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Rapport | Doc. 11700 | 15 septembre 2008

Respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Mevlüt ÇAVUŞOĞLU, Turquie, GDE

Corapporteur : M. Kimmo SASI, Finlande, PPE/DC

Résumé

Membre du Conseil de l’Europe depuis six ans déjà, la Bosnie-Herzégovine devrait intensifier ses efforts pour mettre en œuvre les obligations et engagements que le pays doit encore honorer vis-à-vis de l’Organisation. Tout en respectant l’autonomie des entités et du district de Brčko, les réformes nécessaires doivent être mises en œuvre sur la base d’une conception commune du développement des institutions nationales. Sans une réforme constitutionnelle de fond, les institutions démocratiques nationales ne peuvent pas fonctionner correctement et la Bosnie-Herzégovine ne peut pas devenir un véritable Etat civique pour tous ses citoyens.

La commission de suivi s’inquiète de l’amplification du discours nationaliste et ethnique, notamment dans le contexte de la campagne électorale pour les élections locales d’octobre 2008 et dans le sillage de l’adoption, par l’Assemblée du Kosovo, de la déclaration unilatérale d’indépendance. Elle condamne fermement toute déclaration ou action qui affaiblit les institutions de l’Etat, incite à la sécession ou compromet l’existence de l’Etat fondé sur les entités.

La commission de suivi exhorte tous les acteurs politiques de Bosnie-Herzégovine à achever le plus tôt possible les réformes démocratiques indispensables, dans un souci de dialogue constructif et de coopération. L’obstructionnisme n’est pas un moyen de faire de la politique. La commission espère que la Bosnie-Herzégovine, pour satisfaire à ses obligations et engagements d’Etat membre, entreprendra un certain nombre d’actions concrètes, dans le respect des recommandations faites dans le présent rapport. Dans l’attente de leur mise en œuvre, la commission propose à l’Assemblée de poursuivre la procédure de suivi de la Bosnie-Herzégovine.

A. Projet de résolution

(open)
1. La Bosnie-Herzégovine a adhéré au Conseil de l’Europe le 24 avril 2002. Depuis lors, les autorités de Bosnie-Herzégovine se sont attachées à respecter les engagements officiels contractés lors de l’adhésion. A ce jour, la Bosnie-Herzégovine a signé et ratifié 64 conventions du Conseil de l’Europe.
2. L’Assemblée parlementaire félicite les autorités de Bosnie-Herzégovine pour la signature, le 16 juin 2008, de l’Accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne, assorti d’un accord intérimaire concernant le commerce. Elle se félicite, en outre, de la signature, le 17 septembre 2007, de l’accord facilitant l’obtention de visas, ainsi que du lancement récent, le 5 juin 2008, des discussions entre l’Union européenne et la Bosnie-Herzégovine sur l’introduction d’un système de circulation sans visa. L’Accord de stabilisation et d’association offre de nouvelles possibilités pour le pays, dont des avantages financiers et commerciaux. Il devrait aussi donner une nouvelle impulsion aux réformes longtemps attendues visant à rendre le système juridique national plus conforme à l’acquis européen en matière de démocratie, de primauté du droit et de droits de l’homme.
3. L’Assemblée relève, toutefois, que la mise en œuvre effective de l’Accord de stabilisation et d’association exige une coopération étroite et efficace entre les diverses structures et institutions aux niveaux de l’Etat et des entités. Cette coopération n’est pas encore établie compte tenu de l’organisation politique et constitutionnelle complexe de la Bosnie-Herzégovine. Sans véritable réforme, le pays ne pourra pas profiter pleinement des avantages que peut lui apporter l’intégration européenne.
4. En particulier, l’Assemblée note avec inquiétude que les principales réformes progressent moins bien qu’elles ne devraient. Depuis l’adoption de la Résolution 1513 (2006) de l’Assemblée sur la réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine, aucun progrès n’a été accompli en matière de réforme constitutionnelle. Sans une réforme constitutionnelle de fond, la réforme de la police, qui était l’une des conditions préalables à la signature de l’Accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne, sera bloquée et la législation récemment adoptée risque d’être inopérante. La révision de la Constitution est également nécessaire pour mettre en œuvre les réformes clés dans les domaines où la répartition des compétences entre les entités et l’Etat doit être modifiée. Le système du vote des entités au sein de la Chambre des représentants et le champ d’application trop large de la clause des «intérêts nationaux fondamentaux», ainsi que le mécanisme de veto y afférent au sein de la Chambre des peuples, doivent être réformés pour permettre à la Bosnie-Herzégovine de devenir un véritable Etat civique pour tous ses citoyens. Les membres du parlement doivent agir en tant que représentants de l’ensemble des citoyens de Bosnie-Herzégovine, élus librement et démocratiquement, et non pas se comporter en défenseur d’intérêts purement ethniques. Lesdits «autres» devraient pouvoir participer pleinement à la vie politique en se présentant à l’élection des membres de la présidence et en participant à la désignation des délégués à la Chambre des peuples.
5. De même, l’Assemblée s’inquiète de l’amplification du discours nationaliste et ethnique, notamment dans le contexte de la campagne électorale pour les élections locales d’octobre 2008 et dans le sillage de l’adoption, par l’Assemblée du Kosovo, de la déclaration unilatérale d’indépendance. En particulier, l’Assemblée condamne vivement la résolution mentionnant la possibilité de tenir un référendum sur l’autodétermination, que l’Assemblée nationale de la Republika Srpska a adoptée le 21 février 2008. De telles déclarations sont en contradiction avec l’Accord de paix de Dayton qui ne donne pas aux entités le droit de faire sécession. Par conséquent, l’Assemblée exhorte fermement l’ensemble des acteurs politiques à s’abstenir de toute déclaration ou action qui pourrait inciter à la sécession ou compromettre l’existence de l’Etat fondé sur les entités. Le cas du Kosovo ne peut servir de précédent.
6. En outre, l’Assemblée condamne les récentes initiatives des autorités de la Republika Srpska (RS) qui minent et affaiblissent les institutions de l’Etat. Il s’agit notamment de l’adoption de la loi de la RS sur le conflit d’intérêts qui confie l’application de la loi à la commission électorale de la RS qui n’a pas, jusqu’à présent, assumé cette fonction et n’a plus de raison d’être depuis la codification de la loi électorale au niveau de l’Etat. De même, l’adoption en première lecture, par l’Assemblée nationale de la RS, d’un projet de loi visant à créer un bureau de médiateur spécifique à la RS pour défendre les droits de l’enfant sape les pouvoirs du Bureau du médiateur, unifié au niveau de l’Etat de Bosnie-Herzégovine, qui est supposé remplir précisément la même fonction.
7. L’Assemblée estime que les autorités de Bosnie-Herzégovine devraient intensifier leurs efforts pour mettre en œuvre les obligations et engagements que le pays doit encore honorer vis-à-vis du Conseil de l’Europe. Tout en respectant l’autonomie des entités et du district de Brčko, les réformes nécessaires doivent être mises en œuvre sur la base d’une conception commune du développement des institutions des pays. Un dialogue constructif doit remplacer l’obstructionnisme. Il faut renforcer les structures de l’Etat dans les principaux domaines de réforme et non pas les saper. Les institutions des entités, notamment dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine FB-H, doivent faire l’objet de réformes plus poussées dans un souci d’efficacité par rapport au coût et dans l’optique d’élaborer des politiques cohérentes et de mettre en œuvre la législation à tous les niveaux des institutions publiques.
8. En particulier, s’agissant de la réforme constitutionnelle, l’Assemblée appelle tous les acteurs politiques à relancer le dialogue sur les diverses propositions de réforme immédiatement après l’élection locale d’octobre 2008, en étroite coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), afin d’élaborer et d’adopter une nouvelle Constitution avant octobre 2010, comme l’avait précédemment recommandé l’Assemblée dans sa Résolution 1513 (2006).
9. S’agissant du renforcement des institutions démocratiques, l’Assemblée:
9.1. se félicite de certaines améliorations apportées au Code électoral, tout en regrettant que plusieurs recommandations de fond formulées par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH n’aient pas été prises en compte;
9.2. déplore que l’Assemblée de Bosnie-Herzégovine ne soit toujours pas parvenue à nommer les médiateurs au niveau de l’Etat;
9.3. déplore que, s’agissant du renforcement de l’autonomie locale en Bosnie-Herzégovine, aucun progrès n’ait été accompli dans le sens d’une harmonisation des lois des entités applicables et de la promotion d’une coopération intercommunale entre les entités;
9.4. invite les autorités de Bosnie-Herzégovine:
9.4.1. à améliorer encore la législation électorale, conformément aux recommandations formulées conjointement par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH;
9.4.2. à garantir la bonne application de la législation sur le conflit d’intérêts aux niveaux de l’Etat et des entités, dans un souci de cohérence, d’efficience et d’efficacité par rapport au coût;
9.4.3. à mener à terme rapidement la procédure de désignation des trois médiateurs de l’Etat;
9.4.4. à mettre en œuvre une réforme globale de l’administration locale afin d’harmoniser les lois en la matière au niveau des entités et, dans la FB-H, entre les différents cantons, afin de transférer de fait des compétences sectorielles aux autorités locales, de renforcer la décentralisation fiscale, de développer les capacités des autorités locales et de promouvoir la coopération intercommunale entre les entités;
9.4.5. à finaliser sans délai la réforme de la radiodiffusion publique; à s’abstenir de toute tentative pour restreindre l’indépendance de l’Autorité de régulation des moyens de communication et à prendre des mesures pour protéger les journalistes et les ONG de tout harcèlement ou intimidation.
10. S’agissant de la primauté du droit, l’Assemblée:
10.1. salue les progrès accomplis en matière de réforme judiciaire, et notamment la récente adoption de la stratégie sur la réforme judiciaire aux niveaux de l’Etat, des entités et du district de Brčko, tout en relevant les problèmes qui subsistent, en particulier les mauvaises conditions matérielles de travail des tribunaux et le manque de cohérence dans la pratique judiciaire, entre les entités notamment;
10.2. se félicite des travaux menés par la Chambre des crimes de guerre au sein du tribunal d’Etat pour poursuivre en justice les crimes de guerre, tout en déplorant qu’en la matière des incohérences subsistent dans l’application du droit pénal par les différents tribunaux aux niveaux de l’Etat et des entités, ce qui conduit à une inégalité de traitement des citoyens, à la lumière de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH);
10.3. déplore le haut degré de corruption politique et de crime organisé perçu dans le pays, tout en se réjouissant de la bonne coopération entre les autorités bosniaques et le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO);
10.4. invite les autorités de Bosnie-Herzégovine:
10.4.1. à poursuivre la réforme judiciaire, notamment en améliorant les conditions matérielles des tribunaux, en renforçant la coopération entre les juges, les procureurs et la police, et en assurant une meilleure cohérence des pratiques judiciaires aux niveaux des entités et de l’Etat, par le biais, en particulier, de la création d’une cour suprême au niveau de l’Etat, comme le recommande l’Assemblée dans sa Résolution 1513 (2006);
10.4.2. à garantir l’application uniforme du Code pénal de Bosnie-Herzégovine aux niveaux de l’Etat et des entités, s’agissant, en particulier, des crimes de guerre; à finaliser, sans délai, la stratégie destinée à régler les affaires de crimes de guerre en suspens;
10.4.3. à intensifier leurs efforts pour éradiquer et prévenir la corruption politique, notamment par une application harmonisée de la législation sur le conflit d’intérêts;
10.4.4. à prendre de nouvelles mesures pour harmoniser les lois et les pratiques au niveau des entités en matière de gestion des prisons, s’agissant, en particulier, de l’exécution des sanctions pénales, de la délinquance juvénile et des malades mentaux; à accélérer la construction d’une prison de haute sécurité au niveau de l’Etat.
11. S’agissant des droits de l’homme, l’Assemblée:
11.1. se félicite du fait que la procédure législative nationale relative à la ratification de la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et de la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) est achevée et espère que les autorités de Bosnie-Herzégovine transmettront rapidement les instruments de ratification au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. L’Assemblée compte sur les autorités de Bosnie-Herzégovine pour ratifier sans délai la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, conformément à l’engagement pris il y a six ans;
11.2. se félicite du fait qu’enfin, six ans après son adhésion, l’accord sur la publication de l’étude de compatibilité de la législation nationale avec la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ait finalement été conclu;
11.3. déplore que n’aient pas encore été menées à leur terme les procédures de nomination, au titre de la Bosnie-Herzégovine, de membres ou candidats appelés à siéger au sein de plusieurs mécanismes de suivi ou organes consultatifs du Conseil de l’Europe, notamment le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et la Commission de Venise;
11.4. prend acte des travaux menés actuellement par la Commission pour le réexamen de la citoyenneté et des critiques exprimées par plusieurs parties prenantes concernant le respect des normes en matière de droits de l’homme dans le cadre des travaux de la commission;
11.5. déplore que, en dépit de la lettre du Président du Conseil de sécurité des Nations Unies et des recommandations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, les fonctionnaires de police décertifiés ne puissent toujours pas poser leur candidature aux postes vacants dans la police;
11.6. condamne fermement la pratique de la «ségrégation ethnique» toujours en vigueur dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire, tout en se félicitant de l’adoption de la nouvelle loi-cadre sur l’enseignement supérieur;
11.7. invite les autorités de Bosnie-Herzégovine:
11.7.1. à combler, dans la législation de l’Etat et des entités, toutes les lacunes qui, selon l’étude de compatibilité, pourraient amener à conclure que la Bosnie-Herzégovine viole la CEDH;
11.7.2. à désigner sans délai des membres au sein de tous les mécanismes de suivi et organes consultatifs du Conseil de l’Europe;
11.7.3. à garantir que les normes de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ses Protocoles additionnels nos 4 et 7, ainsi que les principes de la Convention européenne sur la nationalité, soient pleinement respectés dans les travaux de la Commission pour le réexamen de la citoyenneté;
11.7.4. à trouver, le plus tôt possible, une solution appropriée et définitive aux problèmes que rencontrent les fonctionnaires de police décertifiés;
11.7.5. à mettre pleinement en œuvre les recommandations du CPT et à adopter les mesures générales nécessaires pour exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concluant à une violation de la CEDH au titre de la Bosnie-Herzégovine;
11.7.6. à mettre fin d’urgence à la pratique de la «ségrégation ethnique» dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire, à appliquer pleinement la réforme de 2003 concernant l’enseignement primaire et secondaire, et à poursuivre la réforme de l’enseignement supérieur, conformément à la loi-cadre récemment adoptée;
11.7.7. à trouver d’urgence une solution appropriée pour l’ensemble du pays au problème du paiement des montants détenus par les citoyens sur des comptes d’épargne en devises, qui avaient été gelés après la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie.
12. S’agissant de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), l’Assemblée:
12.1. se félicite de l’arrestation récente de Radovan Karadžić et de Stojan Župljanin;
12.2. exhorte les autorités à poursuivre leur coopération étroite avec le tribunal ainsi qu’avec leurs partenaires de la région, afin d’appréhender et de traduire en justice Ratko Mladić et Goran Hadžić, toujours recherchés par le TPIY pour crimes de guerre.
13. L’Assemblée rappelle sa précédente recommandation concernant l’organisation d’un recensement de la population d’ici à 2010 et estime que ce recensement devrait être lancé dès que possible, en employant notamment la méthode de collecte de données ventilées, compte tenu de la situation particulière de la Bosnie-Herzégovine. L’Assemblée rappelle, en outre, sa recommandation sur la création d’une commission de vérité et de réconciliation, et compte sur les autorités pour prendre rapidement des mesures appropriées à cet égard.
14. Dans l’attente de la mise en œuvre de ces recommandations et de la réalisation de progrès substantiels en matière de réforme constitutionnelle, de fonctionnement des institutions démocratiques, de primauté du droit et de droits de l’homme, l’Assemblée décide de poursuivre son suivi du respect, par la Bosnie-Herzégovine, de ses obligations et engagements.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2008) sur le respect par la Bosnie-Herzégovine de ses obligations et engagements, dans laquelle elle invite les autorités de Bosnie-Herzégovine à intensifier leurs efforts pour mener à bien les réformes nécessaires en vue de remplir les obligations et engagements que le pays doit encore honorer vis-à-vis du Conseil de l’Europe.
2. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de soumettre la Résolution … (2008) de l’Assemblée, élaborée dans le cadre de la procédure d’établissement de rapports du secrétariat, au Groupe de rapporteurs sur la démocratie (GR-DEM);
2.2. de poursuivre et de renforcer les programmes de coopération existants pour aider la Bosnie-Herzégovine à remplir ses obligations et engagements vis-à-vis du Conseil de l’Europe, en lui allouant des ressources financières appropriées et en recourant, le cas échéant, au financement par des donateurs au niveau bilatéral;
2.3. d’élaborer avec les autorités de Bosnie-Herzégovine un plan d’action visant à mettre en place, si nécessaire, de nouveaux programmes de coopération ciblés en matière de consolidation des institutions démocratiques; de démocratie locale et régionale; de réforme et de renforcement des compétences de la magistrature; de lutte contre la corruption; de droits de l’homme; de médias et d’éducation, en tirant pleinement parti notamment des nouvelles possibilités de financement, y compris dans le cadre de l’instrument d’aide de préadhésion de l’Union européenne (IAP).

C. Exposé des motifs, par MM. Çavuşoğlu et Sasi

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure de suivi

1. En adhérant au Conseil de l’Europe le 4 avril 2002, la Bosnie-Herzégovine a accepté d’honorer les obligations imposées à tous les Etats membres en vertu de l’article 3 du Statut de l’Organisation ainsi qu’un certain nombre d’engagements spécifiques énoncés dans l’Avis n° 234 (2002) relatif à la demande d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au Conseil de l’Europe. Pour veiller au respect de ces engagements, l’Assemblée a décidé, en application de la Résolution 1115 (1997), de suivre de près la situation en Bosnie-Herzégovine.
2. Le premier rapport de suivi a été présenté à l’Assemblée en juin 2004 et a débouché sur l’adoption de la Résolution 1383 (2004) et de la Recommandation 1664 (2004) le 23 juin 2004. A la suite de l’échec de la réforme constitutionnelle en avril 2006, l’Assemblée a également décidé, en juin 2006, de tenir un débat selon la procédure d’urgence sur la réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine et a adopté la Résolution 1513 (2006).
3. Le présent document est le troisième rapport qui sera présenté par la commission de suivi à l’Assemblée parlementaire pour dresser le bilan de l’ensemble des progrès réalisés par la Bosnie-Herzégovine dans le cadre du respect de ses obligations et engagements au cours des six premières années de son adhésion au Conseil de l’Europe.
4. En application de la Résolution 1115 (1997), M. Kimmo Sasi (Finlande, PPE) a été désigné, le 15 septembre 2004, en qualité de corapporteur en remplacement de M. Lazlo Surjan (Hongrie, PPE) qui a été, dans l’intervalle, élu au Parlement européen. Mme Naira Shakhtakhtinskaya (Azerbaïdjan, GDE), qui avait été désignée en janvier 2003, a été remplacée le 25 janvier 2006 par M. Mevlüt Çavuşoğlu (Turquie, GDE).
5. Ce rapport repose en grande partie sur les informations obtenues et les entretiens qui se sont déroulés au cours des visites effectuées par les corapporteurs en Bosnie-Herzégovine du 16 au 18 décembre 2004, du 16 au 20 octobre 2005, du 3 au 5 avril 2006, du 23 au 27 septembre 2007, et plus récemment, du 27 au 29 août 2008. Il tient également compte des avis et recommandations formulés par les organes de suivi du Conseil de l’Europe.
6. Nous exprimons nos chaleureux remerciements à la délégation de la Bosnie-Herzégovine auprès de l’Assemblée parlementaire pour l’excellente organisation de nos visites et pour l’hospitalité qui nous a été témoignée. Nous avons pu avoir des discussions très franches et instructives à tous les niveaux. Nos remerciements vont également au Bureau du représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en Bosnie-Herzégovine pour sa contribution active.

1.2. Développements depuis la Résolution 1383 (2004) de l’Assemblée

7. Rétrospectivement, 2005 semble avoir été une très bonne année pour la Bosnie-Herzégovine: le 12 janvier 2005, le Parlement d’Etat a adopté une loi instaurant un régime de TVA à taux unique de 17 %, applicable dans l’ensemble du pays; les parlements des deux entités ont accepté des changements constitutionnels permettant le transfert des pouvoirs de la défense du niveau des entités à celui de l’Etat; le parlement au niveau de l’Etat a adopté le 5 octobre 2005 la législation requise pour la création d’une armée unique et unifiée; la conscription a été abolie; les autorités de la RS 
			(1) 
			Tout
au long du rapport, les deux entités constitutives de Bosnie-Herzégovine
sont le plus souvent abrégées: la Republika Srpska en RS, et la
Fédération de Bosnie-Herzégovine en FB-H.ont transféré pour la première fois un nombre total de sept personnes mises en examen pour crimes de guerre au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), et le TPIY a, pour la première fois, transmis une affaire à la juridiction d’un tribunal national dans un des pays de l’ex-Yougoslavie (l’affaire Stankovic qui a été renvoyée à la Chambre des crimes de guerre de la Bosnie-Herzégovine).
8. Au cours de la dernière année de son mandat, le haut représentant, Lord Paddy Ashdown, a levé l’interdiction sur la participation à la vie politique de plusieurs individus et a autorisé la réintégration de fonctionnaires révoqués de postes publics non managériaux; le 19 juillet 2005, Paddy Ashdown a publiquement déclaré qu’il était temps de transformer le bureau du haut représentant en mission dirigée par l’Union européenne; en octobre 2005, les parlements au niveau des entités et de l’Etat ont adopté des déclarations dans lesquelles ils prenaient l’engagement d’entreprendre une réforme de la police sur la base des trois principes établis par l’Union européenne 
			(2) 
			Les trois principes
sont: 1. toutes les compétences législatives et budgétaires concernant
les questions policières doivent être confiées à l’Etat; 2. il ne
doit pas y avoir d’interférences entre la politique et le fonctionnement
de la police; et 3. les zones locales des opérations policières
doivent être déterminées par des critères techniques de police,
tandis que le commandement des opérations doit s’exercer au niveau
local.; les négociations à propos d’une future réforme constitutionnelle semblaient prometteuses, et, le 21 novembre 2005, les Etats membres de l’Union européenne ont chargé la Commission européenne d’entreprendre des négociations en vue de la conclusion d’un Accord de stabilisation et d’association.
9. Certes, Lord Paddy Ashdown a été parfois vivement critiqué pour son attitude jugée quelque peu coloniale à l’égard des autorités de la Bosnie-Herzégovine et pour son utilisation accrue des pouvoirs extraordinaires (dits «pouvoirs de Bonn»), mais son successeur a adopté une orientation radicalement inverse dès qu’il a été nommé par le Conseil de mise en œuvre de la paix (PIC) en décembre 2005. En effet, lorsque le nouveau haut représentant, Christian Schwarz-Schilling, a pris ses fonctions le 1er février 2006, il a immédiatement annoncé que les pouvoirs de Bonn seraient dorénavant utilisés avec parcimonie et qu’il envisageait de fermer le bureau du haut représentant dans un futur proche.
10. Le PIC a annoncé, en juin 2006, que le bureau du haut représentant fermerait ses portes en juin 2007, et que la décision finale à cet égard devait être prise en février 2007 malgré l’échec de la réforme constitutionnelle en avril 2006 et bien que l’indépendance du Monténégro en mai 2006 ait suscité des allusions de la part de Milorad Dodik, Premier ministre de la RS, sur l’éventualité de la tenue d’un référendum en RS. Pour un grand nombre de personnes, cette décision était prématurée; en effet, le climat politique s’est considérablement détérioré après avril 2006, c’est-à-dire après l’échec de l’adoption (à seulement deux voix près) de la réforme constitutionnelle par le parlement. Même si les négociations techniques concernant l’Accord de stabilisation et d’association ont évolué sans embûches et ont été conclues à la fin de 2006, les autorités de la RS et de la FB-H n’ont pas coopéré avec la direction visant à restructurer la police autant qu’elles l’auraient dû.
11. Parmi les développements positifs en 2006, on peut citer la réussite de l’instauration du régime de la TVA, bien qu’il y ait eu, à l’époque – et qu’il y ait encore aujourd’hui – des querelles à propos de la formule adoptée pour le calcul de la répartition des recettes, l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au Partenariat pour la paix de l’OTAN ainsi que la participation de la Serbie au Sommet des chefs d’Etat de l’OTAN tenu à Riga les 28 et 29 novembre 2006. Plus récemment, à la suite de l’adoption par les autorités de l’Etat et des entités de l’Accord sur la cession définitive de tous les droits et responsabilités relatifs à des biens militaires meubles qui continueront à servir des objectifs militaires, les chefs d’Etat et de gouvernement des membres de l’OTAN ont invité la Bosnie-Herzégovine, lors du Sommet de Bucarest en avril 2008, à engager un «dialogue intensifié» avec l’OTAN. Malheureusement, les progrès réalisés en matière de biens militaires immeubles sont bien minces. Aucun progrès non plus n’a été enregistré concernant la question de la répartition des biens entre l’Etat et les autres niveaux de gouvernement, en dépit de l’adoption en octobre 2007, par la Commission des biens de l’Etat, d’un compromis sur les critères de répartition.
12. Le déroulement des élections générales d’octobre 2006 a encore été marqué par des discours nationalistes et démagogiques sans aucun rapport avec les programmes politiques et les questions socio-économiques. Au lieu de se focaliser sur ces questions, les dirigeants les plus charismatiques – le Premier ministre de la RS, Dodik (SNSD), et le candidat bosniaque à la présidence, Haris Siladzic (SBiH), ont embrasé l’atmosphère politique en exacerbant les craintes des groupes ethniques et en présentant à la population des conceptions de l’organisation future du pays qui s’excluaient mutuellement.
13. Comme en 2002, après les élections d’octobre 2006, plusieurs mois ont été perdus dans des transactions politiques à tous les niveaux sur la formation du gouvernement. Les autorités ne sont devenues fonctionnelles qu’autour de mars 2007 et, dans certains cantons de la FB-H, seulement en août 2007. En février 2007, le Conseil de mise en œuvre de la paix a annoncé que le bureau du haut représentant ne serait pas fermé en juin 2007, mais que son mandat serait prorogé jusqu’en juin 2008 
			(3) 
			Cependant, il a été
décidé à la réunion du Comité directeur du PIC, les 26 et 27 février
2008, que le mandat du bureau du haut représensant ne prendrait
fin que lorsque certaines conditions seraient remplies (voir le
paragraphe 78).. Au cours de cette réunion, Christian Schwarz-Schilling a également annoncé qu’il ne demanderait pas que son mandat soit prorogé après juin 2007. En juillet 2007, il a été remplacé par Miroslav Lajcak, un diplomate slovaque qui, comme ses prédécesseurs, a été désigné comme représentant spécial de l’Union européenne.
14. Le jugement de la Cour internationale de justice du 26 février 2007 dans l’affaire dont elle a été saisie par la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie en 1992 concernant la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, près d’un an après le décès de Milošević, en détention à La Haye, avant la fin de son procès au TPIY, a provoqué un traumatisme majeur, en particulier dans la population bosniaque; en effet, dans son jugement, la Cour internationale de justice a reconnu qu’il y avait eu un génocide, mais uniquement à Srebrenica, et que la responsabilité de la Serbie se limitait au fait qu’elle ne l’avait pas empêché. Ce jugement s’est soldé par le durcissement de la position bosniaque par rapport à la réforme de la police, car il a donné aux Bosniaques un argument supplémentaire pour déclarer que la police de la RS était une force de police «génocidaire» et qu’il était nécessaire de la démanteler et de la placer sous le contrôle de l’Etat. Cette situation a conduit les autorités de la RS à déclarer que, si elles étaient obligées de choisir entre l’Europe et le maintien de la police de la RS, elles préféreraient opter pour la seconde option.
15. L’incertitude permanente à propos du résultat des pourparlers sur le statut du Kosovo a également empoisonné l’atmosphère politique en Bosnie-Herzégovine, en raison notamment de déclarations faites par les autorités serbes en octobre 2007, indiquant que le maintien de la RS sur la base de l’Accord de paix de Dayton représentait, avec le Kosovo, leur priorité majeure. L’adoption par l’Assemblée du Kosovo le 17 février 2007 de la déclaration unilatérale d’indépendance a durci encore les discours nationalistes.
16. Compte tenu des longues négociations sur la formation du gouvernement et des débats passionnés sur la réforme de la police, très peu d’activités législatives ont eu lieu: au cours des dix premiers mois qui ont suivi les élections, le Conseil des ministres a adopté trois lois, notamment la loi longtemps attendue sur l’enseignement supérieur qui a été adoptée par le parlement le 30 juillet 2007. Après plusieurs ajournements concernant la réforme de la police – pourtant une des conditions préalables majeures pour initialiser un Accord de stabilisation et d’association (avec la réforme de la radio et de la télévision publiques, la réforme de l’administration publique et la coopération avec le TPIY) –, le dernier délai fixé par l’Union européenne au 30 septembre 2007 pour la mise en œuvre de cette réforme n’a pas été respecté. Les protocoles de dernière minute soumis par Dodik et Silajdzic n’ont pas été considérés comme des preuves suffisantes de la volonté politique de respecter les trois principes de l’Union européenne sur la réforme de la police. La communauté internationale et la population en général ont été très déçues par cet échec, en particulier parce qu’un Accord de stabilisation et d’association avait été initialisé avec le Monténégro en octobre 2007, et surtout avec la Serbie, le 7 novembre 2007.
17. Nous étions à Sarajevo à la fin de septembre 2007 et nous avons constaté que l’atmosphère était plutôt déprimante: il y régnait une ambiance générale de découragement et le sentiment que les hommes politiques s’étaient eux-mêmes laissés piéger dans des positions si rigides et divergentes qu’il était peu probable de pouvoir arriver à un compromis quelconque, ne serait-ce que pour sauver la face. Des spéculations allaient également bon train à propos des actions qui seraient entreprises par le haut représentant pour «sanctionner» les personnes responsables de l’échec de la réforme de la police. L’option dont il était le plus souvent question était la révocation de leurs fonctions de Dodik et de Silajdzic par le haut représentant en vertu des pouvoirs de Bonn.
18. En revanche, le 19 octobre 2007, le haut représentant a imposé des modifications à la loi sur le Conseil des ministres pour le rendre plus fonctionnel (notamment en modifiant les règles du quorum) et a requis que les deux chambres du parlement de l’Etat amendent leurs règles de procédure au plus tard le 1er décembre 2007, en suivant les indications qu’il avait données; à défaut, ces amendements leur seraient imposés. Ses décisions ont été soutenues par la communauté internationale 
			(4) 
			A
la réunion du Conseil de mise en œuvre de la paix, les 30 et 31
octobre 2007, la délégation russe a cependant adopté une position
dissidente sur le calendrier de mise en œuvre de la décision, mais
sans s’y opposer.et par les parties bosniaques et croates, mais ont provoqué une vague de protestations des parties serbes qui ont menacé de se retirer des institutions au niveau de l’Etat et ont soutenu que le haut représentant outrepassait les pouvoirs conférés par Bonn.
19. Le 24 octobre 2007, dans un effort de dernière minute pour régler la crise politique, les six partis politiques majeurs représentant les trois peuples constitutifs 
			(5) 
			Le SNSD et le PDP pour
les Serbes, le HDZ et le HDZ 1990 pour les Croates, le SDA et le
SBiH pour les Bosniaques. Ces six partis appartiennent à une «coalition»
dans le Parlement d’Etat, tandis que les deux autres grands partis,
le SDS (serbe) et le SDP (multiethnique), sont dans l’opposition
et ne participent pas aux réunions des leaders des six partis. se sont réunis à Mostar et ont adopté la «Déclaration de Mostar» dans laquelle ils s’engageaient à mettre en œuvre la réforme de la police, conformément aux trois principes fixés par l’Union européenne. Cependant, cette déclaration indiquait que «la structure de la force de police unique en Bosnie-Herzégovine doit être conforme à la structure constitutionnelle du pays» et que «la structure de la nouvelle police réformée doit reposer sur les dispositions pertinentes de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine qui prendra forme au cours du processus de la réforme constitutionnelle». A toutes fins utiles, cela signifie que la réforme de la police devra attendre l’achèvement de la réforme constitutionnelle, au moins pour sa partie la plus controversée, à savoir la délimitation des régions policières. La communauté internationale a estimé que cette déclaration était un premier pas encourageant, mais qu’elle n’était pas suffisante pour justifier le lancement de l’Accord de stabilisation et d’association.
20. Le 1er novembre 2007, le président du Conseil des ministres, Nikola Spiric (SNSD), s’est résigné à protester contre les décisions prises par le haut représentant le 19 octobre, mais a continué à exercer scrupuleusement ses fonctions, tandis que les autorités de la RS ont commencé à «chercher la petite bête» en demandant au haut représentant une «interprétation authentique» de sa décision concernant le Conseil des ministres. L’Assemblée nationale de la RS a adopté une déclaration indiquant que la RS n’accepterait pas les décisions du haut représentant; des manifestations ont été organisées à Banja Luka et des élections anticipées pour sortir du blocage institutionnel ne devaient pas être exclues. La situation a été décrite comme la pire des crises politiques connues en Bosnie-Herzégovine depuis 1992, au point que les citoyens, déjà durement touchés par la forte hausse des prix des produits de base, ont commencé à constituer des stocks, de farine ou d’huile de cuisine, par exemple. Le commandant en chef de l’EUFOR a même déclaré que la force Althea de l’Union européenne, forte de 2 500 hommes, dont le mandat venait d’être prorogé pour un an en novembre, pourrait être renforcée sur-le-champ, en cas de besoin.
21. Cependant, le 22 novembre, les principaux partis politiques ont adopté un plan d’action en deux phases 
			(6) 
			Au cours de la première
phase, des lois portant création, au niveau de l’Etat, de sept agences
en relation avec la police ont été élaborées en date du 15 février
2008 et adoptées par le parlement en juin 2008, tandis que d’autres
lois concernant la compétence de la police locale seront adoptées
dans l’année suivant la réforme constitutionnelle. pour mettre en œuvre la Déclaration de Mostar relative à la réforme de la police; le 30 novembre, les deux chambres du parlement au niveau de l’Etat ont adopté les amendements des règles de procédure tels que requis par la décision du haut représentant; le Conseil des ministres, qui ne s’était pas réuni depuis le 16 octobre, a repris ses réunions le 29 novembre, en particulier afin d’approuver les dotations budgétaires nécessaires pour organiser l’élection présidentielle anticipée en RS 
			(7) 
			Le
candidat Rajko Kuzmanovic (SNSD) a remporté les élections avec 41
% des voix, suivi par le candidat du SDS, Ognjen Tadic, avec 35
%, et par le candidat du PDP, Mladen Ivanic, avec 17 % des voix.
Les élections ont été observées par le Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe, et ont été, d’une manière générale,
qualifiées de libres et équitables. le 9 décembre, à la suite du décès soudain du Président, le 30 septembre, et pour transmettre au parlement les documents requis pour ratifier l’Accord de facilitation des visas et l’Accord de préadhésion à l’Union européenne qui avaient été signés le 18 septembre.
22. Le 3 décembre 2007, le haut représentant a promulgué une décision indiquant la véritable interprétation de sa décision du 19 octobre relative au Conseil des ministres (en fait, il l’a amendée pour prendre en considération, dans une certaine mesure, les préoccupations des Serbes), et le 4 décembre, le Commissaire de l’Union européenne à l’élargissement, Olli Rehn, s’est rendu à Sarajevo pour finalement initialiser l’Accord de stabilisation et d’association avec la Bosnie-Herzégovine.
23. Le lancement de cet accord juste avant la longue période de vacances a calmé les agitations politiques: cette mesure a été saluée comme un succès majeur, donnant enfin à la Bosnie-Herzégovine une perspective claire de son intégration à l’Europe. Elle a également été interprétée avec soulagement comme une preuve évidente de la volonté des politiques de surmonter enfin leurs divisions ethniques et d’atteindre un consensus sur un objectif commun. Seules quelques voix dissidentes ont fait observer que l’Union européenne avait en fait renoncé aux trois principes de réforme de la police qu’elle avait encouragés avec tant d’assiduité au cours des dernières années.
24. Le 11 décembre 2007, les six principaux partis (SDA et SBiH pour les Bosniaques, HDZ et HDZ 1990 pour les Croates, SNSD et PDP pour les Serbes) se sont réunis à Laktasi (près de Banja Luka) et sont convenus de désigner de nouveau Spiric comme président du Conseil des ministres et de nommer un groupe de travail 
			(8) 
			Le groupe de travail
était composé de quatre représentants de l’Etat (du ministère de
la Justice, du ministère de la Sécurité, du Conseil des ministres
et de la police frontalière), des deux ministres de l’Intérieur
des entités, de trois représentants «personnels» du Premier Ministre
de la FB-H et du Gouvernement de la RS, et d’un représentant du
maire du district de Brčko. Le représentant spécial de l’Union européenne,
l’ambassade des Etats-Unis, la Mission de police de l’Union européenne
étaient présents en tant qu’observateurs. chargé de soumettre au Conseil des ministres, pour le 15 février 2008, des projets de loi portant création de sept nouveaux organes au niveau de l’Etat (une direction pour la coordination de la police, un institut médico-légal, un institut d’éducation et de revalorisation professionnelle du personnel, une agence de soutien à la police, un comité indépendant, une commission de plaintes des citoyens et une commission de plaintes des officiers de police).
25. Les dirigeants politiques sont également convenus d’adopter le budget de l’Etat pour 2008 au plus tard à la fin de 2007 
			(9) 
			Le budget au niveau
de l’Etat pour 2008, qui s’élève à 1,186 milliard de marks convertibles
(BAM), a finalement été adopté par le parlement, le 25 février 2008,
après de longues discussions au sein de la présidence, la RS insistant
sur une réduction des dépenses. Le budget de la RS, qui représente
1,5 milliard de marks convertibles (soit 20 % d’augmentation par
rapport à 2007), a été adopté en décembre 2007 et celui de la FB-H,
adopté le même mois, s’élève à 1,757 milliard de marks convertibles
(soit une hausse de 22 % par rapport à 2007)., de résoudre la question de la propriété de l’Etat pour la fin de février 2008, d’adopter la loi sur les produits pharmaceutiques et de «renforcer» la réforme de l’administration publique. Ils ont également décidé de répartir, parmi les trois peuples constitutifs, les sièges des agences existant déjà au niveau de l’Etat: trois pour Banja Luka (l’Agence du matériel pharmaceutique, l’Agence des documents d’identification et de l’échange des données, l’Agence de l’éducation supérieure et de l’assurance de la qualité), trois pour Mostar (l’Agence d’authentification des documents, l’Agence de l’éducation primaire élémentaire et secondaire, l’Agence de la vigilance pharmaceutique), et trois pour Sarajevo (l’Agence de réglementation de la sécurité nucléaire et des radiations, la Société des technologies de l’information, le laboratoire de contrôle du service du matériel pharmaceutique, tandis que Tuzla a obtenu l’Agence de lutte contre la drogue.
26. Cependant, à la mi-février 2008, la vague d’optimisme qui avait marqué la fin de la crise de décembre 2007 s’est révélée de courte durée: le 26 janvier 2008, le comité principal du SNSD a adopté sa plate-forme politique, déclarant sans ambiguïté que, en ce qui concernait la future réforme constitutionnelle, il opterait pour une fédération asymétrique avec un droit à l’autodétermination des unités fédérales, notamment la RS sous sa forme actuelle, et a indiqué qu’aucune entité ni unité fédérale ne pourrait être abolie sans son accord. Toutes les décisions au niveau de l’Etat seraient entièrement prises sur la base du consensus. Le SNSD a également demandé la relocalisation de la banque centrale à Banja Luka, la suppression des forces armées et le démantèlement, au niveau de l’Etat, du Haut Conseil judiciaire, du ministère public, de l’Autorité des impôts indirects et de l’Agence de renseignement pour la sécurité.
27. Le 2 février, lors de la réunion des dirigeants des six partis à Siroki Brijeg, aucun accord n’a pu être trouvé sur la façon de mener à bien la réforme constitutionnelle; il a donc été convenu de reporter tous les pourparlers constitutionnels futurs après la signature de l’Accord de stabilisation et d’association. A Siroki Brijeg, le dirigeant du SDA, Sulejman Tihic, a lui aussi annoncé qu’il ne soutiendrait plus la Déclaration de Mostar sur la réforme de la police et qu’il n’accepterait pas non plus le projet de loi préparé par le groupe de travail.
28. Par conséquent, le 14 février 2008, le Conseil des ministres devait adopter le projet de loi sur la direction de coordination des organes et agences de police chargés de soutenir la structure policière de la Bosnie-Herzégovine et le projet de loi sur les organes indépendants et de supervision de la structure de la police de la Bosnie-Herzégovine par un vote majoritaire 
			(10) 
			Le Conseil des ministres
a néanmoins adopté le projet de loi sur les produits pharmaceutiques., les membres bosniaques votant contre. Cependant, après de nouvelles négociations, les deux lois sur la réforme de la police ont finalement été adoptées par l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine en avril 2008. Ces deux lois ne modifient pas les compétences des 14 services de police du pays, en activité dans les deux entités, les 10 cantons de la fédération et le district de Brčko. Le gouvernement central continuera de gérer exclusivement la police des frontières de l’Etat et l’Agence d’Etat de protection et d’investigation.
29. Les lois prévoient cependant une seconde phase, qui devrait intervenir dans l’année suivant la réforme constitutionnelle. Ce n’est qu’à ce moment que les trois principes établis par l’Union européenne pour cette restructuration entreront en jeu. En vertu de ces principes, le gouvernement central exercera le contrôle législatif et budgétaire sur l’ensemble des forces de police du pays. L’Union européenne a jugé que l’adoption des lois sur la réforme de la police était une condition suffisante pour la conclusion de l’Accord de stabilisation et d’association, finalement signé le 16 juin 2008.
30. Nous saluons l’adoption de la législation clé indispensable à la réforme, mais nous sommes préoccupés par sa mise en œuvre pratique, les perspectives d’une application rapide de la réforme constitutionnelle étant plutôt sombres. Nous sommes par ailleurs extrêmement inquiets de la détérioration du climat politique en Bosnie-Herzégovine. Les craintes de chaque peuple constitutif du pays doivent à tout prix être ouvertement examinées et dissipées, mais les accusations mutuelles permanentes et le discours nationaliste mutuellement exclusif sont contreproductifs et comportent tous les germes d’une catastrophe future. Les Bosniaques, les Bosno-Croates, les Bosno-Serbes ainsi que les groupes minoritaires sont tous des citoyens d’un seul et même pays, la Bosnie-Herzégovine, et c’est ce pays qui intégrera l’Europe, et non pas les petits fiefs dirigés par les intérêts étroits des personnes et des partis.
31. Nous relevons aussi avec préoccupation que le discours de consensus et de dialogue sur lequel les mécanismes de partage du pouvoir existants s’appuyaient jusqu’ici s’est durci, laissant place à l’obstruction qui est devenue une fin en soi. Depuis octobre 2005, lorsque les déclarations solennelles adoptées sur les principes de la réforme de la police par les trois parlements ont conduit à l’ouverture des négociations sur l’Accord de stabilisation et d’association, pour être finalement tout simplement remises en cause ou décriées, les réformes ont été soit gelées, soit différées ou restreintes pour satisfaire les personnes qui menaçaient de voter contre. C’est une situation qui ne peut pas continuer, non pas seulement parce que les autorités de la Bosnie-Herzégovine risquent d’être perçues comme des partenaires peu fiables dans le processus d’intégration européenne, mais surtout parce que les normes, les valeurs, les meilleures pratiques européennes ne s’enracineront pas dans la société.
32. Nous estimons que la Bosnie-Herzégovine n’a pas d’autre choix que celui de l’intégration européenne. L’Europe non plus n’a pas d’autre choix que celui d’intégrer la Bosnie-Herzégovine. La «fatigue de l’élargissement» entache la crédibilité de la stratégie d’intégration de l’Union européenne qui repose sur des conditions et des délais d’adhésion clairement définis. Il est donc d’une importance primordiale que la communauté internationale et l’Union européenne, en particulier, s’en tiennent aux normes qu’elles promeuvent et ne les bradent pas contre des compromis à court terme. Nous rappellerons aux autorités nationales aussi souvent qu’il sera nécessaire qu’en devenant un Etat membre du Conseil de l’Europe la Bosnie-Herzégovine a contracté un certain nombre d’obligations et s’est engagée à respecter les normes européennes.
33. Malheureusement, il est plus probable que certains responsables politiques exploiteront la déclaration unilatérale d’indépendance faite par le Kosovo le 17 février 2008, lors des négociations dans le cadre des pourparlers constitutionnels futurs en Bosnie-Herzégovine. En particulier, nous sommes préoccupés par la résolution adoptée par l’Assemblée nationale de la RS le 21 février 2008, dans laquelle l’Assemblée nationale déclare qu’elle «considère qu’elle a le droit de déterminer la position [de la RS] sur le statut de son Etat et son statut juridique par un vote direct par référendum» 
			(11) 
			Voir http://home.coe.int/wires/WiresLectureF.asp?WiresID=95256.. Ce type de déclaration est contraire aux Accords de paix de Dayton qui ne donnent pas aux entités le droit de faire sécession. Nous invitons toutes les parties prenantes à s’abstenir de faire des déclarations et de prendre des mesures sécessionnistes ou qui remettraient en question l’existence des entités. Le Kosovo ne peut servir de précédent.
34. La mise en œuvre de la réforme de la police étant liée à la réforme constitutionnelle, aux jeux politiques autour de l’indépendance du Kosovo, aux prochaines élections locales en octobre 2008 et au climat politique général tendu, il est peu probable que la réforme constitutionnelle évolue de façon constructive et aboutisse avant la tenue des prochaines élections générales, en 2010, contrairement à la recommandation faite par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa Résolution 1513 (2006). Nous déplorons ce retard supplémentaire parce que nous estimons que la stabilité et l’intégration européenne future ne peuvent pas aboutir en Bosnie-Herzégovine sans une réforme de la Constitution adoptée dans le cadre des Accords de paix de Dayton et fondée sur les orientations énoncées dans la Résolution 1513 de l’Assemblée.

1.2.1. Relations internationales

1.2.1.1. Relations avec l’Union européenne

35. L’Accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne a été signé le 16 juin 2008, après l’adoption des deux lois lançant la réforme de la police. Cet accord doit maintenant être ratifié par tous les Etats membres de l’Union européenne. Dans l’intervalle, la Bosnie-Herzégovine bénéficie d’avantages commerciaux grâce à un accord intérimaire qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2008, à la condition que les autorités adoptent les amendements appropriés à la loi sur les tarifs douaniers.
36. Parallèlement aux négociations concernant l’Accord de stabilisation et d’association, un accord sur l’allégement du régime des visas a été élaboré et signé le 17 septembre 2007. Cet accord réduit, voire supprime, pour certaines catégories de citoyens, les frais d’établissement de visas. Il simplifie également leurs conditions d’octroi pour beaucoup de citoyens, dont les étudiants, les hommes d’affaires, les journalistes, etc. Des discussions sur l’introduction d’un régime sans visas pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine ont été initiées par l’Union européenne le 26 mai 2008.
37. Nous saluons avec enthousiasme la signature de l’Accord de stabilisation et d’association ainsi que les mesures facilitant l’octroi des visas pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine. Cet accord offre de nouvelles opportunités à la Bosnie-Herzégovine, notamment des avantages commerciaux et financiers. Il ouvre au pays une perspective européenne claire pour son développement. Cependant, la mise en œuvre effective de l’Accord de stabilisation et d’association suppose une coopération étroite et efficace entre les diverses structures et institutions aux niveaux de l’Etat et des entités. Sans une réforme constitutionnelle appropriée et dans le contexte actuel de division politique et de rivalité entre les entités, le pays risque de ne pas exploiter au mieux les avantages potentiels que l’Accord de stabilisation et d’association peut lui apporter. C’est pourquoi nous appelons les autorités à examiner très sérieusement les implications de la mise en œuvre de l’Accord de stabilisation et d’association, étape intermédiaire sur la voie de l’adhésion pleine et entière à l’Union européenne, et à prendre les mesures requises pour renforcer, si besoin est, les institutions de l’Etat et améliorer la coopération entre les entités.

1.2.1.2. Relations avec la Croatie

38. Un accord sur la double nationalité avec la Croatie a été approuvé par l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine en février 2008 
			(12) 
			Il
est important de noter que la ratification de l’accord a incité
le membre bosniaque de la présidence, M. Haris Silajdzic, à demander
au haut représentant d’abroger l’article 17 de la loi sur la citoyenneté.
Cette clause n’autorise pas les citoyens de la Bosnie-Herzégovine
à avoir la nationalité d’un autre pays, à moins qu’un accord spécial
n’ait été conclu à cette fin. 
			(12) 
			M. Silajdzic nous a
informés que, d’après lui, un demi-million de citoyens du pays perdrait
leur citoyenneté si l’article 17 de la loi sur la citoyenneté était
appliqué, car une part significative des Bosniens ont la double
nationalité en l’absence d’accords spéciaux. D’après lui, il ne
devrait pas y avoir de restrictions sur la double nationalité.. On estime que près de 400 000 Croates vivant en Bosnie-Herzégovine ont également la citoyenneté croate. Le 2 janvier 2005, près de 50 000 résidents de nationalité croate en Bosnie-Herzégovine se sont présentés aux urnes dans 42 bureaux de vote pour l’élection présidentielle en Croatie. Ce nombre représentait 2 % du taux de participation total. Des analystes ont laissé entendre que l’électorat de Bosnie-Herzégovine a pesé négativement sur le résultat des élections, car il a, selon les informations disponibles, voté en grande majorité en faveur du candidat de l’Union démocratique croate (HDZ), Jadranka Kosor. Cette situation a contribué à empêcher le Président sortant, Stjepan Mesic – qui a obtenu un peu moins de 49 % des voix –, d’obtenir 50 % de voix, nécessaires pour remporter la victoire au premier tour.
39. Le 15 octobre 2007, le Président Stjepan Mesic a prévu des élections au Sabor (Parlement croate) pour le 25 novembre 2007, à la suite de l’expiration du mandat de quatre ans du parlement. Pour ces élections, près de 400 000 Croates de la diaspora vivant dans 53 pays (qui constituent la circonscription no 11) ont été invités à se rendre aux urnes. L’un des principaux changements dans l’organisation du vote de la diaspora a été l’augmentation significative du nombre de bureaux de vote installés en Bosnie-Herzégovine; leur nombre, qui était de 30 pour les élections de 2003, est passé à 124 en 2007, pour un nombre d’électeurs enregistrés plus ou moins égal (la participation des citoyens croates de la Bosnie-Herzégovine en 2003 a été de 19,8 % des électeurs enregistrés). Ces efforts visant à faciliter l’accès des électeurs croates bosniens se sont transformés en controverse politique au cours de la campagne à cause de la relation entre la participation des électeurs votant à l’extérieur du pays, en particulier en Bosnie-Herzégovine, et le nombre de mandats octroyés dans cette circonscription (jusqu’à six). Les agents chargés de l’enregistrement sont confrontés à une difficulté du fait que la liste des électeurs de la diaspora est compilée à partir de données obtenues lors du dernier entretien entre les personnes concernées et les fonctionnaires croates. Dans l’intervalle, beaucoup déménagent ou s’installent temporairement dans une autre ville ou un autre pays. Par exemple, selon les estimations, sur les 286 000 électeurs enregistrés en Bosnie-Herzégovine, 110 000 travailleraient actuellement en Allemagne. S’ils ne se sont pas faits «préenregistrer», ils seront maintenus sur les listes de la Bosnie-Herzégovine selon leur dernière résidence connue et s’ils se présentent à l’ambassade ou dans un des consulats en Allemagne, ils ne figureront pas sur la liste des électeurs et ne seront pas autorisés à voter.
40. Nous avons déjà fait observer dans nos précédents rapports que nous considérons le vote de la diaspora comme un problème dans les circonstances particulières de la Bosnie-Herzégovine. Les Croates ne peuvent pas être un peuple constitutif de la Bosnie-Herzégovine, réclamer des droits de minorités, notamment dans le domaine de l’éducation 
			(13) 
			Le Gouvernement croate
a fait, en 2007, une donation de 50 millions d’euros à la Bosnie-Herzégovine
pour la promotion de la langue croate, notamment pour la construction
d’une nouvelle université à Mostar., et en même temps jouir du droit de vote et d’être éligibles dans un pays voisin. Nous exhortons également les autorités bosniaques à régler une fois pour toutes les différends frontaliers qui subsistent, à parvenir à un accord en ce qui concerne le port de Ploce et à adopter une attitude constructive concernant la construction du pont de Peljesac.

1.2.1.3. Relations avec la Serbie

41. Les relations avec la Serbie ont été marquées par l’adoption en février 2007 par la Cour internationale de justice (CIJ) de son arrêt dans l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie. La CIJ a conclu que des actes de génocide ont été commis à Srebrenica. Elle a estimé que la Serbie n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter ce génocide et livrer les responsables à la justice. Cependant, la CIJ a décidé que la Serbie n’a pas commis de crime de génocide contre la Bosnie-Herzégovine.
42. Comme cela a été indiqué plus haut, le jugement a provoqué un traumatisme majeur, en particulier dans la population bosniaque. Cependant, d’une manière générale, ce jugement n’a pas influencé négativement les relations entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie. Nous notons que la Serbie a ouvert un consulat à Banja Luka, en mai 2007. Cependant, les problèmes concernant la frontière de l’Etat, les questions de biens et le commerce sont encore non résolus 
			(14) 
			Rapport d’activité
de 2007 de la Bosnie-Herzégovine, Commission des Communautés européennes,
SEC(2007) 1430, Bruxelles, 6 novembre 2007..
43. Au niveau des entités, la Republika Srpska a poursuivi sa coopération avec la Serbie dans le cadre de l’Accord spécial sur les relations parallèles de 2006.

1.2.2. Croissance économique

44. Le début de l’année 2005 a été une étape significative pour la Bosnie-Herzégovine, notamment avec le démarrage de la collecte des impôts au niveau de l’Etat, ce qui a renforcé la création d’un espace économique unique dans le pays. Le 1er janvier 2005, la mise en œuvre de deux nouvelles lois concernant l’impôt sur le revenu des biens et services et les taxes douanières a démarré; aujourd’hui, ces impôts sont versés sur un compte bancaire unique de l’Administration des impôts indirects (AII) de la Bosnie-Herzégovine. Cette mesure est censée simplifier la vente et le transport des marchandises entre les entités et prévenir la fraude fiscale. L’Etat récupérera ses propres coûts administratifs et se chargera du remboursement de la dette extérieure avant de répartir le solde entre les entités et le district de Brčko, conformément à une formule «agréée».
45. A la suite de l’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au début de l’année 2006, la loi sur l’affectation des revenus a été amendée dans les deux entités du pays. Des difficultés sont survenues dans l’une des entités – la FB-H –, qui est restée quelque temps sans mécanisme permettant de transférer des fonds du compte central aux cantons et aux municipalités.
46. Malgré l’environnement politique difficile, la Bosnie-Herzégovine est aujourd’hui dans sa quatrième année de performance économique stable, avec une croissance du PIB estimée à 5,5 % en 2008. L’inflation au premier trimestre de 2007 ne se situait qu’à 1,5 %, mais a commencé à augmenter dans la seconde moitié de 2007, suivant l’augmentation des prix de l’alimentation et des transports, pour atteindre 4,9 % en décembre et grimper au-delà de 6 % au printemps 2008. Le déficit actuel de la trésorerie a enregistré une baisse, passant de 21,3 % du PIB en 2005 à 11,4 % du PIB en 2006. Le déficit commercial est passé de 49,6 % en 2005 à 37,1 % en 2006, mais d’autres améliorations sont improbables pour l’instant étant donné le ralentissement des exportations en 2007 et la hausse, une fois encore, des importations. L’excédent fiscal total s’est établi à 3 % du PIB en 2006, découlant essentiellement d’une hausse des revenus consécutive à l’introduction du régime de la TVA.
47. La RS a commencé à rattraper son retard par rapport à la FB-H en termes économiques grâce, en particulier, à l’augmentation des revenus découlant de la vente de sociétés publiques. Le gouvernement a accepté en 2007 une offre de «Telekom Srbija» pour l’achat de 65 % de «Telekom Srpska», entraînant un apport initial de ressources en espèces de 646 millions d’euros, mais augmentant le risque d’engagement de dépenses publiques non soutenables au plan fiscal dans le long terme.
48. Pourtant, la manne financière générée par des niveaux élevés de collecte d’impôts indirects n’a ni favorisé la conclusion d’un accord sur un mécanisme permanent d’affectation des revenus entre les entités (le pourcentage octroyé au district de Brčko a dû être imposé par le haut représentant), ni apporté de solutions aux difficultés fiscales. En particulier, les dépenses préélectorales et le régime fiscal actuel non coordonné pourraient entraîner une forte détérioration du bilan du gouvernement de l’Etat. L’Etat a enregistré un déficit de 0,3 % du PIB en 2007, à comparer à un excédent de 2,2 % en 2006, mettant en lumière l’urgente nécessité d’établir un conseil national de la fiscalité qui veillerait à la coordination fiscale appropriée et à la stabilité macroéconomique. Il importe aussi d’améliorer les statistiques. Enfin, il convient de noter que, depuis 1991, il n’y a pas eu de nouveau recensement 
			(15) 
			Officiellement, les
préparatifs d’un nouveau recensement en 2010-2011 sont en cours.
C’est une question politique délicate car, pour les parties bosniaques,
un recensement avant la mise en œuvre préalable complète de l’annexe
7 de l’Accord de paix de Dayton sur le retour des réfugiés et des
personnes déplacées à l’intérieur de leur pays équivaudrait à «légaliser»
le nettoyage ethnique qui a eu lieu pendant la guerre tandis que,
pour les Croates, il ferait ressortir une réduction drastique au
niveau des chiffres, ce qui affectera la répartition actuelle des
postes dans la fonction publique, qui repose sur le recensement
de 1991., ce qui affecte la planification macroéconomique future.
49. Les salaires du secteur public dans les deux entités et les cantons ont presque atteint la parité avec ceux des administrations de l’Etat. Ce poids excessif des salaires du secteur public s’élève à près de 50 % du PIB et n’encourage pas la mutation des fonctionnaires des entités au niveau de l’Etat. Une loi sur les salaires publics au niveau de l’Etat a été adoptée en juillet 2008. Cependant, cette loi ne couvre pas le personnel de l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine.
50. L’on observe peu de progrès, voire aucun, dans la réforme de l’environnement des affaires, ce qui décourage les investissements et maintient le taux du chômage à des niveaux élevés. Ce taux est estimé à 31,1 %, avec 20 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté et 30 % pas loin de ce seuil. Cette situation pèse négativement sur la relance économique et élargit l’écart entre la Bosnie-Herzégovine et les autres pays en transition. Le pays doit impérativement attirer de nouveaux investissements étrangers pour créer de nouveaux emplois, en accordant par exemple des concessions pour la construction du Corridor Vc 
			(16) 
			Le Corridor Vc (Corridor
5c) fait partie du Corridor paneuropéen V et il relierait
Budapest (Hongrie) à la mer Adriatique et au port de Ploce (Croatie).
Ce corridor comporte une autoroute, mais suppose également des aménagements
ferroviaires et aéroportuaires d’importance tout au long de son
tracé. La partie la plus longue du corridor traverse la Bosnie-Herzégovine
et est annoncée comme une voie essentielle pour le développement
du pays. ou celle de nouvelles usines hydroélectriques. De même, la privatisation des biens de l’Etat doit être accélérée.

2. Respect des normes et des instruments du Conseil de l’Europe

2.1. Signature et ratification des conventions du Conseil de l’Europe

51. Au 22 août 2008, la Bosnie-Herzégovine a ratifié 64 conventions du Conseil de l’Europe et signé 11 autres conventions. Par rapport aux autres Etats sous procédure de suivi, ces chiffres sont particulièrement appréciables.
52. Depuis le dernier rapport de suivi de juin 2004, la Bosnie-Herzégovine a notamment ratifié les conventions figurant dans l’Avis no 234 (2002) de l’Assemblée relatif à son adhésion: la Convention européenne d’extradition et ses protocoles additionnels (STE nos 24 et 86), le 3e Protocole à l’Accord général sur les privilèges et immunités (STE no 28), la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE nos 30 et 182), la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives (STE no 73), la Convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées (STE no 112), la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (STE no 116), la Convention sur la cybercriminalité et ses protocoles additionnels (STE nos 182 et 189). Plus récemment, le 28 mars 2008, la Bosnie-Herzégovine a ratifié la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106), remplissant ainsi un engagement de longue date souscrit dans le cadre de son adhésion.
53. La Bosnie-Herzégovine a également ratifié le Protocole no 14 à la Convention européenne relative à la télévision transfrontalière, la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine et la Convention pour la protection des individus, eu égard au traitement automatisé des données personnelles. Le 11 janvier 2008, la Bosnie-Herzégovine a ratifié les trois conventions «de Varsovie», à savoir la Convention pour la prévention du terrorisme (STCE no 196), la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, et au financement du terrorisme (STCE no 198). Le 30 juin 2008, la Bosnie-Herzégovine a ratifié le 6e Protocole additionnel à l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe.
54. Cependant, contrairement aux engagements contractés au moment de son adhésion, à ce jour, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires n’a pas été ratifiée. La Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) a été signée mais non ratifiée. Nous avons été informés que les procédures de ratification de la Charte sociale européenne révisée (STE no 139) et de la Convention européenne sur la nationalité sont achevées et attendons des autorités qu’elles déposent dans les meilleurs délais les instruments de ratification près le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

2.2. Coopération avec le Conseil de l’Europe

55. Depuis son adhésion en avril 2002, différents organes de supervision ont publié des rapports sur la Bosnie-Herzégovine:
  • le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué trois visites, la dernière en mars 2007; après cette visite, le comité a publié en juillet 2007 ses observations préliminaires et la réponse du Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine 
			(17) 
			Voir
CPT (INF) 2007/34.;
  • la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a publié son premier rapport sur le racisme et l’intolérance en Bosnie-Herzégovine le 15 février 2005; le prochain rapport est prévu pour 2010;
  • le Commissaire aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg, a publié un rapport sur le problème de la décertification des agents de police et un rapport sur le pays en février 2008, après une visite effectuée en juillet 2007;
  • le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a observé les élections locales en 2004 et l’élection présidentielle le 9 décembre 2007 en RS, et a publié un rapport sur la démocratie locale et régionale en Bosnie-Herzégovine 
			(18) 
			CG(13)30PART2, 19 octobre
2006.;
  • le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) a publié, le 8 décembre 2006, le rapport de son deuxième tour d’évaluation;
  • le Comité d’experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux (MONEYVAL) a publié, le 6 juin 2005, un rapport détaillé de son premier tour d’évaluation;
  • le secrétariat de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a reçu le deuxième rapport de l’Etat le 31 août 2007. Une visite en Bosnie-Herzégovine a eu lieu du 24 au 28 mars 2008. L’avis du second cycle de suivi du comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales sera adopté en octobre 2008.
56. La Cour européenne des droits de l’homme a prononcé son premier jugement contre la Bosnie-Herzégovine en 2006, puis trois autres en 2007 et deux en 2008 (au 22 août). La Commission de Venise a également formulé un certain nombre d’avis, principalement en 2005 et 2006 au cours de la tentative – avortée – de la réforme constitutionnelle. Trois autres avis ont été adoptés en juin 2008 à propos d’amendements au Code électoral, de projets d’amendements à la Constitution de la Republika Srpska et de projets d’amendement à la loi d’Etat sur le conflit d’intérêts. Dans le présent rapport, nous nous appuierons largement sur les conclusions et recommandations – dont certaines très critiques – de ces mécanismes de suivi dans les chapitres pertinents.
57. Nous saluons le fait qu’enfin, six ans après son adhésion, l’accord sur la publication de l’étude de compatibilité a été conclu. Nous attendons des autorités de Bosnie-Herzégovine à tous les niveaux qu’elles engagent des actions pour remédier aux lacunes dans la législation et la pratique identifiées dans l’étude de compatibilité. Au vu du retard accumulé par la Cour européenne des droits de l’homme, nous considérons qu’il est de la plus haute importance que les autorités prennent des mesures préventives pour garantir que leur législation et leurs pratiques sont conformes à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) sans attendre des arrêts constatant des violations par la Bosnie-Herzégovine.
58. Nous exhortons également les autorités à accélérer leurs procédures internes de sélection afin de présenter des candidatures de personnes compétentes pour les différents organes du Conseil de l’Europe. Il est difficilement compréhensible que, six années après son adhésion, la Bosnie-Herzégovine ne soit pas encore représentée au CPT 
			(19) 
			Le poste est vacant
depuis le 1er novembre 2002. Une liste de candidats a été finalement
soumise à l’Assemblée en janvier 2006, mais elle a été rejetée.
Les nouveaux avis de vacance n’ont été publiés qu’en mars 2008.. Le siège de la Bosnie-Herzégovine au Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales est vacant depuis juin 2006; le mandat des membres actuels de la Bosnie-Herzégovine à l’ECRI a expiré depuis le 18 février 2008 et, à ce jour, les autorités n’ont soumis aucune nouvelle proposition. La question de la nomination d’un nouveau membre de la Commission de Venise au titre de la Bosnie-Herzégovine reste également en suspens. Nous déplorons aussi que la délégation de la Bosnie-Herzégovine auprès de l’Assemblée parlementaire ait pris plus d’un an pour choisir son président et que l’accord conclu consiste, une fois encore, en une rotation des trois peuples constitutifs.

3. Fonctionnement des institutions démocratiques

3.1. Elections

3.1.1. Elections locales de 2004

59. Les élections municipales d’octobre 2004 sont les premières élections à avoir été entièrement organisées, conduites et financées par les autorités de la Bosnie-Herzégovine; c’est un signe de la réussite de l’appropriation du processus électoral par l’administration locale. Des élections ont également été tenues dans le district de Brčko pour la première fois. Ces élections ont été observées par le Congrès 
			(20) 
			CG/CP
(11) 13, 29 novembre 2004..
60. Les observateurs du Congrès ont conclu que les élections de 2004 ont été administrées dans le respect des normes électorales internationales du Conseil de l’Europe. Cependant, plusieurs lacunes ont été identifiées dans le processus électoral, notamment les registres d’électeurs incomplets et la complexité du système électoral qui a rendu difficile la compréhension du processus par les citoyens. Comme nous le verrons ultérieurement, certains de ces problèmes ont été dissipés par la réforme de la législation électorale.

3.1.2. Elections générales d’octobre 2006 et préparation des élections locales d’octobre 2008

3.1.2.1. Amendements de la loi électorale

61. Le 3 avril 2005, le haut représentant, Paddy Ashdown, a promulgué une décision concernant le retrait de la Commission électorale de la Bosnie-Herzégovine des trois membres internationaux, retrait prenant effet à partir de la fin du mois de juin 2005.
62. A la fin de mars 2006, les deux chambres du parlement d’Etat ont approuvé des amendements à la loi électorale. Grâce à cette loi, la Bosnie-Herzégovine est aujourd’hui dotée d’une Commission électorale centrale. La Commission de traitement des plaintes et recours pour les élections a été abolie, la période de la campagne officielle dans les médias électroniques a été réduite de soixante à trente jours, le seuil de représentation est maintenant fixé à 3 % du scrutin. Le pays est à présent doté d’un système d’enregistrement passif des électeurs; en d’autres termes, chaque citoyen détenant une carte d’identité du système de protection sociale (DISPS) 
			(21) 
			La remise des nouvelles
cartes d’identité unique aux citoyens dans le cadre du «Projet DISPS»
a démarré en 2003 et s’est achevée à la fin de 2005. valide doit être automatiquement enregistré comme électeur.
63. D’autres amendements à la loi électorale, à la loi sur le financement des partis politiques et à la loi sur les conflits d’intérêts ont été adoptés en vue des prochaines élections locales qui doivent se tenir en octobre 2008. Ces amendements ont fait l’objet d’une évaluation par la Commission de Venise 
			(22) 
			Voir le document CDL-AD(2008)012
du 20 juin 2008.. Dans son avis, cette dernière notait que «pour la plupart, les amendements portent sur des questions techniques, à des fins d’éclaircissement et d’amélioration, et auraient globalement des effets positifs». Les amendements ont également répondu à certaines recommandations de fond précédentes et ont été considérés comme positifs à cet égard. Néanmoins, selon la Commission de Venise, ils ne répondent toujours pas «à certains problèmes importants signalés précédemment concernant les systèmes électoraux aux niveaux national et des entités, qui sont basés sur l’appartenance ethnique, l’éligibilité et la transparence dans la détermination des droits lors des litiges électoraux».
64. Nous ne reviendrons pas dans le présent rapport sur toutes les recommandations émises par la Commission de Venise dans l’avis susmentionné. Nous n’en retiendrons qu’une qui, à notre avis, est d’une importance capitale. Selon la loi électorale amendée, au maximum deux sièges réservés sont octroyés aux minorités, si elles représentent, selon le recensement de 1991, plus de 3 % de la population d’une municipalité. Dans les municipalités où les minorités représentaient (selon le dernier recensement) plus de 3 % de la population, un siège réservé supplémentaire leur est accordé. La décision relative au nombre de sièges réservés est laissée à la discrétion des municipalités. A notre sens, cet amendement marque une régression par rapport aux dispositions précédentes, qui ne limitaient pas le nombre de sièges réservés et garantissaient la représentation des minorités même si elles constituaient moins de 3 % de la population. Nous sommes préoccupés par le fait que, dans un pays basé sur la division constitutionnelle de la population en trois peuples constitutifs et des groupes minoritaires, la participation déjà faible des minorités à la vie politique s’en trouve encore réduite. Nous appelons les autorités à chercher d’autres moyens pour intégrer les minorités à la vie politique, notamment au niveau local, en faisant appel à l’expertise du Conseil de l’Europe dans ce domaine.
64.1.
64.1.1.
64.1.1.1. Les élections générales d’octobre 2006
65. Etaient en lice 36 partis politiques enregistrés, avec 8 coalitions formelles et 12 candidats indépendants, ainsi que 2 736 886 électeurs enregistrés en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la nouvelle procédure d’enregistrement passif. Les électeurs étaient appelés à élire les trois membres de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, le président et deux vice-présidents de la RS, les députés de la Chambre des représentants de Bosnie-Herzégovine et de la FB-H, l’Assemblée des peuples de la Republika Srpska, et les députés des assemblées des dix cantons de la FB-H. Une somme de 4,5 millions d’euros imputée aux budgets de la Bosnie-Herzégovine et des municipalités a été dépensée pour l’organisation des élections générales.
66. Le discours nationaliste qui a marqué la campagne électorale depuis le début s’est renforcé à l’approche du scrutin. Cette situation a été surtout exacerbée par les appels du Premier ministre de la RS, Milorad Dodik, pour la tenue d’un référendum sur l’indépendance de la RS et par des contre-appels des partis bosniaques revendiquant un Etat plus centralisé. Les partis croates, qui ne parlaient déjà pas le même langage depuis la formation, au début de cette année, du parti dissident HDZ 1990 
			(23) 
			Le
8 avril 2006, les anciens membres de l’Union démocratique croate
(HDZ), qui avaient été expulsés du parti en novembre 2005, se sont
réunis pour fonder un nouveau parti politique. Ils l’ont appelé
«HDZ 1990». Božo Ljubić, qui avait perdu la course à la présidence
du HDZ au Congrès du parti en juin 2005 face à Dragan Čović, a été
choisi comme président., se sont efforcés de se trouver une place dans la politique.
67. Les élections générales se sont tenues le 1er octobre 2006: la mission conjointe de supervision des élections Conseil de l’Europe/BIDDH a déclaré que «les élections se sont globalement déroulées dans le respect des normes internationales», et a rendu hommage aux autorités de la Bosnie-Herzégovine, en particulier à la Commission électorale centrale, pour l’organisation de ce premier scrutin administré au niveau interne; elle a toutefois rappelé que les élections en elles-mêmes, à certains égards importants, ont enfreint le Protocole no 12 à la CEDH «entre autres, parce que seuls les Serbes, les Bosniaques et les Croates peuvent briguer la présidence».
68. La Commission électorale centrale de la Bosnie-Herzégovine a finalement certifié les résultats des élections du 27 octobre pour la Chambre des représentants de la Bosnie-Herzégovine (42 sièges, comprenant 28 sièges pour la FB-H et 14 pour la RS). Le SDA a été le grand vainqueur avec 9 sièges (8 dans la FB-H et 1 dans la RS), le SBiH a obtenu 8 sièges (7 dans la FB-H et 1 dans la RS). Dans la FB-H, le SDP a obtenu 5 sièges, le HDZ/HNZ 3 et le HDZ 1990, 2. Le NSRZB, le BPS, le DNZ ont chacun obtenu 1 siège. Dans la RS, conformément aux pronostics, le SNSD a remporté une victoire écrasante en enlevant 7 sièges; le SDS en a obtenu 3, et le DNS et le PDP 1 chacun.
69. Ensuite, les résultats pour la présidence de la Bosnie-Herzégovine ont été proclamés avec deux surprises majeures: premièrement, l’envergure de la défaite du membre sortant de la présidence, Tihic (SDA), qui a obtenu moins de la moitié des voix que Silajdzic (SBiH) et, deuxièmement, l’élection au siège croate du SDP, et donc de Zeljko Komsic qui n’était représentatif d’aucune ethnie. Il était prévisible que Radmanovic (SNSD) remporterait la victoire pour le siège serbe avec une majorité écrasante.

3.1.2.2. Préparation des élections locales d’octobre 2008

70. La Commission électorale centrale a décidé que les prochaines élections locales se tiendraient le 5 octobre 2008. Les partis politiques avaient jusqu’au 23 mai pour s’inscrire en vue de ce scrutin. L’échéance pour l’inscription des coalitions électorales et des candidats indépendants avait été fixée au 25 juin. Le Congrès observera ces élections et nous prendrons son rapport en compte dans les prochaines étapes du processus de suivi.
71. Un développement intéressant de la législation électorale est intervenu en liaison avec la préparation des élections locales d’octobre. Le 7 mai 2008, l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine a adopté, en procédure d’urgence, des amendements au Code électoral offrant la possibilité à toutes les personnes qui résidaient à Srebrenica avant la guerre de s’inscrire pour voter dans cette municipalité, quel que soit leur lieu de résidence actuel. Cette modification n’a d’effet que pour les élections locales d’octobre 2008 et a principalement pour but d’éviter que les Bosniaques, chassés de la région de Srebrenica à la suite du génocide perpétré durant la guerre, ne soient mis en minorité par les Serbes, actuellement majoritaires à Srebrenica. Nous comprenons bien l’importance particulière et symbolique de cette ville pour les Bosniaques, et la nécessité d’y créer un environnement politique favorable à des retours durables. Nous saluons le fait que les responsables politiques aient été en mesure de trouver un compromis pragmatique sur un sujet aussi sensible et complexe. Cependant, nous estimons que les modifications adoptées ne représentent qu’une solution provisoire. Des efforts de confiance supplémentaires sont nécessaires de tous côtés pour donner à la population foi dans des institutions démocratiques qui feront de Srebrenica, mais aussi d’autres municipalités du pays, des villes pleinement multiculturelles et multiethniques.
72. La préparation des élections a également soulevé un autre problème politique en Bosnie-Herzégovine, en l’occurrence la mise en œuvre de la loi sur le conflit d’intérêts. Cette loi, adoptée par l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine en 2002 et amendée en 2003 et 2004, vise à prévenir les conflits d’intérêts dans les institutions gouvernementales du pays, et à établir le cadre des politiques et de la législation des entités en la matière. Selon ce texte, il est demandé aux entités et au district de Brčko d’adopter leurs propres lois sur le conflit d’intérêts, en pleine cohérence avec la loi d’Etat. Le district de Brčko a déjà adopté sa loi sur la prévention des conflits d’intérêts et en a confié la mise en œuvre à la Commission électorale centrale de l’Etat. En avril 2008, un projet de loi de la RS sur le conflit d’intérêts a été présenté à l’Assemblée nationale de RS. Ce projet a par la suite été examiné par la Commission de Venise. Dans la version définitive, la RS a décidé de confier la mise en œuvre de la loi à la Commission électorale de RS et non à la Commission électorale centrale de l’Etat, comme l’a fait le district de Brčko. Si, sur le plan juridique, cette solution semble légitime, elle risque cependant de pêcher dans la pratique par manque d’efficacité. En fait, la Commission électorale de la RS n’était pas impliquée auparavant dans ces activités, alors que la Commission électorale centrale de Bosnie-Herzégovine a rempli cette mission de manière très satisfaisante depuis l’adoption de la loi et jusqu’en janvier 2008, date à laquelle elle a suspendu ses activités en matière de prévention des conflits d’intérêts au niveau des entités à la suite d’un recours devant la Cour constitutionnelle. Nous partageons l’avis de la Commission de Venise, qui estime qu’il serait préférable de confier la mise en œuvre de la législation des entités relative aux conflits d’intérêts à la Commission électorale centrale, tout en reconnaissant que cela supposerait un transfert volontaire de compétences au niveau de l’Etat. A l’instar des représentants de la communauté internationale, notamment le bureau du haut représentant et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), nous appelons les autorités de RS à revenir sur leur décision et à transférer les compétences pour la mise en œuvre de la loi sur le conflit d’intérêts à la Commission électorale centrale, de manière à profiter de l’expérience fructueuse de cette dernière et à mettre en place des garanties efficaces contre la corruption politique.

3.1.3. Formation du gouvernement après les élections générales de 2006

3.1.3.1. Au niveau de l’Etat

73. La présidence de la Bosnie-Herzégovine a commencé à exercer le 6 novembre 2006, lorsque Nebojsa Radmanovic (SNSD) prit la présidence pour huit mois, avec Haris Silajdzic (SBiH) et Zeljko Komsic (SDP) à ses côtés. Le président est actuellement M. Silajdzic. Le processus de formation du gouvernement au niveau de l’Etat s’est finalement accéléré avec la nomination au début du mois de décembre du Présidium de la Chambre des représentants et de Nikola Spiric (SNSD) comme président du Conseil des ministres et Premier ministre désigné.
74. Le 9 février 2007, plus de quatre mois après les élections générales, l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine a désigné le nouveau Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine. Ces nouveaux ministres et vice-ministres étaient les premiers à être investis par les institutions propres de l’Etat et non pas par le bureau du haut représentant 
			(24) 
			Les nouvelles procédures
incluent un contrôle de la carrière par l’Agence d’Etat de protection
et d’investigation (AEPI) de la Bosnie-Herzégovine, une vérification
de l’éligibilité par la Commission électorale centrale et un entretien public
devant la commission parlementaire concernée.. Les dix postes ministériels du conseil ont été répartis entre les cinq partis politiques majeurs. L’Union des sociaux-démocrates indépendants (SNSD), dont les électeurs sont essentiellement issus de la RS, a obtenu la présidence du Conseil des ministres, le ministère du Commerce extérieur et des Relations économiques, et le ministère des Affaires civiles. Le Parti pour l’action démocratique (SDA), traditionnellement le parti bosniaque prédominant, a obtenu le ministère de la Sécurité et le ministère de la Défense. Le parti pour la Bosnie-Herzégovine (SBiH), dont le chef, Haris Silajdžić, avait battu le président du SDA, Sulejman Tihić, à la course pour le siège bosniaque à la présidence, s’est vu confier le ministère des Affaires étrangères et le ministère des Droits de l’homme et des Réfugiés. L’Union démocratique croate de la Bosnie-Herzégovine (HDZ-BiH) a obtenu le ministère des Finances et du Trésor et le ministère de la Justice, tandis que le parti dissident de l’Union démocratique croate 1990 (HDZ 1990) a reçu le ministère des Transports et des Communications.
75. La session inaugurale de la Chambre des peuples de Bosnie-Herzégovine, qui comprend l’ancien membre de la présidence, Tihic, et l’ex-ministre des Affaires étrangères, Ivanic, a démarré le 14 mars 2007, parachevant la législature au niveau de l’Etat.

3.1.3.2. En Republika Srpska

76. En RS, l’établissement du nouveau gouvernement s’est déroulé sans heurt et avec diligence, grâce à la victoire écrasante du SNSD. Le Président de la RS, Milan Jelic, a prêté serment le 9 novembre 2006. L’Assemblée nationale de RS est devenue rapidement opérationnelle et le Premier ministre réélu, Milorad Dodik, a formé son gouvernement le 29 novembre (avec des partenaires de la coalition du SP et du DNS); cependant, le SDS a rejoint l’opposition en promettant d’adopter une position plus radicale dans le futur. Le dirigeant du SDS et ancien président, Dragan Cavic, a été contraint de démissionner de son poste de dirigeant du parti.

3.1.3.3. Dans la FB-H

77. Le blocage persistant au niveau de l’Etat s’est répercuté dans l’ensemble de la FB-H; en particulier, les parties croates estimaient qu’une sous-représentation dans le gouvernement de l’Etat pourrait être partiellement compensée par un poids plus important dans le pouvoir exécutif de la fédération. La Chambre des représentants de la FB-H s’est en effet réunie à temps le 21 novembre, mais cette session a également été ajournée sine die. Une situation similaire a prévalu dans les cantons.
78. La législation de la FB-H confère toujours au bureau du haut représentant la possibilité de contrôler les candidats proposés pour les postes ministériels. Le 22 mars 2007, la Chambre des représentants de la FB-H a élu un gouvernement avant d’avoir reçu le feu vert du bureau du haut représentant sur ces nominations. Par conséquent, le haut représentant a recouru aux pouvoirs de Bonn le jour suivant, pour annuler la décision de la Chambre des représentants de la FB-H, en faisant observer «qu’il y avait eu une tentative pour échapper au processus de contrôle». Le bureau du haut représentant avait des préoccupations surtout à propos du candidat proposé au poste de ministre de l’Intérieur. Finalement, après la vérification d’une nouvelle candidature par le bureau du haut représentant, la Chambre des représentants de la FB-H a pu approuver un gouvernement le 30 mars; au cours de la même session, elle a adopté le budget de 2007 de la FB-H. Dans deux cantons, les gouvernements n’ont pas été formés jusqu’à la fin du mois d’août 2007, c’est-à-dire dix mois après les élections et jusqu’à ce que le haut représentant ait interrompu le financement des quatre partis politiques majeurs à cause des retards.

3.1.3.4. Performance du gouvernement et des parlements

79. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons indiqué dans notre rapport sur la réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine en avril 2006: sans une réforme complète de la Constitution de Dayton, peu de progrès seront accomplis. Le cadre institutionnel à plusieurs niveaux qui existe actuellement est purement et simplement trop complexe et ralentit, voire entrave, le processus décisionnel 
			(25) 
			De
plus, nous notons que, jusqu’à présent, la création de nouvelles
agences au niveau de l’Etat n’a pas réduit la bureaucratie au niveau
de l’entité. Les barèmes de salaire dans l’administration publique
étant plus ou moins harmonisés entre l’Etat et les entités, les
fonctionnaires n’ont aucune motivation à rejoindre les institutions
de l’Etat. Selon les dernières informations fournies par le FMI,
les coûts administratifs publics représentent approximativement
50 % du PIB du pays.. Certes, cette complexité structurelle et ce grand nombre de niveaux d’autorité existent dans d’autres Etats européens, mais ces systèmes ne peuvent fonctionner que si l’on s’accorde clairement sur qui fait quoi, quand et comment. Ce n’est pas encore le cas en Bosnie-Herzégovine. En outre, sans un degré minimal de confiance, de volonté d’arriver à un consensus et surtout du sens de l’intérêt commun, tout système complexe comme celui qui existe en Bosnie-Herzégovine est voué à l’échec.
80. Les transactions sur le partage du pouvoir ou la répartition entre les trois peuples constitutifs des produits de l’économie et des postes ne peuvent se substituer à une vision commune pour l’avenir du pays. En outre, le monopole de la prise des décisions politiques par des réunions informelles des six partis politiques majeurs (SDA et SBiH pour les Bosniaques, HDZ et HDZ 1990 pour les Croates, SNSD et PDP pour les Serbes, tous réunis dans une coalition vacillante au niveau de l’Etat) prive aussi bien le Conseil des ministres que le parlement de leurs attributions constitutionnelles.
81. L’absence de confiance, l’obstruction plus ou moins systématique et les intérêts étroits des partis ont des conséquences négatives sur l’activité gouvernementale et législative: en effet, 27 lois uniquement sur les 135 prévues au niveau de l’Etat ont été adoptées en 2007 
			(26) 
			Voir le
rapport de 2007 de la Commission d’Helsinki pour les droits de l’homme
en Bosnie-Herzégovine, qui indique aussi que, dans le domaine des
droits de l’homme, 13 % seulement des lois prévues ont été transmises
au parlement.. Selon le Centre pour l’initiative civile (CIC), les qualificatifs les mieux appropriés aux travaux des institutions bosniennes sont «inefficience, indolence et irresponsabilité». Selon cette ONG, le spécialiste de la mauvaise performance est le Parlement de la FB-H qui n’a même pas adopté son propre programme de travail annuel pour 2007, et n’a adopté que 17 lois sur les 79 présentées au parlement. Un tiers des députés de la FB-H ne participe pas à un seul débat parlementaire. La situation est un peu meilleure en RS où l’Assemblée nationale de la RS a effectué 62 % de ses travaux planifiés.

3.2. Pouvoir du haut représentant

82. Lord Paddy Ashdown, qui est devenu le haut représentant et le représentant spécial de l’Union européenne peu de temps après l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au Conseil de l’Europe en avril 2002, a été remplacé par Christian Schwarz-Schilling (Allemagne), le 31 janvier 2006. Ce dernier a lui-même été remplacé par Miroslav Lajcak (Slovaquie), le 1er juillet 2007.
83. Le haut représentant Christian Schwarz-Schilling s’est rendu à la réunion du Partenariat pour la paix (PPP) de l’OTAN, tenue les 26 et 27 février 2007 à Bruxelles, avec une recommandation proposant une extension d’une année du bureau du haut représentant (BHR) (et des pouvoirs de Bonn) jusqu’en juin 2008. Il a soutenu que l’instabilité potentielle liée au retard accusé dans les pourparlers sur le statut du Kosovo, le retard dans le programme de réformes en Bosnie-Herzégovine et le discours et la position «anti-Dayton», en particulier de la part de certains hommes politiques de la RS, étaient tels qu’il importait de réviser la décision de principe, prise en juin 2006, de fermer le BHR en juin 2007. Les hommes politiques de Bosnie-Herzégovine étaient divisés sur cette extension éventuelle; globalement, les hommes politiques de la RS pensaient que le bureau du haut représentant devrait fermer ses portes, et ceux de la FB-H appréciaient le parapluie de sécurité et de stabilité fourni par le bureau du haut représentant. Le PPP a accepté la recommandation d’extension du bureau du haut représentant avec un seul avis dissident, la Fédération de Russie, mais le PPP n’a pas manqué de souligner que la «transition» vers l’appropriation nationale restait l’objectif à atteindre. Il importe de noter que M. Schwarz-Schilling avait clairement indiqué avant la tenue de la réunion du PPP qu’il ne souhaitait pas étendre son propre mandat après juin 2007 et que le poste qu’il occupait resterait un poste «à deux casquettes» – HR/RSUE – en 2007/2008.
84. A sa réunion tenue à Bruxelles les 26 et 27 février 2008, le comité directeur du PPP a fixé les conditions de la fermeture du bureau du haut représentant, fermeture qui doit marquer la fin du processus de transition du pays. Dans une déclaration adoptée à l’unanimité, le PPP a estimé que, pour arriver au terme du processus de transition (initialement envisagé en juin 2008), les autorités de Bosnie-Herzégovine doivent atteindre cinq objectifs clés, à savoir: le règlement acceptable et durable de la question de la répartition des biens entre l’Etat et les autres niveaux de gouvernement; le règlement des propriétés de la défense; l’achèvement de la concession finale de Brčko (administré à ce jour par la communauté internationale); la pérennisation fiscale; et la consolidation de l’Etat de droit. Deux autres conditions ont été ajoutées à celles-ci: l’évaluation positive de la situation en Bosnie-Herzégovine en relation avec les dispositions de Dayton, d’une part, et la signature de l’Accord de stabilisation et d’association, d’autre part. La réunion suivante du PPP s’est déroulée les 24 et 25 juin 2008, à Sarajevo. Le communiqué final a fait état des progrès accomplis dans l’atteinte des cinq objectifs et des deux conditions fixés en février. Il a conclu que le bureau du haut représentant devait pour l’instant être maintenu. Ce communiqué final n’a pas été signé par la Russie, qui insistait sur la fixation d’une date de fin du mandat du bureau du haut représentant.

3.2.1. Révocations

85. Le 4 mars 2005, le haut représentant Paddy Ashdown a annoncé qu’il était en train de lancer un processus de révision de quelque 100 décisions prises par ses prédécesseurs et lui-même entre 1998 et 2003 qui ont conduit à la révocation de fonctionnaires de leur poste, pour entrave à la mise en œuvre des Accords de paix de Dayton. Les ordonnances de révocation des missions de l’EUFOR et de l’ex-SFOR, et la FPI (Force de police internationale) de l’Organisation des Nations Unies n’étaient pas concernées par le processus. Le 4 mai 2005, il a levé les interdictions faites à trois fonctionnaires qui occupaient des postes de niveau relativement bas dans la fonction publique.
86. Cependant, le 28 octobre 2005, le haut représentant a révoqué de ses fonctions le ministre de l’Education de la RS, Milovan Pecelj, à cause de son incapacité à appliquer la décision prise par le haut représentant le 30 juin 2004 de démettre Radomir Lukić de ses fonctions 
			(27) 
			Le 30 juin 2004, le
haut représentant a révoqué de leur poste politique, administratif
ou économique 59 fonctionnaires de la RS, pour avoir commis des
actes d’obstruction à la coopération avec le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (TPIY), des malversations financières, et appuyé
secrètement ou ouvertement des réseaux soutenant des personnes accusées
de crimes de guerre. L’un d’eux, Radomir Lukić, a été révoqué de
son poste de membre du principal conseil du SDS et d’autres fonctions
publiques ou au sein de son parti, dans le cadre des mesures qui
ont suivi la décision de l’OTAN de refuser à la Bosnie-Herzégovine
son entrée dans le Partenariat pour la paix.. Pour Lord Paddy Ashdown, Pecelj, en maintenant Lukić à son poste de doyen de la faculté de droit de Sarajevo Est, avait non seulement été incapable de remplir ses fonctions ministérielles mais avait même manqué de faire une déclaration publique claire pour informer les étudiants de l’interdiction juridique faite à Lukić d’occuper son poste actuel – les conséquences étant, entre autres, que les notes et les résultats des examens universitaires des étudiants ne seraient pas validés.
87. Le 19 octobre 2005, à l’occasion du deuxième anniversaire du décès d’Alija Izetbegović, premier président de la présidence de trois membres de la Bosnie-Herzégovine, et premier président du SDA, les autorités locales ont pris la décision de rebaptiser l’aéroport de Sarajevo du nom de M. Izetbegović. Des voix de protestation se sont immédiatement élevées, en particulier en RS. Le 14 octobre, le haut représentant a suspendu la décision de renommer l’aéroport, en soutenant que si le caractère international de la Bosnie-Herzégovine est incontestable, le nom de ses aéroports internationaux doit cependant faire l’objet d’un consensus. Par ailleurs, le 28 octobre, le haut représentant a proclamé une décision établissant le processus juridique formel qui doit être suivi pour renommer les infrastructures publiques qui ont un caractère international ou interentités en Bosnie-Herzégovine, en ajoutant que l’attribution de noms aux édifices publics doit être perçue dans le contexte de la réconciliation.
88. Le 4 novembre 2005, le haut représentant a publié une décision abrogeant les décisions antérieures qui interdisaient à 23 individus de participer à la vie publique et politique. Lord Ashdown, qui a dénommé ce programme de réhabilitation «Opération Phénix», s’était lancé dans ce programme en anticipation du jour où la Bosnie-Herzégovine n’aurait plus de haut représentant.
89. Dans une des dernières décisions prises dans le cadre de ses fonctions, Lord Ashdown s’est servi de ses pouvoirs pour amender la loi électorale. Ce faisant, il a réhabilité plus de 140 hommes politiques que l’ancienne Commission électorale provisoire (CEP) et l’ancienne sous-commission d’appel des élections (SCAE) avaient fait radier des listes électorales ou révoquer de leurs fonctions.
90. Le 4 avril 2006, et encore le 7 juillet 2006, le haut représentant d’alors, Christian Schwarz-Schilling, a pris des mesures pour réhabiliter des fonctionnaires qui avaient été antérieurement démis de leurs fonctions. «Ces mesures, a-t-il dit, s’appliqueront à toutes les personnes qui ont été révoquées par le haut représentant précédent – à l’exception de celles qui ont été démises de leurs fonctions pour des raisons liées au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).» Les personnes concernées peuvent à présent déposer une demande auprès du bureau du haut représentant pour demander la révision de leur décision de révocation. M. SchwarzSchilling a ajouté que «si les sanctions sont levées, ces individus auront le droit de se présenter et d’occuper n’importe quel poste public, que ce soit des postes électifs ou nominatifs».
91. Cependant, dans le cadre des enquêtes/poursuites en cours concernant des personnes responsables du génocide de Srebrenica, 36 policiers de la RS ont été suspendus sur ordre du haut représentant Miroslav Lajcak, lors de sa prise de fonctions en juillet 2007. Il a également promulgué cinq décisions mettant en vigueur des lois qui permettent de procéder à des enquêtes et d’engager des poursuites dans le cadre du génocide de Srebrenica; il a également révoqué Dragomir Andan de son poste de chef adjoint du Service de la formation des agents de police du ministère de l’Intérieur de la RS, pour avoir aidé à se dérober à la justice des fugitifs accusés par le TPIY. Par ailleurs, en juillet 2007 et en janvier 2008, le haut représentant a ordonné la saisie des documents de voyage de 93 personnes qui mettaient en péril ou entravaient le processus de mise en application de la paix, notamment des membres de la famille Karadžić. La loi de Bosnie-Herzégovine prévoyant le gel des avoirs des personnes accusées de crimes de guerre et de leurs partisans a été appliquée dans trois cas par les autorités du pays, mais surtout contre les familles de Stojan Župljanin et de Radovan Karadžić.

3.2.2. Difficultés rencontrées par le haut représentant pour appliquer les pouvoirs de Bonn

92. Vers la fin de février 2007, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a publié le texte de sa décision dans l’affaire Milorad Bilbija et al. qu’elle avait adoptée le 8 juillet 2006. Cette affaire avait été portée devant la Cour constitutionnelle par un certain nombre d’individus, notamment Dragan Kalinic, ancien président de l’Assemblée nationale de la RS, banni à vie des postes publics pour obstruction au TPIY, par décision du haut représentant en 2004. Citant la Commission de Venise et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour constitutionnelle a soutenu qu’il y avait eu violation de l’article 13 de la CEDH en ce qui concerne l’absence de recours juridique effectif contre les décisions de révocation 
			(28) 
			La
Cour européenne des droits de l’homme a cependant déclaré irrecevable ratione personae une affaire dont
elle avait été saisie par des fonctionnaires révoqués de leurs fonctions
(Dusan Beric et autres, décision
du 16 octobre 2007). La Cour a conclu que les décisions de révocation
n’étaient pas attribuables aux autorités de la Bosnie-Herzégovine,
mais au haut représentant, exerçant légalement des pouvoirs qui
lui ont été conférés par le Conseil de sécurité des Nations Unies..
93. Le 3 mars 2007, le haut représentant a émis une ordonnance avec effet immédiat concernant la mise en œuvre de sa décision. Cette ordonnance établit un processus par lequel les autorités de Bosnie-Herzégovine «pourront se conformer à la décision de la Cour constitutionnelle en réaffirmant les obligations internationales de la Bosnie-Herzégovine en application de l’Accord de Dayton et de la Charte des Nations Unies». Conformément à l’ordonnance, la présidence de la Bosnie-Herzégovine doit adresser au haut représentant, en sa capacité de président du Comité directeur du Conseil de la mise en application de la paix, toutes les questions traitées dans la décision de la Cour constitutionnelle que les autorités internationales doivent examiner et qui sont mentionnées dans cette décision.
94. Cependant, toute mesure prise par une institution ou une autorité quelconque en Bosnie-Herzégovine pour établir un mécanisme national quelconque de révision des décisions du haut représentant sera considérée comme une tentative pour entraver la mise en œuvre des aspects civils des Accords de paix de Dayton et sera traitée en conséquence. L’ordonnance réaffirme en outre que toute procédure intentée devant un tribunal quelconque en Bosnie-Herzégovine et remettant en question des décisions prises par le haut représentant afin de sanctionner des individus pour violation des Accords de paix de Dayton serait considérée comme irrecevable, à moins que le haut représentant n’ait expressément donné au préalable son accord. Conformément à la pratique précédente, le haut représentant envisage de continuer à autoriser la révision judiciaire des lois qu’il a lui-même mises en vigueur pour remplacer les lois au sein de la Bosnie-Herzégovine.
95. La décision de la Cour constitutionnelle n’affecte pas les décisions du haut représentant, et les individus qui ont été bannis de la vie publique par ses décisions, y compris Milorad Bilbija ainsi que Dragan Kalanic, resteront bannis à moins que le haut représentant n’en décide autrement.

3.2.3. Imposition de lois et autres mesures

96. Les lois imposées par le haut représentant sont provisoires: elles restent en vigueur jusqu’à ce qu’elles soient formellement adoptées, sans amendements, par les deux chambres du parlement, que ce soit aux niveaux de l’Etat, des entités ou des cantons. Contrairement aux décisions concernant les individus, pour lesquelles il n’y a pas de possibilité d’appel devant un tribunal quelconque de Bosnie-Herzégovine ou d’ailleurs (voir ci-dessus), des lois imposées par le haut représentant peuvent être dénoncées devant les tribunaux.
97. En 2004, le haut représentant a promulgué 158 décisions, 91 en 2005, et 57 au total en 2006 (dont 14 lois ou amendements à des lois). Cette tendance à la baisse s’est poursuivie en 2007, avec seulement 37 décisions (dont 24 lois ou amendements à des lois 
			(29) 
			Le délai prévu par
la loi sur l’interdiction temporaire du transfert des propriétés
de l’Etat de la Bosnie-Herzégovine a été prorogé trois fois en 2007
par l’amendement de la loi pertinente au niveau de l’Etat et au
niveau des entités, représentant ainsi neuf décisions. L’interdiction
de la cession des propriétés de l’Etat a été initialement imposée
le 21 mars 2005. Une commission, établie par le Conseil des ministres
de la Bosnie-Herzégovine en décembre 2004 et ayant pour mandat de
déterminer les droits sur les propriétés de l’Etat et de rédiger
la législation relative à son administration, a piétiné à cause
de l’intransigeance politique à haut niveau. La Commission d’Etat
a été mandatée pour veiller à ce que les propriétés de l’Etat soient
réparties de façon cohérente par rapport aux attributions respectives
de l’Etat, des entités et du district de Brčko en vertu de la Constitution.).
98. Les parlements de l’Etat, des entités et des cantons ont été invités, après les élections d’octobre 2006, à adopter des textes juridiques que le haut représentant avait précédemment adoptés. Le 29 novembre 2007, trois lois antérieurement imposées par le haut représentant ont été rejetées par la Chambre des peuples de Bosnie-Herzégovine, tandis que la décision du haut représentant du 19 octobre 2007 sur le Conseil des ministres (voir ci-dessous) n’a pas encore été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire. La Chambre des représentants de la FB-H n’a adopté aucune des décisions du haut représentant depuis le 29 mai 2007, date à laquelle elle a adopté deux lois datant respectivement du 6 octobre 1999 et du 24 avril 2007. La Chambre des peuples de la FB-H n’a, quant à elle, pas encore adopté ces lois. L’Assemblée nationale de la RS a adopté quatre lois promulguées par le haut représentant sur le système judiciaire et l’administration en mars-avril 2007. Le 11 décembre 2007, l’Assemblée nationale de la RS a adopté une initiative visant à amender la Constitution de la RS qui devrait couvrir également des amendements à la Constitution de la RS antérieurement promulgués par les hauts représentants. Les assemblées cantonales n’ont inscrit aucune décision du haut représentant à leur ordre du jour depuis octobre 2007.
99. En ce qui concerne l’imposition des lois, le principal événement a été l’amendement, le 19 octobre 2007, de la loi sur le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine à la suite de l’échec de la réforme de la police. Les principaux changements sont les suivants:
  • la règle du quorum: une session peut être tenue chaque fois qu’une majorité des membres du Conseil des ministres est présente; et
  • le processus de prise des décisions: les décisions sur certaines questions peuvent être prises par la majorité des personnes présentes et qui prennent part au vote, tandis que la majorité simple nécessaire pour la décision finale du conseil ne requiert que le vote d’un représentant de chaque peuple constitutif et pas les votes de deux représentants actuellement requis.
100. Cette mesure facilitera le processus décisionnel: le gouvernement pourra prendre des décisions même si une minorité des ministres décide d’être absente. Les ministres pourront encore voter en faveur ou contre les décisions, mais ils devront être présents à la session pour le faire. Dans le même temps, cette décision est maintenue eu égard au droit de chaque peuple constitutif de protéger son intérêt national vital dans des cas justifiés.
101. Le haut représentant a également écrit au collège conjoint de l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine pour l’aviser que ses règles de procédure concernant les travaux des deux chambres de l’Assemblée parlementaire devraient être amendées au plus tard le 1er décembre, en soulignant qu’il utiliserait ses pouvoirs pour imposer ces amendements si des mesures n’étaient pas prises à cet effet. Les amendements sont axés sur les trois domaines suivants:
  • premièrement, sur ce que l’on appelle communément le «vote des entités»: la Constitution stipule qu’un vote majoritaire nécessaire pour la prise des décisions doit inclure au moins un tiers de votes des représentants du territoire de chaque entité. Les règles de procédure existantes interprètent cette disposition comme un tiers des représentants élus dans chaque entité, au lieu d’un tiers des votes des représentants présents de chaque entité;
  • deuxièmement, les amendements devraient également porter sur la question du quorum requis pour la tenue d’une session de la Chambre des représentants de la Bosnie-Herzégovine: la Constitution prévoit simplement qu’un quorum est une majorité de tous les membres de la Chambre des représentants – 22 des 42 délégués. Les règles de procédure actuelles nécessitent la présence d’un nombre supplémentaire d’au moins 10 députés de la FB-H et 5 de la RS. Cette interprétation permet à une petite minorité de députés d’empêcher la chambre de tenir une session, simplement en ne se présentant pas aux travaux;
  • enfin, sur la manière dont le collège des chambres de l’Assemblée parlementaire prend des décisions, la Constitution stipule que le rôle du président et des viceprésidents est d’obtenir l’approbation, comme s’il s’agissait des travaux d’une commission, des décisions qui ne pourraient pas obtenir le vote de la majorité des entités. Cependant, dans le cadre des règles de procédure actuelles, après harmonisation, le collège transmet de nouveau la loi au parlement pour qu’elle soit de nouveau votée.
102. Nous saluons le fait que l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine ait changé ses règles de procédure le 30 novembre 2007, conformément à la requête du haut représentant. Il serait plus que malheureux que les règles régissant le fonctionnement d’un parlement démocratiquement élu soient imposées par le haut représentant.
103. Ces mesures, en particulier en ce qui concerne le Conseil des ministres, ont suscité une masse de protestations en RS. Le Premier ministre, Milorad Dodik, a accusé le haut représentant d’abuser de ses pouvoirs de Bonn et a menacé de retirer tous les ministres, les députés et les fonctionnaires serbes des institutions au niveau de l’Etat s’il ne les abrogeait pas. Il a soutenu que ces changements sont une porte ouverte à l’exclusion d’une communauté ethnique, notamment les Serbes, ce qu’il considérait comme inacceptable et dangereux dans une société multiethnique telle que la Bosnie-Herzégovine. Dodik a reçu le plein appui du Gouvernement serbe qui, en tant que garant des Accords de paix de Dayton, a indiqué que «préserver le Kosovo et la RS est maintenant l’objectif le plus important de notre Etat et de notre politique nationale [serbes]».
104. A notre avis, la vive réaction des autorités de la RS montre que le haut représentant rencontrera de plus en plus de difficultés pour utiliser ses «pouvoirs de Bonn»: avec la réduction de la force militaire à environ 2 500 hommes 
			(30) 
			Le mandat de l’EUFOR
a été prorogé pour un an par le Conseil de sécurité des Nations
Unies, le 21 novembre 2006. (par rapport au chiffre de 60 000 en 1995), les acteurs politiques qui s’appuient sur un électorat solide en RS et le consensus vacillant au sein du Conseil de mise en œuvre de la paix, les pouvoirs de Bonn, presque treize ans après la fin de la guerre, semblent être de moins en moins acceptés. Cela, évidemment, n’est pas l’avis des partis bosniaques qui demandent au haut représentant de faire preuve de plus d’autorité et d’utiliser les pouvoirs de Bonn pour freiner les appels sécessionnistes de la RS qui deviennent de plus en plus clairs.

3.2.4. District de Brčko

105. En ce qui concerne Brčko, nous aimerions faire référence à notre rapport de 2004. Deux événements majeurs se sont produits depuis: le déroulement, pour la première fois depuis 1999, d’élections dans le district de Brčko en 2004, et l’abolition de toutes les lois des entités encore en vigueur à Brčko en 2007. Cela a entraîné un vide juridique dans certains domaines qui a dû être comblé par le superviseur actuel, Raffi Gregorian, un diplomate américain comme ses prédécesseurs.
106. Bien que la décision finale d’arbitrage 
			(31) 
			La décision arbitrale
définitive en 1999 a jeté les bases de la création du district de
Brčko en tant que «condominium» sous la souveraineté de l’Etat;
il appartenait sans appartenir aux deux entités. La décision arbitrale
a également élargi la supervision internationale du district jusqu’à
ce que le superviseur et les représentants informent le Conseil
de mise en œuvre de la paix et le tribunal arbitral du fait que
les institutions démocratiques et multiethniques de l’autonomie
locale de Brčko sont garanties. et le régime de suivi aient été destinés à protéger Brčko contre les entités, les autorités du district ont fini par considérer que les compétences accrues de l’Etat mettaient en péril son statut individuel. Le Gouvernement des Etats-Unis, qui a fourni un soutien financier considérable ainsi que les superviseurs du pays depuis 1997, a proposé en novembre 2005 d’établir un groupe de travail pour obtenir un accord politique entre l’Etat et le district qui rendrait inutile une décision d’un tribunal arbitral sur la question. Cependant, en juin 2007, le tribunal arbitral a apporté un addendum à la décision finale qui stipulait: «(…) Tout transfert par les deux entités vers l’Etat sans un transfert équivalent, par ou avec le consentement du district de Brčko, serait en contradiction avec la loi, en vertu de la décision finale, si ce transfert avait pour effet de réduire de façon significative la capacité du district de fonctionner en tant que gouvernement individuel, unitaire, multiethnique, démocratique pour Brčko.» En septembre 2007, les deux chambres du Parlement ont adopté des amendements et un addendum à la loi sur le Conseil des ministres qui établit le bureau du coordinateur du district comme organe permanent du Conseil des ministres.
107. Le 6 mai 2008, le superviseur de Brčko, Raffi Gregorian, a promulgué une ordonnance amendant le statut du district de Brčko. Par cette même ordonnance, il a également instauré de nouvelles règles de procédure pour l’Assemblée du district et une nouvelle loi électorale pour le district de Brčko, harmonisée avec le statut et la loi électorale de la Bosnie-Herzégovine récemment amendée. Le statut amendé instaure un mécanisme visant à prévenir la mise en minorité des peuples constitutifs au sein de l’assemblée et un système de vote plus efficace pour l’assemblée, et prévoit la représentation des minorités nationales par adjonction de deux sièges à l’assemblée.
108. Pour éviter la mise en minorité d’un peuple constitutif au sein du Parlement, les décisions sur certains sujets spécifiques nécessiteront désormais le vote positif d’au moins un tiers des conseillers de chaque peuple constitutif présent et votant. Ces sujets sont spécifiquement énumérés dans le statut et incluent les questions liées à la religion, à la culture, à l’éducation, à la langue, au budget, à l’urbanisme, aux fêtes nationales et aux monuments. Nous estimons que cette approche de la définition de l’intérêt national vital pourrait aussi servir utilement de modèle au niveau de l’Etat et à celui des entités.
109. Pour renforcer l’efficacité du processus décisionnel, le vote sur de nombreuses questions sera déterminé sur la base des conseillers présents et participant au vote, seules des absences justifiées étant susceptibles de retarder une décision sur des sujets soumis à la protection contre la mise en minorité. Ces dispositions encourageront les conseillers à assister aux sessions tout en minimisant les perspectives de blocage du processus décisionnel pour des raisons d’absentéisme ou de recours à l’abstention.
110. Pour que la supervision internationale prenne fin dans le district de Brčko, son statut unique doit cependant être reflété dans la Constitution, qui ne fait pour l’instant nullement mention de l’existence du district de Brčko puisqu’elle a été adoptée en annexe des Accords de paix de Dayton en 1995, alors que la décision définitive d’arbitrage ne l’a été qu’en 1999. Il est à noter que le terme de la supervision de Brčko est l’un des cinq objectifs énumérés dans la décision du PPP de février 2008, qui doivent impérativement être atteints avant d’envisager la fermeture du bureau du haut représentant. Il est donc dans l’intérêt de toutes les parties soucieuses de se passer du bureau du haut représentant de se mettre d’accord sur les amendements constitutionnels concernant le district de Brčko.

3.2.5. Difficultés rencontrées par la communauté internationale par rapport aux autres décisions – Décertification des officiers de police

111. Le problème est apparu avec l’établissement de la Force de police internationale (FPI) qui a été mandatée pour réorganiser les forces de police en Bosnie-Herzégovine de 1996 à 2002. La FPI a été créée en vertu de l’annexe 11 des Accords de paix de Dayton. Dans le cadre de son mandat, la FPI s’occupait de la vérification du statut des officiers de police en Bosnie-Herzégovine. Le processus comprenait plusieurs phases: effectuer des recherches exhaustives sur le passé de chaque officier de police, vérifier les antécédents judiciaires et les actes commis pendant la guerre, vérifier si les officiers de police occupaient de façon illégale une propriété, achever la formation dispensée par la FPI, contrôler la citoyenneté et les références éducatives. La FPI a établi des critères spécifiques de certification ou de décertification des officiers de police dans la «Politique 11-2002» (certification du personnel des agences d’application des lois) et la «Politique 10-2002» (suppression des autorisations et disqualifications provisoires du personnel des agences d’application des lois en Bosnie-Herzégovine).
112. Sur la base du processus de contrôle, en décembre 2007, 16 764 officiers de police ont reçu la certification; 687 se sont vu refuser la certification, 37 cas sont toujours en instance et 263 officiers de police ont contesté les décisions de la FPI. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a procédé à une enquête sur la question et a établi un rapport sur la question des officiers de police décertifiés en Bosnie-Herzégovine 
			(32) 
			CommDH(2007)2, 17 janvier
2007..
113. Le commissaire a conclu, en se fondant sur ses recherches et en prenant en considération l’avis de la Commission de Venise 
			(33) 
			«Avis sur une solution
éventuelle au problème de la décertification des officiers de police
en Bosnie-Herzégovine», Avis no 326/2004, octobre 2005., que le processus de décertification des officiers de police touchait à la question des droits de l’homme. En particulier, la possibilité pour les officiers de police de contester le bien-fondé des décisions de la FPI était très limitée dans la mesure où il n’existe pas de moyens de recours juridique appropriés. Le refus de la certification avait des conséquences sociales préjudiciables pour les individus dans la mesure où il s’agissait d’une décision à vie. Un grand nombre d’officiers de police décertifiés est toujours sans emploi. Le commissaire a examiné plusieurs autres solutions au problème avec les principales parties prenantes à Sarajevo. Cependant, il a estimé qu’il ne lui revenait pas concrètement de proposer une forme précise de solution. La décision sur cette question relève en dernier ressort du Conseil de sécurité des Nations Unies.
114. Le 30 avril 2007, la présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies a adressé une lettre aux autorités de la Bosnie-Herzégovine, faisant observer que les normes et les pratiques juridiques en matière de décertification des officiers de police se sont améliorées. Dans ce contexte, le Conseil de sécurité des Nations Unies a estimé que les personnes auxquelles la certification avait été refusée par la FPI avaient la possibilité de déposer une candidature pour un nouvel emploi auprès des agences d’application des lois de Bosnie-Herzégovine, à condition que les dispositions stipulées dans la loi d’Etat sur les officiers de police soient pleinement respectées. Cette mesure donnerait de facto la possibilité à certaines personnes d’être à nouveau recrutées par les agences d’application des lois. Cependant, le Conseil de sécurité a également déclaré que cette procédure ne pourrait être mise en œuvre que si la loi au niveau des entités, et le cas échéant au niveau cantonal, était harmonisée avec la loi de l’Etat sur les officiers de police. A notre connaissance, cela n’est pas encore fait à ce jour.
115. De plus, nous constatons que le Conseil de sécurité des Nations Unies n’a pas donné suite à plusieurs appels des autorités bosniennes et du haut représentant en vue de mettre en place un mécanisme de révision des décisions prises antérieurement, privant ainsi des officiers de police du droit à un recours juridique. L’absence de tout processus juridique de révision serait incompatible avec les principes de démocratie, d’Etat de droit et de respect des droits de l’homme tels qu’énoncés par la Commission de Venise dans son avis. Il est vrai que les amendements proposés à la loi dans la lettre de la présidence du Conseil de sécurité pourraient en principe donner une chance de réintégration à certains des officiers. Cependant, ils devront se soumettre de nouveau à un processus de recrutement, ce qui les placerait dans une position inéquitable par rapport à d’autres officiers déjà en fonction.
116. Nous rejoignons l’analyse du Commissaire aux droits de l’homme et les recommandations de la Commission de Venise. Nous exhortons le Conseil de sécurité des Nations Unies à collaborer avec les autorités de Bosnie-Herzégovine en vue de trouver une solution appropriée à ce problème, dans le respect des principes de démocratie, de prééminence du droit et de droits de l’homme. Dans l’intervalle, nous espérons que les autorités du pays prendront les mesures législatives appropriées pour harmoniser la législation sur le recrutement du personnel des agences d’application des lois. A ce jour, il reste à faire de même au niveau de l’Etat (où une loi amendant la loi sur les fonctionnaires a été adoptée en première lecture en juin 2008, après une grève de la faim menée par des officiers de police décertifiés), au niveau de la RS et du canton 10.

3.3. Réforme de la défense

117. Conformément à la liste des engagements contractés par la Bosnie-Herzégovine lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, le pays doit «adopter, dans un délai de trois ans suivant son adhésion, des lois sur l’objection de conscience et le service de remplacement». Cet engagement, nous sommes heureux de l’indiquer, n’est plus pertinent parce que la conscription a été abolie grâce à la réforme exhaustive de la défense pilotée par le haut représentant.
118. Le 18 juillet 2005, les membres de la Commission de réforme de la défense de la Bosnie-Herzégovine 
			(34) 
			La CRD est un organe
créé par le haut représentant en 2004. ont signé une déclaration indiquant que le projet de loi sur la défense et le projet de loi sur le service dans les forces armées répondraient aux exigences du mandat de la commission. Ces lois prévoient une armée unifiée pour la Bosnie-Herzégovine dans le cadre d’un budget unique pour 2006, l’abolition de la conscription et l’abrogation des ministères de la Défense des entités.
119. Le 30 août 2005, l’Assemblée nationale de la RS a approuvé le transfert constitutionnel des autorités de la défense au niveau de l’Etat avec le soutien des principaux partis politiques basés en RS, notamment le Parti démocratique serbe (SDS) prédominant, avec un vote positif de 61 députés sur les 74 présents. Ce transfert constitutionnel décisif de l’autorité a fourni la base constitutionnelle pour l’adoption du programme législatif de la défense au niveau de l’Etat, programme développé par la Commission de réforme de la défense. De même, le Gouvernement de la FB-H a approuvé des amendements constitutionnels à sa session de septembre 2005.
120. La Chambre des représentants de la Bosnie-Herzégovine (niveau de l’Etat) a ensuite adopté, le 30 septembre 2005, un programme législatif de réforme de la défense qui a finalement unifié la structure de la défense du pays dans un cadre unique au niveau de l’Etat. La Chambre des peuples du Parlement a également approuvé le programme le 5 octobre 2005. L’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine est l’avancée politico-militaire la plus significative de l’histoire du pays depuis la signature des Accords de paix de Dayton. La législation comprend deux lois: la loi sur la défense et la loi sur le service dans les forces armées. Ces deux lois fournissent le cadre législatif nécessaire au niveau de l’Etat et régissent la création d’une force militaire professionnelle unique, organisée et contrôlée par l’Etat de Bosnie-Herzégovine.
121. La loi sur la défense de la Bosnie-Herzégovine qui a été adoptée et est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 annule la précédente loi sur la défense (adoptée à la fin de 2003 dans le cadre du premier mandat de la Commission de réforme de la défense). La nouvelle loi régit également l’autorité et les fonctions du ministère de la Défense de la Bosnie-Herzégovine (MdDB-H) et des Forces armées de la Bosnie-Herzégovine (FAB-H). La loi prévoit d’importantes modifications, notamment: la dissolution des ministères de la Défense et des armées des entités; l’abolition du service militaire général obligatoire (conscription et réserves passives); la création d’un budget unique de la défense au niveau de l’Etat; le contrôle parlementaire total sur les FAB-H par l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine; la création de trois brigades opérationnelles multiethniques et la formation de trois régiments d’infanterie. La deuxième loi, la loi sur le service dans les forces armées de la Bosnie-Herzégovine, reflète les rôles administratifs accrus du MdDB-H et des FAB-H. Elle précise les principes de la relation Etat-armée qui est le ciment d’une force armée professionnelle pour le pays, notamment des obligations contractuelles telles que les modalités de services, les salaires, les autres droits et indemnités de services.
122. Le 14 février 2007, le Conseil des ministres a adopté une des mesures en suspens pour achever la réforme de la défense, à savoir l’accord sur le transfert définitif de tous les droits et obligations sur les biens mobiliers qui continueront à servir des objectifs de la défense (l’Accord de transfert), et a autorisé le président du Conseil des ministres, Nikola Spiric, à le signer. Le Gouvernement de la FB-H a également adopté l’Accord de transfert. Il est prévu que le Gouvernement de la RS examine sous peu cet accord, mais cet examen risque d’être retardé à cause de l’intérêt que la RS porte actuellement aux événements du Kosovo.
123. La réussite de la réforme de la défense a débouché sur l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au Partenariat pour la paix de l’OTAN en novembre 2006. Nous adressons nos félicitations aux autorités pour ce succès majeur. Soulignons que la Bosnie-Herzégovine envoie également des soldats en Afghanistan et en Irak.

3.4. Autonomie locale

124. La réforme sur l’autonomie locale dans les deux entités n’a pas aussi bien progressé qu’elle le devrait. Le cadre institutionnel global de la Bosnie-Herzégovine complique la poursuite de la réforme de décentralisation dans la mesure où la législation de base sur l’autonomie locale relève de la compétence des entités en RS et de la compétence des cantons en FB-H. La RS a adopté une nouvelle loi sur l’autonomie locale en avril 2004, en étroite collaboration avec le Conseil de l’Europe. La loi a été ensuite révisée en 2007, mais elle ne remplit pas un certain nombre d’exigences de la Charte européenne de l’autonomie locale.
125. En FB-H, la proposition d’amender la Constitution dans le but de transférer au niveau de la fédération les compétences relatives à la réglementation de l’autonomie locale, initiée en 2005, n’a pas obtenu une majorité suffisante. Cependant, une loi sur les principes de l’autonomie locale a été adoptée en 2006 au niveau de la fédération, énonçant ainsi un certain nombre de règles fondamentales sur la base desquelles la décentralisation devrait se développer dans les cantons. Cependant, l’adoption de cette loi fondamentale ne constitue que le début du processus. Il conviendrait que des lois spécifiques sur l’autonomie locale soient adoptées par les cantons et des lois-cadres cantonales devraient garantir la délégation effective des responsabilités sectorielles. De façon analogue, il importe que la décentralisation fiscale soit davantage renforcée aussi bien en RS que dans la FB-H pour donner aux autorités locales les moyens effectifs d’exercer leurs compétences. La question des biens de l’administration locale n’a pas encore été résolue non plus.
126. Le fonctionnement efficace de l’autonomie locale nécessiterait, à moyen terme, un degré d’harmonisation des lois fondamentales et sectorielles en RS, dans la FB-H et dans les cantons, afin d’établir une base pour une collaboration croisée des municipalités entre les entités dans la fourniture des services. Bien entendu, il serait plus aisé de mettre en œuvre cette harmonisation dans le cadre d’une vaste réforme constitutionnelle au niveau de l’Etat. La réforme constitutionnelle devrait être suivie par l’adoption d’une loi-cadre sur l’autonomie locale au niveau de l’Etat afin de définir les principes fondamentaux de l’autonomie locale que les entités devront par la suite mettre en œuvre. Cependant, en attendant la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle, nous espérons que les autorités des deux entités et des cantons travailleront en étroite collaboration pour harmoniser la loi sur l’administration locale afin d’édifier une démocratie locale solide et effective en Bosnie-Herzégovine.
127. Concernant la situation de Mostar, aucun développement majeur n’est intervenu depuis nos précédents rapports. L’unification administrative des autorités de la ville se poursuit, avec une certaine lenteur cependant.

4. Etat de droit

4.1. Lutte contre la corruption

128. Selon Transparency International, la Bosnie-Herzégovine occupait la 84e place du classement de l’IPC (Indice de perception de la corruption) en 2007. La corruption est omniprésente dans tout le pays et les hommes politiques sont largement soupçonnés par le public d’être les plus corrompus. Malgré la création en 2005, dans le tribunal d’Etat, d’un département spécial chargé de la corruption et de la criminalité organisée, cette perception n’a guère évolué. Les affaires de corruption de haut vol illustrent parfaitement le degré de perception général de la corruption politique dans le pays (visant plus particulièrement Momčilo Mandić, le Premier ministre de la Justice de la RS, durant la guerre, l’ancien membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, Ante Jelavić, l’ancien membre croate de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, Dragan Covic, ou encore Mladen Ivanic, ex-ministre des Affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine). Nous enjoignons les autorités d’intensifier leurs efforts afin de lutter contre la corruption des hommes politiques.
129. Cela étant, la Bosnie-Herzégovine coopère activement avec le Groupe d’Etats contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO). Le deuxième rapport d’évaluation sur la Bosnie-Herzégovine a été adopté par le GRECO le 8 décembre 2006 
			(35) 
			Rapport d’évaluation
II du GRECO (2005) 8E, 8 décembre 2006.. Ce rapport s’est focalisé sur les produits de la corruption, l’administration publique et la corruption, et les entités morales et la corruption. Le GRECO a conclu que la Bosnie-Herzégovine était en train d’apporter des modifications fondamentales à ses lois pénales et à l’organisation des systèmes judiciaires et du ministère public. Cependant, la mise en œuvre du nouveau cadre juridique requiert une meilleure coordination entre les différentes agences pour déceler, rechercher et poursuivre les auteurs d’actes de corruption. La nécessité de former le personnel a également été soulignée.
130. En ce qui concerne l’administration publique, le GRECO a salué l’adoption, en 2006, de la Stratégie de lutte contre la criminalité organisée et la corruption, mais a fait observer que le succès de cette stratégie dépendrait de la mise en place d’un organe indépendant de lutte contre la corruption chargé de superviser la stratégie.
131. Au plan pratique, le GRECO a adressé un certain nombre de recommandations spécifiques aux autorités de la Bosnie-Herzégovine et leur a demandé de fournir, au plus tard le 30 juin 2008, un rapport sur les mesures prises. Nous invitons les autorités du pays à poursuivre la mise en œuvre des recommandations du GRECO dans le but de soumettre un rapport satisfaisant. Nous reviendrons sur la mise en œuvre de ces recommandations dans nos rapports futurs dès que le GRECO aura procédé à son évaluation.

4.2. Fonctionnement du système judiciaire

132. «Poursuivre les réformes permettant la mise en place d’un système judiciaire et d’un ministère public professionnel et indépendant» était un engagement contracté lors de l’adhésion (paragraphe 15.v.g de l’Avis no 234 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe).
133. En novembre 2002, le bureau du haut représentant a promulgué un décret aux termes duquel tous les juges et procureurs poseraient de nouveau une candidature pour leur poste. Ce décret ne faisait pas d’exception pour les juges qui avaient obtenu la promesse d’inamovibilité après avoir réussi antérieurement, en 2000, un examen exhaustif. Les hauts conseils judiciaires et du ministère public (HCJMP), les organes provisoires existants aux niveaux de l’Etat et des entités, comportant du personnel international, ont été chargés de ce processus de redésignation, à l’échelon du pays, pour tous les postes des tribunaux de première et de deuxième instance 
			(36) 
			Les juges de la Cour
suprême et de la Cour constitutionnelle sont élus et non désignés. aux niveaux des entités et de l’Etat. A la fin de 2004, les 260 procureurs à tous les niveaux du système judiciaire et les 646 juges avaient tous été sélectionnés, interviewés et nommés.
134. En novembre 2002, le haut représentant avait également imposé une restructuration complète du système des tribunaux en Bosnie-Herzégovine, avec la fermeture ou la consolidation des tribunaux dans l’ensemble des deux entités, dans le but de mettre en place un système judiciaire plus efficace et plus responsable; il a également amendé les lois établissant des centres de formation judiciaire pour les rendre opérationnelles et améliorer les prestations en matière de formation, si nécessaire, à l’intention des juges et des procureurs dans l’ensemble de la Bosnie-Herzégovine.
135. La mise en place d’un Haut Conseil judiciaire et du ministère public unique au niveau de l’Etat – nécessitant une délégation des compétences des entités à l’Etat – a été une autre étape importante, dans la mesure où cet organe est, en définitive, responsable de l’audition des procédures disciplinaires contre les juges et les procureurs, et de toute nomination en cas de vacance judiciaire. Il a été mis en place en juin 2004. Il s’agit d’une réalisation majeure, notamment parce que, depuis sa création, malgré les problèmes initiaux de démarrage, cet organe a fait preuve d’un grand engagement professionnel.
136. Dans notre rapport de 2004, nous avions salué ce processus combiné de restructuration et de nomination des juges et des procureurs, qui peut être qualifié de remaniement le plus ambitieux et radical jamais effectué dans un système judiciaire postcommuniste; cependant, nous déplorons que toute la réforme visant à établir un système judiciaire indépendant, qualifié et professionnel, ait été l’œuvre du haut représentant.
137. Par conséquent, nous n’étions pas réellement surpris, au cours de notre visite en septembre 2007, d’entendre des critiques plutôt sévères sur le fonctionnement du système judiciaire. Nous avons appris que la coopération entre la police et les procureurs est médiocre, les tribunaux des districts et des cantons ne sont pas suffisamment pourvus en personnel et sont sous-équipés, et les dossiers en souffrance ont atteint un nombre alarmant. En effet, l’on décompte plus de 1,9 million d’affaires en instance devant les tribunaux, dont près de 160 000 affaires pénales. Le tribunal cantonal à Sarajevo, par exemple, croule actuellement sous 80 000 affaires de factures impayées aux services publics. L’application des décisions des tribunaux a été également signalée comme un problème majeur, à tous les niveaux de la juridiction.
138. Dans le domaine de la justice pénale, au début de 2003, de nouveaux Codes de procédure pénale ont été introduits aux niveaux de l’Etat et des entités en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la législation exhaustive initiée par le haut représentant dans le but de réformer le système de la justice pénale. Le nouveau Code de procédure pénale a fondamentalement transformé les procédures régissant les enquêtes criminelles et l’administration de la justice dans les tribunaux. Parmi les changements les plus significatifs, on peut noter la suppression du poste du juge d’investigation, l’adoption de nouvelles procédures, à savoir la procédure accusatoire dans les procès et la transaction pénale.
139. Au niveau de l’Etat, de nouvelles institutions sont dotées des compétences et des attributions nécessaires pour réviser les lois, proposer des amendements, fournir une formation professionnelle et superviser l’administration des tribunaux. Deux des institutions les plus importantes sont l’Equipe d’évaluation et d’application du Code pénal (EEACP), créée au sein du ministère de la Justice de la Bosnie-Herzégovine, et les centres de formation du personnel du système judiciaire et du ministère public.
140. Nous avons été informés de la persistance de problèmes en ce qui concerne la mise en œuvre par les entités des normes procédurales, telles que la loi sur la limitation des poursuites pour des crimes de guerre et des cas de jurisprudences divergentes. Manifestement, il est nécessaire de mettre en place une cour suprême au niveau de l’Etat qui réviserait les décisions des cours suprêmes des entités pour fournir des orientations et garantir la cohérence.
141. Il importe également de déployer des efforts importants à l’égard de la réforme des prisons: l’existence actuelle de 14 administrations pénitentiaires dans le pays, l’absence de prison au niveau de l’Etat, la rareté des infrastructures pour les jeunes délinquants ou les auteurs d’infractions atteints de troubles mentaux, et le besoin pressant de rénover la plupart des prisons indiquent clairement la nécessité d’adopter une stratégie majeure de réforme des prisons.

4.3. Retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays

142. Le retour de plus d’un million de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDiP) en Bosnie-Herzégovine, dont quelque 450 000 dits «retours de minorités», est souvent salué comme l’un des succès majeurs des Accords de paix de Dayton. Cependant, la réalité semble légèrement différente. L’on dispose rarement de chiffres précis concernant les retours de réfugiés en Bosnie-Herzégovine, en particulier parce que les autorités locales présentent les chiffres de façon erronée ou les gonflent dans le but d’obtenir des subventions supplémentaires. De plus, plus de dix ans après la guerre, et malgré la mise en application des lois sur la restitution des propriétés à leurs occupants, locataires et propriétaires d’avant-guerre et le règlement des questions de récupération des biens, le nombre des personnes qui sont revenues dans la région est aujourd’hui très faible. La vaste majorité d’entre elles sont des personnes âgées ou des retraités, et beaucoup reçoivent des pensions ou des indemnités en tant que personnes handicapées ou vétérans de guerre de la FB-H. En RS, les retours «ponctuels» sont manifestement plus courants que les retours durables, permanents.
143. Les retours «réels» ont généralement lieu dans ou près des centres urbains où l’infrastructure et les opportunités économiques sont plus accessibles. Cependant, l’absence de perspectives économiques n’est pas le seul frein au retour. Les indemnités de pension, de santé et les prestations sociales, plus élevées dans la FB-H qu’en RS, sont des facteurs décourageants pour certaines personnes qui veulent revenir dans la région. L’accès à l’électricité reste un problème également, ainsi que l’accès à d’autres services de base, par exemple l’approvisionnement en eau, le réseau routier, etc. En revanche, la sécurité s’est accrue et les incidents dans le cadre des retours deviennent moins fréquents et, lorsqu’ils se produisent, les agences d’application des lois sont plus diligentes pour procéder à des enquêtes et introduire des actions pénales. Pour soutenir davantage les retours durables, nous invitons les autorités à intensifier leurs efforts pour reconstruire les infrastructures utilitaires dans les régions détruites par la guerre et pour fournir des opportunités d’emploi aux personnes qui reviennent.

4.4. Poursuite des crimes de guerre

144. Après la reprise officielle de «l’Unité des règles de route» du TPIY par le bureau du procureur général de la Bosnie-Herzégovine, le Collège des procureurs a adopté, le 28 décembre 2004, le «Manuel des règles pour la révision des affaires de crimes de guerre». Ce document permet de façon effective au bureau du procureur général de la Bosnie-Herzégovine de procéder à un examen des affaires et de sélectionner celles qui doivent être poursuivies au niveau de l’Etat. En tant que telles, seules les affaires de crimes de guerre très délicates (telles que définies sur la base de la nature du crime, du poste occupé par l’auteur au moment du crime ou actuellement, et d’autres faits, tels que l’intimidation éventuelle des témoins) seront jugées par le tribunal d’Etat de la Bosnie-Herzégovine tandis que les autres seront portées devant les tribunaux des entités.
145. L’ensemble des lois régissant le transfert des dossiers du TPIY au procureur général et la mise en place d’une Chambre des crimes de guerre au sein du tribunal d’Etat ont pris effet le 6 janvier 2005. Le 9 mars, la chambre et un département spécial chargé des crimes de guerre du bureau du procureur ont ouvert leurs portes. La Bosnie-Herzégovine est donc devenue la première des ex-républiques yougoslaves à se doter des outils nécessaires pour poursuivre les affaires approuvées par le TPIY.
146. Le 1er juillet 2005, le tribunal d’Etat de la Bosnie-Herzégovine, créé depuis six mois, a prononcé son premier verdict dans une affaire de crimes de guerre, et a condamné Abdulrahim Maktouf, un citoyen bosnien d’origine irakienne, à purger une peine d’emprisonnement de cinq ans au motif qu’il avait aidé des membres de l’unité d’Al-Mujahid à enlever trois civils croates dans la région de la Bosnie centrale pendant la guerre.
147. Le procès de génocide contre l’ancien officier serbe bosnien MiloradTrbic a été ouvert en novembre 2005 en Bosnie-Herzégovine. Trbic était commandant adjoint de la sécurité de la brigade Zvornik de l’armée serbe bosnienne en juillet 1995. Il est accusé d’avoir personnellement exécuté 55 musulmans et supervisé la tuerie de plus de 7 000 autres après que l’enclave de Srebrenica sous protection des Nations Unies fut tombée entre les mains des forces serbes. Le tribunal pour crimes de guerre des Nations Unies à La Haye, le TPIY, a transmis le dossier aux tribunaux de la Bosnie-Herzégovine en juin, signe de la confiance grandissante dans le système judiciaire et dans sa capacité à juger des crimes de guerre. Plus tôt, au cours de l’année, le TPIY a ouvert des procès contre 11 anciens membres des Forces de la police spéciale de la RS.
148. Le 1er septembre 2005, la Chambre des appels du TPIY a confirmé la décision de transmettre, en application de sa Règle 11 bis 
			(37) 
			La Règle 11 bis fait référence aux affaires
dans lesquelles un chef d’accusation a été confirmé, mais pour lesquelles le
procès n’a pas encore commencé. Elle permet à un jury de référence
du TPIY de transférer ces affaires aux juridictions nationales,
de son propre chef, ou à la demande du procureur. du règlement de procédure, au tribunal de la Bosnie-Herzégovine le dossier de l’affaire Radovan Stanković. C’est la première fois que le TPIY transmet un de ses actes d’accusation à une juridiction nationale. Stanković était mis en examen pour crimes contre l’humanité et violation des lois ou des principes de guerre et a été condamné à vingt ans d’emprisonnement qu’il était censé purger à la prison de Foca (RS). Cependant, il a réussi à s’échapper le 25 mai 2007 pendant son transfert à l’hôpital pour des soins, et l’on pense qu’il se cache actuellement en Serbie d’où il ne peut pas être extradé.
149. Nous saluons le travail accompli à ce jour par la Chambre des crimes de guerre du tribunal d’Etat. Il est également encourageant de constater que d’ici à 2009, son budget ne sera plus financé par les donateurs régionaux, mais par l’Etat de Bosnie-Herzégovine. Nous espérons qu’à terme il ne sera plus nécessaire que des juges et des procureurs étrangers exercent dans le tribunal d’Etat. Néanmoins, nous nous interrogeons sur la capacité à long terme de ce tribunal, ainsi que des tribunaux des districts et des cantons, à enquêter et à poursuivre de façon efficiente les crimes de guerre. Nous avons été informés qu’il y a encore près de 13 000 personnes qui pourraient être mises en examen pour des crimes commis pendant la guerre. A mesure que le temps passe et que les capacités ne sont pas renforcées, un grand nombre de criminels de guerre risquent de ne jamais être poursuivis par la justice. Il importe donc d’adopter une stratégie au niveau de l’Etat pour établir des priorités en ce qui concerne les affaires à traiter.
150. Nous sommes également préoccupés par le fait que les tribunaux des entités et de l’Etat recourent à des codes pénaux différents lorsqu’ils sont amenés à juger des affaires de crimes de guerre. Alors que le tribunal d’Etat applique le Code pénal de 2003 de la Bosnie-Herzégovine, les tribunaux de la Republika Srpska, du district de Brčko et de la FB-H continuent de se référer au Code pénal de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, en vigueur durant la guerre. Plusieurs tribunaux de la fédération ont également recouru au Code pénal de la fédération, qui date de 1998. Cela ne va pas sans poser problème dans la mesure où les codes ne prévoient pas les mêmes peines, et diffèrent quant à la définition de ce qu’est un crime de guerre. Une cour suprême de l’Etat pourrait aider à l’unification de la pratique judiciaire des tribunaux des entités. Dans l’intervalle, nous appelons les autorités judiciaires de la Republika Srpska, du district de Brčko et de la FB-H à appliquer le Code pénal de Bosnie-Herzégovine dans leurs poursuites pour crimes de guerre afin d’établir une pratique judiciaire cohérente dans ces affaires.

4.4.1. Arrestations et capitulations

151. En cinq jours, à la fin de février 2005, deux généraux de l’armée de la Republika Srpska de la période de guerre, Milan Gvero et Radivoje Miletić, et le commandant, de 1993 à 1996, de l’armée de la «république de Bosnie-Herzégovine», Rasim Delić, se sont rendus au TPIY. Gvero et Miletić sont accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés dans les enclaves bosniaques de Srebrenica et de Žepa. Pour sa part, Delić est mis en examen pour des accusations liées au meurtre de plusieurs douzaines de soldats croates et serbes de la Bosnie-Herzégovine commis par des combattants islamiques étrangers qui avaient incorporé l’armée de Bosnie-Herzégovine. Ces accusés seront parmi les derniers à être jugés à La Haye. Comme l’a annoncé le haut représentant le 25 février, le TPIY commencera bientôt à transférer les actes d’accusation de crimes de guerre à la Chambre des crimes de guerre du tribunal d’Etat de la Bosnie-Herzégovine.
152. Le 26 août 2005, le Gouvernement de la RS a émis des garanties pour la libération temporaire de Stanislav Galić, détenu à La Haye, en attendant son appel auprès du TPIY. Galić, un ancien général de l’armée de la RS, a été condamné par le TPIY le 5 décembre 2003 pour son rôle de commandement dans les tirs d’artillerie et les bombardements délibérés contre la population civile de Sarajevo au cours de la période 1992-1994. Le Gouvernement de la RS a pris un engagement par rapport aux décisions du TPIY et suivra ses déplacements. Il semble, mais sans confirmation officielle, que le Gouvernement de la RS ait participé à l’arrestation, le 25 août 2005, de Dragan Zelenović en Sibérie occidentale (Russie). Zelenović, un commandant adjoint de la police militaire de Foča pendant la période de guerre et dirigeant de la formation paramilitaire serbe à Foča, est accusé par le TPIY d’avoir commis des crimes de guerre (actes de torture et viols perpétrés sur la population civile) à Foča entre avril 1992 et février 1993.
153. Le 31 mai 2007, l’ex-général Zdravko Tolimir, mis en examen par le TPIY, a été arrêté par la police de la RS à Bratunac, près de la frontière avec la Serbie. En juin 2008, Stojan Župljanin, ancien chef de la police de Banja Luka durant la guerre, a été arrêté près de Belgrade, en Serbie, par les services de la police spéciale serbe. Radovan Karadžić, ancien Président de la Republika Srpska durant la guerre, a été arrêté en juillet 2008 à Belgrade. Pour l’heure, seuls Mladić et Hadžić n’ont pas encore été arrêtés et transférés à La Haye. Nous saluons les progrès réalisés par les pays de la région en déférant devant la justice les personnes accusées par le TPIY. Nous exhortons les autorités de Bosnie-Herzégovine à poursuivre leur coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et avec leurs partenaires dans la région afin d’arrêter et remettre au tribunal de La Haye les accusés encore en liberté.

4.4.2. Le verdict de la Cour internationale de justice

154. Le 26 février 2007, la Cour internationale de justice (CIJ) a prononcé son verdict longtemps attendu sur l’affaire de crime de génocide initiée par la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie et le Monténégro. La CIJ a jugé qu’il y a eu des actes de génocide à Srebrenica, mais que la Serbie n’était pas responsable de ce génocide. Cependant, elle a conclu que la Serbie a violé les obligations de la Convention des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de génocide, en n’agissant ni pour prévenir le génocide ni pour traduire les auteurs en justice.
155. La décision de la CIJ a conduit la municipalité de Srebrenica à solliciter des mesures visant à tirer les conséquences du verdict. Dans la région, les dirigeants bosniaques ont menacé d’organiser un exode de masse; la municipalité a adopté une résolution requérant un statut spécial, qui a été suivie de déclarations de soutien du SBiH, du SDA et du SDP. Le Gouvernement de la RS a réagi à ces différentes initiatives en prenant la décision de faire de Srebrenica une zone de «signification économique et sociale» et a promis d’apporter des fonds gouvernementaux.
156. Le 3 mai 2007, le haut représentant a désigné Clifford Bond, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Bosnie-Herzégovine, pour être son «envoyé spécial dans la région de Srebrenica». La nomination de Bond a été suivie de celle d’Igor Davidovic, négociateur en chef de l’Accord de stabilisation et d’association à la présidence du comité de coordination de Srebrenica, par le Conseil des ministres. Aujourd’hui, ce comité de coordination a commencé à travailler en grande partie sur la base du rapport du Groupe d’évaluation de la communauté internationale qui avait été coordonné par le bureau du haut représentant, même si toutes les recommandations internationales n’ont pas été soutenues par les dirigeants de la RS, notamment celles concernant l’avenir de la Fondation Srebrenica-Potocari Memorial et la proposition de faire du 11 juillet, date anniversaire de la chute de Srebrenica en 1995, une journée de deuil national.

4.5. Personnes disparues

157. Près de 13 500 personnes sont encore déclarées disparues en Bosnie-Herzégovine. Les fosses communes, notamment des fosses communes secondaires, voire tertiaires, sont encore régulièrement découvertes.

4.5.1. Travaux avec l’Institut des personnes disparues

158. Dans notre dernier rapport, nous avons salué l’élaboration de la loi de la Bosnie-Herzégovine sur les personnes disparues. Cette loi a été adoptée en octobre 2004, et un Institut des personnes disparues a été par la suite établi pour améliorer le processus de recherche des personnes disparues et accélérer l’identification dépouilles. Cet institut a été cofinancé par le Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine et la Commission internationale pour les personnes disparues. Nous relevons la lenteur avec laquelle les commissions des personnes disparues de la FB-H et de la RS délèguent leurs fonctions à l’Institut national des personnes disparues. Ce n’est qu’en juin 2007 que le Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine a nommé cinq membres au comité directeur de l’Institut national des personnes disparues. Nous encourageons les autorités à continuer de soutenir cet institut afin d’achever le processus de son institutionnalisation.

4.5.2. L’affaire Palić

159. Le colonel Avdo Palić, de l’ancienne armée de la Bosnie-Herzégovine, a disparu en juillet 1995; il aurait été emmené de force par des soldats de l’armée serbe bosnienne à Žepa, zone de protection des forces des Nations Unies. Il s’y était rendu pour négocier l’évacuation des civils de la ville qui avait été encerclée par l’armée serbe bosnienne. Depuis ce jour, on ne dispose d’aucune information, ni sur son sort ni sur le lieu où il se trouve.
160. En 2001, la Chambre des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine a ordonné aux autorités de la RS d’effectuer des recherches approfondies sur le sort du colonel Avdo Palić depuis la date de sa disparition. Cependant, aucun progrès n’a été réalisé dans les enquêtes. La Commission Palić a été constituée ultérieurement, en janvier 2006; la Commission des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine a constaté que les autorités de la RS «n’avaient pas réussi à fournir des informations adéquates pour établir les faits de la “disparition” du colonel Avdo Palić après la chute de Žepa».
161. Le rapport de la Commission Palić, présenté en avril 2006, semblait initialement contenir des informations importantes sur le sort d’Avdo Palić, notamment le lieu où se trouvait son corps. Cependant, ces informations n’ont pas débouché sur des progrès significatifs, que ce soit sur l’emplacement du corps pour permettre de l’exhumer ou au niveau des enquêtes pénales sur la disparition.
162. En décembre 2006, la Commission Palić a été réactivée, et, selon les informations obtenues, le cabinet du Premier ministre de la RS s’est engagé à apporter l’assistance nécessaire pour permettre à la commission d’achever définitivement son enquête, et de fournir des informations sur le sort et le lieu où se trouverait Avdo Palić. Cependant, à ce jour, cette enquête ne donne pas de résultats tangibles, et la veuve, Esma Palić, a saisi la Cour européenne des droits de l’homme de la question.

4.5.3. Coopération régionale pour les crimes de guerre

163. Dans un effort visant à améliorer la coopération inter-Etats entre la Croatie, la Serbie et le Monténégro, et la Bosnie-Herzégovine dans les procès de crimes de guerre, un certain nombre de réunions d’experts ont été organisées au niveau régional depuis 2005. L’objectif de ces réunions, collectivement dénommées «Processus de Palić», du nom de la ville de Serbie où s’est déroulée la première, est de promouvoir le dialogue inter-Etats et de contribuer ainsi à résoudre les problèmes spécifiques rencontrés par les spécialistes dans les affaires passées et en cours. Les participants ont reconnu qu’il était important que soit ratifié le 2e Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE no 182, 2001). Ce traité du Conseil de l’Europe fournira un éventail de lignes directrices harmonisées pour l’audition des témoins par l’utilisation de dispositifs de vidéoconférence. Malgré les difficultés à obtenir la participation de témoins qui vivent ailleurs, le protocole a été signé par la Croatie et la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine; aucun des pays ne l’a ratifié à l’exception de la Bosnie-Herzégovine.

4.5.4. Commission «Vérité et réconciliation»

164. Trois tentatives ont été faites pour contribuer à la réconciliation par l’établissement d’une commission Vérité et réconciliation. La première initiative pour créer cette commission a été lancée en 1997, seulement deux ans après la fin de la guerre, par un institut américain, l’USIP (United States Institute of Peace). A l’époque, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a rejeté cette initiative; le TPIY estimait que le chevauchement de la juridiction des deux institutions au niveau de l’enregistrement des témoignages, de la collecte des preuves et de l’interaction avec les témoins et les auteurs présumés de crimes pourrait entraver les travaux du tribunal.
165. En mai 2001, une conférence internationale de haut niveau sur la question a été organisée à Sarajevo par une organisation non gouvernementale, l’«Association des citoyens pour la vérité et la réconciliation», et a été dirigée par M. Jakob Finci, un éminent membre de la communauté juive locale. Cette ONG avait même élaboré un projet de loi sur la commission Vérité et réconciliation. Aujourd’hui, cette commission a obtenu le soutien du TPIY, mais à condition qu’elle ne s’ingère pas dans les «enquêtes de violation massive des droits de l’homme» et qu’elle limite ses activités aux questions de réconciliation. Cette initiative n’a pas abouti.
166. La nécessité d’une vérité unique et communément acceptée sur ce qui s’est produit pendant le conflit armé en Bosnie-Herzégovine a de nouveau déclenché, à la fin de 2005, des initiatives pour trouver une autre voie que celle des poursuites pénales pour les crimes de guerre. A cette fin, plusieurs organisations – l’USIP, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et un groupe d’éminents citoyens locaux – ont travaillé sur le plan législatif pour établir une commission «Vérité». En conséquence, un groupe de travail de huit représentants des principaux partis politiques s’est réuni pour élaborer une loi portant sur la création d’une commission Vérité en mars 2006. Après l’échec du programme de la réforme constitutionnelle en avril 2006 et compte tenu du climat politique préélectoral et des dissensions en résultant en 2006, l’initiative a été à nouveau ajournée.
167. Dans les années à venir, il sera crucial de développer la capacité de la Bosnie-Herzégovine à renforcer la poursuite des crimes de guerre. Pour ce faire, il importera de soutenir le renforcement des capacités des tribunaux de rang inférieur (niveaux cantonal et de district), notamment par des programmes de services aux groupes défavorisés et aux victimes.

5. Respect des droits de l’homme

5.1. Fusion des institutions des médiateurs des droits de l’homme

168. 168. L’Accord de paix de Dayton de 1995 
			(38) 
			L’institution
du médiateur des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine a été
créée par la Constitution de la Bosnie-Herzégovine aux termes de
l’annexe 4 de l’Accord-cadre général sur la paix en Bosnie-Herzégovine
du 14 décembre 1995, et ensuite régie par l’annexe 6 de cet accord. en Bosnie-Herzégovine a mis en place un bureau du médiateur des droits de l’homme et a octroyé à l’OSCE la responsabilité de désigner le premier médiateur pour un mandat non renouvelable de cinq ans. Le 3 janvier 2001, la loi sur le médiateur des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine est entrée en vigueur à la suite d’une décision du haut représentant. Le 25 juin et le 3 juillet 2002, cette loi a été entérinée par les deux chambres du parlement de la Bosnie-Herzégovine, jetant les bases de l’établissement d’une institution du médiateur sous la pleine responsabilité nationale. Cette nouvelle institution nationale a néanmoins été financée par la communauté internationale, et la loi prévoyait que, pour une période provisoire prenant fin le 31 décembre 2003, le médiateur ne serait pas un citoyen bosnien.
169. Le médiateur international au niveau de l’Etat a été remplacé le 1er janvier 2004 par trois ressortissants bosniens, conformément aux dispositions pertinentes de la loi. Ces trois médiateurs, dont la nomination a été proposée par la présidence de la Bosnie-Herzégovine, ont été élus 
			(39) 
			L’un
des trois médiateurs a démissionné le 19 janvier 2004, deux semaines
à peine après avoir pris ses fonctions. Le nouveau membre serbe,
Vitomir Popovic, a été nommé à la fin du mois de février 2004. par les deux chambres de la Bosnie-Herzégovine: la Chambre des représentants, le 27 novembre 2003, et la Chambre des peuples, le 28 novembre. L’engagement d’œuvrer «dans le sens de l’établissement d’un médiateur multiethnique» au niveau de l’Etat a donc été honoré par le pays.
170. Des institutions du médiateur existaient cependant au niveau des entités 
			(40) 
			Le
médiateur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine exerce depuis janvier
1995. Le médiateur de la Republika Srpska a pris ses fonctions en
2000. L’un des trois médiateurs de la RS a démissionné en 2003 et
n’a pas été remplacé.. Chacune d’elles était composée de trois médiateurs, un de chaque peuple constitutif. En d’autres termes, on comptait en Bosnie-Herzégovine neuf médiateurs et trois différentes institutions du médiateur, indépendantes les unes des autres, dont les compétences se chevauchaient au moins partiellement, et dont les niveaux de rémunération différaient 
			(41) 
			Le statut et le rang
du médiateur de la FB-H sont assimilés à ceux du président de la
Cour suprême de la fédération, tandis qu’en Republika Srpska le
rang et les salaires sont assimilés à ceux d’un juge de la Cour
suprême. Le rang et le salaire du médiateur de l’Etat sont équivalents
à ceux des membres de la présidence du Conseil des ministres de
la Bosnie-Herzégovine. Ces niveaux sont très inférieurs au rang
et au statut dont jouissent les médiateurs des entités; la première
action prise par le médiateur d’Etat lors de sa nomination, le 14
janvier 2004, a été de demander à la Commission de Venise un avis
sur cette question.. Une telle situation n’était pas indiquée dans un pays déjà durement affecté par un trop grand nombre d’institutions parallèles en compétition et un faible niveau de ressources.
171. Un autre engagement contracté au moment de l’adhésion était que le pays devait établir, dans le long terme, un bureau du médiateur des droits de l’homme unique, unifié au niveau de l’Etat, qui intégrerait les institutions du médiateur des entités. Cet engagement a été en partie honoré fin 2005 avec l’adoption, par les deux chambres du parlement d’Etat, de deux versions d’une loi sur le médiateur des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine. Malheureusement, les deux textes étaient divergents sur des questions importantes; en particulier, la version approuvée par la Chambre des représentants était toujours contraire, selon la communauté internationale, à certaines des recommandations de la Commission de Venise.
172. Le 1er février 2006, la commission conjointe d’harmonisation du parlement d’Etat s’est réunie pour trouver un accord sur le texte final de la loi. Malheureusement, la tentative de la commission a échoué. Un seul membre de la commission, délégué du parti socialiste de la RS, malgré les remontrances des différents partis, a refusé de se joindre au consensus, soutenant finalement que les médiateurs actuels devraient être maintenus à leur poste jusqu’à la fin de leur mandat, à savoir en 2008.
173. La loi qui a été en définitive adoptée par un vote selon la procédure d’urgence, le 27 mars 2006, est, comme souvent en Bosnie-Herzégovine, le résultat d’un mauvais compromis: au lieu de prévoir une institution d’une personne, la loi stipule que l’institution du médiateur est composée de trois personnes avec un mandat renouvelable de six ans. Elles doivent être issues de chacun des trois peuples, «ce qui n’exclut pas la possibilité de désigner un médiateur dans le rang des “autres”». L’institution aura une présidence tournante (les présidents se succédant tous les deux ans dans l’ordre alphabétique des personnes élues) et le président a un rôle de «coordination» pendant son mandat. Le siège de l’institution a été fixé à Banja Luka (RS) avec des bureaux à Mostar, Sarajevo et dans le district de Brčko, ou ailleurs, tel qu’approprié. La loi prévoyait aussi une période transitoire – très courte, à notre avis – jusqu’au 31 décembre 2006 pour permettre à l’institution du médiateur existant au niveau national et au niveau des entités de prendre les mesures administratives nécessaires pour la fusion.
174. Les deux entités se montrent réticentes à l’égard de cette fusion: le Parlement de la FB-H n’a adopté la loi réglementant la période transitoire que le 19 avril 2007 tandis que les autorités de la RS ont simplement refusé de dissoudre l’institution du médiateur de la RS, qui était performante d’après ce qui nous a été dit lors de notre visite à Banja Luka en septembre 2007. En tout état de cause, la situation a été complètement gelée à cause des élections générales d’octobre 2006 et des transactions qui ont suivi à tous les niveaux pour la formation du gouvernement; par conséquent, le délai du 31 décembre n’a pas été respecté.
175. En septembre 2007, au cours de notre visite, la Chambre des représentants n’a pas pu arriver à un accord pour deux des trois candidats au poste de médiateur de l’Etat. L’ensemble de la procédure a donc été annulé et il a été décidé de publier un nouvel avis de vacance de postes. La commission parlementaire qui s’occupe de la procédure de sélection et de désignation n’a été reconstituée qu’en février 2008.
176. La procédure de désignation s’est achevée, du moins au niveau de la Chambre des représentants, le 14 juillet 2008 avec l’élection de trois médiateurs 
			(42) 
			Les
candidats élus étaient Mariofil Ljubic, au nom des Croates, Emina
Halilovic, pour les Bosniaques, et Ljubomir Sandić, pour les Serbes.. Toutefois, le 23 juillet 2008, la Chambre des peuples a approuvé un seul des trois candidats élus par la Chambre des représentants (seul le candidat serbe a été confirmé), préférant désigner deux autres personnes figurant respectivement sur la liste des Croates, et sur celle des Bosniaques (en l’occurrence Ivo Bradvica, au nom des Croates, et Jasminka Dzumhur au nom des Bosniaques). Sur un plan juridique, cette décision implique de reconduire une nouvelle fois la procédure de désignation. Nous avons appris que l’OSCE et le bureau du haut représentant s’efforçaient de trouver une interprétation «alternative» de la loi afin de régler le problème sans avoir à réengager une nouvelle procédure.
177. 177. Nous sommes par ailleurs extrêmement préoccupés par le récent projet des autorités de la RS d’établir un médiateur pour les droits des enfants au niveau des entités. La loi pertinente vient d’être adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale de la RS. Dans la mesure où les droits des enfants relèvent des compétences de l’institution du médiateur au niveau de l’Etat, nous sommes d’avis que la création d’une instance séparée au niveau des entités ébranlerait l’institution d’Etat, d’autant que le médiateur de la FB-H a fermé son département pour les droits des enfants. Selon nous, l’adoption de cette nouvelle loi par l’Assemblée nationale de la RS va à l’encontre de l’engagement «d’établir, dans le long terme, un bureau du médiateur des droits de l’homme unique, unifié au niveau de l’Etat». De ce fait, nous prions instamment les autorités de la RS de retirer le projet de loi.

5.2. Affaires devant la Cour européenne des droits de l’homme

178. A ce jour, plus de 500 affaires ont été déclarées irrecevables. Une affaire a été déclarée recevable (Suljagić) et une autre a été tranchée (Hadžić 
			(43) 
			Cette affaire concerne
les conditions dans l’annexe psychiatrique de la prison de Zenica
(décision du 11 octobre 2005). Cependant, la Bosnie-Herzégovine
n’a pas encore transféré les patients de cette annexe dans un établissement approprié,
comme promis. La Cour a ainsi transmis quatre affaires similaires.). Six arrêts ont à l’heure actuelle été adoptés (Jeličić le 31 octobre 2006, ŠobotaGajić le 6 novembre 2007, Karanović le 20 novembre 2007, Pejakovic et al le 18 décembre 2007, Rodic et trois autres le 27 mai 2008, et Tokic et al. le 8 juillet 2008). Près de 800 affaires contre la Bosnie-Herzégovine sont actuellement en instance (dont 20 ont été communiquées au gouvernement). Dans une affaire, la Cour a appliqué des mesures provisoires (en vertu de la Règle 39 du Règlement de la Cour) ordonnant aux requérants de mettre un terme à leur grève de la faim. Les requérants se sont conformés à cette requête.
179. Les affaires en instance contre la Bosnie-Herzégovine peuvent être classées en plusieurs catégories:
  • près de 500 requérants portent plainte parce qu’ils n’ont pas réussi à retirer leurs «anciennes» économies en devises – l’affaire principale est celle concernant Suljagić, déclarée irrecevable le 20 juin 2006 (l’affaire Suljagic est l’affaire principale des «anciens» épargnants de devises qui n’ont pas obtenu de décision nationale définitive ordonnant à une banque de rembourser leurs économies; pour ceux qui ont obtenu un tel jugement, l’affaire phare est celle de Jeličić susmentionnée, qui est la première dans laquelle la Cour européenne a prononcé un arrêt contre la Bosnie-Herzégovine);
  • près de 40 affaires concernent la non-application des arrêts nationaux définitifs et exécutoires ordonnant le paiement de dommages et intérêts (pécuniaires ou non pécuniaires) liés à la guerre;
  • 10 requérants portent plainte parce qu’ils n’ont pas été autorisés à récupérer leur appartement de fonction militaire dans la FB-H en raison de leur service dans les forces armées de la Serbie. Une de ces affaires a été transmise (Đokić, 6518/04);
  • trois requérants (un Bosnien, un Rom et un Juif) portent plainte à propos de la mesure constitutionnelle selon laquelle «les autres» (les citoyens de la Bosnie-Herzégovine qui ne se qualifient pas de Bosniaques, de Serbes ou de Croates) ne peuvent pas être membres de la présidence de la Bosnie-Herzégovine et de la Chambre des peuples du Parlement de la Bosnie-Herzégovine;
  • dans l’affaire Palić (no 4704/04), la Cour devra statuer s’il est réellement pertinent d’examiner des plaintes concernant les personnes qui ont disparu au cours de la guerre de 1992-1995;
  • la Cour a également communiqué six affaires concernant des citoyens ou des anciens résidents de la Bosnie-Herzégovine qui sont détenus à Guantánamo Bay depuis 2002;
  • un grand nombre d’affaires concerne la non-application des décisions de la Chambre des droits de l’homme ou de la Cour constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine. Par exemple, dans trois des six affaires pour lesquelles un arrêt a été rendu (notamment Jeličić, Šobota-Gajić et Karanović), la Chambre des droits de l’homme a conclu à une violation de la Convention et a ordonné de prendre certaines mesures. Cependant, ces mesures n’ont jamais été prises.

5.3. Cour européenne des droits de l’homme et Cour constitutionnelle

180. La Commission des droits de l’homme au sein de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine est l’institution qui a succédé à la Chambre des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine. Conformément à l’article XIV de l’annexe 6 de l’Accord-cadre général sur la paix en Bosnie-Herzégovine conclu les 22 et 25 septembre 2003 entre les deux parties, le mandat de la Chambre des droits de l’homme a expiré le 31 décembre 2003. Cet accord portait création de la Commission des droits de l’homme qui devait fonctionner entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2004 au sein de la Cour constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine.
181. La Commission des droits de l’homme avait pour mission d’examiner les affaires en instance reçues par la Chambre des droits de l’homme au plus tard le 31 décembre 2003; après le 1er janvier 2004, la Cour constitutionnelle devait statuer sur les nouveaux cas allégués de violations de droits de l’homme. Nous sommes heureux de constater que, même si le mandat de cette commission a dû être prorogé, la commission a aujourd’hui achevé l’examen de toutes les affaires (près de 7 000) et a cessé d’exister.

5.4. Prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants

182. En mai 2003, les autorités de la RS ainsi que de la FB-H ont informé le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) de «l’existence d’un vaste fossé entre les normes juridiques et réglementaires et les réalités prévalant dans le système carcéral», soulignant que la pénurie de ressources financières était l’une des principales raisons de cette situation. En décembre 2004, le CPT a publié un rapport détaillé contenant des recommandations fondées sur ses constats au cours des visites et des entretiens dans les prisons avec les détenus et les autorités locales.
183. Le CPT a effectué une autre visite en Bosnie-Herzégovine en mars 2007 pour évaluer les progrès accomplis depuis la première visite périodique, en 2003, et la visite ad hoc en décembre 2004. La délégation du comité a passé en revue différentes questions relatives aux établissements pénitentiaires, notamment le régime et le traitement des personnes placées en détention provisoire et des prisonniers placés en isolement. Des préoccupations particulières ont été exprimées concernant l’absence de sécurité dans certaines prisons visitées, notamment celles de Zenica et Doboj, où, manifestement, le personnel pénitentiaire n’était pas supervisé de façon adéquate.
184. La délégation s’est également penchée sur la situation des patients en psychiatrie médico-légale, en examinant le traitement des patients à l’hôpital psychiatrique de Sokolac et dans l’annexe psychiatrique médico-légale de la prison de Zenica.
185. La situation des résidents dans deux foyers d’aide sociale a été examinée pour la première fois, et les autorités ont été exhortées à améliorer les mesures de sécurité offertes aux personnes placées dans ces foyers. Il a été souligné qu’il importait de développer un cadre légal adéquat pour les foyers d’aide sociale dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Une attention particulière a été également portée au traitement des personnes détenues par la police et aux mesures pratiques de prévention contre les mauvais traitements.
186. Les autorités de la Bosnie-Herzégovine ont répondu aux différentes questions soulevées dans les observations préliminaires faites par la délégation, le 31 mai 2007. Ces observations et la réponse ont été publiées avec l’accord des autorités bosniennes. Nous saluons ce développement et étudierons avec soin le rapport qui sera adopté par le CPT dès qu’il sera disponible.

5.5. Revue de la citoyenneté

187. En application de la loi portant amendement à la loi sur la citoyenneté, qui est entrée en vigueur telle qu’amendée en novembre 2005 
			(44) 
			La loi initiale sur
la citoyenneté avait été imposée par le haut représentant en 1997
et prévoyait déjà à l’époque une commission d’Etat pour la révision
des décisions de naturalisation; celle-ci n’était pas encore établie
en 2006., la Commission d’Etat de la Bosnie-Herzégovine pour la révision des décisions de naturalisation des citoyens étrangers a été chargée de réexaminer le statut des citoyens qui ont acquis la nationalité bosnienne entre le 6 avril 1992 et le 1er janvier 2006. Initialement, son mandat était d’une durée d’un an, mais il a été prolongé pour une année supplémentaire par le haut représentant, le 15 février 2007. Elle est composée de 9 experts désignés par le Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine, de 6 citoyens bosniens (2 issus de chaque peuple constitutif) et de 3 membres internationaux, dont les candidatures sont examinées en consultation avec le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et d’autres organisations compétentes. Nous avons été informés, au cours de notre visite à la fin de septembre 2007, qu’un des membres internationaux, qui avait été recommandé par le Conseil des ministres depuis juillet 2007, n’avait pas encore pris ses fonctions.
188. Selon les informations disponibles, les activités de la commission pourraient concerner près de 1 500 individus, dont un grand nombre seraient venus en Bosnie-Herzégovine pour rejoindre les forces musulmanes bosniennes (Bosniaques) en tant que combattants étrangers volontaires pendant la guerre de 1992-1995, ou pour travailler auprès d’organisations caritatives islamiques pendant et après la guerre.
189. La commission peut proposer au Conseil des ministres de retirer la citoyenneté, entre autres, aux individus qui ne l’auraient pas obtenue conformément aux réglementations pertinentes, ou sur la base d’informations inexactes, à condition que ces personnes ne deviennent pas des apatrides.
190. La commission a commencé à travailler en mars 2006. En juin 2007, elle avait révisé 1 300 cas. En septembre 2007, elle avait retiré la citoyenneté à 613 personnes: ressortissants de la Turquie (137), de l’Egypte (63), de la Syrie (49), de l’Algérie (37), de la Russie (23) et de l’Ukraine (15). Dans 530 cas, la citoyenneté n’a pas été retirée. La loi sur la citoyenneté prévoit un recours contre les décisions de la commission. En cas de confirmation du retrait de la citoyenneté par une cour de justice, la personne concernée acquiert le statut d’étranger et tombe sous les dispositions de la loi sur la libre circulation et la résidence des étrangers et des demandeurs d’asile, et peut soit solliciter un permis de résidence, soit déposer une demande d’asile. La loi prévoit également la possibilité d’accorder la résidence pour des raisons humanitaires en cas de rejet de la demande d’asile, entre autres si l’intéressé encourt, de prime abord, un risque présumé de traitements inhumains ou dégradants dans le pays de destination (article 3, CEDH) ou s’il a des liens de famille en Bosnie-Herzégovine (article 8, CEDH). A ce jour, une seule décision (négative) a été prise par la Cour constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine, à savoir le rapatriement d’un Marocain auquel la citoyenneté avait été retirée (no AP-1788/05, Said Atmani, 20 septembre 2006).

5.6. Les Roms

191. Les Roms sont le groupe minoritaire le plus important et le plus marginalisé en Bosnie-Herzégovine. Pour honorer ses obligations internationales 
			(45) 
			Les autorités de la
Bosnie-Herzégovine ont ratifié un certain nombre de traités internationaux,
notamment la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations
Unies, contractant ainsi l’obligation positive de garantir le droit
à chaque enfant né sur son territoire d’être enregistré à sa naissance.
Le cadre juridique de la Bosnie-Herzégovine crée un environnement
unique pour régler ces problèmes, dans la mesure où la Constitution
de la Bosnie-Herzégovine prévoit que la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales est directement
applicable en Bosnie-Herzégovine et est supérieure aux législations
nationales. Par ailleurs, l’annexe 6 de l’Accord-cadre général sur
la paix, l’Accord sur les droits de l’homme, prévoit que les entités
doivent garantir les droits de l’homme énoncés dans les différents
accords internationaux, notamment le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels. ainsi que la mise en œuvre de la loi nationale, le ministre des Droits de l’homme et des Réfugiés de la Bosnie-Herzégovine a proposé une stratégie nationale pour les Roms et le Conseil des ministres l’a adoptée en juillet 2005. La stratégie couvre un certain nombre de problèmes affectant les Roms, tels que l’accès au logement, à l’emploi, aux soins de santé, à la sécurité sociale, l’enregistrement civil et le recensement. La stratégie vise à promouvoir l’égalité de ce groupe minoritaire ainsi que sa participation accrue à la vie publique en général.
192. Cependant, il semble que la stratégie ne contienne que peu de références, voire aucune, à des actions spécifiques, aux autorités responsables, aux délais ou aux implications budgétaires. Cette préoccupation a été exprimée par le Conseil de l’Europe ainsi que d’autres organisations internationales intervenant auprès de la communauté des Roms 
			(46) 
			Ce sont
le B-HCR (Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits
de l’homme), l’UNICEF, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (HCR), la Banque mondiale, l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM), SIDA, le Fonds Save the Children, la
délégation de la Commission européenne en Bosnie-Herzégovine et
l’OSCE/Département des droits de l’homme.. Nous partageons cette préoccupation et exhortons les autorités bosniennes à élaborer un plan d’action couvrant tous les aspects de la question pour la mise en œuvre de la stratégie.
193. Nous avons été informés que le problème le plus brûlant affectant les Roms est lié au fait qu’ils ne possèdent pas de documents personnels. Cette situation crée des problèmes supplémentaires dans l’exercice des droits de propriété pour un grand nombre d’entre eux qui résident dans des logements informels, car le fait de ne pas détenir ce type de documents les empêche de solliciter le statut de résident qui les aiderait à légaliser leur titre de propriété. Une des raisons principales de l’incapacité des Roms à obtenir des documents personnels découle du fait qu’ils ne sont pas inscrits dans les registres de naissance. En Bosnie-Herzégovine, les personnes ne possédant pas d’acte de naissance ne peuvent pas accéder à l’éducation, aux soins de santé, aux prestations sociales. Elles ne peuvent pas participer à la vie civile.
194. Selon les informations dont nous disposons, il n’existe pas de cas de refus d’enregistrement d’enfant rom. Les discussions que nous avons eues ont révélé que le problème réside davantage dans le fait que le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine n’a pas, à ce jour, adopté d’approche dynamique pour garantir l’enregistrement des enfants roms. Nous exhortons les autorités du pays à adopter une politique en amont pour l’enregistrement des enfants roms, en lançant des campagnes de sensibilisation auprès de la population rom et des autorités municipales chargées de l’enregistrement.

5.7. Libertés des médias

195. La Bosnie-Herzégovine est dotée d’un régime juridique avancé, régissant la liberté des médias. Les lois de dépénalisation de la diffamation et de la calomnie sont, par exemple, entrées en vigueur en RS depuis juin 2001 et dans la fédération depuis novembre 2002.
196. La Bosnie-Herzégovine est dotée des mécanismes d’autorégularisation les plus avancés d’Europe. L’Autorité de réglementation des communications est chargée de délivrer les autorisations et de réglementer les services de radiodiffusion et de télécommunications, tandis que le Conseil de la presse, un organe bénévole et autoréglementé, s’occupe des plaintes relatives à la presse écrite. Les plaintes concernant la radiodiffusion sont transmises à l’Autorité de réglementation des communications qui a le droit d’examiner une plainte chaque fois qu’un programme, une publicité ou une émission radiophonique semble partial, incorrect, insultant ou préjudiciable; porte atteinte à la vie privée; met en danger le développement physique, mental ou moral des enfants, ou contient des éléments d’incitations à la haine raciale, religieuse ou nationale. Tous les citoyens ont le droit de déposer une plainte. Ce mécanisme de recours est largement utilisé par les citoyens, les institutions, les organisations, les fonctionnaires et les partis politiques 
			(47) 
			Voir le rapport spécial
de Miklos Haraszti, représentant spécial de l’OSCE sur la liberté
des médias, «La situation de la liberté des médias en Bosnie-Herzégovine:
le service public de radiodiffusion», daté du 29 mars 2007. M. Haraszti
a en particulier critiqué un boycott de deux semaines en janvier
2007 du Réseau de la télévision publique de l’Etat par le Gouvernement
de la RS, qui a déclaré que c’est le Gouvernement de la RS qui pouvait
et aurait dû se plaindre, et non l’Autorité de réglementation des
communications. Récemment, il a été également allégué que le Gouvernement
de la RS aurait essayé d’intimider les médias..
197. Actuellement, la Bosnie-Herzégovine compte trois services de radiodiffusion – BHRT (niveau de l’Etat), RTFB-H (FB-H), RTRS (Republika Srpska) – et trois principaux services de radiodiffusion commerciale – OBN, TV Pink B-H et Mreza Plus.
198. L’étude de faisabilité de 2003 de la Commission européenne, soulignant les conditions que la Bosnie-Herzégovine aurait à honorer pour être acceptée dans les négociations avec l’Union européenne sur un Accord de stabilisation et d’association, indiquait que le pays devait accomplir des progrès significatifs dans un certain nombre de domaines, notamment concernant la loi sur la radiodiffusion. En particulier, l’une des conditions était la création d’un système de service public de radiodiffusion unifié, géré au niveau de l’Etat. A cette fin, l’adoption de quatre lois est prévue, mais seules trois ont été adoptées à ce jour. La non-adoption de la dernière continue d’entraver la mise en place de ce nouveau système public de radiodiffusion.
199. La première loi sur le système de radiodiffusion publique de la Bosnie-Herzégovine (ou loi du système) définit la structure, la gouvernance, le financement, la gestion de la base commune des ressources et autres responsabilités du système global de radiodiffusion publique. Elle a été adoptée le 5 octobre 2005. La loi prévoit la création d’une «corporation des services publics de radiodiffusion» (ou «corporation conjointe»). Elle est conçue comme une organisation parapluie couvrant les trois services publics de radiodiffusion. Elle est supposée mettre en place la stratégie de développement, coordonner les ressources humaines et techniques des trois services de radiodiffusion, et harmoniser les différents systèmes, les politiques et les procédures des trois services publics de radiodiffusion existants. Certaines fonctions actuellement exécutées séparément par les trois services publics de radiodiffusion seront centralisées en vertu de cette loi. Parmi les plus importantes, on peut citer la perception des droits de licence et la vente des espaces publicitaires. La nouvelle loi transformera également les trois services publics de radiodiffusion en une seule entité morale tout en garantissant à chacun des services un certain degré d’autonomie.
200. Cependant, cette loi n’est pas encore entrée en vigueur au niveau de l’Etat parce que la Cour constitutionnelle de l’Etat n’a pas encore prononcé sa décision concernant l’appel déposé en février 2006 par Ivo Miro Jovic – à l’époque, membre croate de la présidence de trois membres de la Bosnie-Herzégovine. Dans son appel, Ivo Miro Jovic réclamait une révision de la constitutionnalité des 20 articles de la loi sur le système public de radiodiffusion. La demande, depuis de longues années, des Croates pour que soit créé un service public de radiodiffusion exclusivement en langue croate semble être la cause essentielle de la plainte. A ce jour, la seule action de la Cour constitutionnelle est sa décision, en septembre 2007, de tenir une audition publique.
201. La deuxième loi, sur le service public de radiodiffusion de la Bosnie-Herzégovine à l’échelon de l’Etat (BHRT), a été adoptée le 28 décembre 2005; la troisième loi, sur le service public de radiodiffusion des entités (RTRS), en mai 2006.
202. La quatrième et dernière loi est la loi sur le service public de radiodiffusion de la FB-H (RTFB-H), adoptée par le parlement de la fédération en juin 2006. Cependant, les membres croates du parlement ont voté contre cette loi. Après son adoption par la Chambre des peuples, ils ont bloqué son entrée en vigueur en invoquant l’intérêt national vital du peuple constitutif croate. Le 16 juillet 2006, la Cour constitutionnelle de la fédération a soutenu que certains éléments de la loi «ne garantissent pas que le peuple croate ne sera pas victime de discrimination dans l’application des droits garantis par la Constitution de la FB-H». En octobre 2006, le groupe parlementaire bosniaque de la Chambre des peuples de la fédération a déposé un appel auprès de la Cour constitutionnelle, sollicitant l’annulation de la décision de la Cour constitutionnelle de la fédération. Ils ont soutenu que cette décision était en contradiction avec une décision prononcée en juillet 2005 par la même Cour constitutionnelle qui affirmait que la loi sur le système public de radiodiffusion ne portait pas atteinte à l’intérêt national vital des Croates.
203. Finalement, le 10 juin 2008, le Haut Conseil pour la protection de l’intérêt national vital de la Cour constitutionnelle de la FB-H a décidé que la loi sur le service public de radiodiffusion de la fédération ne violait pas l’intérêt national vital du peuple croate, ce qui a ouvert la voie à l’adoption de la loi par le parlement. Cette loi a finalement été adoptée le 22 juillet 2008.
204. Nous saluons l’achèvement du cadre législatif pour le service public de radiodiffusion. La mise en œuvre effective de la nouvelle législation est cruciale à présent. C’est un développement très malheureux, car, parallèlement à la réforme de la police, le retard de la réforme du système public de radiodiffusion en Bosnie-Herzégovine entrave la mise en œuvre des obligations du pays envers le Conseil de l’Europe ainsi que le processus d’intégration à l’Union européenne. Nous demandons instamment aux autorités de trouver un compromis sur la question du service public de radiodiffusion. Nous ne manquerons pas de suivre de près ce point lors de nos prochains rapports.

5.8. Education

5.8.1. Education primaire et secondaire

205. La «ségrégation ethnique» dans les écoles primaires et secondaires en Bosnie-Herzégovine demeure une préoccupation. Au cours des douze dernières années, l’école, au lieu de promouvoir la réconciliation «postconflit», a contribué à séparer les uns des autres les trois peuples dits «constitutifs». Dans la pratique, la majorité des jeunes étudiants bosniaques, croates et serbes choisissaient de suivre les cours – et cette situation persiste encore aujourd’hui – dans les salles fréquentées par les membres du même groupe ethnique. Par conséquent, parmi ces étudiants, un grand nombre connaît à peine les autres groupes ethniques ou minorités nationales qui vivent également dans le pays. Par leur scolarisation, certains élèves développent des allégeances non pas au pays dans son ensemble, mais seulement aux parties dans lesquelles leur groupe est majoritaire. Certains développent également des allégeances aux pays voisins de l’Est et de l’Ouest où prédominent les membres de leur groupe particulier. Le haut représentant et représentant spécial de l’Union européenne, M. Miroslav Lajčak, est intervenu à propos de cette tendance dans un discours qu’il a récemment prononcé au parlement de la FB-H: «(…) le problème sous-jacent est que vous n’avez pas trouvé un moyen d’exclure de l’éducation et des salles de classe la politique des partis. La tendance générale n’est pas à la réintégration d’après-guerre, mais au maintien de la discrimination, soit par l’assimilation, soit par la division, sur des bases ethniques.»
206. La communauté internationale a soutenu le développement d’un tronc commun dans les programmes d’enseignement (en s’efforçant de trouver autant que possible des points communs entre les trois programmes d’enseignement); mais le fait est que l’existence de trois programmes d’enseignement distincts en Bosnie-Herzégovine réaffirme et codifie la ségrégation ethnique. Une solution éventuelle est d’adopter un tronc commun pour l’ensemble du pays, qui sera complété par une série de matières culturellement spécifiques.
207. Cette idée gagne lentement du terrain; ainsi, le Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels et le Parlement européen lui apportent leur soutien. Plus récemment, l’envoyé spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour le droit à l’éducation, Vernor Munoz, a déclaré que «l’existence de programmes d’enseignement différents favorise la discrimination dans le secteur éducatif et la ségrégation des étudiants. Un des défis les plus importants pour la Bosnie-Herzégovine est d’arriver à créer un programme d’enseignement unifié».
208. Cependant, c’est une question politique extrêmement délicate, étant donné que chaque groupe ethnique estime avoir droit à son propre programme d’enseignement. La langue est une partie de ce problème, compte tenu du droit constitutionnel d’utiliser les trois langues officielles. Cependant, on peut toujours adopter le même programme d’enseignement en prenant en considération les variantes de la langue. Il est particulièrement important d’introduire des éléments plurilingues dans le programme d’enseignement de façon que les étudiants issus des différents groupes ethniques puissent découvrir certaines matières dans les trois langues officielles comprises par tous les habitants du pays.
209. Nous exhortons les autorités de la Bosnie-Herzégovine à poursuivre la réforme de l’éducation primaire et secondaire sur la base des principes de tolérance, du respect des autres, de la multiethnicité et de la réconciliation. L’avenir du pays dans l’Europe dépend dans une large mesure de la capacité des autorités et des différentes communautés à développer un cadre éducatif commun.

5.8.2. Enseignement supérieur

210. Le «processus de Bologne» est un effort à l’échelon européen pour normaliser l’enseignement supérieur en promouvant, parmi tous ses membres, la mise en place d’une structure de diplômes reposant sur trois cycles, l’introduction d’un système européen de transfert des crédits (ECTS) et l’instauration de systèmes d’assurance de la qualité 
			(48) 
			La
structure des diplômes reposant sur trois cycles, recommandée par
la Déclaration de Bologne, se fonde sur les trois cycles suivants:
licence, maîtrise et doctorat. L’ECTS est un système qui permet
le transfert des crédits d’un établissement d’enseignement supérieur
à un autre, permettant ainsi la mobilité des étudiants à travers
l’Europe., tandis que la Convention de Lisbonne sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne (STE no 165), y afférente, s’efforce de créer des mécanismes et de définir des procédures et des critères pour la reconnaissance équitable, non discriminatoire et transparente des qualifications de l’enseignement supérieur. La Bosnie-Herzégovine a signé la Déclaration de Bologne en septembre 2003 et a ratifié la convention dite «de Lisbonne» en janvier 2004. Ce faisant, elle s’est engagée à réformer son système d’enseignement supérieur conformément à ces conventions européennes.
211. Certes, une nouvelle loi sur l’enseignement supérieur apportera une base juridique pour l’adoption et le respect des critères et des normes de Bologne, pour ne mentionner que cet engagement international; mais surtout, cette loi est indispensable pour permettre aux universités de la Bosnie-Herzégovine de suivre le rythme des évolutions en Europe et dans le monde. Si cette réforme n’est pas mise en œuvre, il est très probable que le pays continuera à faire face à un système coûteux et de plus en plus décousu de l’enseignement supérieur (avec huit universités publiques au lieu de quatre); l’on observe un nombre en hausse des universités privées non réglementées par un organe d’accréditation, ainsi que l’expansion du nombre des facultés dans les universités publiques du pays alors qu’elles ne sont pas pourvues de ressources suffisantes. Les étudiants de la Bosnie-Herzégovine ne pourront donc pas obtenir la reconnaissance de leurs diplômes, ils rencontreront davantage de difficultés pour être acceptés pour des études à l’étranger et, chez eux, ils n’auront pas l’assurance que les universités qu’ils fréquentent sont du même niveau que les universités européennes. Toute cette situation ne contribue pas beaucoup à résoudre l’un des problèmes les plus pressants du pays – la migration permanente vers l’extérieur des meilleurs et des plus brillants.
212. Initialement, il a été prévu que la loi sur l’enseignement supérieur serait adoptée au milieu de l’année 2004. Cependant, les représentants de tous les peuples constitutifs du pays n’ont pas pu s’accorder sur l’autorité pour l’accréditation des établissements d’enseignement supérieur, ou sur le niveau qui serait chargé de la gestion de leurs ressources. Une partie souhaitait que les deux composantes soient maintenues au niveau des entités tandis que l’autre préférait qu’elles soient placées au niveau de l’Etat. Dans l’intervalle, la plupart des cantons de la FB-H, la RS et le district de Brčko ont décidé d’adopter ou d’amender leurs propres lois sur l’enseignement supérieur qui ne sont pas forcément uniformes dans l’ensemble du pays.
213. Après des années de longues négociations et d’intenses pressions de la communauté internationale, la loicadre sur l’enseignement supérieur a été finalement adoptée le 30 juillet 2007, avec un vote négatif des délégués croates, parce que la loi ne définissait pas de façon intégrale la question de l’enseignement supérieur; par exemple, la question du financement n’était pas résolue. Cette loi fait partie des rares développements positifs pouvant être mentionnés pour 2007.
214. Elle prévoit la création d’une agence pour le développement de l’enseignement supérieur et l’assurance de la qualité, en tant qu’organe indépendant de l’Etat, administrée par un conseil de neuf membres; l’agence peut adopter des décisions avec l’accord de deux tiers des membres de chaque peuple constitutif. Elle sera compétente pour déterminer des normes claires et transparentes en matière d’assurance de la qualité et des critères d’accréditation des établissements d’enseignement supérieur. Une commission d’experts composée de cinq membres fera des recommandations sur l’accréditation aux autorités compétentes, tandis que la définition de la politique sur l’accréditation relèvera de la compétence du ministère concerné, par exemple le Gouvernement de la RS et les ministères des cantons de la FB-H. La loi prévoit également la création au niveau de l’Etat d’un centre d’information et de reconnaissance de documents.
215. La loi instaure un délai de deux ans pour l’accréditation de tous les établissements d’enseignement supérieur. Les établissements actuels obtiendront tout d’abord une accréditation temporaire qui sera remplacée par une accréditation permanente dans une période de deux ans. La loi réaffirme un grand nombre des principes de Bologne au niveau de l’Etat, notamment un cadre commun des diplômes reposant sur trois cycles, l’ENIC, l’ECTS, les compléments aux diplômes. Elle fixe également les droits et les devoirs des étudiants et des professeurs, et régit la manière dont les universités doivent être administrées. Un élément clé de la loi est l’intégration des universités dans une entité juridique unique qui devrait être réalisée dans une période d’un an à compter de l’adoption de la loi.
216. Une autre étape positive est l’adoption par le Conseil des ministres, en décembre 2007, des sept stratégies et lignes directrices clés de la mise en œuvre du processus de Bologne en Bosnie-Herzégovine, élaborées avec l’aide du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne. Ces stratégies et lignes directrices ont été agréées, développées et approuvées par une majorité des institutions et autorités de la Bosnie-Herzégovine directement concernées (les recteurs des huit universités publiques, les ministres des entités responsables de l’éducation et le ministère des Affaires civiles au niveau de l’Etat).
217. L’adoption de cette loi-cadre sur l’enseignement supérieur est un développement hautement appréciable: on a déjà perdu trop de temps. Cependant, ce n’est que le début d’un très long et complexe processus de mise en œuvre: les agences au niveau de l’Etat envisagées par la loi doivent être créées avec des mandats clairs, doivent être financées et pourvues en personnel; et la volonté politique d’aller de l’avant est un préalable au succès.

6. Conclusions

218. Comme nous l’avons vu dans le présent rapport, ces récentes années n’ont pas été riches en réformes en Bosnie-Herzégovine. Bien que les lois-cadres de la réforme de la police aient finalement été adoptées, leur mise en œuvre effective n’est pas encore achevée. Il en est de même pour la mise en œuvre des réformes dans le domaine de la radiodiffusion et de l’éducation, qui doivent être accélérées à présent, après l’achèvement du cadre législatif. Bien que l’Accord de stabilisation et d’association ait été signé, sa mise en œuvre suppose pour les autorités de l’Etat et des entités de parvenir à un large consensus politique sur les principaux projets de réforme, et de trouver une solution fondée sur un accord.
219. Certes, nous reconnaissons que la Bosnie-Herzégovine a rempli un certain nombre d’engagements, en particulier en ce qui concerne la ratification des conventions du Conseil de l’Europe, mais les réformes majeures des lois du pays ne sont pas encore achevées. Il est par ailleurs urgent pour le pays d’engager une réforme constitutionnelle afin de mettre en place des institutions démocratiques fortes, en état de fonctionner. Malheureusement, le contexte politique actuel et la rivalité entre les entités ne favorisent pas la création d’un environnement propice à la mise en œuvre des réformes requises.
220. Les autorités de la Bosnie-Herzégovine à tous les niveaux doivent prendre conscience de la fermeture, tôt ou tard, du bureau du haut représentant et de l’évolution progressive du rôle joué dans le pays par la communauté internationale. Quelle que soit la durée de cette phase de transition, il est essentiel de créer dès à présent des institutions démocratiques fortes et efficaces, capables d’élaborer une vision commune de l’avenir du pays. L’obstructionnisme et la rhétorique politique doivent céder la place à une coopération constructive et tournée vers l’action entre tous les acteurs politiques et les institutions. Les craintes de chaque peuple constitutif, les accusations mutuelles permanentes et le discours nationaliste mutuellement exclusif sont contre-productifs. Ils ne font que freiner le processus d’intégration européenne et empêchent le pays et ses citoyens de profiter pleinement des nouvelles opportunités offertes par la signature de l’Accord de stabilisation et d’association.
221. Comme nous l’évoquions précédemment, nous sommes convaincus que la Bosnie-Herzégovine n’a pas d’autre choix que celui de l’intégration européenne. L’Europe non plus n’a pas d’autre choix que celui d’intégrer la Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, il est essentiel que la communauté internationale et en particulier l’Union européenne s’en tiennent aux normes qu’elles promeuvent et qu’elles ne les bradent pas contre des compromis à court terme. Dans le même temps, les autorités du pays doivent se conformer aux obligations et engagements qu’elles ont contractés en adhérant au Conseil de l’Europe. Au nom de l’intégration européenne, il est essentiel que les autorités de la Bosnie-Herzégovine et la communauté internationale, et l’Union européenne en particulier, continuent de collaborer pour veiller à l’application effective en Bosnie-Herzégovine des normes européennes de démocratie, de prééminence du droit et de droits de l’homme.

Commission chargée du rapport: commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi).

Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997) et Avis no 239 (2002).

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 11 septembre 2008.

Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György Frunda (1er Vice-Président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-Président), M. Leonid Slutsky (3e Vice-Président), M. Aydin Abbasov, M. Avet Adonts, M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Aleksandër Biberaj, M. Luc Van den Brande, M. Jean-Guy Branger, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, M. Valeriu Cosarciuc, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajiyeva, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot Islami, M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia Jivkova, M. Hakki Keskin, M. Ali Rashid Khalil, M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Younal Loutfi, M. Pietro Marcenaro, M. Mikhail Margelov, M. Bernard Marquet, M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, M. João Bosco Mota Amaral, M. Theodoros Pangalos, Mme Maria Postoico, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Andrea Rigoni, M. Dario Rivolta, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Oliver Sambevski, M. Kimmo Sasi, M. Andreas Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona Staponkienė, M. Christoph Strässer, Mme Elene Tevdoradze, M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis, M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin S. Woldseth, M. Boris Zala, M. Andrej Zernovski.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.

Voir 31e séance, 30 septembre 2008 (adoption du projet de recommandation et du projet de résolution amendé); et Recommandation 1843 et Résolution 1626.