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Rapport | Doc. 12117 | 11 janvier 2010

La situation au Proche-Orient

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Piero FASSINO, Italie, SOC

Résumé

L’Assemblée parlementaire suit de près la situation au Proche-Orient et participe, pour ce qui est de son ressort, aux efforts de la communauté internationale pour promouvoir et favoriser la paix au Proche-Orient.

Elle réaffirme sa conviction que la paix ne peut découler que d’une solution négociée et partagée entre les parties, et certainement pas d’actions militaires. En conséquence, elle encourage fortement les deux parties à restaurer un climat de confiance et à reprendre les négociations.

Pour sa part, l’Assemblée est résolue à poursuivre ses efforts en contribuant au dialogue politique au niveau parlementaire par le biais des activités du Forum Tripartite, comprenant les parlementaires de l’Assemblée parlementaire, de la Knesset et du Conseil législatif palestinien, ainsi que par le biais de relations avec les institutions parlementaires des pays de la région

A. Projet de résolution

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1. L’Assemblée parlementaire renvoie à ses Résolutions 1420 (2005), 1452 (2005), 1493 (2006), 1520 (2006) et 1550 (2007), et confirme à nouveau son engagement à participer, pour ce qui est de son ressort, aux efforts de la communauté internationale pour promouvoir et favoriser la paix au Proche-Orient.
2. L’Assemblée souligne que le temps qui s’écoule ne favorise pas la paix. Bien au contraire, ce sont justement les lenteurs du processus de paix qui l’ont affaibli et créé de la frustration et de l’amertume.
3. L’Assemblée invite les parties à ne pas rester prisonnières du passé et à surmonter toute attitude de méfiance, de perte de confiance ou de récrimination, afin d’entreprendre, avec détermination la voie d’une paix partagée et négociée.
4. Elle réaffirme que la paix ne peut découler que d’une solution négociée et partagée entre les parties, et certainement pas de solutions militaires.
5. L’Assemblée confirme qu’il ne pourrait y avoir de paix sans une lutte ferme et explicite contre toute forme d’intimidation, de violence et de terrorisme, notamment contre les civils, et incite tous les acteurs à agir en conséquence.
6. Elle condamne toutes les formes d’antisémitisme, d’antisionisme et de préjugé anti-israélien et enjoint tous ses membres à les combattre.
7. De la même façon, elle condamne les préjuges antiarabes et antimusulmans et enjoint tous les membres à combattre l’islamophobie.
8. L’Assemblée réaffirme que le droit à l’autodéfense ne doit jamais dépasser le principe de proportionnalité en tenant compte de la gravité de l’attaque subie et des moyens de se défendre et que l’emploi d’armes chimiques et de technologies interdites par les accords internationaux est inacceptable.
9. L’Assemblée se félicite du fait que la nouvelle administration américaine ait immédiatement concrétisé la détermination des États-Unis à poursuivre une solution de paix entre les Israéliens et les Palestiniens et, en appréciant l’engagement personnel direct du Président Obama, exprime son plein soutien envers ses initiatives visant à favoriser la reprise des négociations entre les parties en conflit.
10. Elle souligne aussi la valeur du discours du Président des Etats-Unis prononcé le 4 juin 2009 au Caire, visant à établir un nouveau climat de confiance entre les Etats-Unis et le monde musulman. Elle affirme que la visite du Président Obama à Buchenwald témoigne encore une fois de l’amitié et la solidarité pour le peuple juif et l’engagement à soutenir le droit d’existence d’Israël.
11. L’Assemblée insiste encore une fois sur le fait que le conflit au Proche Orient concerne avant tout deux aspirations également légitimes – le droit d’Israël et des Palestiniens à exister en sécurité et d’avoir un Etat indépendant – et qu’une paix stable ne pourra exister sans que les aspirations et les droits des deux peuples soient satisfaits.
12. L’Assemblée rappelle que les résolutions adoptées par les Nations Unies, les accord de Oslo, Washington et les négociations de Taba, le procès-verbal Moratinos de 2001, la Feuille de Route proposée par le Quartet (Nations Unies – Union européenne – États-Unis – Russie) ainsi que les déclarations finales de la Conférence d’Annapolis, vont dans la direction d’une paix fondée sur le principe de “terre contre paix” afin de garantir l’existence d’un Etat palestinien voisin de l’Etat d’Israël.
13. Le Plan de paix arabe ainsi que l’initiative de Genève doivent aussi être considérés comme des contributions essentielles au processus de paix.
14. L’Assemblée souligne que, jusqu’à la Conférence d’Annapolis, tous les pourparlers préliminaires et les négociations ont été axés sur la recherche de solutions partagées sur quatre points stratégiques: un État palestinien à l’intérieur des frontières de 1967, modifiées par d’éventuels échanges limités de territoire approuvés par les parties concernées; une solution “juste et partagée” pour les réfugiés palestiniens qui ne compromette pas les caractères de l’État d’Israël; l’évacuation des colonies israéliennes du territoire du futur État palestinien; un statut de Jérusalem agréé par les parties, en tenant compte de la valeur historique et religieuse de la ville, que aussi bien les israéliens que les palestiniens revendiquent comme leur propre capitale. Sur chacune de ces questions, on a enregistré des rapprochements de positions, bien que non formalisés, qui ne devraient pas être compromis.
15. L’Assemblée prend note que le gouvernement israélien au pouvoir a proposé une nouvelle approche pour une solution de paix qui, tout en reconnaissant le droit à un Etat palestinien, demande en même temps la reconnaissance du caractère juif de l’Etat d’Israël.
16. L’ Assemblée souligne que les propositions avancées par le Premier Ministre Nétanyahou dans son discours de Bar Ilan du 14 juin 2009, à savoir: un Etat palestinien démilitarisé avec un espace aérien et des frontières sous contrôle d’Israël; Jérusalem capitale unique et exclusive de l’Etat d’Israël; droit au retour des réfugiés palestiniens à exercer en dehors de l’Etat d’Israël; frontières entre Israël et l’Etat palestinien à définir sur la base de la démographie actuelle – s’éloignent de l’approche jusqu’à présent par les parties et la communauté internationale et qui doivent être sujettes à des négociations satisfaisantes pour les Israéliens et les Palestiniens.
17. L’Assemblée rappelle que la question des implantations israéliennes sur les territoires palestiniens est devenue un point de plus en plus crucial du conflit et que l’administration américaine et la communauté internationale ont demandé au Gouvernement israélien de les arrêter.
18. L’Assemblée apprécie le fait que, le 25 novembre 2009, le gouvernement israélien ait décidé de suspendre de nouvelles implantations et de nouvelles constructions en Cisjordanie pendant dix mois tout en notant que de telles suspensions n’incluent pas les constructions en cours ou les constructions autorisées dans Jérusalem Est et les travaux publics. L’Assemblée exprime le souhait que ce fait puisse favoriser la reprise des relations entre les parties au conflit.
19. En même temps, l’Assemblée souligne que l’exclusion de cette suspension de la ville de Jérusalem et des implantations existantes préoccupent la population palestinienne et elle souligne la nécessité de ne pas prendre de mesures qui changeraient l’identité de la ville.
20. L’Assemblée se félicite des mesures du gouvernement israélien pour réduire les points de contrôle et les contrôles d’accès en Cisjordanie et exprime le souhait que d’autres actions de ce type soient entreprises. En même temps, elle prend acte que le mur de division entre Israël et la Cisjordanie demeure un grave point litigieux et qu’il représente une violation du droit international.
21. L’Assemblée réaffirme son soutien à l’égard du Président Mahmoud Abbas et espère qu’il revienne sur sa décision de ne pas se représenter à l’élection présidentielle.
22. L’Assemblée se félicite des améliorations considérables dans le domaine économique et de la sécurité qui ont été réalisées en Cisjordanie par le gouvernement Fayyad et l’encourage à poursuivre dans cette direction.
23. L’Assemblée se félicite du fait que le Congrès du Fatah ait confirmé le leadership du Président Mahmoud Abbas et que les nouveaux dirigeants élus par le Congrès se soient activement engagés en faveur une paix négociée et partagée.
24. L’Assemblée souhaite que les négociations entre le Président Mahmoud Abbas et le Hamas aboutissent à une conclusion positive, permettant ainsi la formation d’un gouvernement d’unité nationale et la fixation d’une date acceptable pour le déroulement des élections législatives et présidentielles.
25. L’Assemblée demande instamment à Israël et au Hamas de reprendre les négociations pour une trêve solide et durable, pour la réouverture des accès à Gaza et pour un échange de prisonniers qui permette au soldat Gilad Shalit et aux prisonniers palestiniens de retourner auprès de leurs familles.
26. L’Assemblée souligne notamment aux parties en conflit que, pour parvenir à la paix, il est indispensable de rétablir un climat de confiance mutuel, aujourd’hui presque inexistant, et demande ainsi à chaque partie de faire preuve de cohérence et de générosité dans leur action.
27. En conséquence, l’Assemblée appelle le Gouvernement d’Israël:
27.1. à confirmer l’objectif d’une paix fondée sur la naissance d’un État palestinien aux côtés de l’État d’Israël;
27.2. à réaliser cet objectif par la négociation avec l’Autorité nationale palestinienne selon des critères et des objectifs négociés et partagés;
27.3. à conférer à l’Autorité nationale palestinienne tous les pouvoirs prévus dans les accords souscrits jusqu’ici;
27.4. à mener une enquête rigoureuse afin d’établir toute responsabilité des forces militaires israéliennes dans des violations des droits de l’homme, dans l’emploi gratuit et injustifié de la force et dans l’emploi d’armes chimiques;
27.5. à libérer les membres du Conseil législatif palestinien détenus et un grand nombre d’autres prisonniers, conformément aux accords d’Annapolis;
27.6. à ne pas autoriser de nouvelles implantations hors des frontières de l’État d’Israël, ni l’extension de celles qui existent déjà, et à lever les dénommés “avant-postes non autorisés”;
27.7. à garantir la réouverture durable des accès à la bande de Gaza;
27.8. à poursuivre l’assouplissement des contraintes à la mobilité et à la vie quotidienne pour la population de Cisjordanie, en réduisant les barrages routiers en allégeant les contrôles aux passages d’accès à la Cisjordanie.
28. L’Assemblée appelle toutes les forces palestiniennes:
28.1. à reconnaître l’autorité du Président Mahmoud Abbas;
28.2. à accomplir des pas concrets et significatifs dans la direction des trois requêtes avancées par le Quartet: renoncer à la violence; reconnaître le droit de l’État d’Israël à l’existence; respecter tous les accords signés par les Représentants palestiniens au cours de ces dernières années;
28.3. à conclure rapidement les négociations pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale et à fixer une date acceptable par tous pour les élections législatives et présidentielles.
29. Notamment, l’Assemblée appelle le Hamas:
29.1. à refuser le recours au terrorisme et à le combattre de manière explicite;
29.2. à libérer le soldat Gilad Shalit;
29.3. à cesser toute introduction illégale et clandestine d’armes dans la bande de Gaza et en Cisjordanie;
29.4. à cesser toute forme de persécution à l’égard de factions opposées.
30. L’Assemblée demande aux Etats-Unis, à l’Union européenne, à la Fédération de Russie et aux Nations Unies de relancer l’action commune du Quartet, en le sortant de l’enlisement de 2008 et en réajustant son approche selon l’évolution des événements.
31. L’Assemblée souligne le rôle essentiel que l’Union européenne est appelée à jouer en soutenant l’action du Quartet, en aidant les parties concernées à reprendre les négociations et en développant les relations bilatérales avec les pays de la région, ainsi qu’en faisant de l’Union pour la Méditerranée, nouvellement créée, l’instrument pour une politique de coopération, de progrès et de sécurité.
32. L’Assemblée rappelle les conclusions de la réunion du 8 décembre 2009 du Conseil des Ministres de l’Union européenne, dans lesquelles celle-ci exprimait sa grande préoccupation sur l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix, confirmait son ferme engagement en faveur d’une solution à deux Etats, déclarait qu’elle n’accepterait les modifications aux frontières de 1967 que si elles étaient approuvées par les deux parties, soulignait que les implantations illégales sont un obstacle à la paix et demandait leur arrêt, appelait à la réouverture des accès à la Bande de Gaza, mettait en garde contre les tentatives d’annexer Jérusalem Est qui compromettraient la possibilité de parvenir à un accord entre les parties au sujet de Jérusalem en tant que capitale pour les deux Etats.
33. L’Assemblée salue vivement l’engagement renouvelé de la Ligue arabe et de ses pays membres en faveur de la paix et considère le Plan de Beyrouth et de Riyad, récemment reconfirmé à Doha, comme une contribution essentielle à une solution pacifique partagée.
34. Elle exprime son soutien aux leaders arabes, et en premier lieu au Président Moubarak, engagés de manière active dans la construction d’un climat de confiance et d’une paix dans laquelle toutes les parties puissent se reconnaître.
35. L’Assemblée souligne la contribution que le Royaume de Jordanie apporte à la stabilité de la région et à la recherche d’une solution de paix partagée.
36. L’Assemblée se félicite du processus de stabilisation croissante au Liban, souligne l’importance de l’action de maintien de la paix du contingent FINUL/ONU, salue le début de l’activité du Tribunal spécial pour le Liban et fait appel à tous les membres de la société libanaise afin qu’ils poursuivent le chemin de la reconstruction économique et institutionnelle du pays, en renforçant l’unité du pays et en surmontant les divisions préexistantes entre factions et milices opposées.
37. L’Assemblée considère comme cruciale une solution positive du contentieux international avec l’Iran selon la nouvelle approche proposée par le Président Obama, et en appelle aux autorités iraniennes de faire preuve de la même disponibilité pour la recherche d’un accord qui offre des garanties spécifiques sur l’utilisation exclusivement civile des technologies nucléaires, se fondant sur les propositions avancées par les Nations Unies. Afin que ces efforts ne soient pas compromis, l’Iran doit se conformer aux demandes internationales de suspendre son enrichissement nucléaire et ses activités de retraitement, coopérer avec l’Agence internationale de l’énergie atomique dans le cadre de ses enquêtes à questions ouvertes, et cesser immédiatement la construction du site d’enrichissement de Qom. L’Iran et Israël doivent tous deux coopérer avec les Nations Unies pour les questions nucléaires.
38. L’Assemblée salue des avancées positives réalisées dans la transition démocratique en Irak et invite la communauté internationale à soutenir tous les efforts des autorités irakiennes en faveur du développement et de la stabilité du pays, fondés sur le respect des valeurs universelles.
39. L’Assemblée prend note de la nouvelle attitude plus constructive manifestée par le gouvernement de la Syrie et encourage ce dernier à poursuivre sur cette voie.
40. L’Assemblée se félicite du rôle important joué par la Turquie.
41. L’Assemblée insiste sur la contribution importante que la Fédération de Russie peut apporter à la stabilité de la région, en particulier en encourageant la Syrie et l’Iran à mettre en place des politiques d’ouverture.
42. L’Assemblée souligne l’importance de soutenir le processus de paix par des politiques d’aide au développement économique et social de la région et, dans ce sens, elle soutient l’action de l’Émissaire du Quartet, M. Tony Blair, et se félicite des engagements financiers souscrits à la Conférence des Donateurs de Charm el-Cheikh.
43. Elle souligne que la pleine affirmation et le respect des droits de l’homme, des libertés individuelles et de la démocratie dans tous les pays de la région sont essentiels pour une paix stable et durable et que le Conseil de l’Europe a, à cet égard, un rôle important à jouer.
44. L’Assemblée souligne que le Conseil de l’Europe peut fournir une contribution utile et spécifique à la paix au Proche-Orient. Elle considère que le Comité des Ministres et les secteurs concernés de l’Organisation devraient promouvoir:
44.1. l’assistance technique et juridique pour assurer la conformité des législations avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme;
44.2. des initiatives de dialogue interinstitutionnel, interculturel et interreligieux.
45. L’Assemblée salue avec satisfaction le début des activités du Forum tripartite réunissant l’Assemblée du Conseil de l’Europe, la Knesset et le Conseil législatif palestinien, et encourage les parties à poursuivre leurs efforts.
46. Pour sa part, l’Assemblée est résolue à poursuivre ses efforts pour établir des relations avec les institutions parlementaires des pays de la région et favoriser les contacts entre eux.
47. L’Assemblée décide de continuer à suivre l’évolution de la situation au Proche-Orient.

B. Exposé des motifs par M. Fassino, rapporteur

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1. Introduction

1. Le Proche-Orient et ses conflits ont été au centre de l’attention de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui a adopté plusieurs Résolutions (1420 et 1452 (2005); 1492 et 1493 (2006); 1550 (2007). Le présent rapport s’inscrit donc dans la continuité de cette attention particulière.
2. La Commission des questions politiques et sa sous-commission sur le Proche-Orient, assurent un suivi constant de l’évolution de la situation afin de fournir à l’Assemblée des évaluations et des propositions et lui permettre de contribuer au processus de paix par la promotion du dialogue au niveau parlementaire.
3. La situation politique au Proche-Orient a été marquée, au cours de la dernière année, par quatre événements: la guerre de Gaza, les élections parlementaires israéliennes et la formation d’un nouveau gouvernement, le conflit entre le Président palestinien Mahmoud Abbas et le Hamas, une nouvelle initiative américaine lancée par le Président Obama. Chacun de ces événements a engendré des dynamiques qui sont en train de redessiner le profil du conflit israélo-palestinien.
4. Il ne faut jamais oublier qu’au centre du conflit israélo-palestinien il y a deux aspirations également légitime; le droit d’Israël à exister et à vivre en sécurité et le droit du peuple palestinien à une patrie indépendante. Une paix durable ne pourra exister qu’en donnant satisfaction au droit des deux peuples.
5. D’autre part, le conflit israélo-palestinien doit être placé dans un cadre géopolitique plus large, le “Grand Proche-Orient” qui s’étend de la Méditerranée au Golfe Persique, où d’autres acteurs agissent – (l’Égypte, la Syrie, le Liban, la Ligue arabe, l’Irak, les Émirats du Golfe, l’Iran) dont les choix interagissent avec la question palestinienne.
6. Depuis le début, le conflit israélo-palestinien est une question prioritaire pour la communauté internationale et les principaux acteurs de la scène mondiale, qui sont impliqués activement à la réalisation de la paix.

2. La Guerre de Gaza

7. A la fin de l’année 2008, le Gouvernement d’Israël a décidé une action militaire dans la bande de Gaza (lancée le 27 décembre) dont l’objectif consistait à démanteler les positions du Hamas d’où, d’après les autorités israéliennes, en l’espace de 10 ans, environ 10 000 roquettes et missiles auraient été lancés, provoquant des dizaines de victimes, des centaines de blessés et la destruction de maisons et de bâtiments à usage civil. L’offensive israélienne a été décidée alors que le Hamas avait dénoncé la trêve de six mois négociée avec le gouvernement israélien, grâce à la médiation égyptienne.
8. L’action militaire israélienne a eu recours aux bombardements aériens, à l’emploi d’engins blindés et au déploiement d’importantes troupes terrestres. Une grande partie de la communauté internationale a estimé que cette offensive excédait le principe de proportionnalité entre l’attaque subie et la riposte. L’offensive a fait 1400 victimes, dont la moitié au moins étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées, et plus de 5000 blessés et a provoqué la destruction d’un nombre élevé de bâtiments – pour un montant d’environ 2 milliards de dollars.
9. Les agences des Nations Unies et les organisations humanitaires ont fourni des preuves de destructions et d’attaques militaires sur des bâtiments à usage civil, y compris des écoles et des hôpitaux. Le rapport des Nations Unies publié en septembre 2009 dénonçait Israël d’avoir «fait un usage disproportionné de la force”. En même temps, il déclare que les deux parties ont commis des actes que le droit international considère comme des crimes de guerre. Le Gouvernement israélien a admis quelques-uns de ces épisodes, en s’engageant à établir les responsabilités. A la suite d’indications fournies par des agences des Nations Unies, les autorités israéliennes ont également admis avoir utilisé des armes au phosphore et chimiques. De récentes déclarations d’officiers et de soldats israéliens engagés dans l’offensive ont également révélé des épisodes de violence gratuite, aux dépens de victimes civiles, sur lesquels les autorités israéliennes ont déclaré vouloir ouvrir des enquêtes.
10. Le Hamas a répliqué en mobilisant ses milices armées et en obligeant la population civile à servir de bouclier humain. Des membres d’Al Fatah et des partisans du Président Mahmoud Abbas ont fait l’objet de persécutions et beaucoup d’entre eux ont été tués pour des raisons de vengeance politique.
11. Dès le début de la guerre, la communauté internationale a appelé les deux parties à une suspension immédiate des hostilités pour permettre l’envoi d’aide humanitaire à la population et parvenir à un accord de cessez-le-feu durable. Malgré les appels et les efforts de médiation offerts, entre autres, par le Secrétaire général des Nations Unies, la Présidence de l’Union européenne, la Ligue arabe et différents pays, une suspension effective des hostilités n’a pas eu lieu, sauf dans les derniers jours des combats et pour quelques heures seulement afin d’ouvrir des couloirs humanitaires.
12. La guerre de Gaza s’est achevée sans un accord consensuel et bilatéral, mais seulement sur la base de deux decisions unilatérales. Le 17 janvier 2009, les troupes israéliennes ont quitté les territoires de Gaza et ont réintégré les territoires de l’État d’Israël.
13. La guerre a confirmé que la paix ne pourra pas venir d’une solution militaire. Elle a, par ailleurs, accentué davantage l’incommunicabilité, les accusations réciproques, la haine, poussant ainsi la communauté internationale à agir. L’expérience démontre que le temps ne joue pas pour la paix et qu’il est urgent de rendre l’initiative à la politique et à la recherche d’une solution de paix négociée, partagée et satisfaisante pour les Israéliens et les Palestiniens.

3. Les élections israéliennes

14. Le 20 février 2009 ont eu lieu les élections législatives en Israël, après qu’une crise gouvernementale ait contraint le Premier Ministre Olmert à démissionner, à annoncer des élections anticipées, ainsi que sa décision de ne pas se représenter comme candidat à la tête du gouvernement.
15. Le résultat des élections a changé le scénario: le parti Kadima, dirigé par la Ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, s’est révélé être le premier parti du pays en obtenant 28 sièges, suivi par le Likoud (27 sièges), dirigé par l’ancien Premier Ministre Benjamin Nétanyahou. Cependant, le total des sièges conquis par le Likoud, Israël Beitenou et les partis religieux constitue une large majorité à la Knesset. Par contre sur le front progressiste le succès de Kadima ne compense pas la réduction drastique des voix en faveur du Parti travailliste (13 sièges) et du Meretz (3 sièges). Le soutien aux partis arabes est en légère croissance. C’est sur la base de ce nouvel équilibre que le Président de l’État d’Israël, Shimon Peres, a confié la tâche de former le nouveau Gouvernement à Benjamin Nétanyahou.
16. Après des semaines de négociations entre les partis, il est parvenu à la formation d’un Gouvernement bénéficiant d’un large soutien parlementaire formé par le Likoud, Israël Beitenou, Shas, d’autres partis religieux et les Travaillistes, menés par Ehoud Barak. Kadima ne faisant pas partie de la coalition, son leader, Tzipi Livni a déclaré que son parti se plaçait dans l’opposition.
17. Après la formation de son gouvernement, le Premier Ministre Nétanyahou a annoncé une «nouvelle politique» et une nouvelle approche stratégique, lancées à Bar Ilan le 14 juin 2009, qui en acceptant enfin la proposition “deux Etats pour deux peuples” et l’idée d’un Etat palestinien indépendant, demande en même temps aux Palestiniens de reconnaître le caractère juif de l’Etat d’Israël. Et aussi en indiquant que l’Etat palestinien devra être démilitarisé et ses frontières et son espace aérien devront rester sous contrôle israélien; Jérusalem restera la capitale unique et indivisible de l’Etat d’Israël; le droit au retour des Palestiniens réfugiés pourra être résolu seulement en dehors de l’Etat d’Israël; et que les frontières entre Israël et l’Etat palestinien devront tenir compte de la répartition démographique actuelle.
18. Il ne faut pas oublier que pendant toutes ces années les parties en conflit et la communauté internationale ont adopté une approche fondée sur le principe “terre contre paix” en visant à concrétiser le concept “deux peuples / deux Etats”.
19. Il faut souligner aussi que, notamment dans les deux dernières années, tous les pourparlers préliminaires et les négociations ont été axés sur la recherche de solutions partagées sur quatre points stratégiques: un Etat palestinien à l’intérieur des frontières de 1967, modifiées par d’éventuels échanges limités de territoire; une solution “juste et partagée” pour les réfugiés palestiniens qui ne compromette pas les caractéristiques de l’Etat d’Israël; l’évacuation des colonies israéliennes du territoire du futur Etat palestinien; le statut de Jérusalem, que les Israéliens et les Palestiniens revendiquent comme leur propre capitale. Sur chacune de ces questions, on avait enregistré des rapprochements de positions, bien que non formalisés et bien qu’ils n’aient pas été reconnus jusqu’à présent par M. Nétanyahou.
20. L’Autorité Nationale Palestinienne (ANP) a réagi négativement aux nouvelles propositions israéliennes qui, selon elle, s’éloignent de l’approche suivie jusqu'à présent par les parties et par la communauté internationale. En tout cas, l’ANP a posé – comme condition préalable pour quelque négociation que ce soit – la suspension définitive de toutes les implantations israéliennes sur les territoires palestiniens, comme prévu d’ailleurs aussi par la Road Map présentée par le Président Obama au Caire. Par contre, le gouvernement israélien, face aux pressions américaines, a déclaré être prêt à bloquer les nouvelles implantations, en autorisant toutefois celles existantes à construire de nouveaux bâtiments et l’achèvement d’environ 3 000 bâtiments qui avaient déjà été commencés ou autorisés. Seraient aussi exclus les bâtiments publics comme les synagogues, les écoles, etc. et les implantations inclues dans le territoire de la ville de Jérusalem. Cette réponse israélienne a bloqué tous les pourparlers préliminaires entre israéliens et palestiniens, en poussant le Président Mahmoud Abbas à faire part de sa frustration en annonçant sa décision de ne pas se représenter aux élections présidentielles fixées pour le 24 janvier 2010. Le 25 novembre 2009, le Gouvernement israélien, pour lancer un signal de bonne volonté et d’ouverture, a annoncé la suspension pour un délai de 10 mois de toutes nouvelles implantations ainsi que de nouvelles constructions dans les implantations existantes, en excluant le territoire de la ville de Jérusalem et les constructions en cours de réalisation.

4. Le nouveau scénario palestinien

21. Depuis les élections palestiniennes de janvier 2006, le côté palestinien est partagé par de profondes divisions. La victoire électorale du Hamas – dans la bande de Gaza, mais également dans de nombreuses localités de la Cisjordanie – et l’échec sévère d’Al Fatah, ont redessiné le paysage politique palestinien, en renforçant davantage le Hamas et les composantes intégristes islamiques.
22. En juin 2006, des milices de Hamas enlèveraient un soldat israélien, Gilad Shalit, à la frontière avec Gaza, et depuis lors le Hamas le garde en captivité, en demandant en échange de sa libération, la libération d’un grand nombre de prisonniers palestiniens détenus par les Israéliens et la fin du blocage de Gaza. Des négociations indirectes, par une médiation égyptienne, se sont déroulées avec intermittence jusqu’à aujourd’hui, sans que Shalit soit libéré, comme demandé avec force par la communauté internationale.
23. Tout au long de ces mois, il y a eu également plusieurs tentatives, soit palestiniennes, soit arabes, pour arriver à un accord entre Fatah et Hamas et, en septembre 2006, Marwan Barghouti, le leader de la deuxième intifada emprisonné à vie en Israël, lançait avec des autres prisonniers de toutes les factions palestiniennes le dit “Document des prisonniers”, qui contenait les progrès à l’égard des trois conditions du Quartet et proposait un gouvernement palestinien d’union nationale.
24. En Février 2007, sous le patronage du Roi de l’Arabie Saoudite, le Fatah et le Hamas souscrivaient, à La Mecque, un accord pour la formation d’un gouvernement d’union interpalestinienne, basé sur les lignes du “document des prisonniers”. Ce gouvernement était formé dans les semaines suivantes, mais sa plateforme n’était pas considérée suffisante par Israël et par la communauté internationale pour terminer le boycott entre le gouvernement et le Hamas. Le gouvernement était paralysé aussi par les rivalités entre le Fatah et Hamas.
25. En juin 2007, le Hamas, par un coup de force de ses milices, s’empare de la bande de Gaza, en déclarant ne pas reconnaître l’autorité du Président Mahmoud Abbas, élu au suffrage universel en 2005. Mahmoud Abbas réagit en considérant déchu le Premier Ministre Ismaïl Haniyeh et confie à Saleh Fayyad la tâche de former un nouveau gouvernement. À partir de ce moment-là, le camp palestinien est partagé en deux entités: en Cisjordanie, Mahmoud Abbas et le Gouvernement mené par Saleh Fayyad; à Gaza un Gouvernement dirigé par le Hamas. Cette division s’est répercutée sur toute la région, tant dans les pays à leadership modéré (Égypte, Jordanie, Arabie Saoudite, Maroc, Algérie) soutenant Mahmoud Abbas, que dans d’autres pays (Syrie, Iran, Libye) et les mouvements intégristes soutenant le Hamas.
26. Ces divisions se sont également manifestées lors de la guerre de Gaza. Mahmoud Abbas et les dirigeants arabes modérés, tout en condamnant l’offensive militaire israélienne, ont dénoncé le caractère aventurier du Hamas et ses lancements quotidiens de roquettes sur les villages israéliens du Néguev. Les Gouvernements de Damas et de Téhéran ainsi que le Hezbollah libanais et d’autres mouvements islamistes radicaux ont en revanche accordé un soutien plein et inconditionnel au Hamas et à son comportement.
27. Les événements de Gaza ont poussé, au fur et à mesure, les factions palestiniennes à chercher un compromis. Immédiatement après la fin de la guerre et le retrait israélien de Gaza, des négociations ont été amorcées au Caire pour une pleine intégration du Hamas au sein de l’OLP, la reconnaissance de la part du Hamas de l’autorité de Mahmoud Abbas et la création d’un gouvernement d’unité nationale qui devrait durer jusqu’aux élections législatives et présidentielles, prévues en janvier 2010. Même le Conseil de Sécurité des Nations Unies, par sa résolution 1860/2009, a encouragé la recomposition inter-palestinienne et la formation d’un Gouvernement d’unité nationale. Pour parvenir à ce résultat, le Premier Ministre palestinien Saleh Fayyad a déclaré que son mandat était à la disposition du Président Mahmoud Abbas. Les négociations, cependant, n’ont pas encore abouti à un accord. Même la décision du Président Mahmoud Abbas de convoquer les élections présidentielles et législatives le 24 janvier 2010 a été contestée par le Hamas. Des négociations sont en cours pour parvenir à une nouvelle date acceptée par tous.
28. Il faut souligner qu’en Cisjordanie, le Gouvernement Fayyad a obtenu de remarquables résultats à la fois dans le domaine économique qu’en ce qui concerne la sécurité et le contrôle du territoire. Ces résultats ont été facilités par le fait que le gouvernement israélien ait réduit les points de contrôles et les barrages d’accès en Cisjordanie. Inversement, la construction du mur sur la ligne de démarcation entre Israël et la Cisjordanie, qui pénètre même en profondeur dans le territoire de Cisjordanie, continue d’être une question controversée.
29. Au mois d’août 2009 s’est tenu, pour la première fois après 20 ans, le Congrès de Al Fatah qui, en confirmant le leadership de Mahmoud Abbas, a reconfirmé son engagement pour une solution de paix négociée avec les israéliens et fondée sur le principe “deux Peuples / deux Etats”. Le Congrès a élu de nouveaux dirigeants, parmi lesquels Marwan Barghouti, détenu dans les prisons israéliennes, en marginalisant la “vieille garde” arafatienne considérée coupable de la crise de crédibilité du Fatah et de sa défaite électorale de 2006.

5. L’initiative américaine et les responsabilités de la communauté internationale

30. Le conflit au Proche-Orient constitue, depuis toujours, un échiquier stratégique pour les équilibres politiques et économiques mondiaux, les relations Occident-Islam, les relations Nord-Sud et Est-Ouest. Il appartient donc aux grands acteurs internationaux de concourir à la stabilité et à la paix au Proche-Orient.
31. Notamment, le rôle clé que les États-Unis jouent depuis toujours au Proche-Orient a été relancé par les premiers actes de la nouvelle administration Obama: les visites dans la région de la Secrétaire d’État Hillary Clinton et sa participation à la Conférence des Donateurs de Charm el-Cheikh; la nomination de l’ambassadeur Mitchell comme Représentant spécial des États-Unis pour la paix au Proche-Orient; la visite en Syrie du sénateur John Kerry, Président de la Commission des Affaires étrangères et la rencontre entre Mme Clinton et le Ministre syrien des Affaires étrangères; le message d’ouverture au dialogue envoyé par le Président Obama aux dirigeants iraniens et leur implication dans la recherche d’une solution de la question afghane.
32. En particulier, le discours du Caire que le Président Obama a adressé au monde musulman le 4 juin 2009 dans lequel sont reconnus, à côté du droit du peuple juif à son Etat, l’Etat d’Israël, et à vivre en paix et en sécurité, non seulement le droit à une patrie au peuple palestinien mais aussi sa souffrance de trop d’années de diaspora ainsi que le manque de solutions au conflit, a suscité, pour la première fois depuis plusieurs années, espoir et confiance d’une grande partie du monde arabe et musulman envers l’Amérique.
33. Par ailleurs, la visite effectuée à cette période par le Président Obama au camp de concentration de Buchenwald a témoigné de l’attachement au peuple juif et la ferme volonté de l’Amérique de continuer à protéger Israël, sa sécurité et son avenir.
34. Suite à ces choix politiques, le Président Obama – après des consultations bilatérales avec le Président Mahmoud Abbas, et les Premiers Ministres Nétanyahou et Moubarak – a convoqué, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies, une rencontre avec le Président palestinien et le Premier Ministre israélien pour favoriser la reprise des pourparlers de paix. Toutefois, les opinions des parties en cause paraissent à ce jour inconciliables, surtout en ce qui concerne la suspension des implantations, que le Président Mahmoud Abbas demande et que Benjamin Nétanyahou est prêt à accueillir partiellement. Même les tentatives successives de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton et de l’Ambassadeur Mitchell de rapprocher les parties, en demandant à chacune des deux parties de ne pas poser de conditions préalables, n’ont pas abouti. Néanmoins, l’engagement américain continue avec détermination et doit être encouragé et soutenu par tous.
35. L’Union européenne – en tant que principal partenaire économique d’Israël et principal bailleur de fonds de l’Autorité nationale palestinienne – a la responsabilité de concourir à l’engagement international pour la paix. Elle peut et doit le faire non seulement dans le cadre du Quartet et sur le plan des relations bilatérales, mais aussi en aidant les parties à reprendre les négociations, en utilisant les nombreuses occasions offertes par les Accords euro-méditerranéens d’association à l’Union européenne et en faisant de l’Union euro-méditerranéenne nouvellement créée un outil actif et concret de politiques de coopération, de stabilité et de sécurité du bassin méditerranéen tout entier.
36. Le rôle que peut jouer la Fédération de Russie est lui aussi très important; celle-ci, en effet, maintient d’étroites relations avec la Syrie et l’Iran, et peut donc exercer sur ces pays une influence positive. La proposition de la Russie de convoquer, dans les premiers mois de 2010, une nouvelle Conférence Internationale, en tant que suite de celle d’Annapolis, est intéressante et peut être utile, et doit être examinée avec attention par la diplomatie internationale.
37. Il ne faut pas oublier que les choix unilatéraux du Président Bush, ainsi que la réduction de l’engagement multilatéral de la Russie suite au conflit avec la Géorgie, ont enlisé l’action du Quartet et sa crédibilité.
38. Dans ce scénario actuel, il appartient aux Nations Unies de relancer l’action conjointe du Quartet, en le sortant de l’enlisement de 2008 et en réajustant son approche à l’évolution des événements et à partir d’une prise en compte plus attentive de la réalité des acteurs sur le terrain.
39. L’engagement de la communauté internationale ne peut pas se limiter à la dimension politique, mais il doit se traduire en un soutien financier fort, en premier lieu en faveur de l’Autorité Nationale Palestinienne, qui permette de mettre en œuvre les politiques de développement économique et de promotion sociale essentielles pour faire en sorte que la paix soit solide et crédible. Les engagements pris au cours de la Conférence des Donateurs de Charm el-Cheikh de mars 2009 vont dans ce sens et doivent être tenus; de même qu’il faut soutenir pleinement l’activité de l’Émissaire du Quartet, Tony Blair.

6. Le scénario régional

40. L’engagement du monde arabe pour une paix entre les Israéliens et les Palestiniens s’est renforcé, notamment autour du Plan de paix approuvé à l’unanimité par la Ligue arabe au Sommet de Beyrouth de 2002, basé sur les points suivants: la création d’un État palestinien à l’intérieur des frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale; la reconnaissance de l’État d’Israël de la part des États arabes; une solution “juste et partagée” de la question des réfugiés. La relance de cette plateforme aux Sommets de Riyad (mars 2007) et de Doha (2008) et la participation des principaux pays arabes à la Conférence d’Annapolis, confirment l’engagement accru des pays de la région et le nouveau rôle central joué par la Ligue arabe qui est, de plus en plus, le moteur d’initiatives permettant au front arabe modéré et réformiste de ne pas subir l’initiative de l’intégrisme islamisme.
41. L’Égypte confirme son rôle central dans tous les événements du Proche-Orient: en effet, c’est au Caire que l’on avait négocié la première trêve entre le Hamas et Israël; Le Caire est aussi bien le siège des négociations entre le Hamas et le Fatah que le siège des pourparlers pour la libération du soldat Shalit (en échange de nombreux prisonniers palestiniens) et pour rétablir, après la guerre de Gaza, une trêve entre Israël et le Hamas qui comporte aussi la fin du blocage de Gaza. Et Le Caire a été choisi par le Président Obama pour adresser au monde arabe son important discours et présenter ses propositions pour la paix.
42. Après de longues années d’isolement et d’hostilité vis-à-vis de tout accord de paix, nous assistons à un nouveau comportement de la Syrie. Une plus grande coopération pour le respect de l’indépendance et de l’intégrité du Liban, avec échange d’ambassadeurs; la mise en place, avec la médiation de la Turquie, de pourparlers préliminaires avec Israël pour un accord sur le Golan; la reprise des relations avec les États-Unis, mises en exergue par la visite à Damas du sénateur Kerry, Président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain, et par la rencontre au Caire de Mme Hillary Clinton avec le ministre syrien des Affaires étrangères Moallem; la confirmation de l’acceptation du Plan de paix arabe: il s’agit là de signes d’une volonté de faire partie d’un processus de stabilisation qui doit être encouragée.
43. Tout aussi important est le rôle croissant joué par l’Arabie Saoudite qui a été à l’origine de la proposition du Plan de paix arabe de 2002 et qui, avec l’Égypte et la Jordanie, a relancé fortement cette plateforme, en promouvant en 2007 le Sommet de Riyad et en élargissant le consensus actif du monde arabe pour un accord de paix. La participation au plus haut niveau de l’Arabie Saoudite à la Conférence d’Annapolis confirme cette volonté, qui doit elle aussi être encouragée.
44. Au Liban, on assiste également à une évolution positive, bien que lente. Après la crise de juin 2006 qui a abouti à la guerre israélo-libanaise de juillet-août, l’engagement de la communauté internationale a permis d’entreprendre un parcours de stabilisation. La présence d’un important contingent des Nations Unies a permis de mettre un terme aux hostilités militaires. Les accords de Doha de 2008, reconnaissant un rôle majeur au Hezbollah, ont permis de sortir de l’impasse institutionnelle et d’élire à la Présidence de la République le général Suleiman, en mettant fin à une exténuante et dangereuse paralysie du pays. La nouvelle loi électorale a redéfini les rapports entre les différentes communautés religieuses et nationales qui composent le Liban. La mise en place, à partir du 1er mars 2009, du Tribunal spécial pour le Liban a permis d’acheminer sur un parcours judiciaire l’établissement des responsabilités pour l’assassinat du Président Hariri. Enfin, les élections de juin 2009 ont révélé la victoire de la coalition progressiste dirigée par Hariri fils, même si le parti Hezbollah a renforcé sa position électorale. Après une longue négociation, un gouvernement d’union nationale a été formé, dont le Premier Ministre est M. Hariri. Toutefois, la question du désarmement des milices, qui expose le pays au risque de sursauts violents continus, reste non résolue ainsi que la question du rôle du Hezbollah, la principale formation islamiste libanaise ayant de solides relations avec l’Iran, la Syrie et le Hamas.
45. L’Iran a assumé un rôle de plus en plus central. Le leadership exercé par Téhéran sur le monde chiite, le caractère violent des déclarations anti-israéliennes du Président Ahmadinejad et, surtout, le lancement d’un programme nucléaire qui pourrait ne pas se limiter uniquement à la dimension énergétique civile, mais s’étendre également au nucléaire militaire, suscite des inquiétudes au sein de la communauté internationale et, notamment, dans le Gouvernement israélien qui a maintes fois menacé de recourir à l’emploi de la force. Le Conseil de Sécurité a pourtant voté des sanctions contre l’Iran, qui cependant ne sont pas parvenues à ce jour à bloquer les progrès iraniens dans le domaine nucléaire.
46. La solution du dossier iranien sur la base de négociations politiques est un passage essentiel pour la stabilité du Proche-Orient et pour parvenir à la paix entre les Israéliens et les Palestiniens. C’est pour cette raison que l’on ne peut qu’apprécier et soutenir la nouvelle approche du Président Obama, visant à offrir à l’Iran une négociation paritaire et ouverte, tout en ne renonçant pas à exercer des pressions (qui n’excluent pas le durcissement des sanctions) pour que le pays abandonne toute aspiration à l’arme nucléaire. Il faut également apprécier la décision d’impliquer l’Iran dans la gestion de la question afghane. Bien que, jusqu’à présent, aucune réponse satisfaisante ne soit parvenue de la part de l’Iran.
47. Les inquiétudes de la communauté internationale se sont accrues suite aux élections, dont le Président Ahmadinejad a été proclamé vainqueur, mais dont les résultats sont contestés par les candidats de l’opposition et qui ont mené à des manifestations réprimées par les autorités. C’est également pour cette raison qu’il est important d’éviter des initiatives unilatérales, surtout de nature militaire, qui pourraient avoir des conséquences dévastatrices sur les équilibres stratégiques aussi bien au niveau régional qu’international. Un nouveau cadre des relations avec l’Iran, qui satisfasse aussi l’aspiration de ce pays à exercer un rôle de puissance régionale, peut par ailleurs avoir un impact positif également dans la vie politique intérieure.
48. Une évolution positive de la transition en Irak peut également renforcer les facteurs de stabilité de la région; il faut donc encourager toute action qui permette de consolider les institutions démocratiques de l’État irakien.
49. De même, en Afghanistan, l’élection pour un nouveau mandat du Président Karzai, contesté par les autres candidats, incite la communauté internationale et les pays directement engagés à partager et entreprendre une stratégie de transition plus efficace, qui renforce le volet politique, social et économique et accélère une politique de réconciliation nationale.
50. Bien que l’activité des organisations terroristes ait été plus efficacement déjouée, on ne peut pas sous-estimer la dangerosité d’Al-Qaïda et des autres organisations terroristes, qui continuent à poursuivre la déstabilisation de la région, en fomentant la “guerre sainte” et toute forme de conflit et d’opposition entre l’Islam et l’Occident. Et ce danger permanent doit inciter la communauté internationale et chaque gouvernement à considérer la lutte contre le terrorisme comme une une priorité permanente.

7. Le rôle de l’Assemblée parlementaire

51. La stabilité et la paix au Proche-Orient pourront d’autant plus être atteintes et être solides si dans cette région aussi le respect et l’affirmation des droits humains, des libertés individuelles, de la démocratie, se développent. La solution de paix sera plus solide si les deux États sont aussi deux démocraties. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a ici un rôle spécifique à assumer.
52. En juin 2008, à Rhodes, a été lancé le Forum tripartite Assemblée parlementaire/Knesset/Conseil législatif palestinien. L’objectif du Forum, réalisé grâce à l’impulsion décisive de la sous-commission sur le Proche-Orient de la Commission des questions politiques et de son Président, consiste à créer, sans interférer dans les négociations entre les parties, un lieu de débat et de dialogue parlementaire visant à accroître la confiance et la fiabilité réciproques.
53. Dans le même esprit, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a établi des relations avec les Parlements de nombreux pays de la région; cette activité doit être encouragée et consolidée, ainsi que les relations directes entre eux.
54. L’assistance juridique et constitutionnelle que le Conseil de l’Europe et ses structures (notamment la Commission de Venise) peuvent fournir, afin de favoriser, dans les différents pays de la région, l’adoption de législations en pleine harmonie avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, est d’une grande importance.

8. Conclusions

55. L’expérience de nombreuses décennies prouve que ce n’est pas avec les armes, mais uniquement par le biais de la négociation que l’on pourra parvenir à la paix.
56. L’expérience nous prouve également que le temps qui s’écoule sans que l’on amorce un accord, ébranle la confiance réciproque et éloigne le processus de paix.
57. Il est donc décisif de relancer avec force le processus de paix, en appelant les parties à assumer leurs responsabilités et en engageant la communauté internationale à les aider et à les accompagner.
58. À cet effet, il est nécessaire que la communauté internationale encourage et soutienne une recomposition inter-palestinienne et la formation d’un gouvernement d’unité nationale, qui permette la création d’un leadership représentatif, crédible et engagé dans le processus de paix.
59. Il est également essentiel que le nouveau gouvernement israélien confirme explicitement son engagement pour une paix fondée sur le principe «terre en échange de la paix” et sur la solution “deux États pour deux peuples”, en négociant une solution cohérente, crédible et partagée aussi par les Palestiniens.
60. La seule paix possible est celle qui verra deux États l’un à côté de l’autre, en reconnaissant et en affirmant les droits et les aspirations des deux peuples: à Israël une existence reconnue et sûre et au peuple palestinien une patrie indépendante.
61. Le processus de paix sera d’autant plus solide et sûr si, dans tous les États de la région, les droits humains et civils et les principes de l’État de droit et de la démocratie sont reconnus; le Conseil de l’Europe et notamment son Assemblée parlementaire, peut jouer un rôle essentiel pour leur respect et leur application.