. Les pourparlers sont en cours, mais rien ne s’est produit jusqu’ici.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Grâce à la collaboration de mes collègues et de vous-même, Monsieur le Président, je peux encore donner la parole à trois personnes. Cela signifie que malgré tout je devrai en décevoir au moins trois autres. La parole est à M. Cuco.

M. CUCO (Espagne) (interprétation)

se demande si l’expérience de la guerre du Golfe n’a pas amené Israël à revoir ses concepts en matière de terres et de sûreté des frontières.

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Il y a un débat en Israël, comme ailleurs, sur les frontières et cette nouveauté qu’est la guerre des missiles – celle-ci, comme nous le savons, est apparue l’an dernier à l’occasion de la guerre du Golfe. Les frontières sont efficaces dans certains cas; mais, dans d’autres, il est possible de les éviter en employant des missiles. En dernière analyse, ni les forces terrestres seules, ni les missiles seuls, ne peuvent arracher la victoire. C’est en tout cas ce que nous ont appris les attaques de missiles sur Israël. Après quarante attaques de missiles, on a constaté beaucoup de dégâts matériels, mais une seule mort. En d’autres termes, ce ne sont pas les missiles qui décideront de l’issue d’un conflit. Les vieilles notions selon lesquelles il faut pour cela une force terrestre sont encore de rigueur.

C’est pourquoi, en Israël, certains attachent plus que d’autres de l’importance au territoire. Comme je l’ai dit, cette question fait l’objet d’un débat. Elle a été traitée dans nos médias et par la Commission de la défense nationale de la Knesset. Je ne souhaite pas m’y engager ici.

M. KILIÇ (Turquie) (interprétation)

rappelle qu’il existe au Proche-Orient une longue tradition de cohabitation entre communautés juive et musulmane. Elle remonte pour l’essentiel à 1492, et la Turquie s’apprête d’ailleurs à célébrer ce cinquième centenaire. L’orateur aimerait savoir si ce passé commun est, pour M. Herzog, de nature à conforter l’espoir d’un succès de la conférence de paix.

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

C’est certain. Après l’expulsion de la communauté juive d’Espagne il y a cinq cents ans, en 1492, l’un des principaux centres où cette communauté s’est installée a été la Turquie, où elle a été bien reçue par la population et où, encore aujourd’hui, se parle le ladino traditionnel, c’est-à-dire l’espagnol apporté par les juifs au quinzième siècle. Il y a, sans aucun doute possible, matière à coopération. J’ai le plaisir de dire que nous entretenons de très bonnes relations avec la Turquie, et je suis sûr que ces relations continueront à s’améliorer et à se développer. Je pense que nous célébrerons cette année la relation très particulière qui existe entre nous du fait de la façon dont, il y a plus de cinq cents ans, vous avez accueilli la communauté juive chassée d’Espagne.

M. JUNG (France)

Monsieur le Président, lors de son séjour en Alsace, Mme Golda Meir, constatant les effets positifs de la réconciliation et de la coopération entre la France et l’Allemagne, m’avait fait part de son espoir de voir un jour la création d’un marché commun et l’instauration d’une coopération avec des pays arabes.

Aujourd’hui, partagez-vous encore cet espoir?

M. Herzog, Président de l'Etat d'Israël (traduction)

Non seulement je partage cet espoir, mais je suis convaincu qu’il se réalisera. Comme je l’ai souligné dans mon exposé, cette coopération se produit déjà souvent, sans qu’on s’en rende compte. C’est juste une série d’événements. Tant que vous ne serez pas allés en Israël, vous aurez du mal à comprendre que nous vivons avec une population arabe. Les Arabes font partie de notre société, nous les rencontrons, nous les fréquentons. Je me rends dans une ville ou un village arabe très souvent. Il y a des centaines, peut-être des milliers, d’étudiants arabes dans nos universités et des milliers d’autres vont étudier dans les pays arabes et reviennent chez nous. Il y a un échange, une forme de développement mutuel dont on ne se rend généralement pas compte. Le soir, quand commencent les émissions israélo-arabes, toute la Jordanie les regarde; tout comme beaucoup d’Israéliens regardent les émissions en hébreu qui viennent de Jordanie. En d’autres termes, il existe un processus d’échange qui est complètement ignoré. Jamais les médias n’en parlent. Tout ce dont on parle, c’est des pierres qu’on jette.

Il y a quelques mois, j’ai nommé un Arabe pour siéger à la Commission supérieure de l’éducation qui contrôle les universités. Le mois dernier, j’ai nommé juge, un musulman, M. Qadi, qui appartient à l’une des familles les plus connues du Moyen-Orient. Il y a quinze jours, j’ai nommé un juge arabe et un juge druze. J’ai nommé une femme arabe juge – à ma connaissance, c’est la toute première femme arabe à être nommée juge. Peut-être que je me trompe, je n’en suis pas tout à fait sûr; en tout cas, c’est la première en Israël.

Ce sont des choses difficiles à expliquer, parce que tout le monde pense que c’est de la propagande; pourtant, ce sont des faits. C’est pour cela que nous avons un état d’esprit plus positif, que nous espérons davantage, quand nous n’avons pas à lutter contre les médias.

On dit qu’il y a deux Etats d’Israël: celui qu’on voit à la télévision et celui qu’on voit quand on veut bien sortir de chez soi. C’est celui-là le vrai Israël, alors sortez de chez vous, et venez le voir.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Ici se termine la série des questions. Je félicite mes collègues. Le temps moyen des questions a été de vingt et une secondes, et, sans vouloir être partial, deux de mes collègues y ont largement contribué intervenant chacun moins de dix secondes.