Gyula

Horn

Premier ministre de Hongrie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 26 avril 1995

Monsieur le Président, honorables membres de l’Assemblée parlementaire, Mesdames, Messieurs, c’est pour moi, et donc pour la Hongrie, un grand honneur d’avoir la possibilité d’exposer notre position sur le fonctionnement du Conseil de l’Europe.

Monsieur le Président, je vous remercie des paroles que vous avez prononcées à propos de la Hongrie.

Je suis fermement convaincu, et je le déclare, que le Conseil de l’Europe est appelé à jouer un rôle de tout premier plan dans le processus d’intégration. Parmi les différentes organisations, c’est l’unique instance internationale qui soit capable d’intégrer tous les pays européens. Son influence est également illustrée par le fait que le Conseil de l’Europe fut parmi les premiers à soutenir véritablement les nouvelles démocraties et la transformation qui s’opère dans cette région du continent. Cela a contribué à la création des conditions sociales de cette transformation dans notre région.

Il faut aussi savoir gré au Conseil de l’Europe d’avoir reconnu les différents stades du processus d’évolution démocratique de ces pays. Il essaie d’intégrer les aspirations et les ambitions qui caractérisent ces différentes démocraties.

Le Conseil de l’Europe exige des Etats membres le respect des principes fondamentaux de la coopération. A nos yeux, ce qu’a fait jusqu’à présent le Conseil de l’Europe à propos de l’Europe centrale et orientale est capital.

Et puisque nous parlons de cette région, permettez- moi de souligner trois éléments très importants.

Premièrement, sur la base des expériences et des évolutions, je puis dire tranquillement qu’en Europe centrale et orientale le système parlementaire démocratique, le pluralisme et l’Etat de droit sont en train de se développer presque partout, quoique des différences subsistent d’un pays à l’autre.

Nous collons à l’image que vous avez formée à propos de l’Europe centrale: naturellement, de graves troubles de fonctionnement interviennent dans nos pays, en ce sens que la capacité à résoudre les problèmes et les conflits dans la région est faible. Pour cette raison, il est nécessaire de recourir au soutien prolongé des organisations de l’intégration et du Conseil de l’Europe. Notre situation est plus difficile en raison de l’absence de toute tradition démocratique. La transformation en Europe centrale est rendue encore plus compliquée par la carence de fonds matériels et par le fait que la croissance n’a pas encore atteint une phase propre à accélérer et à supporter tout le poids de la transformation.

L’Europe centrale exige le déploiement d’une coopération financière et économique plus intense avec les pays développés, avec l’Europe occidentale en particulier. En Hongrie et en Europe du centre et de l’Est, la stabilité apparaît avec toujours plus de netteté; la résolution et la transformation nécessaires pour parfaire cette transformation sont affirmées.

De ce point le vue également, il est d’une importance décisive, à nos yeux, de resserrer nos contacts et d’accroître nos moyens avec les organisations de l’intégration, car seul ce processus est en mesure d’assurer de nouvelles ressources à l’Europe centrale et orientale, de donner une image réelle de l’avenir, d’offrir un programme concret aux peuples vivant dans la région et de créer les éléments de la stabilité et du développement européen.

Par ailleurs, la manière de faire prévaloir la cause des minorités dans la région est une question de tout premier plan. Les normes exigées par le Conseil de l’Europe ont fondamentalement droit de cité dans la région. Je soulignerai en particulier ce que le Conseil de l’Europe a formulé en 1993: la sécurité démocratique doit s’étendre également à la région d’Europe centrale et orientale.

Parallèlement, s’agissant des droits de l’homme, de graves violations sont perpétrées occasionnellement dans la région. Pour cette raison, il est absolument nécessaire, selon nous, de renforcer le système de «monitoring» ainsi que d’accentuer l’application des sanctions à l’encontre de ceux qui violent ces droits.

Je soulignerai le rôle du Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection des minorités. Nous estimons que, dans la région, le Conseil de l’Europe se doit de jouer un rôle de contrôle.

Nous considérons à sa juste valeur le début de la mise en application pratique du principe de la discrimination positive. Globalement parlant, le renforcement de la protection des minorités est une question clé de la stabilité européenne et en constitue une condition primordiale.

L’une des particularités du rôle du Conseil de l’Europe, ce qui le distingue de toutes les autres organisations, de l’ONU et de l’OSCE entre autres, est de formuler des normes de protection des minorités qui ont valeur internationale dans toute l’Europe, notamment pour les pays membres du Conseil de l’Europe et, plus spécifiquement, pour la région d’Europe centrale et orientale. Cela ne contredit nullement le fait que l’ONU, l’OSCE et le Conseil de l’Europe formulent des recommandations qu’il convient de traiter comme un tout organique.

Dans le cadre du renforcement de la protection des minorités, le Conseil de l’Europe doit continuer à jouer un rôle moteur et un rôle de promoteur en ce qui concerne ses relations avec la Hongrie. Je puis déclarer avec satisfaction que nous sommes fiers que la Hongrie ait été le premier pays à rejoindre le Conseil de l’Europe, à avoir été le premier pays à prendre des contacts avec l’Organisation. A cet égard, permettez-moi de rapporter les propos d’un ancien Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en visite en Hongrie, à Budapest, en 1987. Je cite: «L’Europe de l’Est est une mosaïque et non pas un bloc. Les Hongrois avaient été parmi les premiers à reconnaître l’importance des nouvelles idées grâce à leur attachement historiquement intense à l’Europe. Même par les temps les plus durs, la Hongrie était appliquée à maintenir des relations avec le Conseil de l’Europe. Pour le moment, elle est la seule à manifester cette intention comme la première hirondelle qui annonce les prochains changements.»

Ces paroles ont été prononcées en 1987 et si, au cours des huit années qui se sont écoulées depuis, d’immenses changements sont intervenus dans les relations entre l’Europe centrale et orientale et le Conseil de l’Europe, cette déclaration n’a pas perdu de son actualité. A partir de 1988, des relations plus étroites ont été établies entre la Hongrie et le Conseil de l’Europe. Ces contacts furent d’un grand renfort pour la constitution des bases juridiques du déploiement de la démocratie parlementaire et de l’Etat de droit. En 1989, il fut très agréable de constater que nous étions devenus membres de plein droit de l’Organisation, ce qui était, selon nous, une reconnaissance des institutions d’une démocratie effective, fonctionnelle. Il est très réconfortant pour nous que le système démocratique parlementaire, la séparation des branches du pouvoir et leur indépendance, de même que le système parlementaire et des collectivités locales, puissent s’ouvrir un créneau indépendant.

Dans le cadre de la protection des minorités nationales, la Hongrie n’a pas seulement accompli ce qu’elle s’était imposée en termes d’obligations au sein du Conseil de l’Europe; elle a réalisé un progrès sans précédent, unique en ce domaine.

A ce titre, je citerai quelques exemples.

Une loi a été votée par le Parlement hongrois. C’est un fait sans précédent, unique dans la région, voire dans toute l’Europe. La loi que nous avons votée récemment porte sur un système de collectivités autogérées, indépendantes les unes des autres.

Je ne pécherai pas par manque de modestie en disant que depuis cinq ans, depuis que la Hongrie est membre du Conseil de l’Europe, personne n’a formulé de grief à notre encontre. Nous avons accompli et nous accomplirons tout ce dont nous sommes chargés.

Il m’est très agréable de constater que les dignitaires, L’Assemblée parlementaire et les membres des commissions du Conseil de l’Europe entérinent avec satisfaction la contribution hongroise en faveur du bon fonctionnement de votre institution. Nous avons adhéré à 47 conventions parmi les 150 élaborées par le Conseil de l’Europe. Il s’agit, je crois, d’un record pour un pays de l’Europe centrale et orientale. Adhérer à une convention nécessite un long travail préparatoire. En effet, nous devons, au niveau national, tenir compte des conditions et des exigences formulées par cette convention. Les précédents gouvernements hongrois méritent toute notre reconnaissance pour leur travail préparatoire en vue de notre adhésion à différentes conventions du Conseil de l’Europe. Actuellement, le gouvernement travaille sur l’adhésion de la Hongrie à de futures conventions.

La Convention européenne des Droits de l’Homme est particulièrement importante à nos yeux car elle a une longue histoire. Elle faisait d’ailleurs partie des conditions de notre adhésion.

Je voudrais également souligner l’importance de la Recommandation 1201 relative à un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’Homme sur les droits des minorités nationales. Après son adoption le 1er février 1993, l’Assemblée parlementaire, le 31 janvier 1995, a confirmé et même renforcé la validité de cette recommandation. La commission ministérielle, lors de sa séance du 21 février 1995, a pris acte de cette recommandation, et l’a recommandée à l’attention des gouvernements. A cet égard, il est important de noter que la Convention- cadre pour la protection des minorités nationales ne rend pas caduque la Recommandation 1201. En effet, elle stipule, en ce qui concerne les affaires internes des pays, que les constatations faites sur les droits des minorités ne rendent pas caduques les clauses y afférentes. Il est de notoriété publique que l’adoption des clauses sur les droits et la protection des minorités nationales par certains pays conditionnait leur adhésion au Conseil de l’Europe. C’est sur la base de ces acceptations que le conseil ministériel a pris des décisions en faveur de l’adhésion de ces pays.

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est le premier document qui a une valeur contraignante pour les signataires. C’est la raison pour laquelle, lors de son adhésion, la Hongrie s’est engagée envers les minorités allemandes, roumaines, slovaques, Slovènes et serbes, afin de permettre la poursuite de l’usage de leurs langues minoritaires.

La Charte sociale européenne s’occupe de questions clés étroitement liées à la transformation sociale et économique qui est en train de s’opérer en Hongrie. Nous élaborons actuellement une nouvelle Constitution car il est vital, dans les conditions de l’économie de marché qui est en train de s’établir, de reformuler les droits sociaux. Il faut, en effet, déterminer les liens et les normes qui existent entre salarié et employeur – élément fondamental qu’il faut redéfinir. Un grand nombre d’éléments de la Charte sociale européenne sont présents dans la législation, dans les régulateurs et dans la politique du Gouvernement hongrois.

La charte européenne de l’autonomie locale est pour nous de toute première importance, car la coopération régionale renforce les liens du gouvernement et de la législation ainsi que de l’autonomie locale.

Nous estimons que tous ces facteurs, toutes ces normes, toutes ces exigences résumés par les différentes chartes et les différents documents doivent non seulement prévaloir dans la législation nationale, mais qu’il faut également les considérer comme des normes importantes en vue de la signature des documents de coopérations bilatérales. Je suis très heureux des propos tenus par M. Martinez sur le rôle actif que joue la Hongrie à cet égard. En effet, les demandes qui nous ont été adressées et que nous avons réussi à honorer avec le Conseil de l’Europe ont été de nature à renforcer nos liens avec lui.

Le deuxième centre européen de la jeunesse, qui est en train de se construire à Budapest, fonctionnera dès le mois d’octobre.

Je tiens maintenant à parler brièvement de la politique que mène le Gouvernement de la République de Hongrie. Nous avons deux ambitions principales. Tout d’abord, créer de bonnes relations de voisinage avec les pays voisins, puis rejoindre les organisations de la délégation euro-atlantique.

En ce qui concerne nos relations avec nos voisins, le nouveau gouvernement, entré en fonction l’été dernier, a proclamé la réconciliation historique. Nous estimons que dans la région d’Europe centrale et orientale presque toutes les nations, tous les peuples ont des griefs historiques à faire valoir et personne n’a le droit de contester la légitimité de ces griefs. De plus, personne n’a le droit de dire qu’il est impossible de trouver des remèdes, dans les conditions actuelles, à certains griefs existants depuis des décennies ou des siècles. On doit, quoi qu’il en soit, créer des rapports de bon voisinage. Avec l’Ukraine, la Slovaquie et la Slovénie, la Hongrie a d’ores et déjà signé des accords de base. Lors de la signature d’un accord avec la Roumanie, nous avons eu la volonté de trouver la solution aux questions en litige, même au prix de compromis.

Je tiens à souligner également que notre adhésion aux organisations en vue d’une intégration euro-atlantique est une tâche primordiale pour la Hongrie. La transformation de l’architecture interne doit être subordonnée aux exigences de l’harmonisation européenne.

En ce qui concerne notre politique étrangère, dans nos activités et dans la formulation de nos principes, nous bénéficions d’une souveraineté et d’une indépendance pratiquement pleines et entières.

Pour la première fois de son histoire, depuis plusieurs décennies, la Hongrie a la libre décision pour ce qui est de la structure, de la transformation interne de la société et plus particulièrement pour les questions fondamentales de politique étrangère. Nous souhaitons bénéficier pleinement de cette possibilité historique qui nous est offerte.

C’est pourquoi nous estimons que l’adhésion de la Hongrie et d’autres pays de l’Europe centrale et orientale à l’Union européenne et à d’autres organisations, notamment l’Otan, est devenue irréversible. La question est de savoir quelles sont les conditions de l’adhésion et à quelle date elle deviendra possible. La Hongrie, pour ce qui la concerne, ne voit pas d’alternative.

Pour nous, il est de la plus haute importance de préserver la stabilité, tout en poursuivant la transformation économique et sociale dans notre pays. La Hongrie, comme les autres pays d’Europe centrale et orientale, a des difficultés à mettre en place la démocratie. Mais il est encourageant de constater que celle-ci existe. Il faut la préserver et la renforcer. Cependant, dans aucun pays d’Europe centrale et orientale n’existe le bien-être. Les tensions sociales sont très grandes et il existe de nombreuses carences, des manques dans les domaines économique et social. Il est donc très important que, pour la consolidation de la stabilité politique, tout gouvernement s’abstienne de mener une politique de discrimination à l’égard de ses concitoyens, de s’immiscer dans l’opinion des citoyens, de pratiquer une discrimination entre les différents groupes sociaux. Et il est fondamental à nos yeux, pour le bon fonctionnement des institutions, que le gouvernement ne viole en aucune manière la liberté de la presse.

Nous estimons que toutes ces questions inhérentes à la transformation économique et sociale requièrent des efforts permanents non seulement de la part du gouvernement, mais aussi des autres acteurs du pouvoir, et qu’elles doivent faire l’objet d’une coopération plus forte avec les pays développés.

Pour conclure, je voudrais en venir à des questions en suspens devant le Conseil de l’Europe.

Il est de l’intérêt de la Hongrie que tous les pays qui le souhaitent puissent devenir, tôt ou tard, membres du Conseil de l’Europe. Quant à l’adhésion de la Russie et de l’Ukraine, nous pensons qu’il faudrait faire prévaloir le principe de la confiance, anticiper sur leur volonté. Cela devrait coïncider avec un contrôle accru des engagements pris. L’adhésion de tous les pays devrait dépendre des résultats quant à leurs engagements.

S’agissant des relations entre le Conseil de l’Europe et l’OSCE, nous sommes d’accord, dans le cadre de la gestion des crises, pour augmenter les moyens des missions humanitaires, de monitoring, de suivi. Un nombre plus important d’experts du Conseil de l’Europe devrait participer à ces missions. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer l’information réciproque entre les deux organisations et de rechercher la possibilité de prendre des initiatives en commun.

Concrètement, je pense que l’OSCE et le Conseil de l’Europe devraient examiner ensemble la situation exacte de l’Etat de droit et des droits de l’homme en «petite Yougoslavie». Les deux organisations devront examiner quelles initiatives devraient être prises en vue de la suspension des sanctions. D’après nous, un progrès peut être constaté dans cette direction. Si nous pouvons évoluer dans ce sens, il en résultera un effet bénéfique et l’équipe dirigeante de la «petite?Yougoslavie» pourra prendre des mesures énergiques contre les visées agressives, en vue d’isoler les agresseurs. Nous serions très heureux que de part et d’autre – tant le Conseil de l’Europe que l’OSCE – cette question soit examinée et que soit prise une initiative en ce sens.

Pour ce qui concerne les relations entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, nous saluons le dialogue politique, régulier et structuré, qui s’est instauré entre les deux organisations. Et nous apprécions tout particulièrement toute initiative qui concerne les pays de notre région. La politique suivie par le Conseil de l’Europe à notre égard ne peut qu’aider le processus d’adhésion de notre pays à l’Union européenne. Nos politiques relatives aux deux organisations sont inséparables.

Puisque les programmes ne peuvent être que communs, l’Union européenne devra examiner les possibilités d’un financement des programmes proposés par le Conseil de l’Europe.

Soyez assurés que, une fois membre de l’Union européenne, la Hongrie soutiendra les projets et les avis du Conseil de l’Europe.

Mesdames, Messieurs, j’estime que tout ce que vous faites, que tout ce que nous faisons en commun a pour finalité la constitution d’une Europe unie. C’est la seule solution pour les peuples vivant en Europe. Merci de votre attention.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie, Monsieur Horn. Nous attendions beaucoup de votre allocution et n’avons certes pas été déçus. Votre contribution a été une source d’inspiration pour nous tous; elle nous a redonné courage pour la poursuite de nos travaux présents et futurs.

Une dizaine de parlementaires ont exprimé le souhait de vous poser une question. Je leur demanderai d’être brefs. Si, de votre côté, vous pouviez y répondre avec la même brièveté, ils pourraient avoir l’occasion de vous poser une question supplémentaire. La parole est à Sir Russell Johnston, président du Groupe libéral, pour poser la première question.

Sir Russell JOHNSTON (Royaume-Uni) (traduction)

J’aimerais savoir si le Gouvernement hongrois a procédé à l’évaluation du préjudice subi par le pays en raison du maintien des sanctions contre la Serbie et le Monténégro, et s’il s’est adressé aux pays plus riches et à des organisations telles que l’Union européenne, par exemple, pour obtenir une répartition plus équitable des coûts. Dans l’affirmative, a-t-il reçu des réponses?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

confirme que les pays voisins du Monténégro et de la Serbie subissent de grands dégâts du fait de la guerre. Les pertes financières de la Hongrie dépassent deux milliards de dollars et ne cessent de croître. Les minorités hongroises qui vivent sur le sol de l’ex-Yougoslavie sont en situation dangereuse du fait du prolongement des hostilités. La Hongrie accueille un grand nombre de réfugiés. Pour la sécurité générale de cette partie de l’Europe, il serait important de faire cesser les conflits et de savoir comment évoluera la situation en ex-Yougoslavie. Il est nécessaire de renforcer les condition qui pourront contribuer effectivement à mettre un terme à la guerre.

Sir Russell JOHNSTON (traduction)

Quelqu’un vous a-t-il offert son aide?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

signale que son pays a demandé des compensations, mais qu’aucune réponse n’y a été donnée. Il sait que cette matière ne relève pas de la compétence du Conseil de l’Europe, mais il trouverait extrêmement encourageant que celui-ci puisse contribuer à faire bénéficier la Hongrie de telles compensations.

M. SCHLOTEN (Allemagne) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, dans le cadre de votre politique des minorités très constructive et de votre politique de bon voisinage – qui vont de pair dans votre région – vous avez signé un accord remarquable avec la Slovaquie. En revanche, les négociations en vue d’un accord du même type avec la Roumanie n’inspirent pas le même optimisme. J’aimerais avoir quelques précisions sur les problèmes que vous rencontrez à cet égard.

J’aurais souhaité poser une autre question sur un sujet tout différent...

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous arrête, Monsieur Schloten. Le Règlement vous interdit de poser simultanément deux questions de nature différente. La parole est à M. le Premier ministre de la République de Hongrie.

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

répond que depuis la conférence sur la stabilité en Europe qui s’est tenue à Paris, le dialogue a été repris avec la Roumanie et que, depuis quelque temps, plusieurs problèmes ont été résolus. La question clé a trait à la Recommandation 1201: doit-elle ou non figurer dans le traité de base? La Hongrie estime qu’il y a deux principes fondamentaux. Le premier est l’intangibilité des frontières, ce qui ne doit pas poser de problèmes, car aucune revendication territoriale n’oppose la Hongrie et la Roumanie. Le second principe consiste à permettre aux Parties contractantes de faire prévaloir les droits des minorités. Le traité de base avec la Slovaquie reflète parfaitement cette condition essentielle.

La Hongrie souhaite signer un traité analogue avec la Roumanie.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur Schloten, désirez-vous poser une question supplémentaire?

M. SCHLOTEN

Non merci, Monsieur le Président.

M. GABRIELESCU (Roumanie)

Monsieur le Premier ministre, je suis parlementaire de Roumanie et je voudrais que vous me confirmiez si, comme vous l’avez déjà dit à deux reprises, vous désirez signer le traité de bon voisinage avec la Roumanie. Nous, Roumains, le désirons. Le seul point névralgique, c’est la Recommandation 1201 que vous voulez incorporer dans ce traité, et que nous considérons comme caduque, parce que, entre-temps, cette Assemblée a voté – et nous l’avons ratifiée, vous et nous – la convention-cadre qui est le dernier document, le plus récent, qui comprend tous les principes. Sur la base de ce dernier document, nous pourrons signer, aussi tôt que possible, le traité de bon voisinage. Ma question est la suivante: pourrez-vous parvenir à une telle solution?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

répond que la signature de traités de bon voisinage est une affaire importante, mais que la coopération entre pays voisins ne s’arrête pas là. Elle va d’ailleurs bon train, sous de multiples formes, entre la Hongrie et la Roumanie. Il lui est par ailleurs difficile de comprendre pourquoi la Roumanie s’oppose à la référence, dans le futur traité, à la Recommandation 1201 dont l’Assemblée du Conseil de l’Europe comme le Comité des Ministres ont confirmé la validité. Ne s’agit-il pas de protéger le droit des minorités?

M. GABRIELESCU

Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre. Je crois que nous trouverons un terrain d’entente et que, dès que possible, nous signerons notre traité.

M. BINDIG (Allemagne) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, on parle de négociations en vue d’une éventuelle adhésion de la Hongrie à l’Union européenne et à l’Otan. J’aimerais savoir si votre pays a établi un ordre de priorité à cet égard et si un calendrier a déjà été fixé.

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

répond que l’adhésion de la Hongrie à l’Otan constitue à ses yeux un processus irréversible. L’Otan devrait décider au plus tard à la fin de 1995 de la date d’ouverture des négociations. Que l’Otan traite différemment les divers candidats à l’adhésion est une affaire qui ne regarde qu’elle. La Hongrie, pour sa part, serait heureuse de voir ses voisins adhérer eux aussi à l’Otan, car l’adhésion qu’elle vise n’est pas dirigée contre eux. La Hongrie entend, dans le même temps, maintenir le dialogue avec la Russie. Des discussions ont eu lieu entre les autorités hongroises d’une part, et le Président Eltsine et d’autres dirigeants russes d’autre part. Les conclusions en ont été qu’il appartient à la Hongrie, nation souveraine, et à elle seule, de décider de son adhésion à l’Otan et que cette adhésion n’aurait aucune incidence sur les relations russo-hongroises. M. Horn se déclare convaincu que l’adhésion de la Hongrie et de ses voisins à l’Otan est de nature à renforcer la sécurité de la Russie en améliorant la stabilité politique de la région. Il souligne que la Russie ne doit pas être mise à l’écart du processus d’intégration européenne si elle remplit les conditions requises.

Enfin, la Hongrie est prête à adhérer à l’UEO si la possibilité lui en est donnée.

M. RADULESCU BOTICA (Roumanie)

Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous poser une question très brève. La Hongrie désire-t-elle, pour la minorité hongroise vivant en Roumanie, une autonomie reposant sur une base ethnique?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

répond qu’il s’agit d’une question épineuse et que certains s’acharnent à attiser un feu qui n’existe pas, en prétendant que l’autonomie dissimulerait des visées séparatistes. Il n’est pas question de cela: ce que revendiquent les autorités hongroises et les représentants des Hongrois résidant à l’étranger, c’est l’autonomie culturelle, le droit d’utiliser leur langue maternelle et, là où les résidents hongrois sont majoritaires, le droit à une représentation équitable au sein des collectivités locales. L’expression de telles demandes relève de la défense des droits de l’homme et des droits des minorités, et ne contrarie en rien les intérêts de la Roumanie ou de la Slovaquie.

M. RADULESCU BOTICA

Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, de votre réponse. Je voudrais souligner ici que tous les droits concernant l’autonomie que vous avez sont pleinement assurés en Roumanie.

Mme STIBOROVA (République tchèque) (traduction)

En Hongrie, la transition a été effectuée de façon progressive et satisfaisante. Vous avez entrepris une bonne coopération avec, entre autres, les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. D’autre part, les pays du groupe de Visegrad-Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque – ont conclu un certain nombre d’accords. Que pensez-vous de la coopération telle qu’elle existe au sein de ce groupe? Quelles mesures concrètes proposez-vous de mettre en œuvre afin de la renforcer?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

souligne l’importance que la Hongrie attache aux accords de Visegrad, qui ne contredisent aucunement les démarches visant à l’intégration de la Hongrie au sein des autres institutions européennes. La concertation ne se dément pas entre les pays membres du groupe de Visegrad, comme en témoigne la visite faite hier en Hongrie par le Premier ministre polonais. Quant à l’accord de libre-échange connu sous le nom de CEFTA, il s’applique progressivement, sans difficulté particulière. C’est ainsi que les barrières douanières entre les pays intéressés tomberont le 1er janvier 1998.

Il n’y va pas seulement de la coopération régionale, mais aussi des chances d’adhésion à l’Union européenne. Par ailleurs, Pologne et Hongrie s’accordent pour estimer que cette zone de libre-échange doit être progressivement étendue à la Roumaine, à la Bulgarie et aux Etats baltes.

M. JANSSON (Finlande) (traduction)

En tant qu’ancien rapporteur pour la Hongrie, je suis particulièrement heureux que votre pays considère son adhésion au Conseil de l’Europe comme un succès. C’est très bien ainsi. La Hongrie exerce actuellement la présidence de l’OSCE et, à ce titre, elle a déployé une importante activité dans les régions en crise, tant dans les pays membres qu’ailleurs – en Tchétchénie, par exemple. D’autres organisations sont à la recherche d’une solution pacifique et politique à la crise en Tchétchénie. Ces différentes tentatives sont-elles suffisamment coordonnées? Dans la négative, comment, à votre avis, pourrait-on y remédier?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

estime que l’OSCE est probablement la seule organisation à avoir œuvré efficacement dans cette affaire. En ce moment même, elle dépêche une mission en Tchétchénie, non seulement pour organiser l’aide humanitaire et pour observer la situation, mais aussi en vue de trouver une solution politique. On peut se demander si la volonté nécessaire existe partout, mais il est indéniable qu’il subsiste une possibilité de règlement. M. Horn est en effet convaincu que l’OSCE est à même de réunir toutes les parties concernées autour d’une même table, pour peu que la Fédération de Russie accepte ses bons offices.

M. SEVERIN (Roumanie) (traduction)

Un bon nombre de parlementaires roumains vous ont déjà posé des questions aujourd’hui, et vous avez déjà répondu aux deux questions que j’avais l’intention de vous poser. Je me contenterai donc de vous souhaiter plein succès dans l’important projet dont votre gouvernement vient de commencer la mise en œuvre.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Un effort commun permettra de le mener à bien. La parole est à M. Szymanski.

M. SZYMANSKI (Pologne) (traduction)

La Hongrie et la Pologne représentent deux exemples de pays d’Europe centrale et orientale dont on ne peut nier l’importance historique en tant que laboratoires d’expériences politiques et économiques dans cette région de l’Europe. Compte tenu du fait que la Hongrie et la Pologne ont été les pionniers de la réforme, quel rôle seront-elles appelées à jouer à l’avenir dans la région? Les deux pays appartiennent au groupe de Visegrad et ont présenté en même temps leur candidature à l’Union européenne et à l’Otan. Quel sera, selon vous, le calendrier des négociations d’adhésion à ces organisations?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

constate que tous les Etats d’Europe centrale et orientale se sont engagés résolument sur la voie de la transformation. Naturellement, tous n’en sont pas au même point aujourd’hui. Les pays du groupe de Visegrad se trouvent indéniablement aux avant-postes et leurs réalisations peuvent fournir d’utiles enseignements à leurs voisins. Pour ce qui est de l’adhésion à l’Union européenne, M. Hom considère que 1995 et 1996 seront des années décisives. Il se félicite que la Pologne et la Hongrie aient été associées à la négociation sur les conditions de leur admission. Une consultation a déjà eu lieu en vue de rédiger le fameux «livre blanc». Il est souhaitable qu’elle soit suivie par d’autres, étant entendu que les deux candidats demandent seulement qu’on tienne compte de leurs particularités, pas qu’on leur octroie des conditions spéciales. Il serait bon également que la conférence intergouvemementale arrête une date pour le début des négociations: le mieux serait sans doute la fin de 1996 ou le début de 1997. Ces discussions devant probablement durer trois années, l’adhésion se ferait alors au tournant du millénaire.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Earl of Dundee avait exprimé le souhait de poser une question, mais je ne le vois pas dans l’hémicycle. Je donne donc la parole à M. Gjellerod pour poser la dernière question.

M. GJELLEROD (Danemark) (traduction)

Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Premier ministre, les relations que vous entretenez avec vos voisins d’Europe centrale et orientale ont été abordées à plusieurs reprises, c’est pourquoi je me contenterai de vous poser une brève question. Que pensez- vous pouvoir apporter aux pays dits développés de l’Union européenne?

M. Horn, Premier ministre de Hongrie (interprétation)

répond que les pays du groupe de Visegrad disposent d’une main-d’œuvre qualifiée et créative, de sorte qu’ils ne peuvent être assimilés à des pays en développement. En outre, sans se flatter, ils peuvent faire état d’un potentiel intellectuel non négligeable, ainsi que d’une large expérience acquise au fil de leurs efforts de transformation économique et sociale. Cet acquis pourrait être profitable aux pays du sud de l’Union. Bien qu’ils soient parvenus à installer des démocraties stables, les Etats du groupe de Visegrad ne pourront contribuer au développement des Etats les moins avancés de l’Union, le problème semblant être le même pour plusieurs des Quinze.

En conclusion, M. Hom remercie l’Assemblée et le Président de lui avoir permis de les informer des positions hongroises. Il les assure de son estime et de son attachement au Conseil, première des organisations œuvrant pour l’intégration européenne.