1. Introduction
1. En janvier 2006, notre collègue
Mme Carina Hägg (Suède, SOC), présidente
de la sous-commission sur la violence à l’égard des femmes, a déposé
une motion de résolution sur «l’avortement et ses conséquences pour
les femmes et les jeunes filles en Europe» (
Doc. 10802). J’ai été nommé rapporteuse le 9 mars 2006; la commission
des questions sociales, de la santé et de la famille a été saisie
pour rédiger un avis.
2. En février 2007, la commission a décidé que le rapport devait
avoir pour nouveau titre «Accès à un avortement sans risque et légal
en Europe», et elle a tenu à ce sujet une audition dont le procès-verbal, déclassifié
depuis, est disponible auprès du secrétariat (AS/Ega (2007) PV 3
addendum). Ont pris part à cette audition un large éventail d’experts
représentant différents points de vue sur l’avortement; ils étaient
délégués par la Fédération internationale des plannings familiaux
(IPPF), le Forum parlementaire intereuropéen sur la population et
le développement (IEPFDP), la Fédération internationale des professionnels
de l’avortement et de la contraception, «Aktion Lebensrecht für
Alle» (Allemagne), l’Association suédoise pour l’éducation à la sexualité
(RFSU) et «Abortion Rights» (Royaume-Uni); était présent également
un ancien juge à la Cour européenne des droits de l’homme.
3. Dans cet exposé des motifs, je commencerai par résumer la
position actuelle de l’Assemblée sur l’avortement et par donner
un aperçu de la situation actuelle en Europe, avant d’aborder l’argumentation morale
et d’exposer les conclusions et les projets de résolutions concernant
l’accès à un avortement sans risque. Je suggère à la commission
d’adopter un rapport sur cette question à sa réunion de Paris du
11 mars 2008 en vue de le transmettre à l’Assemblée au cours de
la partie de session d’avril 2008 pour débat. La commission a par
ailleurs été invitée à discuter les propositions contenues dans
ce rapport lors de ses réunions du 7 septembre 2007 et du 22 janvier
2008.
2. Position de l’Assemblée
sur l’avortement
4. A ma connaissance, l’Assemblée
n’a jamais adopté de résolution ou de recommandation sur l’avortement
proprement dit. En 1993, la social-démocrate finlandaise Tarja Halonen
(aujourd’hui Présidente de son pays) a présenté un rapport sur «l’égalité
entre les femmes et les hommes: le droit au libre choix de la maternité»
au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de
la famille, mais l’Assemblée a rejeté son projet de recommandation
par un vote à appel nominal
.
Cela ne signifie cependant pas que l’Assemblée n’ait pas de position
sur l’avortement, car elle a adopté plusieurs résolutions et recommandations touchant
cette question:
5. La position de l’Assemblée sur l’avortement, telle qu’elle
a été jusqu’ici, peut se résumer dans les termes suivants: «L’avortement
ne doit en aucun cas être promu en tant que méthode de planification
familiale. Mais lorsque l’avortement n’est pas illégal, il doit
être sûr et accessible.»
Lorsque
la grossesse est le résultat d’un viol, la femme doit être libre
de se faire avorter
.
6. La position de l’Assemblée est conforme aussi bien à celle
d’autres organisations internationales (par exemple celle du Comité
des droits de l’homme des Nations Unies sur le droit d’accès aux
services d’avortement lorsque la grossesse est le résultat de violences
sexuelles), qu’aux déclarations internationales adoptées lors de
conférences internationales, tels le programme d’action du Caire
adopté en 1994 ou l’engagement d’Ottawa de 2002 (l’un et l’autre
traitant des droits sexuels et reproductifs). La Cour européenne des
droits de l’homme a également rendu, ces dernières années, plusieurs
arrêts de référence en la matière (dernièrement dans les affaires Tysiac c. Pologne (2007) et Vo c. France (2004)).
7. Ainsi, les engagements internationaux du Programme d’action
de la Conférence internationale sur la population et le développement,
au Caire, de la Plate-forme d’action de Beijing et de la Convention
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes (CEDAW) ont clairement affirmé le consensus mondial sur
le fait que les droits reproductifs font partie des droits de l’homme.
Il faut assurer aux femmes un accès aux services de santé reproductive,
leur garantir le libre choix en matière de méthodes de planning
familial et leur permettre d’éviter les grossesses non désirées.
Le Programme d’action de la Conférence du Caire déclare:
«Dans les cas où il n’est pas interdit
par la loi, l’avortement devrait être pratiqué dans de bonnes conditions
de sécurité.»
3. La situation en Europe
8. En Europe, la situation varie
beaucoup en ce qui concerne l’avortement. L’avortement est légal
dans la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe.
Dans tous ceux-ci, à l’exception d’Andorre et de Malte, la loi autorise
l’avortement pour sauver la vie des femmes. L’avortement est, en
théorie, accessible sur demande dans tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe sauf Andorre, l’Irlande, Malte, Monaco et la Pologne.
Certains Etats membres du Conseil de l’Europe jouissent d’un haut
niveau de santé sexuelle et reproductive, tandis qu’on enregistre
dans d’autres quelques-uns des taux d’avortement les plus élevés
du monde. Dans certains Etats membres, l’avortement est légal, sans
risque, gratuit et accessible, alors que dans d’autres, les femmes
sont obligées de recourir à des avortements illégaux et risqués
si elles veulent interrompre une grossesse. Dans certains pays où
l’avortement est légal (sous certaines conditions), il est inaccessible de facto pour des raisons telles
que le prix élevé des avortements, des prestataires inamicaux envers
les femmes, le surpeuplement des installations, une hygiène déplorable,
un mauvais accès à l’information, le manque de formation adéquate
en matière d’avortement et les normes sanitaires inadaptées.
9. Selon des informations fournies par la Fédération internationale
du planning familial (IPPF), le taux d’avortement décline de manière
générale en Europe, et en particulier dans les pays d’Europe centrale
et orientale. Au sein de l’Union européenne, les chiffres restent
stables. Toutefois, on note une augmentation du taux d’avortement
parmi les jeunes femmes. Il faut cependant garder à l’esprit que
les systèmes de collecte de données sont très divers en Europe et
que les statistiques ne sont pas toutes fiables, d’où la difficulté d’apprécier
la situation avec certitude
.
10. Il existe une variété de législations en Europe: l’avortement
peut être sollicité jusqu’à la 12e semaine dans la majorité des
cas; jusqu’à 18 semaines en Suède; jusqu’à 22 semaines dans la plupart
des pays du Caucase pour des raisons sociales ou médicales; jusqu’à
24 semaines aux Pays-Bas et au Royaume-Uni lorsque existent des
raisons sociales, médicales ou économiques qui engendreraient du
stress; uniquement sous certaines conditions à Chypre, au Luxembourg,
en Pologne, au Portugal (où la situation est toutefois en train
de changer, un référendum y ayant eu lieu récemment) ainsi qu’en
Espagne; uniquement si la vie de la mère est en danger (en Irlande
et en Irlande du Nord), et sous aucun prétexte à Malte
.
11. Une période de réflexion n’est imposée qu’en Europe de l’Ouest.
Elle n’existe pas dans les pays issus de l’Union soviétique. Une
consultation de conseil, qui revêt différentes formes, est obligatoire
dans la plupart des pays de l’Ouest, mais pas en Europe de l’Est.
Lorsque l’avortement concerne une mineure, le consentement parental
est requis dans la plupart des pays. En Belgique, ce n’est toutefois
pas le cas. En France, il est recommandé que les jeunes filles soient
accompagnées d’une personne adulte. Le coût d’un avortement varie
d’un pays à l’autre et dépend de l’âge et de la situation sociale
de la femme. L’avortement est souvent gratuit dans les pays de l’Est.
La Bulgarie et le Kazakhstan proposent une aide financière de l’Etat pour
les femmes pauvres et les jeunes filles. En Autriche, en Espagne
et au Portugal, le coût est de l’ordre de 300 à 800 euros. En Arménie
et en Géorgie, il se situe entre 15 et 85 euros
.
12. L’accès à l’avortement diffère beaucoup selon que l’on vit
en région urbaine ou rurale. Dans la plupart des pays, l’avortement
n’est accessible qu’en milieu hospitalier, et certains hôpitaux
ont créé en leur sein un service spécialisé. Des gynécologues obstétriciens
(ou des médecins qualifiés) pratiquant l’avortement ne sont pas
disponibles dans tous les hôpitaux. D’après plusieurs études réalisées
en Fédération de Russie, le nombre d’avortements non déclarés est
nettement plus élevé que les chiffres officiels, et les personnes
qui recourent aux avortements risqués sont les adolescentes, les
femmes jeunes et non mariées et celles des zones rurales
. Dans certains pays, la Pologne
par exemple, des médecins refusent de pratiquer l’avortement en invoquant
des raisons morales personnelles. Dans de nombreux pays, la qualité
des soins prodigués à une femme souhaitant avorter laisse beaucoup
à désirer.
4. Le débat moral
13. Nous connaissons tous fort
bien, je crois, le débat moral qui a divisé des sociétés entières
(et, le plus notoirement, les Etats-Unis d’Amérique depuis le célèbre
arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Roe c. Wade) en deux camps s’appelant
eux-mêmes «provie» et «prochoix». Au risque de redire des évidences, je
voudrais néanmoins résumer brièvement les arguments de l’un et l’autre
camps:
14. Le camp «provie» considère que la vie commence à la conception,
non à la naissance, et que l’embryon – étant un être humain – doit
jouir des droits de l’homme, y compris évidemment le droit à la
vie. L’avortement est donc assimilé à un «meurtre» ou à la «suppression
d’une vie humaine»
. La plupart des religions
se placent dans le camp «provie», selon le rapport de Mme Zapfl-Helbling
intitulé «Femmes et religion en Europe»
(d’où j’ai extrait
les informations suivantes). L’Eglise catholique romaine voit dans
l’avortement un «mal moral» et une violation du cinquième Commandement
(«Tu ne tueras point»), car la vie humaine doit être respectée et protégée
de manière absolue depuis le moment de la conception
.
L’Eglise orthodoxe condamne l’avortement comme étant un acte meurtrier
dans tous les cas
.
Dans l’islam, l’avortement est hors la loi, sauf si la santé ou
le bien-être de la mère est en jeu (auquel cas il n’est permis que
pendant les 120 premiers jours de la grossesse)
.
Dans le judaïsme, l’avortement– en cas de circonstances particulières
– est permis jusqu’au quarantième jour, car le fœtus n’est pas considéré
comme une personne autonome
.
Les Eglises luthériennes et protestantes majoritaires montrent en
général plus de tolérance vis-à-vis de l’avortement, bien que celles
marquées par le charismatisme et le fondamentalisme adoptent à cet
égard une position plus stricte que les autres.
15. Le camp «provie» perçoit le corps de la mère comme n’étant
«que le simple endroit où se déroulent la croissance et l’alimentation
de l’enfant à naître»
, et c’est la raison pour laquelle la
femme n’a pas le droit de décider de la vie de l’enfant. Le rôle
du père est également mis en lumière par les militants «provie»:
comme l’enfant a deux parents, et non pas un seul, pourquoi un seul
des deux aurait-il le droit de décider de son sort
?
16. Le camp «provie» insiste sur les effets négatifs éventuels
qu’un avortement peut produire sur une femme, tant physiquement
que psychologiquement («symptômes comparables aux “désordres et
stress post-traumatiques”, caractérisés par des cauchemars, un sentiment
de culpabilité et de devoir “réparer quelque chose”»
).
L’avortement n’est pas assimilé à une affaire privée, compte tenu
notamment des tendances démographiques actuelles. On insiste sur
l’existence de solutions de substitution à l’avortement (adoption, placement
en famille d’accueil)
.
17. Le camp «prochoix» soutient que «le droit à un avortement
sûr peut être rattaché aux droits fondamentaux de la personne humaine»
. Son argument repose
sur le droit des femmes à la vie et à la santé, car dans les pays
où l’avortement fait l’objet de restrictions légales, les femmes
ont tendance à recourir à des avortements clandestins opérés dans
des conditions médicalement risquées, mettant ainsi leur vie et
leur santé en danger. La légalité de l’avortement n’a pas d’impact
sur les besoins en avortement des femmes, mais uniquement sur leur
accès à un avortement sans risque.
18. Les militants «prochoix» considèrent que les lois interdisant
l’avortement exposent les femmes, et non les hommes, à des risques
sanitaires accrus et ont donc un effet discriminatoire. Ces lois
sont perçues comme discriminatoires également dans la mesure où
elles «[dénigrent et diminuent] la capacité des femmes à prendre
leurs propres décisions concernant leur vie et leur corps»
.
19. En outre, Mme Quesney (directrice
d’«Abortion Rights», Royaume-Uni) considère que les femmes ont droit
à l’autodétermination reproductive et souligne que «la poursuite
d’une grossesse non désirée peut entraîner des conséquences dramatiques
pour le bien-être physique et émotionnel de la femme et de toute
sa famille»
. Mme Quesney
estime, par conséquent, qu’il n’appartient pas au gouvernement de
prendre une décision à la place de la femme. Pour une femme vivant
dans un environnement où le planning familial et l’éducation ne
sont pas disponibles, l’accès à des services d’avortement sûr peut
constituer l’unique moyen d’exercer un contrôle sur la taille de
sa famille. En outre, les militants «prochoix» rappellent qu’aucun
moyen de contraception n’est fiable à 100 %.
20. Le camp «prochoix» signale aussi qu’«interdire l’avortement
ne peut que conduire à des avortements clandestins – qui constituent
l’un des plus grands dangers pour les droits des femmes, leur santé,
leur égalité et leur autonomie», selon les termes de Mme Quesney
.
Ce lien est attesté par les données relatives aux restrictions imposées
en matière d’avortement dans la Roumanie de Ceaușescu.
21. Enfin, il convient de signaler la position d’Amnesty International
qui, pour la première fois, lors de son 28e Congrès international
à Mexico le 17 août 2007, a abordé certains aspects de la question
de l’avortement, à la suite d’une large consultation de ses membres
et dans le contexte de sa campagne «halte à la violence contre les
femmes»:
«La politique d’Amnesty
International sur les droits sexuels et reproductifs ne consiste
pas à promouvoir l’avortement en tant que droit universel; l’organisation
n’approuve ni ne réprouve l’avortement. Elle considère comme un
droit humain le droit des femmes à ne subir ni terreur, ni menace
ni contrainte quand elles font face aux diverses conséquences d’un
viol ou d’autres violations graves des droits humains. Amnesty International
réaffirme la ligne de conduite qu’elle a adoptée en avril cette
année. Cette politique consiste à soutenir la dépénalisation de
l’avortement, à veiller à ce que les femmes bénéficient de soins
médicaux lorsque cette intervention occasionne des complications
et à défendre la possibilité pour les femmes d’avoir recours à une
interruption volontaire de grossesse, en respectant un délai maximal
raisonnable, lorsque leur santé ou leur vie sont en danger.»
22. Dans ce contexte, Amnesty International a souligné que, «d’une
manière qui ne se rencontre pas dans d’autres situations, les professionnels
de la santé refusent souvent de soigner les femmes qui souffrent
de complications liées à l’avortement. On ne voit pas ailleurs de
traitements médicaux refusés parce que la personne qui a besoin
de soins passe pour avoir commis une infraction. Des gens qui ont
pris une surdose d’une drogue considérée comme illégale reçoivent
des soins (…), mais les femmes, parfois, n’obtiennent aucun traitement,
ce qui montre le caractère exceptionnel de la question de l’avortement»
.
Cette position me semble particulièrement intéressante, parce qu’elle
place le débat sur le terrain de la protection des femmes contre
toute forme de violence, et non sur le plan moral.
5. Eviter l’avortement
23. Quel que soit notre avis sur
l’avortement, nous pouvons tous convenir que dans un monde idéal, l’avortement
n’existerait pas, non parce qu’il serait interdit, mais parce qu’il
serait inutile dans la mesure où l’on pourrait le plus souvent l’éviter.
Nous devons donc chercher à éviter autant d’avortements que possible.
24. Le meilleur moyen d’éviter l’avortement est d’éviter les grossesses
non désirées en donnant aux jeunes adultes (y compris à l’école)
une éducation sexuelle ainsi que des moyens de contraception accessibles
et d’un coût raisonnable. Comme Mme Lindahl,
de l’Association suédoise pour l’éducation à la sexualité, l’a expliqué lors
de l’audition, des études de l’OMS ont révélé que l’éducation sexuelle
avait pour effet de retarder les premières relations sexuelles en
suscitant un emploi accru des contraceptifs, rendant ainsi les relations sexuelles
plus sûres. Un rapport de l’OMS intitulé «Prévenir le VIH/sida chez
les jeunes» a montré que l’éducation sur le VIH avait tendance à
retarder l’activité sexuelle et que l’éducation sexuelle n’accroissait
pas l’activité en question. Ces résultats pourraient être transposés
dans le domaine des grossesses non désirées
.
25. De même, la disponibilité de moyens contraceptifs d’un coût
raisonnable a beaucoup fait pour abaisser le taux d’avortement au
fil des années, notamment en Europe centrale et orientale (dans
certains pays, en ex-Union soviétique par exemple, l’avortement
a tenu lieu de contraception pendant des dizaines d’années). L’abstinence
sexuelle n’est généralement pas une solution: aux Etats-Unis, des
programmes en sa faveur ont abouti à une très nette augmentation
des maladies sexuellement transmissibles, des grossesses non désirées et
des avortements inévitables. De même, un accès plus facile aux moyens
de contraception d’urgence à un prix abordable et la levée des restrictions
sur leur vente sans ordonnance contribueront grandement à éviter le
recours à l’avortement.
26. La mise à disposition de moyens contraceptifs ne suffit toutefois
pas pour éviter les avortements. Une étude récente en France – où
le taux de contraception est le plus élevé au monde – a rappelé
que près de deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez
des femmes qui déclarent utiliser un moyen contraceptif au moment
de la survenue de la grossesse
. Il est de ce fait important de s’assurer
que les femmes ont accès à un moyen de contraception adapté, et
choisi par elle, pour éviter des grossesses non désirées.
27. Interdire les avortements ne permet pas non plus d’éviter
les grossesses non désirées. On ne peut que rarement persuader les
femmes en «conflit personnel de grossesse» de mener leur grossesse
à terme si elles ne le veulent pas, et la plupart chercheront à
avorter même si c’est illégal dans leur pays. Certaines iront à l’étranger
(au Royaume-Uni, par exemple, si elles sont irlandaises)
, mais d’autres ne pourront se payer
cet «avortement touristique», recourront à un avortement clandestin
et dangereux ou iront jusqu’à essayer de mettre fin elles-mêmes
à leur grossesse, prenant ainsi des risques considérables pour leur
santé, voire leur vie
.
28. Une législation restrictive peut aussi aboutir au développement
de «marchés parallèles». Des ONG en Pologne – où l’avortement n’est
autorisé que pour les cas de viols, d’incestes, et de danger pour
la vie ou la santé de la mère – ont dénoncé, d’une part, l’accès
limité des femmes à ces interventions
,
et d’autre part «l’offre de service» publiée dans les journaux.
Au final, ces associations estiment à 180 000 le nombre d’avortements
clandestins pratiqués chaque année en Pologne
.
29. Je voudrais donc plaider en faveur d’une attitude plus ouverte
vis-à-vis de l’avortement. Là où, en Europe, l’avortement est légal,
sûr et accessible, les taux d’avortement ont tendance à rester faibles
(sans doute aussi parce que la plupart des pays qui adoptent cette
politique investissent beaucoup également dans l’éducation à la
sexualité et la contraception accessible). Les restrictions à l’avortement
– telles que les périodes obligatoires d’attente ou de réflexion
(dites aussi «de refroidissement»), l’obligation de commencer par
consulter ou se faire «conseiller» ainsi que celle d’obtenir le
consentement de deux médecins – sont en général contre-productives,
elles aussi; en effet, comme M. Fiala (président de la Fédération
internationale des professionnels de l’avortement et de la contraception,
Autriche) l’a signalé au cours de l’audition, ces restrictions ne
réduisent pas le nombre de grossesses non désirées ou d’avortements
et ne conduisent ni à une augmentation du nombre de femmes ayant
des enfants, ni à une amélioration des soins: «Elles ne font que
retarder l’âge du fœtus au moment de l’avortement, avec les conséquences
physiques et psychologiques que cela comporte pour la mère. Elles
augmentent les risques pour la santé physique et psychologique et augmentent
les coûts de l’opération sans avantage évident.»
En outre, plus la
décision de la femme est rapide, plus l’avortement médicamenteux,
qui évite les risques inhérents à toute opération chirurgicale,
pourra être proposé aux femmes.
30. Enfin, je considère pour ma part que le choix ultime d’avorter
ou non doit revenir à la femme et qu’il faut reconnaître le droit
des femmes à disposer de leur corps.
6. Conclusions
31. L’Assemblée parlementaire devrait
réaffirmer que l’avortement ne peut en aucun cas être considéré comme
un moyen de planification familiale. L’avortement, autant que possible,
doit être évité. Tous les moyens possibles et compatibles avec les
droits de la femme doivent être mis en œuvre pour réduire le nombre
de grossesses non désirées et d’avortements.
32. Bien que l’avortement soit légal dans la grande majorité des
Etats membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée est préoccupée
par le fait que, dans beaucoup de ces pays, de nombreuses conditions
sont imposées et restreignent de ce fait l’accès effectif à un avortement
sans risque. Ces restrictions produisent des effets discriminatoires,
puisque les femmes qui sont bien informées et qui ont des moyens
financiers appropriés peuvent souvent avoir plus facilement recours
à l’avortement légal et sans risque.
33. L’Assemblée parlementaire pourrait noter également que, même
dans les Etats membres où l’avortement est légal, les conditions
ne sont pas toujours réunies pour garantir à la femme l’accès effectif
à ce droit: le manque de structures de soins de proximité, le manque
de médecins qui acceptent de pratiquer l’avortement, les consultations
médicales obligatoires répétées, les délais de réflexion et les
délais d’attente pour obtenir un avortement sont autant de conditions
qui peuvent rendre l’accès à l’avortement plus difficile, voire
impossible dans les faits.
34. L’Assemblée devrait considérer que l’avortement ne doit pas
être interdit. Interdire l’avortement n’aboutit pas à en réduire
le nombre: cela mène surtout à des avortements clandestins, plus
traumatisants et plus dangereux. L’avortement illégal n’entraîne
pas d’effet sur le besoin de la femme d’y recourir, mais plutôt
sur son accès à un avortement sans risque.
35. L’Assemblée est convaincue que des stratégies appropriées
en matière de santé sexuelle et reproductive, y compris l’éducation
sexuelle obligatoire pour les jeunes, contribueraient à avoir moins
souvent recours à l’avortement.
36. L’Assemblée affirme le droit de tout être humain, y compris
des femmes, au respect de son intégrité physique et à la libre disposition
de son corps. Dans ce contexte, le choix ultime d’avoir recours
ou non à un avortement devrait revenir à la femme, qui devrait disposer
des moyens d’exercer ce droit de manière effective.
37. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient être invités:
37.1. à dépénaliser l’avortement si
ce n’est déjà fait;
37.2. à garantir l’exercice effectif du droit des femmes à l’avortement;
37.3. à respecter l’autonomie du choix de la femme et à offrir
les conditions d’un choix libre et éclairé;
37.4. à lever les restrictions qui entravent, en fait ou en
droit, l’accès à un avortement sans risque, et notamment à prendre
les mesures nécessaires pour créer les conditions sanitaires, médicales
et psychologiques appropriées, et pour assurer une prise en charge
financière adéquate;
37.5. à adopter, en matière de santé sexuelle et reproductive,
des stratégies appropriées fondées sur des données solides et fiables,
pour garantir la poursuite des améliorations et de l’expansion de
la prestation de services de contraception grâce à une augmentation
des investissements à partir des budgets nationaux visant à améliorer
les régimes de santé, les fournitures pour la santé reproductive
et la diffusion d’informations;
37.6. à assurer l’accès à une contraception de coût raisonnable,
adaptée à la femme et choisie par elle;
37.7. à instituer une éducation obligatoire des jeunes adultes
à la sexualité (entre autres, à l’école), afin d’éviter le plus
grand nombre possible de grossesses non désirées (donc d’avortements).
Commission chargée du rapport: commission sur l’égalité des
chances pour les femmes et les hommes.
Renvoi en commission: Doc. 10802 et Renvoi no 3175 du 27 janvier 2006.
Projet de résolution adopté par 21 voix pour, 3 voix contre
et 1 abstention par la commission le 11 mars 2008.
Membres de la commission: M. Steingrímur J. Sigfússon (Président), M. José Mendes Bota (1er Vice-Président),
Mme Ingrīda Circene (2e Vice-Présidente),
Mme Anna Čurdová (3e Vice-Présidente),
M. Frank Aaen, Mme Željka Antunović,
M. John Austin, M. Lokman Ayva, Mme Marieluise
Beck, Mme Anna Benaki, Mme Oksana
Bilozir (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), Mme Olena Bondarenko, M. Predrag Bošcović, M. Jean-Guy Branger, M. James Clappison, Mme Minodora
Cliveti (remplaçante: Mme Monalisa Găleteanu), M. Ignacio Cosidó Gutiérrez
(M. Adolfo Fernández Aguilar),
Mme Diana Çuli, M. Ivica Dačić, M. Marcello Dell’Utri,
M. José Luiz Del Roio, Mme Lydie Err,
Mme Catherine Fautrier, Mme Maria
Emelina Fernández Soriano (remplaçante: Mme Rosario Velasco García), Mme Sonia
Fertuzinhos, Mme Alena Gajdůšková, Mme Ruth
Genner, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber,
Mme Carina Hägg,
M. Ilie Ilaşcu, Mme Fatme
Ilyaz, Mme Nataša Jovanović, Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Irine
Kurdadzé, Mme Angela Leahu, M. Terry Leyden, Mme Mirjana
Malić, Mme Nursuna Memecan, Mme Dangutė Mikutienė, Mme Ilinka
Mitreva, M. Burkhardt Müller-Sönksen,
Mme Christine Muttonen (remplaçante:
Mme Ana Blatnik),
Mme Hermine Naghdalyan, Mme Yuliya Novikova, M. Mark Oaten, M. Kent Olsson, Mme Vera
Oskina, M. Jaroslav Paška, Mme Maria
Agostina Pellegatta, Mme Antigoni Papadopoulos, M. Claudio Podeschi,
Mme Majda Potrata, M. Jeffrey Pullicino
Orlando, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis
Reps, Mme Jadwiga Rotnicka, Mme Marlene Rupprecht,
Mme Klára Sándor, M. Giannicola Sinisi,
Mme Miet Smet, Mme Svetlana
Smirnova, Mme Darinka Stantcheva, Mme Tineke
Strik, M. Michał Stuligrosz,
Mme Doris Stump, M. Han Ten Broeke, M. Vasile
Ioan Dănu Ungureanu, M. Marek Wikiński, M. Paul Wille, Mme Betty
Williams, M. Gert Winkelmeier, Mme Karin S.
Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Vladimir Zhidkikh, Mme Anna
Roudoula Zissi.
N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont
indiqués en gras.
Voir 15e séance, 16 avril 2008
(adoption du projet de résolution amendé); et Résolution 1607.