1. Introduction
1. Les gouvernements de l’Europe et du reste du monde
s’efforcent actuellement de remédier aux conséquences de l’une des
pires crises économiques et financières que le monde ait connu depuis
des décennies, crise dont l’impact se fait sentir sur la croissance,
le commerce, l’investissement et l’emploi et dont les conséquences
sociales et humaines sont imprévisibles. Entre autres choses, la
crise a replacé sur le devant de la scène et avec un sentiment d’urgence
accrue le rôle et la pertinence des institutions économiques et
financières mondiales et de leur gouvernance, éléments déjà suivis
de près avant la crise, en particulier pour déterminer jusqu’où
la vocation de ces institutions leur permet effectivement de contribuer
à surmonter la crise et quel rôle elles devraient jouer pour prévenir
de telles tempêtes à l’avenir. Du fait de la crise, les efforts
se sont donc intensifiés pour reconstruire l’architecture financière
internationale, actuellement sous la direction du Groupe des 20
plus grands pays industrialisés et émergents, dont les responsables
politiques se sont réunis à Washington le 15 novembre 2008 et à
Londres le 2 avril 2009, et se réuniront encore une fois avant la
fin de cette année pour faire le bilan des progrès. Le fait que
le G20, organe plus représentatif de l’économie mondiale que le
G7 ou le G8, prenne la tête de ces efforts est en soit un changement
majeur dans l’architecture financière internationale et garantit
que ses délibérations auront un certain poids. En effet, il compte
parmi ses membres les grandes économies émergentes et représente
quelque 90% du PIB mondial, 80% du commerce planétaire et deux-tiers
de la population mondiale
.
2. Ces efforts internationaux ont été comparés à un «Bretton
Woods II», par référence à la première Conférence monétaire et financière
du même nom organisée par les Nations Unies, qui avait réuni 44 gouvernements
à Bretton Woods, New Hampshire (Etats-Unis), en juin 1944, pour
arrêter ensemble une stratégie et s’entendre sur des institutions
en vue de promouvoir la croissance économique de l’après-guerre, la
reconstruction et la stabilité monétaire internationale, sur la
base d’un système de taux de change fixe. Aujourd’hui, plus de 60
ans après leur création à cette conférence, la Banque internationale
pour la reconstruction et le développement (BIRD), qui fait désormais
partie du Groupe Banque mondiale, et le Fonds monétaire international
(FMI) ont toujours le même mandat de promotion du développement
international et de sauvegarde de la stabilité financière. Bien
que ces objectifs se soient révélés toujours aussi pertinents, et de
fait urgents, dans la crise actuelle, le monde dans lequel ces institutions
opèrent a changé radicalement. Il n’est pas surprenant dès lors
que leur rôle, qui a alimenté par le passé la controverse, fasse
l’objet d’un tel débat aujourd’hui. Leurs objectifs, leur gouvernance
et leurs principes d’action sont passés au crible.
3. Comment ces institutions économiques mondiales et d’autres
(telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Organisation
internationale du travail (OIT), l’Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE) et la Banque des règlements
internationaux (BRI)) s’efforcent-elles d’évoluer pour relever les
défis que posent la crise économique et financière et les transformations
rapides de l’économie mondiale? Quelle place leurs politiques devraient-elles
accorder aux droits de l’homme et à la conditionnalité? Les institutions
de Bretton Woods font depuis quelques années l’objet d’une couverture médiatique
considérable; elles ont nommé de nouveaux dirigeants et ont engagé
des réformes structurelles d’une grande portée. Le moment semble
bien choisi pour présenter une évaluation parlementaire du cadre évolutif
de la gouvernance économique et financière mondiale et de ses perspectives
futures.
4. C’est ce que se propose de faire le présent rapport, en commençant
par un bref inventaire des facteurs qui ont inspiré le projet et
les objectifs initiaux de ces institutions (en particulier le FMI
et la Banque mondiale) et les ont fait évoluer par la suite. Il
examinera les principaux problèmes et les principales critiques
auxquels elles ont été en butte et la manière dont elles y ont fait
face. Il s’attachera à l’activité de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC), organisme qui, bien que sa création ait été envisagée
au moment de la conférence de Bretton Woods et partiellement réalisée
sous la forme de l’Accord général sur les tarifs et le commerce (General agreement on Tariffs and Trade – GATT),
n’a vu officiellement le jour qu’en 1995, mais dont la crédibilité
et la mission en tant que régulateur du système de commerce multilatéral
sont aujourd’hui considérées comme ayant atteint un carrefour où
un choix décisif de perspectives s’impose.
5. Le travail du rapporteur repose en partie sur une mission
d’information qu’il a effectuée à Washington (1er-3
juillet 2008), au cours de laquelle il a rencontré, avec la sous-commission
des relations économiques internationales, les représentants des
institutions de Bretton Woods, de la Brookings Institution, du Cato Institute
et du Département des Affaires étrangères des Etats-Unis. Le rapporteur
a également tiré profit des débats de la Conférence parlementaire
sur l’OMC (11-12 septembre 2008)
,
du Forum public de l’OMC "
Trading into
the future" (24 et 25 septembre 2008) auxquels il a participé
et d’auditions organisées par la commission des questions économiques
et du développement de l’Assemblée parlementaire.
2. L’esprit
de Bretton Woods
6. Il a beau être l’un des lieux les plus célèbres de
l’histoire économique, le village de Bretton Woods, dans le New
Hampshire (Etats-Unis), consiste en tout et pour tout en une gare
et un hôtel, lesquels, en juillet 1944, n’étaient plus utilisés
depuis deux ans. Mais les délégués représentant 44 pays qui y sont
arrivés en trains spéciaux qualifiés de «Tours de Babel sur roues»
ont été ravis de cette solitude, qui a manifestement été pour eux
une source d’inspiration. Pendant les trois semaines qu’a duré la
Conférence monétaire et financière des Nations Unies, l’architecture
d’un nouvel ordre financier international a été mise en place. Les
conflits portant sur les questions de représentation et l’intérêt
national auxquels on assiste aujourd’hui faisaient aussi rage à l’époque.
Il existait toutefois des objectifs communs et prioritaires; pour
les atteindre, les institutions créées à Bretton Woods étaient,
de propos tout à fait délibéré, d’une envergure et d’une ampleur
inédite.
Reconstruction et développement
7. La Banque internationale pour la reconstruction et
le développement (BIRD) – désormais partie du Groupe Banque mondiale
– avait pour but de
stimuler la reprise et de soutenir de croissance, comme le précise
l’article 1 de son statut, dans les territoires de ses membres en
facilitant l’investissement de capitaux à des fins productives»
. La Banque devait promouvoir la
croissance équilibrée sur le long terme du commerce et de l’investissement
internationaux en contribuant par là même à augmenter la productivité,
relever le niveau de vie et les conditions de la main-d’oeuvre dans
les territoires de ses membres. Dans la pratique, on attendait d’elle
qu’elle consente des prêts essentiellement à des gouvernements au
titre de projets importants ayant des incidences à long terme. Les
priorités étaient des projets d’infrastructure dans des secteurs
tels que les transports, l’assainissement et l’électricité, et des
programmes sociaux, en particulier dans les domaines de la santé
et de l’éducation. La Banque mettant ses ressources financières
à la disposition de ses membres donateurs, sa structure de gestion
ressemblerait à celle d’un club: elle serait dirigée par un conseil
des représentants, le pouvoir de chaque pays lors des votes étant
fonction du montant de sa contribution.
Stabilité financière
8. Durant les années 30, les économies mondiales avaient
connu toute une série de problèmes interconnectés, notamment une
pénurie d’or, des instabilités dans les taux de change, la circulation
rapide de capitaux fébriles et l’incapacité à traiter des problèmes
de balance des paiements. Ceci avait contribué à entraîner les places
mondiales dans une spirale de batailles monétaires et de politiques
visant à dépouiller le voisin, qui avaient fait le lit de la Grande
Dépression et de la montée du fascisme. Le Fonds monétaire international
(FMI) a donc été créé à Bretton Woods en tant qu’organisme de contrôle
chargé de promouvoir la coopération financière et d’encourager les
échanges en harmonisant les politiques monétaires et en maintenant
la stabilité des devises.
9. Les membres du FMI devaient s’affilier à un régime de taux
de change, leurs monnaies ayant une parité fixe avec le dollar des
Etats-Unis et donc, à cette époque, avec le cours de l’or. Une certaine
marge d’ajustement monétaire était prévue, mais un pays ne pourrait
s’en prévaloir qu’avec l’autorisation du FMI. Celui-ci aurait le
pouvoir d’accorder des prêts à court terme aux gouvernements membres
ayant des problèmes de balance des paiements, leur offrant ainsi,
comme l’indiquent ses Statuts, la «possibilité de corriger les déséquilibres...
sans recourir à des mesures préjudiciables à la prospérité nationale
ou internationale». En échange, les membres accepteraient de mettre
en place des réformes destinées à prévenir un retour des mêmes difficultés
et les décaissements au titre des prêts ne seraient versés jusqu’au
bout que si le pays bénéficiaire respectait ses engagements.
10. Comme la Banque mondiale, le FMI devait être organisé comme
un club. Chaque membre verserait une «souscription égale à sa quote-part»,
qui déterminerait le montant qu’il pourrait emprunter en cas de
nécessité. En outre, le niveau de la quote-part déterminerait les
droits de vote de chaque membre, ce qui donnait un pouvoir de contrôle
aux plus gros contributeurs. La Banque et le FMI devaient être des
institutions distinctes, mais elles étaient liées par la règle selon
laquelle tout membre de la Banque devait également être membre du
FMI.
Ambitions, tensions et limitations
11. D’un côté, l’objectif de Bretton Woods était de bâtir
un système basé sur des règles afin de garantir pour la coopération
internationale un cadre qui fonctionne bien. On s’est réellement
efforcé de mettre en place ce que Lord Keynes a, dans son discours
d’adieu aux délégués, décrit comme «une mesure commune, une norme,
une règle commune applicable à tous et agaçante pour personne».
Cependant, étant donné le caractère ambitieux et inédit des pouvoirs
proposés, l’impact de Bretton Woods sur la souveraineté nationale a
été dès le départ loin de faire l’unanimité.
12. Pour commencer, le système était dominé par les grandes puissances
de l’époque, en particulier les Etats-Unis, qui se présentaient
alors comme la principale force économique. En fait, d’aucuns ont
toujours considéré Bretton Woods comme un moyen de confirmer la
prédominance de ce pays qui avait été imposée pendant la guerre.
Mais il convient de noter que, si la délégation des Etats-Unis était
naturellement en position de force, elle était également inhibée
par la peur d’être désavouée par le Congrès des Etats-Unis. Certains Américains
craignaient que le FMI ne fasse faillite, ce qui ferait perdre au
pays son investissement. Cette délégation a donc été amenée à exiger
la suprématie du Conseil du FMI et l’institution du lien entre le
droit de vote et l’importance de la quote-part, bien que les pays
moins importants aient demandé que chaque membre dispose d’emblée
de 100 voix.
13. En fait, toutes les délégations ont essayé d’obtenir un avantage.
Les Britanniques, par exemple, ont exercé de fortes pressions pour
obtenir que les nouvelles institutions aient leur siège à Londres
et ont été parmi ceux qui ont demandé à avoir accès de plein droit
aux fonds du FMI, tandis que les Français menaçaient de se retirer
de l’accord du FMI si leur quote-part n’était pas augmentée, car
ils redoutaient que l’accord récemment signé sur le Benelux ne les
prive de la cinquième plus grosse part et d’un siège au Comité exécutif. Si
surprenant que cela puisse paraître, chaque problème a trouvé sa
solution; c’est sans doute l’urgence internationale qui a permis
d’obtenir si rapidement ce résultat. Mais les problèmes soulevés
montrent très clairement pourquoi il a, depuis, été aussi difficile
pour la Banque et le FMI de réformer leurs propres structures.
14. En dépit de tout ce qui avait été décidé de concert, un élément
du projet de Bretton Woods a été laissé de côté. L’Organisation
internationale du commerce devait se faire le chantre du libre-échange,
surveiller un système fondé sur des règles et régler les différends
de façon à empêcher les Etats d’avoir recours au protectionnisme.
Mais comme il s’agissait d’une question délicate et qu’aucun déléguécommercial
n’avait fait le voyage de Bretton Woods, on a remis son examen à
plus tard. Par la suite, des négociations se sont ouvertes à Genève
en présence des représentants de 23 pays, et ont débouché sur l’Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et sur l’élaboration
d’un «Protocole portant application provisoire», signé en octobre
1947.
15. Le projet de Charte de l’OIC était ambitieux. Il allait au-delà
des disciplines en matière de commerce mondial pour couvrir les
règles relatives à l’emploi, les accords liant les matières premières,
les pratiques restrictives dans les affaires, l’investissement international
et les services. Mais le Congrès des Etats-Unis l’ayant rejeté à
maintes reprises, il a été abandonné à la fin de 1948. Il n’empêche
que, dans le climat commercial instauré par les Accords de Bretton
Woods, il était bien évident qu’il fallait un «arbitre en dernier ressort»
dans les litiges commerciaux et un avocat de la déréglementation.
De plus en plus, les pays se sont ainsi tournés vers l’unique instance
commerciale internationale, le GATT, pour régler ces problèmes.
2.1. Bretton Woods en
pratique
16. Des changements spectaculaires se sont produits dans
les premières années de l’après-guerre. La liquidation des empires
coloniaux et le début de la guerre froide ont incontestablement
conféré aux Etats-Unis une position dominante, tandis que les économies
occidentales qui avaient le plus souffert de la guerre se redressaient
plus rapidement que prévu, en particulier grâce au lancement du
Plan Marshall, initialement géré par l’intermédiaire de l’Organisation
de coopération économique européenne (devenue en 1961 l’Organisation de
coopération et de développement économiques ou OCDE, une organisation
de portée mondiale, dont la composition actuelle regroupe majoritairement
les économies industrielles avancées). Les institutions de Bretton
Woods ont donc été amenées à recentrer leurs activités.
17. Comme il avait été prévu, les premiers clients de la Banque
mondiale étaient européens, mais, en 1948, la Banque avait élaboré
un plan de financement d’un projet hydroélectrique au Chili. En
1950, un financement a été proposé à l’Ethiopie et à l’Uruguay et,
l’année suivante, au Nicaragua et à la République démocratique du
Congo. La reconstruction restait à l’ordre du jour de la Banque
pour faire face aux guerres et aux catastrophes naturelles, mais
sa mission allait englober les prêts au secteur social, le développement, l’allégement
de la dette et la gouvernance. Au fil du temps, on en est venu à
voir explicitement dans la réduction de la pauvreté un «objectif
général» de la Banque, qui s’est donné pour mot d’ordre de travailler
à libérer le monde de la pauvreté.
18. A ces nouvelles fins, la Banque a créé ou contribué à créer
un certain nombre d’organes spécialisés internes ou affiliés: la
Société financière internationale (SFI) a été créée en 1956 pour
promouvoir l’investissement privé durable et, en 1960, l’Association
internationale de développement (IDA) a commencé à consentir des
prêts à taux préférentiel et des dons aux pays les plus pauvres.
A cette époque, les pays en développement avaient généralement du
mal à se procurer des fonds et, de ce fait, leur niveau d’endettement était
faible alors que le monde occidental disposait de beaucoup de capitaux
inutilisés. Les nouveaux membres ont donc rapidement afflué: en
1954, la Birmanie est devenue le 57e membre de la Banque, tandis
qu’en 1964, le Kenya devenait son 102e membre et, en 1974, le Samoa
occidental son 124e membre; le nombre des membres de l’IDA et de
la SFI a lui aussi augmenté rapidement
.
19. Parallèlement, le système des taux de change de Bretton Woods
ne cessait de se désintégrer. Après la guerre, le dollar était devenu
la monnaie de réserve internationale. Cependant, après avoir connu
une situation d’excédent commercial, les Etats-Unis ont commencé
à enregistrer des déficits et, bien que les autres pays aient d’abord
voulu des dollars pour honorer leurs obligations commerciales, il
était devenu clair que si les Etats-Unis tentaient de combler leur
déficit, cela entraînerait une crise de liquidités. Mais s’ils laissaient
le déficit se creuser, les autres pays perdraient confiance dans
le dollar et convertiraient leurs réserves en or (ce que l’étalon
or autorisait). Le déficit des Etats-Unis s’est maintenu, en partie
à cause de la guerre du Vietnam, et la confiance dans le dollar
a diminué. En 1971, voyant que le dollar était de plus en plus souvent
converti en or, les Etats-Unis ont abandonné l’étalon or.
20. Cela a nui à la clarté de l’objectif du FMI, les autres Etats
se trouvant plus ou moins obligés de laisser flotter leurs monnaies.
De plus, la croissance des échanges réduisait le rôle du Fonds en
tant que source de crédit à court terme: au milieu des années 70,
la Grande-Bretagne a été le dernier pays développé à l’utiliser. Le
FMI a alors recentré son activité sur les problèmes d’endettement
du monde en développement, sans toutefois assouplir les obligations
fixées en matière de réformes dans les pays.
21. A la fin des années 70, l’emprunt avait progressé si rapidement
dans le monde entier que les turbulences économiques ont déclenché
une série de crises d’endettement. Cet endettement concernait pour
une large part le secteur privé, mais la Banque mondiale s’est vue
critiquer de toutes parts pour avoir poussé à cet état de choses.
D’après ces critiques, non seulement la Banque avait consenti un
volume de crédits trop important, mais une bonne partie de son assistance
avait été «liée» à des services fournis par l’Occident, services
qui pouvaient ne pas être appropriés et étaient souvent considérés
comme préjudiciables pour l’économie des pays débiteurs. Les questions
sociales et environnementales étant de plus en plus largement débattues,
une société civile de plus en plus prompte à s’exprimer a soutenu
que la Banque n’avait pas respecté ses propres règles dans plusieurs
projets importants.
22. Un pays après l’autre, le FMI s’est alors engagé dans la gestion
de la crise-dette. Comme la Banque, le FMI s’est taillé la réputation
de chantre de la liberté des marchés – en réclamant la maîtrise
de l’inflation, en insistant sur une rapide libéralisation, en prônant
la réforme des marchés agricoles et de l’emploi, tout en exigeant
une baisse des dépenses publiques. Cette démarche, que l’on a appelé
le «Consensus de Washington», a été couronnée par la fameuse expression
«ajustement structurel», perçue par beaucoup comme un euphémisme
pour un contrôle imposé de l’extérieur. Le monde développé a été
accusé d’exiger l’application à l’extérieur de politiques qu’il
n’appliquerait pas chez lui.
23. Les pays en développement, en particulier en Afrique, ne pouvaient
pas toujours atteindre de tels objectifs ni rembourser les crédits
à court terme qu’on leur proposait; il fallait donc négocier des
conditions plus favorables. En somme, on avait l’impression que
la recette de Bretton Woods n’était plus applicable, que les rôles
des deux institutions étaient brouillés et que leur crédibilité
était compromise.
24. Dans les années 90, la Banque a publié le rapport Wapenhans
et engagé une série de réformes, y compris la création d’un groupe
chargé d’enquêter sur les réclamations déposées contre elle. Les
critiques n’ont pas cessé, mais on a assisté à un important recentrage
des politiques sur les besoins réels des bénéficiaires. La «stratégie
en faveur des pays pauvres très endettés», lancée par la Banque
et le FMI, a engagé un processus d’allégement de la dette gérée,
tandis que les «documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté»
visaient à aider les pays à concevoir leurs propres solutions. En
1999, les deux institutions ont commencé à faire dépendre l’ensemble
des prêts concessionnels et de l’allégement de la dette de la formulation
de stratégies par les pays eux-mêmes. De plus en plus, la Banque
s’est faite le champion des programmes sociaux, tels que les campagnes
d’alphabétisation et de vaccination, et a lancé l’«Education pour tous».
25. Cette démarche a abouti au démarrage du projet du Millénaire,
à l’occasion duquel la Banque et le FMI ont fait cause commune avec
l’ONU pour diriger l’exécution du programme de lutte contre la pauvreté
le plus ambitieux de tous les temps, qui fixait 15 objectifs spécifiques
– les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) – qu’il
s’agissait d’avoir atteint en 2015. Pour y parvenir, les deux institutions
ont mis à disposition leurs ressources, leurs compétences et leur
expertise en matière de suivi et de communication d’informations.
À cette époque, le Président de la Banque avait résumé en quelques
mots ce qui semblait être une transformation particulièrement réussie:
“Depuis le recentrage des activités de la Banque
après qu’elle a atteint les objectifs initiaux de Bretton Woods,
elle se concentre sur le développement, la pauvreté et le développement.’
2.2. Légitimes et utiles?
Les institutions de Bretton Woods aujourd’hui
26. Nous en sommes aujourd’hui plus qu’à mi-chemin, et
force est de constater que les progrès dans la réalisation du projet
du Millénaire sont inégaux. La plupart des objectifs fixés ne seront
probablement pas atteints et tous les pays n’ont pas honoré les
engagements pris à Monterrey en matière d’aide
,
mais on doit à l’équité de dire que des progrès ont été réalisés
et que le projet lui-même a contribué à concentrer les activités
et les ressources. De plus, une phase d’expansion du commerce mondial
et un programme concerté d’allégement de la dette qui ont précédé
la crise actuelle sont allés dans le sens de la réduction de la
pauvreté structurelle dans bien des régions, même si l’augmentation
en 2008 des prix de l’énergie et des denrées alimentaires a eu l’effet
inverse sur certains pays et si la récession actuelle sera particulièrement
dure pour le monde en développement. De fait, son impact probable
sur la croissance, les échanges et l’aide sera tel que le calendrier
de mise en œuvre des OMD souffrira vraisemblablement de graves retards.
Cela mettra les institutions de
Bretton
Woods encore plus sous pression pour accroître leur soutien au projet
du Millénaire, faute de quoi elles seront encore plus en butte aux
critiques.
Un ensemble de mesures d’austérité
pour le FMI
27. Avec la crise actuelle, le FMI a redécouvert son
rôle de pompier financier. Mais, avant cela, bon nombre d’économies
émergentes avaient bénéficié d’une forte croissance de leurs échanges
et de prix des matières premières élevés et, grâce à cela, pouvaient
disposer de confortables réserves en devises. Les principaux clients
du FMI (tels que le Brésil et l’Argentine) ont remboursé par anticipation
leurs dettes à l’Organisation. Dans un monde de marchés des capitaux
globalisés afin de couvrir les besoins financiers d’un nombre croissant
de pays, la capacité de prêt du FMI a été moins sollicitée. Étant
donné que son budget de fonctionnement est traditionnellement financé
par les intérêts de ses prêts, le FMI a donc été confronté à sa propre
crise budgétaire. Fin août 2008, le FMI avait une capacité de prêt
de 250 milliards €, mais qui ne pouvait pas être entièrement mobilisée.
Ses ressources étaient mises à rude épreuve du fait des demandes
actuelles et à venir dues à la crise financière et économique. L’une
des principales préoccupations à laquelle le FMI devait faire face
était de renforcer sa capacité de financement et d’apporter rapidement
les fonds demandés pour la gestion de crise et la prévention. À
cette fin, une nouvelle facilité de liquidités à court terme a été
établie en octobre 2008 pour aider les pays dont les fondamentaux
économiques sont forts et les politiques nationales saines à faire
face à des pénuries de liquidités à court terme. Cette ligne de
crédit a été remplacée, en mars 2009, par la ligne de crédit flexible,
avec le même objectif. Le Mexique et la Pologne sont les premiers
pays à bénéficier de ce type de prêt préventif. De fait, l’ensemble
du cadre de prêt du FMI a été toiletté. En outre, à leur réunion
du 2 avril 2009 à Londres, les responsables du G20 ont décidé de
faire passer les ressources du FMI de 500 à 750 milliards $, et
de l’autoriser à émettre pour 250 milliards de dollars de nouveaux
droits de tirage spéciaux (DTS
) pour accroître la liquidité.
A cette date (7 mai 2009), des engagements ont été pris par le Japon,
l’Union européenne et les Etats-Unis qui ont promis chacun d’apporter
100 milliards $. Le Canada et la Suisse ont promis 10 milliards
$ chacun et la Norvège 4,5 milliards $, soit au total 324,5 milliards
$, et il reste donc à trouver 175,5 milliards $ à lever pour atteindre
les 500 milliards $ supplémentaires requis. Les pays du G20 qui
n’ont pas encore pris d’engagements devraient être encouragés à
le faire.
28. Dans le passé, la direction du Fonds était apparue peu disposée
à faire évoluer les choses. Pour ce qui est du processus de sélection
du Directeur général, certains se sont demandé si l’Europe devrait
conserver sa mainmise officieuse sur le poste. La course pour le
poste de Directeur général, en 2007, a révélé l’existence d’un nombre
élevé d’excellents candidats venus de tous horizons, ainsi que l’écart
entre la diversité des talents potentiellement disponibles et le
fait que cette course se soit jouée dans un mouchoir de poche, faisant
ainsi ressortir tout l’anachronisme de la façon dont est désigné
le plus haut responsable du Fonds. En définitive, c’est un excellent
candidat – européen – qui a été retenu. Il est désormais temps que
les pays européens ouvrent le processus de sélection à une gamme
plus large de candidats compétents.
29. Le Directeur général actuel, Dominique Strauss-Kahn (entré
en fonctions le 1er novembre 2007), semble le
comprendre et avoir été d’emblée conscient du tort que la nature
de la course pouvait injustement faire à son image. Il a donc fait
montre d’un degré d’enthousiasme que l’on n’avait pas vu au FMI
depuis un certain temps, se déplaçant pour rencontrer les gouvernements
actionnaires, s’engageant à aller jusqu’au bout de son mandat et
faisant campagne comme s’il se battait réellement pour ce poste.
Depuis qu’il a pris ses fonctions, son énergie n’a pas faibli et
il a beaucoup utilisé les médias. Parallèlement, ayant dit au Conseil
du FMI que c’est «l’existence même» du Fonds qui était en jeu, il
a entrepris d’en réformer les structures de gestion et d’en redéfinir
le rôle dans le monde, soulignant que le Fonds doit être à la fois
légitime et utile.
Pertinence
30. Le processus de réforme du FMI pourrait renforcer
son avantage comparatif en resserrant les liens entre l’évolution
des secteurs réel et financier et entre les économies nationales
et l’économie mondiale. La priorité absolue du Fonds reste d’aider
ses membres à faire face à leurs facteurs de vulnérabilité économique
et financière. En réaction à des pénuries de liquidités dans plusieurs
pays affectés par la crise financière, le FMI a monté des prêts
en faveur de l’Arménie, du Bélarus, de la Géorgie, de l’Islande,
de la Hongrie, de la Lettonie, du Mexique, du Pakistan, de la Pologne,
de la Roumanie, de la Serbie et de l’Ukraine, venant ainsi compléter les
interventions d’urgence des banques centrales (coordonnées par la
Banque des règlements internationaux). En outre, les conseils du
FMI demeurent essentiels s’agissant d’aider les pays à améliorer
les systèmes de réglementation et de contrôle qui n’ont pas su prévenir
l’escalade du risque financier. Les pays en développement peuvent
tirer des enseignements des erreurs des grands pays en matière de
gestion du risque et de réglementation en mettant en place des systèmes
qui les prémunissent contre les risques liés aux instruments non
transparents et les excès en matière de prêts.
31. Dans son Rapport mondial sur la stabilité financière (Global Financial Stability Report) publiédeux fois par an (au printemps et
à l’automne), le FMI présente de façon approfondie et originale
l’état des marchés financiers et ses travaux en vue de stabiliser
les systèmes financiers. Afin de fournir une assistance pratique et
d’identifier les vulnérabilités des divers pays comme sur le plan
international, il a intensifié les travaux d’élaboration de nouveaux
outils d’analyse, tels que le RiskMeasures Project, les modèles de
stabilité financière et une série de simulations de scénarios de
crise («stress tests»), tandis
qu’on a accéléré la préparation et la réalisation d’évaluations
et de mises à jour par pays dans le cadre du programme conjoint FMI/Banque
mondiale d’évaluation du secteur financier. Des appels ont été lancés
pour faire assumer au FMI un rôle majeur dans la mise en place d’un
mécanisme d’alerte précoce au niveau mondial, mais le Fonds a déploré
que ses membres aient fait peu de cas des avertissements qu’il avait
lancés avant l’explosion de la crise des crédits hypothécaires à
risque (subprimes). Nous savons
également que presque tout le monde était resté sourd à une mise
en garde analogue de l’OCDE. Il convient donc de se réjouir de la
décision des responsables du G20 à leur Sommet de Londres du 2 avril
2009 pour que le FMI, en collaboration avec le Financial Stability Board (qui a
succédé au Forum pour la stabilité financière – voir Partie VII
ci-dessous) donnent rapidement l’alerte en cas de risques macro-économiques
et financiers et indiquent ce qu’il convient de faire pour y remédier.
32. Tenant beaucoup à demeurer actif dans les pays les plus pauvres,
le Fonds développe actuellement son rôle dans le domaine de la «surveillance
multilatérale», en étudiant la manière dont les turbulences financières peuvent
contaminer les pays les uns après les autres et en faisant fonction
de super-arbitre économique. Cela implique également d’intervenir
dans les différends monétaires qui opposent ses membres les plus
importants. Avec le soutien enthousiaste des Etats-Unis, il s’est
récemment vu accorder des moyens accrus pour passer au crible et
signaler les politiques de taux de change dont il a le sentiment
qu’elles sont préjudiciables aux autres pays. De l’avis du Fonds,
un pays comme la Chine a à présent un poids économique suffisant
pour ne pas se contenter de fixer un taux de change qui soit adapté
à ses propres fins politiques. Ce débat est bienvenu autant qu’approprié.
Il convient de noter que les responsables du G20, à leur Sommet
de Londres du 2 avril 2009, ont décidé «Nous mènerons toutes nos
politiques économiques de manière coopérative et responsable en
prenant en considération leur impact sur d’autres pays, nous nous
abstiendrons de toute dévaluation concurrentielle de nos monnaies
et nous favoriserons la stabilité et le bon fonctionnement du système monétaire
international. Nous apportons également notre soutien, dès à présent
et à l’avenir, à une surveillance objective, équilibrée et indépendante
par le FMI de nos économies et de nos secteurs financiers, des effets
de nos politiques sur les autres pays, et des risques auxquels est
confrontée l’économie mondiale.”
Légitimité
33. Le rôle de super-arbitre est difficile à jouer. Voilà
bien longtemps que les pays développés font peu de cas de ceux des
conseils du Fonds qu’ils jugent inopportuns et il n’y a guère de
raisons de penser que les pays en développement en pleine expansion
se comporteront différemment. Cette priorité nouvellement accordée à
une analyse monétaire objective a exaspéré la Chine: elle y a vu
une mesure prise à son encontre à l’initiative des Etats-Unis. Accommoder
les souhaits des deux parties dans ce différend s’est révélé difficile.
Le FMI aurait besoin d’un rôle plus fort de conseiller, voire de
pouvoirs quasi-judiciaires, sous une forme ou une autre, peut-être
inspirés de ceux de l’OMC, s’il entend jouer un rôle déterminant
en matière de litiges monétaires.
34. A la suite d’une attribution temporaire de voix supplémentaires
au FMI à la Chine, au Mexique, à la Turquie et à la Corée du Sud
(en 2006), une redistribution plus vaste du pouvoir a été décidée
en avril 2008 dans le cadre de la réforme du mécanisme de répartition
des quotes-parts et des voix. La réforme visait à faire en sorte
que les quotes-parts reflètent plus rapidement le poids évolutif
des membres dans l’économie mondiale et à augmenter la voix des
pays à faible revenu dans le processus de décision du FMI. Parallèlement à
une formule
unique,
plus transparente, de répartition des quotes-parts, la réforme augmente
les quotes-parts nominales de 54 pays (de 12 à 106%) et le nombre
de voix de 135 pays, et triple les voix des plus petits membres
du FMI (dont un grand nombre sont des pays à faible revenu). Les
plus grands pays émergents – Chine
,
Corée du Sud, Inde, Brésil et Mexique – seront les principaux bénéficiaires
de cette réforme en part de voix. Un Directeur exécutif adjoint
a été ajouté aux deux Directeurs exécutifs représentant l’Afrique
au sein du Conseil de direction. Il conviendra désormais de procéder
à un rééquilibrage des quotes-parts et des voix tous les cinq ans.
Les dirigeants du G20 ont donné leur aval à ces réformes à leur
Sommet de Londres du 2 avril 2009. Vu le niveau de mécontentement
des membres dont la croissance économique est la plus forte, le
changement s’impose d’urgence. En septembre 2008, le Directeur général
du FMI Dominique Strauss-Kahn a annoncé la nomination d’un Comité
de personnes éminentes sous la présidence de M. Trevor Manuel, ministre
sud-africain des Finances, pour évaluer si le cadre managérial et
décisionnaire du Fonds est approprié. Ce Comité a rendu ses conclusions
le 24 mars 2009. Comme l’a indiqué Dominique Strauss-Kahn, le Comité
propose un train de mesures pour renforcer la légitimité et l’efficacité
du Fonds, notamment la formation d’un conseil ministériel de haut
niveau pour promouvoir l’engagement politique en faveur de décisions
stratégiques et critiques, l’accélération de la réforme des quotas
et des voix entamée l’an dernier, un mandat plus étendu pour la
surveillance, des lignes de responsabilité et de responsabilisation
plus claires entre les divers organes du Fonds et l’introduction
d’un processus de sélection du Directeur général qui soit ouvert, transparent
et indépendant de toutes considérations liées à la nationalité
.
35. Une supervision parlementaire contribue également à donner
une légitimité institutionnelle. Le Réseau parlementaire Banque
mondiale (PnoWB) permet aux parlementaires de mieux comprendre comment fonctionne
cette institution et de faire des propositions pour ses travaux.
Le FMI n’ayant pas d’organe équivalent pour dialoguer avec les parlementaires,
il conviendrait de l’encourager à rechercher davantage d’interaction
avec les parlements nationaux sous la forme qui lui semblera en
accord avec son mandat. Cette interaction devrait inclure une supervision
régulière des activités des institutions de Bretton Woods par l’Assemblée,
conformément au mandat de sa commission des questions économiques
et du développement.
36. Lors d’une réunion annuelle du FMI tenue en 2007, le Groupe
des 24 pays en développement a soutenu que les efforts réglementaires
devraient de nouveau porter en priorité sur les membres les plus
riches, faisant valoir que c’étaient leurs défaillances qui étaient
à l’origine de l’instabilité mondiale actuelle. Cette position a été
relayée par le Gouverneur adjoint de la Banque de Chine en octobre
2008
. Bon nombre ont également reçu
avec hostilité l’appel des Etats-Unis pour que le Fonds s’occupe
de la croissance des fonds souverains. Avec l’OCDE, le FMI a néanmoins
élaboré un code de conduite volontaire pour encourager les bonnes pratiques
et la transparence.
37. S’il veut faire approuver la réforme, le Fonds doit mettre
lui-même de l’ordre dans ses affaires. A l’heure actuelle, il a
entrepris un train de mesures d’austérité digne de l’une de ses
propres règles, en ajournant les travaux de rénovation de son siège,
en diminuant les dépenses et en comprimant ses effectifs d’environ
15% (ce qui représente à peu près 400 personnes). Il a aussi étudié
la possibilité de facturer son assistance technique, en particulier
dans le cas des pays riches; il pourrait vendre une partie de ses
importantes réserves d’or, comme l’a suggéré un groupe d’experts
en 2007, afin de créer une fondation destinée à assurer le financement
à long terme des dépenses.
38. La réforme de la structure managériale et décisionnaire, des
capacités de prêt, de la politique de surveillance et d’autres réformes
en cours transformeront le FMI, mais elles ont également besoin
de l’appui des membres, en particulier de ceux dont l’influence
relative décline. Tout en conservant leur appui, le nouveau Directeur
général doit faire le nécessaire pour conférer au Fonds autorité
et légitimité parmi les pays en développement, et pour permettre
aux pays dont la croissance économique est la plus forte d’exercer
une influence en rapport avec leur poids économique. C’est un compromis
difficile à atteindre, mais il est largement admis qu’un bon départ
a été pris. Les décisions des dirigeants du G20 au Sommet de Londres
du 2 avril 2009 ont eu certainement pour résultat de consolider
le rôle mondial du FMI. Les Etats membres du Conseil de l’Europe
doivent approuver les efforts que le Fonds déploie pour réaliser
des réformes aussi utiles et s’engager à appuyer ce processus de
changement radical et sans précédent.
Les défis que la Banque mondiale
doit relever: des problèmes autres que ceux des instances dirigeantes?
39. La nomination de Paul Wolfowitz à la fonction de
Président de la Banque mondiale en 2005, après son passage dans
les hautes sphères du gouvernement américain en tant que Sous-Secrétaire
à la Défense, a mis en lumière le rôle dominant joué par les Etats-Unis
dans la Banque. L’absence de responsabilité et de transparence internes
sous sa présidence est souvent invoquée par les détracteurs de la
Banque. Une fronde prolongée du personnel et des actionnaires a
amené M. Wolfowitz à donner sa démission en mai 2007 et, bien que
le fait que les Etats-Unis aient nommé Robert Zoellick à sa succession
ait anéanti l’espoir d’une réforme rapide de la procédure de sélection,
il semble à présent possible d’envisager un changement important
au niveau de la gestion de l’institution. Dans une déclaration présentée
au Conseil pour examen, le Groupe d’évaluation indépendante de la
Banque (GEI) a défini ce qu’il considère être les principaux champs
de la réforme institutionnelle à engager, l’accent étant mis sur
l’amélioration des mécanismes de contrôle de la gestion, de la transparence,
de la gouvernance et des dispositifs de contre-pouvoirs internes.
L’un des éléments cruciaux est la sélection du Président de la Banque
selon des critères transparents et objectifs
.
Le rapporteur soutient les principes énoncés dans la déclaration,
et se réjouit de l’accord de principe sur un processus de sélection
de la présidence au mérite auquel la Banque est parvenue lors de
l’Assemblée annuelle d’octobre 2008, avec une nomination ouverte
aux 185 Etats membres sans exception.
40. Ce type de réforme a déjà abouti à la nomination, en juin
2008, d’un chercheur chinois, Justin Yifu Lin, au poste de Vice-Président
senior et Economiste en chef, une fonction de premier plan dans
l’institution. En février 2009, à la suite de l’Assemblée annuelle
d’octobre 2008 de la Banque, le Conseil des gouverneurs de la Banque
mondiale a également approuvé une première phase de réforme pour
accroître l’influence des pays en développement au sein du Groupe
Banque mondiale, notamment en ajoutant un troisième siège pour l’Afrique
subsaharienne afin de permettre aux pays en développement d’obtenir
une majorité de sièges au Conseil exécutif, et en faisant passer
les parts du capital et des droits de vote des pays en développement
à 40% du total. Ces réformes sont désormais soumises à un vote par
les 185 Etats membres. Il convient de noter que près des deux tiers
du personnel de la Banque et 42% de l’ensemble de ses dirigeants
viennent de pays en développement, et que, sur les 9 nominations
à des postes élevés effectuées par le Président Zoellick, 7 sont
allées à des personnes originaires de pays en développement.
41. Plusieurs groupes travaillent actuellement sur des propositions
pour la réforme de la Banque mondiale. L’un d’entre eux est la commission
dirigée par l’ancien Président du Mexique Ernesto Zedillo. La «Commission Zedillo»
est un organe indépendant de haut niveau composé de 12 membres occupant
ou ayant occupé récemment des positions internationales de premier
plan, en provenance de pays développés comme en développement. Créée
par le Président Zoellick, de la Banque mondiale, elle a pour mission
de formuler des recommandations sur la manière dont la situation
est gérée, afin que la Banque puisse mieux s’acquitter de sa mission
qui est d’éradiquer la pauvreté dans le monde. L’ancien Economiste
en chef de la Banque mondiale Joseph Stiglitz préside une «commission
d’experts sur les réformes du système monétaire et financier international»,
créée par le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies,
Miguel D’Escoto.
42. La presse s’est surtout focalisée sur les péripéties liées
au départ de M. Wolfowitz, mais il est bon de rappeler que sa nomination
avait été due en partie au fait que les Etats-Unis – qui étaient
alors le premier bailleur de fonds de la Banque, tout en lui devant
aux alentours de 300 millions de dollars représentant des contributions
annoncées, mais non versées – étaient préoccupés par la façon dont
elle était dirigée. Avant la crise financière et économique, et
comme le FMI, la Banque était confrontée à des questions fondamentales dans
un monde de plus en plus prospère et interconnecté:
- Quelle était l’utilité de son
activité de prêt institutionnel? Les niveaux de pauvreté ayant reculé,
en particulier en Asie, bon nombre de gouvernements étaient désormais
en mesure d’emprunter sur les marchés des capitaux; or, il s’agissait
là des clients les plus lucratifs de la Banque, et ceux qui avaient tendance
à obtenir les meilleurs résultats: la Banque pouvait-elle s’en passer?
- Les autres bailleurs de fonds étant de plus en plus nombreux,
quel était le rôle de la Banque dans le domaine de l’aide internationale?
Devait-elle mieux compléter différentes modalités d’octroi de dons, telles
que les plans présidentiels, les comptes du Millénaire et les fonds
mondiaux philanthropiques? On voyait de plus en plus certains pays
émergents, qui avaient soif d’influence et de ressources, offrir
de l’aide alors même qu’ils empruntaient de l’argent à la Banque.
- Face à la concurrence dans tous les domaines, quelle sorte
d’équilibre établir? Pour certains, la Banque restait trop intransigeante
et trop insensible aux besoins des pays et de l’environnement. Pour
d’autres, sa volonté d’éviter l’affrontement réduisait son efficacité:
par exemple, le consensus était-il la bonne façon de lutter contre
la corruption? Les tenants des deux points de vue se demandaient
si la Banque était, pour les bailleurs de fonds, le meilleur moyen
d’obtenir des résultats.
Les meilleurs clients de la
Banque
43. Les opérations les plus productives de la Banque
ont toujours été celles qu’elle concluait avec le groupe des quelque
86 pays à revenu intermédiaire (PRI), comme le Brésil et les Philippines.
Ces pays, qui représentent un peu moins de la moitié de la population
mondiale et qui hébergent un tiers des êtres humains vivant avec
moins de 2 $ par jour, avec un PIB par tête allant de 1000 à 6000
$ par an, se sont montrés plus efficaces en termes de réduction
de la pauvreté et ont bien mieux remboursé leurs échéances. Il n’est
donc pas surprenant que ce groupe de pays ait représenté près des
deux tiers des prêts consentis par la Banque et la moitié de son
budget administratif.
44. Avant la crise que nous connaissons actuellement, ces pays
utilisaient leurs excédents pour solder d’anciennes dettes. En fait,
au cours de la période 1995-2006, ils ont remboursé en moyenne annuelle
3,8 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont emprunté et, en 2005,
la contribution de la Banque mondiale au financement de l’investissement
national des PRI avait été réduite de plus de la moitié par rapport
au niveau atteint 10 ans auparavant et n’en représentait plus que
0,6%.
45. Le Groupe d’évaluation indépendante de la Banque (GEI)
a indiqué en 2007 que la tendance
à une réduction des activités était, à bien des égards, un signe
de réussite. D’une façon générale, les pays à revenu intermédiaire
ont connu une croissance plus rapide que tous les autres pays du
monde: et de fait, cinq pays sont sortis de ce groupe depuis le
milieu des années 1990, tandis que plusieurs autres – la Chine,
en particulier – y sont entrés. Fait décisif pour la Banque, beaucoup
d’entre eux ont amélioré leur bilan au point qu’ils pouvaient emprunter
sans difficulté sur les marchés financiers. De ce fait, dans la
période 2001-2006, 31% des prêts de la Banque aux PRI sont allés
à des pays dont la cote de crédit rassure les investisseurs, tandis
que 62% allaient à des pays qui ne sont pas considérés comme des
pays où l’on peut investir sans risque et 7% seulement à des pays
pour lesquels les agences de notation n’établissaient aucune cote
de crédit et qui n’avaient, de ce fait, guère accès aux capitaux
privés.
46. La question essentielle de savoir si, alors que les besoins
sont de moins en moins forts dans les PRI, la Banque pourrait être
encore utile à ces pays a bien entendu trouvé sa réponse dans la
crise financière et économique. En réaction, la BIRD devrait quasiment
tripler ses prêts, qui passeraient de 13,5 milliards de dollars
en 2008 à 33 à 35 milliards de dollars par an, selon les estimations,
sur les années 2009 à 2011.
47. Au fil des ans, la Banque a soutenu que la meilleure chose
qu’elle prête est son expertise. Récemment, elle s’est aperçue que
bon nombre de pays se passeraient bien de ses conseils, à moins
que le reste des conditions soient extrêmement attrayantes. Comment,
donc, retoquer ses compétences? Certains observateurs ont proposé
de séparer les prêts de la Banque des conseils fournis par ses services
et de laisser les pays choisir les uns ou les autres ou le tout.
Comme l’indique Nancy Birdsall, qui dirige le
Center
for Global Development,«les
prêts et les dons au niveau des pays ne devraient être ni une finalité,
ni une fin en soi. Ils devraient être un instrument au service de
la fourniture de conseils et de la reconstitution permanente du
stock de connaissances de la Banque» . Le fait
de cultiver son stock de savoir-faire pourrait permettre à la Banque de
mettre en place une panoplie d’outils d’investissement et de développement
plus spécifiques et mieux différenciés, à l’instar d’un cabinet-conseil
privé.
48. Il se peut que la Banque ne soit pas encore prête à adopter
une solution aussi draconienne, en particulier du fait de ses incidences
financières. Selon l’évaluation faite par le GEI en 2007 de toute
une série de projets, et selon le point de vue des emprunteurs
,
la Banque devrait tirer le meilleur profit de son expertise grâce
à une meilleure coopération en interne et au recours cohérent aux
meilleures pratiques, qui s’accompagneraient de la production de
plans collaboratifs et spécifiques afin de répondre aux besoins
locaux, au lieu de se contenter de principes généraux. En outre,
si la majorité des programmes atteignent leurs objectifs, fréquemment,
ils ne traitent pas les réformes de politique sous-jacentes, et
ils pêchent par manque d’incitations et de procédures encourageant
la coopération régionale. Néanmoins, le rapport a noté que la plupart
des stratégies par pays se sont focalisées sur des secteurs et des
thèmes importants pour les besoins des pays en développement, en
particulier sur la promotion de la croissance. En outre, le rapporteur
estime que le rôle de la Banque en matière de coordination des actions
des donateurs d’APD et sa participation à la préparation et à la
mise en œuvre des stratégies par pays pour la réduction de la pauvreté
sont extrêmement utiles. En outre, quelles que soient ses imperfections,
elle a réellement une certaine influence sur la conception de la
gouvernance et de la bonne pratique dans des grands projets, même
lorsque l’enjeu financier est modeste. Les marchés financiers sont
rassurés par sa présence, et elle peut être utile pour gagner la
confiance des autorités locales et traiter avec leur bureaucratie.
2.3. Opérations locales
– les principaux défis
49. Si la Banque mondiale a, en tant que banque, pour
fonction d’apporter de la valeur, il lui faudra de plus en plus
améliorer l’efficacité de ses prêts aux yeux du grand public. Ceux-ci
reposent sur un socle: des politiques de prêt responsables. Dans
une évaluation publiée en 2005, le GEI critiquait le mécanisme de
la Banque en matière de sélection des projets, ainsi que sa capacité
à suivre les résultats et à mesurer la performance. Il est vital
de se doter de processus efficients sur le plan financier et responsables
sur le plan éthique, et cela peut être rendu plus facile grâce à
une coopération plus étroite au niveau local et par une gouvernance
plus transparente. De plus, dans trois domaines clés – la corruption,
l’inégalité et l’environnement -, la performance pourrait être améliorée.
50. Lutter contre la corruption n’est pas chose aisée, ce que
le Conseil de l’Europe peut confirmer, et le problème s’aggrave
lorsque la richesse s’accumule rapidement. Dans les pays les plus
pauvres, les politiques et décisions de la Banque – bonnes ou mauvaises
– peuvent changer le destin de l’économie. En pareil cas, la Banque
ne peut manquer d’avoir un rôle et une voix politiques.
Mais dans un pays à revenu intermédiaire en pleine expansion, sa
meilleure chance d’exercer une influence peut être de faire œuvre
de sensibilisation et de donner l’exemple, et de faciliter une osmose
permanente entre ses principes et le débat politique du pays concerné.
Si la pression est trop forte, l’emprunteur peut lever des fonds
ailleurs.
51. Beaucoup pensent que la Banque devrait être plus stricte.
Lorsque Paul Wolfowitz a commencé à suspendre des prêts se rapportant
à des projets ou des gouvernements en raison de soupçons de corruption, il
s’est attiré une volée de bois vert, en particulier émanant de la
Banque elle-même. Il se peut que ces suspensions aient été décidées
d’une façon abrupte et aient perturbé des années de travail, mais
il existait des raisons sérieuses de prendre ces décisions. Lorsqu’une
telle partie des travaux de la Banque consiste à soigner les efforts
locaux qu’elle ne contrôle pas directement, il arrive qu’elle ait
parfois besoin de défendre publiquement ses propres principes en
disant non. Même si l’emprunteur peut très facilement s’adresser ailleurs,
le refus par une institution aussi prestigieuse a un fort effet
dissuasif. Qui plus est, à une époque où l’information est facile
à se procurer, c’est la réputation même de la Banque qui est en
jeu
.
52. Pour certains observateurs, l’approche la plus pragmatique
consiste à rendre les bénéficiaires plus clairement comptables des
résultats obtenus et, au besoin, à être prêts à suspendre le financement.
Cela étant, la dernière campagne anticorruption a eu des effets
si pénalisants que le management de la Banque devra faire preuve
de prudence. Les tentatives antérieures faites pour étendre les
pouvoirs de l’unité d’enquête interne de la Banque avaient déclenché
une telle colère qu’il avait fallu constituer une nouvelle équipe
chargée d’enquêter sur les membres de cette unité! Certains changements
de politique antérieurs avaient été, certes injustement, considérés
comme un appui déguisé à la politique étrangère des Etats-Unis,
et avaient amené le chef de l’opposition kényane à élever une protestation
officielle au sujet de la partialité dont l’unité contestée aurait
fait preuve.
53. Dans ce contexte, il convient de mentionner, d’une part la
Commission Volcker, qui avait, en 2007, passé en revue les efforts
de la Banque en matière de lutte contre la corruption, et, d’autre
part, les mesures prises par la Banque mondiale à la suite de ses
travaux. En janvier 2008, la Banque a annoncé qu’elle mettrait en
oeuvre les recommandations du rapport Volcker en vue de renforcer
son Département de l’intégrité institutionnelle (DII), chargé d’enquêter
dans les cas de fraude et de corruption. Les recommandations vont
de la création d’un conseil consultatif indépendant composé d’experts
internationaux de la lutte contre la corruption pour protéger l’indépendance
et renforcer la responsabilisation du DII à la création d’une unité chargée
de donner des conseils préventifs pour aider les agents de la Banque
à se prémunir contre la fraude et la corruption dans les projets
de cette dernière, en passant par la proposition de donner au chef
du DII le rang de Vice-Président. Le premier Vice-Président du DII
a été nommé en mai 2008, et le Conseil consultatif indépendant annoncé
en septembre 2008.
54. L’inégalité est pour la Banque un problème encore plus difficile
à régler. La mondialisation a contribué aux inégalités de revenus
stupéfiantes constatées entre les pays: en Suisse, le revenu moyen
est à présent plus de 400 fois plus élevé qu’en Ethiopie et il n’est
pas exagéré de dire qu’à un niveau macroéconomique, chaque projet
soutenu par la Banque devrait viser à réduire cet écart. Autre tendance
déterminante, qui devrait peut-être donner lieu à des interventions
plus efficaces: on assiste à une aggravation des inégalités à l’intérieur même
des pays. Cette tendance est manifeste dans le cas du groupe des
pays à revenu intermédiaire, dans lequel plus de la moitié des emprunteurs
ont vu les inégalités s’aggraver au cours de la période 1993-2004
. Mais même cela n’est pas simple:
la Banque a pour profession de foi de lutter contre la pauvreté
et le fait de faire face au dénuement relatif peut être interprété
comme un acte d’hostilité à l’égard de l’avantage relatif. La Banque
doit éviter d’adopter toute position pouvant être considérée comme
idéologique, en particulier si elle semble dirigée contre les segments
de la société auprès desquels elle travaille.
55. Le rapport 2007 du GEI décrit la difficulté qui se pose lorsqu’on
veut s’attaquer à l’inégalité dans un État
.
En Chine, par exemple, les bénéficiaires locaux sont responsables
du remboursement des prêts; des problèmes se posent en Russie, en
Turquie et en Ukraine, où les gouvernements n’adoptent pas une approche régionale,
alors même que l’écart se creuse en termes d’inégalités. On n’a
toujours pas déterminé si la Banque pouvait concevoir des instruments
efficaces pour remédier à cette situation. Toutefois, la persistance
des inégalités dans des pays qui se développent rapidement justifie
que l’on continue à appuyer des projets locaux, même dans le cas
des pays qui, au niveau national, semblent être devenus riches.
Malgré les nombreux obstacles spécifiques qui se posent dans le
monde du travail du fait de l’inégalité entre les races, les religions et
les sexes, les programmes sociaux donnent des résultats. L’éducation
reste la priorité absolue, avec les services de santé et le déplacement
des emplois du secteur agricole vers les autres secteurs.
56. Les questions environnementales
sont
importantes pour la Banque, qui est l’un des partisans actifs majeurs
au niveau mondial de projets relatifs à la biodiversité puisqu’elle
finance actuellement à hauteur d’environ 11 milliards de dollars
des projets ayant des objectifs environnementaux clairs. En Inde
(Etat du Karnataka), par exemple, elle a aidé des agriculteurs à
construire des barrages, à recueillir l’eau de pluie et à protéger
le sol contre les moussons. Ces activités ont permis d’augmenter
de 24% le rendement des cultures et des deux tiers le revenu des
ménages, tout en revitalisant l’écosystème local. Mais si la Banque
s’emploie à faire en sorte que tous les projets qu’elle appuie soient
écologiquement rationnels, les questions en jeu sont complexes et
souvent techniques; elles imposent de peser mûrement les faits au
niveau local. Si la réduction de la pauvreté et la protection de
l’environnement pourraient être synonymes à long terme, les besoins
à court terme sont souvent divergents. La protection de l’environnement
peut se cantonner à indiquer aux pays pauvres ce qu’ils peuvent
et ne peuvent pas faire. Parfois, elle peut même accroître l’inégalité:
au Congo, le soutien de la Banque à «la déforestation évitée» par
le biais de versements locaux a été critiqué, puisqu’il a provoqué
des disparités de richesse entre tribus locales. Deux projets qui
ont récemment défrayé la chronique illustrent bien quelques-uns
des dilemmes que cela implique:
- Dans
une très large mesure, l’accueil a été favorable pour le Fonds en
faveur des technologies propres, relevant des Fonds d’investissement
climatique administrés par la Banque et mis en oeuvre par les banques
de développement multilatérales (Banque africaine de développement,
Banque asiatique de développement, Banque européenne pour la reconstruction
et le développement, Banque de développement interaméricaine et
Groupe Banque mondiale) et financés par l’Australie, la France, l’Allemagne,
le Japon, l’Espagne, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Dans le même temps, ils sont nombreux à trouver paradoxale la proposition
de la Banque visant à construire une grande centrale à charbon au
Botswana. Le Centre pour le développement mondial a estimé qu’une
installation solaire serait plus rationnelle et plus propre, et
incite vivement la Banque à imputer immédiatement et explicitement
des frais carbone dans tous ses projets d’énergie (malgré le fait
que les pays en développement se soient dits mal à l’aise avec cette
approche). Cela semble raisonnable, mais le Botswana ne devrait-il
pas avoir le droit de donner du travail à ses mineurs et d’utiliser
son propre charbon?
- La controverse au sujet des incidences sociales du barrage
de Nam Theun 2 enfle au Laos, où les mesures à prendre pour atténuer
l’impact sur l’environnement se font attendre. Selon le groupe de pression
International Rivers, qui était hostile au barrage depuis le départ,
le budget social de 16 millions de dollars n’est pas suffisant pour
indemniser plus de 120 000 villageois en aval pour les pêcheries perdues,
«à plus forte raison pour fournir d’autres moyens de subsistance
et assurer une protection contre les inondations et l’érosion».
Toutefois, le Laos est l’un des pays d’Asie les plus pauvres et
le barrage est indispensable pour que le pays puisse devenir une
«source d’énergie» pour la région. La Banque, qui est un important
bailleur de fonds, a admis l’existence de problèmes sociaux et environnementaux,
mais estime que le projet a sensiblement amélioré la vie des personnes
touchées en ce qui concerne le logement, les écoles, les soins médicaux
et le réseau routier.
57. Ces exemples peuvent amener à s’interroger sur la place des
droits de l’homme
dans la politique
de prêt. Il importe de signaler qu’aucune des institutions de Bretton
Woods n’est un organisme à mission fondée sur les droits; en fait,
les Statuts de la Banque précisent que, dans toutes les décisions
prises par celle-ci, «les considérations économiques sont les seules
pertinentes». Pour certains, il s’agit là d’une restriction inacceptable.
La Banque insiste sur le fait que son approche économique et sociale
à l’égard du développement promeut une vision globale et interconnectée
des droits de l’homme trop souvent ignorée
. Étant donné que ses décisions de
prêt se basent sur la qualité du projet, et sur la capacité de celui-ci
à réduire la pauvreté, la Banque estime qu’elle a été capable d’échapper
aux égarements de considérations politiques ou idéologiques à court
terme qui peuvent être très coûteux et n’ont fréquemment que peu
à voir avec la lutte contre la pauvreté. En d’autres termes, elle
s’est donné les moyens d’être objective. Elle affirme ne pas considérer
les droits civils et politiques comme une chose sans importance
et elle fait observer qu’elle peut «apporter sa plus grande contribution
au développement – et (qu’)elle peut tout simplement aider un plus
grand nombre de personnes – en continuant de se focaliser sur l’importante
activité de développement économique et social»
.
58. Les normes en matière de travailsont
un bon exemple du type de questions liées aux droits de l’homme que
la Banque s’emploie à traiter. Ses politiques du travail entendent
reprendre les principaux éléments de développement social figurant
dans la Déclaration de Copenhague de 1999 sur le Développement social
et qui font à présent partie intégrante de ses stratégies de dépaupérisation.
Tout en estimant que le secteur privé doit généralement être le
moteur de la création d’emplois, la Banque considère qu’il importe
de protéger les droits fondamentaux en matière d’emploi. Ses directives
concernant les pays à faible revenu exigent donc la prise en considération
des normes fondamentales en matière de travail lors de la formulation
de toute stratégie d’assistance de la Banque et dans le cadre de
l’évaluation ultérieure des résultats.
59. Pour insister sur cet aspect, la Banque appuie toute une série
d’initiatives liées au travail, telles que le programme CASM (communautés
et exploitation minière à petite échelle), lancé en 2001, qui est
un programme à donateurs multiples visant à améliorer la situation
des personnes travaillant dans des petites exploitations minières.
Elle a également incorporé les normes en matière de travail dans
ses pratiques de prêt à des conditions favorables: la politique
que la SFI applique à ses opérations tient compte des quatre normes de
travail de l’OIT (interdiction du travail forcé, réglementation
du travail des enfants, non-discrimination et liberté d’association
et de négociation collective) et exige que tout accord de financement
tienne compte d’une approche globale de l’emploi et des conditions
de travail. La Banque participe à des programmes de développement
social spécifiques, comme la formation des cadres des fabriques
de vêtements dispensée en partenariat avec «Better
Factories Cambodia», le programme local de l’OIT.
60. Enfin, il est intéressant d’analyser la portée réelle de l’encouragement
de la Banque et du FMI à la réforme dans les pays emprunteurs. Si
la notion d’ajustements structurels apparaît encore dans certains
pans du débat, aujourd’hui, les Institutions de Bretton Woods insistent
sur la prise en main nationale des réformes, notamment l’alignement
sur les stratégies existantes de développement du pays. Néanmoins,
un rapport du Bureau d’évaluation indépendant du FMI, publié en
janvier 2008, a critiqué l’abus persistant de la «conditionnalité
structurelle». Après avoir passé en revue les opérations de prêt
du Fonds entre 1995 et 2004, il a relevé une moyenne de 17 conditions
structurelles par accord. Si le rapport n’analyse pas la nature
des conditions dans le détail, il note cependant que leur efficacité
est relativement faible, avec un taux de conformité tournant autour
de 54%, taux qui descend à moins de 33% pour ce que le rapport appelle
des réformes de «grande profondeur structurelle»
. Ceci illustre bien l’importance
de la prise en main nationale de la réforme des investissements,
des prêts et des conditions à l’appui de ces réformes.
61. Il est certes légitime pour un organisme public de subordonner
l’octroi d’un prêt à des conditions, mais celles-ci doivent être
raisonnables, appropriées et réalistes. L’un des mécanismes clés
de la Banque mondiale pour y parvenir est son outil de «Principes
de bonne pratique» (’
Good Practice Principles’
(GPP)) pour l’application de la conditionnalité (prise
en main, harmonisation, personnalisation, esprit critique, et enfin transparence
et prévisibilité); cet outil est largement adopté par les fournisseurs
d’aide et semble avoir donné des résultats, la Banque ayant largement
réduit le nombre des conditions de décaissements depuis la fin des années
1990. Pour les exercices 2007 et 2008, les conditions liées aux
décaissements ont reculé d’environ 9 à 10 conditions par opération
(alors qu’elles étaient au nombre de 31 à 35 par opération en 1995).
Un rapport de Eurodad
affirme qu’en réalité, la situation est
tout autre, étant donné la pratique de fusionner plusieurs «conditionnalités»,
mais la Banque mondiale répond que l’utilisation relativement rare
de cette technique ne modifierait pas de manière substantielle le
nombre de conditions. Selon une analyse de la Banque, les réformes
sensibles (définies par cette dernière
comme
étant la privatisation, la libéralisation des prix, les réformes
des subventions, les ajustements des prix des matières premières,
la réforme du commerce et les marges des utilisateurs) ont été utilisées
dans moins d’un tiers des opérations durant les exercices 2007 et 2008.
62. Un non-spécialiste a du mal à apprécier le bien-fondé d’un
tel argument, mais il est clair qu’il est difficile pour une institution
publique de trouver le juste équilibre entre les intérêts de ses
investisseurs et les besoins de ses emprunteurs tout en conservant
la confiance de la société civile. En revanche, les créanciers privés
ne se soucient pas de la manière dont leur argent est utilisé, dès
lors qu’il leur est remboursé. Cela peut impliquer que les pays
les plus pauvres, qui ne peuvent pas se procurer des capitaux ailleurs,
sont davantage assujettis à des conditions. Il convient de ne pas
perdre de vue que si les institutions de Bretton Woods n’intervenaient pas,
on accorderait beaucoup moins d’attention à des questions telles
que l’environnement et les inégalités. Cela en soi justifie la poursuite
de leurs activités de prêt et des efforts qu’elles déploient pour
le faire d’une manière plus consensuelle.
63. Alors que, cette année, la situation économique mondiale ne
cesse de s’aggraver, des raisons encore plus immédiates militent
toutefois pour que les Institutions de Bretton Woods poursuivent,
voire accroissent, leurs prêts et dons. Les économies en développement
de la planète sont particulièrement vulnérables aux chocs économiques.
Les marchés des capitaux se sont asséchés, les échanges se sont
contractés et les prix des matières premières ont chuté; de ce fait,
bon nombre des pays classés aujourd’hui dans la catégorie à revenu
intermédiaire, et sans aucun doute ceux à faible revenu, s’aperçoivent
qu’ils ont de plus en plus besoin de l’aide de la Banque. C’est
la raison pour laquelle la Banque mondiale a appelé les pays donateurs
à engager 0,7% de leurs enveloppes consacrées à la relance économique
à un Fonds Vulnérabilité pour aider les pays qui n’ont pas de ressources
à ce type d’initiative budgétaire. Les donateurs pourraient canaliser
ces ressources par le biais des Nations Unies, de la Banque mondiale
ou d’autres banques de développement, en utilisant par là-même les
mécanismes existants et qui fonctionnent bien pour que les fonds
soient acheminés rapidement, de manière transparente et sûre. La
Banque mondiale a identifié trois grandes priorités pour les investissements
du Fonds Vulnérabilité: les filets de sécurité
, l’infrastructure et le financement
des PME et institutions de microfinance. En outre, la BIRD a annoncé
de nouveaux engagements à hauteur de 100 milliards de dollars au
cours des trois prochaines années, et une augmentation, en 2009,
des prêts qui passeraient à 35 milliards de dollars contre 13,5
milliards de dollars en 2008. En décembre 2008, la Banque a approuvé
un prêt de 500 millions de dollars pour la réforme structurelle
en Ukraine, et a accepté d’aider l’Inde avec 3 milliards de dollars
d’investissements supplémentaires. Ironiquement, comme pour le FMI,
c’est l’adversité qui a été à l’origine d’un regain de confiance
dans le rôle de la Banque. Ceci vaut non seulement pour les prêts
mais aussi pour l’aide conditionnelle décaissée par l’agence spécifique
de la Banque dans ce domaine, l’IDA.
64. Entre autres choses, les efforts de M. Zoellick pour redonner
confiance au personnel et aux actionnaires depuis sa nomination
à la présidence de la Banque ont abouti à une augmentation majeure
des contributions pour l’IDA durant le cycle de collecte de fonds
finalisé en décembre 2007 pour la période allant jusqu’au 30 juin 2011
(IDA 15). Compte tenu de l’existence d’un aussi grand nombre d’autres
voies possibles pour effectuer des dons et de l’écart entre les
contributions annoncées et celles effectivement versées, en particulier
dans le cas des Etats-Unis, l’IDA s’était trouvée avoir sérieusement
besoin d’un financement plus solide et cette dernière session de
négociations avait été considérée comme déterminante pour la crédibilité
de la Banque. Les négociations ont abouti à la prise d’engagements
à hauteur de 25,1 milliards de dollars, soit 42% de plus que lors
de la session de négociations précédente. A l’origine de ce vote
de confiance, il faut signaler que l’Allemagne, l’un des pays les
plus préoccupés par l’approche adoptée par l’ancien Président de
la Banque, a donné plus de deux milliards de dollars, tandis que
la Grande-Bretagne s’est engagée pour 4,3 milliards de dollars,
devenant ainsi le plus important donateur. Parmi les 45 contributeurs,
plusieurs pays à revenu intermédiaire, comme la Chine, l’Egypte
et la Lettonie, ont annoncé pour la première fois une contribution.
Les 24,1 milliards $ de contributions des donateurs ont permis à
la Banque de refaire le plein d’IDA 15 avec 45 milliards $ au total.
Sous la direction de M. Zoellick, la Banque mondiale a amélioré
sa capacité de réaction à la crise, et établi une nouvelle facilité
pour apporter rapidement 2 milliards $ d’aide aux pays les plus
pauvres sur les 42 milliards $ d’IDA 15. La priorité ira aux filets
de sécurité, à l’infrastructure, à l’éducation et à la santé. Dans
le droit fil de la nouvelle manière de mener ses activités, la Banque
accélère ses processus d’approbation. Elle a lancé un programme
de 1,2 milliard $ (le Global Food Response
Program (GFRP)) en mai 2008 pour accélérer l’assistance
aux pays les plus démunis, et des prêts ont été traités en moyenne
en moins de deux mois.
65. Pour encourager les contributions, M. Zoellick a fait virer
à l’IDA 3,5 milliards de dollars, provenant pour partie de la SFI
(qui disposait de réserves accumulées de 11,7 milliards de dollars
en 2007 et de 13,2 milliards de dollars en 2008) et pour partie
de ses opérations de prêt aux pays à revenu intermédiaire. L’IDA
a désormais un capital égal à environ un tiers du montant de ses
prêts. La Banque a donc mis la main à la poche et également diminué
le montant de ses honoraires. D’aucuns ont estimé qu’il faudrait
également procéder à une réévaluation des clients, certains pays
(comme le Vietnam), qui bénéficient actuellement de l’aide de l’IDA, étant
désormais en mesure d’accepter des prêts consentis à des conditions
plus commerciales.
66. La SFI a, pour sa part, répondu à la crise en augmentant son
soutien au secteur privé dans les pays en développement, grâce au
lancement ou à l’expansion d’initiatives conçues pour aider les
institutions de microfinancement en difficulté, notamment par le
biais d’une facilité de 500 millions de dollars dans ce domaine;
en doublant son programme global de financement du commerce, passé
à 3 milliards de dollars sur 3 ans, et en mobilisant des fonds émanant
d’autres sources, notamment un engagement de un milliard de dollars
du Japon, pour aider à recapitaliser les banques dans les pays en
développement et à revenu moyen, y compris en Europe centrale et
orientale, grâce à un fonds de recapitalisation de 3 milliards de
dollars créé en décembre 2008, pour étayer des projets d’infrastructure
bénéficiant d’un financement privé en butte à des difficultés et
pour améliorer ses services de conseil dans le domaine de la finance.
67. Selon M. Zoellick, les pays d’Europe centrale et orientale
ont besoin de 120 milliards de dollars pour recapitaliser leurs
établissements bancaires en difficulté, les banques occidentales
ayant retiré leurs liquidités. La Banque mondiale travaille donc
avec la BERD et la BEI ainsi qu’avec le FMI et l’Union européenne
et ses Etats membres pour aider à restructurer et à recapitaliser
le secteur bancaire. Dans le cadre d’une enveloppe conjointe avec
la BERD et la BEI, le Groupe Banque mondiale apportera un soutien
d’environ 7,5 milliards de dollars pour aider le secteur bancaire
d’Europe de l’Est et pour financer les prêts aux entreprises touchées
par la crise économique mondiale.
68. La Banque mondiale a un autre objectif, non lié à la crise,
à savoir ’’unifier’ l’univers en expansion rapide de l’aide au développement.
Avec plus de 280 bailleurs de fonds, l’activité internationale est
incroyablement fragmentée. Ce sont les pays ayant le moins de ressources
bureaucratiques qui paient le prix fort: la Tanzanie, par exemple,
a reçu 542 visites de donateurs en 2007, contre 791 pour le Vietnam,
alors que l’Inde a décidé de restreindre le nombre de partenaires
avec qui elle travaille dans le domaine de la dette. La Banque peut servir
de plate-forme commune à partir de laquelle d’autres peuvent opérer:
elle le fait déjà en Afghanistan, où la reconstruction de routes
rurales et de ponts est soutenue par un fonds multilatéral géré
par la Banque. La Banque crée indubitablement moins de difficultés
à ceux avec qui elle travaille que beaucoup d’autres bailleurs de
fonds et elle est moins disposée à fractionner l’aide en l’attribuant
à des projets minuscules ou à court-circuiter les systèmes budgétaires
des Etats bénéficiaires.
69. Par ailleurs, il existe des problèmes qui découlent de l’absence
de planification d’ensemble, et en premier lieu celui des «pays
orphelins»: l’aide se concentre sur les pays favoris avec lesquels
existent des liens datant de l’époque coloniale ou pouvant procurer
un avantage commercial, au détriment de pays qui, ayant le moins
de choses à offrir, sont souvent ceux dont les besoins sont les
plus grands; mais aussi celui des «secteurs orphelins» tant il est
vrai que, si ce ne sont pas les sources de financement qui manquent
pour les causes en vue, telles que le sida et le paludisme (qui
sont aussi des causes auxquelles s’intéressent beaucoup les médias),
on risque de perdre de vue des secteurs importants comme les réseaux
d’eau chaude/froide et climatisation dans les établissements de
santé ou les réseaux d’évacuation des eaux usées.
70. Les succès récents ne font qu’accroître pour la Banque la
nécessité de la transparence et d’une évaluation objective des résultats
de ses activités. Or, cela soulève souvent des difficultés: par
exemple, la Banque a soutenu la construction ou la réparation de
plus de 22 000 salles de classe dans les 12 mois ayant précédé juin
2007, mais n’a guère le moyen de savoir combien d’enfants y étudient.
Elle s’emploie systématiquement à améliorer ses propres indicateurs
d’évaluation des progrès accomplis et elle ne devrait pas se laisser
arrêter par ses récents échecs ou s’endormir sur les lauriers de
sa réussite actuelle et devrait évaluer de plus près ses résultats.
2.4. Quel avenir pour
l’approche de Bretton Woods?
71. La Banque doit se demander quels devraient être ses
clients. Au milieu de 2007, le montant global de ses prêts à la
Chine s’élevait à près de 42,2 milliards de dollars affectés à 284
projets. Avec 70 de ces projets en cours d’exécution, le portefeuille
de la Chine est l’un des plus gros de la Banque
. La Chine devenant
elle-même un donateur de la Banque mondiale et étant entrée en concurrence
avec elle en tant qu’apporteuse d’aide dans de nombreux pays en
développement, doit-on considérer cette situation comme normale?
Le présent rapport a déjà indiqué plusieurs raisons pour lesquelles
une situation aussi inédite pourrait se justifier, mais il sera
de plus en plus difficile de le faire admettre aux contribuables
du monde développé, d’autant que la Chine utilise une bonne part
des fonds qu’elle reçoit au titre de l’aide afin d’entrer en compétition
avec ces mêmes pays pour élargir son influence et acquérir des ressources
naturelles. De surcroît, la poursuite de l’assistance peut même
retarder certains pays en développement en renforçant leur dépendance,
en y décourageant la mise en place de structures de responsabilisation
et en les empêchant de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins.
72. Ces questions ont été discutées à la Banque asiatique de développement
(BAsD), dont le plus gros emprunteur et le troisième bailleur est
la Chine (en 2007, celle-ci a même offert des conditions plus avantageuses
que la BAsD dans le cadre d’un prêt destiné à améliorer l’approvisionnement
en eau de Manille, où cette Banque est implantée). Un rapport interne
a estimé que la BAsD devrait réduire ses activités de prêt et jouer
un rôle de conseillère et de coordonnatrice pour la région. Le rapport
a préconisé de maintenir le financement des infrastructures, en
faisant observer que l’Asie devra dépenser jusqu’à 4 700 milliards
de dollars dans ce secteur au cours des 10 prochaines années, mais
cette somme est à peine supérieure aux réserves détenues récemment
par les gouvernements des pays asiatiques.
73. On ne s’étonnera pas de constater la résistance à laquelle
les idées de la BAsD se heurtent parmi les pays les plus pauvres
de la région, comme le Cambodge – et, assurément, il y a encore
des pays, dans toutes les régions du monde en développement, qui
restent plus ou moins tributaires de l’aide. Mais bon nombre des pays
en développement les plus riches s’interrogent eux aussi: pour eux,
des institutions comme la BAsD et la Banque mondiale conservent
un rôle en matière de financement à long terme, en particulier lorsqu’il
s’agit de projets aussi vastes et complexes que des projets d’infrastructure.
Bien que ces gouvernements aient, ces dernières années, été en mesure
d’utiliser les marchés pour mobiliser une partie de ces fonds, ils
s’efforcent en général, par prudence, de diversifier leurs emprunts.
Autre raison pour eux de se montrer prudents, les marchés financiers
s’attendent plus ou moins à ce que les pays qui leur empruntent
de l’argent soient membres du FMI et de la Banque mondiale.
74. La situation est analogue en Amérique latine, où la Banque,
comme le FMI, a, au fil des ans, gagné une bonne partie de son argent.
A présent, seuls quelques pays de la région sont assez pauvres pour
remplir les conditions requises pour bénéficier de son aide; la
plupart sont emprunteurs et, en 2006, la Banque y a gagné 1,7 milliards
de dollars en intérêts et commissions, soit plus du tiers du total
de ses bénéfices. Comme ailleurs, cependant, la tendance a connu
une baisse: avant la crise financière, la Banque et ses homologues
régionaux avaient du mal à rivaliser avec le capital privé et certains
critiques disaient qu’elle devrait déclarer forfait. Pour des raisons
différentes, certains protagonistes de la région voudraient également
voir la Banque céder la place. En 2006, le Venezuela a proposé de
créer une énorme banque d’investissements, dégagée des contraintes de
Bretton Woods, à laquelle il a offert de faire don de la moitiéde
ses réserves en devises, évaluées à 30 milliards de dollars. Le
Venezuela, puis l’Equateur, ont indiqué qu’ils allaient se retirer
de la Banque et du FMI. On a également laissé entendre que les pays
africains seraient eux aussi invités à devenir membres de la nouvelle
institution.
75. Pourtant, la «Banco del Sur» n’a guère suscité l’enthousiasme.
L’Amérique latine a été l’un des plus gros clients du FMI dans le
passé et, sans doute, le lieu de quelques-uns de ses plus grands
succès. Mais elle est également un bon exemple de l’un de ses plus
gros problèmes: les gouvernements, certes, adoptent voire apprécient
sans le dire les mesures de rationalisation, mais ils aiment également
blâmer le FMI lorsque ces mesures sont impopulaires – un syndrome
que les représentants de l’Union européenne reconnaîtront sans peine!
76. Cela étant, le retrait des institutions de Bretton Woods comporterait
de nombreux risques. Tout d’abord, le fait de quitter le FMI entraînerait
un défaut technique de paiement des obligations émises par un pays
et ferait renchérir le coût des emprunts futurs; le retrait de la
Banque mondiale annulerait les traités bilatéraux d’investissement
qui ont été signés avec d’autres pays et qui utilisent les mécanismes
de règlement des différends en matière d’investissement de la Banque.
Il est probable que seul un Etat enrichi par le pétrole comme le
Venezuela pourrait envisager de le faire (et ce, avant la crise
financière et la chute des cours du pétrole), et même la Bolivie,
qui est peut-être le plus proche allié du Venezuela, a dit d’emblée
que le fait de devenir membre de la nouvelle banque n’impliquerait
pas de se retirer du FMI. Le Brésil, particulièrement sceptique,
s’est employé à limiter le champ d’activité de la banque. Il craint
en effet qu’une telle institution ne consente, pour des raisons
politiques, des prêts concessionnels qui risqueraient de n’être
jamais remboursés. Il s’inquiète aussi de l’équilibre du pouvoir
à l’échelon régional et pour ses propres intérêts commerciaux: il
a déjà sa propre banque de développement, qui fonctionne avec succès
parallèlement aux projets de la Banque mondiale et qui atteint un
volume d’opérations de prêt bien supérieur. Ainsi, en décembre 2007,
sept pays sont-ils devenus membres de la ’Banco del Sur’, sans s’entendre
définitivement sur son champ d’activité. Il semble, à ce stade,
qu’elle finisse par n’être qu’une entreprise relativement modeste
qui se concentrerait sur l’infrastructure transfrontalière; à ce
jour, personne ne s’est retiré du FMI ou de la Banque.
77. Il y a donc bien des raisons qui expliquent pourquoi les pays
se montrent prudents avant d’apporter des changements radicaux à
l’ordre économique international – il peut s’agir de raisons de
nature économique ou politique. Comme nous le voyons une fois encore,
le système peut être extrêmement fragile, et la stabilité financière
avec laquelle certains pays latino-américains avaient renoué récemment
est maintenant rudement mise à l’épreuve par la crise mondiale.
Une fois encore, c’est des institutions de Bretton Woods que l’on
attend le salut.
3. L’OMC: comment
récolter les fruits les plus accessibles?
78. Bien qu’officiellement, il ait été «provisoire»,
le GATT (General Agreement on Tariffs
and Trade) est parvenu à mener à bon port huit cycles
de libéralisation du commerce entre 1947 et 1994. Au début, la priorité allait
aux réductions tarifaires, mais dans les années 60, le cycle de
Kennedy a permis d’obtenir un accord antidumping et des mesures
de promotion du développement. Dans les années 70, le cycle de Tokyo
a abouti à une diminution d’un tiers en moyenne des droits de douane
des principales économies et a entrepris pour la première fois d’éliminer
les obstacles non tarifaires. Dans ce domaine, toutefois, les résultats
ont été inégaux, certains membres acceptant d’appliquer un grand
nombre d’initiatives sous la forme non d’accords juridiquement contraignants,
mais de «codes», et l’on n’a pas su faire face au problème du commerce
des produits agricoles. Jusque-là, le GATT avait obtenu des résultats
tangibles: les réductions tarifaires ont aidé le commerce à progresser
plus vite que la production, avec des taux moyens d’environ 8% pendant
les années 50 et 60; mais par la suite, les pays ont commencé à
imaginer de nouvelles formes de protection et de subventions. De
plus, le GATT n’était pas applicable au commerce des services et
ne pouvait s’opposer à une tendance à la conclusion d’accords bilatéraux
sur le partage des marchés.
79. On s’est donc employé de concert à renforcer les principes
du GATT, ce qui a abouti au cycle de l’Uruguay (1982-1995) et à
la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995.
Le cycle a mis en branle la plus importante réforme du commerce
mondial jamais lancée. Tous les secteurs avaient été passés au crible,
avec un élargissement aux services et à la propriété intellectuelle
et des réformes dans les secteurs sensibles de l’agriculture et
du textile. On y trouvait également un projet d’OMC, assorti d’un
système de règlement des différends et du mécanisme d’examen des
politiques commerciales, ce qui instituait l’arbitre officiel que
les pays avaient appelé de leurs vœux. La conclusion du cycle d’Uruguay
a coïncidé avec le lancement officiel de l’OMC.
80. La période qui a suivi a été marquée par une certaine lassitude
face à la succession des cycles de négociations commerciales. Le
cycle de l’Uruguay avait été si ambitieux et un si grand nombre
de pays avaient participé aux négociations qu’il fallait un peu
de temps pour en «digérer» les résultats. Le cycle de Doha n’a commencé
qu’en 2001, à la suite des événements du 11 septembre, mais n’a
pas été aussi fructueux. Les Etats-Unis et l’Union européenne semblent
ne pas avoir cessé de se quereller entre eux et avec une grande partie
du reste du monde au sujet de l’agriculture; mais il existe bien
des sujets de préoccupation au sein des pays émergents également,
s’agissant en particulier de l’abaissement de leurs propres droits
de douane. A l’été 2007, alors qu’il semblait davantage possible
de s’entendre sur l’agriculture, le Brésil a pris la tête d’un groupe
de pays qu’inquiétait la perspective de l’’importation d’articles
manufacturés bon marché, en particulier en provenance de Chine.
Par une coïncidence ironique, la Chine elle-même était sur le point
de perdre en appel lors de la première procédure engagée contre
elle en tant que membre de l’OMC
.
81. La nouvelle tentative importante de conclure un accord commercial
faite un an après, en juillet 2008, a également échoué sur fond
de renforcement des positions protectionnistes, de méfiance et de
désaccord sur les subventions à l’agriculture et un mécanisme de
sauvegarde pour les articles sensibles. On a laissé échapper une
autre occasion d’éliminer les distorsions nuisant au commerce mondial,
à la concurrence et à l’esprit d’entreprise, ce dont les pays en
développement ont eu le plus à se plaindre.
Les
droits de douane sont beaucoup plus élevés sur les articles produits
principalement par les pays en développement que sur ceux que produisent
les pays riches
,
ce qui tient en partie au fait que les premiers n’étaient pas représentés
dans les cycles de négociations commerciales antérieurs.
82. Le cycle de négociations de Doha a été déclaré dans l’impasse
si souvent – et pour tant de raisons différentes – que c’est à se
demander comment il peut encore être sauvé. Bien qu’à la suite de
l’échec des négociations ministérielles de juillet 2008, plusieurs
appels se soient fait entendre pour une revitalisation des négociations
comme moyen de stimuler la croissance mondiale, l’argument du protectionnisme
tend à gagner les esprits en période de récession. Aujourd’hui,
la question principale qui se pose à l’OMC est la suivante: jusqu’à
quel point et à quel rythme les intérêts nationaux peuvent-ils être
subordonnés à la cause du libre-échange?
83. Selon le Center for Global Development,
l’élimination des entraves au commerce mondial permettrait d’arracher
500 millions de personnes à la pauvreté, l’ouverture des marchés
agricoles produisant environ la moitié de cet effet. Le monde en
développement sera largement bénéficiaire puisqu’en moyenne, une
hausse de 1% du ratio commerce/production du pays augmente en définitive
son revenu d’un demi pour cent, soit 1% de réduction de la pauvreté.
Les études du Département de l’Agriculture américain montrent que
le fait d’éliminer les subventions agricoles dans les pays riches
aboutirait à un gain de 24% sur la valeur des exportations agricoles
des pays pauvres, soit un quart de leurs exportations totales, alors
que ce secteur emploie environ la moitié de la population.
84. Toutes les parties s’accordent sur un point: les enjeux sont
élevés. En ce qui concerne les services – longtemps exclus des négociations
commerciales, mais devenus le secteur de l’économie mondiale dont
la croissance est la plus rapide –, les gains pourraient, selon
l’OCDE, atteindre 500 millions de dollars. Cette organisation estime
également que les avantages socioéconomiques globaux pourraient
se chiffrer à environ 100 milliards de dollars en cas de libéralisation
complète des droits de douane fixés pour les produits industriels
et agricoles – et à encore autant en cas d’accord sur la facilitation
du commerce (l’élimination des obstacles de procédure). Les pays
en développement pourraient récolter jusqu’aux deux tiers de ces avantages.
Pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, les études de
la Banque mondiale montrent que plus de la moitié du fardeau qui
pèse sur les exportations des pays en développement découle des
restrictions imposées par d’autres pays en développement. Cela tient
en partie au fait que les pays en développement continuent souvent
d’imposer des droits de douane élevés et en partie au fait que les
échanges de beaucoup de ces pays se font essentiellement avec d’autres
pays de leur catégorie. Il n’existe donc aucune bonne alternative
à une ouverture mondiale des marchés.
85. Sans accord de Doha, les distorsions existantes risquent de
devenir indéracinables et le système multilatéral fondé sur des
règles risque de s’affaiblir, tandis que les pays auraient de plus
en plus recours aux accords bilatéraux et régionaux, ce qui rappellerait
les années d’avant-guerre. On assiste d’ores et déjà à une prolifération
de ces types d’accords. Les Etats-Unis, par exemple, ont conclu
toute une série d’accords bilatéraux, en particulier avec des pays
d’Amérique latine, cependant qu’en Asie, on envisage un accord de libre-échange
«réservé à l’APEC” (FTAAP). Il ne resterait bientôt plus à l’OMC
qu’à arbitrer les différends, les échanges mondiaux s’organisant
par le biais non plus de la loi, mais du contentieux. On ne s’étonnera
donc pas que l’OCDE considère le cycle de Doha comme une police
d’assurance à faible coût contre un retour en force du protectionnisme
et des guerres commerciales, et enjoigne aux principaux protagonistes
de cueillir ce qu’elle appelle les «fruits les plus accessibles»
de la structure commerciale mondiale.
86. Quelles sont alors les perspectives? Pour le moment, les responsables
du processus refusent de baisser les bras. Pour conclure un accord,
il faudrait consentir un immense effort de volonté politique et
peut-être prendre des risques soigneusement calculés pour obtenir
des conditions acceptables par toutes les parties. Des observateurs
tels que l’OCDE estiment que la base d’un accord existe: on note
une large convergence de vues sur diverses questions importantes.
Mais aucun cycle de négociations commerciales n’a jamais été aussi
complexe et certains se demandent si les principaux Etats approuveraient
ce que leurs négociateurs peuvent proposer.
87. Après s’être efforcée de parvenir à une conclusion à plusieurs
reprises, l’OMC semble ne plus avoir beaucoup de latitude en matière
de négociation: le ralentissement économique rendra certainement
les concessions plus difficiles à accepter, alors qu’elles sont
plus nécessaires que jamais pour stimuler la croissance, et que
jusqu’ici, les négociations commerciales multilatérales ne semblent
pas figurer parmi les principales priorités de la nouvelle Administration
américaine. Néanmoins, à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009,
les responsables du G20, ayant appelé à rejeter le protectionnisme,
ont en outre ajouté qu’ils demeurent engagés en faveur d’une conclusion
ambitieuse et équilibrée du Cycle de développement de Doha, dont
nous avons tous un besoin urgent. Ceci pourrait stimuler l’économie
mondiale d’au moins 150 milliards de dollars par an. Pour y parvenir,
les gouvernements se sont engagés à capitaliser sur les progrès
déjà enregistrés, y compris en ce qui concerne les modalités. Ils
se pencheront sur cette question critique avec un regain d’intérêt et
d’attention politique dans les mois qui viennent, et mettront à
profit leurs travaux et toutes les réunions internationales pertinentes
pour alimenter les progrès.
88. Entre-temps, la communauté internationale devrait continuer
d’aider les pays les plus faibles à lever les obstacles qui les
empêchent d’exploiter les nouvelles possibilités commerciales. C’est
la raison pour laquelle la Banque mondiale travaille avec l’OMC
et les partenaires du développement à un programme d’“aide au commerce”
(aid for trade) destiné à
mobiliser des ressources pour aider les pays pauvres à consolider
leur capacité commerciale et profiter des avantages potentiels de
la mondialisation. L’effet du resserrement du crédit sur le commerce
est un problème encore plus urgent. Le financement du commerce international
doit figurer en priorité immédiate sur les agendas de la Banque
mondiale, du FMI et de l’OMC. D’où l’importance de la promesse faite
le 2 avril 2009 par les responsables du G20 de garantir la disponibilité
d’au moins 250 milliards de dollars au cours des deux prochaines
années pour soutenir le financement du commerce par le biais des
agences de crédit et d’investissement à l’export et grâce aux banques
de développement multilatérales, les responsables ayant également
promis de demander à leurs régulateurs d’utiliser la flexibilité disponible
en matière de besoins en capitaux pour le financement du commerce.
89. Pour le rapporteur, une approche multilatérale telle que celle-ci
représente à la fois une reformulation intéressante et une extension
des idéaux de Bretton Woods
. L’Assemblée
a exprimé son soutien à ces objectifs et invité les principaux protagonistes
à ne pas ménager leurs efforts pour faire en sorte que le Cycle de
Doha aboutisse. Nous devons être bien conscients que si tel n’était
pas le cas, cela pourrait retarder l’action entreprise par la communauté
internationale pour conclure d’autres accords multilatéraux de grande envergure,
notamment pour maîtriser le réchauffement de la planète et s’attaquer
aux dysfonctionnements de la mondialisation.
90. En matière de réforme, nous devrions prendre note de l’appel
lancé par le chef de l’OMC, Pascal Lamy, en ce qui concerne la nécessité
de changer les règles en vue des futures négociations, et de l’opinion
de l’ancien Directeur général de l’OMC Supachai Panitchpakdi, qui
avait constaté le «dysfonctionnement» de certains rouages de l’OMC.
La complexité du jeu multidimensionnel est telle que les négociations
marathons semblent devoir rester dans l’impasse: la règle de l’OMC
selon laquelle chaque membre dispose d’un droit de veto et celle
selon laquelle «rien n’est adopté jusqu’à ce que tout soit approuvé»
ont trouvé leurs limites. Il est difficile de dégager un consensus
sur chaque problème. Il est temps que les 153 membres de l’OMC admettent que
des accords de moindre envergure devraient pouvoir être négociés
dans des secteurs commerciaux spécifiques entre les pays souhaitant
faire avancer les choses et rendre ainsi possible la conclusion
de l’accord définitif. Parmi les autres idées évoquées, on parle
d’une négociation en bloc par des groupes de pays, et de l’élaboration
des propositions par des experts neutres plutôt que par les pays
eux-mêmes.
91. Ce sont les gouvernements qui négocient à l’OMC au nom de
leurs pays, mais il ne faudrait pas sous-estimer le rôle des parlements.
L’OMC n’a pas d’assemblée parlementaire, mais les parlements nationaux
sont invités à valider les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux
négociés par les gouvernements, notamment dans le cadre de l’OMC,
et à voter des lois qui doivent être compatibles avec les engagements commerciaux
pris au niveau international par leurs pays. Le Parlement européen
,
l’Assemblée parlementaire et l’Union interparlementaire appellent
depuis quelque temps à donner à l’OMC une dimension parlementaire, qui
a jusqu’à présent pris la forme de conférences parlementaires sur
l’OMC.
92. L’une de ces conférences (qui s’est tenue à Genève les 11
et 12 septembre 2008) a adopté une déclaration soulignant qu’il
est crucial que les parlements exercent encore plus vigoureusement
et efficacement leurs fonctions constitutionnelles de supervision
et de contrôle de l’action de l’exécutif dans le domaine du commerce
international, et jouent un rôle bien plus important dans la supervision
des activités de l’OMC et dans la promotion de l’équité du processus
de libéralisation du commerce.
93. Il est à souhaiter qu’une conférence ministérielle de l’OMC
en plénière puisse être organisée dès que possible pour discuter
de l’orientation stratégique de l’Organisation à la lumière de la
crise économique et financière mondiale, afin de passer en revue
les perspectives pour le Cycle de Doha, de mettre en lumière la nécessité
de lutter contre le protectionnisme et de discuter des questions
de réforme interne.
4. L’OIT: promouvoir
les normes fondamentales en matière de travail
94. A mesure que la mondialisation a modifié la nature
des relations entre les Etats en éliminant les frontières nationales
dans bien des secteurs, certaines questions épineuses touchant les
travailleurs migrants, les normes en matière de travail et la justice
sociale sont passées au premier plan. L’Organisation internationale
du Travail (OIT), née en 1919 à la même époque que la Société des
Nations et devenue en 1946 la première institution spécialisée de
l’ONU, offre, à l’échelle mondiale, un cadre institutionnel destiné
à élaborer des solutions permettant d’améliorer le développement
et la condition humaine par la création d’emploi et un travail décent.
Parmi ses réalisations passées, certaines sont devenues indissociables
de la société moderne, telles que la journée de travail de huit
heures, la protection de la maternité, l’interdiction du travail
forcé, la réglementation du travail des enfants, les politiques
de sécurité sur le lieu de travail, les recommandations concernant
l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes et les
droits fondamentaux à la liberté d’association, à la négociation
collective et à la grève. La Déclaration relative aux principes
et droits fondamentaux au travail, adoptée en 1999, réaffirme l’engagement
pris au niveau multilatéral de respecter les droits des travailleurs
et des employeurs (à la liberté d’association et à la négociation
collective) et engage les Etats à éliminer le travail forcé, le
travail des enfants et la discrimination sur le lieu de travail.
95. Comme l’OIT le reconnaît, le travail des enfants est une question
des plus préoccupantes sur les plans social, économique et des droits
de l’homme: on estime à 218 millions le nombre des enfants qui travaillent dans
le monde
,
souvent au détriment d’une éducation et de soins médicaux suffisants.
La volonté d’éliminer les pires formes de travail des enfants (parmi
lesquelles l’esclavage, l’exploitation sexuelle, les activités illicites et
les pratiques nuisibles pour la santé, la sécurité ou la moralité)
a conduit à faire adopter en 1999 une convention essentielle de
l’OIT et, dans une perspective plus générale, la communauté internationale
s’est engagée, en adoptant les objectifs du Millénaire pour le développement,
à faire en sorte que, d’ici à 2015, tous les enfants finissent leurs
études primaires. Encore faut-il faire appliquer les dispositions
de cette Convention, ce qui n’est pas chose aisée, en particulier
dans les pays en développement. Plusieurs institutions spécialisées de
l’ONU, la Banque mondiale, les banques de développement régionales
et les organisations de la société civile sont les principaux partenaires
de l’OIT dans cette entreprise.
96. La population mondiale augmentant d’environ 84 millions de
personnes par an (dont 97% vivent dans les pays en développement),
ce sont à peu près 100 millions de personnes qui se présentent chaque
année sur le marché du travail alors que l’on compte plus d’un milliard
de personnes au chômage ou en situation de sous-emploi. Surtout
à cause de la crise économique et financière, mais aussi pour toute
une série de raisons sociales et politiques, la promesse de la mondialisation
de procurer des avantages économiques par le biais d’’emplois plus
nombreux et de meilleure qualité ne s’est toujours pas concrétisée.
À cet égard, le Directeur Général de l’OIT, M. Juan Somavia, dans
sa déclaration du 20 octobre 2008, indiquait que les dirigeants mondiaux
ne devraient pas se contenter de se focaliser sur les institutions
financières lorsqu’ils traitent de plan de sauvetage, mais, et c’est
là le point le plus important, sur les gens, en particulier les
personnes les plus vulnérables. Il a souligné la nécessité d’une
action prompte et coordonnée des gouvernements pour éviter une crise
sociale qui pourrait être grave, de longue durée et mondiale
.
La crise aggraverait de manière significative le chômage
, et c’est pourquoi
il faudrait prendre des mesures pour étendre la protection sociale et
la prise en charge du chômage, faciliter la formation, consolider
les services de placement et mettre en oeuvre des programmes d’urgence
en faveur de l’emploi. La crise ayant déjà laminé les fonds de pension investis
en bourse, les régimes de retraite devraient se voir doter de liquidités
suffisantes pour éviter d’avoir à vendre des actifs dans un marché
effondré afin de pouvoir servir les prestations.
97. Dans sa Résolution 1651 (2009) du 29 janvier 2009 sur les
conséquences de la crise financière mondiale, l’Assemblée parlementaire
a apporté son soutien à la déclaration de M. Somavia et déploré
le fait que «le plan d’action du G20 [adopté le 15 novembre 2008]
ne fasse pas référence à la protection des droits sociaux et économiques
des citoyens en période de crise.» C’est pourquoi il y a lieu d’être
satisfait que les responsables du G20, à leur Sommet de Londres
du 2 avril 2009, aient déclaré reconnaître la dimension humaine
de la crise. Ils se sont engagés à soutenir tous ceux qui sont touchés
par la crise en créant des opportunités d’emplois et par le biais
de mesures de soutien au revenu. Ils construiront un marché du travail équitable,
respectueux des familles, pour les femmes comme pour les hommes.
Ils se réjouissent donc des comptes-rendus de la Conférence de Londres
sur les emplois et du Sommet social de Rome, ainsi que des principes
clés qui y ont été proposés. Ils soutiendront l’emploi en stimulant
la croissance, en investissant dans l’éducation et la formation
et grâce à des politiques actives du marché du travail, en se focalisant
sur les plus vulnérables. Ils ont invité l’OIT, conjointement avec
d’autres organisations pertinentes, à évaluer les actions entreprises
et celles qu’il serait nécessaire d’entreprendre ultérieurement.
98. Les mauvaises conditions de travail, le travail forcé et précaire
et le traitement inéquitable des travailleurs migrants (qui sont
environ 81 millions dans le monde) demeurent de très graves sujets
de préoccupation à l’échelle planétaire. Toutefois, si les pays
développés considèrent être moralement tenus d’aider le monde en
développement à appliquer les normes fondamentales en matière de
travail, ce qui doit permettre d’ancrer les droits fondamentaux
et de garantir une concurrence plus loyale, les pays en développement
y voient trop souvent une forme de néoprotectionnisme de la part
des pays industrialisés. Il est donc indispensable de promouvoir
la compréhension mutuelle dans ce domaine par le canal des institutions économiques
mondiales (en particulier l’OIT, la Banque mondiale et l’OMC) et
d’élaborer autour des problèmes qui se posent des instruments d’action
positive propices à l’aboutissement d’un accord gagnant-gagnant
pour toutes les parties.
5. L’OCDE en tant
que pionnière
99. Capitalisant sur son expertise économique incontestable,
l’OCDE, qui regroupe 30 des pays industriels les plus avancés au
monde et traverse actuellement un processus d’expansion au terme
duquel elle va accueillir également des économies émergentes, a
défini une réponse stratégique à la crise financière et économique
, qui met l’accent
sur la nécessité d’aligner les réglementations et les incitations
dans le secteur financier pour garantir une supervision et une gestion
des risques plus strictes. L’OCDE pousse également les gouvernements
à réviser et à améliorer leurs politiques nationales, ainsi qu’à
améliorer la coordination internationale afin de restaurer les conditions
propices à la croissance économique.
100. De son point de vue, pratiquement tous les Etats membres de
l’OCDE peuvent adopter des politiques structurelles de stimulation
de la croissance qui pourraient, potentiellement, la consolider
à court terme autant qu’à long terme. Parmi les pistes à explorer,
elle cite l’introduction de réformes pour adapter la réglementation anticoncurrentielle
des marchés des produits, la réduction de la charge des prélèvements
obligatoires pour les travailleurs à bas revenus ainsi que le démarrage
de grands projets d’infrastructure et des programmes de formation
obligatoire pour les chômeurs.
101. Au-delà de ces actions, cependant, l’OCDE souligne la nécessité
de repenser le fonctionnement de l’économie mondiale. Il faut absolument
viser la mise en place d’une économie mondiale qui ne soit pas seulement
plus forte et plus stable, mais aussi plus éthique, respectueuse
de l’environnement et plus équitable. Les mesures nécessaires pour
consolider l’économie et accroître la prospérité passent par une
amélioration des réglementations, le renforcement de la gouvernance
d’entreprise, la promotion du commerce, de l’investissement et de
la concurrence et l’élaboration de politiques propices à une croissance
durable. Dans le même temps, il convient de prêter attention à la
dimension environnementale en s’attaquant au problème du changement
climatique.
102. Pour améliorer les normes éthiques dans l’économie, il est
nécessaire de promouvoir la transparence et l’intégrité, de lutter
contre la corruption et le blanchiment de capitaux et de combattre
la fraude fiscale. Afin de promouvoir une économie plus équitable,
il conviendrait de partager les dividendes de la prospérité en stimulant
l’emploi et l’inclusion sociale, en facilitant le développement
et en assurant une éducation et des soins de santé adéquats.
103. L’OCDE travaille actuellement de concert avec d’autres institutions
internationales économiques et financières pour renforcer la coordination
de la réponse mondiale à la crise. Ainsi, ses experts ont rencontré leurs
homologues du FMI et de la Banque mondiale le 4 février 2009 pour
un séminaire sur la réponse à la crise et les stratégies de sortie
de crise
. Les participants ont souligné le
besoin urgent de restaurer la confiance des marchés dans le secteur
financier et de stimuler l’économie réelle, de se montrer vigilant
à l’égard du protectionnisme tant dans le commerce que dans les
investissements, de soutenir la formation de capital humain et d’éviter
les politiques qui viendraient saper les récentes réformes ou réduire
l’offre de main-d’oeuvre, ainsi que de se mobiliser au niveau des
tribunes internationales et institutions multilatérales pour coordonner
la réponse politique et concevoir la nouvelle architecture réglementaire.
104. Pour leur part, les responsables du G20, à leur Sommet de
Londres du 2 avril 2009, ont noté, dans le cadre de la lutte en
faveur de la transparence fiscale et de leurs promesses d’agir à
l’encontre des juridictions non coopératives, y compris les paradis
fiscaux, que l’OCDE a publié le jour même une liste des pays évalués par
le Forum mondial de cette organisation en comparaison avec les normes
internationales d’échange d’informations à des fins fiscales. À
la suite de la réunion du G20, l’OCDE a publié un rapport détaillé
sur les progrès réalisés par les centres financiers du monde entier
sur la voie de la mise en oeuvre de la norme concernant l’échange
d’informations à des fins fiscales, approuvée par la communauté
internationale
. Par la suite, les quatre pays qui
ne s’étaient pas encore engagés en faveur de cette norme, à savoir
le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay, ont annoncé
leur intention de le faire. Toutefois, la liste a été critiquée dans
certains cercles, qui y voyaient une initiative visant à blanchir
le Royaume-Uni (Jersey, Guernesey etc.) par exemple, et qui déploraient
son absence de clarté à l’égard d’un certain nombre de paradis fiscaux, notamment
Hong-Kong et Macao
.
105. Pour beaucoup, l’OCDE reste une organisation purement économique,
une fournisseuse de données, un groupe de réflexion et une instance
d’élaboration de politiques; pourtant, elle replace les questions économiques
dans le contexte plus général. A l’ère de la mondialisation, l’OCDE
s’est donné les moyens de mieux aborder les problèmes liés à l’environnement,
à la santé, à l’éducation, à l’innovation, à la gouvernance et aux
mutations sociales, les considérant comme des éléments du progrès
et de la prospérité de la société. Elle surveille les tendances,
et partage les expériences et l’expertise au niveau politique avec
plus d’une centaine de pays – bien au-delà du cercle de ses 30 Etats
membres. Toutefois, les critères d’adhésion ne sont pas tout à fait
clairs et devraient, à l’avenir, être précisés. Œuvrant en collaboration
avec des organisations partenaires très diverses (dont les institutions
de Bretton Woods, le Conseil de l’Europe, l’OIT et beaucoup d’autres
institutions onusiennes), elle veille attentivement sur la planète
et nourrit une réflexion approfondie sur le développement équilibré.
106. Quant à l’avenir, la capacité de l’OCDE à détecter les problèmes
de fond à mesure qu’ils se dessinent, les risques systémiques et
les défis à long terme qui se posent au développement la met en
mesure de jouer le rôle d’un acteur principal de la modernisation
et de l’élaboration de politiques plus cohérentes au niveau multilatéral.
Sachant à quel point il est difficile de concevoir et de mettre
en œuvre des réformes structurelles, les membres de la Commission
des questions économiques et du développement de l’Assemblée apprécient tout
particulièrement l’éclairage sous lequel elle présente l’«économie
politique des réformes», ses conseils sur les questions de réforme
structurelle, ses travaux en cours sur «la mesure des progrès dans
les sociétés» et ses orientations, avec le FMI, sur les meilleures
pratiques d’application volontaire à l’intention des fonds souverains.
107. Les rapport et débat sur l’OCDE organisés chaque année par
l’Assemblée parlementaire, élargie aux délégations parlementaires
des Etats membres de l’OCDE non européens, constituent une opportunité
unique de faire qu’une tribune parlementaire exerce une supervision
démocratique sur les activités aussi complexes qu’étendues de l’OCDE,
dans l’intérêt de tous les participants concernés. Cette pratique
devrait être poursuivie.
6. La BRI en tant
que coordonnatrice mondiale
108. Créée en 1930, la Banque des règlements internationaux
(BRI) est la plus ancienne institution financière du monde à promouvoir
la stabilité financière internationale (et nationale), l’assainissement
des systèmes bancaires et la coopération entre banques centrales.
Elle compte 55 membres, des banques centrales (dont celles de 32
Etats membres du Conseil de l’Europe et la Banque centrale européenne)
qui s’emploient à harmoniser leurs politiques monétaires avec les
réalités du marché, à intervenir en injectant des ressources massives
dans les situations d’urgence et à exercer un pouvoir de réglementation
de nature à accroître la transparence et la prévisibilité des marchés
financiers.
109. Le Comité de Bâle sur la supervision bancaire de la BRI fait
autorité pour ses conseils en matière de politiques bancaires et
est surtout connu pour ses normes d’adéquation des fonds propres
(Accord de Bâle I de 1988 – remplacé en 2004 par l’Accord de Bâle
II), les Principes fondamentaux de Bâle pour un contrôle bancaire
efficace et le Concordat sur le contrôle bancaire transfrontalier.
Toutefois, des divergences importantes continuent d’opposer les
Etats-Unis, l’Union européenne et l’ONU en ce qui concerne le degré d’adéquation
des fonds propres et de contrôle des réserves à atteindre dans le
système bancaire mondial. Les organismes des Nations Unies se sont
montrés particulièrement critiques à l’égard d’arrangements qu’ils
ont considérés comme purement techniques et insuffisants pour désamorcer
les risques fondamentaux. Certains détracteurs constatent par ailleurs
que la BRI ne dispose pas de moyens suffisants pour faire appliquer
plus largement sa réglementation afin d’éliminer ce qui fausse et
rend asymétrique la concurrence sur le marché financier mondial.
Du reste, on s’accorde de plus en plus largement à penser que la
BRI devrait jouer le rôle d’un filet de protection financière en
s’attaquant à certains problèmes spécifiques tels que le développement des
centres financiers offshore,
les institutions à fort coefficient d’endettement, l’assurance des
dépôts, le blanchiment d’argent et les systèmes comptables.
110. À leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, les responsables
du G20 sont convenus que toutes les institutions, marchés et instruments
financiers ayant une importance systémique devraient faire l’objet
d’un niveau de régulation et de supervision approprié, décidant
en particulier de modifier les systèmes réglementaires pour faire
en sorte que les autorités soient à même d’identifier et de prendre
en compte les risques prudentiels macro-économiques transversalement,
dans tout le système financier, y compris dans le cas des banques
réglementées, des banques occultes et des pools privés de capitaux,
afin de limiter l’inflation du risque systémique. Ils ont invité
le FSB (voir ci-dessous) à travailler avec la BRI et les organismes internationaux
normatifs pour élaborer des outils prudentiels macro-économiques
et à faire rapport d’ici l’automne 2009
.
7. Le Forum pour la
stabilité financière (FSF), rebaptisé Financial Stability Board
(FSB)
111. La crise économique et financière a ramené au coeur
du débat sur une réponse politique une institution jusqu’ici assez
peu connue, le Forum pour la stabilité financière (FSF), dont les
responsables du G20, à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, ont
fait le Financial Stability Board (FSB).
Basé auprès de la BRI à Bâle, dont il partage les ressources de
secrétariat, le FSF s’est réuni aussi souvent que nécessaire, regroupant
de hauts représentants d’autorités financières nationales (en d’autres
termes de banques centrales, d’autorités de tutelle et de ministères
des finances) des pays du G7, de l’Australie, de Hong-Kong, des
Pays-bas, de Singapour et de la Suisse, d’institutions financières
internationales, de groupementsinternationaux de supervision et
de réglementation, de comités d’experts de banques centrales et
de la Banque centrale européenne. Le FSB va maintenant inclure,
outre les membres du FSF, tous les autres pays du G20, l’Espagne et
la Commission européenne.
112. Le FSF s’est réuni pour la première fois en avril 1999, à
l’initiative des ministres des Finances et gouverneurs des Banques
centrales des pays du G7, pour promouvoir la stabilité financière
internationale, améliorer le fonctionnement des marchés financiers
et réduire la tendance des chocs financiers à se propager d’un pays
à l’autre, déstabilisant ainsi l’économie mondiale.
113. Le mandat du FSF consiste à apprécier les vulnérabilités du
système financier international, à identifier et à superviser l’action
nécessaire pour traiter ces vulnérabilités et à améliorer la coordination
et l’échange d’informations entre les diverses autorités responsables
de la stabilité financière.
114. Le FSF s’efforce de faire avancer rapidement un ordre du jour
multilatéral élargi pour renforcer les systèmes financiers et la
stabilité des marchés financiers internationaux. Les changements
nécessaires sont mis en œuvre par les autorités financières nationales
et internationales concernées.
115. Depuis 2001, le FSF tient également des réunions régionales
avec les autorités financières d’Etats non membres d’Amérique latine,
de la zone Asie-Pacifique et d’Europe centrale et orientale.
116. En avril 2008, le FSF a soumis aux ministères des finances
et gouverneurs des Banques centrales des pays du G7 un ensemble
complet de recommandations pour traiter les faiblesses à l’origine
de la crise financière et pour consolider le système financier.
Le rapport sur la consolidation des marchés et la résilience institutionnelle
s’appuyait sur des travaux de fond menés par les autorités nationales
et les principaux organes internationaux de supervision et de réglementation
et des Banques centrales.
117. Les principes directeurs sous-tendant ces travaux visaient
à recréer un système financier opérant avec moins d’effet de levier,
qui soit immunisé face à l’ensemble d’incitations malencontreuses
à la source de cette crise, dans lequel la supervision prudentielle
et réglementaire est renforcée et où la transparence permet une meilleure
identification et une meilleure gestion des risques
.
118. Les actions recommandées par le FSF et adoptées par le G7
devaient être mises en oeuvre avant la fin de 2008. Elles prévoyaient
des mesures supplémentaires pour renforcer les normes et la supervision
du capital bancaire et des liquidités, les normes de gestion de
risque dans les institutions financières, les pratiques d’évaluation
et les normes comptables.
119. Le FSF a annoncé, en octobre 2008, dans son rapport de suivi,
qu’il continuerait de superviser et de coordonner la mise en œuvre
des recommandations de manière à préserver les avantages présentés
par des marchés financiers mondiaux intégrés et des règles du jeu
identiques d’un pays à l’autre. En outre, le FSF superviserait et
traiterait l’interaction internationale et la cohérence des arrangements
et réponses d’urgence qui seraient mises en place pour traiter la
crise financière actuelle, travaillerait à pallier les sources des phénomènes
procycliques dans le système financier, réévaluerait la portée des
réglementations financières, en mettant particulièrement l’accent
sur les institutions, les instruments et les marchés actuellement
non réglementés, et travaillerait à mieux intégrer la supervision
macroéconomique et la supervision prudentielle, pour aider à traduire
plus efficacement des préoccupations systémiques en réponses concrètes
sur le plan de la supervision et de la réglementation.
120. Partant des travaux actuels du FSF pour aller plus loin, les
dirigeants du G20 ont donné au nouvel organe, le FSB, un rôle très
large pour renforcer le système financier, notamment sa supervision
et sa réglementation, et l’ont également chargé de suivre les progrès
avec le FMI.
8. Le défi de la coordination
économique et financière mondiale
121. Alors que le monde globalisé traverse une crise économique
et financière, plus que jamais nous avons besoin, au niveau planétaire,
d’une coordination plus intensive au plan mondial. Jusqu’ici, on
peut dire que les gouvernements ont pris la tête de la réaction
à la crise en se réunissant pour discuter de ce qu’il conviendrait de
faire, notamment sous l’impulsion des dirigeants de la France et
du Royaume-Uni. Plusieurs des institutions mentionnées dans le présent
rapport sont impliquées, et, tant ces institutions que le système
financier et économique mondial devraient sortir renforcés des discussions
sur les décisions actuelles (complexes et présentant des aspects
fort divers) qui doivent encore être mises en œuvre.
122. Un premier pas a été fait par les dirigeants des pays industrialisés
et en développement du G20 lors de leur Sommet de Washington, le
15 novembre dernier. Dans leur déclaration, les dirigeants étaient
déterminés à renforcer la coopération et à travailler ensemble à
restaurer la croissance au niveau mondial et à mettre en œuvre les
réformes nécessaires dans les systèmes financiers mondiaux. Ils
avaient analysé les sources de la crise et les actions détaillées
déjà prises et à prendre pour stabiliser les marchés financiers
et soutenir l’économie mondiale. Pour ce qui concerne les institutions
internationales économiques et financières, le G20 insistait sur
le rôle important du FMI dans la réaction à la crise, se réjouissait
de sa nouvelle facilité de liquidités à court terme et insistait
vivement pour que ses instruments et facilités fassent l’objet d’une
révision permanente afin d’en garantir la souplesse. Ils encourageaient
la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement
à mettre leurs pleines capacités au service de leur programme de développement
et se réjouissaient de la récente introduction de nouvelles facilités
par la Banque mondiale dans les domaines de l’infrastructure et
du financement du commerce. Ils prenaient également l’engagement de
veiller à ce que le FMI, la Banque mondiale et d’autres banques
multilatérales de développement soient dotées de ressources suffisantes
pour continuer à jouer leur rôle en vue de surmonter la crise.
123. En ce qui concerne la réforme des institutions financières
internationales, les dirigeants du G20 avaient déclaré qu’ils s’engageaient
en faveur de la progression de la réforme des institutions de Bretton
Woods pour que celles-ci puissent mieux refléter les puissances
économiques évolutives dans l’économie mondiale afin d’accroître
leur légitimité et leur efficacité. À cet égard, avaient-ils déclaré,
les économies émergentes et en développement, y compris les pays
les plus démunis, devraient avoir davantage voix au chapitre et
être plus représentés. Le FSF devait d’urgence s’ouvrir à une plus
large participation des économies émergentes, et d’autres grands
organes normatifs rapidement revoir leur composition. Le FMI, en
collaboration avec le FSF élargi et d’autres organes, devrait s’atteler
à mieux identifier les vulnérabilités, à anticiper les contraintes potentielles
et à réagir très rapidement pour jouer un rôle clé dans la réponse
à la crise. Des propositions plus détaillées étaient formulées dans
le plan d’action pour mettre en œuvre les principes de réforme.
124. Le deuxième pas en avant majeur a été le Sommet de Londres
du 2 avril 2009 des responsables du G20, qui ont pris plusieurs
décisions dont le présent rapport s’est fait l’écho à diverses reprises.
Les résultats de ce Sommet ont suscité de manière générale des commentaires
positifs, teintés de prudence. D’une part, la promesse de croissance
triplée pour le FMI (allant jusqu’à 750 milliards $) afin de lui
permettre de venir au secours de pays en difficulté, une augmentation
de 250 milliards $ de ses DTS (droits de tirage spéciaux) pour stimuler
la liquidité mondiale, 250 autres milliards $ pour garantir le financement
du commerce international, l’engagement d’éviter les mesures protectionnistes,
la décision de s’attaquer aux paradis fiscaux et la détermination
de renforcer la réglementation du système financier par des institutions
telles que le nouveau Finance Stability
Board sont autant d’initiatives bienvenues. L’on s’inquiète
en revanche de savoir d’où viendra une bonne partie des nouveaux
fonds, du fait que la divergence fondamentale n’est toujours pas
résolue pour déterminer le niveau de relance économique nécessaire
pour tirer l’économie mondiale hors de la récession, et l’on ne
sait toujours pas clairement comment le système bancaire va être
assaini.
125. Si force est de reconnaître que seuls les gouvernements et
les banques centrales contrôlent les ressources réelles pour les
plans de relance et opérations de sauvetage nécessaires afin de
contrer la récession, ces deux acteurs institutionnels se sont montrés
à la hauteur dans le cadre coordonné du G20 et de l’Union européenne,
qui devrait continuer de donner des orientations et des objectifs.
Une coopération mondiale et régionale de cette nature est vitale
pour surmonter une crise économique et financière qui a paralysé
l’économie mondialisée.
9. Conclusion
126. Lorsque le rapporteur a commencé à travailler sur
ce rapport, les perspectives pour les institutions économiques internationales
n’étaient pas particulièrement roses. L’économie mondiale était
en plein essor et le crédit était de manière générale accessible
à de bien meilleures conditions que celles proposées par le FMI ou
la Banque mondiale aux pays souhaitant emprunter. Les institutions
de Bretton-Woods en étaient réduites à s’efforcer de se trouver
une nouvelle raison d’être. Elles étaient prises sous le feu des
critiques qui stigmatisaient leur manque de pertinence et leur incapacité
à se réformer. Paradoxalement, la crise qui a mis sur le flanc le
système financier et économique mondial, avec des conséquences que
l’on est encore loin de mesurer pleinement sur le plan social et
humain, a représenté pour ces institutions une bouée de sauvetage. Le
FMI et la Banque mondiale en sont sortis considérablement renforcés,
non seulement grâce à l’augmentation significative des ressources
dont on les a dotés, mais également grâce aux réformes qui ont été
mises en chantier par leur direction. Ce paradoxe n’a rien d’énigmatique.
En effet, ces institutions ont été créées à la suite de la 2e guerre
mondiale, précisément dans le but de garantir un système financier
sain et de promouvoir la croissance économique et le développement.
Elles doivent maintenant revenir à leurs fondamentaux, alors que
les circonstances ont changé.
127. Pour ce qui concerne l’OMC, elle a été pénalisée du fait des
déceptions engendrées par l’incapacité persistante à conclure le
cycle de Doha des négociations commerciales, et, contrairement aux
deux autres institutions mentionnées plus haut, la crise n’aboutit
pas forcément à un retour à meilleure fortune pour cette organisation,
puisque la récession mondiale a plus de chances de déclencher des
réactions protectionnistes que des réactions libérales. Mais c’est
précisément la raison pour laquelle les gouvernements et les parlements
des Etats membres du Conseil de l’Europe doivent faire tout ce qui
est en leur pouvoir pour garantir que le cycle de Doha se conclura
sur un succès.
128. A l’évidence, les organisations intergouvernementales n’ont
d’autre pouvoir que celui que leur accordent les gouvernements qui
les gèrent. L’Assemblée parlementaire devrait non seulement continuer
de servir de tribune pour un débat sur l’important travail de ces
institutions, mais également inviter les parlements qui votent les
contributions budgétaires nationales nécessaires à leur financement
à exercer une vigilance étroite sur tous les aspects des activités
de celles-ci.