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Rapport | Doc. 11775 | 18 décembre 2008

La régulation des services de médias audiovisuels

(Ancienne) Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Rapporteur : M. Andrew McINTOSH, Royaume-Uni

Origine - Renvoi en commission: Doc. 10901, renvoi n° 3302 du 22 janvier 2007 2009 - Première partie de session

Résumé

Le progrès technologique intervenu dans le domaine des médias électroniques audiovisuels a conduit, d’une part, à des changements législatifs à l’échelon national et, de l’autre, à l’adoption d’une nouvelle Directive sur les services de médias audiovisuels pour les Etats membres de l’Union européenne (Directive SMA). En conséquence, il est devenu nécessaire de réviser la Convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe.

Si la Directive SMA a principalement pour objectif de garantir la liberté des services au sein du marché intérieur de l’Union européenne, la Convention du Conseil de l’Europe vise, elle, à garantir la liberté de transmission et de retransmission d’émissions en Europe sans considération de frontières, conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il est donc proposé que la révision en cours de la convention respecte cette liberté et renforce le rôle de l’organe de contrôle de la mise en œuvre de la convention. Il est également proposé de prendre des mesures relatives à l’affectation du spectre de radiofréquences, au service public de radiodiffusion ainsi qu’à l’indépendance des instances de régulation des médias électroniques.

A. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle qu’en Europe, toutes les réglementations des médias doivent respecter le droit à la liberté d’expression et d’information tel que garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5). La liberté de recevoir et de transmettre des informations et des idées s’applique sans considération de frontières.
2. Cette liberté constitue une condition indispensable pour la démocratie et pour le progrès culturel et social de tout individu et de la société dans son ensemble. Des restrictions à cette liberté ne sont admissibles que pour autant qu’elles sont nécessaires dans une société démocratique.
3. Les médias audiovisuels et imprimés traditionnels ne cessent de converger pour former de nouveaux types de médias électroniques assortis d’images, de son et de texte, auxquels on peut accéder par le biais de plateformes fixes ou mobiles utilisant les transmissions terrestres analogiques ou numériques, le satellite ou le câble. Beaucoup de ce qui est aujourd’hui considéré comme étant de la radiodiffusion pourra à l’avenir être transmis par l’internet, où l’accès à d’innombrables sources de contenu qui ne connaissent pas de frontières géographiques est contrôlé par l’usager lui-même.
4. L’article 10 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme autorise les Etats à «soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma et de télévision à un régime d’autorisations». De l’avis de l’Assemblée, la radiodiffusion et la télévision au sens de la Convention n’incluent pas la radio ou la télévision par internet dont la diffusion ne devrait pas être soumise à des autorisations nationales. La radio et la télévision par internet devraient être traitées comme la presse écrite implantée sur le net ou les sites web assortis de texte, d’images et de son.
5. Le nombre de chaînes, de programmes et de services accessibles par le biais des médias audiovisuels s’accroît à la faveur du progrès technologique, offrant aux spectateurs et aux auditeurs un vaste choix de programmes ainsi que de services linéaires et à la demande. Toutefois, davantage de contenu audiovisuel ne signifie pas nécessairement davantage de pluralité, de diversité et de qualité, tous éléments qui continuent d’être des priorités pour les politiques audiovisuelles.
6. Le spectateur, l’auditeur ou le lecteur des nouveaux services de médias audiovisuels doit assumer une plus grande responsabilité pour le contenu qu’il choisira ou auquel il pourra même contribuer, alors qu’il devient plus difficile pour l’autorité de régulation nationale de réglementer le contenu de ces services. C’est la raison pour laquelle les législateurs nationaux se voient dans l’obligation de revoir les réglementations existantes et de mettre en place de nouveaux moyens en vue de parvenir à leurs objectifs en matière de politique de médias audiovisuels, objectifs qui restent valables également dans le nouvel environnement médiatique.
7. L’Assemblée soutient, dans ce contexte, la Déclaration faite le 20 février 2008 par le Comité des Ministres sur l’affectation et la gestion du dividende numérique et l’intérêt général. Lors de la prise de décision sur l’affectation du spectre des fréquences radio, les Etats membres devraient veiller à équilibrer les besoins en spectre des différentes technologies de radiodiffusion et de télécommunications. Il serait particulièrement judicieux de se pencher sur la question de la disponibilité du spectre pour les pays non membres de l’Union européenne et, pour ce qui concerne tous les pays, sur celle de savoir comment les ressources en spectre peuvent être affectées en vue d’optimiser les possibilités pour les radiodiffuseurs de service public.
8. Se référant à la Convention européenne sur la télévision transfrontière (CETT) (STE n° 132), l’Assemblée note que l’évolution technologique des médias audiovisuels rend nécessaire la révision de la CETT et qu’elle a conduit à des changements législatifs à l’échelon national ainsi qu’à l’adoption d’une nouvelle Directive sur les services de médias audiovisuels pour les Etats membres de l’Union européenne (Directive SMA).
9. L’Assemblée note que la Directive SMA de l’Union européenne a pour principal objectif de garantir la liberté des services au sein du marché intérieur de l’Union européenne conformément au droit communautaire. L’approche de cette directive diffère de celle de la CETT qui vise à garantir la liberté de transmission et de retransmission de services audiovisuels en Europe, sans considération de frontières, conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
10. Ayant pris note de l’avancement de la rédaction d’un protocole portant amendement à la CETT en vue de la transformer en une nouvelle convention du Conseil de l’Europe, l’Assemblée estime qu’il convient de prendre en compte les considérations suivantes:
10.1. la «mission de service public» des services médias audiovisuels devrait être définie et expliquée;
10.2. le rôle du Comité permanent devra être réexaminé eu égard à sa fonction de contrôle du respect des obligations contractées au titre de la convention et à sa fonction d’arbitrage;
10.3. la transmission de services de médias audiovisuels à la demande devrait être traitée comme les services de télédiffusion et ne devrait pas relever des dispositions plus restrictives reprises de la Directive SMA de l’Union européenne;
10.4. des conseils devraient être donnés à propos de l’exigence portant sur les services de programmes d’un radiodiffuseur «entièrement ou principalement» tournés vers le territoire d’une Partie en vue de se soustraire à la législation nationale de cette Partie;
10.5. des garanties procédurales, telles qu’un avis préalable du Comité permanent ou un arbitrage, devraient être exigées avant qu’une Partie puisse prendre, à l’encontre d’un radiodiffuseur établi à l’étranger qui aurait contourné la législation nationale de la Partie de réception, des mesures pour autant que celles-ci visent à limiter le droit à la liberté d’information par le biais de services de médias audiovisuels;
11. L’Assemblée invite les Parties à la CETT à prendre en compte la présente recommandation lors de la révision de la CETT.
12. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
12.1. d’allouer des ressources suffisantes pour permettre au Comité permanent institué par la CETT d’assumer sa mission de contrôle du respect par les Parties des obligations qu’elles ont contractées au titre de la convention;
12.2. d’inviter les Etats non membres intéressés à adhérer à la convention révisée, en vue d’en étendre le champ d’application à d’autres pays;
12.3. de charger son comité directeur compétent d’étudier les défis qui se feront jour à l’avenir pour ce qui concerne la force exécutoire de la régulation existante en matière de radiodiffusion en raison de la convergence croissante qu’on observe dans le secteur des médias audiovisuels et d’élaborer des lignes directrices politiques relatives aux nouveaux moyens de contrôle du contenu, y compris par le biais de l’autorégulation et de la corégulation des médias, la recherche sur le contenu et les outils de filtrage à l’intention des usagers, la maîtrise des médias par les utilisateurs, le soutien du public pour la qualité culturelle des contenus et la coopération internationale en vue de lutter contre les contenus illégaux;
12.4. de charger son comité directeur compétent d’entreprendre une étude de faisabilité à propos de la mise en place de normes communes aux Etats membres du Conseil de l’Europe pour ce qui concerne les contenus audiovisuels à caractère commercial qui n’entrent pas dans le champ d’application de la Convention révisée ainsi que les contenus audiovisuels produits et partagés publiquement par les utilisateurs.
13. L’Assemblée invite les ministres qui participeront à la Conférence ministérielle du Conseil de l’Europe sur les médias et les nouveaux services de communication (Reykjavik, mai 2009) à indiquer qu’ils continuent de soutenir:
13.1. la garantie, par le biais d’une régulation et d’une pratique appropriées, de l’indépendance de leurs instances nationales de régulation pour le secteur des médias audiovisuels à l’égard de toute influence partisane, gouvernementale ou commerciale excessive;
13.2. la préservation du principe de radiodiffusion de service public au sein d’un environnement médiatique changeant et son extension à l’ensemble des services de médias audiovisuels.
14. L’Assemblée invite les Etats membres de l’Union internationale des télécommunications des Nations Unies:
14.1. à élaborer, en vue de la Conférence mondiale sur la radiocommunication qui se tiendra en 2011, des décisions sur l’affectation du spectre de fréquences radio à la suite de l’arrêt de la diffusion analogique dans de nombreux pays.

B. Exposé des motifs par M. McIntosh, rapporteur

(open)
1. La sous-commission des médias que j’ai le plaisir de présider a organisé, le 17 novembre 2008 à Paris, une audition sur cette question avec la participation de plusieurs experts, dont les contributions ont été prises en compte dans le présent rapport. Les experts suivants ont participé à l’audition (par ordre chronologique): M. Christoph Dosch (Président, Groupe d’étude 6 – Service de radiodiffusion, Union internationale des télécommunications, Genève); Mme Séverine Fautrelle (Chargée de mission, Affaires réglementaires et européennes, Canal+, Paris), Mme Catherine Smadja (Chef des projets spéciaux, de la politique et de la stratégie, BBC, Londres); M. Jean-Pierre Teyssier (Président de l’Alliance européenne pour l’éthique en publicité, Bruxelles et Président de l’autorité française de régulation professionnelle de la publicité, Paris); Mme Eve Salomon (consultante pour les médias, Londres); M. Harald Trettenbrein (Chef adjoint de l’unité politique des médias et de l’audiovisuel de la Direction générale société de l’information et médias, Commission européenne, Bruxelles); M. Xavier Inglebert (membre du Comité permanent sur la télévision transfrontière et adjoint au chef du Bureau des affaires européennes et internationales de la Direction du développement des médias du Premier ministre, Paris), M. Antonio Amendola (Bureau du Secrétaire Général de l’autorité italienne de régulation des communications, Rome); M. Gian-Luca Marsella (juriste, Bureau fédéral suisse des communications, Bienne); et Mme Emmanuelle Machet (Secrétariat de la Plateforme européenne des autorités de régulation EPRA, Strasbourg).
2. Ayant présenté, en avril 2006, la proposition de résolution (Doc. 10901) qui se trouve à l’origine du présent rapport et ayant été nommé rapporteur pour cette question par la commission de la culture, de la science et de l’éducation en janvier 2007, je tiens à remercier les nombreux experts qui ont participé à l’audition organisée à Paris et plus particulièrement Mme Eve Salomon qui a également été chargée de m’assister en vue de la rédaction du présent exposé des motifs.

1. Introduction

3. La Convention européenne sur la télévision transfrontière (CETT) du Conseil de l’Europe a été ouverte à la signature en 1989. Elle a été amendée en 2002 par un protocole, mais les dispositions relatives à la radiodiffusion transfrontière n’ont pas été modifiées de façon radicale depuis près de vingt ans. Le fait que la CETT ait résisté à l’épreuve du temps atteste bien de la solidité des principes fondamentaux qu’elle défend. Ces principes sont certes robustes, mais les progrès technologiques intervenus ces vingt dernières années viennent remettre en question la pertinence de l’applicabilité de la Convention. L’apparition de l’internet qui est aujourd’hui largement utilisé en tant que système de diffusion de matériel audiovisuel risque, notamment, d’engendrer des incohérences. En effet, seuls sont visés par les dispositions de la Convention les services fournis par le biais d’émetteurs terrestres, le câble ou le satellite. Ceux qui opèrent à la demande individuelle sont expressément exclus.
4. En 1989, l’internet était une technologie naissante et on ne souhaitait pas faire obstacle à l’innovation en mettant en place des réglementations pesantes pendant son développement. Alors qu’il aurait été techniquement possible de mettre des contenus vidéo sur internet, la piètre qualité des images qu’on aurait reçues n’aurait pas justifié le temps qu’il aurait fallu pour télécharger quelques secondes de matériel. De plus, les fournisseurs d’accès internet faisaient payer chaque seconde en ligne et la «télévision» par internet ne constituait pas une proposition réaliste pour les consommateurs.
5. Vingt ans ont se sont écoulés et les diffuseurs offrent aujourd’hui couramment des services de télévision de rattrapage par le biais d’internet. Au Royaume-Uni, la BBC vient d’annoncer (21 novembre 2008) qu’elle avait l’intention de diffuser simultanément sur le net ses programmes les plus populaires. Les opérateurs du câble et des télécommunications offrent des services de films à la demande depuis quelques années.
6. Si la CETT n’est pas amendée, aucun de ces services ne sera visé par les principes fondamentaux de la Convention – à savoir le droit à la libre retransmission entre les parties, soumis au respect des principes fondamentaux de protection des droits et libertés fondamentaux.
7. L’article 10 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme déclare autoriser les Etats à «soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations». En 1990, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu, dans l’affaire Groppera Radio c. Suisse, que l’article 10 paragraphe 1 «tend à préciser que les Etats peuvent réglementer, par un système de licence, l’organisation de la radiodiffusion sur leur territoire, en particulier ses aspects techniques». Dans ce sens, la radiodiffusion et la télévision ne devraient pas inclure les radios et la télévision par internet, qui ne devraient pas être soumises à un régime national d’autorisations. Elles devraient, au contraire, être traitées comme la presse implantée sur l’internet ou les sites web assortis de texte, d’images et de son.
8. En 1989, la Commission européenne a adopté sa propre Directive sur la télévision transfrontière. Fondée sur la CETT, mais se concentrant sur des considérations liées au marché unique, cette Directive sur la télévision sans frontières a été révisée en 1997 puis le 11 décembre 2007 pour devenir la nouvelle Directive sur les services médias audiovisuels 2007/65/CE (Directive SMA) qui devra être mise en œuvre par les Etats membres d’ici à fin 2009.
9. En 2007, le Comité permanent de la CETT a mis en place un groupe de rédaction chargé d’examiner la révision de la CETT. Le projet de protocole définitif amendant la CETT devrait être achevé au cours du premier semestre de 2009.
10. Les modifications à la Directive sur la télévision sans frontières ont été déclenchées par les progrès technologiques. Avec une offre de près de 6500 chaînes, la télévision constitue le média le plus important d’Europe. Les services à la demande ont été rapidement adoptés; l’Observatoire européen de l’audiovisuel estime à 338 le nombre des services à la demande (dont 142 services de paiement à la séance) actuellement disponibles dans les Etats membres de l’Union européenne. La Directive SMA a réagi à ces changements en étendant son champ d’application pour y inclure les services audiovisuels à la demande et en assouplissant les règles relatives à la publicité.
11. Il serait peut-être souhaitable de marquer une préférence générale pour l’harmonisation de la Directive SMA et de la CETT, mais il importe de garder à l’esprit que la Directive SMA est un instrument du Marché unique qui n’a que très peu de rapport avec les préoccupations du Conseil de l’Europe. En fait, le Conseil de l’Europe peut, en liaison avec les droits et libertés fondamentaux, recourir à des réglementations qui dépassent de loin les compétences de la Commission européenne. Il faut veiller à garantir que, tout en retenant les aspects de la directive de l’Union européenne révisée qui correspondent aux préoccupations du Conseil de l’Europe, ceux qui sont liés au marché ne soient pas involontairement repris dans le cadre du Conseil de l’Europe.
12. En outre, sur le plan juridique, la structure de la Commission européenne est très différente de celle du Conseil de l’Europe. En vertu du droit communautaire, les Etats membres de l’Union ont transféré les pouvoirs nationaux à la Commission européenne. C’est la raison pour laquelle cette dernière peut prononcer des sanctions à l’encontre des Etats membres qui enfreignent le droit communautaire. Les Etats membres du Conseil de l’Europe, eux, s’engagent juridiquement en signant des conventions de droit international public, dont certaines ont institué des organes habilités à prononcer des sanctions, tels que la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Convention européenne des droits de l’homme ou encore le Comité européen des droits sociaux pour les violations de la Charte sociale européenne. La CETT a mis en place un Comité permanent dont le rôle de contrôle est toutefois limité.
13. La Directive SMA comporte un certain nombre de garanties procédurales et juridiques en vue de garantir une mise en œuvre cohérente dans toute l’Union européenne. Ces procédures ne peuvent pas toutes être reprises dans le projet de révision actuel de la CETT. Il se pourrait, par exemple, que des services soient interrompus dans des conditions qui ne sont pas prévues dans la Directive, ce qui soulève des risques d’incohérence pour les Etats assujettis tant à la directive qu’à la convention.
14. Le présent exposé des motifs formule des observations sur les principales questions soulevées par le projet de révision de la CETT et fournit un contexte général pour les mesures que prendra le Conseil de l’Europe face aux changements technologiques qui se profilent à l’horizon et à leurs éventuelles conséquences.
15. Le groupe de rédaction du Comité permanent sur la télévision transfrontière a proposé des amendements à la CETT dans le document T-TT-GDR(2008)003 du 17 novembre 2008. Alors que la plupart des modifications proposées sont les bienvenues, certaines d’entre elles sont source de préoccupation. On trouvera ci-après les modifications les plus importantes.

2. Champ d’application de la CETT

16. Le groupe de rédaction a proposé des changements qui se situent dans le droit fil de la Directive SMA, en vue d’inclure à la fois les services de médias audiovisuels linéaires et les services de médias audiovisuels à la demande. Il convient de se féliciter de ces modifications qui visent à rendre la CETT applicable aux moyens technologiques modernes de transmission et à garantir la cohérence avec le champ d’application de la réglementation de l’Union européenne.
17. On espère que des orientations seront données en vue d’aider les Parties à interpréter et à appliquer la Convention et en particulier à déterminer ce qui est et ce qui n’est pas inclus dans son champ d’application. La Directive SMA peut être un modèle utile à cet égard.
18. Le préambule de la SMA précise à la fois le contexte et la définition des termes «services de médias audiovisuels» en indiquant que «la définition du service de médias audiovisuels devrait couvrir exclusivement les services de médias audiovisuels … qui sont des médias de masse, c’est-à-dire qui sont destinés à être reçus par une part importante de la population et qui sont susceptibles d’avoir sur elle un impact manifeste». De plus, sont exclus de la Directive les services dont la vocation n’est pas économique, «comme les sites web privés et les services qui consistent à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échange au sein de communautés d’intérêt». Sont expressément exclus de la définition «toute forme de correspondance privée, comme les messages électroniques» ainsi que «les services dont le contenu audiovisuel est secondaire et ne constitue pas la finalité principale». A titre d’exemples, le préambule cite les sites web qui ne contiennent des éléments audiovisuels qu’à titre accessoire, comme des éléments graphiques animés, de brefs spots publicitaires ou des informations concernant un produit ou un service non audiovisuel. Les versions électroniques des journaux et des magazines sont également expressément exclues du champ d’application de la Directive.
19. Il est toutefois noté qu’il est laissé au Parties une certaine marge de manœuvre pour déterminer si un service de médias audiovisuels entre ou non dans le champ d’application de la convention.
20. Lors d’une récente réunion de la Plateforme européenne des instances de régulation EPRA (29-31 octobre 2008), une discussion sur cette question entre les membres de l’EPRA a donné lieu à des interprétations différentes. L’instance française de régulation – le Conseil supérieur de l’audiovisuel – a identifié des difficultés pour ce qui concerne la question de savoir si la mesure dans laquelle le contrôle éditorial est exercé par le fournisseur du service fait entrer ce service dans le champ d’application de la Directive SMA. Les Néerlandais sont préoccupés par la définition du terme «programme» et par la question de savoir si la finalité principale est la fourniture de programmes. Ils se sont demandés si la fourniture de matériel audiovisuel sur le site web d’un journal peut faire entrer ce site dans le champ d’application de la Directive, nonobstant le fait qu’aucun autre Etat membre n’a, à ce jour, cherché à y inclure les journaux. Le Royaume-Uni a également exprimé des préoccupations à propos du contrôle éditorial ainsi qu’à propos de la question de savoir comment traiter un service qui fournit à la fois des programmes linéaires et des programmes à la demande.
21. En cas d’incohérence entre la révision proposée de la CETT et la nouvelle Directive SMA, il conviendrait d’offrir à l’appui de la Convention révisée (par exemple dans son préambule et dans son rapport explicatif), des orientations au moins équivalentes à celles qui figurent dans le préambule à la Directive.

3. Questions de programmation

3.1. Incitation

22. Le projet de révision de la CETT étend les interdictions relatives à l’incitation à la haine en y incluant, outre l’incitation à la haine en raison de la race, l’incitation à la haine en raison du sexe, de la religion et de la nationalité. Il convient de saluer cette initiative.

3.2. Protection des mineurs

23. Dans le droit fil de la Directive SMA, le projet proposé supprime l’interdiction absolue de matériel indécent et pornographique pour mettre l’accent sur la nécessité de protéger les mineurs en veillant à ce qu’ils ne puissent accéder à un tel matériel. Cette modification est appropriée étant donné les changements intervenus à la fois sur le plan technologique et pour ce qui concerne les instruments de régulation qui ont été élaborés depuis la rédaction de la CETT dans les années 80.

3.3. Informations

24. Pour ce qui concerne les responsabilités du radiodiffuseur, le groupe de rédaction a retenu l’exigence selon laquelle il «doit veiller à ce que les journaux télévisés présentent loyalement les faits et les événements et favorisent la libre formation des opinions» et a étendu cette obligation aux services à la demande investis d’une mission de service public. Il convient de se féliciter de ce que le groupe n’a pas supprimé l’obligation relative à la diffusion d’informations ni cherché à s’appuyer sur différentes affaires en diffamation impliquant des journalistes pour garantir la protection des normes journalistiques relatives à la loyauté et à l’exactitude.
25. Il serait inopportun de se fonder sur la jurisprudence relative à la diffamation en tant qu’alternative puisqu’il est tout à fait possible de fournir des informations inexactes ou déloyales par omission, ce qui ne donne pas nécessairement lieu à des poursuites. Dans sa Résolution 1577 (2007), l’Assemblée parlementaire a recommandé une dépénalisation partielle de la diffamation. Les principes qui ressortent des affaires en diffamation ne semblent guère applicables à des situations où les faits politiques, historiques ou culturels sont déformés.
26. L’obligation de diffuser des informations loyales et exactes est vitale pour défendre le droit à la liberté d’expression protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le droit de recevoir des informations implique celui de recevoir des informations exactes. A l’avenir, comme les citoyens auront accès à une proportion plus importante d’informations à partir de sources à la demande, il sera essentiel de garantir qu’il restera au moins une catégorie de matériel à la demande sur laquelle on pourra compter pour recevoir des informations loyales et exactes. L’extension de l’obligation à certains services à la demande est donc vivement applaudie. Toutefois, par souci de sécurité juridique, il pourrait se révéler utile d’inclure une explication de ce qu’on entend par «mission de service public».

3.4. Accès

27. La nouvelle proposition vise à favoriser l’accessibilité des services pour les personnes mal voyantes et mal intendantes est également la bienvenue.

3.5. Rapports concis

28. Les amendements proposés à la CETT comprennent des dispositions détaillées sur l’accès du public aux informations revêtant pour lui un grand intérêt par le biais de brefs reportages ou d’extraits. Ces dispositions remplacent celles, plus larges, figurant dans la Convention actuelle qui laisse aux Parties le soin de la mise en œuvre et reflète la Directive SMA. Ces amendements ont été apportés en vue de préserver la liberté de recevoir des informations et de protéger les intérêts des spectateurs et sont donc les bienvenus.

3.6. “Européennes”

29. Alors que la CETT est ouverte à la signature des Etats non membres, y compris les Etats situés en dehors de l’espace géographique européen, l’obligation pour les Parties de veiller à ce que la programmation comporte une proportion majoritaire d’œuvres européennes, a été clarifiée pour se référer uniquement aux Parties européennes à la Convention (dans ce contexte, le terme «européennes» dépasse, à l’évidence, le cadre de l’Union européenne). L’exigence s’applique uniquement aux services de télédiffusion encore que les fournisseurs de services à la demande devraient être encouragés à promouvoir les œuvres audiovisuelles européennes. Cette initiative est vivement saluée.

3.7. Production indépendante

30. Une nouvelle disposition est proposée, qui reflète la Directive SMA et qui vise à inviter les Parties européennes (lorsque cela est réalisable) à réserver au moins 10 % de leur programmation (ou de leur budget programmation) aux productions indépendantes. Alors que le groupe de rédaction a affirmé que cette démarche visait à soutenir le pluralisme des médias, il s’agit, en fait, d’une mesure qui a pour objectif de développer un secteur spécifique de l’industrie. Le pluralisme a rapport avec la propriété – et donc avec le contrôle éditorial – des médias. A cet égard, ce sont les propriétaires des services de médias audiovisuels qui exercent un contrôle éditorial et dont on attend qu’ils respectent le pluralisme. Les producteurs indépendants sont chargés par les fournisseurs de services de mettre sur pied des programmes; ils ne sont, en soi, pas nécessairement davantage facteur de pluralisme que les journalistes travaillant pour la presse écrite.
31. La Recommandation Rec(2007)2 du Comité des Ministres sur le pluralisme des médias et la diversité des contenus des médias contient une référence expresse à l’importance de la réglementation de la propriété pour la promotion du pluralisme, mais n’évoque pas les sociétés de production indépendantes.

3.8. Pluralisme des médias

32. Le projet étend les dispositions actuelles relatives au pluralisme des médias en vue d’inclure la diversité des contenus, notamment chez les radiodiffuseurs de service public. Il convient de saluer cette démarche, puisqu’elle entend promouvoir la pleine transparence de la propriété.

4. Communications commerciales

33. Le nouvel article 18 proposé pour la Convention porte sur la publicité, le téléachat et l’autopromotion. Les normes générales énoncées aux articles 7 (Responsabilités du radiodiffuseur) et 11 (Normes générales pour la publicité et le téléachat), ainsi que les règles sur la transparence contenues dans l’article 6, sont pleinement applicables aux communications commerciales. Cependant, compte tenu de leur nature, les communications commerciales à la demande ne font pas l’objet des restrictions de temps d’antenne pour les spots publicitaires et le téléachat pour une heure donnée, ni des réglementations sur la programmation de la publicité et du téléachat.
34. Ces révisions proposées et les dispositions restantes concernant les communications commerciales doivent être approuvées.

5. Comité permanent et restrictions au principe de liberté d’expression et de retransmission

5.1. Comité permanent

35. En cas de conflit entre deux parties ou plus, le projet de révision de la CETT identifie plusieurs cas de figure pour lesquels le Comité permanent pourrait jouer un rôle d’arbitre. Ce rôle soulève des questions sur la pertinence de ce type de fonction pour le Comité, en particulier en cas d’urgence, mais aussi sur ses implications majeures en matière de moyens financiers.

5.2. Restrictions à la transmission de services de radiodiffusion

36. Sous sa forme actuelle, la CETT prévoit un processus permettant de résoudre les situations où une Partie présume qu’il y a violation de la Convention dans un programme de télévision transmis sous la compétence d’une autre Partie. Dans ce cas, les deux Parties sont tenues de trouver un règlement amiable et de solliciter, uniquement en cas d’échec de ce règlement, l’arbitrage d’un tribunal établi par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Il incombe surtout aux Parties de régler leurs propres différends.

5.3. Restrictions à la transmission des services à la demande

37. Plusieurs propositions sont toutefois émises s’agissant des services à la demande. Le projet d’article 24bis soulève de sérieuses questions sur la révision proposée de la CETT, tant sur le plan de la procédure que du fond.
38. Il est proposé de restreindre la transmission des services à la demande, qu’ils enfreignent ou non la Convention ou, en fait, qu’ils enfreignent ou non un quelconque texte de loi. La transmission peut être limitée pour des raisons de politique publique, de protection de la santé, de sécurité publique ou de protection des consommateurs (y compris des investisseurs). Cette directive est extrêmement vaste. Elle laisse entendre qu’un service pourrait être bloqué simplement parce qu’il est en concurrence directe avec un service national (pour des raisons de politique publique et de protection des investisseurs). De plus, elle permet aux Parties d’empêcher la diffusion de programmes à la demande critiques à l’égard du gouvernement de la Partie de réception.
39. Le libellé de l’article 24bis est tiré de la Directive SMA, mais sans référence à la politique à la base à cette dernière, ni aux garanties procédurales prévues par la Commission européenne.
40. Des dispositions spéciales relatives aux services à la demande ont été incluses dans la Directive SMA en raison des obligations de la Directive sur le commerce électronique, qui date de 1998. Cette Directive a pour objectif le bon fonctionnement du marché intérieur dans les services de la société de l’information. Elle est présentée par la DG Marché intérieur de la Commission européenne et non par la DG InfoSoc.
41. Le préambule de la Directive sur le commerce électronique dispose que le champ d’application de la Directive «ne saurait empêcher les États membres de prendre en compte les différentes implications sociales, sociétales et culturelles inhérentes à l'avènement de la société de l'information; que, en particulier, l'utilisation des règles de procédure prévues par ladite directive en matière de services de la société de l'information ne saurait porter atteinte aux mesures de politique culturelle, notamment dans le domaine audiovisuel, que les États membres pourraient adopter, conformément au droit communautaire, en tenant compte de leur diversité linguistique, des spécificités nationales et régionales ainsi que de leurs patrimoines culturels…»
42. Le préambule précise «que le développement de la société de l'information devra assurer, en tous cas, l'accès correct des citoyens européens au patrimoine culturel européen fourni dans un environnement numérique». Il importe de noter que la Directive «n'a pas vocation à s'appliquer à des règles nationales relatives aux droits fondamentaux, telles que les règles constitutionnelles en matière de liberté d'expression».
43. Pourquoi les services à la demande font-ils donc l’objet de limitations particulières et potentiellement vastes dans la Directive SMA? Le fait est que la Directive sur le commerce électronique les inclue dans la définition de «services de la société de l’information». Ils auraient probablement pu relever de la Directive sur le commerce électronique, or, selon la DG InfoSoc, il semblait recommandé, par souci de clarté, d’inclure les dérogations spéciales également dans la Directive SMA.
44. Cela n’explique pas pour autant pourquoi il conviendrait d’inclure les services à la demande dans la CETT. Le Conseil de l’Europe n’a pas d’équivalent de la Directive sur le commerce électronique; il n’a pas non plus compétence pour réglementer le marché intérieur de l’Union européenne dans les services de la société de l’information. Le durcissement de la réglementation des services à la demande au sein des États membres de l’Union européenne relève de la compétence de ces États, et cela continuera d’être le cas, même si les dispositions de la Commission sont moins lourdes. L’intégration des dispositions du marché intérieur de la Commission européenne dans la CETT est inappropriée et hors du domaine de compétence du Conseil de l’Europe.
45. Les modifications proposées posent d’autres problèmes de procédure. Tout d’abord, elles prévoient qu’avant de faire quoi que ce soit pour restreindre la transmission, toute Partie doit aviser le Comité permanent de son intention de prendre des mesures. En cas d’urgence, la Commission doit aussi être notifiée «dans les plus brefs délais». Aucune procédure n’est énoncée pour expliquer ce qui se passe après que le Comité permanent a ainsi été notifié.
46. Au contraire, selon la Directive SMA: «la Commission doit examiner dans les plus brefs délais la compatibilité des mesures notifiées avec le droit communautaire; lorsqu'elle parvient à la conclusion que la mesure est incompatible avec le droit communautaire, la Commission demande à l'Etat membre concerné de s'abstenir de prendre les mesures envisagées ou de mettre fin d'urgence aux mesures en question». Sans une disposition équivalente dans la CETT, l’accès aux services risque d’être bloqué durant de longues périodes, le seul recours étant la Cour européenne des droits de l’homme, conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
47. Il est peu réaliste de vouloir que le Comité permanent agisse à la manière de la Commission européenne, puisqu’il n’a pas la même autorité que cette dernière. Par exemple, il ne peut introduire de procédures d’infraction administrative ou judiciaire. Cet organe étant composé des Parties à la CETT, il n’est pas un juge approprié pour régler les questions urgentes.
48. Il est vivement recommandé de supprimer cette disposition et de traiter les services à la demande de façon comparable aux services de radiodiffusion télévisuelle.

5.4. Législation nationale des Parties et restrictions à la retransmission

49. Le projet d’article 28 de la Convention révisée porte sur les relations entre la Convention et la législation nationale des Parties, en particulier dans les cas particuliers où une Partie considère qu’un radiodiffuseur s’est implanté dans une autre zone de compétence en vue contourner l’application d’autres lois plus strictes. Dans de tels cas, la Partie doit évaluer si les services du radiodiffuseur sont «entièrement ou principalement adressés au territoire [de cette autre Partie]».
50. Pour éviter des litiges inutiles, il serait judicieux de conseiller les Parties pour les aider à déterminer si un radiodiffuseur s’adresse ou non «entièrement ou principalement à son territoire». La Directive SMA propose une évaluation de ce type, mais précise utilement dans son préambule que, dans le cadre de l’évaluation au cas par cas, il est possible de se fonder sur «des indices tels que l’origine des recettes publicitaires télévisuelles et/ou d’abonnement, la langue principale du service ou l’existence de programmes ou de communications commerciales visant spécifiquement le public de l’État membre de réception». Il serait appréciable d’ajouter ce type d’indication à la nouvelle Convention.
51. L’article 28 proposé soulève des questions de taille sur la capacité des Parties à prendre des mesures contre les organismes de radiodiffusion relevant d’autres compétences. Conformément aux dispositions existantes (Article 24 de la CETT), une Partie ne peut, sans accord préalable, prendre des mesures contre un radiodiffuseur tant que tous les autres recours n’ont pas été épuisés.
52. Avant de soumettre l’affaire au Comité permanent, la Partie de réception et la Partie où le radiodiffuseur est implanté doivent s’efforcer de trouver un règlement amiable. S’ils n’y parviennent pas dans les trois mois, le différend peut être présenté au Comité permanent, qui donnera un avis dans les six mois. Si ce dernier décide qu’il y a eu abus de droits, la Partie de réception pourra prendre les mesures appropriées pour remédier à cet abus. Si la Partie qui a compétence manque de prendre ce type de mesures dans les six mois, une procédure d’arbitrage peut être réclamée. La Partie de réception n’est pas tenue d’intervenir tant que la procédure d’arbitrage n’est pas achevée.
53. Par rapport aux dispositions existantes, les dispositions proposées permettent à la Partie de réception de prendre des mesures directement contre un radiodiffuseur si le règlement à l’amiable avec la Partie ayant compétence n’aboutit pas dans les deux mois. Après cela, il n’est pas obligatoire de solliciter l’avis du Comité permanent ni de recourir à l’arbitrage. Il est obligatoire de notifier le Comité permanent des mesures proposées seulement en vue d’un avis; aucune condition préalable n’est impérative avant la prise de mesures.
54. La disposition proposée reprend les termes de la Directive SMA, mais sans les garanties du droit communautaire.
55. D’après le préambule de la Directive SMA: «Pour régler les situations dans lesquelles un radiodiffuseur télévisuel […] diffuse une émission télévisée entièrement ou principalement destinée au territoire d'un autre État membre, l'exigence imposée aux États membres de coopérer entre eux et, en cas de contournement, la codification de la jurisprudence de la Cour de justice, combinée à une procédure plus efficace, serait une solution appropriée tenant compte des préoccupations des États membres sans remettre en question l'application correcte du principe du pays d'origine. La notion de règles d'intérêt public général a été développée par la Cour de justice dans sa jurisprudence relative aux articles 43 et 49 du traité et recouvre notamment les règles relatives à la protection des consommateurs, à la protection des mineurs et à la politique culturelle. L'État membre demandant la coopération devrait veiller à ce que ces règles nationales particulières soient objectivement nécessaires, appliquées de manière non discriminatoire et proportionnées à la réalisation des objectifs poursuivis et [n’aillent] pas au delà de ce qui est nécessaire pour les réaliser».
56. En d’autres termes, selon la Directive SMA, la Partie de réception doit s’assurer que sa législation nationale est pleinement conforme à la législation européenne, au niveau du contenu et des proportions, avant de prendre des mesures contre un radiodiffuseur pour non-respect de ladite législation nationale. En revanche, la révision proposée de la CETT n’oblige pas la législation nationale de la Partie de réception à être conforme à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Selon les nouvelles propositions, toute Partie de réception aurait la possibilité de restreindre la retransmission d’un radiodiffuseur qui, même s’il invoque le droit à la liberté d’expression conformément à l’article 10 de la CEDH, a été critique envers son gouvernement.
57. Par ailleurs, la révision proposée de la CETT ne contient pas les garanties procédurales énoncées dans la Directive SMA, selon lesquelles des mesures ne peuvent être prises que par un État membre de réception si la Commission européenne a été notifiée et a décidé que ces mesures sont compatibles avec le droit communautaire, et que l’évaluation réalisée par la Partie de réception est correctement fondée. La Commission européenne prend une décision dans les trois mois suivant la notification; avant cela, aucune mesure ne saurait être prise.
58. Si l’on peut comprendre et juger raisonnable le souhait des Parties de pouvoir intervenir lorsque des radiodiffuseurs diffusant dans leur propre pays s’implantent délibérément en dehors de leur territoire, dans l’intention de contourner la réglementation nationale, en revanche, il n’est pas acceptable d’ignorer les règles de procédure et les principes de bonne justice. Rien ne justifie en particulier que les Parties soient autorisées à prendre des mesures unilatérales lorsque la législation nationale n’est pas respectée, alors que les règles de procédure en vigueur doivent être suivies avant de prendre des mesures contre toute violation de la Convention (voir article 24).
59. Par conséquent, il est fortement recommandé d’incorporer des règles pour éviter la prise de mesures visant à restreindre la transmission, sans que le Comité permanent ait au préalable jugé lesdites mesures justifiées et proportionnées.

6. Les technologies futures et la Convention sur la télévision transfrontière

60. D’ici le 16 juin 2015, les signaux de télévision analogique dans l’ensemble des Parties à la CETT auront été coupés. Dans les pays de l’Union européenne, cette coupure surviendra plus tôt, d’ici 2012. Le Luxembourg, Andorre, la Suisse, les Pays-Bas, la Finlande et la Suède ont déjà achevé la transition vers le numérique, et une multitude d’autres pays ont entamé le processus.
61. La Déclaration du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, datée du 20 février 2008, sur l’affectation et la gestion du dividende numérique et l’intérêt public, porte sur la nécessité de tenir compte des questions d’intérêt public général, social et culturel pour décider de l’affectation du dividende numérique (spectre de radio libéré du fait du passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique).
62. Selon la Déclaration, les États membres: (1) devraient reconnaître la nature publique du dividende numérique résultant de la transition et la nécessité de le gérer comme un bien public, de manière efficace, dans l’intérêt général, en prenant en compte les besoins présents et à venir de spectre radio; (2) devraient prêter une attention particulière à la promotion de l’innovation, du pluralisme, de la diversité culturelle et linguistique, et à l’accès du public aux services audiovisuels lors de l’affectation et de la gestion du dividende numérique, et à cette fin prendre dûment en compte les besoins des radiodiffuseurs et des médias en général, à la fois les médias de service public et commerciaux, ainsi que ceux des autres utilisateurs du spectre, existants ou futurs; (3) devraient aussi prendre en considération le bénéfice que l’affectation et la gestion du dividende numérique peut apporter à la société par un plus grand nombre de services audiovisuels diversifiés, y compris les services mobiles, une couverture géographique et une capacité d’interactivité potentiellement meilleures, ainsi que de services offrant une technologie de haute définition, une réception mobile, ou un accès plus facile et plus abordable.
63. L’Assemblée parlementaire devrait accueillir favorablement et soutenir cette Déclaration dans le cadre de ce rapport.
64. Au moment de se prononcer sur l’affectation du dividende numérique, les États membres devront évaluer les besoins en matière de spectre des diverses technologies de radiodiffusion et de télécommunication. Dans la sphère de la radiodiffusion, des innovations technologiques auront des conséquences sur l’attribution du spectre.

6.1. Télévision haute définition («TV HD»)

65. La télévision haute définition propose des services de haute résolution numérique. Le plaisir des téléspectateurs est augmenté, en particulier pour la retransmission en direct d’événements sportifs et les films. La TV HD utilisant plus de spectre que la définition normale, les États membres devront se demander comment la développer tout en tenant compte de l’accroissement du nombre global de services.
66. Au Royaume-Uni, l’autorité de régulation Ofcom a récemment annoncé qu’une partie du dividende numérique serait affectée aux radiodiffuseurs du service public pour fournir de la TV HD. Il y a de bonnes raisons de penser qu’en France, le développement de la TV HD a élargi la plateforme de la télévision terrestre numérique, en particulier pour les chaînes à péage.

6.2. Télévision mobile

67. S’il existe dans le monde entier toute une gamme de normes techniques et de technologies différentes pour la télévision mobile, la Commission européenne a déclaré comme norme «de préférence» la DVB-H, qui utilise la même quantité de spectre que la télévision numérique en Europe.
68. L’emploi de la DVB-H2, norme récemment mise au point et utilisant le spectre de façon optimale, est prévu à partir de 2010. Plusieurs pays européens, comme la France et l’Italie, ont lancé des services de télévision mobile; tandis que d’autres, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont abandonné leurs précédentes tentatives. Néanmoins, on note un intérêt marqué pour le développement de la télévision mobile, en particulier chez les fabricants de réception, tels que Nokia.

6.3. Normes avancées de compression

69. Avec le format de compression MPEG2, un même canal de fréquence numérique peut servir à quatre chaînes de télévision (plus des services audio et de données) ou à un service de télévision haute définition (plus des services audio et de données). En comparaison, une fréquence analogique ne transmet les signaux que d’une seule chaîne de télévision (sans services audio ni de données).
70. Le MPEG4, format de compression amélioré, est maintenant disponible: il permet l’envoi d’environ 50 % de données supplémentaires vers les mêmes canaux que le format MPEG2. A l’heure actuelle, les opérateurs ne sont pas tous intéressés par le passage au MPEG4, puisqu’il nécessite la mise à jour du matériel existant. Toutefois, les pays qui ne sont pas encore passés à la radiodiffusion télévisuelle numérique envisageront certainement l’adoption des technologies les plus récentes et efficientes.

6.4. La télévision IP («IPTV»)

71. L’IPTV est un service de télévision proposé sur internet, généralement en haut débit et via les fournisseurs de télécommunication par un réseau fermé. Les offres commerciales proposées aux consommateurs groupant l’accès internet, l’IPTV et la voix sur réseau IP (VoIP) sont les «Triple Play». L’IPTV se présente sous forme de lecture en continu ou de vidéo à la demande.
72. L’IPTV est proposée dans les pays les plus développés. Actuellement, les premiers marchés mondiaux sont la France (plus de 4 millions d’abonnés), la Corée du Sud (près de 2 millions), le Japon, l’Italie, l’Espagne, la Belgique et la Chine.

6.5. LTE et WiMAX

73. Plusieurs nouvelles technologies permettent un débit de données à très haute vitesse, renforçant l’efficacité d’utilisation du haut débit, y compris sans fil, et permettant par conséquent d’élargir les possibilités de télévision mobile sur internet. Le WiMAX est compatible avec les réseaux de télécommunications 2G et 3G, tandis que le LTE (3GPP Long Term Evolution) utiliserait le réseau «4G».

6.6. Les enjeux

74. Le passage à la transmission numérique et l’arrêt de la transmission analogique libéreront une quantité importante de spectre radio. Plusieurs pays étudient comment exploiter cette ressource. Il sera particulièrement judicieux de s’intéresser à la disponibilité du spectre pour les pays non membres de l’Union européenne et, pour tous les pays, par exemple, à la façon d’affecter les ressources du spectre pour optimiser les moyens de radiodiffusion du service public.
75. Les progrès technologiques permettront d’augmenter le nombre de canaux, de programmes et de services, et élargiront ainsi le choix proposé aux téléspectateurs et aux auditeurs. Cependant, la pluralité et la diversité des contenus demeurent prioritaires. En effet, ce n’est pas parce que les canaux seront plus nombreux que les contenus seront plus variés.
76. Enfin, une grande partie, si ce n’est l’ensemble de ce que nous considérons aujourd’hui comme de la radiodiffusion télévisuelle, pourrait être transmise par internet. Cette perspective écarte probablement la nécessité ou la possibilité d’une régulation renforcée (par exemple, en matière de délivrance de permis de radiodiffusion); de plus, cela signifie que ce domaine devra faire l’objet d’un prochain rapport.
77. Même s’il est souhaité que la nouvelle convention demeure adaptée à sa finalité durant plusieurs années, à l’heure où le mode de diffusion bascule vers les programmes à la demande et vers le support internet, les dispositions de la convention devront être revues pour garantir non seulement qu’elles sont intégralement applicables, mais aussi qu’elles demeurent appropriées et proportionnées dans un monde où le téléspectateur est maître de son accès à d’innombrables sources de contenu qui ne connaissent pas les limites géographiques.

Commission chargée du rapport: Commission de la culture, de la science et de l’éducation

Renvoi en commission: Doc. 10901, renvoi n° 3302 du 22 janvier 2007

Projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 9 décembre 2008

Membres de la commission: Mme Anne Brasseur (présidente), Baronne Hooper, (1er vice-présidente), M. Detlef Dzembritzki (2e vice-président), M. Mehmet Tekelioğlu (3e vice-président), M. Remigijus Ačas, M. Vincenç Alay Ferrer, M. Kornél Almássy, Mme Aneliya Atanasova, M. Lokman Ayva, M. Rony Bargetze, M. Walter Bartoš, M. Radu Mircea Berceanu, Mme Deborah Bergamini, Mme Oksana Bilozir, Mme Guðfinna Bjarnadóttir, Mme Ana Blatnik, Mme Rossana Boldi, M. Ivan Brajović, M. Vlad Cubreacov, Mme Lena Dąbkowska-Cichocka, M. Joseph Debono Grech, M. Ferdinand Devinsky, M. Daniel Ducarme, Mme Åse Gunhild Woie Duesund, Mme Anke Eymer, M. Relu Fenechiu, Mme Blanca Fernández-Capel, M. Axel Fischer, M. Gvozden Srećko Flego, M. Dario Franceschini, M. José FreireAntunes (remplaçant: M. José Luis Arnaut), M. Guiorgui Gabashvili, Mme Gisèle Gautier, M. Ioannis Giannellis-Theodosiadis, M. Paolo Giaretta (remplaçant: M. Giacento Russo), M. Stefan Glǎvan, M. Raffi Hovannisian, M. Rafael Huseynov, M. Fazail Ibrahimli, M. Mogens Jensen, M. Morgan Johansson, Mme Francine John-Calme, Mme Liana Kanelli, M. Jan Kaźmierczak, Miss Cecilia Keaveney, Mme Svetlana Khorkina, M. Serhii Kivalov, M. Anatoliy Korobeynikov, Mme Elvira Kovács, M. József Kozma, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Ertuğrul Kumcuoğlu, M. Markku Laukkanen, M. van der Linden, Mme Milica Marković, Mme Muriel Marland-Militello, M. Andrew McIntosh, Mme Maria Manuela Melo, Mme Assunta Meloni, M. Paskal Milo, Mme Christine Muttonen, Mme Miroslava Nĕmcová, M. Edward O’Hara, M. Kent Olsson, M. Andrey Pantev, Mme Antigoni Papadopoulos, Mme Majda Potrata, Mme Adoración Quesada Bravo, M. Paul Rowen (remplaçant: M. Robert Walter), Mme Anta Rugāte, M. Indrek Saar, Mme Ana Sánchez Hernández, M. André Schneider, M. Yury Solonin, M. Christophe Steiner, Mme Doris Stump, M. Valeriy Sudarenkov, M. Petro Symonenko, M. Hugo Vandenberghe, M. Klaas de Vries, M. Piotr Wach, M. Wolfgang Wodarg

N.B.: Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras

Secrétariat de la commission: M. Grayson, M. Ary, M. Dossow