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Rapport | Doc. 11683 | 07 juillet 2008

Indicateurs pour les médias dans une démocratie

(Ancienne) Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Rapporteur : M. Wolfgang WODARG, Allemagne

Résumé

La liberté d’expression et d’information des médias est indispensable dans une démocratie. Les parlements nationaux sont invités à analyser régulièrement la situation de leurs propres médias de façon objective et comparable afin de pouvoir déterminer les lacunes de leur législation nationale et de son application, et de prendre les mesures appropriées pour y remédier. Ces analyses devraient s’appuyer sur la liste de principes élémentaires exposés dans la résolution. Le Comité des Ministres est prié de souscrire cette liste et d’établir des indicateurs du fonctionnement de l’environnement médiatique dans une démocratie.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle l’importance de la liberté des médias. La liberté d’expression et d’information des médias est indispensable dans une démocratie. Pour participer au processus de prise de décision, le public doit être bien informé et avoir la possibilité d’examiner librement différents points de vue.
2. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe se sont engagés à respecter les normes démocratiques. La démocratie et la primauté du droit sont des conditions nécessaires à l’adhésion au Conseil de l’Europe. C’est pourquoi il appartient aux Etats membres de surveiller en permanence l’état de leur démocratie. Toutefois, les normes démocratiques font aussi partie des droits de l’homme en Europe, reconnus universellement et, en cela, ils ne sont pas une simple affaire intérieure. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent également faire, en particulier au niveau de l’Assemblée, une analyse de l’état de la démocratie dans tous les Etats membres.
3. Le Conseil de l’Europe a fixé des normes pour l’Europe relatives à la liberté des médias dans l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans un certain nombre de recommandations du Comité des Ministres, ainsi que dans des résolutions et recommandations de l’Assemblée parlementaire.
4. L’Assemblée surveille aussi la liberté des médias avant les élections nationales et fait une analyse en se fondant sur les normes définies par le Conseil des élections démocratiques qui comprend des représentants de la Commission de Venise, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et de l’Assemblée parlementaire.
5. L’Assemblée se félicite des évaluations comparatives de la situation nationale des médias, préparées notamment par Reporters sans frontières (Paris), l’Institut international de la presse (Vienne), Article 19 (Londres), Freedom House (Washington, DC) et Media Tenor (Bonn). Ces travaux permettent au public d’examiner largement la liberté des médias, mais ils n’exonèrent pas les parlements et gouvernements nationaux de leur devoir politique de sur- veiller la situation des médias chez eux.
6. L’Assemblée se félicite également des indicateurs du développement des médias établis par Article 19 et le Centre ouest-africain des médias et développement (West African Newsmedia and Development Centre – WANAD) pour l’UNESCO, qui permettront de définir des stratégies de développement de la communication, dans le contexte général du développement national.
7. L’Assemblée considère nécessaire le respect d’un certain nombre de principes relatifs à la liberté des médias dans une société démocratique. Une liste de ces principes permettrait d’analyser les environnements nationaux des médias du point de vue de leur liberté, afin de déterminer les questions qui posent problème et les lacunes possibles. Cela permettra aux Etats membres de discuter entre eux, au niveau européen, d’une action possible pour résoudre ces problèmes.
8. L’Assemblée invite les parlements nationaux à analyser régulièrement la situation de leurs propres médias de façon objective et comparable afin de pouvoir déterminer les lacunes de leur législation nationale et de son application, et de prendre les mesures appropriées pour y remédier. Ces analyses devraient s’appuyer sur la liste de principes élémentaires suivante:
8.1. le droit à la liberté d’expression et d’information des médias doit être garanti par la législation nationale, et ce droit doit avoir force exécutoire. Un nombre élevé d’affaires en justice invoquant ce droit est indicatif de problèmes d’application de la législation nationale sur les médias et demanderait une révision de la législation dans ce domaine ou de son application;
8.2. les hauts représentants d’Etat ne doivent pas jouir d’une meilleure protection contre la critique et les attaques verbales que les personnes ordinaires, par exemple dans le cadre d’un droit pénal prévoyant des peines plus lourdes. Dans ce contexte, les journalistes ne devraient pas être emprisonnés, ni les médias fermés;
8.3. les lois pénales contre l’incitation à la haine ou pour la protection de l’ordre public et de la sécurité nationale doivent respecter le droit à la liberté d’expression. Si des peines sont imposées, elles doivent respecter les obligations de nécessité et de proportionnalité. Si l’on peut déduire de la fréquence et de la sévérité des peines imposées que ces lois font l’objet d’une application politique- ment motivée, la législation relative aux médias et son application doivent être modifiées;
8.4. l’Etat ne doit pas imposer d’obligations excessives aux journalistes pour qu’ils puissent travailler;
8.5. les partis politiques et les candidats à des élections doivent disposer d’un même accès équitable aux médias. Leur accès aux médias doit être facilité pendant les cam- pagnes électorales;
8.6. des journalistes étrangers ne devraient pas se voir refuser des visas d’entrée ou de travail au motif de rédaction d’articles qui pourraient être critiques;
8.7. les médias doivent être libres de diffuser l’information dans la langue de leur choix;
8.8. la confidentialité des sources d’information des journalistes doit être respectée;
8.9. les droits d’exclusivité de reportage des événements majeurs d’intérêt public ne doivent pas limiter le droit du public à la liberté d’information;
8.10. la législation relative à la protection de la vie privée et du secret d’Etat ne doit pas limiter l’information de façon excessive;
8.11. les journalistes devraient disposer de contrats de travail adéquats assortis d’une protection sociale suffisante afin que leur impartialité et leur indépendance ne soient pas compromises;
8.12. les journalistes ne doivent pas être assujettis à des restrictions concernant la création d’associations comme des syndicats en vue de négociations collectives;
8.13. les médias devraient disposer de l’indépendance éditoriale vis-à-vis de leurs propriétaires;
8.14. les journalistes doivent être protégés contre des menaces ou attaques physiques du fait de leur travail. Ils doivent recevoir la protection de la police lorsqu’ils la demandent parce qu’ils se sentent menacés. Les dossiers de journalistes menacés ou attaqués doivent être traités rapidement et de manière appropriée par les tribunaux et les procureurs;
8.15. les autorités de régulation du secteur de la radiodiffusion doivent fonctionner de manière impartiale et efficace, par exemple à l’occasion d’octroi de licences. L’Etat, pour l’octroi d’une licence aux médias imprimés ou à internet, doit limiter ses exigences à un simple numéro d’identification fiscale ou une inscription au registre du commerce;
8.16. les médias doivent disposer d’un même accès équitable aux canaux de distribution, qu’il s’agisse d’infrastructures techniques (fréquences radio, câbles de transmission, satellites, etc.) ou commerciales (distributeurs de journaux, services de livraison postale ou autres);
8.17. l’Etat ne doit pas limiter l’accès aux médias imprimés ou électroniques étrangers (internet y compris);
8.18. la propriété des médias et l’influence qu’exercent les acteurs économiques sur les médias doivent être transparentes. La législation contre les monopoles et les situations de position dominante des médias sur le marché doit être appliquée. De plus, des mesures concrètes positives devraient être prises pour promouvoir le pluralisme dans les médias;
8.19. si les médias reçoivent des subventions directes ou indirectes, les Etats doivent traiter ces médias de manière équitable et impartiale;
8.20. les radiodiffuseurs de service public doivent être protégés des ingérences politiques dans leur administration et leur travail éditorial quotidiens. Les postes de direction devraient être refusés aux personnes ayant des affiliations politiques claires;
8.21. les radiodiffuseurs de service public devraient élaborer des codes internes de conduite des journalistes et d’indépendance éditoriale vis-à-vis des influences politiques;
8.22. les médias «privés» ne devraient pas être administrés par des entreprises d’Etat ou contrôlées par l’Etat;
8.23. des membres du gouvernement ne devraient pas avoir d’activités professionnelles dans les médias pendant leur mandat;
8.24. le gouvernement, le parlement et les tribunaux doivent être ouverts aux médias de manière égale et équitable;
8.25. il devrait exister un système d’autorégulation des médias, comprenant un droit de réponse et de correction ou d’excuses volontaires des journalistes. Les médias devraient créer leurs propres organes d’autorégulation – commission des plaintes ou médiateurs. Les décisions de ces organes devraient être mises en application. Ces décisions devraient être reconnues par les tribunaux;
8.26. les journalistes devraient élaborer leurs propres codes de conduite et ceux-ci devraient être appliqués. Ils devraient déclarer à leurs spectateurs ou lecteurs leurs intérêts politiques ou financiers ainsi que toute collaboration avec des organes d’Etat comme dans le cas des journalistes intégrés dans les forces armées;
8.27. les parlements nationaux devraient rédiger des rap- ports périodiques sur la liberté des médias dans leur pays en s’appuyant sur les principes ci-dessus et en discuter en commun au niveau européen.
9. L’Assemblée invite le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à rédiger des rapports d’information sur les Etats membres dans lesquels la mise en œuvre de la liste de principes élémentaires susmentionnée est problématique en ce qui concerne la liberté d’expression.
10. L’Assemblée invite également les professionnels et les entreprises ainsi que les associations de médias à appliquer et à développer la liste ci-dessus des principes élémentaires applicables aux médias.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe renvoie à sa Résolution … (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie et recommande au Comité des Ministres:
1.1. de souscrire à la liste des principes élémentaires contenue dans la résolution susmentionnée;
1.2. de tenir compte de cette liste lors de l’évaluation de la situation des médias dans les Etats membres;
1.3. d’établir des indicateurs d’un environnement média- tique fonctionnant dans une démocratie qui s’appuient sur cette liste, et de rédiger des rapports périodiques présentant la situation des médias dans chaque Etat membre.

C. Exposé des motifs, par M. Wolfgang Wodarg

(open)

1. Introduction

1. La liberté d’expression et d’information des médias est indispensable dans toute démocratie active. Pour participer au processus de prise de décision, le public doit être bien informé et avoir la possibilité d’examiner librement divers points de vue. Lorsque cela n’est pas le cas, le déficit démocratique est sévère.
2. Le Conseil de l’Europe a fixé les normes pour l’Europe dans ce domaine dans l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), dans un certain nombre de recommandations du Comité des Ministres, ainsi que dans des résolutions et recommandations de l’Assemblée parlementaire. Il est possible de les consul- ter sur le site www.coe.int/media.
3. Des questions importantes concernant le fonctionne- ment de l’environnement médiatique dans certains pays ou dans des cas particuliers ont été traitées par l’Assemblée, par exemple dans la Résolution 1372 (2004) sur la persécution de la presse dans la République du Bélarus, la Résolution 1387 (2004) sur la monopolisation des médias électroniques et la possibilité d’abus de pouvoir en Italie, la Résolution 1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflit, la Recommandation 1706 (2005) sur les médias et le terrorisme, la Résolution 1510 (2006) sur la liberté d’expression et le respect des croyances religieuses, la Résolution 1535 (2007) sur les menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes, ou la Recommandation 1789 (2007) sur l’éducation et la formation professionnelles des journalistes.
4. Lors de ses observations des élections, l’Assemblée évalue régulièrement la situation des médias dans le contexte des élections nationales. Des normes ont été rédigées à cet égard par le Conseil des élections démocra- tiques du Conseil de l’Europe qui comprend des représentants de la Commission de Venise, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée. Les dernières élections présidentielles en Arménie et en Russie, par exemple, ont suscité des préoccupations quant à l’accès équitable aux médias des partis et des candidats de l’opposition.
5. Plusieurs organisations non gouvernementales évaluent régulièrement la liberté des médias dans de nombreux pays en utilisant des points de référence différents mais comparables. En Europe, Reporters sans frontières (Paris), Article 19 (Londres) et l’Institut international de la presse (Vienne) établissent ces rapports analytiques. La liberté des médias est également incluse dans «l’Indice de démocratie» établi par le magazine The Economist.
6. Freedom House (Washington, DC, Etats-Unis) publie l’analyse la plus complète. Elle utilise un réseau d’experts internationaux qui rassemble des informations sur de nombreux pays dans le monde à partir d’une série de 23 questions concernant les environnements législatif, politique et économique. A chaque question, un nombre faible de points indique une plus grande liberté tandis qu’un nombre élevé indique un environnement moins libre. Le résultat final de chaque pays est calculé à partir du nombre total de points: un résultat de 0 à 30 place le pays dans le groupe «liberté de la presse», 31 à 60 dans le groupe «liberté de presse partielle» et 61 à 100 dans le groupe «pas de liberté de presse».
7. Les questions indicatives utilisées par Freedom House sont complètes, mais ne concernent pas le service public de radiodiffusion ou l’autorégulation des médias, par exemple, qui sont des caractéristiques typiques de l’environnement médiatique en Europe. Elles contiennent aussi des évaluations subjectives. En général, elles donnent toutefois un grand nombre d’informations utiles pour une analyse détaillée. Le rôle d’une ONG comme Freedom House est de sensibiliser le public et de poser les bonnes questions aux gouvernements là où il peut y avoir des problèmes. Les évaluations de Freedom House sur la liberté de la presse ont atteint cet objectif.
8. Les instituts de recherche indépendants comme Media Tenor (à Bonn et dans d’autres villes du monde) fournis- sent des informations spécifiques aux gouvernements, aux parlements, aux organisations internationales et aux ONG sur la situation nationale des médias.
9. L’ONG Article 19 et le Centre ouest-africain des médias et développement (WANAD) ont mis au point, pour l’UNESCO, un ensemble complexe d’«indicateurs du développement des médias», lesquels permettront de définir, au niveau des Nations Unies, des stratégies de développement de la communication dans le contexte général du développement national. Cet ensemble d’indicateurs globaux a été adopté par l’UNESCO, le 27 mars 2008. Il porte sur la régulation des médias et la diversité des médias, mais aussi sur le débat démocratique dans les médias, le renforcement des capacités des professionnels des médias et les capacités infrastructurelles. Ces deux derniers aspects sont particulièrement pertinents dans le contexte du développement et de l’aide au développement.
10. Les parlements et les gouvernements de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent respecter leurs engagements au titre de l’article 10 de la CEDH et des normes connexes. Ils doivent donc évaluer leur situation concernant les médias afin d’identifier les problèmes qui demandent une solution politique ou législative au niveau national.
11. Pour arriver à des évaluations objectives et comparables, les parlements et gouvernements des pays membres ont besoin d’un ensemble de questions ou d’indicateurs d’un environnement médiatique fonctionnant dans une société démocratique, qui s’appuient sur une liste de normes élémentaires. L’objet de ce rapport est de proposer ces normes élémentaires pour les questions indicatives correspondantes. La liste des normes élémentaires devrait servir de point de référence pour les parlements nationaux d’Europe.

2. Indicateurs de la liberté des médias

12. Les conditions nécessaires à la liberté des médias sont:
a. la protection de la liberté d’expression et d’information des médias;
b. la protection de la liberté de travail des journalistes;
c. la protection de la liberté de créer et d’exploiter des médias;
d. l’indépendance du service public de radiodiffusion;
e. la transparence des rapports entre l’Etat et les médias;
f. la transparence du gouvernement, du parlement et des tribunaux;
g. la transparence des médias et la connaissance de l’influence qu’exercent les acteurs économiques sur les médias;
h. l’éthique des médias;
i. la surveillance nationale de la liberté des médias.
13. La protection de la liberté d’expression et d’information des médias est un impératif dans toutes les démocraties. Tous les Etats membres ont, dans leur Constitution, des dispositions garantissant cette liberté et ils doivent prévoir des examens judiciaires de toute restriction susceptible de la limiter. Mais même lorsque les dispositions constitutionnelles sont appropriées, des transgressions de la liberté des médias restent possibles en pratique.
14. La démocratie est compromise lorsque les personnes au pouvoir sont trop protégées contre l’expression d’opinions et la divulgation d’informations les concernant. Cette protection excessive est généralement inscrite dans une législation pénale trop sévère ou protectrice au bénéfice des responsables politiques et débouchant par exemple sur l’emprisonnement de journalistes qui ont critiqué le chef de l’Etat ou du gouvernement, des membres du gouverne- ment ou du parlement. La Déclaration sur la liberté du dis- cours politique dans les médias, adoptée en 2004 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, ainsi que la Résolution 1577 (2007) et la Recommandation 1814 (2007) de l’Assemblée sur la dépénalisation de la diffamation pourraient servir de lignes directrices dans ce contexte.
15. Il existe des lois pénales contre l’incitation à la haine ou pour la protection de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans tous les pays. Néanmoins, le recours politiquement motivé à de telles lois doit être exclu dans les sociétés démocratiques. Le représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias a mené une campagne pour la dépénalisation de la diffamation parce que cette incrimination est souvent utilisée pour réduire au silence la critique politique. Plusieurs ONG liées aux médias attirent régulièrement l’attention sur des journalistes qui ont été emprisonnés parce qu’ils avaient critiqué le gouvernement.
16. La liberté d’expression dans les médias exige de ne pas limiter l’utilisation des langues dans les médias. Autrement, certains segments de la population se verraient empêchés de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées, ce qui est l’essence de l’article 10 de la CEDH. Toute restriction concernant l’utilisation des langues dans les médias doit donc être considérée comme une restriction inacceptable de la liberté d’expression.
17. La liberté d’expression des opinions et des idées poli- tiques est particulièrement importante avant des élections. Les partis politiques et les candidats doivent donc pou- voir avoir une présence égale et équitable dans les médias. Des normes concrètes ont été fixées par les Recommandations Rec(2007)15 et no R (1999) 15 du Comité des Ministres sur les mesures concernant la couverture des campagnes électorales par les médias.
18. Les tribunaux jouent un rôle crucial pour garantir la liberté d’expression. Même dans les pays ayant des lois excellentes, les tribunaux peuvent ne pas les appliquer dans leur totalité. Il est nécessaire que les procès soient justes et que l’administration de la justice ne soit pas politiquement motivée contre les médias et les journalistes.
19. La liberté d’expression dans les médias appelle aussi la protection de la liberté de travail des journalistes. La liberté de travail des journalistes a été indument limitée de plusieurs manières qui viennent s’ajouter aux restrictions apportées à la liberté d’expression proprement dite.
20. L’accréditation obligatoire des journalistes par l’Etat est un exemple typique de ce genre de limite. En choisissant les personnes habilitées à travailler comme journalistes et en limitant leur nombre, certains Etats ont abusé de cette obligation pour exclure les journalistes critiques. Alors que les sociétés démocratiques accordent à tous la liberté de choisir leur éducation professionnelle ou universitaire, les pays totalitaires contrôlent strictement la formation professionnelle des journalistes. Cette restriction est ensuite utilisée pour limiter l’accès à la profession.
21. Les pratiques restrictives des Etats envers les médias libres incluent aussi des refus de visas d’entrée ou de travail à des journalistes étrangers, lorsque de tels visas sont nécessaires. Bien qu’il n’existe pas de droit universel de liberté de circulation, l’article 10 de la CEDH garantit la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées «sans considération de frontière». On peut donc en conclure qu’il ne faut pas refuser de visas simplement parce qu’un Etat veut limiter la liberté d’expression des médias.
22. Le travail des journalistes se trouve aussi gêné si les journalistes ne peuvent pas recevoir d’informations de leurs sources à titre confidentiel. Le droit de non-divulgation des sources d’information des journalistes a été reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’article 10 de la CEDH et dans la Recommandation no R (2000) 7 du Comité des Ministres sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information.
23. Des entraves commerciales, notamment des droits d’exclusivité de reportage, peuvent aussi limiter la liberté d’information dans les médias. Les Etats doivent donc veiller à ce que les droits d’exclusivité de reportage ne limitent pas le droit de recevoir des informations d’intérêt public. La question est traitée dans la Recommandation no R (91) 5 du Comité des Ministres sur le droit aux extraits sur des événements majeurs faisant l’objet de droits d’exclusivité pour la radiodiffusion télévisée dans un contexte transfrontière. Pour beaucoup, ces événements majeurs sont souvent des manifestations sportives internationales, et les droits d’exclusivité de reportage sont fréquemment cédés pour des sommes considérables. Les restrictions en matière de reportage peuvent cependant procéder aussi de considérations politiques ou autres; tel est le cas, par exemple, des restrictions de l’accès des journalistes aux jeux Olympiques de Pékin en 2008, ou encore des restrictions imposées à la visualisation à l’écran de décisions arbitrales controversées lors du championnat de football EURO 2008.
24. Dans les pays dont la situation économique est difficile, on a noté des exemples d’abus de la faiblesse économique des journalistes pour limiter la liberté des médias. Lorsque les journalistes ont peur de se faire licencier et n’ont pas de contrat de travail assorti d’une protection sociale appropriée, leur travail risque d’être moins indépendant. Les Etats doivent donc veiller à ce que leur droit du travail accorde des conditions de travail adéquates aux journalistes.
25. Lorsque les journalistes ne sont pas soumis à des pressions politiques ou économiques, l’indépendance éditoriale des médias vis-à-vis de leurs propriétaires s’en trouve confortée. Dans de nombreux pays, les journalistes ont établi des règles internes d’indépendance éditoriale.
26. Les journalistes peuvent améliorer leurs conditions de travail par le biais de leur liberté d’association (article 11 de la CEDH). Ils peuvent ainsi être mieux à même de protéger leurs intérêts, par exemple grâce à des négociations collectives. Le respect de l’article 11 de la CEDH pour ce qui est des associations de journalistes a donc des répercussions sur l’exercice de la liberté des médias au titre de l’article 10 de la CEDH.
27. Comme les autres professionnels, les journalistes peu- vent faire des erreurs. Elles sont souvent corrigées par les médias eux-mêmes, sans recours à des tribunaux. Ces procédures sont connues sous le terme d’autorégulation des médias. Il s’agit par exemple du droit de réponse ou de correction par une personne qui a été injustement attaquée dans les médias, ou bien la publication d’une excuse par le journaliste. Ces mesures peuvent être imposées par les organes de plaintes contre les médias – commission des plaintes ou bureau du médiateur – ou elles peuvent être prises volontairement par les médias. La Résolution (1974) 26 du Comité des Ministres sur le droit de réponse et la Recommandation Rec(2004)16 sur le droit de réponse dans le nouvel environnement médiatique contiennent des directives sur la question. Ce type d’autorégulation des médias doit être reconnu par les tribunaux. Si ces derniers n’acceptent pas la validité d’une réponse, correction ou excuse publiée ou diffusée d’une autre manière, mais imposent des amendes aux journalistes, les médias n’adopteront pas ces mesures volontaires.
28. La Résolution 1535 (2007) et la Recommandation 1783 (2007) de l’Assemblée sur les menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes font état de violences physiques contre des journalistes et soulignent que les Etats sont tenus de protéger de façon adéquate les journalistes contre de telles attaques, ce qui peut impliquer une protection policière des journalistes et des procès et arrêts en cas d’attaques. Lorsque les journalistes travaillent dans la peur, la liberté d’expression est bafouée.
29. Les journalistes ne sont pas les seuls à être la cible de restrictions motivées politiquement, les organes d’information peuvent aussi l’être. La protection de la liberté de créer et d’exploiter des médias est donc un autre impératif de toute société démocratique.
30. La liberté des médias dans les sociétés démocratiques demande que les prescriptions de licence n’aillent pas au- delà de l’obtention d’un numéro d’identification fiscale et d’une inscription au registre du commerce. L’article 10 de la CEDH ne prévoit de régime de licence que pour les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision, ce qui se justifie historiquement par la limite des fréquences disponibles. Mais dans les Etats démocratiques, les médias imprimés et/ou basés sur l’internet n’ont pas besoin de licence. Les règles des licences et autres doivent être administrées de manière juste et impartiale par des autorités de régulation indépendantes. Ces dernières sont l’objet de la Recommandation Rec(2000)23 du Comité des Ministres sur l’indépendance et les fonctions des autorités de régulation du secteur de la radiodiffusion.
31. Tous les médias doivent disposer d’un même accès équitable à tous les canaux de distribution, qu’il s’agisse d’infrastructures techniques (fréquences radio, câbles de transmission, satellites, etc.) ou commerciales (distributeurs de journaux, services de livraison postale ou autres). Les Etats non démocratiques tentent de limiter l’infrastructure technique de diffusion des médias électroniques et des canaux de distribution des médias imprimés, comme l’ont dénoncé, par exemple, la Résolution 1372 (2004) et la Recommandation 1658 (2004) de l’Assemblée sur la persécution de la presse dans la République du Bélarus.
32. L’article 10 de la CEDH garantit la liberté d’expression sans considération de frontière. Le Conseil de l’Europe a donc élaboré la Convention européenne sur la télévision transfrontière. L’accès à l’internet est également protégé au titre de l’article 10 de la CEDH, comme le rappelle la Déclaration de 2003 du Comité des Ministres sur la liberté de la communication sur l’internet. Les Etats ne doivent pas limiter ces droits.
33. Les monopoles de médias ou les situations de position dominante sur le marché constituent une menace grave au pluralisme des médias et empêchent toute diversité d’information et d’opinion. Cela est particulièrement grave lorsque les Etats détiennent ou contrôlent des situations de position dominante sur le marché national des médias. Mais des personnes ou des entreprises privées peuvent aussi exercer des pressions politiques sur leurs médias. Il y a eu des exemples marquants où des personnes privées jouissant d’une position dominante sur le marché ont poursuivi des ambitions politiques et utilisé leur pouvoir pour exercer une influence politique. La Résolution 1387 (2004) de l’Assemblée sur la monopolisation des médias électroniques et la possibilité d’abus de pouvoir en Italie peut être citée comme étude de cas. De nombreux pays ont donc adopté une législation qui restreint les monopoles et concentrations de médias. Le Conseil de l’Europe a élaboré des lignes directrices dans ce domaine selon la Recommandation Rec(2007)2 du Comité des Ministres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias, la Déclaration du 31 janvier 2007 sur la protection du rôle des médias dans les démocraties dans le contexte de la concentration des médias et la Recommandation no R (99) 1 sur des mesures visant à promouvoir le pluralisme des médias.
34. Dans de nombreux Etats, les médias sont subvention- nés – soit directement, par le biais de fonds, soit indirectement par des réductions fiscales ou des subventions accordées pour le papier ou aux canaux de distribution. La liberté des médias dans une démocratie demande que les subventions de l’Etat soient réparties de manière équitable et impartiale entre les médias. Cela pourrait être une limitation indue de la liberté des médias si l’Etat donnait la préférence en matière de subventions à un organe d’information: ce dernier pourrait à l’évidence être soumis à certaines pressions politiques.
35. Le service public de radiodiffusion est largement subventionné par l’Etat. Ce dernier influe aussi souvent sur la nomination des directeurs des radiodiffuseurs de service public. Il est donc important qu’il existe des mesures garantissant l’indépendance du service public de radio- diffusion. Le Conseil de l’Europe a élaboré des lignes directrices dans ce domaine, notamment dans la Recommandation Rec(2007)3 du Comité des Ministres sur la mission des médias de service public dans la société de l’information, la Déclaration du 27 septembre 2006 sur la garantie de l’indépendance du service public de radio- diffusion dans les Etats membres, la Recommandation no (96) 10 sur la garantie de l’indépendance du service public de radiodiffusion et la Recommandation 1641 (2004) de l’Assemblée sur le service public de radiodiffusion.
36. Dans les Etats démocratiques, il ne faut pas traiter les sociétés d’Etat de radiodiffusion comme des sociétés de radiodiffusion gouvernementales. Il est important de préserver la notion de service public de radiodiffusion, c’est- à-dire de service offert au grand public et doté des fonctions de service spécifiques et d’une mission précise.
37. Les radiodiffuseurs de service public doivent être indépendants du gouvernement et des partis politiques pour ce qui est de la gestion et de l’exploitation de leur station. En termes concrets, cela veut dire qu’il ne faut pas nommer de candidats politiques aux postes de direction des radiodiffuseurs de service public.
38. Les radiodiffuseurs de service public devraient égale- ment veiller à ce que les reportages soient politiquement neutres en imposant des normes éthiques et professionnelles élevées à leur personnel: cela demande des règles internes, des codes de conduite régissant le travail des journalistes et une indépendance éditoriale.
39. Les Etats démocratiques devraient faire leur possible pour assurer la transparence des rapports entre l’Etat et les médias. Les gouvernements et les partis politiques peuvent avoir leurs propres stratégies de l’information afin de faire connaître leurs politiques, mais les médias ne sont pas les porte-parole des gouvernements.
40. En règle générale, les Etats, administrations publiques et entreprises d’Etat ne devraient pas exploiter des médias privés, ni y détenir une participation majoritaire car cela fausse inévitablement le marché des médias. Les médias contrôlés par l’Etat sont susceptibles d’agir comme des alliés politiques consentants du gouvernement.
41. De plus, les membres du gouvernement ne devraient pas exercer une carrière médiatique professionnelle, avoir une influence sur la gestion des médias ou détenir une participation majoritaire dans des organes d’information. C’est ce qui était à la base des préoccupations exprimées dans la Résolution 1387 (2004) de l’Assemblée sur la monopolisation des médias électroniques et la possibilité d’abus de pouvoir en Italie.
42. Lorsque l’Etat doit prendre des décisions concernant la radiodiffusion, telles que l’octroi de fréquences ou les règles de radiodiffusion, il devrait créer une autorité de régulation indépendante, conformément aux dispositions de la Recommandation Rec(2000)23 du Comité des Ministres sur l’indépendance et les fonctions des autorités de régulation du secteur de la radiodiffusion.
43. La liberté d’opinion et d’information sur les questions politiques importantes dépend de la transparence du gouvernement, du parlement et des tribunaux. Lorsque le gouvernement, le parlement et les tribunaux agissent en secret, le contrôle public et l’examen démocratique ne sont pas possibles. Il en va de même lorsque des médias politiquement sympathisants reçoivent un traitement préférentiel de ces organes de l’Etat. Les organes d’Etat doivent donc s’employer à établir des relations ouvertes, non discriminatoires et équitables avec les médias. Ces derniers devraient avoir accès aux documents officiels et à l’information détenue par les autorités publiques conformément aux dispositions de la Recommandation Rec(2002)2 du Comité des Ministres sur l’accès aux documents officiels et de la Recommandation no R (81) 19 sur l’accès à l’information détenue par les autorités publiques.
44. La transparence et l’ouverture sont souvent limitées par la législation relative à la protection de la vie privée et du secret d’Etat, notamment en matière de sécurité nationale. Ces lois peuvent peser sur les médias mais, en principe, elles servent l’intérêt supérieur de l’individu ou de l’Etat. Les normes dans ce domaine peuvent être tirées des Lignes directrices du Comité des Ministres du 26 septembre 2007 sur la protection de la liberté d’expression et d’information en temps de crise, de la Déclaration du 26 septembre 2007 sur la protection et la promotion du journalisme d’investigation, de la Déclaration du 2 mars 2005 sur la liberté d’expression et d’information dans les médias dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, de la Déclaration du 12 février 2004 sur la liberté du dis- cours politique dans les médias et de la Recommandation Rec(2002)2 sur l’accès aux documents officiels. L’Assemblée a fixé des normes dans la Recommandation 1706 (2005) sur les médias et le terrorisme, dans la Résolution 1438 et la Recommandation 1702 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflit, et dans la Résolution 1165 (1998) sur le droit au respect de la vie privée.
45. La transparence des tribunaux est particulièrement importante lorsqu’ils sont appelés à exercer un contrôle judiciaire sur les activités du gouvernement ou à instruire et à juger des affaires politiquement importantes. Il n’en reste pas moins que l’article 10 de la CEDH prévoit des restrictions destinées à préserver l’autorité et l’impartialité du judiciaire. Les Etats devraient donner aux médias accès aux procédures judiciaires, sous réserve des restrictions possibles nécessaires pour l’administration impartiale de la justice, conformément aux dispositions de la Recommandation (2003) 13 du Comité des Ministres sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales.
46. Dans de nombreux Etats, les sessions parlementaires sont ouvertes au public, y compris aux médias. Certains ont même créé des chaînes de télévision parlementaire, ce qui est un objectif de l’Assemblée depuis sa Résolution 584 (1975) relative à la retransmission des débats parlementaires. Dans une démocratie, le public doit être en mesure de suivre les travaux parlementaires pour se forger une opinion sur les politiciens et leurs politiques.
47. La même ouverture est requise pour les gouvernements qui, en général, ont des services de relations publiques spécialisés dans le traitement des médias. A ce propos, il faut que ces services donnent un accès égal et équitable aux informations officielles à tous les médias.
48. Toute analyse de la manière dont fonctionne l’environnement médiatique dans une société démocratique demande aussi une analyse de la performance des médias. Cette dernière repose sur l’éthique des médias.
49. L’Assemblée s’est penchée sur l’éthique du journalisme dans sa Résolution 1003 (1993). La Fédération internationale des journalistes et probablement toutes les associations nationales de journalistes ont élaboré des codes de conduite des journalistes.
50. Ces codes établissent des principes généraux, tels que la séparation des nouvelles des commentaires et de la publicité. Le lecteur ou le spectateur ne doit pas être induit en erreur quant à la nature du contenu de l’information. Les nouvelles sont fondées sur les faits alors que les commentaires et la publicité ne sont pas objectifs. Un mélange de contenu objectif et subjectif peut semer la confusion dans l’esprit du lecteur ou du spectateur et obérer la crédibilité des opinions.
51. La crédibilité des médias est donc tributaire de la stricte observation des normes éthiques et professionnelles des journalistes. Cela peut nécessiter une éducation et une formation appropriée des journalistes ainsi qu’une formation et un contrôle internes continus (voir la Recommandation 1789 (2007) de l’Assemblée relative à l’éducation et la formation professionnelle des journalistes). A ce propos, les médias et les journalistes devraient définir leurs propres normes professionnelles.
52. Les professionnels des médias devraient aussi faire état de leurs intérêts politiques et financiers. Ce serait égarer le lecteur ou le spectateur s’il ne savait pas que tel commentateur politique se présente aux élections à un poste politique ou a des responsabilités dans un parti poli- tique. Cela ne veut pas dire qu’un journaliste ne doit pas être membre d’un parti ou avoir des affiliations politiques: pour que le journalisme soit ouvert et équitable, il importe toutefois que le lecteur et le spectateur soient au courant de ses liens politiques. Il en va de même pour les intérêts financiers ou commerciaux mais cela peut être moins important dans un contexte politique. La collaboration directe avec des organes de l’Etat devrait être clairement annoncée aux lecteurs et spectateurs, comme dans le cas des journalistes intégrés dans les forces armées ou celui des correspondants de guerre.
53. Les lecteurs et spectateurs devraient aussi savoir qui sont les propriétaires des médias, mais aussi les principaux acteurs économiques qui exercent une influence sur des médias – agences de publicité par exemple. La transparence des médias et la connaissance de l’influence de ces acteurs sur les médias permettent d’en identifier les tendances politiques ou commerciales possibles. Le Conseil de l’Europe, dans la Recommandation no R (94) 13 du Comité des Ministres sur des mesures visant à pro- mouvoir la transparence des médias, demande la transparence des informations sur l’identité des propriétaires des médias et recommande également, dans la Recommandation 1466 (2000) de l’Assemblée sur l’éducation aux médias, d’accroître les efforts faits en matière d’éducation aux médias, le tout dans le but de développer l’es- prit critique du public et des lecteurs, qui seront ainsi moins manipulables.

3. Conclusion

54. Etant donné ce qui précède, il faudrait recommander aux parlements et gouvernements des pays membres d’évaluer périodiquement la situation de leurs médias. Cela est particulièrement important au moment de la planification d’élections ou de nouveaux textes législatifs sur les médias ou lorsque des critiques de la législation et de la pratique en vigueur se font jour. Mais ces évaluations devraient aussi être menées régulièrement. A cette fin, chaque Etat devrait élaborer des procédures coordonnées et ouvertes semblables à celles utilisées pour d’autres évaluations internationales, comme le Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves dans le domaine de l’éducation (PISA).
55. Cette évaluation devrait permettre de faire le point sur la situation des médias dans le pays sur la base des questions indicatives suivantes:
a. Le droit à la liberté d’expression et d’information dans les médias est-il garanti par le droit national? Les tribunaux peuvent-ils faire respecter ce droit? Y a-t-il de nombreuses affaires de ce genre devant les tribunaux?
b. Les hauts représentants d’Etat sont-ils mieux protégés contre la critique et les insultes que les personnes ordinaires, par exemple dans le cadre d’un droit pénal pré- voyant des peines plus lourdes? De telles peines ont-elles été ordonnées? Des journalistes ont-ils été emprisonnés et des médias fermés dans ce contexte?
c. Les lois pénales contre l’incitation à la haine ou pour la protection de l’ordre public et de la sécurité nationale ont-elles été invoquées contre des journalistes? De telles peines ont-elles été ordonnées et ont-elles respecté les conditions de nécessité et de proportionnalité? Peut-on déduire de la fréquence et de la sévérité des peines imposées que ces lois font l’objet d’une application politique- ment motivée?
d. Les médias sont-ils libres de diffuser l’information dans la langue de leur choix ou existe-t-il des restrictions dans ce domaine?
e. Les partis politiques et les candidats à des élections ont-ils un même accès équitable aux médias? L’accès aux médias leur est-il facilité pendant les campagnes électorales?
f. Les médias sont-ils souvent cités devant les tribunaux? Existe-t-il des indications factuelles de procédures pénales politiquement motivées contre des journalistes et des organes d’information?
g. L’admission aux écoles de journalisme est-elle assortie de restrictions imposées par le gouvernement? Les journalistes doivent-ils être accrédités par le gouverne- ment pour pouvoir travailler?
h. Des journalistes étrangers se sont-ils vu refuser des visas d’entrée ou de travail, là où de tels visas sont nécessaires?
i. Le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information est-il respecté?
j. Les droits d’exclusivité de reportage des événements majeurs d’intérêt public limitent-ils la liberté de l’information en excluant d’autres médias?
k. La situation économique des journalistes est-elle généralement satisfaisante? Les journalistes travaillent-ils dans le cadre de contrats de travail satisfaisants leur accordant une protection sociale suffisante?
l. Les organes d’information ont-ils élaboré des règles garantissant leur indépendance éditoriale vis-à-vis de leurs propriétaires? Ces règles sont-elles respectées?
m. Les journalistes sont-ils assujettis à des restrictions concernant la création d’associations et de syndicats à des fins de négociations collectives?
n. Des journalistes ont-ils été menacés ou attaqués physiquement du fait de leur travail? Ont-ils reçu une protection policière lorsqu’ils la demandaient à la suite de menaces? Les cas de journalistes ayant été menacés ou attaqués ont-ils été traités rapidement et de manière appropriée par les tribunaux et les procureurs?
o. Les autorités de régulation du secteur de la radiodiffusion fonctionnent-elles de manière impartiale et efficace, par exemple à l’occasion d’octroi de licences? Est-ce que les médias imprimés ou internet doivent obtenir de l’Etat une licence allant au-delà d’un simple numéro d’identification fiscale et une inscription au registre du commerce?
p. Tous les médias ont-ils un même accès aux canaux de distribution, qu’il s’agisse d’infrastructures techniques (fréquences radio, câbles de transmission, satellites, etc.) ou commerciales (distributeurs de journaux, services de livraison postale ou autres)?
q. L’Etat limite-t-il l’accès aux médias imprimés ou électroniques étrangers (internet compris)?
r. La propriété des médias est-elle transparente et l’influence qu’exercent les acteurs économiques sur les médias est-elle connue? La législation contre les monopoles est-elle appliquée? Les situations de position dominante sur le marché sont-elles limitées? Quelles mesures contribuent à promouvoir le pluralisme dans les médias?
s. Est-ce que les médias reçoivent, directement ou indirectement, des subventions et, dans l’affirmative, ces dernières sont-elles réparties de manière équitable et impartiale entre les médias? Les médias privés sont-ils administrés par des entreprises d’Etat ou contrôlées par l’Etat?
t. Les radiodiffuseurs de service public sont-ils protégés des ingérences politiques dans leur administration et leur travail éditorial? Les personnes ayant des affiliations poli- tiques claires se voient-elles refuser des postes de direction? Les radiodiffuseurs de service public ont-ils élaboré des codes internes de conduite des journalistes et d’indépendance éditoriale vis-à-vis des influences politiques?
u. Des membres du gouvernement ont-ils aussi des activités professionnelles dans les médias?
v. Le gouvernement, le parlement et les tribunaux sont- ils ouverts aux médias de manière égale et équitable?
w. La législation relative à la protection de la vie privée et du secret d’Etat limite-t-elle indument l’accès à l’information?
x. Existe-t-il un système d’autorégulation des médias, comprenant un droit de réponse et de correction ou d’excuses volontaires des journalistes? Les médias ont-ils créé leurs propres organes d’autorégulation – commission des plaintes ou médiateurs? Les décisions de ces organes sont- elles mises en application? Ces décisions sont-elles reconnues par les tribunaux?
y. Les journalistes ont-ils élaboré leurs propres codes d’éthique et, dans l’affirmative, sont-ils appliqués? Doivent-ils déclarer leurs intérêts politiques ou financiers ou toute collaboration avec les organes de l’Etat comme les journalistes intégrés dans les forces armées?
z. Existe-t-il des mécanismes ou des organes nationaux pour analyser périodiquement l’environnement médiatique national sur la base des questions indicatives ci-dessus, par exemple au niveau du parlement ou du gouvernement?

Commission chargée du rapport: commission de la culture, de la science et de l’éducation.

Renvois en commission: Doc. 10935 et Renvoi no 3249 du 30 juin 2006; et Doc. 11071 et Renvoi no 3292 du 22 janvier 2007.

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 25 juin 2008.

Membres de la commission: Mme Anne Brasseur (Président), Baroness Hooper, M. Detlef Dzembritzki, M. Mehmet Tekelioğlu (Vice-Présidents), M. Remigijus Ačas, M. Vicenç Alay Ferrer, M. Kornél Almássy, Mme Aneliya Atanasova, M. Lokman Ayva, M. Rony Bargetze, M. Walter Bartoš, M. Radu Mircea Berceanu, M. Levan Berdzenishvili, Mme Oksana Bilozir (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), Mme Guðfinna Bjarnadóttir, M. Jaime Blanco García, Mme Ana Blatnik, Mme Maria Luisa Boccia, Mme Margherita Boniver, M. Ivan Brajović, M. Vlad Cubreacov, Mme Lena Dabrowska- Cichocka, M. Ivica Dačić, M. Joseph Debono Grech, M. Ferdinand Devínsky, M. Daniel Ducarme, Mme Åse Gunhild Woie Duesund, Mme Anke Eymer, M. Relu Fenechiu, Mme Blanca Fernández-Capel Baños, Mme Maria Emelina Fernández Soriano, M. Axel Fischer, M. Gvozden Srećko Flego, M. José Freire Antunes (remplaçant: M. Jos’ Luis Arnaut), Mme Ruth Genner, M. Ioannis Giannellis-Theodosiadis, M. Stefan Glǎvan, M. Raffi Hovannisian, M. Rafael Huseynov, M. Fazail İbrahimli, M. Mogens Jensen, M. Morgan Johansson, Mme Liana Kanelli (remplaçante: Mme Rodoula Zissi), M. Jan Kaźmierczak, Mme Cecilia Keaveney, M. Ali Rashid Khalil, Mme Svetlana Khorkina (remplaçant: M. Oleg Lebedev), M. Serhii Kivalov, M. Anatoliy Korobeynikov, Mme Elvira Kovács, M. JózsefKozma, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Ertuğrul Kumcuoğlu, M. Markku Laukkanen, M. Jacques Legendre (remplaçant: M. Philippe Nachbar), M. van der Linden, Mme Milica Marković, Mme Muriel Marland-Militello, M. Andrew McIntosh, Mme Maria Manuela de Melo, Mme Assunta Meloni, M. Paskal Milo, Mme Christine Muttonen, Mme Miroslava Nĕmcová, M. Edward O’Hara, M. Kent Olsson, M. Andrey Pantev, Mme Antigoni Papadopoulos, M. Azis Pollozhani, Mme Majda Potrata, Mme Anta Rugāte, Lord Russell-Johnston, M. Indrek Saar, M. André Schneider, Mme Albertina Soliani, M. Yury Solonin (remplaçant: M. Oleg Panteleev), M. Christophe Steiner, Mme Doris Stump, M. Valeriy Sudarenkov, M. Petro Symonenko, M. Hugo Vandenberghe, M. Klaas de Vries, M. Piotr Wach, M. Wolfgang Wodarg,

N. N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.

Voir 36e séance, 3 octobre 2008 (adoption du projet de résolution amendé et du projet de recommandation); et Résolution 1636 et Recommandation 1848.