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Rapport | Doc. 12018 | 14 septembre 2009

La réforme des Nations Unies et les Etats membres du Conseil de l’Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Andreas GROSS, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: renvoi n° 3294 du 22 janvier 2007. 2009 - Quatrième partie de session

Résumé

Nées sur les cendres d’une catastrophe mondiale, les Nations Unies sont parvenues à éviter qu’une catastrophe d’une même ampleur ne se reproduise. Il convient de saluer le rôle joué par les Nations Unies dans la réduction du nombre et du bilan en pertes humaines des conflits à travers le monde, en particulier depuis la fin de la guerre froide.

Malgré ses résultats considérables sur la préservation de la paix et de la sécurité internationales, l’Organisation des Nations Unies a besoin de toute urgence d’une réforme de grande ampleur destinée à la rendre plus démocratique, transparente, responsable de rendre compte et capable de faire face aux défis du monde contemporain.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe se doivent de donner leur soutien à la relance d’un effort de réforme de grande ampleur, et d’essayer de trouver une position commune sur certains aspects de la réforme.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Organisation des Nations Unies a été créée il y a 64 ans afin de «préserver les générations futures du fléau de la guerre». Nées sur les cendres d’une catastrophe mondiale, les Nations Unies sont parvenues à éviter qu’une catastrophe d’une même ampleur ne se reproduise. En outre, il convient de saluer le rôle joué par l’Organisation dans la réduction du nombre et du bilan en pertes humaines des conflits à travers le monde, en particulier depuis la fin de la guerre froide.
2. L’Assemblée parlementaire considère l’Organisation des Nations Unies comme une pierre angulaire pour éviter toute rupture de la paix, obtenir le règlement des conflits, consolider la paix et instaurer la confiance dans les situations post conflits. Elle continue d’apporter son soutien indéfectible aux Nations Unies et au multilatéralisme, comme elle l’a déjà affirmé dans ses Recommandations 1367 (1998) sur la réforme des Nations Unies et 1476 (2000) sur les Nations Unies à l’aube du nouveau siècle, et dans sa Résolution 1373 (2004) sur le renforcement des Nations Unies.
3. Malgré ses résultats considérables sur la préservation de la paix et de la sécurité internationales, l’Organisation des Nations Unies a besoin de toute urgence d’une réforme de grande ampleur destinée à la rendre plus transparente, responsable de rendre compte et capable de faire face aux défis du monde contemporain.
4. L’Assemblée prend note des nombreuses propositions de réforme présentées au cours des dernières années et rend hommage à l’ancien Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan pour les efforts qu’il a déployés afin de promouvoir une réforme d’ensemble de l’organisation.
5. Toutefois, l’Assemblée regrette qu’il n’y ait eu jusqu’ici aucune proposition de réforme visant à améliorer le caractère démocratique des Nations Unies. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle sa position constante en faveur de l’introduction d’une dimension parlementaire des Nations Unies, telle qu’elle l’exprime dans sa Résolution 1476 (2006)sur la dimension parlementaire des Nations Unies, afin d’accroître la transparence, l’obligation de rendre compte et le contrôle démocratique de l’organisation et combler le fossé qui sépare les Nations Unies du public.
6. L’intégration d’un élément démocratique dans le système des Nations Unies s’impose d’autant plus compte tenu du processus de mondialisation: seule une gouvernance mondiale peut faire face aux défis de la mondialisation, et une telle gouvernance, incarnée par les Nations Unies, doit être fondée sur des principes démocratiques.
7. Pour ce qui est de la réforme institutionnelle, l’Assemblée réaffirme sa conviction qu’il faut rétablir le rôle et l’autorité de l’Assemblée générale des Nations Unies en tant que «principal organe délibérant, décisionnel et représentatif des Nations Unies». Ce rôle pourrait être encore renforcé par l’introduction dans la structure de l’Assemblée générale des Nations Unies d’un élément parlementaire, composé de représentants d’assemblées parlementaires internationales régionales ou de représentants directement élus.
8. Quant à la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui s’est révélée être l’aspect le plus difficile de l’effort de réforme, l’Assemblée soutient l’idée d’une réforme transitoire du Conseil de sécurité comme moyen de sortir de l’impasse actuelle, comme l’ont proposé la France et le Royaume-Uni, en même temps qu’elle accueille avec satisfaction le nouvel élan pris par le processus de négociation entamé en février 2009.
9. Soucieuse de veiller à ce que la protection des droits de l’homme à travers le monde prime d’autres considérations, l’Assemblée est convaincue que toute réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies devrait permettre à ce dernier d’agir rapidement en cas de violations effectives ou menaces de violations graves et généralisées des droits de l’homme et que son action ne doit pas être entravée par l’exercice du droit de veto de la part des membres permanents du Conseil de sécurité.
10. En outre, l’Assemblée encourage la tenue de négociations à propos d’une réforme des méthodes de travail du Conseil de sécurité indépendamment du cadre des négociations au sujet d’une réforme d’ensemble. Cette réforme devrait avoir pour but d’améliorer la transparence du travail du Conseil de sécurité et de faire en sorte que les Etats non membres de celui-ci y aient un accès facilité et puissent exprimer leurs préoccupations lorsqu’ils considèrent que leurs intérêts sont en jeu.
11. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe de parvenir à une position commune en ce qui concerne:
11.1. une réforme transitoire du Conseil de sécurité, fondée sur la création d’une nouvelle catégorie de sièges non permanents, dont le mandat pourrait être plus long que dans le système actuel;
11.2. l’interdiction du recours au droit de veto en cas de violations effectives ou menaces de violations graves et généralisées des droits de l’homme;
11.3. une réforme autonome des méthodes de travail du Conseil de sécurité, en dehors du cadre d’un processus de réforme de plus grande ampleur;
11.4. les moyens de rétablir le rôle et l’autorité de l’Assemblée générale, y inclus en introduisant une dimension parlementaire;
11.5. les moyens d’améliorer l’interaction entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale.
12. L’Assemblée invite également les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe à coopérer afin de dresser un inventaire de l’ensemble de leurs différents groupes et propositions de réforme.

B. Exposé des motifs, par M. Gross, rapporteur

(open)

1. Objet et méthodologie du présent rapport

1. Je suis un fervent partisan de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et suis personnellement convaincu que la réforme de cette organisation est de l’intérêt de tous, car les défis posés par le monde contemporain – maintien de la paix, lutte contre la pauvreté, protection de l’environnement – sont très différents de ceux d’il y a 60 ans et ne peuvent être relevés que par un effort à l’échelle mondiale.
2. La nécessité d’une réforme de l’ONU, malgré son histoire tourmentée, me semble si évidente que je me suis souvent demandé pourquoi les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe – qui représentent presque un quart des membres de l’ONU – n’essayent pas de présenter une proposition de réforme commune. Afin de comprendre pourquoi les choses sont ainsi, je me suis rendu dans un certain nombre de pays clés, en Europe et dans d’autres régions du monde, où je me suis entretenu avec des personnes qui ont une connaissance directe du système des Nations Unies, qu’ils soient issus des administrations nationales, de groupes de réflexion ou des milieux universitaires. Je me suis également rendu par deux fois au siège des Nations Unies à New York où j’ai rencontré des hauts fonctionnaires de l’ONU, des ambassadeurs et des experts.
3. Au cours de ces entretiens, la diversité des intérêts nationaux entre les différents Etats membres du Conseil de l’Europe est apparue très clairement. Le Conseil de l’Europe compte parmi ses Etats membres trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU: si la France et le Royaume-Uni – deux puissances régionales – coopèrent très étroitement en ce qui concerne la réforme de l’ONU ainsi que sur d’autres questions essentielles sous le contrôle du Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie – puissance mondiale ayant des intérêts stratégiques et géopolitiques – peut se permettre de suivre une approche différente. Ces pays sont certes partenaires au sein du Conseil de l’Europe et également de «poids lourds», avec l’Italie et l’Allemagne; toutefois leur poids sur l’échiquier mondial est différent, tout comme leurs intérêts nationaux.
4. Conscient de ces limites, j’ai néanmoins tenté, lors de mes visites, de comprendre si un point de convergence pouvait être trouvé entre les différentes propositions européennes avancées pour procéder à la réforme du système des Nations Unies. Je me demande également si le Conseil de l’Europe pourrait contribuer à catalyser une position minimale commune à tous ses Etats membres.
5. J’ai espoir que le présent rapport contribuera à faire prendre conscience de la nécessité de relancer la dynamique politique à la base du processus de réforme, qui n’existe malheureusement plus depuis 2005. Les mois à venir pourraient être particulièrement favorables à cela: d’une part, en ce qui concerne le Conseil de l’Europe, le Comité des Ministres est présidé par la Slovénie, pays dont le président a une connaissance approfondie des Nations Unies et a été l’un des principaux collaborateurs de Kofi Annan; d’autre part, comme annoncé dans son programme électoral, le président Obama devrait rétablir la centralité du multilatéralisme dans la politique étrangère des Etats-Unis et plaidera en faveur du système des Nations Unies: son premier discours lors de l’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU ce mois-ci suscite beaucoup d’attentes.

2. Les Nations Unies font la différence

6. L’ONU telle que nous la connaissons aujourd’hui est le fruit d’une série de compromis négociés essentiellement par les grandes puissances de l’époque au cours et au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. L’ONU est le résultat d’un conflit catastrophique et était principalement destinée à éviter qu’un conflit catastrophique ne se produise à nouveau. Dans l’esprit de ses fondateurs, elle devait surmonter les faiblesses et les échecs de la Société des Nations pour «préserver les générations futures du fléau de la guerre». 
			(1) 
			Préambule de la Charte
des Nations Unies.
7. L’ONU est également le résultat d’un certain nombre de réformes qui ont modifié sa structure et ses méthodes de travail tout au long de ses 64 ans d’existence. La réforme est un processus continu qui ne peut être dissocié de l’organisation elle-même: des réformes de l’ONU ont été proposées dès les tout premiers jours de son existence.
8. Toutefois, l’urgence d’une réforme de grande envergure se fait davantage sentir depuis une dizaine d’années, en raison de la crise jugée grave que connaît l’ONU et qui compromet son efficacité et sa crédibilité.
9. Parmi les épisodes particulièrement décisifs qui ont fait prendre conscience, notamment au grand public, de la crise profonde que traversait le système de l’ONU figurent des crises internationales au cours desquelles le Conseil de sécurité n’a pas été en mesure d’agir en raison du recours ou de la menace de recourir au droit de veto par ses membres permanents.
10. À plusieurs occasions, comme lors de l’intervention des Etats-Unis et d’une coalition d’alliés en Irak en 2003, le grand public a eu l’impression que l’unilatéralisme pourrait avoir l’avantage sur le multilatéralisme.
11. De même, en 2008, l’incapacité du Conseil de sécurité de l’ONU à aboutir à une position commune concernant le statut du Kosovo 
			(2) 
			Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo et à empêcher que les tensions entre la Russie et la Géorgie ne dégénèrent en une guerre totale ont confirmé l’incapacité du Conseil de sécurité de l’ONU à agir de façon opportune et efficace contre l’opposition d’un de ses membres permanents (le groupe appelé P 5).
12. Toutefois, les statistiques montrent que le recours au veto n’est pas très fréquent: de 1945 jusqu’à l’éclatement de l’Union soviétique, ce pays a utilisé 118 fois son droit de veto; la Fédération de Russie ne l’a utilisé que trois fois; les Etats-Unis, 82; le Royaume-Uni 32, dont 23 avec les Etats-Unis; la France 18 fois, dont 13 avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. La Chine n’a utilisé son veto que six fois 
			(3) 
			Ces
chiffrent se réfèrent à la période 1945-2008: source: Global Policy
Forum, Changing Patterns in the Use of the Veto in the UN Security
Council, www.globalpolicy.org. La dernière fois que la France et le Royaume-Uni ont exercé leur veto, c’était en 1989 
			(4) 
			Quand les
Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont exercé leur veto à une
résolution déplorant l’intervention militaire américaine au Panama..
13. Les droits de veto exercés par les Etats de façon individuelle sont encore plus rares: le Royaume-Uni n’y a eu recours que sept fois, s’agissant de la situation en Rhodésie (Zimbabwe), la France deux fois seulement, en 1946 à propos de l’Indonésie et en 1976 lors d’un différend avec les Comores.
14. Quoi qu’il en soit, décrire le Conseil de sécurité de l’ONU comme une instance incapable d’agir serait une déformation grossière de la réalité: au contraire, depuis l’éclatement de l’Union soviétique, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté un nombre croissant de résolutions, atteignant un pic d’activité dans les années 1991-1995 avec 70 résolutions par an en moyenne, contre moins de cinq par an avant 1990.
15. Le plus important est que plusieurs études aient conclu que le nombre et le bilan humain des conflits civils et internationaux ont diminué depuis la fin de la guerre froide et que ce phénomène est directement lié à l’action des Nations Unies.
16. À titre d’exemple, le Rapport sur la Sécurité humaine 
			(5) 
			The Human security
Centre, The Human security report, Université de Columbia, Canada,
2005. affirme que «la baisse du nombre des conflits internationaux depuis la fin des années 1970 est liée à l’effondrement du colonialisme et à la fin de la guerre froide (…).Après la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu une augmentation sans précédent du nombre des guerres civiles. Mais dans les années 1990, leur nombre a chuté de façon encore plus spectaculaire (…). Depuis la fin de la guerre froide, l’ONU a multiplié ses actions au niveau international, contribuant de façon décisive à réduire le nombre de conflits violents».
17. Cela s’explique par le fait que la fin de la guerre froide, et de l’antagonisme entre les deux superpuissances, a permis aux Nations Unies de jouer un rôle efficace en matière de sécurité à l’échelle mondiale et d’aller même bien au-delà de ce que ses fondateurs avaient espéré: un certain nombre d’instruments et d’organes de l’ONU qui n’étaient pas envisagés par la Charte de l’ONU ont été mis en place dans le domaine de la prévention des conflits, de la gestion des conflits, du maintien de la paix et de la consolidation de la paix après un conflit.
18. Le recours accru à la diplomatie préventive, sous l’impulsion des Nations Unies, «a permis d’éviter qu’un certain nombre de conflits latents ne basculent vers de véritables guerres, cependant que l’augmentation des opérations de pacification a été liée à une hausse notable des règlements de paix négociés. Près de la moitié des règlements de paix négociés entre 1946 et 2003 ont été signés depuis la fin de la guerre froide.» 
			(6) 
			The
Human security report, page 153.

3. Renforcer les Nations Unies

19. Si l’influence des Nations Unies dans le maintien de la paix est encore considérable malgré les faiblesses de l’organisation, force est de reconnaître que de nombreuses améliorations sont possibles.
20. Tout d’abord, il y a quelques préoccupations sérieuses au sujet de l’influence et l’efficacité des Nations Unies, en raison:
i. du recours ou, plus fréquemment, de la menace par les Etats du P5 d’utiliser leur droit de veto, qui paralyse le Conseil de sécurité et l’empêche d’agir face aux graves menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales, y compris lorsqu’il existe de graves risques de violations généralisées des droits de l’homme et même de génocide pour la population d’un pays donné;
ii. de l’absence d’un système efficace pour veiller à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité;
iii. de la perte de l’autorité politique par l’Assemblée générale de l’ONU, compte tenu de:
a. la recherche d’un consensus dans son processus décisionnel, qui affaiblit le contenu de ses résolutions;
b. la supériorité numérique d’un groupe régional, le G77, sur les autres, qui donne lieu à des résolutions grandiloquentes qui ne sont pas assorties d’un réel pouvoir de mise en œuvre;
c. le fait que les intérêts géopolitiques guident les décisions des Etats membres en matière de vote, compromettant dès lors une approche constructive sur des questions de fond;
d. du fait que les agences de l’ONU souffrent d’une grave désorganisation, d’un manque de coordination et du gaspillage des ressources;
e. du fait que les contributions budgétaires des Etats membres sont déterminées selon les critères qui étaient le reflet de leur situation économique après la Deuxième Guerre mondiale qui ne correspondent pas aux réalités économiques actuelles.
21. Mais surtout, certains termes sont absents de la Charte de l’ONU : démocratie et représentation équitable.
22. Ces termes étaient bien loin des préoccupations des fondateurs de l’organisation mais ils sont essentiels dans le monde contemporain. Le Conseil de l’Europe devrait user de tout son poids politique et de son autorité pour faire en sorte que ces concepts soient intégrés dans le débat actuel sur la réforme de l’ONU et enfin reflétés dans le système des Nations Unies, en accord avec ses valeurs et ses objectifs.
23. La tâche est intimidante. Nous devons trouver un moyen de redistribuer le pouvoir au sein des Nations Unies pour rendre compte de l’équilibre géopolitique actuel sans la contrainte d’une catastrophe majeure pesant sur nous, telle que la Deuxième Guerre mondiale, et sans provoquer de nouvelle catastrophe. Par ailleurs, nous devons veiller à ce que la démocratie en tant que valeur soit entérinée par les mécanismes de l’ONU, avec la création d’une dimension parlementaire, comme notre Assemblée l’a déjà recommandé.

4. La position de l’Assemblée à propos de l’ONU

24. L’Assemblée soutient de longue date les Nations Unies et le multilatéralisme. Parmi les principaux thèmes qu’elle a examinés au cours des dix dernières années à propos des Nations Unies, l’on peut citer:

4.1. La réforme de l’ONU

25. L’Assemblée est favorable à un processus de réforme visant à améliorer le fonctionnement de l’organisation. Elle souhaite plus particulièrement que le Conseil de sécurité de l’ONU soit plus transparent, démocratique et représentatif de la composition actuelle des Nations Unies 
			(7) 
			Recommandation
1367 (1998) sur la Réforme des Nations Unies (Rapporteur: Mme Severinsen)..En outre, l’Assemblée a pris position en faveur d’une réforme qui améliorerait la capacité du Conseil de sécurité à agir dans des cas de violations massives et systématiques des droits de l’homme entraînant des conséquences humanitaires graves. 
			(8) 
			Recommandation
1476 (2000) sur les Nations Unies à l’aube du nouveau siècle (Rapporteur:
Mme Severinsen).Toutefois, l’Assemblée n’a jamais soutenu aucun modèle spécifique de réforme concernant la composition, le nombre de sièges et les droits de veto.
26. En ce qui concerne l’Assemblée générale de l’ONU, l’Assemblée considère qu’il conviendrait de lui accorder un plus grand poids politique, en renforçant l’autorité de son président de deux façons: en portant la durée de son mandat à trois ans et en envisageant d’élire une personnalité politique à ce poste. 
			(9) 
			Recommandation 1373
(2004) sur le Renforcement des Nations Unies (Rapporteur: Mme de
Zulueta).

4.2. De l’implication parlementaire dans les travaux de l’ONU à une dimension parlementaire

27. La position de l’Assemblée en la matière a évolué avec le temps: si, à la fin des années 90, l’Assemblée ne réclamait qu’une implication plus étroite des représentants des parlements nationaux dans les activités de l’ONU 
			(10) 
			Recommandation 1367
(1998) sur la Réforme des Nations Unies (Rapporteur: Mme Severinsen)., en 2006 elle appelait explicitement à l’instauration d’une dimension parlementaire de l’ONU et proposait un modèle à cet effet.
28. Dans sa Résolution 1476 (2006)sur ladimension parlementaire des Nations Unies (Rapporteur: Mme De Zulueta), l’Assemblée appelle à une réforme durable et tournée vers l’avenir, qui devrait avoir pour objectif de rendre l’ensemble du système des Nations Unies plus transparent, légitime et responsable, à la fois au regard de ses Etats membres et de l’opinion publique. Pour cette raison, la réforme ne saurait se limiter à faire en sorte que l’Organisation soit plus représentative des réalités géopolitiques actuelles – notamment via la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU – mais devrait viser à intégrer des mécanismes démocratiques dans le système des Nations Unies, en vue de remédier au déficit démocratique observé au sein de la gouvernance mondiale et de combler le fossé qui sépare les Nations Unies du public.
29. Dans ce contexte, l’implication plus étroite des parlementaires dans les activités de l’ONU est un instrument essentiel pour associer la population – par l’intermédiaire de ses représentants élus – au processus délibératif et au contrôle des activités de l’ONU, et à celui de la mise en œuvre des décisions de l’ONU par ses Etats membres. Cette implication devrait être renforcée progressivement: elle consisterait tout d’abord à ce que les parlementaires soient pleinement informés des activités des Nations Unies et aboutirait à l’intégration dans le système des Nations Unies d’une assemblée parlementaire dotée de fonctions consultatives vis-à-vis de l’Assemblée générale de l’ONU.

4.3. Coopération entre le Conseil de l’Europe et les Nations Unies

30. Dans toutes ses recommandations sur les Nations Unies, l’Assemblée a demandé au Comité des Ministres d’étudier les moyens de renforcer la coopération entre les deux organisations.
31. Actuellement, le Conseil de l’Europe jouit du statut d’observateur à l’Assemblée générale de l’ONU. Dans ce contexte, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe ainsi que les membres de l’Assemblée participent tous les deux ans à un débat sur la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales et autres. Ce débat est en général l’occasion pour la sous-commission des relations extérieures de la Commission des questions politiques de l’Assemblée de se réunir au siège des Nations Unies à New York et d’y tenir des échanges de vues avec des fonctionnaires de l’ONU.
32. En outre, le Conseil de l’Europe et son Assemblée entretiennent des relations de travail avec un certain nombre d’organes et d’agences spécialisées de l’ONU, dont le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Conseil des droits de l’homme (CDH), le Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le Comité des Nations Unies contre la torture, le PNUD, l’UNESCO, etc. ainsi qu’avec les rapporteurs concernés des Nations Unies, les représentants spéciaux et les médiateurs du Secrétaire général de l’ONU.

5. La plus grande difficulté à surmonter: la réforme du Conseil de sécurité (CSNU)

33. La partie de la réforme qui s’est révélée la plus difficile à appréhender porte sur la réforme du Conseil de sécurité.
34. Dans l’histoire des Nations Unies, le CSNU n’a été réformé qu’une seule fois, en 1963, lorsque quatre nouveaux sièges non permanents ont été rajoutés. La réforme de cet organe nécessite l’accord de plus des 2/3 des membres de l’Assemblée générale de l’ONU, dont la totalité des cinq membres permanents.
35. Les principales questions concernant la réforme du CSNU sont les suivantes:
i. l’augmentation du nombre des sièges permanents, et selon quels critères;
ii. l’augmentation du nombre des sièges non permanents, et selon quels critères;
iii. quels sont les membres qui doivent disposer du droit de veto; faut-il limiter l’exercice de ce droit;
iv. les méthodes de travail;
v. les relations avec l’Assemblée générale de l’ONU.
36. Il est unanimement considéré que la transparence et l’obligation de rendre compte du Conseil de sécurité devraient être accrues et que sa composition devrait être plus équitable. Toutefois, bien que plusieurs modèles aient été proposés depuis 1993 lorsque les négociations ont commencé 
			(11) 
			En
1993, l’Assemblée générale des Nations Unies a mis en place un groupe
de travail ouvert sur la question de la représentation équitable
et de l’augmentation du nombre de membres du Conseil de Sécurité.
Depuis lors, le mandat de ce groupe de travail a été régulièrement
renouvelé, sans obtenir de résultats notoires., aucun d’entre eux n’a jusqu’ici réuni le large consensus nécessaire pour qu’une réforme soit approuvée. Les principales propositions sont:

Proposition

Sièges permanents

Sièges non permanents

Veto

G-4

(Brésil, Allemagne, Inde et Japon)

6 nouveaux sièges (un pour chaque pays du G-4 + 2 pour l’Afrique)

4 nouveaux sièges

Aucun droit de veto ne devrait être accordé aux nouveaux membres permanents et, à un stade ultérieur, l’usage du droit de veto devrait être limité ou abandonné pour tous les membres permanents

Union africaine

6 nouveaux sièges (2 pour l’Afrique, 2 pour l’Asie, 1 pour l’Amérique latine et 1 pour l’Europe occidentale)

5 nouveaux sièges (dont 2 pour l’Afrique)

Les nouveaux membres permanents disposeraient des mêmes droits de veto

Unis pour le consensus

Pas de nouveau siège

10 nouveaux sièges (membres choisis selon un système de roulement en fonction des groupes régionaux, dont 3 pour l’Afrique, 3 pour l’Asie, 2 pour l’Amérique latine, 1 pour l’Europe occidentale et 1 pour l’Europe orientale)

Préconisent une restriction de l’usage du veto

S-5

(Costa Rica, Jordanie, Liechtenstein, Singapour et Suisse)

   

Le recours au veto doit être motivé. Il ne devrait pas être possible en cas de génocide et de violations graves des droits de l’homme

6. 2005: les raisons de l’échec

37. La réforme des Nations Unies était une priorité pour l’ancien Secrétaire général, Kofi Annan, qui s’était largement et personnellement investi dans ce défi. Durant les dix années de son mandat (1997-2006), Kofi Annan a fait de nombreuses propositions ayant d’importantes incidences sur la manière dont l’Organisation conduisait ses travaux, remplissait son mandat et gérait les crédits que lui confiaient les États membres.
38. Cet effort de réforme a culminé avec la mise en place du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement qui a élaboré, en 2004, le rapport Un monde plus sûr: notre affaire à tous, présentant la réforme comme une nécessité, suggérant des mesures visant à améliorer le consensus et à renforcer les Nations Unies et proposant deux formules différentes pour réformer le Conseil de sécurité de l’ONU:

Proposition

Sièges permanents

Sièges non permanents

Modèle A

Six sièges supplémentaires (deux pour l’Afrique, deux pour l’Asie et le Pacifique, un pour l’Europe et un pour l’Amérique)

Trois sièges supplémentaires, d’un mandat de 2 ans non renouvelable

Modèle B

Aucun

Une nouvelle catégorie de huit sièges devrait être créée, d’un mandat de quatre ans renouvelable + un siège supplémentaire d’un mandat de deux ans non renouvelable

39. S’appuyant sur le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau, le Secrétaire général publia en 2005 le rapport Dans une liberté plus grande: développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous, qui préconisait des réformes d’envergure visant à augmenter et améliorer les capacités normatives et opérationnelles de l’ONU dans les domaines du développement, de la sécurité et des droits de l’homme. Le rapport reprenait également les propositions faites par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement concernant la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU tout en laissant aux Etats membres le soin de décider laquelle des deux formules serait préférable. Le Secrétaire général demanda à ce qu’un accord soit trouvé avant le Sommet mondial de 2005.
40. Malgré ces efforts en faveur de la réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU, les Etats membres sont restés profondément divisés sur des points essentiels, comme l’instauration de nouveaux membres permanents, le choix de ces membres et l’opportunité de leur donner le droit de veto.
41. Une conjugaison de facteurs a conduit à l’échec de cette tentative de réforme: si l’on en croit sa biographie 
			(12) 
			Frederic Eckhard, Kofi Annan, Tricorne, Genève, 2009, Kofi Annan faisait l’objet de fortes pressions le poussant à se retirer; au niveau géopolitique, l’équilibre des pouvoirs entre les différents pays n’était toujours pas clair: la guerre en Irak n’apparaissait pas encore comme une défaite, l’administration Bush ne soutenait pas les Nations Unies, et l’on assistait à la montée en puissance de la Chine et de l’Inde. Un élément décisif était que la Chine n’accepterait pas que le Japon obtienne un siège permanent. Arguant que les différences au sein des Etats membres s’accentuaient au lieu de se réduire, le représentant de la Chine auprès des Nations Unies déclarait en juillet 2005 que «la Chine est fermement opposée à ce qu’une date limite artificielle soit fixée pour la réforme du Conseil de sécurité». 
			(13) 
			Cité par Edward Luck,
UN Security Council, Practice and Promise, citation page 120.
42. Malgré l’impossibilité de parvenir à un accord sur un Conseil de sécurité rénové, la réforme annoncée dans le Document final du Sommet mondial de 2005 a été en partie mise en œuvre, avec la création de deux nouveaux organes:

6.1. Le Conseil des droits de l’homme (CDH)

43. Le CDH a été créé en 2006 en remplacement de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Il est composé de 47 membres répartis par région, qui sont élus à la majorité par l’Assemblée générale des Nations Unies, pour un mandat de trois ans. Par rapport à son prédécesseur, les activités liées aux droits de l’homme tiennent une plus grande place dans le choix des membres du CDH;

6.2. La Commission de consolidation de la paix des Nations Unies (CCP)

44. En 2005, sur les recommandations du Secrétaire général de l’époque et de son Groupe de personnalités de haut niveau, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont mis un terme à une longue phase de négociations en adoptant par consensus les résolutions 1645 et 60/180 portant création de la CCP. La Commission vient combler une grave lacune des Nations Unies et du système international en instaurant une approche coordonnée, cohérente et intégrée de la consolidation de la paix après un conflit et en facilitant le dialogue entre les principaux acteurs. La CCP compte 31 membres et dispose de son propre Fonds pour la consolidation de la paix.

7. Une réforme transitoire du CSNU pour sortir de l’impasse

45. Compte tenu de la diversité de propositions et du fait que les négociations sont au point mort, un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, avec à leur tête la France et le Royaume-Uni, ont récemment commencé à appuyer une approche appelant à une réforme provisoire du Conseil de sécurité qui serait mise en œuvre au cours des 15 années à venir. 
			(14) 
			Une position conjointe
sur ce sujet a été émise pour la première fois lors du sommet des
deux pays le 27 mars 2008.
46. Le raisonnement sous-jacent à cette idée est que le monde connaît un revirement dans les rapports de force et qu’une configuration nouvelle et durable du Conseil de sécurité ne sera possible qu’une fois ce processus terminé.
47. Force est de reconnaître que l’acquisition d’un siège permanent est un aboutissement majeur dans le positionnement et le maintien d’un pays sur la scène internationale et que l’antagonisme régional entre des pays comme la Chine et le Japon, l’Argentine et le Brésil, l’Italie et l’Allemagne, a jusqu’ici empêché de parvenir à un accord concernant les pays qui devraient obtenir cette distinction si convoitée.
48. L’approche transitoire envisage la création d’une nouvelle catégorie de sièges avec un mandat d’une durée plus longue que celui des membres actuellement élus et qui pourrait également être renouvelé. Au terme d’une première période de mise en œuvre de la réforme, il pourrait être décidé de transformer cette nouvelle catégorie de sièges en sièges permanents.

8. 2009: un nouvel élan pour les négociations

49. Le 19 février 2009, des négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité ont connu un nouveau départ lors d’une séance plénière informelle de l’Assemblée générale, en application d’une décision unanime de l’Assemblée générale en septembre dernier. Le processus de négociation est en cours et porte sur:
i. les catégories de membres du CSNU: il s’agit là d’une question sur laquelle, bien qu’ils n’aient pas encore abouti à un accord, les Etats membres font preuve d’une certaine souplesse. Un groupe important d’Etats membres appellent à un élargissement dans les deux catégories de membres (permanents et non permanents), alors que d’autres souhaiteraient le limiter aux sièges non permanents. La solution transitoire, qui préconise un renouvellement des sièges sur le long terme, pourrait permettre de faire avancer le processus de réforme tout en recevant un large soutien. 
			(15) 
			Négociations intergouvernementales
du 2 mars 2009.
ii. les droits de veto: si le droit de vetofait l’objet de critiques de la part d’un certain nombre d’Etats membres de l’ONU, tout le monde s’accorde à dire que sa suppression n’est pas réaliste à l’heure actuelle. Certains pays souhaiteraient le restreindre, notamment pour l’exclure en cas de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, instaurer l’obligation de fournir une explication pour son utilisation, n’y avoir recours que dans le cas de questions vitales, l’interdire lorsqu’un membre permanent est partie à un conflit ou le rejeter à la majorité qualifiée. Par ailleurs, certains Etats sont favorables à l’élargissement du droit de veto aux nouveaux membres permanents, à condition que ces derniers soient clairement définis. Le P5 (les cinq membres permanents) considère que le droit de veto est au cœur du système de sécurité collective et ne doit pas être traité comme d’autres parties de la réforme. Il souligne que l’exercice du droit de veto est déjà assorti de contraintes et suggère de prendre un engagement volontaire – politique –pour définir les limites de son exercice, une fois adoptée la réforme du CSNU. 
			(16) 
			Négociations
intergouvernementales du 13 mars 2009.
iii. la représentation régionale: il est unanimement considéré que le CSNU dans sa composition actuelle n’est pas représentatif des réalités géopolitiques et doit être rééquilibré. La majorité des Etats membres considère que ce rééquilibrage ne doit pas se fonder uniquement sur une représentation régionale équitable mais aussi sur la contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales. 
			(17) 
			Négociations
intergouvernementales du 20 mars 2009.
iv. la taille d’un CSNU élargi: jusqu’ici, personne ne conteste le fait que le CSNU doit être élargi, mais son élargissement risque de nuire à sa capacité à agir rapidement en cas de crise. Certains Etats membres font observer que l’augmentation du nombre de sièges entraînerait par définition un rééquilibrage de la structure du pouvoir au sein du Conseil, puisqu’une plus grande proportion de votes serait nécessaire pour adopter les résolutions et que le pourcentage pondéral des membres permanents serait moindre.
v. les méthodes de travail: cet aspect de la réforme ne nécessite pas un amendement de la Charte et peut aboutir plus facilement. La principale conclusion tirée des entretiens en cours est que ce point devrait être exclu de la négociation sur la réforme d’ensemble et traité séparément afin d’accroître ses chances de succès. Les principales difficultés posées par les méthodes de travail actuelles du CSNU sont qu’il est difficile pour les Etats non membres du CSNU d’avoir accès à des informations de fond sur les travaux du CSNU et un accès direct au CSNU dans des affaires qui touchent à leurs intérêts, en particulier quand ils ont un point à l’ordre du jour 
			(18) 
			Négociations intergouvernementales
du 3 avril 2009.. Dès lors, loin d’être une question technique, la réforme des méthodes de travail pourrait accroître la transparence et la légitimité des décisions du Conseil, sans pour autant réduire les prérogatives de ses membres.
vi. les relations entre le CSNU et l’Assemblée générale: le problème majeur est l’empiètement, qui est étroitement lié à la définition plus large du terme ’sécurité’. En se fondant sur cette définition élargie, le CSNU débat de plus en plus de sujets qui relèvent de la compétence de l’Assemblée générale. Jusqu’à présent, des propositions ont été faites pour développer les mécanismes d’interaction entre les deux organes, via un dialogue régulier et institutionnalisé. 
			(19) 
			Négociations intergouvernementales
du 16 avril 2009.

9. Principales impressions de mes visites

50. J’aimerais résumer ci-après certaines des principales questions abordées lors des réunions que j’ai tenues pour la préparation du présent rapport. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont aimablement accepté de me rencontrer.

9.1. Stockholm (20 novembre 2007)

51. À Stockholm, l’Initiative des 4 Nations (4NI) m’a été présentée. Il s’agit d’un projet de réforme parrainé par la Suède, la Thaïlande, le Chili et l’Afrique du Sud, groupe délibérément constitué de pays de quatre continents et traitant des problèmes budgétaires, administratifs, de gestion des ressources humaines et de gestion des projets de l’ONU. La 4NI examine également des questions importantes comme le manque de confiance entre les Etats membres de l’ONU, leur crainte de perdre le contrôle des mandats de l’ONU, le caractère insuffisant de l’obligation de rendre compte et la transparence toute relative du processus de prise de décision, y compris la façon dont les mandats de l’ONU sont formulés.

9.2. Oslo (21 novembre 2007)

52. Je retiens des entretiens que j’ai eus à Oslo l’observation suivante: «Il y a eu trop d’efforts pendant trop longtemps pour trop peu de résultats»; il y a une sorte de lassitude autour de la réforme chez toutes les personnes qui participent au processus, y compris le personnel de l’ONU. Cela explique sans doute pourquoi l’actuel Secrétaire général de l’ONU s’est «calmé» et ne cherche pas à tout prix à reprendre plus intensément les négociations concernant la réforme.

9.3. Berlin (5 février 2008)

53. Mes entretiens à Berlin ont porté sur l’intérêt de l’Allemagne à devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, avec le Japon, l’Afrique du Sud et le Brésil (proposition G4), afin de rendre le Conseil de sécurité plus représentatif des rapports de force du monde contemporain. Mes interlocuteurs ont insisté sur le fait que la tentative de réforme de 2005 n’a pas échoué uniquement en raison de l’opposition ferme de la Chine à ce que le Japon devienne membre permanent du CSNU, mais aussi en raison de l’incapacité des deux autres grands Etats africains – l’Egypte et le Nigéria – à accepter l’Afrique du Sud comme seul membre permanent du continent africain et la proposition que de nouveaux membres permanents ne devraient pas disposer du droit de veto.

9.4. Wellington (18 juin 2008)

54. J’ai profité de l’invitation à participer à un séminaire scientifique à Dunedin pour me rendre au Ministère néo-zélandais des Affaires étrangères afin de discuter de la conception de leur gouvernement en matière de réforme. À Wellington, où certaines personnes semblaient intéressées de rejoindre le Conseil de l’Europe en tant qu’Etat observateur, j’ai appris que la Nouvelle-Zélande est un fervent partisan de la réforme de l’ONU destinée à moderniser l’organisation et la rendre plus représentative de la réalité du monde contemporain. En ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité, la Nouvelle-Zélande semble être très intéressée à ce que le Japon fasse partie des nouveaux membres permanents et insiste pour que les droits de veto ne soient pas élargis au delà des membres actuels du P5. La Nouvelle-Zélande dirige avec la Zambie un groupe de travail visant à définir comment améliorer le processus de révision des mandats de l’ONU.

9.5. Ljubljana (14 juillet 2008)

55. Au cours de nos entretiens, le Président slovène Danilo Türk, ancien proche collaborateur du Secrétaire général Kofi Annan au secrétariat de l’ONU, s’est exprimé en ces termes: «l’ONU a terriblement besoin d’une réforme, le monde a terriblement besoin d’une ONU réformée». «Les gros efforts de réforme pendant les cinq premières années du nouveau millénaire ont échoué parce qu’ils ne pouvaient pas satisfaire tous les intérêts nationaux». Le Président Türk a souligné qu’il ne s’agit en aucun cas de négliger les intérêts nationaux mais que ces derniers doivent être réconciliés dans une approche plus «inclusive» et «systématique». Le Président Türk est l’un des rares dirigeants également favorable à l’idée d’inclure une assemblée parlementaire dans l’Assemblée générale de l’ONU: «Aujourd’hui le temps est venu pour cette idée».

9.6. Londres (8 septembre 2008)

56. À Londres, je n’ai pas rencontré uniquement les hauts responsables chargés des questions onusiennes au Foreign Office (ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth), mais également Lord Hannay of Chiswik, ancien représentant permanent du Royaume-Uni auprès des Nations Unies, qui préside actuellement l’Association du Royaume-Uni pour les Nations Unies (UNA-UK). Son opinion est que, dans le contexte de l’ONU, «laréforme est devenu un mot empoisonné qui est trop utilisé». Il est prêt à s’entretenir et à réfléchir sur la nécessité d’une réforme de l’ONU, mais est d’avis que cet effort doit s’orienter davantage vers une réforme politique, qui inclurait la réforme des institutions. Lord Hannay fait notamment référence au Sommet de Copenhague sur le changement climatique en tant qu’exemple positif de réforme. Il déplore le fait que, pendant la période de l’après-guerre froide, l’ONU a eu de grandes occasions et de nouveaux défis (disparitions d’Etats, terrorisme, génocide) mais a manqué de ressources pour les saisir. Pendant les huit premières années du XXIe siècle, beaucoup de tort a été fait à l’idée de multilatéralisme, et nous sommes toujours en train de récupérer. Ses derniers mots lors de notre entretien ont été: «Oublions un peu la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. Concentrons-nous sur des choses plus encourageantes».

9.7. Paris (9 septembre 2008)

57. À Paris, je me suis laissé dire que ’la grande Europe’, à savoir les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, n’a jamais été considérée comme un éventuel acteur unique au niveau des Nations Unies; ce n’est pas le cas pour les Etats membres de l’UE, qui expriment une position commune dans 90% des votes à l’Assemblée générale de l’ONU. Cela résulte bien sûr d’une activité de négociation très intense, avec quelque 600 réunions sur une période de quatre mois seulement. Cela ne signifie pas pour autant que le moment est venu pour l’UE de disposer d’un siège unique au Conseil de sécurité de l’ONU, surtout si cela suppose que la France et le Royaume-Uni devraient abandonner le leur. En ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, la priorité de la France est d’accroître son efficacité et sa crédibilité par une représentation plus large et l’introduction de restrictions concernant l’usage du droit de veto.

9.8. Bruxelles (13 octobre 2008)

58. La Belgique a occupé un siège au Conseil de sécurité de l’ONU en 2007-2008 et attend avec intérêt de présider l’Assemblée générale de l’ONU en 2010. Pour la Belgique, l’aspect le plus important de la réforme est la cohérence du travail de l’ONU («Une ONU») et une plus grande transparence. Mes interlocuteurs m’ont fait observer que la réduction de l’hégémonie des actuels membres permanents au Conseil de sécurité de l’ONU risquerait de réduire l’efficacité de cet organe.

9.9. La Haye (28 octobre 2008)

59. À La Haye, j’ai eu un aperçu de la difficulté d’obtenir une véritable réforme du système des Nations Unies. Entre 1946 et 2005, neuf mille mandats ont été reformulés et sont encore en instance; certains d’entre eux sont totalement dépassés, d’autres font double emploi. Les Pays-Bas soutiennent l’initiative d’«Une ONU» tout en s’intéressant dans le même temps à la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. La solution d’une réforme intérimaire, applicable pendant une période de 15 ans, semble de plus en plus être une option viable. Cela supposerait de créer une nouvelle catégorie de sièges non permanents dans laquelle les pays pourraient être réélus pour une durée plus longue, compte tenu de leur engagement politique, financier, militaire et en ressources humaines dans l’Organisation.

9.10. Ottawa (3 novembre 2008)

60. J’ai été surpris de voir combien les responsables du gouvernement conservateur actuel semblent être réticents à répondre lorsqu’on leur demande quelle suite a été donnée à la position très progressive adoptée par le Canada au sujet de la réforme pendant les années 1999-2000, lorsque le pays soutenait l’introduction de concepts tels que la sécurité humaine et la responsabilité de protéger.

9.11. Moscou (17 janvier 2009)

61. À Moscou, les personnes que j’ai rencontrées m’ont dit que la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU ne doit pas porter uniquement sur l’élargissement de sa composition, mais sur une amélioration de l’efficacité de ses travaux. En ce sens, la Russie est très intéressée à ce que le CSNU accroisse sa capacité à réagir plus rapidement et plus efficacement aux crises et aux conflits dans le monde et à obtenir une meilleure mise en œuvre de ses décisions. La Russie est également favorable à l’idée que l’Assemblée générale joue un rôle plus central au sein du système des Nations Unies, même si le caractère intergouvernemental de l’organisation ne devrait pas être remis en question. La Russie ne souhaite aucune limitation du droit de veto et ne pense pas que les membres permanents devraient être appelés à expliquer l’utilisation du droit de veto devant l’Assemblée générale de l’ONU.

9.12. Rome (5 février 2009)

62. L’Italie regrette les divisions en Europe s’agissant de la réforme de l’ONU. Conscient que l’Italie ne peut pas raisonnablement espérer devenir membre permanent du Conseil de sécurité, le gouvernement italien semble être très impliqué dans le développement d’un projet de réforme qui est véritablement transnational. Dans ce contexte, une conférence ministérielle sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU a été organisée à Rome le 5 février 2009. À cette occasion, le ministre italien des Affaires étrangères a souligné qu’un Conseil de sécurité plus représentatif serait en mesure de réagir plus efficacement aux nouveaux défis et menaces contre la sécurité internationale. Toutefois, la réforme doit être de grande ampleur: il doit y avoir plus de transparence dans les travaux du Conseil de sécurité et davantage de coopération avec l’Assemblée générale. Le Conseil de sécurité doit être «plus inclusif»: il ne doit pas être ouvert uniquement à un nombre d’Etats appartenant à une élite, mais à une structure où les Etats de petite et moyenne taille pourraient eux aussi faire valoir leurs arguments lorsqu’ils ont un intérêt particulier à le faire.

10. Le Conseil de l’Europe, source d’inspiration pour l’ONU

63. Dans son ouvrage What’s wrong with the United Nations and how to fix it? [Ce qui ne va pas avec les Nations Unies et comment y remédier], le professeur américain Thomas Weiss mentionne la grande qualité de la protection des droits de l’homme en Europe, et cite à l’appui de son affirmation la Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne: «les détails de la situation européenne méritent d’être examinés, car ils démontrent que la protection des droits de l’homme au niveau supranational est possible dans le cadre des relations internationales lorsqu’il existe une réelle volonté politique. La situation européenne montre hélas également combien l’ONU doit fournir d’efforts pour pouvoir proposer le même type de régime des droits de l’homme. L’engagement des populations et des gouvernements en faveur d’une véritable protection des droits de l’homme est beaucoup plus fort en Europe que dans d’autres régions du monde. Il existe des régimes des droits de l’homme dans l’hémisphère occidental et en Afrique, mais ils n’égalent pas le niveau européen. Ces efforts pour passer de l’Etat à l’individu pointent au moins une direction pour l’ONU».

11. Les Etats membres du Conseil de l’Europe peuvent-ils s’entendre sur une position commune tout au moins à propos de certains aspects de la réforme?

64. Je pense que l’APCE devrait être en mesure de catalyser un consensus autour d’une position commune des Etats membres du Conseil de l’Europe sur certains aspects de la réforme des Nations Unies. Je ne suis pas naïf: je ne pense pas que notre Assemblée puisse parvenir à une position commune pour ce qui est de la composition et de la taille d’un Conseil de sécurité de l’ONU réformé, mais elle pourrait tout à fait s’entendre sur une position commune en ce qui concerne:
i. ses méthodes de travail, afin de les rendre plus transparentes et inclusives,
ii. le droit de veto, pour empêcher qu’il ne soit utilisé en cas de génocide et de graves violations des droits de l’homme,
iii. les relations du Conseil de sécurité avec l’Assemblée générale de l’ONU, afin d’améliorer l’interaction entre ces deux organes.
65. En outre, l’Assemblée devrait être à même de formuler des suggestions concrètes à propos de la revitalisation de l’Assemblée générale, car presque tous les États membres du Conseil de l’Europe ont fait part de leur engagement à relancer le rôle et l’autorité de cet organe en tant que «principal organe délibérant, directeur et représentatif des Nations Unies».
66. De même, la totalité des Etats membres du Conseil de l’Europe déclarent soutenir sans réserve l’idée que le système des Nations Unies doit être rationalisé, et nombre d’entre eux sont favorables aux recommandations du Groupe de haut niveau sur la cohérence du système des Nations Unies, aussi appelé Groupe Stoltenberg.
67. Le groupe a étudié les activités opérationnelles des Nations Unies et évalué le fonctionnement concret du système de l’Organisation, analysant aussi les doublons éventuels entre les différentes agences de l’ONU, en particulier lorsque plusieurs d’entre elles opèrent dans les mêmes pays. La recommandation essentielle de son rapport est la suivante: les Nations Unies devraient créer «une entité unifiée au niveau des pays, dirigée par un responsable, ayant un programme, un budget et un bureau», ce qui aurait pour effet, outre une meilleure répartition des ressources, d’améliorer l’efficacité, la communication et la visibilité.

12. Promouvoir la dimension parlementaire des Nations Unies

68. L’Assemblée a déjà pris position en faveur de l’introduction d’une dimension parlementaire dans le système des Nations Unies et je n’ai pas l’intention d’aborder à nouveau la question. J’aimerais en revanche promouvoir les précédentes recommandations de l’Assemblée dans les instances appropriées, afin d’obtenir un plus large soutien à cette idée de la part du personnel des Nations Unies et des gouvernements nationaux.
69. L’Assemblée n’est pas la seule institution favorable à la création d’une dimension parlementaire: un certain nombre d’organisations non-gouvernementales et de parlements militent activement en faveur de cet objectif.
70. Ainsi, depuis sa création en 2003, le Comité pour une ONU démocratique(KDUN, Komitee für eine demokratische UNO), mène une campagne et toute une série d’activités afin de promouvoir la création d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies 
			(20) 
			<a href='http://www.kdun.org/en/aboutus/index.php'>http://www.kdun.org/en/aboutus/index.php</a>. Cette organisation non gouvernementale, immatriculée en Allemagne, met en relation des universitaires, parlementaires, organisations non gouvernementales, personnalités publiques et citoyens du monde entier qui œuvrent tous dans ce sens.
71. Le Parlement européena lui-même adopté l’idée d’établir, en coopération avec les assemblées parlementaires mondiales ou régionales internationales, un réseau de parlementaires qui agirait en tant qu’assemblée parlementaire consultative sous l’égide des Nations Unies comme prémices à la création d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies (APNU) au sein du système de l’ONU. 
			(21) 
			Résolution du PE sur
la réforme des Nations Unies, 6 juin 2005
72. Je suis bien conscient que l’introduction d’une dimension parlementaire dans le système des Nations Unies est un véritable défi, et que de nombreux gouvernements sont réticents à partager avec des représentants élus ce qu’ils pensent relever de leur compétence exclusive.
73. Toutefois, je pense que cette attitude est une erreur. Accroître le caractère démocratique des Nations Unies ne peut que renforcer l’organisation et la rapprocher du public tout en la rendant plus légitime et plus crédible.
74. Le problème est de voir comment promouvoir cette idée. Je pense qu’il conviendrait d’envisager une approche progressive. La première étape consisterait à promouvoir activement l’Assemblée, comme une assemblée qui fonctionne selon des règles démocratiques, où les délégations doivent veiller à une représentation équitable des forces en présence dans leurs parlements nationaux et qui se pose comme un modèle pour les assemblées parlementaires régionales internationales existantes et pour la création de nouvelles assemblées. Les assemblées parlementaires régionales pourraient alors nommer des représentants qui siègeraient dans une Assemblée parlementaire de l’ONU.
75. Quant à l’éventualité que l’Union interparlementaire évolue pour devenir une Assemblée parlementaire des Nations Unies, j’aimerais rappeler certaines remarques, que je partage, formulées par le Comité pour une ONU démocratique 
			(22) 
			Comité
pour une ONU démocratique, la création d’une Assemblée parlementaire
des Nations Unies et le rôle de l’Union interparlementaire, octobre
2008.: l’UIP est une association de parlements nationaux. L’un de ses buts est de renforcer la capacité des parlements nationaux à exercer leurs fonctions de contrôle à l’échelle nationale sur des questions d’ordre international. Bien que l’UIP soit une assemblée mondiale travaillant en étroite collaboration avec le système des Nations Unies, elle n’a ni la capacité ni l’ambition d’exercer un contrôle des organes et institutions de l’ONU afin d’accroître leur obligation à rendre des comptes.

13. La démocratie transnationale: une nécessité

76. Un article publié par l’ancien Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros-Ghali décrit très bien le lien entre les défis du monde contemporain et la nécessité de promouvoir la démocratie au-delà du niveau étatique: 
			(23) 
			Boutros Ghali, the
missing link of democratization, in Open Democracy, 9 juin 2009.
«Les défis de notre temps sont colossaux. Les problèmes qui ne peuvent être résolus efficacement qu’à l’échelle mondiale se multiplient. La nécessité d’une gouvernance politique s’étend de plus en plus au-delà des frontières des Etats. Le changement climatique, la destruction environnementale, les disparités sociales, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, la croissance démographique et la pénurie croissante d’eau douce et de denrées alimentaires de base ne sont que quelques unes des questions les plus pressantes. Pourtant, la crise économique actuelle figure tout en haut de l’ordre du jour. Le ralentissement économique à travers le monde et les dérèglements tarifaires exacerbent les répercussions des autres problèmes. Dans ce monde globalisé, aucun pays ni individu ne sera épargné par les conséquences de la crise.
La dernière fois qu’une crise économique d’une telle ampleur s’est produite, elle a conduit à l’apparition d’effroyables tendances anti-démocratiques et de troubles sociaux. Elle a contribué à la montée du fascisme, au déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale et au génocide. En ces temps de crise économique mondiale, nous ne devons pas fermer les yeux sur ces enseignements.
Ainsi, alors que les dirigeants mondiaux réfléchissent actuellement à des réformes de gouvernance, ils ne doivent pas perdre de vue combien il est important de renforcer la démocratie. Des mesures destinées à assurer la stabilité du système financier et absorber les chocs immédiats provoqués par la crise sont naturellement au centre de l’attention. Toutefois, la crise devrait aussi nous donner l’occasion de nous intéresser à un aspect de la démocratisation en grande partie négligé: la démocratie à l’échelle de l’Etat perdra de l’importance si le processus de démocratisation n’est pas élargi également au système de gouvernance internationale. L’application des principes démocratiques aux institutions internationales doit être une composante essentielle de toute réforme de gouvernance mondiale.(…)
Ce projet implique de donner aux citoyens du monde la possibilité d’agir plus directement dans les affaires internationales. Il faut instaurer un lien direct entre les institutions mondiales et la population. Mais comment un tel projet de démocratisation à l’échelle mondiale pourrait-il être envisagé?
À cet effet, un moyen indispensable est la création d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies.(…) Une Assemblée parlementaire des Nations Unies – organe mondial de représentants élus – pourrait dynamiser nos institutions de gouvernance mondiale en leur donnant une légitimité démocratique, une transparence et une responsabilité sans précédent. Au départ, l’Assemblée pourrait avoir une fonction largement consultative. Avec le temps, son autorité et ses prérogatives pourraient évoluer. Elle pourrait être complémentaire de l’Assemblée générale de l’ONU et sa création, dans les premiers temps tout au moins, ne nécessiterait pas une réforme en profondeur de la Charte de l’ONU. Le président Barack Obama déclarait récemment que l’absence de contrôle est l’une des principales difficultés auxquelles nous nous heurtons à propos du système financier international. Une Assemblée parlementaire mondiale pourrait jouer un rôle important en exerçant un véritable contrôle en toute indépendance sur la multitude d’institutions qui existent au niveau mondial.»
77. Quant à l’objection selon laquelle une telle assemblée irait à l’encontre de son objectif du fait que la majorité des Etats ne sont pas démocratiques, je ne saurais être d’accord. Bien au contraire, une assemblée parlementaire de l’ONU pourrait être un outil solide à l’appui du processus de démocratisation au niveau national, en particulier si l’Assemblée parlementaire sert de modèle à celle-ci.

14. Réforme de la gouvernance mondiale

78. Dans son analyse fouillée de l’ONU, le professeur Thomas G. Weiss conclut à la nécessité de réfléchir à une ONU réformée afin d’instaurer un nouveau type de gouvernance mondiale. «Le dysfonctionnement du système international actuel n’a pas conduit à un nouveau cadre conceptuel mais plutôt à des expériences menées à l’aide d’un outil analytique utile, la gouvernance mondiale, qui permet de comprendre ce qui se passe mais ne nous force pas à définir ce qui devrait se produire. Nous sommes de plus en plus nombreux à reconnaître que nous vivons une époque ’post-westphalienne’ (...) mais cela ne fournit aucune précision pour les années à venir.
79. À l’instar de l’ONU, la gouvernance mondiale établit une passerelle entre l’ancien (l’existant) et ce qui n’est pas encore né. La gouvernance mondiale ressemble aussi à l’ONU en ce que nous sommes incapables de recourir à l’une ou l’autre pour résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés: le réchauffement climatique, les génocides, le blanchiment de capitaux par les terroristes et les pandémies mondiales comme le sida.»
80. Et l’ancien vice-secrétaire général, administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement et ministre britannique Lord Malloch Brown de conclure sa «Conférence John W. Holmes» intitulée «L’ONU peut-elle être réformée?» (texte publié dans Global Governance, New York, n° 14, 2008) par la thèse et la question suivante: «Jamais dans l’histoire de l’humanité le monde n’a été aussi intégré et moins gouverné. Les problèmes, du terrorisme au changement climatique en passant par la criminalité, la pauvreté, les migrations, la santé publique, la sécurité et le commerce ont échappé au contrôle de l’Etat, et l’ONU n’est pas en mesure de les récupérer. Combien de temps pouvons-nous tolérer ce dysfonctionnement du monde?»
81. Un peu plus tôt, Lord Malloch Brown montrait la voie que personne ne peut contourner en affirmant: «L’obstacle à la réforme est la paralysie intergouvernementale. Seuls un bon Secrétaire général, comme Kofi Annan, et un personnel de l’ONU dévoué et zélé peuvent surmonter cet obstacle. Il n’est pas juste non plus d’épingler les Etats-Unis, le G-77 ou d’autres. Tous ces problèmes sont des symptômes d’un système enserré dans une structure de 1945 qui instaure un climat de guerre ouverte entre tous dans un monde de 2007. L’ONU continuera à décevoir tant que les chefs d’Etat ne seront pas disposés à faire un pas en avant et à négocier une nouvelle structure qui inspire une réelle confiance et obtienne l’adhésion de tous.»

15. Conclusions et recommandations

82. Le monde a besoin des Nations Unies en tant que seul système légitime de gouvernance mondiale capable de préserver les générations futures du fléau de la guerre et de faire face aux défis du monde actuel: la pauvreté, le changement climatique, les armes de destruction massive, le terrorisme.
83. Aucune «coalition de bonnes volontés» ni alliance de démocraties ne pourrait jamais se substituer aux Nations Unies, car elle ne disposerait pas de la légitimité découlant de la Charte, cet ensemble de règles contraignantes que 192 Etats se sont engagés à respecter.
84. J’ai espoir qu’avec l’arrivée d’une nouvelle administration, les Etats-Unis seront en mesure d’appuyer de tout leur poids politique le multilatéralisme et une réforme des institutions internationales, y compris des Nations Unies, dans une direction démocratique.
85. Enfin, je pense que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a un rôle majeur à jouer comme modèle pour les assemblées parlementaires nouvelles ou existantes et pour promouvoir la démocratie transnationale.

***

Commission chargée du rapport: Commission des questions politiques

Renvoi en commission: renvoi n° 3294 du 22 janvier 2007

Projet de résolution adopté à l’unanimité le 10 septembre 2009

Membres de la commission: M. Göran Lindblad (Président), M. David Wilshire (Vice-Président), M. Björn Von Sydow (Vice-Président) (remplaçante: Mme Kerstin Lundgren), Mme Kristina Ojuland (Vice-Présidente) (remplaçant: M. Andres Herkel), Mme Fátima Aburto Baselga (remplaçante: M. Miguel Arias Cañete), M. Françis Agius, M. Alexandre Babakov, M. Viorel Badea (remplaçant: M. Ioan Mang), M. Denis Badré, M. Ryszard Bender, M. Andris Bērzinš, M. Pedrag Boškovic, M. Luc Van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa, M. Titus Corlătean, Mme Anna Čurdová, M. Rick Daems, M. Dumitru Diacov, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Piero Fassino, M. Per-Kristian Foss (remplaçant: M. Vidar Bjørnstad), M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. Marco Gatti, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hancock, M. Davit Harutiunyan (remplaçante: Mme Naira Zohrabyan), M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović, M. Michael Aastrup Jensen, Mr Miloš Jevtić, M. Emmanouil Kefaloyiannis, Mme Birgen Keleş, M. Victor Kolesnikov (remplaçante: Mme Ohla Herasym’yuk), M. Konstantion Kosachev, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden, M. Dariusz Lipiński, M. Juan Fernando López Aguilar (remplaçante: Mme Meritxell Batet Lamaña), M. Younal Loutfi, M. Gennaro Malgieri, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada, Mme Lilja Mósesdóttir, M. Joāo Bosco Mota Amaral, Mme Olga Nachtmannová, M. Gebhard Negele, Mme Miroslava Nemcova, M. Zsolt Németh, M. Fritz Neugebauer (remplaçant: M. Franz-Eduard Kühnel), M. Hryhoriy Omelchenko, M. Theodoros Pangalos, M. Ivan Popescu, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott (remplaçant: M. John Austin), M. Gabino Puche, M. Amadeu Rossell Tarradellas, M. Ilir Rusmali, M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt (remplaçant: M. Eduard Lintner), M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke, Lord Tomlinson (remplaçant: M. Rudi Vis), M. Petré Tsiskarishvili (remplaçant: M. Guiorgui Gabashvili), M. Mihai Tudose, M. Ilyas Umakhanov (remplaçant: M. Alexander Pochinok), M. José Vera Jardim, M. Luigi Vitali, M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm, M. Emanuelis Zingueris.

Ex-officio: MM. Mátyás Eörsi, Tiny Kox

N.B.:Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras

Secrétariat de la commission: Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner