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Rapport | Doc. 11654 | 24 juin 2008

Débat de politique générale sur la situation en Chine

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Jean-Claude MIGNON, France, PPE/DC

Résumé

La Chine a incontestablement enregistré des progrès spectaculaires ces dernières décennies dans plusieurs domaines. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne son économie et ses programmes de modernisation. La Chine, par son dynamisme économique et sa forte croissance, est aujourd’hui la quatrième économie mondiale et entretient également d’excellentes relations commerciales avec les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Ces progrès, aussi importants soient-ils, n’ont toutefois pas été accompagnés de réformes profondes du système politique ni d’une amélioration significative de la protection des droits de l’homme, comme l’ont démontré les événements récents au Tibet. La puissance économique de la Chine ne pourra se maintenir au premier plan qu’à la condition que le pays s’engage sur la voie de la démocratie. Si l’on peut admettre que chaque pays est conditionné par sa propre culture, il est important de souligner que les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie sont universels. Leur défense ne saurait s’arrêter aux frontières des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, comme le reconnaît d’ailleurs la déclaration finale du Sommet de Varsovie.

Ainsi, le présent rapport vise à offrir à la Chine de s’engager dans un dialogue avec le Conseil de l’Europe, car la diversité des approches culturelles avec la Chine ne peut qu’être source d’enrichissement mutuel, notamment au niveau d’un dialogue – politique, interculturel et interreligieux. L’Assemblée parlementaire se tient prête à mettre sa longue expérience dans le domaine de la démocratie à disposition tout en étant consciente qu’il appartient à chaque démocratie de choisir sa propre voie.

En tant qu’organisatrice des jeux Olympiques d’été de 2008, la Chine a une occasion unique de montrer au monde entier non seulement ses capacités d’organisation, mais aussi qu’elle est résolue à améliorer la situation en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire présente ses plus sincères condoléances à l’ensemble de la nation chinoise pour les victimes des tremblements de terre qui viennent de la frapper si durement. Elle se félicite de la rapidité avec laquelle les secours ont été dispensés aux sinistrés, mais regrette que les militaires chinois aient eu pour ordre de protéger les installations militaires au lieu de porter immédiatement secours à la population sinistrée.
2. L’Assemblée tient à saluer les progrès considérables qui ont été accomplis par la Chine au cours de ces dernières décennies. Entre autres dans les domaines de l’économie, qui est florissante, de sa politique étrangère, qui œuvre à un environnement international stable et favorable à la poursuite du développement national, ou encore de son rôle moteur de médiateur dans de nombreuses crises.
3. Ces progrès, aussi importants soient-ils, n’ont toutefois pas été accompagnés de réformes profondes du système politique ni d’une amélioration nécessaire de la protection des droits de l’homme, comme le démontre, entre autres, l’intensification de la répression des groupes de dissidents par le Parti communiste chinois. La puissance économique de la Chine ne pourra se maintenir au premier plan qu’à condition de faire parvenir les bénéfices de ce développement économique à l’ensemble de sa population.
4. L’Assemblée réaffirme que les principes sur lesquels reposent les droits fondamentaux de la personne humaine sont universels. Elle note que la République populaire de Chine a ratifié, à l’instar des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, la Charte des Nations Unies. Tout en respectant la diversité des approches culturelles, elle considère que la promotion de ces principes ne s’arrête pas aux frontières des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.
5. C’est pourquoi l’Assemblée est convaincue qu’elle a le devoir d’examiner la situation politique de la Chine et d’exprimer ses préoccupations quant à la situation des droits de l’homme et de la démocratie. En agissant de la sorte, l’Assemblée n’a pas pour objectif d’imposer unilatéralement son point de vue à la Chine, mais estime remplir la vocation qui est la sienne depuis sa création.
6. A la lumière des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe, l’Assemblée se déclare prête à établir un dialogue avec les autorités chinoises sur toute une série de questions d’intérêt commun et, en particulier, sur les thèmes de droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, en vue d’encourager la Chine à poursuivre les réformes dans ces trois domaines.
7. L’Assemblée est convaincue que la diversité des approches culturelles avec la Chine ne peut qu’être source d’enrichissement mutuel, notamment au niveau d’un dialogue politique, interculturel et interreligieux.
8. En tant qu’organisatrice des jeux Olympiques d’été de 2008, la Chine a une occasion unique de montrer au monde entier non seulement ses capacités d’organisation mais aussi qu’elle est résolue à améliorer la situation en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit. Dans le cadre de l’organisation de ces jeux, nombreux sont ceux qui, en Chine comme dans le reste du monde, expriment des attentes très importantes quant aux progrès de la Chine dans ces domaines. Il convient de regretter que ces progrès se fassent encore attendre.
9. L’Assemblée est cependant préoccupée par le fait que, à deux mois de l’ouverture des jeux Olympiques, des libertés aussi fondamentales que la liberté d’expression et la liberté d’association ne soient toujours pas garanties. Les citoyens chinois courent toujours un risque s’ils expriment ouvertement leur opinion, s’ils adressent des critiques au gouvernement, s’ils publient des articles sur internet, s’ils accordent des entretiens à des journalistes étrangers ou encore s’ils pratiquent leur religion en dehors des lieux de culte strictement contrôlés par l’Etat.
10. L’accès à l’information est limité, et internet et la presse font l’objet d’une censure étroite. Par ailleurs, la peine de mort continue d’être appliquée. Les formes abusives de détention administrative sont encore répandues, de même que les détentions et incarcérations arbitraires, la torture et le harcèlement des défenseurs des droits de l’homme (notamment avocats et journalistes). La discrimination à l’égard des migrants ruraux, des minorités ethniques et des femmes est également très courante.
11. L’Assemblée condamne la violente répression des manifestations de ces derniers mois au Tibet et dans les régions avoisinantes, avec son cortège d’arrestations, de disparitions et de morts.
12. Parallèlement, l’Assemblée se félicite du dialogue renouvelé – même s’il reste informel – qui a eu lieu le 4 mai 2008, dans le sud de la Chine, entre des envoyés du dalaï-lama et des représentants des autorités chinoises. Il s’agit là d’une initiative louable.
13. L’Assemblée ne souhaite pas condamner la Chine mais s’interroge plutôt sur le mode de fonctionnement politique du régime communiste chinois, qui est loin des principes des démocraties modernes.
14. Dans ce contexte, l’Assemblée demande instamment aux Etats membres du Conseil de l’Europe et à la communauté internationale:
14.1. de continuer à s’engager avec la Chine à réfléchir aux défis majeurs d’un monde en perpétuel changement et de tenter de les résoudre ensemble, par exemple dans des domaines tels que le changement climatique, la lutte contre le terrorisme ou encore la lutte contre le trafic des êtres humains;
14.2. d’adopter une approche cohérente et constante visà-vis de la Chine afin d’aboutir à des progrès concrets en ce qui concerne la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme;
14.3. d’exercer une influence – au niveau de chaque Etat – sur la Chine, afin que celle-ci instaure un dialogue de fond au sujet du Tibet et des régions avoisinantes.
15. L’Assemblée demande au Gouvernement chinois:
15.1. d’engager un dialogue franc et sincère avec les Etats membres du Conseil de l’Europe pour résoudre ensemble les défis majeurs d’un monde en perpétuel changement;
15.2. de respecter sa ratification de la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que l’ont fait tous les Etats membres du Conseil de l’Europe;
15.3. de mettre en œuvre des réformes profondes s’agissant du respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, y compris après la fin des jeux Olympiques;
15.4. de prendre des mesures concrètes pour prouver son engagement dans le sens d’une amélioration de la situation en matière de libertés fondamentales, par exemple en levant le blocus imposé à internet, en libérant ceux que l’on appelle les «cyberdissidents», en levant les assignations à résidence des défenseurs des droits de l’homme, en mettant un terme au harcèlement et aux arrestations de membres appartenant à des minorités religieuses, ainsi que les membres du Falun Gong, en s’abstenant de toute détention arbitraire, de tout harcèlement et de tout refoulement illégitime de journalistes, ou encore en garantissant la liberté de circulation et de reportage des journalistes, aussi bien chinois qu’étrangers, pendant la période des jeux Olympiques;
15.5. de mettre un terme aux mesures sévères dont font l’objet les militants qui défendent les droits de l’homme;
15.6. de poursuivre le dialogue avec les représentants tibétains sur la situation au Tibet;
15.7. d’envisager la création d’une «commission vérité et de réconciliation», afin de permettre aux Chinois et aux Tibétains d’assumer l’héritage du conflit dans la région et de faire l’historique des abus commis et des injustices subies par toutes les parties en présence.
16. L’Assemblée invite le Parlement chinois à s’engager dans un dialogue politique avec elle en vue de promouvoir la démocratie parlementaire, la prééminence du droit et le respect des droits de l’homme. Une fois que la Chine aura réalisé des progrès notables dans ces domaines, le Parlement chinois pourrait se porter candidat au statut d’observateur auprès de l’Assemblée.
17. L’Assemblée, et de manière générale le Conseil de l’Europe, ont accumulé une expérience considérable dans le domaine de la démocratie. A ce titre, l’Assemblée est prête à mettre cette expérience à disposition tout en étant consciente qu’il appartient à chaque démocratie de choisir sa propre voie.
18. L’Assemblée encourage l’Union européenne à continuer à soulever les questions de la peine capitale, de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, de la situation des défenseurs des droits de l’homme, de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, dans le cadre de son dialogue politique, et des droits de l’homme avec la Chine.
19. Enfin, l’Assemblée se tient prête, par le biais de sa commission des questions politiques, à envoyer une délégation de parlementaires en visite d’information en Chine afin de recueillir sur place de plus amples informations sur la situation actuelle dans le pays.

B. Exposé des motifs, par M. Mignon

(open)

1. Introduction

1. Le présent rapport résulte d’une audition publique organisée à Strasbourg, le 17 avril 2008, par la commission des questions politiques sur la situation politique en Chine à la veille des jeux Olympiques. Cette audition a eu lieu en marge de la deuxième partie de la session plénière de l’Assemblée parlementaire.
2. Lors de l’échange de vues qui a eu lieu au cours de l’audition, les membres de la commission ont exprimé leur préoccupation quant à l’absence persistante d’avancées en matière de démocratie, de primauté du droit et de droits de l’homme en Chine. Cela a conduit le président, au nom de la commission, à demander au Bureau de l’Assemblée de proposer la tenue, lors de la troisième partie de la session plénière de l’Assemblée, en juin 2008, d’un débat de politique générale consacré à la situation politique en Chine à la veille des jeux Olympiques. Le Bureau a accepté cette proposition.
3. Avant de développer plus avant le sujet du présent rapport, je tiens à exprimer ma gratitude à M. Yang Jianli, chercheur chinois et défenseur des droits de l’homme, fondateur du Forum à but non lucratif Initiatives for China (Boston), M. Jampal Chosang, représentant du dalaï-lama (Paris), Mme Corinna-Barbara Francis, chercheuse d’Amnesty International, équipe Asie de l’Est (Londres), et M. Olivier Basille, représentant permanent de Reporters sans frontières auprès des institutions européennes (Bruxelles), pour leur participation à l’audition publique susmentionnée. Leurs contributions ont été très appréciées par les membres de la commission et m’ont été extrêmement utiles pour mon travail.
4. Je tiens également à exprimer toute ma gratitude à M. Quan Kong, ambassadeur de la République populaire de Chine en France. M. Kong a bien voulu me recevoir afin que je puisse recueillir son avis sur la situation actuelle en Chine. Les fruits de cet entretien ont été significatifs et indispensables à la crédibilité du présent rapport.
5. Je regrette cependant que les autorités chinoises aient décliné l’invitation de la commission des questions politiques à participer à l’audition afin de présenter leur position. Les autorités chinoises ont simplement choisi d’envoyer un représentant pour observer le déroulement de l’échange de vues depuis l’audience, mais sans y participer.
6. La Chine a incontestablement enregistré des progrès spectaculaires ces dernières décennies dans plusieurs domaines. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne son économie et ses programmes de modernisation. La Chine, par son dynamisme économique et sa forte croissance, est aujourd’hui la quatrième économie mondiale. Il convient ici de souligner que la Chine entretient également d’excellentes relations commerciales avec les Etats membres du Conseil de l’Europe.
7. Toutefois, ces progrès, aussi importants soient-ils, n’ont pas été accompagnés de réformes profondes du système politique et d’une amélioration significative de la protection des droits de l’homme.
8. Bien que la Chine ne soit pas un Etat membre du Conseil de l’Europe ni un Etat observateur, à la lumière des conclusions de l’audition publique susmentionnée et compte tenu du rôle que peut jouer l’Assemblée pour promouvoir la démocratie en Chine, je suis convaincu que l’Assemblée a le devoir de procéder à un examen de la situation politique en Chine à la veille des jeux Olympiques.
9. Le présent rapport ne vise pas à condamner la Chine pour son pauvre bilan en matière de droits de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie. Notre intention n’est pas d’imposer des «modèles» particuliers de démocratie. Notre démarche est plutôt de proposer une plateforme de dialogue sur les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe: démocratie, droits de l’homme et Etat de droit. A la Chine d’accepter cette proposition et de s’engager à introduire de vraies réformes dans ces domaines, à l’approche des jeux Olympiques, mais aussi au-delà.
10. La Chine affirme souvent que l’Europe n’a pas à se mêler de ses affaires intérieures et par là même de son bilan en matière de démocratie et de droits de l’homme. Faisant valoir le caractère unique de chaque culture, elle conteste l’universalité des droits de l’homme et met en avant les spécificités de la Chine et de son système politique. Si l’on peut admettre que chaque pays est conditionné par sa propre culture, il est important de souligner que les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie sont universels. Leur défense ne saurait s’arrêter aux frontières des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, comme le reconnaît d’ailleurs la déclaration finale du Sommet de Varsovie.
11. Dans ce contexte, je voudrais rappeler les déclarations de la chancelière de la République fédérale d’Allemagne Angela Merkel et du ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner lors de leur intervention devant l’Assemblée parlementaire, les 15 et 17 avril derniers, respectivement. La première a souligné que l’«on ne saurait invoquer les “affaires intérieures” (…)» 
			(1) 
			Discours d’Angela Merkel,
chancelière de la République fédérale d’Allemagne, lors de la deuxième
partie de la session ordinaire de 2008 de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe.dans le domaine des droits de l’homme. Le second a fait référence au «devoir d’ingérence» 
			(2) 
			Discours de Bernard
Kouchner, ministre français des Affaires étrangères. quand ces droits sont menacés.
12. Avant d’aller plus loin dans mon propos, je tiens à exprimer ma solidarité avec le peuple chinois à la suite de la catastrophe tragique qui a frappé le pays le 12 mai 2008 et qui a provoqué la mort et la disparition de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
13. A cet égard, je voudrais saluer la réaction des autorités chinoises, qui s’est révélée rapide et efficace face à cette catastrophe naturelle de grande ampleur. L’acceptation par la Chine de recevoir l’aide d’équipes internationales de secours d’urgence doit être soulignée ici.
14. Après ce séisme, je comprends que le principal souci de la Chine soit bien évidemment de relever le pays. Je crois néanmoins qu’il est important qu’à la veille des jeux Olympiques de Pékin le présent rapport aborde la situation politique générale en Chine puisque celle-ci a des effets à long terme sur l’ensemble de la société chinoise.

2. La situation politique en Chine

2.1. Possibilités ouvertes par l’attribution à la Chine des jeux Olympiques 2008

15. Le 13 juillet 2001, lors de la 112e session du Comité international olympique (CIO) à Moscou, Pékin a été élue ville hôte des Jeux de la XXIXe Olympiade en 2008. Le vote reflétait l’opinion de la commission d’évaluation du CIO qui pensait «que des Jeux à Pékin laisseraient un héritage unique à la Chine et au sport» 
			(3) 
			Voir le
site officiel du Mouvement olympique: <a href='http://www.olympic.org/fr/'>http://www.olympic.org/fr/</a>..
16. Pendant le processus de sélection du CIO et après que Pékin eut été choisie pour accueillir les jeux Olympiques en 2008, les autorités chinoises n’ont cessé de réitérer publiquement leur engagement d’améliorer la situation des droits de l’homme en Chine et d’accorder une entière liberté à la presse à l’approche des Jeux.
17. Pour sa part, le CIO s’est fait l’écho des déclarations des autorités chinoises, en soulignant qu’il interviendrait si la situation des droits de l’homme en Chine n’évoluait pas conformément à ses attentes et décrédibilisait les Jeux.
18. La Charte olympique, en particulier dans la partie consacrée aux principes fondamentaux, met en exergue le respect des «principes éthiques fondamentaux universels». Le but de l’Olympisme est notamment «d’encourager l’établissement d’une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine».
19. A deux mois seulement des Jeux et sept ans après la promesse de la Chine d’améliorer la situation des droits de l’homme et la situation politique dans l’ensemble du pays, il est dommage de constater que peu de progrès ont été réalisés jusqu’à présent.
20. Dans ses efforts visant à donner une image stable et harmonieuse du pays, à l’approche des Jeux, la Chine semble avoir intensifié la répression contre les militants des droits de l’homme et la population en général. Les autorités chinoises mettent souvent en avant l’argument de la «sécurité de l’Etat». Cet argument n’est le plus souvent étayé par aucune preuve tangible.
21. Il est de l’intérêt de la Chine de comprendre que, en tant que pays hôte des jeux Olympiques, elle jouit d’une vitrine sans précédent au niveau international et qu’elle a là une occasion exceptionnelle de montrer au monde ses réalisations dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie. La Chine ne devrait pas laisser passer une telle opportunité.
22. Il ne reste que très peu de temps avant l’ouverture des jeux Olympiques. La Chine ne recevra le soutien et l’éloge de la communauté internationale que si elle montre, par des actions concrètes, sa détermination à améliorer la situation sur le terrain.

2.2. Démocratie, Etat de droit et droits de l’homme en Chine

23. La plupart des Chinois sont fiers, et à juste raison, d’accueillir les jeux Olympiques, mais cette fierté est entachée par un sentiment d’insatisfaction lié à ce qui est montré au monde et à la réalité sur le terrain.
24. Cette réalité est largement liée au mode de fonctionnement politique du régime chinois. Force est de constater que ce régime communiste rejette les valeurs sur lesquelles reposent les démocraties modernes: le pluralisme des partis politiques; l’organisation d’élections libres; la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire; la prééminence du droit; le règlement pacifique des conflits de société; la liberté d’expression et la liberté des médias; la liberté d’association; la liberté d’exercer librement sa religion.
25. Le régime chinois se caractérise par la domination d’un parti unique de masse attaché à l’idéologie communiste avec un pouvoir concentré entre les mains d’une poignée de dirigeants qui ne sont pas tenus de rendre des comptes ni de respecter la primauté du droit. Ainsi abusent-ils de leur pouvoir, notamment dans le cadre législatif, en mettant en œuvre un grand nombre de lois pour le moins controversées, telles que la politique de l’enfant unique dont les méthodes d’application se font trop souvent encore par la contrainte.
26. D’après le dissident chinois Yang Jianli, qui a participé à notre audition sur la situation politique en Chine au mois d’avril 2008, le «communisme en Chine est mort et enterré mais il a toujours trouvé les moyens de contrôler sa population». En effet, le parti exerce sur l’Etat un contrôle sans précédent, effaçant ainsi la démarcation entre ces deux notions et étendant ce contrôle à tous les aspects de la vie quotidienne de la population chinoise. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que la Chine déploie des moyens considérables pour bénéficier d’un réseau de police et d’informateurs qui lui permet d’assurer sa mainmise sur la sphère politique et privée, et de prévenir toute action échappant à son contrôle.
27. Les citoyens chinois sont toujours exposés à des risques de persécution pour le simple fait d’exprimer leur opinion, de critiquer le régime, de diffuser des articles sur internet, de donner des interviews à des journalistes étrangers ou de pratiquer leur religion dans un lieu autre que les églises contrôlées par l’Etat. De plus, la peine de mort est largement appliquée en Chine. Les autorités ont très largement recours à des formes abusives de détention administrative, à la détention arbitraire, à l’incarcération, à la torture et au harcèlement des défenseurs des droits de l’homme, notamment les journalistes et les avocats. La liberté d’expression demeure un motif de préoccupation, particulièrement la censure d’internet. La discrimination envers les migrants ruraux, les minorités ethniques et les femmes est monnaie courante.
28. Certes, il convient également de saluer un certain nombre de réussites en Chine: une économie florissante; une politique étrangère qui vise à créer un environnement international stable et favorable à la poursuite du développement national; un rôle essentiel de médiation dans de nombreuses crises; un engagement dans les processus de ratification d’une vingtaine de conventions internationales liées à la défense des droits de l’homme; une forte hausse chaque année du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur; pour ne citer que quelques exemples.
29. D’un point de vue économique, la Chine ne pourra se maintenir sur le devant de la scène qu’à condition de faire parvenir les bénéfices de ce développement économique à l’ensemble de sa population. Le Gouvernement chinois s’est officiellement fixé comme objectif «la société harmonieuse», mais les inégalités en termes d’emploi, de revenus et, de façon générale, de la qualité de la vie se creusent, empêchant ainsi un vrai développement des couches moyennes de la société chinoise.
30. Comme l’avait déjà souligné l’Assemblée dans son rapport sur les «Conséquences pour l’Europe de la résurgence économique de la Chine» de M. Wille, rapporteur de la commission des questions économiques et du développement, en janvier 2006, afin de maintenir ce succès économique incontestable, l’engagement de la Chine dans la voie de la démocratie paraît plus que jamais indispensable. Il est vrai que le régime chinois s’est assoupli au cours des décennies, et que nous, Européens, ne pouvons demander à la Chine de passer du jour au lendemain du totalitarisme à la démocratie. Cependant, la Chine a tout intérêt à réformer son système politique en respectant les valeurs fondamentales qui définissent une démocratie moderne. Son attrait international n’en sera que renforcé.

2.2.1. La peine de mort

31. La position du Conseil de l’Europe au sujet de la peine de mort a toujours été claire et sans équivoque: la peine de mort constitue une violation sans appel des droits fondamentaux de toute personne. Elle doit être bannie de manière absolue et définitive des législations des Etats attachés au respect de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. L’abolition de la peine de mort en Europe est l’une des plus grandes réussites du Conseil de l’Europe.
32. Au cours des décennies, l’Assemblée parlementaire n’a eu de cesse de réaffirmer son opposition complète à la peine de mort, qu’elle considère comme un acte de torture et une peine inhumaine et dégradante. Dans ce contexte, on ne peut que se féliciter des déclarations officielles des autorités chinoises selon lesquelles la Chine aurait pour objectif ultime l’abolition totale de la peine de mort. Il est de notre devoir d’encourager la Chine à poursuivre ses efforts dans cette voie.
33. La Chine est connue pour être le pays qui recourt le plus à la peine de mort dans le monde 
			(4) 
			Voir le dernier rapport
d’Amnesty International concernant la peine de mort sur le site <a href='http://www.amnesty.org/'>www.amnesty.org</a>.. Les personnes condamnées à mort voient leurs droits bafoués à chaque stade d’une procédure pénale dont l’issue est presque inéluctablement fatale, car le système judiciaire ne garantit pas à tous un procès équitable. La plupart du temps, les accusés n’ont pas la possibilité de consulter immédiatement un avocat, sont menacés de torture dans le but de leur extorquer des aveux, ne bénéficient pas de la présomption d’innocence et sont détenus au-delà de la durée légale.
34. Il apparaît donc urgent que la Chine, en attendant l’abolition totale en droit de la peine de mort, prenne, dans un premier temps, des mesures pour exclure du champ d’application de cette peine les infractions non violentes, notamment les infractions économiques ou les délits liés aux stupéfiants, et impose un moratoire sur les exécutions.

2.2.2. Détentions arbitraires

35. Les détentions sans jugement sont une pratique généralisée en Chine. Dans une tentative de «nettoyer» le pays, et tout particulièrement Pékin, ville hôte des jeux Olympiques, la Chine a récemment connu une augmentation des détentions administratives. En vertu de ce système, toute personne peut être emprisonnée pendant une période pouvant aller jusqu’à quatre ans sans passer devant un juge ni bénéficier d’un procès équitable.
36. La «rééducation par le travail» est une autre pratique source de préoccupation. La rééducation par le travail est une mesure administrative de réforme par l’éducation obligatoire, conçue pour transformer les auteurs d’infractions en personnes respectueuses de la loi et des vertus publiques, aimant leur pays, prêtes à travailler dur et ayant un niveau minimal d’éducation ainsi que des compétences productives pour la construction du socialisme 
			(5) 
			Voir les campagnes
de Human Rights Watch sur la Chine: <a href='http://china.hrw.org/'>http://china.hrw.org</a>.. L’expression fait référence à un régime de détention et de sanction administrative imposé aux personnes réputées avoir commis des infractions mineures mais qui ne sont pas juridiquement considérées comme des criminels.
37. Plusieurs grands problèmes sont associés à ce système: l’impossibilité de bloquer la procédure, l’emprisonnement de dissidents politiques et religieux sous prétexte de rééducation, l’absence de la possibilité de faire appel, les conditions de vie dans les camps, et le régime de rétention qui permet aux autorités de garder les prisonniers dans les camps pour les y faire travailler après l’expiration de leur peine 
			(6) 
			Ibid..
38. Cependant, il est encourageant de souligner que les autorités chinoises ont promis de réformer ce système. Nous ne doutons pas que la Chine redoublera d’efforts pour s’employer à réformer ce système au plus vite. Cela semble plus que jamais à l’ordre du jour dans le pays.
39. Notons également que les arrestations politiques en Chine ont plus que doublé en 2006 par rapport à l’année précédente. Les autorités chinoises utilisent souvent comme chef d’inculpation «l’atteinte à la sûreté de l’Etat» contre les dissidents et les détracteurs du gouvernement 
			(7) 
			Selon
un rapport de l’organisation de défense des droits de l’homme Dui
Hua..

2.2.3. Défenseurs des droits de l’homme

40. Les défenseurs chinois des droits de l’homme sont un pilier essentiel de la promotion des droits de l’homme en Chine. Ce sont des gens courageux qui adhèrent aux principes fondamentaux des droits de l’homme et s’emploient à les défendre, tout en étant conscients que cela les expose à d’importants risques de représailles de la part des autorités.
41. En utilisant de plus en plus le prétexte de la sûreté de l’Etat, les autorités chinoises ont intensifié la répression contre les défenseurs des droits de l’homme. Un grand nombre d’entre eux ont été détenus et emprisonnés. Nous en avons un récent exemple dans l’arrestation de Hu Jia, un militant bien connu en Chine et à l’étranger pour ses campagnes d’information sur le VIH/sida (sujet tabou en Chine). Dans plusieurs interviews données à des journalistes étrangers, il expliquait que les autorités chinoises n’avaient pas respecté leurs promesses d’améliorer la situation des droits de l’homme avant l’échéance des jeux Olympiques. Il a récemment été condamné à une peine de trois ans et demi d’emprisonnement pour «incitation à la subversion».
42. Une telle arrestation fait craindre pour le sort de nombreux autres militants chinois moins connus sur la scène internationale.
43. Une autre tendance tout aussi inquiétante est le harcèlement des familles des personnes assignées à domicile. Les défenseurs des droits de l’homme sont inculpés de toutes sortes d’infractions pénales. Les avocats spécialisés dans la défense des droits fondamentaux ont été particulièrement visés. Les fonctionnaires chinois leur ont confisqué leur licence et les ont placés en résidence surveillée. De ce fait, la population a de plus en plus de mal à bénéficier d’une protection juridique sur les sujets les plus sensibles.

2.2.4. Liberté d’expression

44. A la veille des jeux Olympiques, la situation concernant la liberté d’expression en Chine semble se détériorer. Aux restrictions persistantes s’ajoute un renforcement de la surveillance des journalistes et la censure d’internet.
45. Selon Reporters sans frontières, la Chine est le pays au monde qui dépense le plus pour la surveillance d’internet. Des mesures extrêmement sophistiquées sont mises en place pour filtrer, bloquer et contrôler tous les niveaux du réseau.
46. Le Gouvernement chinois tente de contrôler très activement internet. En vertu des nouvelles lois qui sont adoptées, est considéré comme infraction pénale le fait de poster sur internet toute information susceptible d’être qualifiée d’incitation à la subversion. Ecrivains, webmasters, blogueurs, rédacteurs et journalistes risquent des sanctions allant du renvoi immédiat à l’engagement de poursuites à leur encontre et de longues peines d’emprisonnement s’ils envoient des informations en dehors de la Chine ou s’ils diffusent sur la Toile des articles critiques à l’égard du système politique chinois. L’autocensure des internautes est aussi encouragée par les autorités chinoises moyennant le déploiement d’efficaces «cyberpoliciers» qui assurent une surveillance constante du réseau.
47. Un autre motif de préoccupation tient à la complicité avec le système de censure d’un nombre grandissant de fournisseurs d’accès à internet étrangers. Sur demande des autorités chinoises, ils fournissent les courriers électroniques ayant été envoyés via leur serveur, aidant ainsi les autorités à identifier des personnes, puis éventuellement à procéder à leur arrestation.
48. Concernant les journalistes chinois, ils subissent des pressions constantes et n’ont absolument aucun moyen d’écrire sur des sujets tabous dans la société chinoise ou sur tout thème susceptible d’être jugé subversif par les autorités. Par ailleurs, la Chine n’a qu’une seule agence de presse qui distribue – et censure – l’information.
49. La loi adoptée l’an dernier par le Gouvernement chinois en vue d’accorder une plus grande liberté aux journalistes étrangers, et destinée à n’être appliquée que pendant toute la période des Jeux, est un pas dans la bonne direction. La Chine pourrait également envisager d’étendre la portée de cette loi aux journalistes chinois, ce qui témoignerait ainsi de sa volonté d’améliorer son bilan dans le domaine de la liberté d’expression dans le pays.

2.3. Préoccupations particulières concernant la situation au Tibet

50. Le tableau de la situation politique en Chine serait incomplet sans une référence à la politique des autorités chinoises au Tibet, notamment à la lumière des événements qui s’y sont récemment déroulés. Il convient aussi d’exposer l’approche explorée par le dalaï-lama, dirigeant spirituel du peuple tibétain, et par les Tibétains dans leurs efforts pour tenter de résoudre la crise par des moyens non violents.
51. Leurs liens historiques sont au cœur du conflit sur le statut du Tibet au sein de la Chine. Le Gouvernement chinois et les représentants tibétains donnent, il est vrai, des versions contradictoires concernant le statut du Tibet et la question de savoir s’il fait partie intégrante de la Chine ou s’il peut légitimement prétendre à l’indépendance ou à l’autonomie.
52. Selon les représentants tibétains, la délimitation géographique du Tibet englobe trois grandes régions: Amdo, Kham et Ü-Tsang. S’étendant sur un territoire d’une superficie totale de 2,5 millions de kilomètres carrés, il compte six millions d’habitants.
53. Selon la Chine, le Tibet, qualifié de région autonome du Tibet, recouvre l’Ü-Tsang et la partie ouest du Kham, l’Amdo et la partie est du Kham étant incorporés dans les provinces chinoises du Qinghai, du Gansu, du Yunnan et du Sichuan.
54. Il faut rappeler que le Tibet a réclamé son indépendance jusqu’au début des années 1980. Le dalaï-lama, qui avait établi ce qu’il nomme «un gouvernement en exil» en Inde, a alors abandonné cette revendication pour privilégier, jusqu’à aujourd’hui, sa «voie du milieu» préconisant l’autonomie politique du Tibet sous l’autorité de Pékin.
55. Ces dernières années, les envoyés du dalaï-lama ont tenu plusieurs séries de pourparlers officiels avec les dirigeants chinois, mais les négociations ont débouché sur une impasse. Aucun progrès n’a été accompli sur les principales pierres d’achoppement, à savoir l’économie, la religion, la question démographique et les buts respectifs de chacune des parties.
56. Au cours des derniers mois, l’intensification des tensions entre les Tibétains et les autorités chinoises a donné lieu à une flambée de violence. Le mouvement de protestation a commencé à Lhassa à la mi-mars 2008, lors de manifestations marquant l’anniversaire du soulèvement avorté de 1959. Des centaines de moines du monastère de Drepung, à l’ouest de la ville de Lhassa, ont organisé une protestation pacifique pour réclamer la levée des restrictions religieuses et la libération de moines emprisonnés. Ce mouvement s’est rapidement propagé aux communautés tibétaines des provinces voisines du Gansu, du Qinghai et du Sichuan, ainsi qu’à Katmandou (Népal) et à Dharamsala (Inde).
57. La réaction des autorités chinoises a été de lancer des grenades lacrymogènes pour tenter de disperser les plus de 600 moines participant aux manifestations de rue. Des pillages et un regain de violence se sont ensuivis. Les autorités chinoises ont accusé le dalaï-lama d’avoir fomenté les troubles.
58. Ce mouvement de protestation s’est soldé par la mort de nombreux manifestants et par la fermeture du Tibet. La Chine a suspendu la délivrance aux étrangers de permis de circuler dans la région, interdisant par là même l’entrée à la région à tout journaliste étranger. Le nombre de tués serait faible selon les autorités chinoises, et bien plus élevé selon les Tibétains et les médias internationaux.
59. Ce drame a suscité une mobilisation accrue à l’étranger concernant la situation au Tibet. La plupart des témoignages de solidarité avec le peuple tibétain ont été organisés autour du relais de la flamme olympique. L’explosion de la violence au Tibet a, de fait, coïncidé avec le passage de la flamme dans plusieurs grandes villes du globe. Des manifestants ont saisi l’occasion pour exprimer leurs préoccupations concernant les droits de l’homme au Tibet et le relais de la flamme a été émaillé de perturbations.
60. Je ne crois pas que le fait de perturber, parfois violemment, un relais porteur d’un message de paix et d’harmonie soit la meilleure façon d’aborder le problème du Tibet.
61. Dans ce contexte, il convient de se féliciter du pas effectué par les autorités chinoises, qui ont accepté de renouer le dialogue avec des envoyés du dalaï-lama. Le 4 mai 2008, les émissaires du dalaï-lama et des fonctionnaires chinois du Département du front uni du travail du Parti communiste chinois ont tenu une série de discussions sans caractère officiel à Shenzhen, dans le sud de la Chine. Une volonté de convenir d’une approche conjointe pour aborder les problèmes en jeu au Tibet a semble-t-il été manifestée de part et d’autre. Bien que cette rencontre informelle n’ait donné lieu à aucune action concrète, les deux parties ont décidé de tenir une septième série de pourparlers officiels dans un proche avenir. Naturellement, étant donné le dramatique séisme qui a récemment secoué la Chine, on peut imaginer qu’une future rencontre officielle ne soit pas une priorité immédiate pour le Gouvernement chinois. Cependant, j’espère vivement que les discussions pourront reprendre dès que possible.

3. Conclusions et recommandations

62. En tant que rapporteur sur ce sujet, mon but était notamment de profiter de l’occasion offerte par l’imminence des Jeux organisés par la Chine pour mobiliser les Etats membres du Conseil de l’Europe, qui enverront leurs athlètes aux Jeux, sur la situation politique et la situation des droits de l’homme en Chine, et d’inviter la Chine à accepter le dialogue avec nous concernant les valeurs fondamentales que défend le Conseil de l’Europe.
63. La Chine est notre partenaire et, à ce titre, je souhaite que l’Assemblée puisse établir un dialogue avec elle. Je formule donc les recommandations suivantes:
  • les Etats européens devraient être cohérents dans leur approche à l’égard de la Chine afin d’obtenir des améliorations concrètes dans le domaine de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme;
  • les gouvernements européens devraient avoir une stratégie en vue d’exercer une influence sur la Chine afin d’obtenir de vraies améliorations sur le long terme et au-delà de l’été 2008; ils devraient parler plus franchement avec les autorités chinoises et intensifier les appels pressant la Chine d’obtenir des améliorations substantielles en matière de droits de l’homme et, concernant le Tibet, de s’engager dans un dialogue constructif avec le dalaï-lama;
  • la Chine devrait s’engager sur des actions concrètes, tangibles, d’ici aux Jeux, afin de respecter sa promesse d’améliorer son bilan. Elle pourrait par exemple lever le blocus imposé à internet, libérer des cyberdissidents, lever les assignations à domicile et garantir la liberté de circuler et d’enquêter aux journalistes chinois et étrangers, pendant et après les Jeux. Elle devrait aussi prendre de toute urgence des mesures afin d’éviter que des journalistes ne soient victimes de détentions arbitraires, de manœuvres de harcèlement ou de renvois abusifs, en violation de leur droit à la liberté d’expression;
  • l’héritage des Jeux devrait être positif dans le domaine des droits de l’homme et de la démocratie, et les améliorations obtenues devraient se poursuivre au-delà de l’échéance des Jeux;
  • la Chine devrait mettre fin à la répression visant les militants qui soulèvent la question des droits de l’homme en lien avec les jeux Olympiques;
  • l’Assemblée pourrait inviter instamment l’Union européenne à continuer à soulever les questions de la peine capitale, de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, de la situation des défenseurs des droits de l’homme, de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, dans le cadre de son dialogue politique avec la Chine 
			(8) 
			Cette recommandation
a déjà été formulée dans la Recommandation
1760 (2006) de l’APCE concernant la position de l’Assemblée parlementaire
à l’égard des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe
n’ayant pas aboli la peine de mort.;
  • afin de promouvoir la démocratie parlementaire, la prééminence du droit et le respect des droits de l’homme l’Assemblée pourrait inviter le Parlement chinois à s’engager dans un dialogue politique avec elle une fois que la Chine aura réalisé des progrès notables dans ces domaines, afin que le Parlement chinois puisse se porter candidat au statut d’observateur auprès de l’Assemblée;
  • il faudrait se féliciter des discussions informelles du 4 mai 2008 entre les envoyés du dalaï-lama et les représentants chinois, et appuyer la tenue d’une nouvelle série de pourparlers officiels. Tout dialogue concret entre les deux parties devrait être encouragé;
  • à long terme, il faudrait enfin encourager les autorités chinoises à envisager la possibilité de mettre en place une commission vérité et réconciliation afin que Chinois et Tibétains puissent gérer les séquelles du conflit dans la région et afin de reconstituer l’histoire des exactions commises et des injustices subies, en donnant la parole à tous les protagonistes.

Annexe – Chine – Tibet: Chronologie des événements

(open)

13 juillet 2001: Le Comité international olympique choisit Pékin (République populaire de Chine) pour accueillir les jeux Olympiques.

9-24 septembre 2002: à la suite d’une impasse de neuf ans, les contacts reprennent entre les autorités chinoises de Pékin et les représentants tibétains.

25 mai-8 juin 2003: deuxième série de pourparlers entre les envoyés du dalaï-lama et les dirigeants chinois.

12-29 septembre 2004: troisième série de pourparlers entre les envoyés du dalaï-lama et les dirigeants chinois. La communauté internationale considère ces visites comme un important pas en avant, mais seuls quelques gouvernements consentent les efforts légitimes qui s’imposent pour amener les deux parties à la table des négociations.

30 juin-1er juillet 2005: quatrième série de rencontres entre les Tibétains et les dirigeants chinois à Berne, Suisse.

15 février 2006: les envoyés du dalaï-lama se rendent en visite en Chine du 15 au 23 février et prennent part à la cinquième série de pourparlers avec leurs homologues chinois à Guilin, province du Guangxi, Chine.

15 février 2007: le Parlement européen, réuni à Strasbourg, France, adopte une résolution sur le dialogue entre le Gouvernement chinois et les envoyés du dalaï-lama. Cette résolution globale inclut des recommandations à l’Union européenne l’incitant à prêcher avec plus de fermeté le dialogue.

Juillet 2007: sixième et dernière série infructueuse de pourparlers à Shanghai entre les envoyés du dalaï-lama et les dirigeants chinois.

mars 2008: début des manifestations marquant l’anniversaire du soulèvement tibétain manqué de 1959 contre le pouvoir chinois. Des centaines de moines du monastère de Drepung, à l’ouest de la ville de Lhassa, organisent une protestation pacifique pour réclamer la levée des restrictions religieuses et la libération des moines emprisonnés. Quelques jours plus tard, ce courant de protestations se propage aux communautés tibétaines des provinces voisines du Gansu, du Qinghai et du Sichuan, ainsi qu’à Katmandou (Népal) et à Dharamsala (Inde).

mars 2008: la Chine est retirée de la liste noire des droits de l’homme, comme le signale le rapport annuel du Département d’Etat américain sur les droits de l’homme, mais elle est classée comme un pays autoritaire connaissant une réforme économique et une évolution sociale rapide, et qui n’a pas entrepris de réformes politiques démocratiques.

12 mars 2008:

  • des milliers de membres des forces de sécurité chinoises utilisent des gaz lacrymogènes pour tenter de disperser plus de 600 moines participant à une nouvelle journée de manifestations de rue;
  • un groupe d’intellectuels chinois, composé notamment de dissidents très connus, d’avocats, de défenseurs des droits de l’homme et d’écrivains, fait circuler une pétition réclamant une enquête indépendante des Nations Unies au Tibet et exigeant du Gouvernement chinois qu’il reconsidère sa politique au Tibet de manière «à conduire à une réconciliation nationale, et non pas à continuer à aggraver les divisions entre nationalités».

14 mars 2008: des centaines d’habitants et de moines descendent dans les rues de Lhassa. Des pillages et des violences sont commis. Les autorités chinoises bouclent les monastères de Drepung, Sera et Ganden. Selon le Gouvernement chinois, dix personnes sont tuées à Lhassa lors d’émeutes fomentées par le dalaï-lama. Le porte-parole du dalaï-lama rejette cette affirmation, selon lui sans fondement.

15 mars 2008: les autorités chinoises déclarent que les émeutiers de Lhassa bénéficieront de leur clémence s’ils se rendent avant minuit le lundi 17 mars.

16 mars 2008: les autorités chinoises s’en prennent à des manifestants tibétains pacifiques réclamant l’indépendance du Tibet lors d’une marche de protestation à Ngaba. La Chine suspend la réouverture du Tibet aux touristes.

18 mars 2008: le Premier ministre Wen Jiabao rejette les appels au boycott des jeux Olympiques de Pékin en août et accuse le dalaï-lama de susciter des troubles pour saboter les Jeux. Les manifestations se soldent par la mort de nombreux manifestants. Le nombre de tués communiqué par les autorités chinoises est plus faible que celui fourni par les Tibétains et les médias internationaux.

24 mars 2008: la cérémonie de l’allumage de la torche à Olympie, Grèce, connaît des perturbations, les premières d’une série qui va troubler le relais de la torche à Londres, Paris et San Francisco.

26 mars 2008: des membres du Parlement européen organisent à Bruxelles un débat sur la situation au Tibet: certains parlementaires appellent à boycotter au moins la cérémonie d’ouverture des prochains jeux Olympiques qui doit avoir lieu en Chine en août, d’autres affirment qu’un boycott serait vain.

27 mars 2008: le voyage organisé à Lhassa par le Gouvernement chinois pour les médias et les diplomates est interrompu par des moines protestataires qui accusent le gouvernement de mentir au reste du monde.

4 avril 2008: les médias officiels chinois annoncent que le Tibet sera rouvert aux touristes étrangers le 1er mai, après une fermeture de six semaines.

9 avril 2008:

  • la Chine réitère son engagement à convoyer la flamme olympique à travers le Tibet en dépit d’une forte pression internationale;
  • le Sénat américain adopte à l’unanimité une résolution condamnant la violence au Tibet et exhortant à engager un processus de réconciliation et de dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama. La résolution stipule que le Département d’Etat américain devrait pleinement mettre en œuvre le «Tibetan Policy Act», qui prévoit l’établissement d’un bureau à Lhassa afin de suivre les développements politiques, économiques et culturels intervenant au Tibet.

10 avril 2008:

  • le dalaï-lama déclare qu’il soutient les Jeux de Pékin et s’oppose aux violentes manifestations qui ont troublé le relais de la torche olympique autour du monde;
  • à la suite de son débat du 26 mars, le Parlement européen adopte une résolution sur le Tibet. Cette résolution condamne la répression exercée par les forces de sécurité chinoises, demande une enquête indépendante sous l’égide de l’ONU, et appelle à une position européenne commune quant à la participation des dirigeants de l’Union européenne à la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques en août;
  • la Chine revient brutalement sur sa décision de rouvrir le Tibet aux touristes étrangers;
  • la Chine rejette la demande de Louise Arbour, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, qui souhaitait se rendre en visite au Tibet.

12 avril 2008: le Président chinois Hu Jintao affirme que le problème du Tibet n’est pas lié aux droits de l’homme mais relève de la souveraineté nationale chinoise.

18 avril 2008: le Bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe décide d’inviter le dalaï-lama à s’adresser à l’Assemblée.

21 avril 2008:

  • le titre de citoyen d’honneur de la Ville de Paris est décerné au dalaï-lama par le Conseil de la ville. Hu Jia, célèbre militant des droits de l’homme récemment emprisonné en Chine pour tentative présumée de subversion, est également fait citoyen d’honneur de la capitale française;
  • Paula J. Dobriansky, coordinatrice spéciale des Etats-Unis pour les questions tibétaines et sous-secrétaire d’Etat pour la démocratie et les affaires mondiales, rencontre le dalaï-lama dans le cadre de la visite de ce dernier aux Etats-Unis, malgré la ferme opposition de la Chine.

22 avril 2008:

  • les autorités chinoises font part de leur «fort mécontentement» et de leur «opposition résolue» à la décision du Conseil de la Ville de Paris, qu’elles qualifient d’«ingérence» dans les affaires intérieures chinoises;
  • la Chine appelle au soutien de l’Union européenne sur la question du Tibet, indiquant que l’Union européenne est un partenaire stratégique et qu’elle devrait soutenir la Chine sur des questions liées à sa souveraineté et son intégrité territoriale.

23 avril 2008: un porte-parole du dalaï-lama à Washington annonce que le dalaï-lama a envoyé une lettre au Président chinois Hu Jintao dans laquelle il propose à ce dernier d’envoyer des représentants au Tibet afin de calmer les tensions, et que Pékin a répondu sans toutefois formuler de proposition concrète.

25 avril 2008:

  • visite officielle à Pékin de José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, et de neuf commissaires européens. A Pékin, M. Barroso exprime l’espoir de voir des «développements positifs» sur le dossier tibétain, tout en réaffirmant l’opposition de l’Union européenne à l’indépendance du Tibet ainsi qu’au boycott des jeux Olympiques;
  • l’agence de presse officielle chinoise Xinhua annonce que la Chine a accepté d’engager des pourparlers avec les envoyés du dalaï-lama. Ce dernier salue cette décision, qu’il considère comme un pas dans la bonne direction.

4 mai 2008: les représentants du dalaï-lama et des fonctionnaires chinois du Département du front uni du travail du Parti communiste ont tenu des négociations informelles à Schenzen en Chine du Sud. Les deux parties ont démontré une volonté de parvenir à une approche commune pour surmonter les problèmes concernant le Tibet. Ils ont également convenu de tenir une septième série de pourparlers officiels très prochainement.

12 mai 2008: un terrible tremblement de terre a dévasté la province du Sichuan au sud-ouest de la Chine causant la mort et la disparition de dizaines de milliers de personnes.

15 mai 2008: la 25e édition du dialogue UE-Chine sur les droits de l’homme se tient à Brdo en Slovénie, sous la présidence slovène de l’Union européenne. L’accent est mis sur les questions de liberté d’expression, de droits des minorités, en particulier au Tibet, et de coopération avec les instances des Nations Unies.

22 mai 2008: le dalaï-lama est invité à s’exprimer devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants à Londres. Il a prié instamment le Premier ministre britannique de soutenir une enquête internationale sur les violents actes de répression envers les manifestations protibétaines du mois de mars.

Commission chargée du rapport: commission des questions politiques.

Renvoi en commission: décision du Bureau du 18 avril 2008.

Projet de résolution adopté à l’unanimité le 23 juin 2008. Membres de la commission: M. Göran Lindblad (Président), M. David Wilshire (Vice-Président), M. Björn von Sydow (VicePrésident), Mme Kristiina Ojuland (Vice-Présidente), Mme Fátima Aburto Baselga, M. Francis Agius, M. Miloš Aligrudić, M. Claudio Azzolini, M. Alexandre Babakov, M. Denis Badré, M. Ryszard Bender, M. Fabio Berardi, M. Radu Mircea Berceanu (remplaçante: Mme Cornelia Cazacu), M. Andris Bērzinš, M. Aleksandër Biberaj, Mme Guđfinna Bjarnadóttir, M. Giorgi Bokeria, M. Predrag Boškovic, M. Luc Van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa, Mme Elvira Cortajarena, Mme Anna Čurdová, M. Hendrik Daems, M. Dumitru Diacov, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Joan Albert Farré Santuré, M. Pietro Fassino, M. Per-Kristian Foss, Mme Doris Frommelt, M. Jean-Charles Gardetto, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross (remplaçante: Mme Doris Fiala), M. Davit Harutyunyan, M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović (remplaçant: M. Mladen Ivanić), M. Michael Aastrup Jensen, Mme Birgen Keleş, M. Victor Kolesnikov (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), M. Konstantin Kosachev, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden (remplaçant: M. Tuur Elzinga), M. Dariusz Lipiński, M. Younal Loutfi, M. Mikhail Margelov, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Mircea Mereută, M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada (remplaçant: M. Sabir Hajiyev), M. Joāo Bosco Mota Amaral, Mme Miroslava Němcová, M. Zsolt Németh, M. Fritz Neugebauer, M. Hryhoriy Omelchenko, M. Theodoros Pangalos, M. Aristotelis Pavlidis, M. Ivan Popescu, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott (remplaçant: M. John Austin), M. Gabino Puche, M. Andrea Rigoni, Lord Russell-Johnston (remplaçant: M. Rudi Vis), M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt, M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke, Lord Tomlinson, M. Mihai Tudose, M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vesaitė, M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm (remplaçant: M. Albrecht Konečný), M. Boris Zala.

Ex officio: MM. Mátyás Eörsi, Tiny Kox.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.

Voir 25e séance, 26 juin 2008 (adoption du projet de résolution amendé); et Résolution 1621.