1. Introduction
1.1. Procédure de suivi
1. En adhérant au Conseil de l’Europe
le 4 avril 2002, la Bosnie-Herzégovine a accepté d’honorer les obligations
imposées à tous les Etats membres en vertu de l’article 3 du Statut
de l’Organisation ainsi qu’un certain nombre d’engagements spécifiques
énoncés dans l’
Avis n°
234 (2002) relatif à la demande d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine
au Conseil de l’Europe. Pour veiller au respect de ces engagements,
l’Assemblée a décidé, en application de la
Résolution 1115 (1997), de suivre de près la situation en Bosnie-Herzégovine.
2. Le premier rapport de suivi a été présenté à l’Assemblée en
juin 2004 et a débouché sur l’adoption de la
Résolution 1383 (2004) et de la
Recommandation
1664 (2004) le 23 juin 2004. A la suite de l’échec de la réforme
constitutionnelle en avril 2006, l’Assemblée a également décidé,
en juin 2006, de tenir un débat selon la procédure d’urgence sur
la réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine et a adopté la
Résolution 1513 (2006).
3. Le présent document est le troisième rapport qui sera présenté
par la commission de suivi à l’Assemblée parlementaire pour dresser
le bilan de l’ensemble des progrès réalisés par la Bosnie-Herzégovine
dans le cadre du respect de ses obligations et engagements au cours
des six premières années de son adhésion au Conseil de l’Europe.
4. En application de la
Résolution
1115 (1997), M. Kimmo Sasi (Finlande, PPE) a été désigné, le 15 septembre
2004, en qualité de corapporteur en remplacement de M. Lazlo Surjan
(Hongrie, PPE) qui a été, dans l’intervalle, élu au Parlement européen.
Mme Naira Shakhtakhtinskaya (Azerbaïdjan,
GDE), qui avait été désignée en janvier 2003, a été remplacée le
25 janvier 2006 par M. Mevlüt Çavuşoğlu (Turquie, GDE).
5. Ce rapport repose en grande partie sur les informations obtenues
et les entretiens qui se sont déroulés au cours des visites effectuées
par les corapporteurs en Bosnie-Herzégovine du 16 au 18 décembre
2004, du 16 au 20 octobre 2005, du 3 au 5 avril 2006, du 23 au 27
septembre 2007, et plus récemment, du 27 au 29 août 2008. Il tient
également compte des avis et recommandations formulés par les organes
de suivi du Conseil de l’Europe.
6. Nous exprimons nos chaleureux remerciements à la délégation
de la Bosnie-Herzégovine auprès de l’Assemblée parlementaire pour
l’excellente organisation de nos visites et pour l’hospitalité qui
nous a été témoignée. Nous avons pu avoir des discussions très franches
et instructives à tous les niveaux. Nos remerciements vont également
au Bureau du représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe en Bosnie-Herzégovine pour sa contribution active.
1.2. Développements depuis la Résolution 1383 (2004) de l’Assemblée
7. Rétrospectivement, 2005 semble
avoir été une très bonne année pour la Bosnie-Herzégovine: le 12 janvier
2005, le Parlement d’Etat a adopté une loi instaurant un régime
de TVA à taux unique de 17 %, applicable dans l’ensemble du pays;
les parlements des deux entités ont accepté des changements constitutionnels
permettant le transfert des pouvoirs de la défense du niveau des
entités à celui de l’Etat; le parlement au niveau de l’Etat a adopté
le 5 octobre 2005 la législation requise pour la création d’une
armée unique et unifiée; la conscription a été abolie; les autorités
de la RS
ont
transféré pour la première fois un nombre total de sept personnes
mises en examen pour crimes de guerre au Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), et le TPIY a, pour la première fois,
transmis une affaire à la juridiction d’un tribunal national dans
un des pays de l’ex-Yougoslavie (l’affaire Stankovic qui a été renvoyée
à la Chambre des crimes de guerre de la Bosnie-Herzégovine).
8. Au cours de la dernière année de son mandat, le haut représentant,
Lord Paddy Ashdown, a levé l’interdiction sur la participation à
la vie politique de plusieurs individus et a autorisé la réintégration
de fonctionnaires révoqués de postes publics non managériaux; le
19 juillet 2005, Paddy Ashdown a publiquement déclaré qu’il était
temps de transformer le bureau du haut représentant en mission dirigée
par l’Union européenne; en octobre 2005, les parlements au niveau
des entités et de l’Etat ont adopté des déclarations dans lesquelles
ils prenaient l’engagement d’entreprendre une réforme de la police
sur la base des trois principes établis par l’Union européenne
; les négociations à propos d’une future
réforme constitutionnelle semblaient prometteuses, et, le 21 novembre
2005, les Etats membres de l’Union européenne ont chargé la Commission
européenne d’entreprendre des négociations en vue de la conclusion d’un
Accord de stabilisation et d’association.
9. Certes, Lord Paddy Ashdown a été parfois vivement critiqué
pour son attitude jugée quelque peu coloniale à l’égard des autorités
de la Bosnie-Herzégovine et pour son utilisation accrue des pouvoirs extraordinaires
(dits «pouvoirs de Bonn»), mais son successeur a adopté une orientation
radicalement inverse dès qu’il a été nommé par le Conseil de mise
en œuvre de la paix (PIC) en décembre 2005. En effet, lorsque le
nouveau haut représentant, Christian Schwarz-Schilling, a pris ses
fonctions le 1er février 2006, il a immédiatement
annoncé que les pouvoirs de Bonn seraient dorénavant utilisés avec
parcimonie et qu’il envisageait de fermer le bureau du haut représentant
dans un futur proche.
10. Le PIC a annoncé, en juin 2006, que le bureau du haut représentant
fermerait ses portes en juin 2007, et que la décision finale à cet
égard devait être prise en février 2007 malgré l’échec de la réforme constitutionnelle
en avril 2006 et bien que l’indépendance du Monténégro en mai 2006
ait suscité des allusions de la part de Milorad Dodik, Premier ministre
de la RS, sur l’éventualité de la tenue d’un référendum en RS. Pour
un grand nombre de personnes, cette décision était prématurée; en
effet, le climat politique s’est considérablement détérioré après
avril 2006, c’est-à-dire après l’échec de l’adoption (à seulement
deux voix près) de la réforme constitutionnelle par le parlement.
Même si les négociations techniques concernant l’Accord de stabilisation
et d’association ont évolué sans embûches et ont été conclues à
la fin de 2006, les autorités de la RS et de la FB-H n’ont pas coopéré
avec la direction visant à restructurer la police autant qu’elles
l’auraient dû.
11. Parmi les développements positifs en 2006, on peut citer la
réussite de l’instauration du régime de la TVA, bien qu’il y ait
eu, à l’époque – et qu’il y ait encore aujourd’hui – des querelles
à propos de la formule adoptée pour le calcul de la répartition
des recettes, l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au Partenariat
pour la paix de l’OTAN ainsi que la participation de la Serbie au
Sommet des chefs d’Etat de l’OTAN tenu à Riga les 28 et 29 novembre
2006. Plus récemment, à la suite de l’adoption par les autorités
de l’Etat et des entités de l’Accord sur la cession définitive de
tous les droits et responsabilités relatifs à des biens militaires
meubles qui continueront à servir des objectifs militaires, les
chefs d’Etat et de gouvernement des membres de l’OTAN ont invité
la Bosnie-Herzégovine, lors du Sommet de Bucarest en avril 2008,
à engager un «dialogue intensifié» avec l’OTAN. Malheureusement,
les progrès réalisés en matière de biens militaires immeubles sont bien
minces. Aucun progrès non plus n’a été enregistré concernant la
question de la répartition des biens entre l’Etat et les autres
niveaux de gouvernement, en dépit de l’adoption en octobre 2007,
par la Commission des biens de l’Etat, d’un compromis sur les critères
de répartition.
12. Le déroulement des élections générales d’octobre 2006 a encore
été marqué par des discours nationalistes et démagogiques sans aucun
rapport avec les programmes politiques et les questions socio-économiques.
Au lieu de se focaliser sur ces questions, les dirigeants les plus
charismatiques – le Premier ministre de la RS, Dodik (SNSD), et
le candidat bosniaque à la présidence, Haris Siladzic (SBiH), ont
embrasé l’atmosphère politique en exacerbant les craintes des groupes
ethniques et en présentant à la population des conceptions de l’organisation
future du pays qui s’excluaient mutuellement.
13. Comme en 2002, après les élections d’octobre 2006, plusieurs
mois ont été perdus dans des transactions politiques à tous les
niveaux sur la formation du gouvernement. Les autorités ne sont
devenues fonctionnelles qu’autour de mars 2007 et, dans certains
cantons de la FB-H, seulement en août 2007. En février 2007, le
Conseil de mise en œuvre de la paix a annoncé que le bureau du haut
représentant ne serait pas fermé en juin 2007, mais que son mandat
serait prorogé jusqu’en juin 2008
. Au cours de cette réunion, Christian
Schwarz-Schilling a également annoncé qu’il ne demanderait pas que
son mandat soit prorogé après juin 2007. En juillet 2007, il a été
remplacé par Miroslav Lajcak, un diplomate slovaque qui, comme ses prédécesseurs,
a été désigné comme représentant spécial de l’Union européenne.
14. Le jugement de la Cour internationale de justice du 26 février
2007 dans l’affaire dont elle a été saisie par la Bosnie-Herzégovine
contre la Serbie en 1992 concernant la Convention des Nations Unies
pour la prévention et la répression du crime de génocide, près d’un
an après le décès de Milošević, en détention à La Haye, avant la
fin de son procès au TPIY, a provoqué un traumatisme majeur, en
particulier dans la population bosniaque; en effet, dans son jugement,
la Cour internationale de justice a reconnu qu’il y avait eu un
génocide, mais uniquement à Srebrenica, et que la responsabilité
de la Serbie se limitait au fait qu’elle ne l’avait pas empêché.
Ce jugement s’est soldé par le durcissement de la position bosniaque
par rapport à la réforme de la police, car il a donné aux Bosniaques
un argument supplémentaire pour déclarer que la police de la RS
était une force de police «génocidaire» et qu’il était nécessaire
de la démanteler et de la placer sous le contrôle de l’Etat. Cette
situation a conduit les autorités de la RS à déclarer que, si elles
étaient obligées de choisir entre l’Europe et le maintien de la
police de la RS, elles préféreraient opter pour la seconde option.
15. L’incertitude permanente à propos du résultat des pourparlers
sur le statut du Kosovo a également empoisonné l’atmosphère politique
en Bosnie-Herzégovine, en raison notamment de déclarations faites
par les autorités serbes en octobre 2007, indiquant que le maintien
de la RS sur la base de l’Accord de paix de Dayton représentait,
avec le Kosovo, leur priorité majeure. L’adoption par l’Assemblée
du Kosovo le 17 février 2007 de la déclaration unilatérale d’indépendance
a durci encore les discours nationalistes.
16. Compte tenu des longues négociations sur la formation du gouvernement
et des débats passionnés sur la réforme de la police, très peu d’activités
législatives ont eu lieu: au cours des dix premiers mois qui ont
suivi les élections, le Conseil des ministres a adopté trois lois,
notamment la loi longtemps attendue sur l’enseignement supérieur
qui a été adoptée par le parlement le 30 juillet 2007. Après plusieurs
ajournements concernant la réforme de la police – pourtant une des
conditions préalables majeures pour initialiser un Accord de stabilisation
et d’association (avec la réforme de la radio et de la télévision
publiques, la réforme de l’administration publique et la coopération
avec le TPIY) –, le dernier délai fixé par l’Union européenne au 30 septembre
2007 pour la mise en œuvre de cette réforme n’a pas été respecté.
Les protocoles de dernière minute soumis par Dodik et Silajdzic
n’ont pas été considérés comme des preuves suffisantes de la volonté politique
de respecter les trois principes de l’Union européenne sur la réforme
de la police. La communauté internationale et la population en général
ont été très déçues par cet échec, en particulier parce qu’un Accord de
stabilisation et d’association avait été initialisé avec le Monténégro
en octobre 2007, et surtout avec la Serbie, le 7 novembre 2007.
17. Nous étions à Sarajevo à la fin de septembre 2007 et nous
avons constaté que l’atmosphère était plutôt déprimante: il y régnait
une ambiance générale de découragement et le sentiment que les hommes
politiques s’étaient eux-mêmes laissés piéger dans des positions
si rigides et divergentes qu’il était peu probable de pouvoir arriver
à un compromis quelconque, ne serait-ce que pour sauver la face.
Des spéculations allaient également bon train à propos des actions
qui seraient entreprises par le haut représentant pour «sanctionner» les
personnes responsables de l’échec de la réforme de la police. L’option
dont il était le plus souvent question était la révocation de leurs
fonctions de Dodik et de Silajdzic par le haut représentant en vertu
des pouvoirs de Bonn.
18. En revanche, le 19 octobre 2007, le haut représentant a imposé
des modifications à la loi sur le Conseil des ministres pour le
rendre plus fonctionnel (notamment en modifiant les règles du quorum)
et a requis que les deux chambres du parlement de l’Etat amendent
leurs règles de procédure au plus tard le 1er décembre 2007,
en suivant les indications qu’il avait données; à défaut, ces amendements
leur seraient imposés. Ses décisions ont été soutenues par la communauté
internationale
et par les parties bosniaques
et croates, mais ont provoqué une vague de protestations des parties
serbes qui ont menacé de se retirer des institutions au niveau de
l’Etat et ont soutenu que le haut représentant outrepassait les
pouvoirs conférés par Bonn.
19. Le 24 octobre 2007, dans un effort de dernière minute pour
régler la crise politique, les six partis politiques majeurs représentant
les trois peuples constitutifs
se
sont réunis à Mostar et ont adopté la «Déclaration de Mostar» dans
laquelle ils s’engageaient à mettre en œuvre la réforme de la police, conformément
aux trois principes fixés par l’Union européenne. Cependant, cette
déclaration indiquait que «la structure de la force de police unique
en Bosnie-Herzégovine doit être conforme à la structure constitutionnelle du
pays» et que «la structure de la nouvelle police réformée doit reposer
sur les dispositions pertinentes de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine
qui prendra forme au cours du processus de la réforme constitutionnelle».
A toutes fins utiles, cela signifie que la réforme de la police
devra attendre l’achèvement de la réforme constitutionnelle, au
moins pour sa partie la plus controversée, à savoir la délimitation
des régions policières. La communauté internationale a estimé que
cette déclaration était un premier pas encourageant, mais qu’elle
n’était pas suffisante pour justifier le lancement de l’Accord de
stabilisation et d’association.
20. Le 1er novembre 2007, le président
du Conseil des ministres, Nikola Spiric (SNSD), s’est résigné à protester
contre les décisions prises par le haut représentant le 19 octobre,
mais a continué à exercer scrupuleusement ses fonctions, tandis
que les autorités de la RS ont commencé à «chercher la petite bête» en
demandant au haut représentant une «interprétation authentique»
de sa décision concernant le Conseil des ministres. L’Assemblée
nationale de la RS a adopté une déclaration indiquant que la RS
n’accepterait pas les décisions du haut représentant; des manifestations
ont été organisées à Banja Luka et des élections anticipées pour
sortir du blocage institutionnel ne devaient pas être exclues. La
situation a été décrite comme la pire des crises politiques connues
en Bosnie-Herzégovine depuis 1992, au point que les citoyens, déjà
durement touchés par la forte hausse des prix des produits de base,
ont commencé à constituer des stocks, de farine ou d’huile de cuisine,
par exemple. Le commandant en chef de l’EUFOR a même déclaré que
la force Althea de l’Union européenne, forte de 2 500 hommes, dont
le mandat venait d’être prorogé pour un an en novembre, pourrait
être renforcée sur-le-champ, en cas de besoin.
21. Cependant, le 22 novembre, les principaux partis politiques
ont adopté un plan d’action en deux phases
pour
mettre en œuvre la Déclaration de Mostar relative à la réforme de
la police; le 30 novembre, les deux chambres du parlement au niveau
de l’Etat ont adopté les amendements des règles de procédure tels
que requis par la décision du haut représentant; le Conseil des
ministres, qui ne s’était pas réuni depuis le 16 octobre, a repris
ses réunions le 29 novembre, en particulier afin d’approuver les
dotations budgétaires nécessaires pour organiser l’élection présidentielle
anticipée en RS
le 9 décembre,
à la suite du décès soudain du Président, le 30 septembre, et pour
transmettre au parlement les documents requis pour ratifier l’Accord
de facilitation des visas et l’Accord de préadhésion à l’Union européenne
qui avaient été signés le 18 septembre.
22. Le 3 décembre 2007, le haut représentant a promulgué une décision
indiquant la véritable interprétation de sa décision du 19 octobre
relative au Conseil des ministres (en fait, il l’a amendée pour
prendre en considération, dans une certaine mesure, les préoccupations
des Serbes), et le 4 décembre, le Commissaire de l’Union européenne
à l’élargissement, Olli Rehn, s’est rendu à Sarajevo pour finalement
initialiser l’Accord de stabilisation et d’association avec la Bosnie-Herzégovine.
23. Le lancement de cet accord juste avant la longue période de
vacances a calmé les agitations politiques: cette mesure a été saluée
comme un succès majeur, donnant enfin à la Bosnie-Herzégovine une
perspective claire de son intégration à l’Europe. Elle a également
été interprétée avec soulagement comme une preuve évidente de la
volonté des politiques de surmonter enfin leurs divisions ethniques
et d’atteindre un consensus sur un objectif commun. Seules quelques
voix dissidentes ont fait observer que l’Union européenne avait
en fait renoncé aux trois principes de réforme de la police qu’elle
avait encouragés avec tant d’assiduité au cours des dernières années.
24. Le 11 décembre 2007, les six principaux partis (SDA et SBiH
pour les Bosniaques, HDZ et HDZ 1990 pour les Croates, SNSD et PDP
pour les Serbes) se sont réunis à Laktasi (près de Banja Luka) et
sont convenus de désigner de nouveau Spiric comme président du Conseil
des ministres et de nommer un groupe de travail
chargé
de soumettre au Conseil des ministres, pour le 15 février 2008,
des projets de loi portant création de sept nouveaux organes au
niveau de l’Etat (une direction pour la coordination de la police,
un institut médico-légal, un institut d’éducation et de revalorisation
professionnelle du personnel, une agence de soutien à la police,
un comité indépendant, une commission de plaintes des citoyens et
une commission de plaintes des officiers de police).
25. Les dirigeants politiques sont également convenus d’adopter
le budget de l’Etat pour 2008 au plus tard à la fin de 2007
,
de résoudre la question de la propriété de l’Etat pour la fin de
février 2008, d’adopter la loi sur les produits pharmaceutiques
et de «renforcer» la réforme de l’administration publique. Ils ont
également décidé de répartir, parmi les trois peuples constitutifs,
les sièges des agences existant déjà au niveau de l’Etat: trois
pour Banja Luka (l’Agence du matériel pharmaceutique, l’Agence des
documents d’identification et de l’échange des données, l’Agence
de l’éducation supérieure et de l’assurance de la qualité), trois
pour Mostar (l’Agence d’authentification des documents, l’Agence
de l’éducation primaire élémentaire et secondaire, l’Agence de la
vigilance pharmaceutique), et trois pour Sarajevo (l’Agence de réglementation
de la sécurité nucléaire et des radiations, la Société des technologies
de l’information, le laboratoire de contrôle du service du matériel
pharmaceutique, tandis que Tuzla a obtenu l’Agence de lutte contre
la drogue.
26. Cependant, à la mi-février 2008, la vague d’optimisme qui
avait marqué la fin de la crise de décembre 2007 s’est révélée de
courte durée: le 26 janvier 2008, le comité principal du SNSD a
adopté sa plate-forme politique, déclarant sans ambiguïté que, en
ce qui concernait la future réforme constitutionnelle, il opterait
pour une fédération asymétrique avec un droit à l’autodétermination
des unités fédérales, notamment la RS sous sa forme actuelle, et
a indiqué qu’aucune entité ni unité fédérale ne pourrait être abolie
sans son accord. Toutes les décisions au niveau de l’Etat seraient
entièrement prises sur la base du consensus. Le SNSD a également
demandé la relocalisation de la banque centrale à Banja Luka, la
suppression des forces armées et le démantèlement, au niveau de
l’Etat, du Haut Conseil judiciaire, du ministère public, de l’Autorité
des impôts indirects et de l’Agence de renseignement pour la sécurité.
27. Le 2 février, lors de la réunion des dirigeants des six partis
à Siroki Brijeg, aucun accord n’a pu être trouvé sur la façon de
mener à bien la réforme constitutionnelle; il a donc été convenu
de reporter tous les pourparlers constitutionnels futurs après la
signature de l’Accord de stabilisation et d’association. A Siroki Brijeg,
le dirigeant du SDA, Sulejman Tihic, a lui aussi annoncé qu’il ne
soutiendrait plus la Déclaration de Mostar sur la réforme de la
police et qu’il n’accepterait pas non plus le projet de loi préparé
par le groupe de travail.
28. Par conséquent, le 14 février 2008, le Conseil des ministres
devait adopter le projet de loi sur la direction de coordination
des organes et agences de police chargés de soutenir la structure
policière de la Bosnie-Herzégovine et le projet de loi sur les organes
indépendants et de supervision de la structure de la police de la
Bosnie-Herzégovine par un vote majoritaire
,
les membres bosniaques votant contre. Cependant, après de nouvelles
négociations, les deux lois sur la réforme de la police ont finalement
été adoptées par l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine
en avril 2008. Ces deux lois ne modifient pas les compétences des 14
services de police du pays, en activité dans les deux entités, les
10 cantons de la fédération et le district de Brčko. Le gouvernement
central continuera de gérer exclusivement la police des frontières
de l’Etat et l’Agence d’Etat de protection et d’investigation.
29. Les lois prévoient cependant une seconde phase, qui devrait
intervenir dans l’année suivant la réforme constitutionnelle. Ce
n’est qu’à ce moment que les trois principes établis par l’Union
européenne pour cette restructuration entreront en jeu. En vertu
de ces principes, le gouvernement central exercera le contrôle législatif
et budgétaire sur l’ensemble des forces de police du pays. L’Union
européenne a jugé que l’adoption des lois sur la réforme de la police
était une condition suffisante pour la conclusion de l’Accord de
stabilisation et d’association, finalement signé le 16 juin 2008.
30. Nous saluons l’adoption de la législation clé indispensable
à la réforme, mais nous sommes préoccupés par sa mise en œuvre pratique,
les perspectives d’une application rapide de la réforme constitutionnelle
étant plutôt sombres. Nous sommes par ailleurs extrêmement inquiets
de la détérioration du climat politique en Bosnie-Herzégovine. Les
craintes de chaque peuple constitutif du pays doivent à tout prix
être ouvertement examinées et dissipées, mais les accusations mutuelles
permanentes et le discours nationaliste mutuellement exclusif sont
contreproductifs et comportent tous les germes d’une catastrophe
future. Les Bosniaques, les Bosno-Croates, les Bosno-Serbes ainsi
que les groupes minoritaires sont tous des citoyens d’un seul et
même pays, la Bosnie-Herzégovine, et c’est ce pays qui intégrera
l’Europe, et non pas les petits fiefs dirigés par les intérêts étroits
des personnes et des partis.
31. Nous relevons aussi avec préoccupation que le discours de
consensus et de dialogue sur lequel les mécanismes de partage du
pouvoir existants s’appuyaient jusqu’ici s’est durci, laissant place
à l’obstruction qui est devenue une fin en soi. Depuis octobre 2005,
lorsque les déclarations solennelles adoptées sur les principes
de la réforme de la police par les trois parlements ont conduit
à l’ouverture des négociations sur l’Accord de stabilisation et
d’association, pour être finalement tout simplement remises en cause
ou décriées, les réformes ont été soit gelées, soit différées ou
restreintes pour satisfaire les personnes qui menaçaient de voter
contre. C’est une situation qui ne peut pas continuer, non pas seulement
parce que les autorités de la Bosnie-Herzégovine risquent d’être
perçues comme des partenaires peu fiables dans le processus d’intégration
européenne, mais surtout parce que les normes, les valeurs, les
meilleures pratiques européennes ne s’enracineront pas dans la société.
32. Nous estimons que la Bosnie-Herzégovine n’a pas d’autre choix
que celui de l’intégration européenne. L’Europe non plus n’a pas
d’autre choix que celui d’intégrer la Bosnie-Herzégovine. La «fatigue
de l’élargissement» entache la crédibilité de la stratégie d’intégration
de l’Union européenne qui repose sur des conditions et des délais
d’adhésion clairement définis. Il est donc d’une importance primordiale
que la communauté internationale et l’Union européenne, en particulier,
s’en tiennent aux normes qu’elles promeuvent et ne les bradent pas
contre des compromis à court terme. Nous rappellerons aux autorités nationales
aussi souvent qu’il sera nécessaire qu’en devenant un Etat membre
du Conseil de l’Europe la Bosnie-Herzégovine a contracté un certain
nombre d’obligations et s’est engagée à respecter les normes européennes.
33. Malheureusement, il est plus probable que certains responsables
politiques exploiteront la déclaration unilatérale d’indépendance
faite par le Kosovo le 17 février 2008, lors des négociations dans
le cadre des pourparlers constitutionnels futurs en Bosnie-Herzégovine.
En particulier, nous sommes préoccupés par la résolution adoptée
par l’Assemblée nationale de la RS le 21 février 2008, dans laquelle
l’Assemblée nationale déclare qu’elle «considère qu’elle a le droit
de déterminer la position [de la RS] sur le statut de son Etat et
son statut juridique par un vote direct par référendum»
.
Ce type de déclaration est contraire aux Accords de paix de Dayton
qui ne donnent pas aux entités le droit de faire sécession. Nous
invitons toutes les parties prenantes à s’abstenir de faire des
déclarations et de prendre des mesures sécessionnistes ou qui remettraient
en question l’existence des entités. Le Kosovo ne peut servir de
précédent.
34. La mise en œuvre de la réforme de la police étant liée à la
réforme constitutionnelle, aux jeux politiques autour de l’indépendance
du Kosovo, aux prochaines élections locales en octobre 2008 et au
climat politique général tendu, il est peu probable que la réforme
constitutionnelle évolue de façon constructive et aboutisse avant
la tenue des prochaines élections générales, en 2010, contrairement
à la recommandation faite par l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe dans sa
Résolution
1513 (2006). Nous déplorons ce retard supplémentaire parce que nous
estimons que la stabilité et l’intégration européenne future ne
peuvent pas aboutir en Bosnie-Herzégovine sans une réforme de la
Constitution adoptée dans le cadre des Accords de paix de Dayton
et fondée sur les orientations énoncées dans la
Résolution 1513 de l’Assemblée.
1.2.1. Relations internationales
1.2.1.1. Relations avec l’Union européenne
35. L’Accord de stabilisation et
d’association avec l’Union européenne a été signé le 16 juin 2008,
après l’adoption des deux lois lançant la réforme de la police.
Cet accord doit maintenant être ratifié par tous les Etats membres
de l’Union européenne. Dans l’intervalle, la Bosnie-Herzégovine
bénéficie d’avantages commerciaux grâce à un accord intérimaire
qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet
2008, à la condition que les autorités adoptent les amendements
appropriés à la loi sur les tarifs douaniers.
36. Parallèlement aux négociations concernant l’Accord de stabilisation
et d’association, un accord sur l’allégement du régime des visas
a été élaboré et signé le 17 septembre 2007. Cet accord réduit,
voire supprime, pour certaines catégories de citoyens, les frais
d’établissement de visas. Il simplifie également leurs conditions
d’octroi pour beaucoup de citoyens, dont les étudiants, les hommes
d’affaires, les journalistes, etc. Des discussions sur l’introduction
d’un régime sans visas pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine ont
été initiées par l’Union européenne le 26 mai 2008.
37. Nous saluons avec enthousiasme la signature de l’Accord de
stabilisation et d’association ainsi que les mesures facilitant
l’octroi des visas pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine. Cet
accord offre de nouvelles opportunités à la Bosnie-Herzégovine,
notamment des avantages commerciaux et financiers. Il ouvre au pays une
perspective européenne claire pour son développement. Cependant,
la mise en œuvre effective de l’Accord de stabilisation et d’association
suppose une coopération étroite et efficace entre les diverses structures
et institutions aux niveaux de l’Etat et des entités. Sans une réforme
constitutionnelle appropriée et dans le contexte actuel de division
politique et de rivalité entre les entités, le pays risque de ne
pas exploiter au mieux les avantages potentiels que l’Accord de
stabilisation et d’association peut lui apporter. C’est pourquoi
nous appelons les autorités à examiner très sérieusement les implications
de la mise en œuvre de l’Accord de stabilisation et d’association,
étape intermédiaire sur la voie de l’adhésion pleine et entière
à l’Union européenne, et à prendre les mesures requises pour renforcer,
si besoin est, les institutions de l’Etat et améliorer la coopération
entre les entités.
1.2.1.2. Relations avec la Croatie
38. Un accord sur la double nationalité
avec la Croatie a été approuvé par l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine
en février 2008
.
On estime que près de 400 000 Croates vivant en Bosnie-Herzégovine ont
également la citoyenneté croate. Le 2 janvier 2005, près de 50 000
résidents de nationalité croate en Bosnie-Herzégovine se sont présentés
aux urnes dans 42 bureaux de vote pour l’élection présidentielle
en Croatie. Ce nombre représentait 2 % du taux de participation
total. Des analystes ont laissé entendre que l’électorat de Bosnie-Herzégovine
a pesé négativement sur le résultat des élections, car il a, selon
les informations disponibles, voté en grande majorité en faveur
du candidat de l’Union démocratique croate (HDZ), Jadranka Kosor.
Cette situation a contribué à empêcher le Président sortant, Stjepan
Mesic – qui a obtenu un peu moins de 49 % des voix –, d’obtenir
50 % de voix, nécessaires pour remporter la victoire au premier
tour.
39. Le 15 octobre 2007, le Président Stjepan Mesic a prévu des
élections au Sabor (Parlement croate) pour le 25 novembre 2007,
à la suite de l’expiration du mandat de quatre ans du parlement.
Pour ces élections, près de 400 000 Croates de la diaspora vivant
dans 53 pays (qui constituent la circonscription no 11)
ont été invités à se rendre aux urnes. L’un des principaux changements
dans l’organisation du vote de la diaspora a été l’augmentation
significative du nombre de bureaux de vote installés en Bosnie-Herzégovine;
leur nombre, qui était de 30 pour les élections de 2003, est passé
à 124 en 2007, pour un nombre d’électeurs enregistrés plus ou moins
égal (la participation des citoyens croates de la Bosnie-Herzégovine
en 2003 a été de 19,8 % des électeurs enregistrés). Ces efforts
visant à faciliter l’accès des électeurs croates bosniens se sont
transformés en controverse politique au cours de la campagne à cause
de la relation entre la participation des électeurs votant à l’extérieur
du pays, en particulier en Bosnie-Herzégovine, et le nombre de mandats
octroyés dans cette circonscription (jusqu’à six). Les agents chargés
de l’enregistrement sont confrontés à une difficulté du fait que
la liste des électeurs de la diaspora est compilée à partir de données
obtenues lors du dernier entretien entre les personnes concernées
et les fonctionnaires croates. Dans l’intervalle, beaucoup déménagent
ou s’installent temporairement dans une autre ville ou un autre
pays. Par exemple, selon les estimations, sur les 286 000 électeurs
enregistrés en Bosnie-Herzégovine, 110 000 travailleraient actuellement
en Allemagne. S’ils ne se sont pas faits «préenregistrer», ils seront
maintenus sur les listes de la Bosnie-Herzégovine selon leur dernière
résidence connue et s’ils se présentent à l’ambassade ou dans un
des consulats en Allemagne, ils ne figureront pas sur la liste des
électeurs et ne seront pas autorisés à voter.
40. Nous avons déjà fait observer dans nos précédents rapports
que nous considérons le vote de la diaspora comme un problème dans
les circonstances particulières de la Bosnie-Herzégovine. Les Croates
ne peuvent pas être un peuple constitutif de la Bosnie-Herzégovine,
réclamer des droits de minorités, notamment dans le domaine de l’éducation
, et en même
temps jouir du droit de vote et d’être éligibles dans un pays voisin.
Nous exhortons également les autorités bosniaques à régler une fois
pour toutes les différends frontaliers qui subsistent, à parvenir
à un accord en ce qui concerne le port de Ploce et à adopter une
attitude constructive concernant la construction du pont de Peljesac.
1.2.1.3. Relations avec la Serbie
41. Les relations avec la Serbie
ont été marquées par l’adoption en février 2007 par la Cour internationale de
justice (CIJ) de son arrêt dans l’affaire Bosnie-Herzégovine
c. Serbie. La CIJ a conclu que des actes de génocide
ont été commis à Srebrenica. Elle a estimé que la Serbie n’avait
pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter ce génocide
et livrer les responsables à la justice. Cependant, la CIJ a décidé
que la Serbie n’a pas commis de crime de génocide contre la Bosnie-Herzégovine.
42. Comme cela a été indiqué plus haut, le jugement a provoqué
un traumatisme majeur, en particulier dans la population bosniaque.
Cependant, d’une manière générale, ce jugement n’a pas influencé
négativement les relations entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie.
Nous notons que la Serbie a ouvert un consulat à Banja Luka, en
mai 2007. Cependant, les problèmes concernant la frontière de l’Etat,
les questions de biens et le commerce sont encore non résolus
.
43. Au niveau des entités, la Republika Srpska a poursuivi sa
coopération avec la Serbie dans le cadre de l’Accord spécial sur
les relations parallèles de 2006.
1.2.2. Croissance économique
44. Le début de l’année 2005 a
été une étape significative pour la Bosnie-Herzégovine, notamment
avec le démarrage de la collecte des impôts au niveau de l’Etat,
ce qui a renforcé la création d’un espace économique unique dans
le pays. Le 1er janvier 2005, la mise
en œuvre de deux nouvelles lois concernant l’impôt sur le revenu
des biens et services et les taxes douanières a démarré; aujourd’hui,
ces impôts sont versés sur un compte bancaire unique de l’Administration
des impôts indirects (AII) de la Bosnie-Herzégovine. Cette mesure est
censée simplifier la vente et le transport des marchandises entre
les entités et prévenir la fraude fiscale. L’Etat récupérera ses
propres coûts administratifs et se chargera du remboursement de
la dette extérieure avant de répartir le solde entre les entités
et le district de Brčko, conformément à une formule «agréée».
45. A la suite de l’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) au début de l’année 2006, la loi sur l’affectation des revenus
a été amendée dans les deux entités du pays. Des difficultés sont
survenues dans l’une des entités – la FB-H –, qui est restée quelque
temps sans mécanisme permettant de transférer des fonds du compte
central aux cantons et aux municipalités.
46. Malgré l’environnement politique difficile, la Bosnie-Herzégovine
est aujourd’hui dans sa quatrième année de performance économique
stable, avec une croissance du PIB estimée à 5,5 % en 2008. L’inflation au
premier trimestre de 2007 ne se situait qu’à 1,5 %, mais a commencé
à augmenter dans la seconde moitié de 2007, suivant l’augmentation
des prix de l’alimentation et des transports, pour atteindre 4,9
% en décembre et grimper au-delà de 6 % au printemps 2008. Le déficit
actuel de la trésorerie a enregistré une baisse, passant de 21,3
% du PIB en 2005 à 11,4 % du PIB en 2006. Le déficit commercial
est passé de 49,6 % en 2005 à 37,1 % en 2006, mais d’autres améliorations
sont improbables pour l’instant étant donné le ralentissement des exportations
en 2007 et la hausse, une fois encore, des importations. L’excédent
fiscal total s’est établi à 3 % du PIB en 2006, découlant essentiellement
d’une hausse des revenus consécutive à l’introduction du régime de
la TVA.
47. La RS a commencé à rattraper son retard par rapport à la FB-H
en termes économiques grâce, en particulier, à l’augmentation des
revenus découlant de la vente de sociétés publiques. Le gouvernement
a accepté en 2007 une offre de «Telekom Srbija» pour l’achat de
65 % de «Telekom Srpska», entraînant un apport initial de ressources
en espèces de 646 millions d’euros, mais augmentant le risque d’engagement
de dépenses publiques non soutenables au plan fiscal dans le long
terme.
48. Pourtant, la manne financière générée par des niveaux élevés
de collecte d’impôts indirects n’a ni favorisé la conclusion d’un
accord sur un mécanisme permanent d’affectation des revenus entre
les entités (le pourcentage octroyé au district de Brčko a dû être
imposé par le haut représentant), ni apporté de solutions aux difficultés
fiscales. En particulier, les dépenses préélectorales et le régime
fiscal actuel non coordonné pourraient entraîner une forte détérioration
du bilan du gouvernement de l’Etat. L’Etat a enregistré un déficit de
0,3 % du PIB en 2007, à comparer à un excédent de 2,2 % en 2006,
mettant en lumière l’urgente nécessité d’établir un conseil national
de la fiscalité qui veillerait à la coordination fiscale appropriée
et à la stabilité macroéconomique. Il importe aussi d’améliorer
les statistiques. Enfin, il convient de noter que, depuis 1991,
il n’y a pas eu de nouveau recensement
, ce qui affecte la planification macroéconomique
future.
49. Les salaires du secteur public dans les deux entités et les
cantons ont presque atteint la parité avec ceux des administrations
de l’Etat. Ce poids excessif des salaires du secteur public s’élève
à près de 50 % du PIB et n’encourage pas la mutation des fonctionnaires
des entités au niveau de l’Etat. Une loi sur les salaires publics
au niveau de l’Etat a été adoptée en juillet 2008. Cependant, cette
loi ne couvre pas le personnel de l’Assemblée parlementaire de la
Bosnie-Herzégovine.
50. L’on observe peu de progrès, voire aucun, dans la réforme
de l’environnement des affaires, ce qui décourage les investissements
et maintient le taux du chômage à des niveaux élevés. Ce taux est
estimé à 31,1 %, avec 20 % de la population vivant en dessous du
seuil de pauvreté et 30 % pas loin de ce seuil. Cette situation
pèse négativement sur la relance économique et élargit l’écart entre
la Bosnie-Herzégovine et les autres pays en transition. Le pays
doit impérativement attirer de nouveaux investissements étrangers
pour créer de nouveaux emplois, en accordant par exemple des concessions
pour la construction du Corridor V
c ou celle de nouvelles usines hydroélectriques.
De même, la privatisation des biens de l’Etat doit être accélérée.
2. Respect des normes et des
instruments du Conseil de l’Europe
2.1. Signature et ratification
des conventions du Conseil de l’Europe
51. Au 22 août 2008, la Bosnie-Herzégovine
a ratifié 64 conventions du Conseil de l’Europe et signé 11 autres
conventions. Par rapport aux autres Etats sous procédure de suivi,
ces chiffres sont particulièrement appréciables.
52. Depuis le dernier rapport de suivi de juin 2004, la Bosnie-Herzégovine
a notamment ratifié les conventions figurant dans l’
Avis no 234 (2002) de l’Assemblée relatif à son adhésion: la Convention européenne
d’extradition et ses protocoles additionnels (STE nos 24
et 86), le 3e Protocole à l’Accord général sur
les privilèges et immunités (STE no 28),
la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE
nos 30 et 182), la Convention européenne
sur la transmission des procédures répressives (STE no 73), la
Convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées
(STE no 112), la Convention européenne
relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (STE
no 116), la Convention sur la cybercriminalité
et ses protocoles additionnels (STE nos 182
et 189). Plus récemment, le 28 mars 2008, la Bosnie-Herzégovine
a ratifié la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière
des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106),
remplissant ainsi un engagement de longue date souscrit dans le
cadre de son adhésion.
53. La Bosnie-Herzégovine a également ratifié le Protocole no 14
à la Convention européenne relative à la télévision transfrontalière,
la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine et la
Convention pour la protection des individus, eu égard au traitement
automatisé des données personnelles. Le 11 janvier 2008, la Bosnie-Herzégovine
a ratifié les trois conventions «de Varsovie», à savoir la Convention
pour la prévention du terrorisme (STCE no 196),
la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE
no 197) et la Convention relative au
blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des
produits du crime, et au financement du terrorisme (STCE no 198).
Le 30 juin 2008, la Bosnie-Herzégovine a ratifié le 6e Protocole additionnel
à l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de
l’Europe.
54. Cependant, contrairement aux engagements contractés au moment
de son adhésion, à ce jour, la Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires n’a pas été ratifiée. La Convention européenne sur la
nationalité (STE no 166) a été signée
mais non ratifiée. Nous avons été informés que les procédures de ratification
de la Charte sociale européenne révisée (STE no 139)
et de la Convention européenne sur la nationalité sont achevées
et attendons des autorités qu’elles déposent dans les meilleurs
délais les instruments de ratification près le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe.
2.2. Coopération avec le Conseil
de l’Europe
55. Depuis son adhésion en avril
2002, différents organes de supervision ont publié des rapports
sur la Bosnie-Herzégovine:
- le
Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué trois visites,
la dernière en mars 2007; après cette visite, le comité a publié en
juillet 2007 ses observations préliminaires et la réponse du Gouvernement
de la Bosnie-Herzégovine ;
- la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) a publié son premier rapport sur le racisme et l’intolérance
en Bosnie-Herzégovine le 15 février 2005; le prochain rapport est
prévu pour 2010;
- le Commissaire aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg,
a publié un rapport sur le problème de la décertification des agents
de police et un rapport sur le pays en février 2008, après une visite
effectuée en juillet 2007;
- le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe a observé les élections locales en 2004 et l’élection
présidentielle le 9 décembre 2007 en RS, et a publié un rapport
sur la démocratie locale et régionale en Bosnie-Herzégovine ;
- le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) a publié,
le 8 décembre 2006, le rapport de son deuxième tour d’évaluation;
- le Comité d’experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation
des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux (MONEYVAL)
a publié, le 6 juin 2005, un rapport détaillé de son premier tour
d’évaluation;
- le secrétariat de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales a reçu le deuxième rapport de l’Etat le
31 août 2007. Une visite en Bosnie-Herzégovine a eu lieu du 24 au
28 mars 2008. L’avis du second cycle de suivi du comité consultatif
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
sera adopté en octobre 2008.
56. La Cour européenne des droits de l’homme a prononcé son premier
jugement contre la Bosnie-Herzégovine en 2006, puis trois autres
en 2007 et deux en 2008 (au 22 août). La Commission de Venise a également
formulé un certain nombre d’avis, principalement en 2005 et 2006
au cours de la tentative – avortée – de la réforme constitutionnelle.
Trois autres avis ont été adoptés en juin 2008 à propos d’amendements
au Code électoral, de projets d’amendements à la Constitution de
la Republika Srpska et de projets d’amendement à la loi d’Etat sur
le conflit d’intérêts. Dans le présent rapport, nous nous appuierons
largement sur les conclusions et recommandations – dont certaines
très critiques – de ces mécanismes de suivi dans les chapitres pertinents.
57. Nous saluons le fait qu’enfin, six ans après son adhésion,
l’accord sur la publication de l’étude de compatibilité a été conclu.
Nous attendons des autorités de Bosnie-Herzégovine à tous les niveaux
qu’elles engagent des actions pour remédier aux lacunes dans la
législation et la pratique identifiées dans l’étude de compatibilité.
Au vu du retard accumulé par la Cour européenne des droits de l’homme,
nous considérons qu’il est de la plus haute importance que les autorités
prennent des mesures préventives pour garantir que leur législation
et leurs pratiques sont conformes à la Convention européenne des
droits de l’homme (CEDH) sans attendre des arrêts constatant des
violations par la Bosnie-Herzégovine.
58. Nous exhortons également les autorités à accélérer leurs procédures
internes de sélection afin de présenter des candidatures de personnes
compétentes pour les différents organes du Conseil de l’Europe.
Il est difficilement compréhensible que, six années après son adhésion,
la Bosnie-Herzégovine ne soit pas encore représentée au CPT
.
Le siège de la Bosnie-Herzégovine au Comité consultatif de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales est vacant depuis juin
2006; le mandat des membres actuels de la Bosnie-Herzégovine à l’ECRI
a expiré depuis le 18 février 2008 et, à ce jour, les autorités
n’ont soumis aucune nouvelle proposition. La question de la nomination
d’un nouveau membre de la Commission de Venise au titre de la Bosnie-Herzégovine
reste également en suspens. Nous déplorons aussi que la délégation
de la Bosnie-Herzégovine auprès de l’Assemblée parlementaire ait
pris plus d’un an pour choisir son président et que l’accord conclu
consiste, une fois encore, en une rotation des trois peuples constitutifs.
3. Fonctionnement des institutions
démocratiques
3.1. Elections
3.1.1. Elections locales de 2004
59. Les élections municipales d’octobre
2004 sont les premières élections à avoir été entièrement organisées,
conduites et financées par les autorités de la Bosnie-Herzégovine;
c’est un signe de la réussite de l’appropriation du processus électoral
par l’administration locale. Des élections ont également été tenues
dans le district de Brčko pour la première fois. Ces élections ont
été observées par le Congrès
.
60. Les observateurs du Congrès ont conclu que les élections de
2004 ont été administrées dans le respect des normes électorales
internationales du Conseil de l’Europe. Cependant, plusieurs lacunes
ont été identifiées dans le processus électoral, notamment les registres
d’électeurs incomplets et la complexité du système électoral qui
a rendu difficile la compréhension du processus par les citoyens.
Comme nous le verrons ultérieurement, certains de ces problèmes
ont été dissipés par la réforme de la législation électorale.
3.1.2. Elections générales d’octobre
2006 et préparation des élections locales d’octobre 2008
3.1.2.1. Amendements de la loi électorale
61. Le 3 avril 2005, le haut représentant,
Paddy Ashdown, a promulgué une décision concernant le retrait de
la Commission électorale de la Bosnie-Herzégovine des trois membres
internationaux, retrait prenant effet à partir de la fin du mois
de juin 2005.
62. A la fin de mars 2006, les deux chambres du parlement d’Etat
ont approuvé des amendements à la loi électorale. Grâce à cette
loi, la Bosnie-Herzégovine est aujourd’hui dotée d’une Commission
électorale centrale. La Commission de traitement des plaintes et
recours pour les élections a été abolie, la période de la campagne
officielle dans les médias électroniques a été réduite de soixante
à trente jours, le seuil de représentation est maintenant fixé à
3 % du scrutin. Le pays est à présent doté d’un système d’enregistrement passif
des électeurs; en d’autres termes, chaque citoyen détenant une carte
d’identité du système de protection sociale (DISPS)
valide
doit être automatiquement enregistré comme électeur.
63. D’autres amendements à la loi électorale, à la loi sur le
financement des partis politiques et à la loi sur les conflits d’intérêts
ont été adoptés en vue des prochaines élections locales qui doivent
se tenir en octobre 2008. Ces amendements ont fait l’objet d’une
évaluation par la Commission de Venise
. Dans son avis, cette dernière
notait que «pour la plupart, les amendements portent sur des questions
techniques, à des fins d’éclaircissement et d’amélioration, et auraient
globalement des effets positifs». Les amendements ont également
répondu à certaines recommandations de fond précédentes et ont été
considérés comme positifs à cet égard. Néanmoins, selon la Commission
de Venise, ils ne répondent toujours pas «à certains problèmes importants
signalés précédemment concernant les systèmes électoraux aux niveaux
national et des entités, qui sont basés sur l’appartenance ethnique,
l’éligibilité et la transparence dans la détermination des droits
lors des litiges électoraux».
64. Nous ne reviendrons pas dans le présent rapport sur toutes
les recommandations émises par la Commission de Venise dans l’avis
susmentionné. Nous n’en retiendrons qu’une qui, à notre avis, est
d’une importance capitale. Selon la loi électorale amendée, au maximum
deux sièges réservés sont octroyés aux minorités, si elles représentent,
selon le recensement de 1991, plus de 3 % de la population d’une
municipalité. Dans les municipalités où les minorités représentaient
(selon le dernier recensement) plus de 3 % de la population, un
siège réservé supplémentaire leur est accordé. La décision relative
au nombre de sièges réservés est laissée à la discrétion des municipalités.
A notre sens, cet amendement marque une régression par rapport aux
dispositions précédentes, qui ne limitaient pas le nombre de sièges
réservés et garantissaient la représentation des minorités même
si elles constituaient moins de 3 % de la population. Nous sommes préoccupés
par le fait que, dans un pays basé sur la division constitutionnelle
de la population en trois peuples constitutifs et des groupes minoritaires,
la participation déjà faible des minorités à la vie politique s’en
trouve encore réduite. Nous appelons les autorités à chercher d’autres
moyens pour intégrer les minorités à la vie politique, notamment
au niveau local, en faisant appel à l’expertise du Conseil de l’Europe
dans ce domaine.
64.1.
64.1.1.
64.1.1.1. Les élections générales d’octobre 2006
65. Etaient en lice 36 partis politiques enregistrés, avec 8 coalitions
formelles et 12 candidats indépendants, ainsi que 2 736 886 électeurs
enregistrés en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la nouvelle procédure d’enregistrement
passif. Les électeurs étaient appelés à élire les trois membres
de la présidence de la Bosnie-Herzégovine, le président et deux
vice-présidents de la RS, les députés de la Chambre des représentants
de Bosnie-Herzégovine et de la FB-H, l’Assemblée des peuples de
la Republika Srpska, et les députés des assemblées des dix cantons
de la FB-H. Une somme de 4,5 millions d’euros imputée aux budgets
de la Bosnie-Herzégovine et des municipalités a été dépensée pour
l’organisation des élections générales.
66. Le discours nationaliste qui a marqué la campagne électorale
depuis le début s’est renforcé à l’approche du scrutin. Cette situation
a été surtout exacerbée par les appels du Premier ministre de la
RS, Milorad Dodik, pour la tenue d’un référendum sur l’indépendance
de la RS et par des contre-appels des partis bosniaques revendiquant
un Etat plus centralisé. Les partis croates, qui ne parlaient déjà
pas le même langage depuis la formation, au début de cette année,
du parti dissident HDZ 1990
, se sont efforcés de
se trouver une place dans la politique.
67. Les élections générales se sont tenues le 1er octobre
2006: la mission conjointe de supervision des élections Conseil
de l’Europe/BIDDH a déclaré que «les élections se sont globalement
déroulées dans le respect des normes internationales», et a rendu
hommage aux autorités de la Bosnie-Herzégovine, en particulier à
la Commission électorale centrale, pour l’organisation de ce premier
scrutin administré au niveau interne; elle a toutefois rappelé que
les élections en elles-mêmes, à certains égards importants, ont
enfreint le Protocole no 12 à la CEDH
«entre autres, parce que seuls les Serbes, les Bosniaques et les
Croates peuvent briguer la présidence».
68. La Commission électorale centrale de la Bosnie-Herzégovine
a finalement certifié les résultats des élections du 27 octobre
pour la Chambre des représentants de la Bosnie-Herzégovine (42 sièges,
comprenant 28 sièges pour la FB-H et 14 pour la RS). Le SDA a été
le grand vainqueur avec 9 sièges (8 dans la FB-H et 1 dans la RS),
le SBiH a obtenu 8 sièges (7 dans la FB-H et 1 dans la RS). Dans
la FB-H, le SDP a obtenu 5 sièges, le HDZ/HNZ 3 et le HDZ 1990,
2. Le NSRZB, le BPS, le DNZ ont chacun obtenu 1 siège. Dans la RS, conformément
aux pronostics, le SNSD a remporté une victoire écrasante en enlevant
7 sièges; le SDS en a obtenu 3, et le DNS et le PDP 1 chacun.
69. Ensuite, les résultats pour la présidence de la Bosnie-Herzégovine
ont été proclamés avec deux surprises majeures: premièrement, l’envergure
de la défaite du membre sortant de la présidence, Tihic (SDA), qui
a obtenu moins de la moitié des voix que Silajdzic (SBiH) et, deuxièmement,
l’élection au siège croate du SDP, et donc de Zeljko Komsic qui
n’était représentatif d’aucune ethnie. Il était prévisible que Radmanovic (SNSD)
remporterait la victoire pour le siège serbe avec une majorité écrasante.
3.1.2.2. Préparation des élections
locales d’octobre 2008
70. La Commission électorale centrale
a décidé que les prochaines élections locales se tiendraient le
5 octobre 2008. Les partis politiques avaient jusqu’au 23 mai pour
s’inscrire en vue de ce scrutin. L’échéance pour l’inscription des
coalitions électorales et des candidats indépendants avait été fixée
au 25 juin. Le Congrès observera ces élections et nous prendrons
son rapport en compte dans les prochaines étapes du processus de
suivi.
71. Un développement intéressant de la législation électorale
est intervenu en liaison avec la préparation des élections locales
d’octobre. Le 7 mai 2008, l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine
a adopté, en procédure d’urgence, des amendements au Code électoral
offrant la possibilité à toutes les personnes qui résidaient à Srebrenica
avant la guerre de s’inscrire pour voter dans cette municipalité,
quel que soit leur lieu de résidence actuel. Cette modification
n’a d’effet que pour les élections locales d’octobre 2008 et a principalement
pour but d’éviter que les Bosniaques, chassés de la région de Srebrenica
à la suite du génocide perpétré durant la guerre, ne soient mis
en minorité par les Serbes, actuellement majoritaires à Srebrenica. Nous
comprenons bien l’importance particulière et symbolique de cette
ville pour les Bosniaques, et la nécessité d’y créer un environnement
politique favorable à des retours durables. Nous saluons le fait
que les responsables politiques aient été en mesure de trouver un
compromis pragmatique sur un sujet aussi sensible et complexe. Cependant,
nous estimons que les modifications adoptées ne représentent qu’une
solution provisoire. Des efforts de confiance supplémentaires sont
nécessaires de tous côtés pour donner à la population foi dans des
institutions démocratiques qui feront de Srebrenica, mais aussi
d’autres municipalités du pays, des villes pleinement multiculturelles
et multiethniques.
72. La préparation des élections a également soulevé un autre
problème politique en Bosnie-Herzégovine, en l’occurrence la mise
en œuvre de la loi sur le conflit d’intérêts. Cette loi, adoptée
par l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine en 2002 et amendée
en 2003 et 2004, vise à prévenir les conflits d’intérêts dans les
institutions gouvernementales du pays, et à établir le cadre des
politiques et de la législation des entités en la matière. Selon
ce texte, il est demandé aux entités et au district de Brčko d’adopter
leurs propres lois sur le conflit d’intérêts, en pleine cohérence
avec la loi d’Etat. Le district de Brčko a déjà adopté sa loi sur
la prévention des conflits d’intérêts et en a confié la mise en
œuvre à la Commission électorale centrale de l’Etat. En avril 2008,
un projet de loi de la RS sur le conflit d’intérêts a été présenté
à l’Assemblée nationale de RS. Ce projet a par la suite été examiné
par la Commission de Venise. Dans la version définitive, la RS a
décidé de confier la mise en œuvre de la loi à la Commission électorale
de RS et non à la Commission électorale centrale de l’Etat, comme
l’a fait le district de Brčko. Si, sur le plan juridique, cette
solution semble légitime, elle risque cependant de pêcher dans la
pratique par manque d’efficacité. En fait, la Commission électorale
de la RS n’était pas impliquée auparavant dans ces activités, alors
que la Commission électorale centrale de Bosnie-Herzégovine a rempli
cette mission de manière très satisfaisante depuis l’adoption de
la loi et jusqu’en janvier 2008, date à laquelle elle a suspendu
ses activités en matière de prévention des conflits d’intérêts au
niveau des entités à la suite d’un recours devant la Cour constitutionnelle.
Nous partageons l’avis de la Commission de Venise, qui estime qu’il
serait préférable de confier la mise en œuvre de la législation
des entités relative aux conflits d’intérêts à la Commission électorale
centrale, tout en reconnaissant que cela supposerait un transfert
volontaire de compétences au niveau de l’Etat. A l’instar des représentants
de la communauté internationale, notamment le bureau du haut représentant
et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE),
nous appelons les autorités de RS à revenir sur leur décision et
à transférer les compétences pour la mise en œuvre de la loi sur
le conflit d’intérêts à la Commission électorale centrale, de manière
à profiter de l’expérience fructueuse de cette dernière et à mettre
en place des garanties efficaces contre la corruption politique.
3.1.3. Formation du gouvernement
après les élections générales de 2006
3.1.3.1. Au niveau de l’Etat
73. La présidence de la Bosnie-Herzégovine
a commencé à exercer le 6 novembre 2006, lorsque Nebojsa Radmanovic
(SNSD) prit la présidence pour huit mois, avec Haris Silajdzic (SBiH)
et Zeljko Komsic (SDP) à ses côtés. Le président est actuellement
M. Silajdzic. Le processus de formation du gouvernement au niveau de
l’Etat s’est finalement accéléré avec la nomination au début du
mois de décembre du Présidium de la Chambre des représentants et
de Nikola Spiric (SNSD) comme président du Conseil des ministres
et Premier ministre désigné.
74. Le 9 février 2007, plus de quatre mois après les élections
générales, l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine a
désigné le nouveau Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine.
Ces nouveaux ministres et vice-ministres étaient les premiers à
être investis par les institutions propres de l’Etat et non pas par
le bureau du haut représentant
.
Les dix postes ministériels du conseil ont été répartis entre les
cinq partis politiques majeurs. L’Union des sociaux-démocrates indépendants
(SNSD), dont les électeurs sont essentiellement issus de la RS,
a obtenu la présidence du Conseil des ministres, le ministère du
Commerce extérieur et des Relations économiques, et le ministère
des Affaires civiles. Le Parti pour l’action démocratique (SDA),
traditionnellement le parti bosniaque prédominant, a obtenu le ministère
de la Sécurité et le ministère de la Défense. Le parti pour la Bosnie-Herzégovine
(SBiH), dont le chef, Haris Silajdžić, avait battu le président du
SDA, Sulejman Tihić, à la course pour le siège bosniaque à la présidence,
s’est vu confier le ministère des Affaires étrangères et le ministère
des Droits de l’homme et des Réfugiés. L’Union démocratique croate
de la Bosnie-Herzégovine (HDZ-BiH) a obtenu le ministère des Finances
et du Trésor et le ministère de la Justice, tandis que le parti
dissident de l’Union démocratique croate 1990 (HDZ 1990) a reçu
le ministère des Transports et des Communications.
75. La session inaugurale de la Chambre des peuples de Bosnie-Herzégovine,
qui comprend l’ancien membre de la présidence, Tihic, et l’ex-ministre
des Affaires étrangères, Ivanic, a démarré le 14 mars 2007, parachevant
la législature au niveau de l’Etat.
3.1.3.2. En Republika Srpska
76. En RS, l’établissement du nouveau
gouvernement s’est déroulé sans heurt et avec diligence, grâce à
la victoire écrasante du SNSD. Le Président de la RS, Milan Jelic,
a prêté serment le 9 novembre 2006. L’Assemblée nationale de RS
est devenue rapidement opérationnelle et le Premier ministre réélu,
Milorad Dodik, a formé son gouvernement le 29 novembre (avec des
partenaires de la coalition du SP et du DNS); cependant, le SDS
a rejoint l’opposition en promettant d’adopter une position plus
radicale dans le futur. Le dirigeant du SDS et ancien président,
Dragan Cavic, a été contraint de démissionner de son poste de dirigeant du
parti.
3.1.3.3. Dans la FB-H
77. Le blocage persistant au niveau
de l’Etat s’est répercuté dans l’ensemble de la FB-H; en particulier,
les parties croates estimaient qu’une sous-représentation dans le
gouvernement de l’Etat pourrait être partiellement compensée par
un poids plus important dans le pouvoir exécutif de la fédération.
La Chambre des représentants de la FB-H s’est en effet réunie à
temps le 21 novembre, mais cette session a également été ajournée sine die. Une situation similaire
a prévalu dans les cantons.
78. La législation de la FB-H confère toujours au bureau du haut
représentant la possibilité de contrôler les candidats proposés
pour les postes ministériels. Le 22 mars 2007, la Chambre des représentants
de la FB-H a élu un gouvernement avant d’avoir reçu le feu vert
du bureau du haut représentant sur ces nominations. Par conséquent,
le haut représentant a recouru aux pouvoirs de Bonn le jour suivant,
pour annuler la décision de la Chambre des représentants de la FB-H,
en faisant observer «qu’il y avait eu une tentative pour échapper
au processus de contrôle». Le bureau du haut représentant avait
des préoccupations surtout à propos du candidat proposé au poste
de ministre de l’Intérieur. Finalement, après la vérification d’une
nouvelle candidature par le bureau du haut représentant, la Chambre
des représentants de la FB-H a pu approuver un gouvernement le 30
mars; au cours de la même session, elle a adopté le budget de 2007
de la FB-H. Dans deux cantons, les gouvernements n’ont pas été formés
jusqu’à la fin du mois d’août 2007, c’est-à-dire dix mois après
les élections et jusqu’à ce que le haut représentant ait interrompu
le financement des quatre partis politiques majeurs à cause des
retards.
3.1.3.4. Performance du gouvernement
et des parlements
79. Nous ne reviendrons pas sur
ce que nous avons indiqué dans notre rapport sur la réforme constitutionnelle
en Bosnie-Herzégovine en avril 2006: sans une réforme complète de
la Constitution de Dayton, peu de progrès seront accomplis. Le cadre
institutionnel à plusieurs niveaux qui existe actuellement est purement
et simplement trop complexe et ralentit, voire entrave, le processus
décisionnel
. Certes, cette complexité
structurelle et ce grand nombre de niveaux d’autorité existent dans
d’autres Etats européens, mais ces systèmes ne peuvent fonctionner
que si l’on s’accorde clairement sur qui fait quoi, quand et comment.
Ce n’est pas encore le cas en Bosnie-Herzégovine. En outre, sans
un degré minimal de confiance, de volonté d’arriver à un consensus
et surtout du sens de l’intérêt commun, tout système complexe comme
celui qui existe en Bosnie-Herzégovine est voué à l’échec.
80. Les transactions sur le partage du pouvoir ou la répartition
entre les trois peuples constitutifs des produits de l’économie
et des postes ne peuvent se substituer à une vision commune pour
l’avenir du pays. En outre, le monopole de la prise des décisions
politiques par des réunions informelles des six partis politiques majeurs
(SDA et SBiH pour les Bosniaques, HDZ et HDZ 1990 pour les Croates,
SNSD et PDP pour les Serbes, tous réunis dans une coalition vacillante
au niveau de l’Etat) prive aussi bien le Conseil des ministres que
le parlement de leurs attributions constitutionnelles.
81. L’absence de confiance, l’obstruction plus ou moins systématique
et les intérêts étroits des partis ont des conséquences négatives
sur l’activité gouvernementale et législative: en effet, 27 lois
uniquement sur les 135 prévues au niveau de l’Etat ont été adoptées
en 2007
. Selon le Centre pour l’initiative
civile (CIC), les qualificatifs les mieux appropriés aux travaux
des institutions bosniennes sont «inefficience, indolence et irresponsabilité».
Selon cette ONG, le spécialiste de la mauvaise performance est le
Parlement de la FB-H qui n’a même pas adopté son propre programme
de travail annuel pour 2007, et n’a adopté que 17 lois sur les 79 présentées
au parlement. Un tiers des députés de la FB-H ne participe pas à
un seul débat parlementaire. La situation est un peu meilleure en
RS où l’Assemblée nationale de la RS a effectué 62 % de ses travaux planifiés.
3.2. Pouvoir du haut représentant
82. Lord Paddy Ashdown, qui est
devenu le haut représentant et le représentant spécial de l’Union européenne
peu de temps après l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au Conseil
de l’Europe en avril 2002, a été remplacé par Christian Schwarz-Schilling
(Allemagne), le 31 janvier 2006. Ce dernier a lui-même été remplacé
par Miroslav Lajcak (Slovaquie), le 1er juillet
2007.
83. Le haut représentant Christian Schwarz-Schilling s’est rendu
à la réunion du Partenariat pour la paix (PPP) de l’OTAN, tenue
les 26 et 27 février 2007 à Bruxelles, avec une recommandation proposant
une extension d’une année du bureau du haut représentant (BHR) (et
des pouvoirs de Bonn) jusqu’en juin 2008. Il a soutenu que l’instabilité
potentielle liée au retard accusé dans les pourparlers sur le statut
du Kosovo, le retard dans le programme de réformes en Bosnie-Herzégovine
et le discours et la position «anti-Dayton», en particulier de la
part de certains hommes politiques de la RS, étaient tels qu’il
importait de réviser la décision de principe, prise en juin 2006,
de fermer le BHR en juin 2007. Les hommes politiques de Bosnie-Herzégovine étaient
divisés sur cette extension éventuelle; globalement, les hommes
politiques de la RS pensaient que le bureau du haut représentant
devrait fermer ses portes, et ceux de la FB-H appréciaient le parapluie
de sécurité et de stabilité fourni par le bureau du haut représentant.
Le PPP a accepté la recommandation d’extension du bureau du haut
représentant avec un seul avis dissident, la Fédération de Russie,
mais le PPP n’a pas manqué de souligner que la «transition» vers
l’appropriation nationale restait l’objectif à atteindre. Il importe
de noter que M. Schwarz-Schilling avait clairement indiqué avant
la tenue de la réunion du PPP qu’il ne souhaitait pas étendre son
propre mandat après juin 2007 et que le poste qu’il occupait resterait
un poste «à deux casquettes» – HR/RSUE – en 2007/2008.
84. A sa réunion tenue à Bruxelles les 26 et 27 février 2008,
le comité directeur du PPP a fixé les conditions de la fermeture
du bureau du haut représentant, fermeture qui doit marquer la fin
du processus de transition du pays. Dans une déclaration adoptée
à l’unanimité, le PPP a estimé que, pour arriver au terme du processus de
transition (initialement envisagé en juin 2008), les autorités de
Bosnie-Herzégovine doivent atteindre cinq objectifs clés, à savoir:
le règlement acceptable et durable de la question de la répartition
des biens entre l’Etat et les autres niveaux de gouvernement; le
règlement des propriétés de la défense; l’achèvement de la concession
finale de Brčko (administré à ce jour par la communauté internationale);
la pérennisation fiscale; et la consolidation de l’Etat de droit.
Deux autres conditions ont été ajoutées à celles-ci: l’évaluation
positive de la situation en Bosnie-Herzégovine en relation avec
les dispositions de Dayton, d’une part, et la signature de l’Accord
de stabilisation et d’association, d’autre part. La réunion suivante
du PPP s’est déroulée les 24 et 25 juin 2008, à Sarajevo. Le communiqué
final a fait état des progrès accomplis dans l’atteinte des cinq objectifs
et des deux conditions fixés en février. Il a conclu que le bureau
du haut représentant devait pour l’instant être maintenu. Ce communiqué
final n’a pas été signé par la Russie, qui insistait sur la fixation
d’une date de fin du mandat du bureau du haut représentant.
3.2.1. Révocations
85. Le 4 mars 2005, le haut représentant
Paddy Ashdown a annoncé qu’il était en train de lancer un processus
de révision de quelque 100 décisions prises par ses prédécesseurs
et lui-même entre 1998 et 2003 qui ont conduit à la révocation de
fonctionnaires de leur poste, pour entrave à la mise en œuvre des
Accords de paix de Dayton. Les ordonnances de révocation des missions
de l’EUFOR et de l’ex-SFOR, et la FPI (Force de police internationale)
de l’Organisation des Nations Unies n’étaient pas concernées par
le processus. Le 4 mai 2005, il a levé les interdictions faites
à trois fonctionnaires qui occupaient des postes de niveau relativement
bas dans la fonction publique.
86. Cependant, le 28 octobre 2005, le haut représentant a révoqué
de ses fonctions le ministre de l’Education de la RS, Milovan Pecelj,
à cause de son incapacité à appliquer la décision prise par le haut représentant
le 30 juin 2004 de démettre Radomir Lukić de ses fonctions
.
Pour Lord Paddy Ashdown, Pecelj, en maintenant Lukić à son poste
de doyen de la faculté de droit de Sarajevo Est, avait non seulement
été incapable de remplir ses fonctions ministérielles mais avait
même manqué de faire une déclaration publique claire pour informer
les étudiants de l’interdiction juridique faite à Lukić d’occuper
son poste actuel – les conséquences étant, entre autres, que les
notes et les résultats des examens universitaires des étudiants
ne seraient pas validés.
87. Le 19 octobre 2005, à l’occasion du deuxième anniversaire
du décès d’Alija Izetbegović, premier président de la présidence
de trois membres de la Bosnie-Herzégovine, et premier président
du SDA, les autorités locales ont pris la décision de rebaptiser
l’aéroport de Sarajevo du nom de M. Izetbegović. Des voix de protestation
se sont immédiatement élevées, en particulier en RS. Le 14 octobre,
le haut représentant a suspendu la décision de renommer l’aéroport,
en soutenant que si le caractère international de la Bosnie-Herzégovine
est incontestable, le nom de ses aéroports internationaux doit cependant
faire l’objet d’un consensus. Par ailleurs, le 28 octobre, le haut
représentant a proclamé une décision établissant le processus juridique
formel qui doit être suivi pour renommer les infrastructures publiques
qui ont un caractère international ou interentités en Bosnie-Herzégovine,
en ajoutant que l’attribution de noms aux édifices publics doit
être perçue dans le contexte de la réconciliation.
88. Le 4 novembre 2005, le haut représentant a publié une décision
abrogeant les décisions antérieures qui interdisaient à 23 individus
de participer à la vie publique et politique. Lord Ashdown, qui
a dénommé ce programme de réhabilitation «Opération Phénix», s’était
lancé dans ce programme en anticipation du jour où la Bosnie-Herzégovine
n’aurait plus de haut représentant.
89. Dans une des dernières décisions prises dans le cadre de ses
fonctions, Lord Ashdown s’est servi de ses pouvoirs pour amender
la loi électorale. Ce faisant, il a réhabilité plus de 140 hommes
politiques que l’ancienne Commission électorale provisoire (CEP)
et l’ancienne sous-commission d’appel des élections (SCAE) avaient
fait radier des listes électorales ou révoquer de leurs fonctions.
90. Le 4 avril 2006, et encore le 7 juillet 2006, le haut représentant
d’alors, Christian Schwarz-Schilling, a pris des mesures pour réhabiliter
des fonctionnaires qui avaient été antérieurement démis de leurs
fonctions. «Ces mesures, a-t-il dit, s’appliqueront à toutes les
personnes qui ont été révoquées par le haut représentant précédent
– à l’exception de celles qui ont été démises de leurs fonctions
pour des raisons liées au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY).» Les personnes concernées peuvent à présent déposer une demande
auprès du bureau du haut représentant pour demander la révision
de leur décision de révocation. M. SchwarzSchilling a ajouté que
«si les sanctions sont levées, ces individus auront le droit de
se présenter et d’occuper n’importe quel poste public, que ce soit
des postes électifs ou nominatifs».
91. Cependant, dans le cadre des enquêtes/poursuites en cours
concernant des personnes responsables du génocide de Srebrenica,
36 policiers de la RS ont été suspendus sur ordre du haut représentant
Miroslav Lajcak, lors de sa prise de fonctions en juillet 2007.
Il a également promulgué cinq décisions mettant en vigueur des lois
qui permettent de procéder à des enquêtes et d’engager des poursuites
dans le cadre du génocide de Srebrenica; il a également révoqué
Dragomir Andan de son poste de chef adjoint du Service de la formation des
agents de police du ministère de l’Intérieur de la RS, pour avoir
aidé à se dérober à la justice des fugitifs accusés par le TPIY.
Par ailleurs, en juillet 2007 et en janvier 2008, le haut représentant
a ordonné la saisie des documents de voyage de 93 personnes qui
mettaient en péril ou entravaient le processus de mise en application
de la paix, notamment des membres de la famille Karadžić. La loi
de Bosnie-Herzégovine prévoyant le gel des avoirs des personnes
accusées de crimes de guerre et de leurs partisans a été appliquée dans
trois cas par les autorités du pays, mais surtout contre les familles
de Stojan Župljanin et de Radovan Karadžić.
3.2.2. Difficultés rencontrées
par le haut représentant pour appliquer les pouvoirs de Bonn
92. Vers la fin de février 2007,
la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a publié le texte
de sa décision dans l’affaire
Milorad
Bilbija et al. qu’elle avait adoptée le 8 juillet 2006.
Cette affaire avait été portée devant la Cour constitutionnelle
par un certain nombre d’individus, notamment Dragan Kalinic, ancien président
de l’Assemblée nationale de la RS, banni à vie des postes publics
pour obstruction au TPIY, par décision du haut représentant en 2004.
Citant la Commission de Venise et la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme, la Cour constitutionnelle a soutenu qu’il
y avait eu violation de l’article 13 de la CEDH en ce qui concerne
l’absence de recours juridique effectif contre les décisions de
révocation
.
93. Le 3 mars 2007, le haut représentant a émis une ordonnance
avec effet immédiat concernant la mise en œuvre de sa décision.
Cette ordonnance établit un processus par lequel les autorités de
Bosnie-Herzégovine «pourront se conformer à la décision de la Cour
constitutionnelle en réaffirmant les obligations internationales
de la Bosnie-Herzégovine en application de l’Accord de Dayton et
de la Charte des Nations Unies». Conformément à l’ordonnance, la
présidence de la Bosnie-Herzégovine doit adresser au haut représentant,
en sa capacité de président du Comité directeur du Conseil de la
mise en application de la paix, toutes les questions traitées dans
la décision de la Cour constitutionnelle que les autorités internationales doivent
examiner et qui sont mentionnées dans cette décision.
94. Cependant, toute mesure prise par une institution ou une autorité
quelconque en Bosnie-Herzégovine pour établir un mécanisme national
quelconque de révision des décisions du haut représentant sera considérée
comme une tentative pour entraver la mise en œuvre des aspects civils
des Accords de paix de Dayton et sera traitée en conséquence. L’ordonnance
réaffirme en outre que toute procédure intentée devant un tribunal
quelconque en Bosnie-Herzégovine et remettant en question des décisions
prises par le haut représentant afin de sanctionner des individus
pour violation des Accords de paix de Dayton serait considérée comme
irrecevable, à moins que le haut représentant n’ait expressément
donné au préalable son accord. Conformément à la pratique précédente,
le haut représentant envisage de continuer à autoriser la révision judiciaire
des lois qu’il a lui-même mises en vigueur pour remplacer les lois
au sein de la Bosnie-Herzégovine.
95. La décision de la Cour constitutionnelle n’affecte pas les
décisions du haut représentant, et les individus qui ont été bannis
de la vie publique par ses décisions, y compris Milorad Bilbija
ainsi que Dragan Kalanic, resteront bannis à moins que le haut représentant
n’en décide autrement.
3.2.3. Imposition de lois et autres
mesures
96. Les lois imposées par le haut
représentant sont provisoires: elles restent en vigueur jusqu’à
ce qu’elles soient formellement adoptées, sans amendements, par
les deux chambres du parlement, que ce soit aux niveaux de l’Etat,
des entités ou des cantons. Contrairement aux décisions concernant
les individus, pour lesquelles il n’y a pas de possibilité d’appel
devant un tribunal quelconque de Bosnie-Herzégovine ou d’ailleurs (voir
ci-dessus), des lois imposées par le haut représentant peuvent être
dénoncées devant les tribunaux.
97. En 2004, le haut représentant a promulgué 158 décisions, 91
en 2005, et 57 au total en 2006 (dont 14 lois ou amendements à des
lois). Cette tendance à la baisse s’est poursuivie en 2007, avec
seulement 37 décisions (dont 24 lois ou amendements à des lois
).
98. Les parlements de l’Etat, des entités et des cantons ont été
invités, après les élections d’octobre 2006, à adopter des textes
juridiques que le haut représentant avait précédemment adoptés.
Le 29 novembre 2007, trois lois antérieurement imposées par le haut
représentant ont été rejetées par la Chambre des peuples de Bosnie-Herzégovine,
tandis que la décision du haut représentant du 19 octobre 2007 sur
le Conseil des ministres (voir ci-dessous) n’a pas encore été inscrite
à l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire. La Chambre des représentants
de la FB-H n’a adopté aucune des décisions du haut représentant
depuis le 29 mai 2007, date à laquelle elle a adopté deux lois datant
respectivement du 6 octobre 1999 et du 24 avril 2007. La Chambre
des peuples de la FB-H n’a, quant à elle, pas encore adopté ces
lois. L’Assemblée nationale de la RS a adopté quatre lois promulguées
par le haut représentant sur le système judiciaire et l’administration
en mars-avril 2007. Le 11 décembre 2007, l’Assemblée nationale de
la RS a adopté une initiative visant à amender la Constitution de
la RS qui devrait couvrir également des amendements à la Constitution
de la RS antérieurement promulgués par les hauts représentants.
Les assemblées cantonales n’ont inscrit aucune décision du haut
représentant à leur ordre du jour depuis octobre 2007.
99. En ce qui concerne l’imposition des lois, le principal événement
a été l’amendement, le 19 octobre 2007, de la loi sur le Conseil
des ministres de Bosnie-Herzégovine à la suite de l’échec de la
réforme de la police. Les principaux changements sont les suivants:
- la règle du quorum: une session
peut être tenue chaque fois qu’une majorité des membres du Conseil des
ministres est présente; et
- le processus de prise des décisions: les décisions sur
certaines questions peuvent être prises par la majorité des personnes
présentes et qui prennent part au vote, tandis que la majorité simple
nécessaire pour la décision finale du conseil ne requiert que le
vote d’un représentant de chaque peuple constitutif et pas les votes
de deux représentants actuellement requis.
100. Cette mesure facilitera le processus décisionnel: le gouvernement
pourra prendre des décisions même si une minorité des ministres
décide d’être absente. Les ministres pourront encore voter en faveur
ou contre les décisions, mais ils devront être présents à la session
pour le faire. Dans le même temps, cette décision est maintenue
eu égard au droit de chaque peuple constitutif de protéger son intérêt
national vital dans des cas justifiés.
101. Le haut représentant a également écrit au collège conjoint
de l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine pour l’aviser
que ses règles de procédure concernant les travaux des deux chambres
de l’Assemblée parlementaire devraient être amendées au plus tard
le 1er décembre, en soulignant qu’il
utiliserait ses pouvoirs pour imposer ces amendements si des mesures
n’étaient pas prises à cet effet. Les amendements sont axés sur
les trois domaines suivants:
- premièrement,
sur ce que l’on appelle communément le «vote des entités»: la Constitution
stipule qu’un vote majoritaire nécessaire pour la prise des décisions
doit inclure au moins un tiers de votes des représentants du territoire
de chaque entité. Les règles de procédure existantes interprètent
cette disposition comme un tiers des représentants élus dans chaque
entité, au lieu d’un tiers des votes des représentants présents
de chaque entité;
- deuxièmement, les amendements devraient également porter
sur la question du quorum requis pour la tenue d’une session de
la Chambre des représentants de la Bosnie-Herzégovine: la Constitution
prévoit simplement qu’un quorum est une majorité de tous les membres
de la Chambre des représentants – 22 des 42 délégués. Les règles
de procédure actuelles nécessitent la présence d’un nombre supplémentaire
d’au moins 10 députés de la FB-H et 5 de la RS. Cette interprétation
permet à une petite minorité de députés d’empêcher la chambre de
tenir une session, simplement en ne se présentant pas aux travaux;
- enfin, sur la manière dont le collège des chambres de
l’Assemblée parlementaire prend des décisions, la Constitution stipule
que le rôle du président et des viceprésidents est d’obtenir l’approbation,
comme s’il s’agissait des travaux d’une commission, des décisions
qui ne pourraient pas obtenir le vote de la majorité des entités.
Cependant, dans le cadre des règles de procédure actuelles, après
harmonisation, le collège transmet de nouveau la loi au parlement
pour qu’elle soit de nouveau votée.
102. Nous saluons le fait que l’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine
ait changé ses règles de procédure le 30 novembre 2007, conformément
à la requête du haut représentant. Il serait plus que malheureux
que les règles régissant le fonctionnement d’un parlement démocratiquement
élu soient imposées par le haut représentant.
103. Ces mesures, en particulier en ce qui concerne le Conseil
des ministres, ont suscité une masse de protestations en RS. Le
Premier ministre, Milorad Dodik, a accusé le haut représentant d’abuser
de ses pouvoirs de Bonn et a menacé de retirer tous les ministres,
les députés et les fonctionnaires serbes des institutions au niveau
de l’Etat s’il ne les abrogeait pas. Il a soutenu que ces changements
sont une porte ouverte à l’exclusion d’une communauté ethnique,
notamment les Serbes, ce qu’il considérait comme inacceptable et
dangereux dans une société multiethnique telle que la Bosnie-Herzégovine.
Dodik a reçu le plein appui du Gouvernement serbe qui, en tant que
garant des Accords de paix de Dayton, a indiqué que «préserver le
Kosovo et la RS est maintenant l’objectif le plus important de notre
Etat et de notre politique nationale [serbes]».
104. A notre avis, la vive réaction des autorités de la RS montre
que le haut représentant rencontrera de plus en plus de difficultés
pour utiliser ses «pouvoirs de Bonn»: avec la réduction de la force
militaire à environ 2 500 hommes
(par rapport au chiffre
de 60 000 en 1995), les acteurs politiques qui s’appuient sur un
électorat solide en RS et le consensus vacillant au sein du Conseil
de mise en œuvre de la paix, les pouvoirs de Bonn, presque treize
ans après la fin de la guerre, semblent être de moins en moins acceptés.
Cela, évidemment, n’est pas l’avis des partis bosniaques qui demandent
au haut représentant de faire preuve de plus d’autorité et d’utiliser
les pouvoirs de Bonn pour freiner les appels sécessionnistes de
la RS qui deviennent de plus en plus clairs.
3.2.4. District de Brčko
105. En ce qui concerne Brčko, nous
aimerions faire référence à notre rapport de 2004. Deux événements majeurs
se sont produits depuis: le déroulement, pour la première fois depuis
1999, d’élections dans le district de Brčko en 2004, et l’abolition
de toutes les lois des entités encore en vigueur à Brčko en 2007.
Cela a entraîné un vide juridique dans certains domaines qui a dû
être comblé par le superviseur actuel, Raffi Gregorian, un diplomate
américain comme ses prédécesseurs.
106. Bien que la décision finale d’arbitrage
et le régime
de suivi aient été destinés à protéger Brčko contre les entités,
les autorités du district ont fini par considérer que les compétences
accrues de l’Etat mettaient en péril son statut individuel. Le Gouvernement
des Etats-Unis, qui a fourni un soutien financier considérable ainsi que
les superviseurs du pays depuis 1997, a proposé en novembre 2005
d’établir un groupe de travail pour obtenir un accord politique
entre l’Etat et le district qui rendrait inutile une décision d’un
tribunal arbitral sur la question. Cependant, en juin 2007, le tribunal
arbitral a apporté un addendum à la décision finale qui stipulait: «(…)
Tout transfert par les deux entités vers l’Etat sans un transfert
équivalent, par ou avec le consentement du district de Brčko, serait
en contradiction avec la loi, en vertu de la décision finale, si
ce transfert avait pour effet de réduire de façon significative
la capacité du district de fonctionner en tant que gouvernement
individuel, unitaire, multiethnique, démocratique pour Brčko.» En
septembre 2007, les deux chambres du Parlement ont adopté des amendements
et un addendum à la loi sur le Conseil des ministres qui établit
le bureau du coordinateur du district comme organe permanent du
Conseil des ministres.
107. Le 6 mai 2008, le superviseur de Brčko, Raffi Gregorian, a
promulgué une ordonnance amendant le statut du district de Brčko.
Par cette même ordonnance, il a également instauré de nouvelles
règles de procédure pour l’Assemblée du district et une nouvelle
loi électorale pour le district de Brčko, harmonisée avec le statut
et la loi électorale de la Bosnie-Herzégovine récemment amendée.
Le statut amendé instaure un mécanisme visant à prévenir la mise
en minorité des peuples constitutifs au sein de l’assemblée et un
système de vote plus efficace pour l’assemblée, et prévoit la représentation
des minorités nationales par adjonction de deux sièges à l’assemblée.
108. Pour éviter la mise en minorité d’un peuple constitutif au
sein du Parlement, les décisions sur certains sujets spécifiques
nécessiteront désormais le vote positif d’au moins un tiers des
conseillers de chaque peuple constitutif présent et votant. Ces
sujets sont spécifiquement énumérés dans le statut et incluent les
questions liées à la religion, à la culture, à l’éducation, à la
langue, au budget, à l’urbanisme, aux fêtes nationales et aux monuments.
Nous estimons que cette approche de la définition de l’intérêt national
vital pourrait aussi servir utilement de modèle au niveau de l’Etat
et à celui des entités.
109. Pour renforcer l’efficacité du processus décisionnel, le vote
sur de nombreuses questions sera déterminé sur la base des conseillers
présents et participant au vote, seules des absences justifiées
étant susceptibles de retarder une décision sur des sujets soumis
à la protection contre la mise en minorité. Ces dispositions encourageront
les conseillers à assister aux sessions tout en minimisant les perspectives
de blocage du processus décisionnel pour des raisons d’absentéisme
ou de recours à l’abstention.
110. Pour que la supervision internationale prenne fin dans le
district de Brčko, son statut unique doit cependant être reflété
dans la Constitution, qui ne fait pour l’instant nullement mention
de l’existence du district de Brčko puisqu’elle a été adoptée en
annexe des Accords de paix de Dayton en 1995, alors que la décision définitive
d’arbitrage ne l’a été qu’en 1999. Il est à noter que le terme de
la supervision de Brčko est l’un des cinq objectifs énumérés dans
la décision du PPP de février 2008, qui doivent impérativement être
atteints avant d’envisager la fermeture du bureau du haut représentant.
Il est donc dans l’intérêt de toutes les parties soucieuses de se
passer du bureau du haut représentant de se mettre d’accord sur
les amendements constitutionnels concernant le district de Brčko.
3.2.5. Difficultés rencontrées
par la communauté internationale par rapport aux autres décisions
– Décertification des officiers de police
111. Le problème est apparu avec
l’établissement de la Force de police internationale (FPI) qui a
été mandatée pour réorganiser les forces de police en Bosnie-Herzégovine
de 1996 à 2002. La FPI a été créée en vertu de l’annexe 11 des Accords
de paix de Dayton. Dans le cadre de son mandat, la FPI s’occupait
de la vérification du statut des officiers de police en Bosnie-Herzégovine.
Le processus comprenait plusieurs phases: effectuer des recherches
exhaustives sur le passé de chaque officier de police, vérifier
les antécédents judiciaires et les actes commis pendant la guerre,
vérifier si les officiers de police occupaient de façon illégale
une propriété, achever la formation dispensée par la FPI, contrôler
la citoyenneté et les références éducatives. La FPI a établi des
critères spécifiques de certification ou de décertification des
officiers de police dans la «Politique 11-2002» (certification du
personnel des agences d’application des lois) et la «Politique 10-2002»
(suppression des autorisations et disqualifications provisoires
du personnel des agences d’application des lois en Bosnie-Herzégovine).
112. Sur la base du processus de contrôle, en décembre 2007, 16
764 officiers de police ont reçu la certification; 687 se sont vu
refuser la certification, 37 cas sont toujours en instance et 263
officiers de police ont contesté les décisions de la FPI. Le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a procédé à une enquête
sur la question et a établi un rapport sur la question des officiers
de police décertifiés en Bosnie-Herzégovine
.
113. Le commissaire a conclu, en se fondant sur ses recherches
et en prenant en considération l’avis de la Commission de Venise
,
que le processus de décertification des officiers de police touchait
à la question des droits de l’homme. En particulier, la possibilité
pour les officiers de police de contester le bien-fondé des décisions
de la FPI était très limitée dans la mesure où il n’existe pas de
moyens de recours juridique appropriés. Le refus de la certification
avait des conséquences sociales préjudiciables pour les individus
dans la mesure où il s’agissait d’une décision à vie. Un grand nombre
d’officiers de police décertifiés est toujours sans emploi. Le commissaire
a examiné plusieurs autres solutions au problème avec les principales
parties prenantes à Sarajevo. Cependant, il a estimé qu’il ne lui
revenait pas concrètement de proposer une forme précise de solution.
La décision sur cette question relève en dernier ressort du Conseil
de sécurité des Nations Unies.
114. Le 30 avril 2007, la présidence du Conseil de sécurité des
Nations Unies a adressé une lettre aux autorités de la Bosnie-Herzégovine,
faisant observer que les normes et les pratiques juridiques en matière
de décertification des officiers de police se sont améliorées. Dans
ce contexte, le Conseil de sécurité des Nations Unies a estimé que
les personnes auxquelles la certification avait été refusée par
la FPI avaient la possibilité de déposer une candidature pour un
nouvel emploi auprès des agences d’application des lois de Bosnie-Herzégovine,
à condition que les dispositions stipulées dans la loi d’Etat sur
les officiers de police soient pleinement respectées. Cette mesure
donnerait de facto la possibilité
à certaines personnes d’être à nouveau recrutées par les agences
d’application des lois. Cependant, le Conseil de sécurité a également
déclaré que cette procédure ne pourrait être mise en œuvre que si
la loi au niveau des entités, et le cas échéant au niveau cantonal,
était harmonisée avec la loi de l’Etat sur les officiers de police.
A notre connaissance, cela n’est pas encore fait à ce jour.
115. De plus, nous constatons que le Conseil de sécurité des Nations
Unies n’a pas donné suite à plusieurs appels des autorités bosniennes
et du haut représentant en vue de mettre en place un mécanisme de
révision des décisions prises antérieurement, privant ainsi des
officiers de police du droit à un recours juridique. L’absence de
tout processus juridique de révision serait incompatible avec les
principes de démocratie, d’Etat de droit et de respect des droits
de l’homme tels qu’énoncés par la Commission de Venise dans son
avis. Il est vrai que les amendements proposés à la loi dans la
lettre de la présidence du Conseil de sécurité pourraient en principe
donner une chance de réintégration à certains des officiers. Cependant,
ils devront se soumettre de nouveau à un processus de recrutement,
ce qui les placerait dans une position inéquitable par rapport à d’autres
officiers déjà en fonction.
116. Nous rejoignons l’analyse du Commissaire aux droits de l’homme
et les recommandations de la Commission de Venise. Nous exhortons
le Conseil de sécurité des Nations Unies à collaborer avec les autorités
de Bosnie-Herzégovine en vue de trouver une solution appropriée
à ce problème, dans le respect des principes de démocratie, de prééminence
du droit et de droits de l’homme. Dans l’intervalle, nous espérons que
les autorités du pays prendront les mesures législatives appropriées
pour harmoniser la législation sur le recrutement du personnel des
agences d’application des lois. A ce jour, il reste à faire de même
au niveau de l’Etat (où une loi amendant la loi sur les fonctionnaires
a été adoptée en première lecture en juin 2008, après une grève
de la faim menée par des officiers de police décertifiés), au niveau
de la RS et du canton 10.
3.3. Réforme de la défense
117. Conformément à la liste des
engagements contractés par la Bosnie-Herzégovine lors de son adhésion au
Conseil de l’Europe, le pays doit «adopter, dans un délai de trois
ans suivant son adhésion, des lois sur l’objection de conscience
et le service de remplacement». Cet engagement, nous sommes heureux
de l’indiquer, n’est plus pertinent parce que la conscription a
été abolie grâce à la réforme exhaustive de la défense pilotée par
le haut représentant.
118. Le 18 juillet 2005, les membres de la Commission de réforme
de la défense de la Bosnie-Herzégovine
ont signé
une déclaration indiquant que le projet de loi sur la défense et
le projet de loi sur le service dans les forces armées répondraient
aux exigences du mandat de la commission. Ces lois prévoient une
armée unifiée pour la Bosnie-Herzégovine dans le cadre d’un budget
unique pour 2006, l’abolition de la conscription et l’abrogation
des ministères de la Défense des entités.
119. Le 30 août 2005, l’Assemblée nationale de la RS a approuvé
le transfert constitutionnel des autorités de la défense au niveau
de l’Etat avec le soutien des principaux partis politiques basés
en RS, notamment le Parti démocratique serbe (SDS) prédominant,
avec un vote positif de 61 députés sur les 74 présents. Ce transfert constitutionnel
décisif de l’autorité a fourni la base constitutionnelle pour l’adoption
du programme législatif de la défense au niveau de l’Etat, programme
développé par la Commission de réforme de la défense. De même, le
Gouvernement de la FB-H a approuvé des amendements constitutionnels
à sa session de septembre 2005.
120. La Chambre des représentants de la Bosnie-Herzégovine (niveau
de l’Etat) a ensuite adopté, le 30 septembre 2005, un programme
législatif de réforme de la défense qui a finalement unifié la structure
de la défense du pays dans un cadre unique au niveau de l’Etat.
La Chambre des peuples du Parlement a également approuvé le programme
le 5 octobre 2005. L’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine est
l’avancée politico-militaire la plus significative de l’histoire
du pays depuis la signature des Accords de paix de Dayton. La législation
comprend deux lois: la loi sur la défense et la loi sur le service
dans les forces armées. Ces deux lois fournissent le cadre législatif
nécessaire au niveau de l’Etat et régissent la création d’une force militaire
professionnelle unique, organisée et contrôlée par l’Etat de Bosnie-Herzégovine.
121. La loi sur la défense de la Bosnie-Herzégovine qui a été adoptée
et est entrée en vigueur le 1er janvier 2006
annule la précédente loi sur la défense (adoptée à la fin de 2003
dans le cadre du premier mandat de la Commission de réforme de la
défense). La nouvelle loi régit également l’autorité et les fonctions
du ministère de la Défense de la Bosnie-Herzégovine (MdDB-H) et
des Forces armées de la Bosnie-Herzégovine (FAB-H). La loi prévoit
d’importantes modifications, notamment: la dissolution des ministères
de la Défense et des armées des entités; l’abolition du service
militaire général obligatoire (conscription et réserves passives);
la création d’un budget unique de la défense au niveau de l’Etat;
le contrôle parlementaire total sur les FAB-H par l’Assemblée parlementaire
de la Bosnie-Herzégovine; la création de trois brigades opérationnelles multiethniques
et la formation de trois régiments d’infanterie. La deuxième loi,
la loi sur le service dans les forces armées de la Bosnie-Herzégovine,
reflète les rôles administratifs accrus du MdDB-H et des FAB-H.
Elle précise les principes de la relation Etat-armée qui est le
ciment d’une force armée professionnelle pour le pays, notamment
des obligations contractuelles telles que les modalités de services,
les salaires, les autres droits et indemnités de services.
122. Le 14 février 2007, le Conseil des ministres a adopté une
des mesures en suspens pour achever la réforme de la défense, à
savoir l’accord sur le transfert définitif de tous les droits et
obligations sur les biens mobiliers qui continueront à servir des
objectifs de la défense (l’Accord de transfert), et a autorisé le
président du Conseil des ministres, Nikola Spiric, à le signer.
Le Gouvernement de la FB-H a également adopté l’Accord de transfert.
Il est prévu que le Gouvernement de la RS examine sous peu cet accord,
mais cet examen risque d’être retardé à cause de l’intérêt que la
RS porte actuellement aux événements du Kosovo.
123. La réussite de la réforme de la défense a débouché sur l’adhésion
de la Bosnie-Herzégovine au Partenariat pour la paix de l’OTAN en
novembre 2006. Nous adressons nos félicitations aux autorités pour
ce succès majeur. Soulignons que la Bosnie-Herzégovine envoie également
des soldats en Afghanistan et en Irak.
3.4. Autonomie locale
124. La réforme sur l’autonomie
locale dans les deux entités n’a pas aussi bien progressé qu’elle
le devrait. Le cadre institutionnel global de la Bosnie-Herzégovine
complique la poursuite de la réforme de décentralisation dans la
mesure où la législation de base sur l’autonomie locale relève de
la compétence des entités en RS et de la compétence des cantons
en FB-H. La RS a adopté une nouvelle loi sur l’autonomie locale
en avril 2004, en étroite collaboration avec le Conseil de l’Europe.
La loi a été ensuite révisée en 2007, mais elle ne remplit pas un
certain nombre d’exigences de la Charte européenne de l’autonomie
locale.
125. En FB-H, la proposition d’amender la Constitution dans le
but de transférer au niveau de la fédération les compétences relatives
à la réglementation de l’autonomie locale, initiée en 2005, n’a
pas obtenu une majorité suffisante. Cependant, une loi sur les principes
de l’autonomie locale a été adoptée en 2006 au niveau de la fédération,
énonçant ainsi un certain nombre de règles fondamentales sur la
base desquelles la décentralisation devrait se développer dans les
cantons. Cependant, l’adoption de cette loi fondamentale ne constitue
que le début du processus. Il conviendrait que des lois spécifiques
sur l’autonomie locale soient adoptées par les cantons et des lois-cadres
cantonales devraient garantir la délégation effective des responsabilités
sectorielles. De façon analogue, il importe que la décentralisation
fiscale soit davantage renforcée aussi bien en RS que dans la FB-H
pour donner aux autorités locales les moyens effectifs d’exercer leurs
compétences. La question des biens de l’administration locale n’a
pas encore été résolue non plus.
126. Le fonctionnement efficace de l’autonomie locale nécessiterait,
à moyen terme, un degré d’harmonisation des lois fondamentales et
sectorielles en RS, dans la FB-H et dans les cantons, afin d’établir une
base pour une collaboration croisée des municipalités entre les
entités dans la fourniture des services. Bien entendu, il serait
plus aisé de mettre en œuvre cette harmonisation dans le cadre d’une
vaste réforme constitutionnelle au niveau de l’Etat. La réforme
constitutionnelle devrait être suivie par l’adoption d’une loi-cadre
sur l’autonomie locale au niveau de l’Etat afin de définir les principes
fondamentaux de l’autonomie locale que les entités devront par la
suite mettre en œuvre. Cependant, en attendant la mise en œuvre
de la réforme constitutionnelle, nous espérons que les autorités
des deux entités et des cantons travailleront en étroite collaboration
pour harmoniser la loi sur l’administration locale afin d’édifier
une démocratie locale solide et effective en Bosnie-Herzégovine.
127. Concernant la situation de Mostar, aucun développement majeur
n’est intervenu depuis nos précédents rapports. L’unification administrative
des autorités de la ville se poursuit, avec une certaine lenteur
cependant.
4. Etat de droit
4.1. Lutte contre la corruption
128. Selon Transparency International,
la Bosnie-Herzégovine occupait la 84e place
du classement de l’IPC (Indice de perception de la corruption) en
2007. La corruption est omniprésente dans tout le pays et les hommes
politiques sont largement soupçonnés par le public d’être les plus
corrompus. Malgré la création en 2005, dans le tribunal d’Etat,
d’un département spécial chargé de la corruption et de la criminalité
organisée, cette perception n’a guère évolué. Les affaires de corruption
de haut vol illustrent parfaitement le degré de perception général
de la corruption politique dans le pays (visant plus particulièrement
Momčilo Mandić, le Premier ministre de la Justice de la RS, durant
la guerre, l’ancien membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine,
Ante Jelavić, l’ancien membre croate de la présidence de la Bosnie-Herzégovine,
Dragan Covic, ou encore Mladen Ivanic, ex-ministre des Affaires
étrangères de la Bosnie-Herzégovine). Nous enjoignons les autorités
d’intensifier leurs efforts afin de lutter contre la corruption
des hommes politiques.
129. Cela étant, la Bosnie-Herzégovine coopère activement avec
le Groupe d’Etats contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO).
Le deuxième rapport d’évaluation sur la Bosnie-Herzégovine a été
adopté par le GRECO le 8 décembre 2006
. Ce rapport
s’est focalisé sur les produits de la corruption, l’administration publique
et la corruption, et les entités morales et la corruption. Le GRECO
a conclu que la Bosnie-Herzégovine était en train d’apporter des
modifications fondamentales à ses lois pénales et à l’organisation des
systèmes judiciaires et du ministère public. Cependant, la mise
en œuvre du nouveau cadre juridique requiert une meilleure coordination
entre les différentes agences pour déceler, rechercher et poursuivre
les auteurs d’actes de corruption. La nécessité de former le personnel
a également été soulignée.
130. En ce qui concerne l’administration publique, le GRECO a salué
l’adoption, en 2006, de la Stratégie de lutte contre la criminalité
organisée et la corruption, mais a fait observer que le succès de
cette stratégie dépendrait de la mise en place d’un organe indépendant
de lutte contre la corruption chargé de superviser la stratégie.
131. Au plan pratique, le GRECO a adressé un certain nombre de
recommandations spécifiques aux autorités de la Bosnie-Herzégovine
et leur a demandé de fournir, au plus tard le 30 juin 2008, un rapport
sur les mesures prises. Nous invitons les autorités du pays à poursuivre
la mise en œuvre des recommandations du GRECO dans le but de soumettre
un rapport satisfaisant. Nous reviendrons sur la mise en œuvre de
ces recommandations dans nos rapports futurs dès que le GRECO aura
procédé à son évaluation.
4.2. Fonctionnement du système
judiciaire
132. «Poursuivre les réformes permettant
la mise en place d’un système judiciaire et d’un ministère public professionnel
et indépendant» était un engagement contracté lors de l’adhésion
(paragraphe 15.v.g de l’
Avis no
234 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe).
133. En novembre 2002, le bureau du haut représentant a promulgué
un décret aux termes duquel tous les juges et procureurs poseraient
de nouveau une candidature pour leur poste. Ce décret ne faisait
pas d’exception pour les juges qui avaient obtenu la promesse d’inamovibilité
après avoir réussi antérieurement, en 2000, un examen exhaustif.
Les hauts conseils judiciaires et du ministère public (HCJMP), les
organes provisoires existants aux niveaux de l’Etat et des entités,
comportant du personnel international, ont été chargés de ce processus
de redésignation, à l’échelon du pays, pour tous les postes des
tribunaux de première et de deuxième instance
aux
niveaux des entités et de l’Etat. A la fin de 2004, les 260 procureurs
à tous les niveaux du système judiciaire et les 646 juges avaient
tous été sélectionnés, interviewés et nommés.
134. En novembre 2002, le haut représentant avait également imposé
une restructuration complète du système des tribunaux en Bosnie-Herzégovine,
avec la fermeture ou la consolidation des tribunaux dans l’ensemble
des deux entités, dans le but de mettre en place un système judiciaire
plus efficace et plus responsable; il a également amendé les lois
établissant des centres de formation judiciaire pour les rendre opérationnelles
et améliorer les prestations en matière de formation, si nécessaire,
à l’intention des juges et des procureurs dans l’ensemble de la
Bosnie-Herzégovine.
135. La mise en place d’un Haut Conseil judiciaire et du ministère
public unique au niveau de l’Etat – nécessitant une délégation des
compétences des entités à l’Etat – a été une autre étape importante,
dans la mesure où cet organe est, en définitive, responsable de
l’audition des procédures disciplinaires contre les juges et les
procureurs, et de toute nomination en cas de vacance judiciaire.
Il a été mis en place en juin 2004. Il s’agit d’une réalisation
majeure, notamment parce que, depuis sa création, malgré les problèmes
initiaux de démarrage, cet organe a fait preuve d’un grand engagement
professionnel.
136. Dans notre rapport de 2004, nous avions salué ce processus
combiné de restructuration et de nomination des juges et des procureurs,
qui peut être qualifié de remaniement le plus ambitieux et radical jamais
effectué dans un système judiciaire postcommuniste; cependant, nous
déplorons que toute la réforme visant à établir un système judiciaire
indépendant, qualifié et professionnel, ait été l’œuvre du haut représentant.
137. Par conséquent, nous n’étions pas réellement surpris, au cours
de notre visite en septembre 2007, d’entendre des critiques plutôt
sévères sur le fonctionnement du système judiciaire. Nous avons
appris que la coopération entre la police et les procureurs est
médiocre, les tribunaux des districts et des cantons ne sont pas
suffisamment pourvus en personnel et sont sous-équipés, et les dossiers
en souffrance ont atteint un nombre alarmant. En effet, l’on décompte
plus de 1,9 million d’affaires en instance devant les tribunaux,
dont près de 160 000 affaires pénales. Le tribunal cantonal à Sarajevo,
par exemple, croule actuellement sous 80 000 affaires de factures
impayées aux services publics. L’application des décisions des tribunaux
a été également signalée comme un problème majeur, à tous les niveaux
de la juridiction.
138. Dans le domaine de la justice pénale, au début de 2003, de
nouveaux Codes de procédure pénale ont été introduits aux niveaux
de l’Etat et des entités en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de
la législation exhaustive initiée par le haut représentant dans
le but de réformer le système de la justice pénale. Le nouveau Code
de procédure pénale a fondamentalement transformé les procédures
régissant les enquêtes criminelles et l’administration de la justice
dans les tribunaux. Parmi les changements les plus significatifs,
on peut noter la suppression du poste du juge d’investigation, l’adoption
de nouvelles procédures, à savoir la procédure accusatoire dans
les procès et la transaction pénale.
139. Au niveau de l’Etat, de nouvelles institutions sont dotées
des compétences et des attributions nécessaires pour réviser les
lois, proposer des amendements, fournir une formation professionnelle
et superviser l’administration des tribunaux. Deux des institutions
les plus importantes sont l’Equipe d’évaluation et d’application
du Code pénal (EEACP), créée au sein du ministère de la Justice
de la Bosnie-Herzégovine, et les centres de formation du personnel
du système judiciaire et du ministère public.
140. Nous avons été informés de la persistance de problèmes en
ce qui concerne la mise en œuvre par les entités des normes procédurales,
telles que la loi sur la limitation des poursuites pour des crimes
de guerre et des cas de jurisprudences divergentes. Manifestement,
il est nécessaire de mettre en place une cour suprême au niveau
de l’Etat qui réviserait les décisions des cours suprêmes des entités
pour fournir des orientations et garantir la cohérence.
141. Il importe également de déployer des efforts importants à
l’égard de la réforme des prisons: l’existence actuelle de 14 administrations
pénitentiaires dans le pays, l’absence de prison au niveau de l’Etat,
la rareté des infrastructures pour les jeunes délinquants ou les
auteurs d’infractions atteints de troubles mentaux, et le besoin
pressant de rénover la plupart des prisons indiquent clairement
la nécessité d’adopter une stratégie majeure de réforme des prisons.
4.3. Retour des réfugiés et des
personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays
142. Le retour de plus d’un million
de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays (PDiP) en Bosnie-Herzégovine, dont quelque 450 000 dits «retours
de minorités», est souvent salué comme l’un des succès majeurs des
Accords de paix de Dayton. Cependant, la réalité semble légèrement
différente. L’on dispose rarement de chiffres précis concernant
les retours de réfugiés en Bosnie-Herzégovine, en particulier parce
que les autorités locales présentent les chiffres de façon erronée
ou les gonflent dans le but d’obtenir des subventions supplémentaires.
De plus, plus de dix ans après la guerre, et malgré la mise en application
des lois sur la restitution des propriétés à leurs occupants, locataires
et propriétaires d’avant-guerre et le règlement des questions de
récupération des biens, le nombre des personnes qui sont revenues
dans la région est aujourd’hui très faible. La vaste majorité d’entre
elles sont des personnes âgées ou des retraités, et beaucoup reçoivent
des pensions ou des indemnités en tant que personnes handicapées
ou vétérans de guerre de la FB-H. En RS, les retours «ponctuels»
sont manifestement plus courants que les retours durables, permanents.
143. Les retours «réels» ont généralement lieu dans ou près des
centres urbains où l’infrastructure et les opportunités économiques
sont plus accessibles. Cependant, l’absence de perspectives économiques
n’est pas le seul frein au retour. Les indemnités de pension, de
santé et les prestations sociales, plus élevées dans la FB-H qu’en
RS, sont des facteurs décourageants pour certaines personnes qui
veulent revenir dans la région. L’accès à l’électricité reste un
problème également, ainsi que l’accès à d’autres services de base,
par exemple l’approvisionnement en eau, le réseau routier, etc.
En revanche, la sécurité s’est accrue et les incidents dans le cadre
des retours deviennent moins fréquents et, lorsqu’ils se produisent,
les agences d’application des lois sont plus diligentes pour procéder
à des enquêtes et introduire des actions pénales. Pour soutenir
davantage les retours durables, nous invitons les autorités à intensifier
leurs efforts pour reconstruire les infrastructures utilitaires
dans les régions détruites par la guerre et pour fournir des opportunités
d’emploi aux personnes qui reviennent.
4.4. Poursuite des crimes de
guerre
144. Après la reprise officielle
de «l’Unité des règles de route» du TPIY par le bureau du procureur
général de la Bosnie-Herzégovine, le Collège des procureurs a adopté,
le 28 décembre 2004, le «Manuel des règles pour la révision des
affaires de crimes de guerre». Ce document permet de façon effective
au bureau du procureur général de la Bosnie-Herzégovine de procéder
à un examen des affaires et de sélectionner celles qui doivent être
poursuivies au niveau de l’Etat. En tant que telles, seules les
affaires de crimes de guerre très délicates (telles que définies
sur la base de la nature du crime, du poste occupé par l’auteur
au moment du crime ou actuellement, et d’autres faits, tels que
l’intimidation éventuelle des témoins) seront jugées par le tribunal
d’Etat de la Bosnie-Herzégovine tandis que les autres seront portées
devant les tribunaux des entités.
145. L’ensemble des lois régissant le transfert des dossiers du
TPIY au procureur général et la mise en place d’une Chambre des
crimes de guerre au sein du tribunal d’Etat ont pris effet le 6
janvier 2005. Le 9 mars, la chambre et un département spécial chargé
des crimes de guerre du bureau du procureur ont ouvert leurs portes.
La Bosnie-Herzégovine est donc devenue la première des ex-républiques
yougoslaves à se doter des outils nécessaires pour poursuivre les
affaires approuvées par le TPIY.
146. Le 1er juillet 2005, le tribunal
d’Etat de la Bosnie-Herzégovine, créé depuis six mois, a prononcé
son premier verdict dans une affaire de crimes de guerre, et a condamné
Abdulrahim Maktouf, un citoyen bosnien d’origine irakienne, à purger
une peine d’emprisonnement de cinq ans au motif qu’il avait aidé
des membres de l’unité d’Al-Mujahid à enlever trois civils croates
dans la région de la Bosnie centrale pendant la guerre.
147. Le procès de génocide contre l’ancien officier serbe bosnien
MiloradTrbic a été ouvert en novembre 2005 en Bosnie-Herzégovine.
Trbic était commandant adjoint de la sécurité de la brigade Zvornik
de l’armée serbe bosnienne en juillet 1995. Il est accusé d’avoir
personnellement exécuté 55 musulmans et supervisé la tuerie de plus
de 7 000 autres après que l’enclave de Srebrenica sous protection
des Nations Unies fut tombée entre les mains des forces serbes.
Le tribunal pour crimes de guerre des Nations Unies à La Haye, le
TPIY, a transmis le dossier aux tribunaux de la Bosnie-Herzégovine
en juin, signe de la confiance grandissante dans le système judiciaire
et dans sa capacité à juger des crimes de guerre. Plus tôt, au cours
de l’année, le TPIY a ouvert des procès contre 11 anciens membres
des Forces de la police spéciale de la RS.
148. Le 1er septembre 2005, la Chambre
des appels du TPIY a confirmé la décision de transmettre, en application
de sa Règle 11
bis du
règlement de procédure, au tribunal de la Bosnie-Herzégovine le
dossier de l’affaire Radovan Stanković. C’est la première fois que
le TPIY transmet un de ses actes d’accusation à une juridiction
nationale. Stanković était mis en examen pour crimes contre l’humanité
et violation des lois ou des principes de guerre et a été condamné
à vingt ans d’emprisonnement qu’il était censé purger à la prison
de Foca (RS). Cependant, il a réussi à s’échapper le 25 mai 2007
pendant son transfert à l’hôpital pour des soins, et l’on pense
qu’il se cache actuellement en Serbie d’où il ne peut pas être extradé.
149. Nous saluons le travail accompli à ce jour par la Chambre
des crimes de guerre du tribunal d’Etat. Il est également encourageant
de constater que d’ici à 2009, son budget ne sera plus financé par
les donateurs régionaux, mais par l’Etat de Bosnie-Herzégovine.
Nous espérons qu’à terme il ne sera plus nécessaire que des juges
et des procureurs étrangers exercent dans le tribunal d’Etat. Néanmoins,
nous nous interrogeons sur la capacité à long terme de ce tribunal,
ainsi que des tribunaux des districts et des cantons, à enquêter
et à poursuivre de façon efficiente les crimes de guerre. Nous avons
été informés qu’il y a encore près de 13 000 personnes qui pourraient
être mises en examen pour des crimes commis pendant la guerre. A
mesure que le temps passe et que les capacités ne sont pas renforcées,
un grand nombre de criminels de guerre risquent de ne jamais être
poursuivis par la justice. Il importe donc d’adopter une stratégie
au niveau de l’Etat pour établir des priorités en ce qui concerne
les affaires à traiter.
150. Nous sommes également préoccupés par le fait que les tribunaux
des entités et de l’Etat recourent à des codes pénaux différents
lorsqu’ils sont amenés à juger des affaires de crimes de guerre.
Alors que le tribunal d’Etat applique le Code pénal de 2003 de la
Bosnie-Herzégovine, les tribunaux de la Republika Srpska, du district
de Brčko et de la FB-H continuent de se référer au Code pénal de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie, en vigueur durant
la guerre. Plusieurs tribunaux de la fédération ont également recouru
au Code pénal de la fédération, qui date de 1998. Cela ne va pas
sans poser problème dans la mesure où les codes ne prévoient pas
les mêmes peines, et diffèrent quant à la définition de ce qu’est
un crime de guerre. Une cour suprême de l’Etat pourrait aider à
l’unification de la pratique judiciaire des tribunaux des entités.
Dans l’intervalle, nous appelons les autorités judiciaires de la
Republika Srpska, du district de Brčko et de la FB-H à appliquer
le Code pénal de Bosnie-Herzégovine dans leurs poursuites pour crimes
de guerre afin d’établir une pratique judiciaire cohérente dans
ces affaires.
4.4.1. Arrestations et capitulations
151. En cinq jours, à la fin de
février 2005, deux généraux de l’armée de la Republika Srpska de
la période de guerre, Milan Gvero et Radivoje Miletić, et le commandant,
de 1993 à 1996, de l’armée de la «république de Bosnie-Herzégovine»,
Rasim Delić, se sont rendus au TPIY. Gvero et Miletić sont accusés
de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés dans
les enclaves bosniaques de Srebrenica et de Žepa. Pour sa part,
Delić est mis en examen pour des accusations liées au meurtre de
plusieurs douzaines de soldats croates et serbes de la Bosnie-Herzégovine
commis par des combattants islamiques étrangers qui avaient incorporé
l’armée de Bosnie-Herzégovine. Ces accusés seront parmi les derniers
à être jugés à La Haye. Comme l’a annoncé le haut représentant le
25 février, le TPIY commencera bientôt à transférer les actes d’accusation
de crimes de guerre à la Chambre des crimes de guerre du tribunal
d’Etat de la Bosnie-Herzégovine.
152. Le 26 août 2005, le Gouvernement de la RS a émis des garanties
pour la libération temporaire de Stanislav Galić, détenu à La Haye,
en attendant son appel auprès du TPIY. Galić, un ancien général
de l’armée de la RS, a été condamné par le TPIY le 5 décembre 2003
pour son rôle de commandement dans les tirs d’artillerie et les
bombardements délibérés contre la population civile de Sarajevo
au cours de la période 1992-1994. Le Gouvernement de la RS a pris
un engagement par rapport aux décisions du TPIY et suivra ses déplacements.
Il semble, mais sans confirmation officielle, que le Gouvernement
de la RS ait participé à l’arrestation, le 25 août 2005, de Dragan
Zelenović en Sibérie occidentale (Russie). Zelenović, un commandant adjoint
de la police militaire de Foča pendant la période de guerre et dirigeant
de la formation paramilitaire serbe à Foča, est accusé par le TPIY
d’avoir commis des crimes de guerre (actes de torture et viols perpétrés sur
la population civile) à Foča entre avril 1992 et février 1993.
153. Le 31 mai 2007, l’ex-général Zdravko Tolimir, mis en examen
par le TPIY, a été arrêté par la police de la RS à Bratunac, près
de la frontière avec la Serbie. En juin 2008, Stojan Župljanin,
ancien chef de la police de Banja Luka durant la guerre, a été arrêté
près de Belgrade, en Serbie, par les services de la police spéciale serbe.
Radovan Karadžić, ancien Président de la Republika Srpska durant
la guerre, a été arrêté en juillet 2008 à Belgrade. Pour l’heure,
seuls Mladić et Hadžić n’ont pas encore été arrêtés et transférés
à La Haye. Nous saluons les progrès réalisés par les pays de la
région en déférant devant la justice les personnes accusées par
le TPIY. Nous exhortons les autorités de Bosnie-Herzégovine à poursuivre
leur coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
et avec leurs partenaires dans la région afin d’arrêter et remettre
au tribunal de La Haye les accusés encore en liberté.
4.4.2. Le verdict de la Cour internationale
de justice
154. Le 26 février 2007, la Cour
internationale de justice (CIJ) a prononcé son verdict longtemps
attendu sur l’affaire de crime de génocide initiée par la Bosnie-Herzégovine
contre la Serbie et le Monténégro. La CIJ a jugé qu’il y a eu des
actes de génocide à Srebrenica, mais que la Serbie n’était pas responsable
de ce génocide. Cependant, elle a conclu que la Serbie a violé les
obligations de la Convention des Nations Unies sur la prévention
et la répression du crime de génocide, en n’agissant ni pour prévenir
le génocide ni pour traduire les auteurs en justice.
155. La décision de la CIJ a conduit la municipalité de Srebrenica
à solliciter des mesures visant à tirer les conséquences du verdict.
Dans la région, les dirigeants bosniaques ont menacé d’organiser
un exode de masse; la municipalité a adopté une résolution requérant
un statut spécial, qui a été suivie de déclarations de soutien du
SBiH, du SDA et du SDP. Le Gouvernement de la RS a réagi à ces différentes
initiatives en prenant la décision de faire de Srebrenica une zone
de «signification économique et sociale» et a promis d’apporter des
fonds gouvernementaux.
156. Le 3 mai 2007, le haut représentant a désigné Clifford Bond,
ancien ambassadeur des Etats-Unis en Bosnie-Herzégovine, pour être
son «envoyé spécial dans la région de Srebrenica». La nomination
de Bond a été suivie de celle d’Igor Davidovic, négociateur en chef
de l’Accord de stabilisation et d’association à la présidence du
comité de coordination de Srebrenica, par le Conseil des ministres.
Aujourd’hui, ce comité de coordination a commencé à travailler en
grande partie sur la base du rapport du Groupe d’évaluation de la communauté
internationale qui avait été coordonné par le bureau du haut représentant,
même si toutes les recommandations internationales n’ont pas été
soutenues par les dirigeants de la RS, notamment celles concernant
l’avenir de la Fondation Srebrenica-Potocari Memorial et la proposition
de faire du 11 juillet, date anniversaire de la chute de Srebrenica
en 1995, une journée de deuil national.
4.5. Personnes disparues
157. Près de 13 500 personnes sont
encore déclarées disparues en Bosnie-Herzégovine. Les fosses communes,
notamment des fosses communes secondaires, voire tertiaires, sont
encore régulièrement découvertes.
4.5.1. Travaux avec l’Institut
des personnes disparues
158. Dans notre dernier rapport,
nous avons salué l’élaboration de la loi de la Bosnie-Herzégovine
sur les personnes disparues. Cette loi a été adoptée en octobre
2004, et un Institut des personnes disparues a été par la suite
établi pour améliorer le processus de recherche des personnes disparues
et accélérer l’identification dépouilles. Cet institut a été cofinancé
par le Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine et la Commission
internationale pour les personnes disparues. Nous relevons la lenteur
avec laquelle les commissions des personnes disparues de la FB-H
et de la RS délèguent leurs fonctions à l’Institut national des personnes
disparues. Ce n’est qu’en juin 2007 que le Conseil des ministres
de la Bosnie-Herzégovine a nommé cinq membres au comité directeur
de l’Institut national des personnes disparues. Nous encourageons les
autorités à continuer de soutenir cet institut afin d’achever le
processus de son institutionnalisation.
4.5.2. L’affaire Palić
159. Le colonel Avdo Palić, de l’ancienne
armée de la Bosnie-Herzégovine, a disparu en juillet 1995; il aurait été
emmené de force par des soldats de l’armée serbe bosnienne à Žepa,
zone de protection des forces des Nations Unies. Il s’y était rendu
pour négocier l’évacuation des civils de la ville qui avait été
encerclée par l’armée serbe bosnienne. Depuis ce jour, on ne dispose
d’aucune information, ni sur son sort ni sur le lieu où il se trouve.
160. En 2001, la Chambre des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine
a ordonné aux autorités de la RS d’effectuer des recherches approfondies
sur le sort du colonel Avdo Palić depuis la date de sa disparition. Cependant,
aucun progrès n’a été réalisé dans les enquêtes. La Commission Palić
a été constituée ultérieurement, en janvier 2006; la Commission
des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine a constaté que les
autorités de la RS «n’avaient pas réussi à fournir des informations
adéquates pour établir les faits de la “disparition” du colonel
Avdo Palić après la chute de Žepa».
161. Le rapport de la Commission Palić, présenté en avril 2006,
semblait initialement contenir des informations importantes sur
le sort d’Avdo Palić, notamment le lieu où se trouvait son corps.
Cependant, ces informations n’ont pas débouché sur des progrès significatifs,
que ce soit sur l’emplacement du corps pour permettre de l’exhumer
ou au niveau des enquêtes pénales sur la disparition.
162. En décembre 2006, la Commission Palić a été réactivée, et,
selon les informations obtenues, le cabinet du Premier ministre
de la RS s’est engagé à apporter l’assistance nécessaire pour permettre
à la commission d’achever définitivement son enquête, et de fournir
des informations sur le sort et le lieu où se trouverait Avdo Palić.
Cependant, à ce jour, cette enquête ne donne pas de résultats tangibles,
et la veuve, Esma Palić, a saisi la Cour européenne des droits de
l’homme de la question.
4.5.3. Coopération régionale pour
les crimes de guerre
163. Dans un effort visant à améliorer
la coopération inter-Etats entre la Croatie, la Serbie et le Monténégro, et
la Bosnie-Herzégovine dans les procès de crimes de guerre, un certain
nombre de réunions d’experts ont été organisées au niveau régional
depuis 2005. L’objectif de ces réunions, collectivement dénommées «Processus
de Palić», du nom de la ville de Serbie où s’est déroulée la première,
est de promouvoir le dialogue inter-Etats et de contribuer ainsi
à résoudre les problèmes spécifiques rencontrés par les spécialistes
dans les affaires passées et en cours. Les participants ont reconnu
qu’il était important que soit ratifié le 2e Protocole additionnel
à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale
(STE no 182, 2001). Ce traité du Conseil
de l’Europe fournira un éventail de lignes directrices harmonisées
pour l’audition des témoins par l’utilisation de dispositifs de
vidéoconférence. Malgré les difficultés à obtenir la participation
de témoins qui vivent ailleurs, le protocole a été signé par la
Croatie et la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine; aucun
des pays ne l’a ratifié à l’exception de la Bosnie-Herzégovine.
4.5.4. Commission «Vérité et réconciliation»
164. Trois tentatives ont été faites
pour contribuer à la réconciliation par l’établissement d’une commission Vérité
et réconciliation. La première initiative pour créer cette commission
a été lancée en 1997, seulement deux ans après la fin de la guerre,
par un institut américain, l’USIP (United States Institute of Peace).
A l’époque, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
a rejeté cette initiative; le TPIY estimait que le chevauchement
de la juridiction des deux institutions au niveau de l’enregistrement
des témoignages, de la collecte des preuves et de l’interaction
avec les témoins et les auteurs présumés de crimes pourrait entraver les
travaux du tribunal.
165. En mai 2001, une conférence internationale de haut niveau
sur la question a été organisée à Sarajevo par une organisation
non gouvernementale, l’«Association des citoyens pour la vérité
et la réconciliation», et a été dirigée par M. Jakob Finci, un éminent
membre de la communauté juive locale. Cette ONG avait même élaboré
un projet de loi sur la commission Vérité et réconciliation. Aujourd’hui,
cette commission a obtenu le soutien du TPIY, mais à condition qu’elle
ne s’ingère pas dans les «enquêtes de violation massive des droits de
l’homme» et qu’elle limite ses activités aux questions de réconciliation.
Cette initiative n’a pas abouti.
166. La nécessité d’une vérité unique et communément acceptée sur
ce qui s’est produit pendant le conflit armé en Bosnie-Herzégovine
a de nouveau déclenché, à la fin de 2005, des initiatives pour trouver
une autre voie que celle des poursuites pénales pour les crimes
de guerre. A cette fin, plusieurs organisations – l’USIP, le Programme
des Nations Unies pour le développement (PNUD) et un groupe d’éminents
citoyens locaux – ont travaillé sur le plan législatif pour établir
une commission «Vérité». En conséquence, un groupe de travail de
huit représentants des principaux partis politiques s’est réuni
pour élaborer une loi portant sur la création d’une commission Vérité
en mars 2006. Après l’échec du programme de la réforme constitutionnelle
en avril 2006 et compte tenu du climat politique préélectoral et
des dissensions en résultant en 2006, l’initiative a été à nouveau
ajournée.
167. Dans les années à venir, il sera crucial de développer la
capacité de la Bosnie-Herzégovine à renforcer la poursuite des crimes
de guerre. Pour ce faire, il importera de soutenir le renforcement
des capacités des tribunaux de rang inférieur (niveaux cantonal
et de district), notamment par des programmes de services aux groupes
défavorisés et aux victimes.
5. Respect des droits de l’homme
5.1. Fusion des institutions
des médiateurs des droits de l’homme
168. 168. L’Accord de paix de Dayton
de 1995
en
Bosnie-Herzégovine a mis en place un bureau du médiateur des droits
de l’homme et a octroyé à l’OSCE la responsabilité de désigner le
premier médiateur pour un mandat non renouvelable de cinq ans. Le
3 janvier 2001, la loi sur le médiateur des droits de l’homme de la
Bosnie-Herzégovine est entrée en vigueur à la suite d’une décision
du haut représentant. Le 25 juin et le 3 juillet 2002, cette loi
a été entérinée par les deux chambres du parlement de la Bosnie-Herzégovine,
jetant les bases de l’établissement d’une institution du médiateur
sous la pleine responsabilité nationale. Cette nouvelle institution
nationale a néanmoins été financée par la communauté internationale,
et la loi prévoyait que, pour une période provisoire prenant fin
le 31 décembre 2003, le médiateur ne serait pas un citoyen bosnien.
169. Le médiateur international au niveau de l’Etat a été remplacé
le 1er janvier 2004 par trois ressortissants bosniens,
conformément aux dispositions pertinentes de la loi. Ces trois médiateurs,
dont la nomination a été proposée par la présidence de la Bosnie-Herzégovine,
ont été élus
par
les deux chambres de la Bosnie-Herzégovine: la Chambre des représentants,
le 27 novembre 2003, et la Chambre des peuples, le 28 novembre.
L’engagement d’œuvrer «dans le sens de l’établissement d’un médiateur
multiethnique» au niveau de l’Etat a donc été honoré par le pays.
170. Des institutions du médiateur existaient cependant au niveau
des entités
. Chacune d’elles était composée
de trois médiateurs, un de chaque peuple constitutif. En d’autres
termes, on comptait en Bosnie-Herzégovine neuf médiateurs et trois
différentes institutions du médiateur, indépendantes les unes des
autres, dont les compétences se chevauchaient au moins partiellement,
et dont les niveaux de rémunération différaient
. Une telle situation n’était
pas indiquée dans un pays déjà durement affecté par un trop grand nombre
d’institutions parallèles en compétition et un faible niveau de
ressources.
171. Un autre engagement contracté au moment de l’adhésion était
que le pays devait établir, dans le long terme, un bureau du médiateur
des droits de l’homme unique, unifié au niveau de l’Etat, qui intégrerait
les institutions du médiateur des entités. Cet engagement a été
en partie honoré fin 2005 avec l’adoption, par les deux chambres
du parlement d’Etat, de deux versions d’une loi sur le médiateur
des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine. Malheureusement,
les deux textes étaient divergents sur des questions importantes;
en particulier, la version approuvée par la Chambre des représentants
était toujours contraire, selon la communauté internationale, à
certaines des recommandations de la Commission de Venise.
172. Le 1er février 2006, la commission
conjointe d’harmonisation du parlement d’Etat s’est réunie pour trouver
un accord sur le texte final de la loi. Malheureusement, la tentative
de la commission a échoué. Un seul membre de la commission, délégué
du parti socialiste de la RS, malgré les remontrances des différents
partis, a refusé de se joindre au consensus, soutenant finalement
que les médiateurs actuels devraient être maintenus à leur poste
jusqu’à la fin de leur mandat, à savoir en 2008.
173. La loi qui a été en définitive adoptée par un vote selon la
procédure d’urgence, le 27 mars 2006, est, comme souvent en Bosnie-Herzégovine,
le résultat d’un mauvais compromis: au lieu de prévoir une institution d’une
personne, la loi stipule que l’institution du médiateur est composée
de trois personnes avec un mandat renouvelable de six ans. Elles
doivent être issues de chacun des trois peuples, «ce qui n’exclut
pas la possibilité de désigner un médiateur dans le rang des “autres”».
L’institution aura une présidence tournante (les présidents se succédant
tous les deux ans dans l’ordre alphabétique des personnes élues)
et le président a un rôle de «coordination» pendant son mandat.
Le siège de l’institution a été fixé à Banja Luka (RS) avec des
bureaux à Mostar, Sarajevo et dans le district de Brčko, ou ailleurs,
tel qu’approprié. La loi prévoyait aussi une période transitoire
– très courte, à notre avis – jusqu’au 31 décembre 2006 pour permettre
à l’institution du médiateur existant au niveau national et au niveau
des entités de prendre les mesures administratives nécessaires pour
la fusion.
174. Les deux entités se montrent réticentes à l’égard de cette
fusion: le Parlement de la FB-H n’a adopté la loi réglementant la
période transitoire que le 19 avril 2007 tandis que les autorités
de la RS ont simplement refusé de dissoudre l’institution du médiateur
de la RS, qui était performante d’après ce qui nous a été dit lors de
notre visite à Banja Luka en septembre 2007. En tout état de cause,
la situation a été complètement gelée à cause des élections générales
d’octobre 2006 et des transactions qui ont suivi à tous les niveaux
pour la formation du gouvernement; par conséquent, le délai du 31
décembre n’a pas été respecté.
175. En septembre 2007, au cours de notre visite, la Chambre des
représentants n’a pas pu arriver à un accord pour deux des trois
candidats au poste de médiateur de l’Etat. L’ensemble de la procédure
a donc été annulé et il a été décidé de publier un nouvel avis de
vacance de postes. La commission parlementaire qui s’occupe de la
procédure de sélection et de désignation n’a été reconstituée qu’en
février 2008.
176. La procédure de désignation s’est achevée, du moins au niveau
de la Chambre des représentants, le 14 juillet 2008 avec l’élection
de trois médiateurs
.
Toutefois, le 23 juillet 2008, la Chambre des peuples a approuvé
un seul des trois candidats élus par la Chambre des représentants
(seul le candidat serbe a été confirmé), préférant désigner deux
autres personnes figurant respectivement sur la liste des Croates,
et sur celle des Bosniaques (en l’occurrence Ivo Bradvica, au nom
des Croates, et Jasminka Dzumhur au nom des Bosniaques). Sur un
plan juridique, cette décision implique de reconduire une nouvelle
fois la procédure de désignation. Nous avons appris que l’OSCE et
le bureau du haut représentant s’efforçaient de trouver une interprétation
«alternative» de la loi afin de régler le problème sans avoir à
réengager une nouvelle procédure.
177. 177. Nous sommes par ailleurs extrêmement préoccupés par le
récent projet des autorités de la RS d’établir un médiateur pour
les droits des enfants au niveau des entités. La loi pertinente
vient d’être adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale
de la RS. Dans la mesure où les droits des enfants relèvent des compétences
de l’institution du médiateur au niveau de l’Etat, nous sommes d’avis
que la création d’une instance séparée au niveau des entités ébranlerait
l’institution d’Etat, d’autant que le médiateur de la FB-H a fermé
son département pour les droits des enfants. Selon nous, l’adoption
de cette nouvelle loi par l’Assemblée nationale de la RS va à l’encontre
de l’engagement «d’établir, dans le long terme, un bureau du médiateur
des droits de l’homme unique, unifié au niveau de l’Etat». De ce
fait, nous prions instamment les autorités de la RS de retirer le
projet de loi.
5.2. Affaires devant la Cour
européenne des droits de l’homme
178. A ce jour, plus de 500 affaires
ont été déclarées irrecevables. Une affaire a été déclarée recevable (Suljagić)
et une autre a été tranchée (Hadžić
).
Six arrêts ont à l’heure actuelle été adoptés (Jeličić le 31 octobre
2006, ŠobotaGajić le 6 novembre 2007, Karanović le 20 novembre 2007,
Pejakovic
et al le 18 décembre
2007, Rodic et trois autres le 27 mai 2008, et Tokic
et al. le 8 juillet 2008). Près
de 800 affaires contre la Bosnie-Herzégovine sont actuellement en
instance (dont 20 ont été communiquées au gouvernement). Dans une
affaire, la Cour a appliqué des mesures provisoires (en vertu de
la Règle 39 du Règlement de la Cour) ordonnant aux requérants de
mettre un terme à leur grève de la faim. Les requérants se sont
conformés à cette requête.
179. Les affaires en instance contre la Bosnie-Herzégovine peuvent
être classées en plusieurs catégories:
- près de 500 requérants portent plainte parce qu’ils n’ont
pas réussi à retirer leurs «anciennes» économies en devises – l’affaire
principale est celle concernant Suljagić, déclarée irrecevable le
20 juin 2006 (l’affaire Suljagic est l’affaire principale des «anciens»
épargnants de devises qui n’ont pas obtenu de décision nationale
définitive ordonnant à une banque de rembourser leurs économies;
pour ceux qui ont obtenu un tel jugement, l’affaire phare est celle
de Jeličić susmentionnée, qui est la première dans laquelle la Cour
européenne a prononcé un arrêt contre la Bosnie-Herzégovine);
- près de 40 affaires concernent la non-application des
arrêts nationaux définitifs et exécutoires ordonnant le paiement
de dommages et intérêts (pécuniaires ou non pécuniaires) liés à
la guerre;
- 10 requérants portent plainte parce qu’ils n’ont pas été
autorisés à récupérer leur appartement de fonction militaire dans
la FB-H en raison de leur service dans les forces armées de la Serbie.
Une de ces affaires a été transmise (Đokić, 6518/04);
- trois requérants (un Bosnien, un Rom et un Juif) portent
plainte à propos de la mesure constitutionnelle selon laquelle «les
autres» (les citoyens de la Bosnie-Herzégovine qui ne se qualifient
pas de Bosniaques, de Serbes ou de Croates) ne peuvent pas être
membres de la présidence de la Bosnie-Herzégovine et de la Chambre
des peuples du Parlement de la Bosnie-Herzégovine;
- dans l’affaire Palić (no 4704/04),
la Cour devra statuer s’il est réellement pertinent d’examiner des plaintes
concernant les personnes qui ont disparu au cours de la guerre de
1992-1995;
- la Cour a également communiqué six affaires concernant
des citoyens ou des anciens résidents de la Bosnie-Herzégovine qui
sont détenus à Guantánamo Bay depuis 2002;
- un grand nombre d’affaires concerne la non-application
des décisions de la Chambre des droits de l’homme ou de la Cour
constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine. Par exemple, dans trois
des six affaires pour lesquelles un arrêt a été rendu (notamment
Jeličić, Šobota-Gajić et Karanović), la Chambre des droits de l’homme
a conclu à une violation de la Convention et a ordonné de prendre
certaines mesures. Cependant, ces mesures n’ont jamais été prises.
5.3. Cour européenne des droits
de l’homme et Cour constitutionnelle
180. La Commission des droits de
l’homme au sein de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine
est l’institution qui a succédé à la Chambre des droits de l’homme
de la Bosnie-Herzégovine. Conformément à l’article XIV de l’annexe
6 de l’Accord-cadre général sur la paix en Bosnie-Herzégovine conclu
les 22 et 25 septembre 2003 entre les deux parties, le mandat de
la Chambre des droits de l’homme a expiré le 31 décembre 2003. Cet
accord portait création de la Commission des droits de l’homme qui
devait fonctionner entre le 1er janvier
2004 et le 31 décembre 2004 au sein de la Cour constitutionnelle
de la Bosnie-Herzégovine.
181. La Commission des droits de l’homme avait pour mission d’examiner
les affaires en instance reçues par la Chambre des droits de l’homme
au plus tard le 31 décembre 2003; après le 1er janvier
2004, la Cour constitutionnelle devait statuer sur les nouveaux
cas allégués de violations de droits de l’homme. Nous sommes heureux
de constater que, même si le mandat de cette commission a dû être
prorogé, la commission a aujourd’hui achevé l’examen de toutes les
affaires (près de 7 000) et a cessé d’exister.
5.4. Prévention de la torture
et des traitements inhumains ou dégradants
182. En mai 2003, les autorités
de la RS ainsi que de la FB-H ont informé le Comité européen pour
la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) de «l’existence d’un vaste fossé entre les normes
juridiques et réglementaires et les réalités prévalant dans le système
carcéral», soulignant que la pénurie de ressources financières était
l’une des principales raisons de cette situation. En décembre 2004,
le CPT a publié un rapport détaillé contenant des recommandations
fondées sur ses constats au cours des visites et des entretiens
dans les prisons avec les détenus et les autorités locales.
183. Le CPT a effectué une autre visite en Bosnie-Herzégovine en
mars 2007 pour évaluer les progrès accomplis depuis la première
visite périodique, en 2003, et la visite ad hoc en décembre 2004.
La délégation du comité a passé en revue différentes questions relatives
aux établissements pénitentiaires, notamment le régime et le traitement
des personnes placées en détention provisoire et des prisonniers
placés en isolement. Des préoccupations particulières ont été exprimées
concernant l’absence de sécurité dans certaines prisons visitées,
notamment celles de Zenica et Doboj, où, manifestement, le personnel
pénitentiaire n’était pas supervisé de façon adéquate.
184. La délégation s’est également penchée sur la situation des
patients en psychiatrie médico-légale, en examinant le traitement
des patients à l’hôpital psychiatrique de Sokolac et dans l’annexe
psychiatrique médico-légale de la prison de Zenica.
185. La situation des résidents dans deux foyers d’aide sociale
a été examinée pour la première fois, et les autorités ont été exhortées
à améliorer les mesures de sécurité offertes aux personnes placées
dans ces foyers. Il a été souligné qu’il importait de développer
un cadre légal adéquat pour les foyers d’aide sociale dans la Fédération
de Bosnie-Herzégovine. Une attention particulière a été également
portée au traitement des personnes détenues par la police et aux
mesures pratiques de prévention contre les mauvais traitements.
186. Les autorités de la Bosnie-Herzégovine ont répondu aux différentes
questions soulevées dans les observations préliminaires faites par
la délégation, le 31 mai 2007. Ces observations et la réponse ont
été publiées avec l’accord des autorités bosniennes. Nous saluons
ce développement et étudierons avec soin le rapport qui sera adopté
par le CPT dès qu’il sera disponible.
5.5. Revue de la citoyenneté
187. En application de la loi portant
amendement à la loi sur la citoyenneté, qui est entrée en vigueur
telle qu’amendée en novembre 2005
, la Commission d’Etat de la Bosnie-Herzégovine
pour la révision des décisions de naturalisation des citoyens étrangers
a été chargée de réexaminer le statut des citoyens qui ont acquis
la nationalité bosnienne entre le 6 avril 1992 et le 1er janvier
2006. Initialement, son mandat était d’une durée d’un an, mais il
a été prolongé pour une année supplémentaire par le haut représentant,
le 15 février 2007. Elle est composée de 9 experts désignés par
le Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine, de 6 citoyens
bosniens (2 issus de chaque peuple constitutif) et de 3 membres
internationaux, dont les candidatures sont examinées en consultation
avec le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et d’autres organisations
compétentes. Nous avons été informés, au cours de notre visite à
la fin de septembre 2007, qu’un des membres internationaux, qui
avait été recommandé par le Conseil des ministres depuis juillet
2007, n’avait pas encore pris ses fonctions.
188. Selon les informations disponibles, les activités de la commission
pourraient concerner près de 1 500 individus, dont un grand nombre
seraient venus en Bosnie-Herzégovine pour rejoindre les forces musulmanes bosniennes
(Bosniaques) en tant que combattants étrangers volontaires pendant
la guerre de 1992-1995, ou pour travailler auprès d’organisations
caritatives islamiques pendant et après la guerre.
189. La commission peut proposer au Conseil des ministres de retirer
la citoyenneté, entre autres, aux individus qui ne l’auraient pas
obtenue conformément aux réglementations pertinentes, ou sur la
base d’informations inexactes, à condition que ces personnes ne
deviennent pas des apatrides.
190. La commission a commencé à travailler en mars 2006. En juin
2007, elle avait révisé 1 300 cas. En septembre 2007, elle avait
retiré la citoyenneté à 613 personnes: ressortissants de la Turquie
(137), de l’Egypte (63), de la Syrie (49), de l’Algérie (37), de
la Russie (23) et de l’Ukraine (15). Dans 530 cas, la citoyenneté
n’a pas été retirée. La loi sur la citoyenneté prévoit un recours
contre les décisions de la commission. En cas de confirmation du
retrait de la citoyenneté par une cour de justice, la personne concernée acquiert
le statut d’étranger et tombe sous les dispositions de la loi sur
la libre circulation et la résidence des étrangers et des demandeurs
d’asile, et peut soit solliciter un permis de résidence, soit déposer
une demande d’asile. La loi prévoit également la possibilité d’accorder
la résidence pour des raisons humanitaires en cas de rejet de la
demande d’asile, entre autres si l’intéressé encourt, de prime abord,
un risque présumé de traitements inhumains ou dégradants dans le
pays de destination (article 3, CEDH) ou s’il a des liens de famille en
Bosnie-Herzégovine (article 8, CEDH). A ce jour, une seule décision
(négative) a été prise par la Cour constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine,
à savoir le rapatriement d’un Marocain auquel la citoyenneté avait été
retirée (no AP-1788/05, Said Atmani,
20 septembre 2006).
5.6. Les Roms
191. Les Roms sont le groupe minoritaire
le plus important et le plus marginalisé en Bosnie-Herzégovine. Pour
honorer ses obligations internationales
ainsi
que la mise en œuvre de la loi nationale, le ministre des Droits
de l’homme et des Réfugiés de la Bosnie-Herzégovine a proposé une
stratégie nationale pour les Roms et le Conseil des ministres l’a
adoptée en juillet 2005. La stratégie couvre un certain nombre de
problèmes affectant les Roms, tels que l’accès au logement, à l’emploi,
aux soins de santé, à la sécurité sociale, l’enregistrement civil
et le recensement. La stratégie vise à promouvoir l’égalité de ce
groupe minoritaire ainsi que sa participation accrue à la vie publique
en général.
192. Cependant, il semble que la stratégie ne contienne que peu
de références, voire aucune, à des actions spécifiques, aux autorités
responsables, aux délais ou aux implications budgétaires. Cette
préoccupation a été exprimée par le Conseil de l’Europe ainsi que
d’autres organisations internationales intervenant auprès de la communauté
des Roms
. Nous
partageons cette préoccupation et exhortons les autorités bosniennes
à élaborer un plan d’action couvrant tous les aspects de la question
pour la mise en œuvre de la stratégie.
193. Nous avons été informés que le problème le plus brûlant affectant
les Roms est lié au fait qu’ils ne possèdent pas de documents personnels.
Cette situation crée des problèmes supplémentaires dans l’exercice des
droits de propriété pour un grand nombre d’entre eux qui résident
dans des logements informels, car le fait de ne pas détenir ce type
de documents les empêche de solliciter le statut de résident qui
les aiderait à légaliser leur titre de propriété. Une des raisons
principales de l’incapacité des Roms à obtenir des documents personnels
découle du fait qu’ils ne sont pas inscrits dans les registres de
naissance. En Bosnie-Herzégovine, les personnes ne possédant pas
d’acte de naissance ne peuvent pas accéder à l’éducation, aux soins
de santé, aux prestations sociales. Elles ne peuvent pas participer
à la vie civile.
194. Selon les informations dont nous disposons, il n’existe pas
de cas de refus d’enregistrement d’enfant rom. Les discussions que
nous avons eues ont révélé que le problème réside davantage dans
le fait que le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine n’a pas, à
ce jour, adopté d’approche dynamique pour garantir l’enregistrement
des enfants roms. Nous exhortons les autorités du pays à adopter
une politique en amont pour l’enregistrement des enfants roms, en
lançant des campagnes de sensibilisation auprès de la population
rom et des autorités municipales chargées de l’enregistrement.
5.7. Libertés des médias
195. La Bosnie-Herzégovine est dotée
d’un régime juridique avancé, régissant la liberté des médias. Les
lois de dépénalisation de la diffamation et de la calomnie sont,
par exemple, entrées en vigueur en RS depuis juin 2001 et dans la
fédération depuis novembre 2002.
196. La Bosnie-Herzégovine est dotée des mécanismes d’autorégularisation
les plus avancés d’Europe. L’Autorité de réglementation des communications
est chargée de délivrer les autorisations et de réglementer les
services de radiodiffusion et de télécommunications, tandis que
le Conseil de la presse, un organe bénévole et autoréglementé, s’occupe
des plaintes relatives à la presse écrite. Les plaintes concernant
la radiodiffusion sont transmises à l’Autorité de réglementation
des communications qui a le droit d’examiner une plainte chaque
fois qu’un programme, une publicité ou une émission radiophonique
semble partial, incorrect, insultant ou préjudiciable; porte atteinte
à la vie privée; met en danger le développement physique, mental
ou moral des enfants, ou contient des éléments d’incitations à la
haine raciale, religieuse ou nationale. Tous les citoyens ont le
droit de déposer une plainte. Ce mécanisme de recours est largement
utilisé par les citoyens, les institutions, les organisations, les
fonctionnaires et les partis politiques
.
197. Actuellement, la Bosnie-Herzégovine compte trois services
de radiodiffusion – BHRT (niveau de l’Etat), RTFB-H (FB-H), RTRS
(Republika Srpska) – et trois principaux services de radiodiffusion
commerciale – OBN, TV Pink B-H et Mreza Plus.
198. L’étude de faisabilité de 2003 de la Commission européenne,
soulignant les conditions que la Bosnie-Herzégovine aurait à honorer
pour être acceptée dans les négociations avec l’Union européenne
sur un Accord de stabilisation et d’association, indiquait que le
pays devait accomplir des progrès significatifs dans un certain nombre
de domaines, notamment concernant la loi sur la radiodiffusion.
En particulier, l’une des conditions était la création d’un système
de service public de radiodiffusion unifié, géré au niveau de l’Etat.
A cette fin, l’adoption de quatre lois est prévue, mais seules trois
ont été adoptées à ce jour. La non-adoption de la dernière continue
d’entraver la mise en place de ce nouveau système public de radiodiffusion.
199. La première loi sur le système de radiodiffusion publique
de la Bosnie-Herzégovine (ou loi du système) définit la structure,
la gouvernance, le financement, la gestion de la base commune des
ressources et autres responsabilités du système global de radiodiffusion
publique. Elle a été adoptée le 5 octobre 2005. La loi prévoit la
création d’une «corporation des services publics de radiodiffusion»
(ou «corporation conjointe»). Elle est conçue comme une organisation
parapluie couvrant les trois services publics de radiodiffusion.
Elle est supposée mettre en place la stratégie de développement,
coordonner les ressources humaines et techniques des trois services
de radiodiffusion, et harmoniser les différents systèmes, les politiques
et les procédures des trois services publics de radiodiffusion existants.
Certaines fonctions actuellement exécutées séparément par les trois
services publics de radiodiffusion seront centralisées en vertu
de cette loi. Parmi les plus importantes, on peut citer la perception
des droits de licence et la vente des espaces publicitaires. La
nouvelle loi transformera également les trois services publics de
radiodiffusion en une seule entité morale tout en garantissant à
chacun des services un certain degré d’autonomie.
200. Cependant, cette loi n’est pas encore entrée en vigueur au
niveau de l’Etat parce que la Cour constitutionnelle de l’Etat n’a
pas encore prononcé sa décision concernant l’appel déposé en février
2006 par Ivo Miro Jovic – à l’époque, membre croate de la présidence
de trois membres de la Bosnie-Herzégovine. Dans son appel, Ivo Miro
Jovic réclamait une révision de la constitutionnalité des 20 articles
de la loi sur le système public de radiodiffusion. La demande, depuis
de longues années, des Croates pour que soit créé un service public
de radiodiffusion exclusivement en langue croate semble être la
cause essentielle de la plainte. A ce jour, la seule action de la
Cour constitutionnelle est sa décision, en septembre 2007, de tenir
une audition publique.
201. La deuxième loi, sur le service public de radiodiffusion de
la Bosnie-Herzégovine à l’échelon de l’Etat (BHRT), a été adoptée
le 28 décembre 2005; la troisième loi, sur le service public de
radiodiffusion des entités (RTRS), en mai 2006.
202. La quatrième et dernière loi est la loi sur le service public
de radiodiffusion de la FB-H (RTFB-H), adoptée par le parlement
de la fédération en juin 2006. Cependant, les membres croates du
parlement ont voté contre cette loi. Après son adoption par la Chambre
des peuples, ils ont bloqué son entrée en vigueur en invoquant l’intérêt
national vital du peuple constitutif croate. Le 16 juillet 2006,
la Cour constitutionnelle de la fédération a soutenu que certains
éléments de la loi «ne garantissent pas que le peuple croate ne
sera pas victime de discrimination dans l’application des droits
garantis par la Constitution de la FB-H». En octobre 2006, le groupe parlementaire
bosniaque de la Chambre des peuples de la fédération a déposé un
appel auprès de la Cour constitutionnelle, sollicitant l’annulation
de la décision de la Cour constitutionnelle de la fédération. Ils
ont soutenu que cette décision était en contradiction avec une décision
prononcée en juillet 2005 par la même Cour constitutionnelle qui
affirmait que la loi sur le système public de radiodiffusion ne
portait pas atteinte à l’intérêt national vital des Croates.
203. Finalement, le 10 juin 2008, le Haut Conseil pour la protection
de l’intérêt national vital de la Cour constitutionnelle de la FB-H
a décidé que la loi sur le service public de radiodiffusion de la
fédération ne violait pas l’intérêt national vital du peuple croate,
ce qui a ouvert la voie à l’adoption de la loi par le parlement.
Cette loi a finalement été adoptée le 22 juillet 2008.
204. Nous saluons l’achèvement du cadre législatif pour le service
public de radiodiffusion. La mise en œuvre effective de la nouvelle
législation est cruciale à présent. C’est un développement très
malheureux, car, parallèlement à la réforme de la police, le retard
de la réforme du système public de radiodiffusion en Bosnie-Herzégovine
entrave la mise en œuvre des obligations du pays envers le Conseil
de l’Europe ainsi que le processus d’intégration à l’Union européenne.
Nous demandons instamment aux autorités de trouver un compromis
sur la question du service public de radiodiffusion. Nous ne manquerons
pas de suivre de près ce point lors de nos prochains rapports.
5.8. Education
5.8.1. Education primaire et secondaire
205. La «ségrégation ethnique» dans
les écoles primaires et secondaires en Bosnie-Herzégovine demeure une
préoccupation. Au cours des douze dernières années, l’école, au
lieu de promouvoir la réconciliation «postconflit», a contribué
à séparer les uns des autres les trois peuples dits «constitutifs».
Dans la pratique, la majorité des jeunes étudiants bosniaques, croates
et serbes choisissaient de suivre les cours – et cette situation
persiste encore aujourd’hui – dans les salles fréquentées par les
membres du même groupe ethnique. Par conséquent, parmi ces étudiants,
un grand nombre connaît à peine les autres groupes ethniques ou minorités
nationales qui vivent également dans le pays. Par leur scolarisation,
certains élèves développent des allégeances non pas au pays dans
son ensemble, mais seulement aux parties dans lesquelles leur groupe
est majoritaire. Certains développent également des allégeances
aux pays voisins de l’Est et de l’Ouest où prédominent les membres
de leur groupe particulier. Le haut représentant et représentant
spécial de l’Union européenne, M. Miroslav Lajčak, est intervenu
à propos de cette tendance dans un discours qu’il a récemment prononcé
au parlement de la FB-H: «(…) le problème sous-jacent est que vous
n’avez pas trouvé un moyen d’exclure de l’éducation et des salles
de classe la politique des partis. La tendance générale n’est pas
à la réintégration d’après-guerre, mais au maintien de la discrimination,
soit par l’assimilation, soit par la division, sur des bases ethniques.»
206. La communauté internationale a soutenu le développement d’un
tronc commun dans les programmes d’enseignement (en s’efforçant
de trouver autant que possible des points communs entre les trois
programmes d’enseignement); mais le fait est que l’existence de
trois programmes d’enseignement distincts en Bosnie-Herzégovine
réaffirme et codifie la ségrégation ethnique. Une solution éventuelle
est d’adopter un tronc commun pour l’ensemble du pays, qui sera
complété par une série de matières culturellement spécifiques.
207. Cette idée gagne lentement du terrain; ainsi, le Comité des
Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels
et le Parlement européen lui apportent leur soutien. Plus récemment,
l’envoyé spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
pour le droit à l’éducation, Vernor Munoz, a déclaré que «l’existence
de programmes d’enseignement différents favorise la discrimination
dans le secteur éducatif et la ségrégation des étudiants. Un des
défis les plus importants pour la Bosnie-Herzégovine est d’arriver
à créer un programme d’enseignement unifié».
208. Cependant, c’est une question politique extrêmement délicate,
étant donné que chaque groupe ethnique estime avoir droit à son
propre programme d’enseignement. La langue est une partie de ce
problème, compte tenu du droit constitutionnel d’utiliser les trois
langues officielles. Cependant, on peut toujours adopter le même programme
d’enseignement en prenant en considération les variantes de la langue.
Il est particulièrement important d’introduire des éléments plurilingues
dans le programme d’enseignement de façon que les étudiants issus
des différents groupes ethniques puissent découvrir certaines matières
dans les trois langues officielles comprises par tous les habitants
du pays.
209. Nous exhortons les autorités de la Bosnie-Herzégovine à poursuivre
la réforme de l’éducation primaire et secondaire sur la base des
principes de tolérance, du respect des autres, de la multiethnicité
et de la réconciliation. L’avenir du pays dans l’Europe dépend dans
une large mesure de la capacité des autorités et des différentes
communautés à développer un cadre éducatif commun.
5.8.2. Enseignement supérieur
210. Le «processus de Bologne» est
un effort à l’échelon européen pour normaliser l’enseignement supérieur en
promouvant, parmi tous ses membres, la mise en place d’une structure
de diplômes reposant sur trois cycles, l’introduction d’un système
européen de transfert des crédits (ECTS) et l’instauration de systèmes d’assurance
de la qualité
, tandis que la Convention de Lisbonne
sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement
supérieur dans la région européenne (STE no 165),
y afférente, s’efforce de créer des mécanismes et de définir des
procédures et des critères pour la reconnaissance équitable, non discriminatoire
et transparente des qualifications de l’enseignement supérieur.
La Bosnie-Herzégovine a signé la Déclaration de Bologne en septembre
2003 et a ratifié la convention dite «de Lisbonne» en janvier 2004.
Ce faisant, elle s’est engagée à réformer son système d’enseignement
supérieur conformément à ces conventions européennes.
211. Certes, une nouvelle loi sur l’enseignement supérieur apportera
une base juridique pour l’adoption et le respect des critères et
des normes de Bologne, pour ne mentionner que cet engagement international;
mais surtout, cette loi est indispensable pour permettre aux universités
de la Bosnie-Herzégovine de suivre le rythme des évolutions en Europe
et dans le monde. Si cette réforme n’est pas mise en œuvre, il est
très probable que le pays continuera à faire face à un système coûteux
et de plus en plus décousu de l’enseignement supérieur (avec huit
universités publiques au lieu de quatre); l’on observe un nombre
en hausse des universités privées non réglementées par un organe
d’accréditation, ainsi que l’expansion du nombre des facultés dans
les universités publiques du pays alors qu’elles ne sont pas pourvues
de ressources suffisantes. Les étudiants de la Bosnie-Herzégovine
ne pourront donc pas obtenir la reconnaissance de leurs diplômes,
ils rencontreront davantage de difficultés pour être acceptés pour
des études à l’étranger et, chez eux, ils n’auront pas l’assurance
que les universités qu’ils fréquentent sont du même niveau que les
universités européennes. Toute cette situation ne contribue pas
beaucoup à résoudre l’un des problèmes les plus pressants du pays
– la migration permanente vers l’extérieur des meilleurs et des
plus brillants.
212. Initialement, il a été prévu que la loi sur l’enseignement
supérieur serait adoptée au milieu de l’année 2004. Cependant, les
représentants de tous les peuples constitutifs du pays n’ont pas
pu s’accorder sur l’autorité pour l’accréditation des établissements
d’enseignement supérieur, ou sur le niveau qui serait chargé de
la gestion de leurs ressources. Une partie souhaitait que les deux
composantes soient maintenues au niveau des entités tandis que l’autre
préférait qu’elles soient placées au niveau de l’Etat. Dans l’intervalle,
la plupart des cantons de la FB-H, la RS et le district de Brčko
ont décidé d’adopter ou d’amender leurs propres lois sur l’enseignement
supérieur qui ne sont pas forcément uniformes dans l’ensemble du
pays.
213. Après des années de longues négociations et d’intenses pressions
de la communauté internationale, la loicadre sur l’enseignement
supérieur a été finalement adoptée le 30 juillet 2007, avec un vote
négatif des délégués croates, parce que la loi ne définissait pas
de façon intégrale la question de l’enseignement supérieur; par
exemple, la question du financement n’était pas résolue. Cette loi
fait partie des rares développements positifs pouvant être mentionnés
pour 2007.
214. Elle prévoit la création d’une agence pour le développement
de l’enseignement supérieur et l’assurance de la qualité, en tant
qu’organe indépendant de l’Etat, administrée par un conseil de neuf
membres; l’agence peut adopter des décisions avec l’accord de deux
tiers des membres de chaque peuple constitutif. Elle sera compétente
pour déterminer des normes claires et transparentes en matière d’assurance
de la qualité et des critères d’accréditation des établissements
d’enseignement supérieur. Une commission d’experts composée de cinq
membres fera des recommandations sur l’accréditation aux autorités
compétentes, tandis que la définition de la politique sur l’accréditation
relèvera de la compétence du ministère concerné, par exemple le Gouvernement
de la RS et les ministères des cantons de la FB-H. La loi prévoit
également la création au niveau de l’Etat d’un centre d’information
et de reconnaissance de documents.
215. La loi instaure un délai de deux ans pour l’accréditation
de tous les établissements d’enseignement supérieur. Les établissements
actuels obtiendront tout d’abord une accréditation temporaire qui
sera remplacée par une accréditation permanente dans une période
de deux ans. La loi réaffirme un grand nombre des principes de Bologne
au niveau de l’Etat, notamment un cadre commun des diplômes reposant
sur trois cycles, l’ENIC, l’ECTS, les compléments aux diplômes.
Elle fixe également les droits et les devoirs des étudiants et des
professeurs, et régit la manière dont les universités doivent être
administrées. Un élément clé de la loi est l’intégration des universités
dans une entité juridique unique qui devrait être réalisée dans
une période d’un an à compter de l’adoption de la loi.
216. Une autre étape positive est l’adoption par le Conseil des
ministres, en décembre 2007, des sept stratégies et lignes directrices
clés de la mise en œuvre du processus de Bologne en Bosnie-Herzégovine, élaborées
avec l’aide du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne.
Ces stratégies et lignes directrices ont été agréées, développées
et approuvées par une majorité des institutions et autorités de
la Bosnie-Herzégovine directement concernées (les recteurs des huit
universités publiques, les ministres des entités responsables de
l’éducation et le ministère des Affaires civiles au niveau de l’Etat).
217. L’adoption de cette loi-cadre sur l’enseignement supérieur
est un développement hautement appréciable: on a déjà perdu trop
de temps. Cependant, ce n’est que le début d’un très long et complexe processus
de mise en œuvre: les agences au niveau de l’Etat envisagées par
la loi doivent être créées avec des mandats clairs, doivent être
financées et pourvues en personnel; et la volonté politique d’aller
de l’avant est un préalable au succès.
6. Conclusions
218. Comme nous l’avons vu dans
le présent rapport, ces récentes années n’ont pas été riches en
réformes en Bosnie-Herzégovine. Bien que les lois-cadres de la réforme
de la police aient finalement été adoptées, leur mise en œuvre effective
n’est pas encore achevée. Il en est de même pour la mise en œuvre
des réformes dans le domaine de la radiodiffusion et de l’éducation,
qui doivent être accélérées à présent, après l’achèvement du cadre
législatif. Bien que l’Accord de stabilisation et d’association
ait été signé, sa mise en œuvre suppose pour les autorités de l’Etat
et des entités de parvenir à un large consensus politique sur les principaux
projets de réforme, et de trouver une solution fondée sur un accord.
219. Certes, nous reconnaissons que la Bosnie-Herzégovine a rempli
un certain nombre d’engagements, en particulier en ce qui concerne
la ratification des conventions du Conseil de l’Europe, mais les
réformes majeures des lois du pays ne sont pas encore achevées.
Il est par ailleurs urgent pour le pays d’engager une réforme constitutionnelle
afin de mettre en place des institutions démocratiques fortes, en
état de fonctionner. Malheureusement, le contexte politique actuel
et la rivalité entre les entités ne favorisent pas la création d’un environnement
propice à la mise en œuvre des réformes requises.
220. Les autorités de la Bosnie-Herzégovine à tous les niveaux
doivent prendre conscience de la fermeture, tôt ou tard, du bureau
du haut représentant et de l’évolution progressive du rôle joué
dans le pays par la communauté internationale. Quelle que soit la
durée de cette phase de transition, il est essentiel de créer dès à
présent des institutions démocratiques fortes et efficaces, capables
d’élaborer une vision commune de l’avenir du pays. L’obstructionnisme
et la rhétorique politique doivent céder la place à une coopération constructive
et tournée vers l’action entre tous les acteurs politiques et les
institutions. Les craintes de chaque peuple constitutif, les accusations
mutuelles permanentes et le discours nationaliste mutuellement exclusif sont
contre-productifs. Ils ne font que freiner le processus d’intégration
européenne et empêchent le pays et ses citoyens de profiter pleinement
des nouvelles opportunités offertes par la signature de l’Accord
de stabilisation et d’association.
221. Comme nous l’évoquions précédemment, nous sommes convaincus
que la Bosnie-Herzégovine n’a pas d’autre choix que celui de l’intégration
européenne. L’Europe non plus n’a pas d’autre choix que celui d’intégrer la
Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, il est essentiel que la communauté
internationale et en particulier l’Union européenne s’en tiennent
aux normes qu’elles promeuvent et qu’elles ne les bradent pas contre
des compromis à court terme. Dans le même temps, les autorités du
pays doivent se conformer aux obligations et engagements qu’elles
ont contractés en adhérant au Conseil de l’Europe. Au nom de l’intégration
européenne, il est essentiel que les autorités de la Bosnie-Herzégovine
et la communauté internationale, et l’Union européenne en particulier,
continuent de collaborer pour veiller à l’application effective
en Bosnie-Herzégovine des normes européennes de démocratie, de prééminence
du droit et de droits de l’homme.
Commission chargée du rapport: commission pour le respect
des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe
(commission de suivi).
Renvoi en commission: Résolution
1115 (1997) et Avis no
239 (2002).
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à
l’unanimité par la commission le 11 septembre 2008.
Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président),
M. György Frunda (1er Vice-Président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-Président), M. Leonid Slutsky (3e Vice-Président), M. Aydin
Abbasov, M. Avet Adonts,
M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Aleksandër Biberaj, M. Luc Van den Brande, M. Jean-Guy Branger,
M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej
Chelemendik, Mme Lise Christoffersen,
M. Boriss Cilevičs, M. Georges
Colombier, M. Telmo Correia, M. Valeriu Cosarciuc, Mme Herta
Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette
Durrieu, M. Mátyás Eörsi,
Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Jean-Charles
Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener,
M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach,
Mme Gultakin Hajiyeva, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot
Islami, M. Miloš Jevtić,
Mme Evguenia Jivkova,
M. Hakki Keskin, M. Ali Rashid Khalil, M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine
Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad,
M. René van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Younal Loutfi, M. Pietro Marcenaro, M. Mikhail Margelov,
M. Bernard Marquet, M. Dick Marty,
M. Miloš Melčák, Mme Assunta
Meloni, Mme Nursuna Memecan, M. João Bosco Mota Amaral, M. Theodoros Pangalos, Mme Maria
Postoico, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Andrea
Rigoni, M. Dario Rivolta,
M. Armen Rustamyan, M. Indrek
Saar, M. Oliver Sambevski,
M. Kimmo Sasi, M. Andreas
Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona
Staponkienė, M. Christoph Strässer,
Mme Elene Tevdoradze,
M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis,
M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė,
M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin
S. Woldseth, M. Boris Zala,
M. Andrej Zernovski.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Voir 31e séance, 30 septembre 2008
(adoption du projet de recommandation et du projet de résolution amendé);
et Recommandation 1843 et Résolution
1626.