Rapport | Doc. 11654 | 24 juin 2008
Débat de politique générale sur la situation en Chine
Commission des questions politiques et de la démocratie
Résumé
La Chine a incontestablement enregistré des progrès spectaculaires ces dernières décennies dans plusieurs domaines. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne son économie et ses programmes de modernisation. La Chine, par son dynamisme économique et sa forte croissance, est aujourd’hui la quatrième économie mondiale et entretient également d’excellentes relations commerciales avec les Etats membres du Conseil de l’Europe.
Ces progrès, aussi importants soient-ils, n’ont toutefois pas été accompagnés de réformes profondes du système politique ni d’une amélioration significative de la protection des droits de l’homme, comme l’ont démontré les événements récents au Tibet. La puissance économique de la Chine ne pourra se maintenir au premier plan qu’à la condition que le pays s’engage sur la voie de la démocratie. Si l’on peut admettre que chaque pays est conditionné par sa propre culture, il est important de souligner que les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie sont universels. Leur défense ne saurait s’arrêter aux frontières des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, comme le reconnaît d’ailleurs la déclaration finale du Sommet de Varsovie.
Ainsi, le présent rapport vise à offrir à la Chine de s’engager dans un dialogue avec le Conseil de l’Europe, car la diversité des approches culturelles avec la Chine ne peut qu’être source d’enrichissement mutuel, notamment au niveau d’un dialogue – politique, interculturel et interreligieux. L’Assemblée parlementaire se tient prête à mettre sa longue expérience dans le domaine de la démocratie à disposition tout en étant consciente qu’il appartient à chaque démocratie de choisir sa propre voie.
En tant qu’organisatrice des jeux Olympiques d’été de 2008, la Chine a une occasion unique de montrer au monde entier non seulement ses capacités d’organisation, mais aussi qu’elle est résolue à améliorer la situation en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit.
A. Projet de résolution
(open)B. Exposé des motifs, par M. Mignon
(open)1. Introduction
2. La situation politique en Chine
2.1. Possibilités ouvertes par l’attribution à la Chine des jeux Olympiques 2008
2.2. Démocratie, Etat de droit et droits de l’homme en Chine
2.2.1. La peine de mort
2.2.2. Détentions arbitraires
2.2.3. Défenseurs des droits de l’homme
2.2.4. Liberté d’expression
2.3. Préoccupations particulières concernant la situation au Tibet
3. Conclusions et recommandations
- les Etats européens devraient être cohérents dans leur approche à l’égard de la Chine afin d’obtenir des améliorations concrètes dans le domaine de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme;
- les gouvernements européens devraient avoir une stratégie en vue d’exercer une influence sur la Chine afin d’obtenir de vraies améliorations sur le long terme et au-delà de l’été 2008; ils devraient parler plus franchement avec les autorités chinoises et intensifier les appels pressant la Chine d’obtenir des améliorations substantielles en matière de droits de l’homme et, concernant le Tibet, de s’engager dans un dialogue constructif avec le dalaï-lama;
- la Chine devrait s’engager sur des actions concrètes, tangibles, d’ici aux Jeux, afin de respecter sa promesse d’améliorer son bilan. Elle pourrait par exemple lever le blocus imposé à internet, libérer des cyberdissidents, lever les assignations à domicile et garantir la liberté de circuler et d’enquêter aux journalistes chinois et étrangers, pendant et après les Jeux. Elle devrait aussi prendre de toute urgence des mesures afin d’éviter que des journalistes ne soient victimes de détentions arbitraires, de manœuvres de harcèlement ou de renvois abusifs, en violation de leur droit à la liberté d’expression;
- l’héritage des Jeux devrait être positif dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie, et les améliorations obtenues devraient se poursuivre au-delà de l’échéance des Jeux;
- la Chine devrait mettre fin à la répression visant les militants qui soulèvent la question des droits de l’homme en lien avec les jeux Olympiques;
- l’Assemblée pourrait inviter instamment l’Union européenne à continuer à soulever les questions de la peine capitale, de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, de la situation des défenseurs des droits de l’homme, de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, dans le cadre de son dialogue politique avec la Chine ;
- afin de promouvoir la démocratie parlementaire, la prééminence du droit et le respect des droits de l’homme l’Assemblée pourrait inviter le Parlement chinois à s’engager dans un dialogue politique avec elle une fois que la Chine aura réalisé des progrès notables dans ces domaines, afin que le Parlement chinois puisse se porter candidat au statut d’observateur auprès de l’Assemblée;
- il faudrait se féliciter des discussions informelles du 4 mai 2008 entre les envoyés du dalaï-lama et les représentants chinois, et appuyer la tenue d’une nouvelle série de pourparlers officiels. Tout dialogue concret entre les deux parties devrait être encouragé;
- à long terme, il faudrait enfin encourager les autorités chinoises à envisager la possibilité de mettre en place une commission vérité et réconciliation afin que Chinois et Tibétains puissent gérer les séquelles du conflit dans la région et afin de reconstituer l’histoire des exactions commises et des injustices subies, en donnant la parole à tous les protagonistes.
Annexe – Chine – Tibet: Chronologie des événements
(open)13 juillet 2001: Le Comité international olympique choisit Pékin (République populaire de Chine) pour accueillir les jeux Olympiques.
9-24 septembre 2002: à la suite d’une impasse de neuf ans, les contacts reprennent entre les autorités chinoises de Pékin et les représentants tibétains.
25 mai-8 juin 2003: deuxième série de pourparlers entre les envoyés du dalaï-lama et les dirigeants chinois.
12-29 septembre 2004: troisième série de pourparlers entre les envoyés du dalaï-lama et les dirigeants chinois. La communauté internationale considère ces visites comme un important pas en avant, mais seuls quelques gouvernements consentent les efforts légitimes qui s’imposent pour amener les deux parties à la table des négociations.
30 juin-1er juillet 2005: quatrième série de rencontres entre les Tibétains et les dirigeants chinois à Berne, Suisse.
15 février 2006: les envoyés du dalaï-lama se rendent en visite en Chine du 15 au 23 février et prennent part à la cinquième série de pourparlers avec leurs homologues chinois à Guilin, province du Guangxi, Chine.
15 février 2007: le Parlement européen, réuni à Strasbourg, France, adopte une résolution sur le dialogue entre le Gouvernement chinois et les envoyés du dalaï-lama. Cette résolution globale inclut des recommandations à l’Union européenne l’incitant à prêcher avec plus de fermeté le dialogue.
Juillet 2007: sixième et dernière série infructueuse de pourparlers à Shanghai entre les envoyés du dalaï-lama et les dirigeants chinois.
mars 2008: début des manifestations marquant l’anniversaire du soulèvement tibétain manqué de 1959 contre le pouvoir chinois. Des centaines de moines du monastère de Drepung, à l’ouest de la ville de Lhassa, organisent une protestation pacifique pour réclamer la levée des restrictions religieuses et la libération des moines emprisonnés. Quelques jours plus tard, ce courant de protestations se propage aux communautés tibétaines des provinces voisines du Gansu, du Qinghai et du Sichuan, ainsi qu’à Katmandou (Népal) et à Dharamsala (Inde).
mars 2008: la Chine est retirée de la liste noire des droits de l’homme, comme le signale le rapport annuel du Département d’Etat américain sur les droits de l’homme, mais elle est classée comme un pays autoritaire connaissant une réforme économique et une évolution sociale rapide, et qui n’a pas entrepris de réformes politiques démocratiques.
12 mars 2008:
- des milliers de membres des forces de sécurité chinoises utilisent des gaz lacrymogènes pour tenter de disperser plus de 600 moines participant à une nouvelle journée de manifestations de rue;
- un groupe d’intellectuels chinois, composé notamment de dissidents très connus, d’avocats, de défenseurs des droits de l’homme et d’écrivains, fait circuler une pétition réclamant une enquête indépendante des Nations Unies au Tibet et exigeant du Gouvernement chinois qu’il reconsidère sa politique au Tibet de manière «à conduire à une réconciliation nationale, et non pas à continuer à aggraver les divisions entre nationalités».
14 mars 2008: des centaines d’habitants et de moines descendent dans les rues de Lhassa. Des pillages et des violences sont commis. Les autorités chinoises bouclent les monastères de Drepung, Sera et Ganden. Selon le Gouvernement chinois, dix personnes sont tuées à Lhassa lors d’émeutes fomentées par le dalaï-lama. Le porte-parole du dalaï-lama rejette cette affirmation, selon lui sans fondement.
15 mars 2008: les autorités chinoises déclarent que les émeutiers de Lhassa bénéficieront de leur clémence s’ils se rendent avant minuit le lundi 17 mars.
16 mars 2008: les autorités chinoises s’en prennent à des manifestants tibétains pacifiques réclamant l’indépendance du Tibet lors d’une marche de protestation à Ngaba. La Chine suspend la réouverture du Tibet aux touristes.
18 mars 2008: le Premier ministre Wen Jiabao rejette les appels au boycott des jeux Olympiques de Pékin en août et accuse le dalaï-lama de susciter des troubles pour saboter les Jeux. Les manifestations se soldent par la mort de nombreux manifestants. Le nombre de tués communiqué par les autorités chinoises est plus faible que celui fourni par les Tibétains et les médias internationaux.
24 mars 2008: la cérémonie de l’allumage de la torche à Olympie, Grèce, connaît des perturbations, les premières d’une série qui va troubler le relais de la torche à Londres, Paris et San Francisco.
26 mars 2008: des membres du Parlement européen organisent à Bruxelles un débat sur la situation au Tibet: certains parlementaires appellent à boycotter au moins la cérémonie d’ouverture des prochains jeux Olympiques qui doit avoir lieu en Chine en août, d’autres affirment qu’un boycott serait vain.
27 mars 2008: le voyage organisé à Lhassa par le Gouvernement chinois pour les médias et les diplomates est interrompu par des moines protestataires qui accusent le gouvernement de mentir au reste du monde.
4 avril 2008: les médias officiels chinois annoncent que le Tibet sera rouvert aux touristes étrangers le 1er mai, après une fermeture de six semaines.
9 avril 2008:
- la Chine réitère son engagement à convoyer la flamme olympique à travers le Tibet en dépit d’une forte pression internationale;
- le Sénat américain adopte à l’unanimité une résolution condamnant la violence au Tibet et exhortant à engager un processus de réconciliation et de dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama. La résolution stipule que le Département d’Etat américain devrait pleinement mettre en œuvre le «Tibetan Policy Act», qui prévoit l’établissement d’un bureau à Lhassa afin de suivre les développements politiques, économiques et culturels intervenant au Tibet.
10 avril 2008:
- le dalaï-lama déclare qu’il soutient les Jeux de Pékin et s’oppose aux violentes manifestations qui ont troublé le relais de la torche olympique autour du monde;
- à la suite de son débat du 26 mars, le Parlement européen adopte une résolution sur le Tibet. Cette résolution condamne la répression exercée par les forces de sécurité chinoises, demande une enquête indépendante sous l’égide de l’ONU, et appelle à une position européenne commune quant à la participation des dirigeants de l’Union européenne à la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques en août;
- la Chine revient brutalement sur sa décision de rouvrir le Tibet aux touristes étrangers;
- la Chine rejette la demande de Louise Arbour, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, qui souhaitait se rendre en visite au Tibet.
12 avril 2008: le Président chinois Hu Jintao affirme que le problème du Tibet n’est pas lié aux droits de l’homme mais relève de la souveraineté nationale chinoise.
18 avril 2008: le Bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe décide d’inviter le dalaï-lama à s’adresser à l’Assemblée.
21 avril 2008:
- le titre de citoyen d’honneur de la Ville de Paris est décerné au dalaï-lama par le Conseil de la ville. Hu Jia, célèbre militant des droits de l’homme récemment emprisonné en Chine pour tentative présumée de subversion, est également fait citoyen d’honneur de la capitale française;
- Paula J. Dobriansky, coordinatrice spéciale des Etats-Unis pour les questions tibétaines et sous-secrétaire d’Etat pour la démocratie et les affaires mondiales, rencontre le dalaï-lama dans le cadre de la visite de ce dernier aux Etats-Unis, malgré la ferme opposition de la Chine.
22 avril 2008:
- les autorités chinoises font part de leur «fort mécontentement» et de leur «opposition résolue» à la décision du Conseil de la Ville de Paris, qu’elles qualifient d’«ingérence» dans les affaires intérieures chinoises;
- la Chine appelle au soutien de l’Union européenne sur la question du Tibet, indiquant que l’Union européenne est un partenaire stratégique et qu’elle devrait soutenir la Chine sur des questions liées à sa souveraineté et son intégrité territoriale.
23 avril 2008: un porte-parole du dalaï-lama à Washington annonce que le dalaï-lama a envoyé une lettre au Président chinois Hu Jintao dans laquelle il propose à ce dernier d’envoyer des représentants au Tibet afin de calmer les tensions, et que Pékin a répondu sans toutefois formuler de proposition concrète.
25 avril 2008:
- visite officielle à Pékin de José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, et de neuf commissaires européens. A Pékin, M. Barroso exprime l’espoir de voir des «développements positifs» sur le dossier tibétain, tout en réaffirmant l’opposition de l’Union européenne à l’indépendance du Tibet ainsi qu’au boycott des jeux Olympiques;
- l’agence de presse officielle chinoise Xinhua annonce que la Chine a accepté d’engager des pourparlers avec les envoyés du dalaï-lama. Ce dernier salue cette décision, qu’il considère comme un pas dans la bonne direction.
4 mai 2008: les représentants du dalaï-lama et des fonctionnaires chinois du Département du front uni du travail du Parti communiste ont tenu des négociations informelles à Schenzen en Chine du Sud. Les deux parties ont démontré une volonté de parvenir à une approche commune pour surmonter les problèmes concernant le Tibet. Ils ont également convenu de tenir une septième série de pourparlers officiels très prochainement.
12 mai 2008: un terrible tremblement de terre a dévasté la province du Sichuan au sud-ouest de la Chine causant la mort et la disparition de dizaines de milliers de personnes.
15 mai 2008: la 25e édition du dialogue UE-Chine sur les droits de l’homme se tient à Brdo en Slovénie, sous la présidence slovène de l’Union européenne. L’accent est mis sur les questions de liberté d’expression, de droits des minorités, en particulier au Tibet, et de coopération avec les instances des Nations Unies.
22 mai 2008: le dalaï-lama est invité à s’exprimer devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants à Londres. Il a prié instamment le Premier ministre britannique de soutenir une enquête internationale sur les violents actes de répression envers les manifestations protibétaines du mois de mars.
Commission chargée du rapport: commission des questions politiques.
Renvoi en commission: décision du Bureau du 18 avril 2008.
Projet de résolution adopté à l’unanimité le 23 juin 2008. Membres de la commission: M. Göran Lindblad (Président), M. David Wilshire (Vice-Président), M. Björn von Sydow (VicePrésident), Mme Kristiina Ojuland (Vice-Présidente), Mme Fátima Aburto Baselga, M. Francis Agius, M. Miloš Aligrudić, M. Claudio Azzolini, M. Alexandre Babakov, M. Denis Badré, M. Ryszard Bender, M. Fabio Berardi, M. Radu Mircea Berceanu (remplaçante: Mme Cornelia Cazacu), M. Andris Bērzinš, M. Aleksandër Biberaj, Mme Guđfinna Bjarnadóttir, M. Giorgi Bokeria, M. Predrag Boškovic, M. Luc Van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa, Mme Elvira Cortajarena, Mme Anna Čurdová, M. Hendrik Daems, M. Dumitru Diacov, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Joan Albert Farré Santuré, M. Pietro Fassino, M. Per-Kristian Foss, Mme Doris Frommelt, M. Jean-Charles Gardetto, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross (remplaçante: Mme Doris Fiala), M. Davit Harutyunyan, M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović (remplaçant: M. Mladen Ivanić), M. Michael Aastrup Jensen, Mme Birgen Keleş, M. Victor Kolesnikov (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), M. Konstantin Kosachev, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden (remplaçant: M. Tuur Elzinga), M. Dariusz Lipiński, M. Younal Loutfi, M. Mikhail Margelov, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Mircea Mereută, M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada (remplaçant: M. Sabir Hajiyev), M. Joāo Bosco Mota Amaral, Mme Miroslava Němcová, M. Zsolt Németh, M. Fritz Neugebauer, M. Hryhoriy Omelchenko, M. Theodoros Pangalos, M. Aristotelis Pavlidis, M. Ivan Popescu, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott (remplaçant: M. John Austin), M. Gabino Puche, M. Andrea Rigoni, Lord Russell-Johnston (remplaçant: M. Rudi Vis), M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt, M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke, Lord Tomlinson, M. Mihai Tudose, M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vesaitė, M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm (remplaçant: M. Albrecht Konečný), M. Boris Zala.
Ex officio: MM. Mátyás Eörsi, Tiny Kox.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.
Voir 25e séance, 26 juin 2008 (adoption du projet de résolution amendé); et Résolution 1621.