Règle no 1:
les personnes privées de liberté sont traitées avec dignité et dans
le respect de leurs droits
1. Toute personne privée de liberté doit être traitée
avec dignité et ses droits doivent être respectés, y compris ceux
prévus par le droit international relatif aux droits de l’homme.
Le non-refoulement doit également être garanti, conformément à la
Convention de 1951 (s’agissant des demandeurs d’asile). Les restrictions appliquées
aux personnes privées de liberté doivent se limiter au strict nécessaire
et être proportionnées à l’objectif légitime pour lequel elles ont
été imposées. La référence, concernant les garanties contre les privations
de liberté illégales, devrait être l’article 5 de la Convention
européenne des droits de l’homme.
2. Les conditions de rétention peuvent être si déplorables qu’elles
font conclure à un mauvais traitement au sens de l’article 3 de
la Convention
.
Les mauvais traitements infligés à des retenus par des membres des
services de l’immigration, notamment les coups, le menotage ou l’usage
disproportionné de la force, entrent également dans le champ de
l’article 3 de la Convention. En outre, les règles régissant le fonctionnement
des centres de rétention doivent être appliquées de manière impartiale
et sans aucune discrimination fondée sur le sexe, la couleur de
peau, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine
nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation.
3. Garantir la dignité et le respect d’une personne suppose de
tenir compte de ses besoins particuliers. Les mineurs et les personnes
vulnérables ne devraient pas être placés en rétention. Si, dans
des circonstances exceptionnelles, la rétention s’avère nécessaire
pour garantir la sécurité d’un mineur ou d’une personne vulnérable,
elle ne devrait s’effectuer que dans des lieux spécialement conçus
pour répondre à leurs besoins. Il doit exister un règlement spécial
tenant compte de leur situation et de leurs besoins.
4. La vie dans un centre de rétention doit s’approcher le plus
possible des aspects positifs de la vie en société. Dans la mesure
du possible, la coopération avec les services sociaux extérieurs
et avec la société civile doit être encouragée. Lorsque les financements
sont insuffisants et les équipements si sommaires que les centres
de rétention dépendent de l’aide d’ONG et d’organisations internationales,
cette situation ne dégage pas l’Etat de ses responsabilités envers
les occupants des centres.
5. Le manque de ressources ne saurait justifier que les conditions
de rétention portent atteinte aux droits fondamentaux des retenus.
Si les moyens disponibles sont insuffisants, le recours à la rétention
doit être réduit. Les services compétents doivent être dotés des
ressources budgétaires nécessaires pour gérer les centres, quelles
que soient les pressions exercées par la crise économique – ou ces
centres doivent être fermés.
6. Les droits des migrants retenus doivent être garantis quel
que soit le lieu où se trouvent les intéressés, les locaux où ils
sont hébergés (dont le type d’installations utilisées, qu’elles
soient provisoires ou pérennes), la procédure dont ils font l’objet
et le stade de procédure auquel ils se trouvent.
Règle no 2: les
retenus sont hébergés dans des centres spécialement conçus pour
la rétention liée à l’immigration et non dans des prisons
1. Les retenus doivent être placés dans des centres
spécialement conçus pour la rétention liée à l’immigration. Les
lieux tels que les commissariats de police, zones de transit frontalières,
casernes, tentes, hôtels désaffectés, containers, etc., sont le
plus souvent totalement inadaptés et devraient être strictement évités,
sauf en cas d’urgence et uniquement pour le délai nécessaire avant
le transfert des personnes concernées dans des locaux plus appropriés.
Les prisons ne doivent pas être utilisées pour placer des demandeurs
d’asile en rétention.
2. Bien que les hébergements d’appoint soient considérés comme
une réponse à la surpopulation des centres et à l’afflux soudain
de migrants clandestins, ils ne sont pas «spécialement conçus» pour
la rétention liée à l’immigration
.
Ces hébergements ne sont pas adaptés à de longues périodes de rétention
et n’offrent ni les équipements, ni le régime nécessaire (dont l’exercice,
le contact avec le monde extérieur et l’accès à l’extérieur, à l’air
libre, à la lecture et aux loisirs). En outre, dans le cas où l’urgence
rend nécessaire l’utilisation d’un tel hébergement, les migrants
retenus ne doivent pas être obligés de partager une cellule avec
des prévenus et tout mélange de personnes aux statuts différents
doit être évité. Une prison n’est pas, par définition, le lieu qui
convient pour une personne sur laquelle ne pèse aucune suspicion
ou condamnation pénale. La rétention dans des centres provisoires
ne devrait pas être prolongée, car les conditions de vie tendent
à y être encore plus médiocres que dans les centres fermés non provisoires.
3. Les retenus sont placés, autant que possible, dans des centres
de rétention proches de membres de leur famille ou de lieux où ils
ont développé des liens sociaux ou autres liens d’entraide pendant
leur séjour. En effet, au cours de la procédure d’asile ou de leur
séjour dans le pays hôte, les demandeurs d’asile ou les migrants
peuvent avoir noué des relations avec d’autres personnes ou avec
des collectifs de soutien. Ce point est particulièrement important
pour les ressortissants étrangers (dont les réfugiés ou immigrés
présents depuis longtemps sur le territoire) qui ont purgé une peine
de prison et sont transférés dans un centre de rétention dans l’attente
d’une mesure d’éloignement.
4. Etant donné que les demandeurs d’asile et les migrants retenus
ne sont pas des délinquants, les dispositions de sécurité mises
en place doivent être les moins restrictives possibles. Concernant
les mineurs, dans les rares cas dans lesquels il pourrait être nécessaire
de les retenir, des équipements adéquats – notamment d’éducation
et de loisir – doivent être mis à leur disposition et toutes les
mesures nécessaires doivent être prises pour garantir leur sécurité
et les empêcher de se blesser ou de s’échapper.
Règle no 3: tous
les retenus sont informés rapidement, dans un langage simple et
accessible pour eux, des principales raisons juridiques et factuelles
de leur rétention, de leurs droits, des règles et de la procédure
de plaintes applicables pendant la rétention
1. Aux termes de l’article 5.2 de la Convention européenne
des droits de l’homme, «toute personne arrêtée doit être informée,
dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des
raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre
elle». La Cour a interprété cette disposition comme signifiant qu’une personne
arrêtée devait être informée, dans un langage simple et accessible
pour elle, des raisons juridiques et factuelles de sa privation
de liberté afin qu’elle puisse, si nécessaire, en contester la légalité
devant un tribunal
.
Ces informations devraient être communiquées oralement et par écrit
et les retenus devraient pouvoir en conserver un exemplaire écrit.
Ces règles s’appliquent aux cas de rétention visant à empêcher une entrée
irrégulière sur le territoire et dans l’attente d’une extradition
ou d’une expulsion
.
2. Les règles susmentionnées s’appliquent également à la transmission
aux demandeurs d’asile ou aux migrants concernés d’informations
concernant leurs droits, leur statut juridique, la procédure qui
leur est appliquée (dont une procédure de rétention ou d’examen
de la demande d’asile) et leur droit de recours.
3. Trop souvent, des personnes ont signalé au CPT qu’elles manquaient
d’informations sur ce qu’il advenait de leur dossier et sur le temps
qu’il leur restait à passer en rétention. Par ailleurs, aucune personne appréhendée
ne devrait être invitée à signer des documents dont elle n’a pas
compris le contenu, ou rédigés dans une langue qu’elle ne connaît
pas
.
Règle no 4: les
critères d’admission juridiques et factuels sont respectés, ce qui
suppose l’organisation de contrôles de dépistage et de visites médicales
permettant de repérer les besoins spécifiques. Des archives pertinentes
concernant les admissions, les séjours et les départs doivent être
conservées
1. Aux côtés des 10 principes directeurs sur la légalité
de la rétention des migrants en situation irrégulière et des demandeurs
d’asile, les procédures d’admission doivent fonctionner comme une
garantie supplémentaire. Les critères, les procédures et le dépistage
appliqués lors de l’admission doivent viser à ce que les retenus
soient traités conformément à leurs droits et à ce que tout besoin
particulier soit repéré précocement dès qu’une demande de protection
internationale est déposée, de façon à être pris en compte. Cela
est d’autant plus important que certains besoins particuliers, comme
un traumatisme, peuvent influer sur la capacité du demandeur d’asile
à participer de manière cohérente aux entretiens organisés dans
le cadre d’une admission au titre de l’asile.
2. Il faut également tenir compte du fait que, pour un certain
nombre de raisons, dont la honte ou le manque de confiance, des
demandeurs d’asile peuvent refuser de parler immédiatement de certaines
expériences. Il peut s’agir notamment de personnes qui ont été soumises
à la torture, à un viol ou à d’autres formes de violences sexuelles,
physiques ou psychologiques. Les besoins particuliers à ces types
d’expérience peuvent donc être difficiles à identifier au tout début
de la procédure. Le fait qu’elles soient révélées plus tard ne doit
ni pénaliser les demandeurs d’asile, ni les empêcher d’accéder à
des mesures de soutien spécialisées ou de bénéficier du traitement
adapté à la situation.
3. La consignation par écrit ou la conservation des documents
concernant les étrangers retenus présente souvent des lacunes
. Il est essentiel que des archives pertinentes
concernant les admissions, les séjours et les départs soient conservées.
Il s’avère parfois impossible de savoir depuis combien de temps
certaines personnes sont retenues. Les données relatives à chaque
retenu doivent être immédiatement consignées, notamment les informations
sur son identité, le motif du placement en rétention et l’autorité
compétente, le jour et l’heure de l’admission, toute blessure visible
ou plainte concernant des mauvais traitements subis et, sous réserve
du respect du secret médical, toute information sur la santé du
retenu ayant un impact sur son bien-être physique et mental et sur
celui d’autrui.
4. Lorsqu’un retenu n’est pas autorisé à conserver certains de
ses biens (en vertu du règlement du centre), un inventaire de ses
possessions est dressé, précisant celles qui seront conservées à
l’abri. Des mesures sont prises pour que ces biens restent en bon
état. Si le retenu amène des médicaments, le personnel médical décide
de l’usage qui doit en être fait.
5. Le plus tôt possible après l’admission, les informations relatives
à la santé du retenu doivent être complétées par un examen médical.
Tout renseignement sur la situation sociale du retenu est examiné
de façon à assurer son bien-être et à répondre à ses besoins personnels
immédiats.
6. Lorsque des personnes vulnérables sont retenues, il doit être
vérifié auprès d’un membre qualifié du corps médical que la rétention
ne portera pas atteinte à leur santé et à leur bien-être. Ces personnes
doivent bénéficier de contrôles, de suivis, de consultations et
d’un soutien dispensés par des professionnels compétents
.
Règle no 5: les
conditions matérielles de rétention sont adaptées à la situation
juridique et factuelle de l’intéressé
1. On trouvera, ci-après, une liste des conditions matérielles
qui devraient être réunies dans tous les bâtiments où les retenus
vivent et se rassemblent. Ces conditions sont les suivantes: les
conditions d’hébergement respectent les exigences de santé et d’hygiène
ainsi que la dignité humaine et la vie privée des retenus; il est
dûment tenu compte des conditions climatiques, de la surface au
sol, du volume d’air, du chauffage et de la ventilation. Les centres
sont correctement entretenus et constamment maintenus dans un état
de propreté, en particulier de façon à ce que tous les équipements
soient utilisables (toilettes, douches, chauffe-eau, etc.
).
2. Le nombre de lits par chambre n’est pas excessif. Les lits
sont propres, secs et non inconfortables. Chaque retenu dispose
de son propre lit et des draps, oreillers et couvertures nécessaires.
Dans la mesure du possible, les intéressés peuvent choisir d’être
hébergés ou non avec d’autres personnes (par exemple, en dortoir
et non en chambre individuelle).
3. Des vêtements et chaussures propres, chauds et secs sont toujours
fournis aux retenus dans une mesure convenable. Les vêtements sont
adaptés au climat (en particulier par temps froid). Ils sont en
bon état et remplacés lorsque nécessaire. Les retenus ne portent
pas de vêtements les identifiant comme tels, en particulier lorsqu’ils
sont amenés à sortir du centre.
4. Il existe des sanitaires, des douches et des toilettes cloisonnés.
Chaque retenu a la possibilité de prendre un bain ou une douche,
si possible tous les jours. Le personnel du centre de rétention
fournit aux retenus les moyens (notamment savon, produits d’hygiène
et matériel de ménage) leur permettant de maintenir leur propre
personne, leurs vêtements et l’endroit où ils dorment en état d’ordre
et de propreté. Les besoins des femmes sont dûment pris en compte.
Les parties communes (dont les sanitaires) sont maintenues en état
d’ordre et de propreté, du matériel de ménage étant également fourni
aux retenus à cet effet.
5. La nourriture
fournie
aux retenus est adaptée à leurs besoins. L’alimentation est nutritive
et suffisamment copieuse, comportant trois repas par jour à intervalles
réguliers. Elle remplit les besoins des retenus compte tenu de leur
âge, de leur état de santé, de leur condition physique, de leur
religion, de leur culture et de la nature de leur travail. Une attention
particulière est portée aux besoins des familles retenues avec des
enfants. La nourriture est préparée et servie dans le respect des
règles d’hygiène. Les retenus ont accès à tout moment à de l’eau
potable. Les autorités offrent aux retenus, lorsque c’est possible,
la possibilité de préparer eux-mêmes leurs repas
.
6. Les soins de santé
sont
suffisants, ce qui suppose que suffisamment de médecins, de dentistes
et d’infirmiers se rendent dans le centre au cours de la semaine
. Le CPT s’est
souvent dit inquiet devant le manque de mesures destinées aux personnes
nécessitant des soins psychiatriques. Certains retenus appellent
une prise en charge hospitalière; par ailleurs, des visites médicales
doivent régulièrement être effectuées par un personnel qualifié.
Une aide psychologique est également à prévoir pour les retenus présentant
des symptômes liés à la dépression, l’anxiété, la solitude, la tendance
à s’isoler, le deuil ou la perte, ou des tendances suicidaires.
C’est en premier lieu l’Etat qui doit fournir ce soutien (le problème
ne doit pas peser sur les seules épaules de la société civile, bien
qu’il convienne également de solliciter son aide
).
Règle no 6: le
régime de rétention est adapté à la situation juridique et factuelle
de l’intéressé
1. Les retenus ne sont pas censés rester toute la journée
enfermés dans une cellule. Dans certains centres, le régime est
si déplorable que même des mesures de base, comme l’accès aux journaux
et à la télévision (avec des chaînes nationales et étrangères) améliorerait
déjà la situation. Le régime appliqué à tous les retenus devrait
offrir un programme d’activités équilibré et constructif, comprenant
une pratique sportive, une formation professionnelle ou d’autres
types de formations (dont des cours de langue, la communication d’informations
sur le pays, sa culture et ses traditions, des cours de civilisation
et des cours d’informatique) et des activités collectives, récréatives
et autres loisirs
. Les centres
peuvent entrer en contact avec d’autres organisations ou services,
comme des bibliothèques publiques. L’exercice à l’air libre devrait
être garanti, avec des alternatives prévues lorsque le temps ne
le permet pas.
2. Une attention particulière devrait être prêtée aux besoins
des retenus vulnérables (tels que définis plus haut), dont les personnes
qui ont connu des abus physiques, psychiques ou sexuels. Des mesures
spéciales devraient également être prévues pour les retenus confrontés
à une barrière linguistique (en recourant, lorsque nécessaire, à
des interprètes et à des traducteurs).
3. Les retenus ne doivent jamais être obligés de pratiquer une
religion, de participer à un culte ou d’accepter des visites ou
des consultations. A l’inverse, de nombreux retenus trouvent également
du réconfort dans la visite de conseillers, de prêtres, de rabbins
ou d’imams, et ils devraient avoir l’occasion de pratiquer leur
religion ou de bénéficier de moments calmes
.
4. Le travail, dont des tâches utiles comme la cuisine ou le
jardinage, peut également être considéré comme un élément positif
du régime de rétention. Il ne doit cependant jamais être utilisé
comme punition. Fait significatif, la Directive européenne sur la
procédure d’asile dispose que l’accès au marché de l’emploi devrait être
garanti douze mois après le dépôt de la demande d’asile
.
Le prolongement de la rétention de demandeurs d’asile au-delà de
cette limite constituerait clairement une infraction à cette règle.
5. Les retenus doivent avoir accès à des programmes éducatifs
aussi complets que possible, répondant à leurs besoins individuels
et tenant compte de leurs aspirations. La priorité va aux personnes
ayant besoin d’apprendre à lire, écrire et compter. Dans la mesure
du réalisable, l’éducation des retenus se déroule dans des institutions
extérieures ou en coopération avec elles.
6. Les enfants devraient avoir accès au système éducatif
et à la scolarité au même titre
que les ressortissants du pays hôte. Ils devraient également avoir
des loisirs, notamment jouer et participer à des activités récréatives
adaptées à leur âge
.
Règle no 7: les
autorités responsables préservent la santé et le bien-être de toutes
les personnes retenues dont elles ont la charge
1. Garantir les soins de santé suppose de respecter
un grand nombre de règles détaillées; on peut cependant les résumer
ainsi:
- visite médicale à l’arrivée
et remise d’informations appropriées dans une langue que la personne retenue
comprend;
- offre de soins (dont des médicaments et le transfert dans
des établissements spécialisés ou dans des hôpitaux lorsqu’un traitement
spécialisé est nécessaire, et la prise en compte des besoins des personnes
ayant des problèmes de santé mentale ou des difficultés d’apprentissage),
assortie de garanties concernant le consentement et la confidentialité;
- prévention sanitaire (y compris des informations sur les
maladies sexuellement transmissibles);
- organisation des soins dans le centre de rétention (en
lien étroit avec l’administration sanitaire de la localité ou de
la région);
- mesures visant à garantir l’accès au personnel médical
et soignant (comprenant les services d’un médecin généraliste qualifié
et de personnes compétentes, y compris en cas d’urgence);
- missions confiées au personnel médical et soignant (rédaction
de rapports et de documents, diagnostic des maladies, traitement
des symptômes de manque pour les toxicomanes, identification des
problèmes psychologiques, etc.);
- traitement et suivi médical;
- interdiction des protocoles expérimentaux.
2. L’apport de médicaments à des personnes soumises à une décision
d’expulsion doit toujours reposer sur une décision médicale et respecter
la déontologie médicale. Les avis professionnels des personnels
de santé concernant l’aptitude à voyager, mais aussi la nécessité
d’une remise en liberté pour raisons de santé doivent être suivis
d’effet.
3. Les tests médicaux ne doivent pas être une condition préalable
à l’entrée sur un territoire, à l’accès à une procédure d’octroi
d’asile ou une cause de mise en rétention.
Règle no 8: les
retenus ont un accès concret au monde extérieur (y compris des contacts
avec des avocats, la famille, des amis, le HCR, la société civile,
des représentants du monde spirituel et religieux) et reçoivent
des visites fréquentes du monde extérieur
1. Les centres de rétention veillent à ce que leurs
occupants puissent avoir des contacts avec le monde extérieur. Au
même titre que d’autres catégories de personnes privées de liberté,
les migrants retenus doivent avoir le droit, dès le début de leur
rétention, d’informer une personne de leur choix de leur situation.
Les retenus peuvent contacter un avocat, un médecin, les membres
de leur famille et des représentants d’organisations (dont le HCR
ou l’Office des migrations internationales (OMI), la représentation
diplomatique compétente de leur pays, ou des ONG
, que ce soit par
lettre, par téléphone ou par un autre moyen), ou utiliser un mécanisme
national de prévention au titre du Protocole facultatif à la Convention
des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. Les retenus peuvent recevoir des visites
des personnes susmentionnées et doivent pouvoir récupérer leurs
effets personnels et leurs objets de valeur avant un retour forcé.
2. Le CPT a souligné que le contact avec le monde extérieur devait
être possible non seulement en théorie, mais aussi en pratique,
observant que ces garanties minimales n’étaient pas en place dans
tous les pays. Parfois, ce droit est contesté par les officiers
de police présents ou par d’autres responsables, quand il ne se heurte
pas à des obstacles bureaucratiques. Les autorités des centres de
rétention doivent aider les retenus à organiser des visites et à
maintenir des contacts avec le monde extérieur. La confidentialité
et le respect de la vie privée doivent être garantis, y compris
concernant la correspondance.
3. L’accès à un avocat et aux représentants du HCR ou d’autres
organisations est plus crucial encore pour les personnes qui déposent
une demande de protection internationale. De l’avis du rapporteur,
la question des contacts avec le monde extérieur est l’une des plus
sensibles. Dans la réalité, de nombreux retenus n’ont pas la possibilité
de contacter des avocats, qui eux ont peu l’occasion d’entrer en
contact avec les retenus. Il reste beaucoup à faire pour que l’offre
de conseil juridique puisse satisfaire la demande et pour améliorer
les moyens de communication, notamment la disponibilité d’appels
téléphoniques entrants et sortants.
Règle no 9: les
retenus ont un accès concret à des conseils, à une assistance et
à une représentation juridiques d’une qualité suffisante, ainsi
qu’à une aide juridique gratuite
1. Les retenus devraient bénéficier de toutes les garanties
procédurales pertinentes. Les autorités prennent des mesures raisonnables
pour leur faciliter l’accès à des conseils juridiques confidentiels.
Des avocats et des organisations fournissant des conseils juridiques
peuvent rencontrer la personne retenue et consulter son dossier.
En outre, les retenus ont accès aux documents relatifs aux procédures
juridiques les concernant ou sont autorisés à les garder en leur
possession. Les retenus peuvent consulter des juristes sur toute
question de droit. Lorsque des retenus sont transférés dans un nouveau
centre, toutes les précautions sont prises pour veiller à ce que
les documents juridiques et les biens leur appartenant restent intacts
(c’est-à-dire à ce qu’ils ne soient pas perdus ou détruits). L’interprétation
et la traduction des documents doivent être gratuites le cas échéant.
2. Lorsqu’une personne ne peut payer l’assistance ou la représentation
juridique dont elle a besoin, elle devrait en bénéficier gratuitement,
en accord avec les règles nationales applicables en matière d’aide juridique
. Les autorités veillent à porter cette
possibilité d’aide gratuite à l’attention des retenus. Les statistiques
montrent que les recours contre le placement en rétention aboutissent
beaucoup plus souvent lorsqu’une aide juridique, et notamment une
aide gratuite, est fournie. En Allemagne, par exemple, le nombre de
personnes retenues a diminué en 2008; une aide juridique avait été
mise à la disposition des retenus à Berlin, dans le Brandebourg
et en Bavière, ce qui a permis d’accompagner 97 demandes de libération
dont 57 ont été couronnées de succès
.
Règle no 10:
les retenus peuvent déposer périodiquement un recours effectif contre
leur mise en rétention devant un tribunal et les décisions concernant
la rétention sont examinées automatiquement à intervalles réguliers
1. L’article 5.4 de la Convention européenne des droits
de l’homme prévoit que toute personne privée de liberté a le droit
d’introduire un recours devant un tribunal. Ainsi, tout migrant
ou demandeur d’asile placé en rétention devrait avoir le droit d’effectuer
des démarches en vue de contester la légalité de sa rétention. La légalité
de la rétention devrait être rapidement confirmée ou infirmée par
un tribunal. Elle devrait être, dans tous les cas, réexaminée
ex officio à intervalles réguliers
par une autorité judiciaire, et à la demande du demandeur d’asile
concerné, lorsque des faits nouveaux se produisent ou lorsque de
nouvelles informations deviennent disponibles, qui peuvent remettre
en cause la légalité de la rétention. Un contrôle judiciaire indépendant
doit déterminer si la rétention est toujours nécessaire
.
2. Si la rétention est jugée illégale (sous réserve d’un éventuel
recours contre ce jugement), la personne concernée doit être libérée
sur-le-champ
. Le fait que les
possibilités de contrôle juridictionnel soient limitées a été critiqué
comme contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme
.
Règle no 11:
la sécurité, la protection et la discipline des retenus sont prises
en compte de façon à garantir le bon fonctionnement des centres
de rétention
1. Assurer la sécurité, la protection et la discipline
des retenus est essentiel au respect de leur dignité humaine. Un
règlement intérieur clair et précis est donc nécessaire
ainsi qu’une législation le cas échéant. Cela
suppose de protéger les personnes vulnérables (par exemple contre
la violence entre retenus, dont le CPT a signalé des cas). Les mesures
disciplinaires appliquées à chaque retenu doivent se limiter au
strict nécessaire pour garantir la sécurité des retenus. Elles ne
devraient donc être imposées qu’en dernier recours.
2. Les personnes qui violent le règlement intérieur du centre
de rétention peuvent encourir des sanctions disciplinaires, qui
peuvent prendre la forme d’un avertissement, d’une amende ou du
placement dans une cellule disciplinaire. Une interdiction provisoire
de réunion peut également être prononcée. Les sanctions disciplinaires
devraient être imposées avec parcimonie et de façon proportionnée
et ne viser que des individus (jamais des groupes). Le placement
à l’isolement n’est imposé que dans des cas très exceptionnels et
pour une période très brève et définie à l’avance. Les règles relatives
à l’isolement doivent être clairement rédigées
.
3. L’application de mesures disciplinaires devrait obéir à des
procédures claires. Le droit national détermine quels actes ou omissions
constituent des infractions disciplinaires ainsi que les procédures
à suivre pour les audiences disciplinaires, les types et la durée
des sanctions pouvant être appliquées, l’autorité compétente pour
imposer de telles sanctions et l’accès à une procédure de recours.
4. Les retenus doivent avoir la possibilité de discuter de leurs
conditions de rétention avec les autorités, comprenant leur protection,
leur sécurité et les questions de discipline, et doivent être encouragés
à communiquer avec les autorités sur ces questions.
Règle no 12:
le personnel des centres de rétention et des services de l’immigration
ne recourt pas à la force contre les retenus, sauf en situation
de légitime défense ou en cas de tentative d’évasion ou de résistance
physique active à un ordre légal, et toujours en dernier recours
et d’une manière proportionnée à la situation
1. Tout recours à la force doit obéir au minimum nécessaire
et ne durer que le plus bref laps de temps possible. L’usage de
la force doit faire l’objet d’instructions détaillées, concernant
notamment les différents types de techniques qui peuvent être employées,
le type de méthode autorisée pour contenir les retenus qui représentent
un risque pour les autres, les circonstances dans lesquelles chaque
type de recours à la force peut être appliqué et les procédures
à suivre (dont la rédaction de rapports).
2. Le CPT s’est élevé contre les usages de la force et/ou les
moyens de contrainte pouvant provoquer l’asphyxie et contre les
allégations de coups, de ligotage et de bâillonnement, de menotage
et d’administration de calmants contre la volonté des personnes
concernées
. Le port d’armes ou leur utilisation
devraient être interdits au personnel d’un centre de détention.
Les mauvais traitements physiques ou la violence à l’encontre de
migrants retenus de la part de gardes-frontière ou du personnel
d’un centre de rétention, notamment les coups de poing, coups de
pied ou coups de matraques ou de crosses de fusil
, assenés au moment
où les personnes sont appréhendées ou sur le point de subir un retour
forcé, ne sont jamais acceptables. Il est déjà arrivé que de tels
traitements entraînent des blessures, une hospitalisation et même
la mort.
3. Par ailleurs, il est totalement inacceptable que des personnes
sous le coup d’un ordre d’expulsion soient agressées physiquement
sous prétexte de les persuader/forcer d’embarquer dans un moyen
de transport ou en guise de punition pour avoir refusé de le faire.
4. Il convient de prévenir les agressions verbales et les comportements
grossiers de la part du personnel ainsi que certains types de corruption
(par exemple, demander aux retenus de donner des objets précieux
en échange de certains privilèges ou d’une accélération de leur
mise en liberté
).
5. Le personnel de santé effectuant des examens dans les centres
de rétention doit garantir le respect de la vie privée des personnes
concernées et la confidentialité des informations les concernant.
Les examens ne devraient pas être réalisés en présence de gardes
ou d’autres membres du personnel. Les blessures doivent être systématiquement
relevées avec mise en place, si nécessaire, d’un système permettant
de signaler les occurrences de mauvais traitements aux autorités
compétentes (par exemple le parquet). Les abus psychologiques ou
émotionnels et les discriminations ne sauraient être tolérés.
Règle no 13:
la direction et le personnel des centres de rétention sont recrutés
avec soin, bénéficient d’une formation adaptée et œuvrent conformément
aux normes professionnelles, éthiques et personnelles les plus élevées
1. Il convient de prêter attention aux relations entre
le personnel des centres de rétention et les personnes retenues.
Les obligations de l’Etat en matière de droits de l’homme s’appliquent
également aux agents qui opèrent en son nom, même s’ils sont directement
employés par des sociétés de sécurité privées.
2. Le personnel des centres de rétention fait un travail difficile.
Il doit être recruté avec soin et bénéficier constamment de formations
spécialisées et appropriées
,
comprenant une formation aux normes fondamentales en matière de
droits de l’homme
ainsi que
d’autres formations linguistiques et culturelles aidant à répondre
aux difficultés pratiques telles que les inévitables problèmes de
communication dus à la barrière de la langue ou les symptômes de
détresse des personnes retenues, qui acceptent mal d’être privées de
liberté alors qu’elles ne sont soupçonnées d’aucune infraction pénale.
En particulier, une formation doit être dispensée en ce qui concerne
les personnes vulnérables, comme les victimes de la torture, les
femmes vulnérables et les personnes traumatisées.
3. Sur le plan personnel, le personnel devrait veiller à ce que
les rapports entre le personnel et les retenus soient détendus et
se montrer sensible aux différences culturelles. Le recours à des
interprètes devrait être possible, y compris dans les échanges quotidiens
et notamment dans le contexte des visites médicales. Des directives
sur la formation et le comportement du personnel devraient être
envisagées
.
4. Même lorsque l’atmosphère générale dans un centre de rétention
est relativement détendue, les retenus se trouvent bien sûr dans
une situation d’adversité et de tension psychologique considérables,
en raison de l’incertitude de leur sort
. Le personnel doit être correctement
formé pour répondre à cela, ainsi qu’à des manifestations telles
que pétitions, grèves de la faim, automutilations et tentatives
de suicide. Lorsqu’une personne porte la main contre elle-même ou
contre autrui, l’incident doit faire l’objet d’une enquête complète. Le
recrutement de femmes parmi le personnel ou la nomination de responsables
des droits de l’homme dans les centres peut également améliorer
la situation pour les femmes retenues comme pour les hommes.
5. Concernant l’offre de soins, ce domaine demande l’élaboration
de règles spécifiques et détaillées s’appliquant aux responsables
et au personnel, à la structure et au fonctionnement de l’organisation
des soins, à la nature du travail dans un centre de rétention (qui
ne devrait pas être considéré comme une prison ou un lieu de relégation),
à la sélection et à la formation du personnel, au recours à un personnel
spécialisé et à la sensibilité envers les retenus vulnérables. Une
culture d’ouverture devrait être encouragée, accompagnée par la
publication de véritables évaluations statistiques.
Règle no 14:
les retenus ont tout loisir de formuler des demandes ou des plaintes
auprès d’autorités compétentes et des garanties de confidentialité
leur sont données à cet égard
1. Des procédures satisfaisantes devraient être en place
pour traiter les plaintes de retenus faisant état de mauvais traitements
par le personnel et les allégations de mauvais comportements doivent
être prises au sérieux. A cet égard, des garanties de confidentialité
doivent être données aux personnes retenues qui déposent une plainte.
Même si la surveillance ne devrait jamais être utilisée d’une façon
attentatoire à la vie privée, une caméra de vidéosurveillance devrait
fonctionner dans les situations de tête-à-tête entre gardes et retenus,
l’enregistrement étant mis à disposition en cas d’incident. Il est
important que le personnel signale tout événement aux responsables
concernés (ou au quartier général, en particulier lorsque la gestion
des centres est confiée à des entreprises privées). Par ailleurs,
les retenus ne sauraient être punis pour avoir formulé une demande
ou déposé une plainte.
2. Toute allégation d’infraction pénale de la part d’un retenu
ou d’un agent donne lieu à une enquête, exactement comme dans la
société libre, et à un traitement conforme au droit national.
3. Les personnes retenues bénéficient du droit de déposer un
recours dans le cas où des plaintes initiales liées à une décision
de retrait ou de limitation des conditions d’accueil n’auraient
pas abouti.
Règle no 15:
les centres de rétention et les conditions de vie dans ces centres
font l’objet d’inspections et de contrôles indépendants
1. Les centres de rétention doivent être régulièrement
inspectés par un organisme compétent, chargé de vérifier qu’ils
sont gérés conformément aux exigences du droit national et international.
Le CPT a observé que dans de nombreux pays, les systèmes de suivi
spécifiques n’avaient malheureusement été introduits qu’après des
événements particulièrement graves, comme le décès de personnes
retenues.
2. Les conditions de rétention et le traitement des retenus doivent
être contrôlés par un ou plusieurs organisme(s) indépendant(s) dont
les conclusions sont rendues publiques. Les députés du parlement
national devraient également avoir un rôle dans le contrôle de ces
lieux de privation de liberté. Un contrôle doit aussi être exercé
par les mécanismes de prévention nationaux au titre du Protocole
facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La
société civile et les médias ont le droit de savoir ce qui se passe
dans les centres de rétention et devraient pouvoir, dans une mesure
raisonnable, accéder à ces centres et rencontrer les retenus.
3. Les opérations d’expulsion doivent également être soigneusement
suivies et documentées.
***
Commission chargée du rapport: commission
des migrations, des réfugiés et de la population
Renvoi en commission: Doc. 10948, Renvoi 3252 du 30 juin 2008
Projets de résolution et de recommandation adoptés
à l’unanimité par la commission le 9 décembre 2009.
Membres de la commission: Mme Corien
W.A. Jonker (Vice-Présidente),
M. Hakki Keskin (1er Vice-Président), M. Doug Henderson (2e Vice-Président),
M. Pedro Agramunt (3e Vice-Président),
Mme Tina Acketoft (remplaçant: M. Göran Lindblad),
M. Francis Agius, M. Alexander van der Bellen, M. Ryszard Bender, M.
Márton Braun, M. André Bugnon, M. Sergej Chelemendik, M. Vannino
Chiti, M. Christopher Chope,
M. Desislav Chukolov, M.
Boriss Cilevičs, M. Titus
Corlăţean, M. Telmo Correia, Mme Claire Curtis-Thomas, M. David Darchiashvili, M. Nikolaos Dendias,M. Arcadio Díaz Tejera (remplaçant:
M. Gabino Puche), M. Vangjel Dule,
M. Tuur Elzinga, M. Valeriy Fedorov, M. Oleksandr Feldman, M. Relu
Fenechiu, Mme Doris Fiala, M. Bernard Fournier, M. Aristophanes
Georgiou (remplaçant: M. Fidias Sarikas),
M. Paul Giacobbi, Mme Angelika Graf, M. John Greenway, M. Michael
Hagberg, Mme Gultakin Hajibayli, M. Jürgen Herrmann, M. Bernd Heynemann,
M. Jean Huss, M. Tadeusz Iwiński, M. Zmago Jelinčič Plemeniti,
M. Mustafa Jemiliev, M. Tomáš Jirsa, M. Reijo Kallio, M. Ruslan
Kondratov, M. Franz Eduard Kühnel, M. Andros Kyprianou, M. Geert
Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Arminas Lydeka, M. Jean-Pierre Masseret
(remplaçant: M. Denis Jacquat),
M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan, Mme Ana Catarina Mendonça,
M. Gebhard Negele, Mme Korneliya Ninova, M. Hryhoriy Omelchenko,
Mme Steinunn Valdís Óskarsdóttir, M. Alexey Ostrovsky, Mme Vassiliki
Papandreou, M. Jørgen Poulsen,
M. Cezar Florin Preda, M.
Milorad Pupovac, Mme Mailis Reps,
M. Gonzalo Robles, M. Branko
Ružić,M. Džavid Šabović,M. Giacomo Santini, M. Samad Seyidov,
M. Fiorenzo Stolfi, M. Giacomo Stucchi, M. László Szakács, Mme Elke
Tindemans, M. Dragan Todorović, Mme Anette Trettebergstuen (remplaçant:
M. Øyvind Vaksdal), M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Michał Wojtczak, M.
Marco Zacchera, M. Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski,
Mme Naira Zohrabyan.
B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: M.
Neville, Mme Odrats, M. Ekström