1. Introduction
1. Le 12 septembre 2008, 24 membres
de l’Assemblée ont signé une proposition de résolution demandant le
réexamen des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe à l’Assemblée,
pour des raisons substantielles selon l’article 9 du Règlement de
l’Assemblée. En particulier, les signataires ont exprimé leur vive préoccupation
«concernant le conflit opposant, dans le Caucase du Sud, deux Etats
membres du Conseil de l’Europe» et ont demandé le réexamen des pouvoirs
de la délégation russe «au motif des violations graves des principes
fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés dans le préambule
de son Statut».
2. Conformément à l’article 9.2, le Bureau de l’Assemblée, lors
de sa réunion du 29 septembre 2008 au matin, a renvoyé cette proposition
de résolution à la Commission de suivi pour rapport et à la Commission
du règlement pour avis. L’Assemblée a ratifié ce renvoi à l’ouverture
de sa quatrième partie de session le même jour.
3. La Commission de suivi m’a désigné comme rapporteur lors de
sa première réunion deux heures plus tard et m’a demandé de rédiger
un rapport dans les vingt-quatre heures concrètement pour adoption
lors de sa réunion le 30 septembre 2008 à 14 heures, afin d’organiser
un débat à l’Assemblée le 1er octobre
2008. Cette procédure accélérée a été décidée conformément à l’article
9.2 appelant à un débat «dans les meilleurs délais» sur la question
des pouvoirs d’une délégation.
4. Dans le même temps, l’Assemblée, à l’ouverture de sa quatrième
partie de session, le 29 septembre 2008, a ratifié la proposition
faite par le Bureau, lors de sa réunion du 5 septembre 2008, d’organiser
un débat selon la procédure d’urgence sur «les conséquences de la
guerre entre la Géorgie et la Russie” et a également renvoyé cette
affaire à la Commission de suivi pour rapport et à d’autres commissions
pour avis.
5. La Commission de suivi, lors de sa réunion du 11 septembre,
a désigné, en anticipation de la décision de l’Assemblée, comme
corapporteurs pour ce rapport M. Mátyás Eörsi, l’un des corapporteurs
pour le suivi de la Géorgie, et M. Luc van den Brande, l’un de ses
corapporteurs pour la Russie. MM. Eörsi et Van den Brande ont été
chargés de rédiger un rapport également pour la réunion de la Commission
de suivi du 30 septembre. Leur rapport, ainsi que les avis préparés
par d’autres commissions de l’Assemblée sur des questions plus spécifiques,
constituent la base d’un débat plus large sur les conséquences de
la guerre pour les deux Etats concernés et la région toute entière
ainsi que pour les actions de suivi demandées par le Conseil de
l’Europe et la communauté internationale dans son ensemble afin
de mettre un terme à cette guerre inacceptable et aux souffrances
humaines qu’elle provoque. Je n’ai donc pas l’intention de répéter
dans le présent rapport ce qui se trouve dans le rapport de MM. Eörsi
et van den Brande ou dans les avis d’autres commissions sur cette
question.
6. Ma tâche est facilitée par le fait que j’ai eu l’occasion
de me rendre en Russie et en Géorgie, y compris dans la zone dite
«tampon» et en Ossétie du Sud, du 21 au 26 septembre 2008 en tant
que membre de la Commission ad hoc mise en place par le Bureau pour
examiner la situation sur le terrain dans les deux pays dans le
contexte de la guerre qui les oppose. J’ai participé à cette Commission
ad hoc en ma qualité de président du Groupe socialiste à l’Assemblée.
M. Van den Brande a rédigé une note sur la visite de la Commission
ad hoc que le Bureau a examinée et déclassifiée lors de sa réunion
du 29 septembre et qui reflète dans une large mesure mon propre
avis sur la question.
7. Mon mandat spécifique de rapporteur sur la question des pouvoirs
de la délégation russe est limité à apporter une réponse à la question
qui nous est posée quant à décider si la ratification des pouvoirs
de nos collègues russes doivent être confirmée, annulée ou soumise
à des restrictions, en application de l’article 9.4.
2. Les engagements et obligations remis
en question
8. J’aimerais tout d’abord dire
que l’escalade de ce que d’aucuns appelaient un «conflit gelé» jusqu’à
une guerre entre deux Etats membres de l’Organisation est tout simplement
inacceptable.
9. Depuis le début des années 1990, les différentes parties au
conflit ont eu de nombreuses occasions de désamorcer le conflit
et mettre un terme aux souffrances humaines. Au lieu de cela, elles
se sont livrées à diverses formes de provocation conduisant à une
détérioration de la situation de la sécurité.
10. Il est clair que la guerre récente entre deux Etats membres
de l’Organisation constitue en soi une violation grave du Statut
du Conseil de l’Europe et a conduit à d’autres violations des obligations
et engagements que la Russie et la Géorgie ont pris lors de leur
adhésion au Conseil de l’Europe.
11. Mon mandat se limite, certes, à l’examen des pouvoirs de la
délégation russe. Toutefois, puisque cet examen a été fait dans
le contexte de la guerre avec la Géorgie, je ne peux faire référence
aux violations commises par la Russie sans évoquer celles qui ont
été commises par la Géorgie.
12. En premier lieu, et dans l’attente d’une enquête exhaustive
visant à faire la lumière sur les faits exacts et les circonstances
précises qui ont conduit au déclenchement de la guerre, il est tout
à fait clair que le déclenchement de la guerre a été le résultat
d’une grave escalade des tensions qui avait commencé bien avant le
7 août 2008. Toutefois, l’attaque indiscriminée de Tskhinvali par
les troupes géorgiennes le 7 août 2008 a marqué une nouvelle escalade:
il s’agissait désormais d’une véritable guerre ouverte. De son côté,
la contre-attaque russe sur le territoire géorgien, le 8 août, est
allée bien au-delà de ce qui était nécessaire pour arrêter les hostilités
et protéger les civils. J’ai personnellement été le témoin du degré
de destruction d’un village géorgien en Ossétie du Sud, où deux
bombes sont tombées sur de pauvres paysans et ont tué huit personnes innocentes.
Des centaines de civils ont perdu la vie, ont été gravement blessés
ou ont été contraints de quitter leur foyer. Quelque 31 000 personnes
ne pourront sans doute pas retourner chez elles à court ou moyen terme.
En outre, le bombardement de Poti, ainsi que la destruction de ponts
et liaisons ferroviaires, constituaient des attaques visant les
infrastructures économiques et stratégiques de la Géorgie.
13. C’est pourquoi les deux Etats sont, à des degrés différents,
responsables de l’utilisation disproportionnée de la force militaire,
y compris dans les zones civiles. Cela constitue une violation des principes
du droit international et de l’obligation et l’engagement des deux
Etats en leur qualité d’Etats membres du Conseil de l’Europe à résoudre
les conflits par des moyens pacifiques.
14. A cet égard, je soutiens totalement la proposition faite par
MM. Eörsi et Van den Brande selon laquelle les faits entourant le
déclenchement de la guerre doivent être établis, de façon objective,
par une enquête internationale indépendante. Je salue également
le fait que la Géorgie et la Russie semblent avoir exprimé leur soutien
à cette proposition.
15. En ce qui concerne les actions de la Russie dans le contexte
de la guerre, l’intervention militaire de grande envergure qui a
conduit à l’occupation d’une partie considérable de la Géorgie,
ainsi que la reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud
et de l’Abkhazie qui s’est ensuivie, ont clairement bafoué les principes
du droit international, également énoncés dans le Statut du Conseil
de l’Europe, de souveraineté des Etats, droit à, et respect de,
l’intégrité territoriale ainsi que l’inviolabilité des frontières.
16. Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, la Russie s’est
plus précisément engagée «à résoudre les différends existants relatifs
aux frontières conformément aux principes du droit international»
et à «dénoncer comme erroné le concept de deux catégories différentes
de pays étrangers, certains étant traités comme une zone d’influence
spéciale appelée ‘l’étranger proche’». Ces deux engagements spécifiques
pris au moment de l’adhésion ont été bafoués par l’action des forces
russes sur le territoire géorgien.
17. Par ailleurs, les deux parties ont commis des atteintes aux
droits de l’homme et des violations du droit humanitaire dans le
contexte de la guerre, telles que les blessures ou meurtres intentionnels
ou évitables de civils, ainsi que la destruction de biens. Il apparaît
en outre que la Russie n’a pas respecté l’obligation qui lui incombe,
en vertu du droit international d’empêcher le pillage, de maintenir
l’ordre et de protéger les biens dans les zones sous le contrôle de facto de ses forces. La Russie
porte la responsabilité dans ces zones des actes commis également
sur l’ordre des autorités de facto de
Tshkinvali.
3. Proposition d’action et conclusions
18. Au vu des considérations qui
précèdent, il semble qu’il y ait de bonnes raisons de sanctionner
à la fois la Russie et la Géorgie, cette dernière tout au moins
eu égard au déclenchement d’une guerre ouverte.
19. Toutefois, est-ce véritablement ce à quoi nous voulons aboutir
dans le présent débat? Souhaitons-nous punir rapidement les parlementaires
russes afin de démontrer notre détermination et prouver l’efficacité
de notre système de sanctions? Ou voulons-nous examiner plus attentivement
la situation et tenter de comprendre ce qui s’est réellement passé
avant et pendant le déclenchement de la guerre, quelles étaient
les causes sous-jacentes du conflit, et plus précisément comment
nous pouvons empêcher, à l’avenir, une escalade des conflits existant
partout ailleurs jusqu’à la guerre ouverte?
20. Je pense qu’il est primordial pour l’heure de mettre un terme
à cette guerre, ainsi qu’aux atteintes aux droits de l’homme et
violations du droit humanitaire. Nous devons arrêter les souffrances
humaines dans l’attente des résultats d’une enquête internationale
indépendante, qui pourrait faire la lumière sur les circonstances
exactes entourant le déclenchement de la guerre.
21. La valeur ajoutée du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée
en particulier est que la Russie et la Géorgie en sont toutes deux
membres. En sanctionnant l’une des deux délégations à ce stade,
nous nous amputerions et priverions purement et simplement de la
possibilité d’un dialogue. A mon sens, il serait plus important
de faire en sorte que ce dialogue puisse avoir lieu entre les deux
parties, mais aussi entre chacune d’entre elles et notre Assemblée.
22. Dans le même temps, nous devons élaborer une feuille de route
pour surmonter la crise à court, moyen et long terme. C’est la tâche
qui incombait aux corapporteurs sur les conséquences de la guerre
entre la Géorgie et la Russie et je souscris totalement aux propositions
concrètes qu’ils ont faites.
23. Toutefois, les deux parties doivent à présent faire preuve
de la volonté politique de respecter cette feuille de route. A cet
égard, il est de la plus haute importance que la Russie applique
l’accord de cessez-le-feu et notamment retire ses troupes jusqu’aux
positions d’avant le conflit, autorise le déploiement des observateurs de
l’UE et de l’OSCE en Ossétie du Sud et en Abkhazie et revienne sur
sa décision de reconnaître l’indépendance des deux régions, car
cela empêche actuellement la mise en oeuvre de l’accord de cessez-le-feu
et la fourniture d’aide humanitaire à ces régions.
24. Je souscris totalement à la proposition de MM. Eörsi et Van
den Brande selon laquelle l’Assemblée doit convoquer une conférence
internationale pour réfléchir à la mise en place et l’amélioration
des systèmes existants d’alerte rapide afin d’éviter l’escalade
des conflits jusqu’à de véritables guerres ouvertes.
25. A ce propos, je voudrais également souligner que nous attendons
maintenant de la Russie qu’elle joue un rôle constructif et qu’elle
démontre sa volonté de contribuer au règlement pacifique des autres
conflits sur le territoire des ex-républiques soviétiques. C’est
notamment le cas de Sébastopol et du Nagorno-Karabakh. L’Assemblée
doit examiner très attentivement les mesures prises par la Russie
à cet égard et soutenir toute approche qui est dans l’intérêt mutuel
de tous les acteurs concernés.
26. Compte tenu de ce qui précède, je propose à l’Assemblée qu’elle
confirme dès à présent la ratification des pouvoirs de la délégation
parlementaire russe, étant entendu que, à tout moment, les membres
peuvent, conformément au Règlement, saisir l’Assemblée au sujet
de la question des pouvoirs, si, selon les informations reçues,
les mesures destinées à mettre en oeuvre les actions attendues des
autorités russes dans le cadre de la feuille de route ne sont pas
prises ou que les progrès sont trop lents ou insuffisants.
Commission chargée du rapport: commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l'Europe (commission de suivi)
Renvoi en commission: Renvoi.
n° 3488 du 29 septembre 2008
Projet de résolution adopté
à l'unanimité par la commission le 30 septembre 2008
Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György Frunda (1er Vice-président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-président),
M. Leonid Slutsky (3e Vice-président),
M. Aydin Abbasov, M. Avet Adonts,
M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell
Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József
Berényi, Mr Aleksandër Biberaj,
Mr Luc Van den Brande, Mr Jean-Guy
Branger, Mr Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, M. Valeriu Cosarciuc,
Mme Herta Däubler-Gmelin,
M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis,
Mme Josette Durrieu,
M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana
Ferić-Vac, M. Jean-Charles Gardetto, M. József
Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin
Hajiyeva, M. Michael Hancock,
M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot Islami,
M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia
Jivkova, M. Hakki Keskin,
M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine
Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René van der Linden, M. Eduard Lintner,
M. Younal Loutfi, M. Pietro
Marcenaro, M. Mikhail Margelov, M. Bernard Marquet,
M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, Mme Assunta
Meloni, Mme Nursuna Memecan, M. João Bosco Mota Amaral, M. Theodoros Pangalos,
Mme Maria Postoico, M. Christos Pourgourides,
M. John Prescott, M. Andrea Rigoni,
M. Armen Rustamyan, M. Indrek
Saar, M. Oliver Sambevski, M. Kimmo Sasi,
M. Andreas Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona
Staponkienė, M. Christoph Strässer,
M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis,
M. Miltiadis Varvitsiotis,
M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė,
M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin
S. Woldseth, M. Boris Zala,
M. Andrej Zernovski.
N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme Chatzivassiliou,
M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko