1. Introduction
1. La biodiversité, ou diversité biologique, représente
la variation de tout le vivant. On distingue trois types de biodiversité:
la diversité génétique au sein des espèces, la diversité entre les
espèces et la diversité des écosystèmes. Les échanges et interactions
entre ces différentes entités leur confèrent une capacité d’adaptation
qui a permis à la vie de se maintenir depuis des milliards d’années.
En tant qu’êtres vivants, nous faisons partie de cette biodiversité.
2. La bonne santé des écosystèmes dépend de la biodiversité et
les bienfaits que nous en retirons sont nombreux. Parmi les fonctions
fondamentales dont nous profitons, citons la production de nourriture,
le recyclage de l’eau et de l’air, la fourniture de matières premières,
de ressources énergétiques et de remèdes, le rôle de protection
contre les catastrophes naturelles, la contribution à notre culture
et à nos loisirs, et la valeur économique liée notamment aux biotechnologies.
3. Malgré ou peut-être à cause de ces nombreux avantages dont
nous bénéficions, la biodiversité est aujourd’hui menacée par la
destruction d’habitats entiers, la surexploitation des sols, des
milieux marins ou de certaines espèces (chasse/pêche excessive),
le morcellement des milieux, la pollution de l’air et de l’eau,
ou encore la propagation d’espèces invasives.
4. Le changement climatique en cours (vagues de chaleur, cyclones
tropicaux, inondations, sécheresse) représente également une menace
pour la biodiversité. Le réchauffement global actuel est sans équivoque. Nous
l’avons déjà constaté à l’échelle mondiale par une hausse des températures
moyennes de l’atmosphère et des océans, une fonte massive de la
neige et de la glace, et une élévation du niveau moyen des mers.
Il constitue un défi sans précédent pour la biodiversité, car il
se conjugue avec les autres dangers des actions anthropiques.
5. Les activités humaines sont ainsi les principales responsables
de l’appauvrissement de la biodiversité et provoquent également
l’accélération exponentielle du changement climatique.
6. Notre impact sur la Terre est considérable, aucun autre être
vivant n’a autant transformé son habitat que nous. Ces modifications
sont cependant beaucoup trop rapides pour permettre aux espèces
de s’adapter, faute de quoi elles s’éteignent.
7. Les écosystèmes sont notre habitat. Si nous les comparons
à notre maison, les espèces vivantes en constituent les briques
des murs. Chacune a sa fonction même si, isolée, elle nous paraît
de faible importance. Cette subtile construction est garante de
notre qualité de vie. Or, chaque espèce qui disparaît, c’est un
trou dans le mur. Au fil des extinctions, l’écosystème se fragilise,
la maison se détériore et l’équilibre est menacé. A la fin, l’édifice
entier s’effondrera et nous nous retrouverons alors sans protection
ni ressources.
8. Dans l’histoire de la Terre, l’apparition et la disparition
d’espèces étaient jusqu’à maintenant liées à des causes naturelles.
Parfois, des événements particuliers ont conduit à des extinctions
de masse, à l’image de la disparition des dinosaures il y a 65 millions
d’années. Ce fut la cinquième et dernière grande extinction. Actuellement,
le phénomène observé est beaucoup plus rapide. Serons-nous la cause
de la sixième extinction de masse sur notre planète?
2. Interactions entre
biodiversité, changement climatique et activités humaines
9. Le climat n’a cessé de changer tout au long de l’histoire
de la Terre et l’évolution biologique (apparition d’espèces nouvelles
et extinction d’autres espèces) est également permanente depuis
plus de 4 milliards d’années. Ces processus ont commencé bien avant
que l’homme n’apparaisse sur terre par suite de cette même évolution
et sont toujours à l’œuvre aujourd’hui.
10. Pendant la dernière partie du XXe siècle,
des quantités considérables de carbone ont été libérées à la suite
de l’activité industrielle et au déboisement opéré depuis plusieurs
siècles aux latitudes moyennes et élevées, et ce dans les régions
tropicales notamment. L’essentiel du réchauffement observé au cours
des cinquante dernières années est probablement dû à l’accroissement
de la concentration de gaz à effet de serre (GES).
11. A l’heure actuelle, cependant, les activités humaines influent
sur le changement climatique et la perte de biodiversité à un point
tel qu’elles menacent l’équilibre des milieux naturels et, par là
même, la survie de l’humanité, car nous dépendons de la biodiversité
et des conditions climatiques dans lesquelles nous évoluons.
12. Pour se rendre compte de la vitesse sans précédent du changement
climatique, il faut savoir qu’au sortir de la dernière période glaciaire,
dans des conditions exclusivement naturelles, les températures du
globe ont augmenté de quelques degrés en plusieurs milliers d’années.
Durant le dernier millénaire, seuls quelques dixièmes de degré de
différence séparaient les périodes les plus chaudes (optimum climatique
médiéval) et les plus froides (petit âge glaciaire). Or, bien plus
que les valeurs absolues des températures, c’est ce rythme sans
précédent de la hausse des températures qui déterminera la réaction
des écosystèmes.
13. Les effets de l’activité humaine sur le climat et sur la biodiversité
sont multiples et il convient probablement de distinguer les aspects
suivants.
14. Certaines activités humaines ont un double effet direct sur
le climat et la biodiversité. Par exemple, l’abattage de forêts
anciennes entraîne l’émission de gaz carbonique, engendrée par la
combustion ou la décomposition de biomasse ligneuse, et l’extinction
d’espèces due à la perte de leur habitat. Une autre illustration
de ce phénomène est l’assèchement des zones humides qui provoque
l’émission de gaz carbonique résultant de la combustion ou de la
décomposition de la tourbe ainsi que la perte de milieux rares riches
en espèces spécialisées. L’exploitation de gisements de pétrole
et de gaz dans des régions sauvages encore vierges aura aussi un
impact sur le climat et la biodiversité.
15. L’intensification de l’élevage et de l’agriculture est une
question connexe et passablement complexe. Le recours accru aux
engrais minéraux entraîne des émissions d’oxyde d’azote, et la production
de fumier provenant des grands élevages de bétail une augmentation
des émissions de méthane. Or ces deux gaz contribuent à l’effet
de serre. La perte de biodiversité se produit simultanément du fait
de la conversion en terre arable de prairies semi-naturelles riches
en espèces, de la disparition des lisières de champ et des haies,
et du remplacement des races traditionnelles par une race unique
(dans certains cas génétiquement modifiée).
16. Un exemple des conséquences catastrophiques que peut avoir
la perte de biodiversité génétique dans les cultures est la propagation
actuelle de la chrysomèle des racines du maïs. Les chenilles de
ce coléoptère mangent les racines du maïs et saccagent les cultures,
car les plantes ne tiennent plus debout. A l’origine, une plante
attaquée de la sorte émettait une substance par les feuilles et
les racines, afin d’attirer les prédateurs naturels des ravageurs
(une petite guêpe parasitoïde). Or, actuellement, la variété de
maïs la plus cultivée aux Etats-Unis et en Europe a perdu le gène
nécessaire pour produire ce signal d’alarme, et par là même la capacité
de se défendre. Le bilan des pertes est très lourd et la recherche
tente aujourd’hui de retrouver et de réinsérer ce gène perdu dans
les variétés de maïs cultivées.
17. D’un autre côté, le changement climatique (provoqué par l’homme)
a également une influence sur la biodiversité. Un exemple de ce
phénomène qui a eu récemment un grand retentissement est l’amincissement et
le rétrécissement de la calotte glacière des pôles, qui menacent
la survie des ours polaires. Les dangers qui pèsent sur tous les
autres éléments de la biodiversité arctique sont moins débattus
mais aussi bien connus. Le changement climatique a également des
effets sur la biodiversité des zones montagneuses.
18. Le changement climatique va pousser les espèces à s’adapter,
notamment en migrant vers des lieux plus favorables. Cependant,
la fragmentation des habitats limite ces mouvements de population
et diminue ainsi les capacités d’adaptation des espèces. De plus,
la perte de biodiversité réduit la résilience des écosystèmes face
au changement climatique. Ils résistent alors moins bien aux maladies
ou aux plantes invasives.
19. Du fait de l’imbrication des problèmes, il faut envisager
les solutions de manière coordonnée.
20. C’est ainsi que l’adoption de mesures favorisant une agriculture
moins intensive et plus durable contribuerait à atténuer l’ampleur
du changement climatique et à conserver la biodiversité. La préservation
des zones boisées de longue date aurait aussi un impact sur ces
deux phénomènes.
3. Influence de l’homme sur la
biodiversité et le changement climatique
21. Les activités humaines influent fortement sur les
écosystèmes et la biodiversité et perturbent le climat. Les domaines
d’action ayant les conséquences les plus manifestes sont l’exploitation
du sol, l’infrastructure urbaine et routière, la fourniture de matières
premières, l’agriculture, l’exploitation des forêts et la gestion
de l’eau. Chacun de ces sujets est repris plus en détail ci-dessous.
22. Une mauvaise utilisation du sol peut entraîner des problèmes
de rétention de l’eau en surface. Les risques d’érosion et de glissement
de terrain lors d’événements catastrophiques sont augmentés.
23. L’agrandissement des villes et villages et la construction
de bâtiments font disparaître des champs, forêts, zones humides
ou terrains vagues (terriers, habitats, nids…) et par là menacent
la biodiversité. Dans les villes, l’architecture laisse peu de place
à la nature sauvage; le béton et le verre empêchent les végétaux de
pousser et d’instaurer des écosystèmes.
24. L’urbanisation comporte aussi d’autres problèmes: la pollution
atmosphérique engendrée par le nombre croissant de voitures et par
l’utilisation d’énergies non renouvelables, la production des déchets
et leur élimination, la construction de routes et de parkings qui
rendent le sol imperméable et détruisent toute vie végétale, la
destruction de corridors qui permettaient une libre circulation
des espèces (suppression des coulées vertes, etc.), la disparition
de vergers, de terres agricoles nourricières, de zones humides et
de ruisseaux (lieux privilégiés de dizaines d’espèces végétales
et animales).
25. De plus, la nouvelle tendance à recourir à des plantes «exotiques»
pour orner les jardins ne favorise pas la biodiversité locale. Au
contraire, la plupart sont des espèces invasives et entrent en compétition
avec la flore locale en menaçant la stabilité de l’écosystème.
26. Les infrastructures de transport recouvrent une diversité
de modes, de contextes et de flux: transports en commun, réseau
ferroviaire, circulations douces, transport fluvial. Les impacts
sur l’environnement sont importants aussi bien pendant les phases
d’aménagement (consommation d’espace, chantiers) que pendant les
phases d’exploitation de ces infrastructures (pollution, bruit).
27. Elles ont aussi des impacts sociaux et économiques majeurs:
désenclavement, stimulation des échanges, etc. Le choix des modes
de transport (collectif, individuel, ferroviaire, fluvial, routier),
ou des sources d’énergie (électricité, hydrocarbures, hydrogène,
agrocarburants) a également une conséquence environnementale notable.
28. L’exploitation minière et pétrolière génère des impacts environnementaux
qui peuvent être aussi importants. Pour les minimiser, il est judicieux
d’anticiper au moment du choix des équipements (exemples: modes
de carburation, gestion des flux, gestion des déchets).
29. L’agriculture et le déboisement mal gérés sont aussi de graves
problèmes pour l’environnement. En effet, les surfaces dévolues
aux cultures et aux pâturages représentent près de 39 % des terres
émergées et les forêts en occupent 30 % (selon les données de la
FAO).
30. L’agriculture engendre d’importantes émissions de GES. Les
activités agricoles et la réaffectation des terres comptent pour
environ un tiers des émissions totales de dioxyde de carbone et
elles sont les plus importantes sources de méthane (produites par
l’élevage et les rizières inondées) et d’oxyde nitreux (provenant
principalement des applications d’engrais azoté minéral).
31. Environ 70 % de la consommation mondiale de l’eau est dévolue
à l’agriculture. Cette proportion peut s’élever jusqu’à 95 % dans
de nombreux pays en développement, ce qui influence fortement la
disponibilité de l’eau pour les autres utilisations humaines.
32. La qualité de l’eau pourrait être améliorée par un changement
des pratiques agricoles, par exemple en gérant plus efficacement
les besoins, en réduisant la salinisation, en luttant contre l’érosion
des sols, ou en évitant les infiltrations nocives dues aux pesticides
et aux déchets d’élevage. Toutes ces mesures, en lien avec le recyclage
des eaux usées, pourraient favoriser la reconstitution des nappes
phréatiques et améliorer la qualité des ressources hydriques, conduisant
ainsi à une augmentation de l’eau disponible.
4. Problématique du CO2 en lien
avec le cycle du carbone
33. L’essentiel du réchauffement climatique observé au
cours des cinquante dernières années est probablement dû à l’accroissement
de la concentration de GES, dont les principaux sont la vapeur d’eau,
le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote et l’ozone.
34. Le dioxyde de carbone est un GES naturel et n’est pas toxique
en soi. L’augmentation de sa concentration atmosphérique liée aux
activités humaines est néanmoins une des causes du réchauffement climatique.
En effet, pendant la dernière partie du XXe siècle,
des quantités considérables de dioxyde de carbone ont été libérées
à la suite de l’activité industrielle et au déboisement, notamment
dans les régions tropicales.
35. La régulation de la concentration en CO2 est
couplée avec le cycle naturel du carbone. Cependant, le court-circuit
de ce cycle causé par la combustion d’énergies fossiles est en grande
partie responsable des problèmes actuels.
36. La dynamique des écosystèmes terrestres varie selon l’interaction
de plusieurs cycles biogéochimiques, en particulier le cycle du
carbone, les cycles des éléments nutritifs et le cycle de l’eau,
que l’homme peut perturber.
37. Les écosystèmes terrestres, en retenant le carbone dans la
biomasse vivante, dans les matières organiques en décomposition
et dans les sols, jouent un rôle important dans le cycle global
du carbone. La photosynthèse fixe le CO2 atmosphérique
dans la biomasse des plantes alors que, au contraire, la respiration, la
décomposition et la combustion transforment le carbone organique
en CO2. Ces processus entretiennent la circulation
naturelle du carbone entre les écosystèmes et l’atmosphère. Les
activités humaines, notamment dans le secteur de l’utilisation des
terres, du changement d’affectation des terres et de l’exploitation
forestière et industrielle, modifient les stocks et les échanges
entre les réservoirs.
38. L’absorption nette de carbone par les écosystèmes terrestres
résulte de plusieurs facteurs, comme les pratiques agriculturales,
la régénération naturelle d’écosystèmes aux latitudes moyennes et
élevées, les effets indirects des activités humaines (exemple: fertilisation
par le CO2 atmosphérique et dépôt des nutriments)
et de l’évolution du climat (naturelle et anthropique). Il est actuellement
impossible de déterminer l’importance relative de ces différents
processus qui varient d’une région à l’autre.
39. Une des stratégies permettant de réduire la concentration
de CO2 atmosphérique est de favoriser le piégeage
du carbone par les plantes et dans les sols. L’augmentation de la
biomasse racinière et des matières organiques favorise la rétention
d’eau et des substances nutritives dans les sols, donc la productivité
des terres. Les modifications des pratiques de gestion agricole
peuvent accélérer ou inverser le degré de fixation du carbone en
une période relativement courte.
40. De même, si le volume de biomasse aérienne (arbres et arbustes)
augmente, la fixation du carbone est également favorisée. Les taux
de piégeage varient selon les essences, le type de sol, le climat
régional, la topographie et les pratiques de gestion. Les plantations
forestières et les systèmes sylvopastoraux comptent parmi les différents
types de réaffectations des terres qui favorisent la séquestration
aérienne du carbone.
41. Il faut savoir en outre que le carbone peut être piégé dans
la biomasse, puis retenu dans les produits du bois pendant des décennies.
Il ne faut pas oublier non plus que l’énergie tirée de la biomasse,
c’est-à-dire des sous-produits résiduels du bois et des cultures
ou des cultures arbustives, mises en place tout spécialement, pourrait
conduire à une réduction importante des émissions nettes de GES
par le remplacement des combustibles fossiles.
42. Toutefois, le recours à la biomasse issue du bois comme substitut
des combustibles fossiles relève de questions complexes. Tant que
la quantité d’énergie produite est supérieure à celle consommée
pour la coupe et l’extraction, l’exploitation de la biomasse contribue
à atténuer le changement climatique. Cependant, il faut des garde-fous
beaucoup plus sophistiqués pour éviter les effets négatifs d’une
augmentation de l’extraction du bois sur la biodiversité. La question
des biocarburants issus de l’agriculture («agrocarburants») est
encore plus complexe. Dans ce domaine, un scepticisme marqué a fait
place à l’enthousiasme initial. Il est manifeste qu’il faut adopter
une position équilibrée. Il est vrai, en effet, qu’une grande partie
de la production intensive d’agrocarburants s’est faite aux dépens
de la biodiversité et, dans certains cas, ce choix ne s’est pas
avéré judicieux d’un point de vue climatique. Toutefois, il est
possible de produire des agrocarburants d’une manière durable, c’est-à-dire
à la fois propice à l’atténuation du changement climatique et compatible
avec les objectifs de maintien de la biodiversité.
43. Le réchauffement de la planète tend à freiner le piégeage
du CO2 atmosphérique par les écosystèmes terrestres
et les océans, ce qui entraîne une augmentation des émissions anthropiques
qui se trouvent dans l’atmosphère. C’est comme une spirale sans
fin.
44. Il importe d’agir vite. Il faut arrêter d’alimenter le réchauffement
climatique désormais inéluctable en réduisant, par exemple, d’une
manière massive les émissions de GES et en prenant rapidement des
mesures de protection.
45. Le réchauffement nuit à la fixation du CO2 atmosphérique
dans les terres émergées et les océans, augmentant ainsi la partie
des émissions anthropiques qui reste dans l’atmosphère. Cette rétroaction
positive du cycle du carbone renforce l’accroissement de CO2 atmosphérique
et entraîne un changement climatique plus important pour un scénario
d’émissions donné.
46. Les émissions futures de GES seront principalement conditionnées
par l’évolution démographique, le développement économique et social,
et le rythme et la direction des progrès technologiques.
47. Les émissions de GES doivent décroître pour que les concentrations
atmosphériques de ces gaz se stabilisent.
48. Les mesures d’atténuation qui seront prises au cours des deux
à trois prochaines décennies détermineront dans une large mesure
les possibilités de stabiliser les concentrations. Mais nous ne contrôlerons
les émissions de gaz carbonique que si nous consommons moins d’énergie
fossile.
5. Ressources énergétiques
49. La nécessité de diminuer les émissions des GES nous
force à une course insensée pour trouver de nouvelles énergies qui
substituent les combustibles fossiles, et on utilise des énergies
alternatives sans évaluer vraiment les conséquences qu’elles peuvent
avoir à moyen et à long terme.
50. Le besoin croissant d’énergies renouvelables accentue la concurrence
par rapport aux ressources naturelles.
51. Il y a, à l’heure actuelle, tout un débat sur la question
des biocarburants d’origine agricole. Il s’agit finalement d’alibis
qui partent sûrement d’une bonne intention mais qui se détournent
du véritable problème. Au lieu d’être réduite, la consommation devient
«verte». Pourtant, la démarche est peu écologique.
52. Le boisement et les plantations à vocation bioénergétique
peuvent permettre de réhabiliter des terres dégradées, de ralentir
les eaux de ruissellement, de retenir le carbone des sols, ce qui
sera bénéfique pour l’économie rurale. Mais ils peuvent aussi concurrencer
la production alimentaire, produire une augmentation de la sécheresse
et menacer la biodiversité en cas de mise en œuvre inadéquate.
53. Non seulement la réduction des GES est relative, mais le fait
que les produits de la biomasse tels que le maïs ou la canne à sucre
ne soient pas consommés, entraîne également une utilisation sans
scrupule de fertilisants et de pesticides, de même qu’une exploitation
unilatérale du sol.
54. Exception faite, bien sûr, de la bioénergie issue des déchets
qui semble la meilleure manière de les éliminer. D’un autre côté,
les biocombustibles de deuxième génération semblent eux aussi prometteurs.
55. Mais il existe également d’autres énergies totalement propres
qui peuvent aider à diminuer les émissions de GES sans effet néfaste
sur l’environnement, comme l’énergie solaire. Il suffirait par exemple d’installer
des collecteurs solaires sur les toitures pour obtenir de l’eau
chaude, même lorsque le temps est couvert.
56. Il faut un véritable travail de prise de conscience de la
part des fabricants et de la population pour réduire les émissions
de GES, en réduisant la consommation d’énergie et en utilisant des
énergies plus propres.
57. Nous pourrions ainsi satisfaire aux normes du Protocole de
Kyoto sans que des pertes de qualité de vie, des modifications du
mode de vie ou de nouvelles technologies soient nécessaires. Malheureusement,
la population manifeste peu de volonté pour acheter des appareils
plus économiques ou installer des capteurs solaires sur le toit
des maisons. Même dans les pays en développement, les gens ont du
mal à économiser l’énergie.
58. L’efficacité énergétique et l’utilisation d’énergies renouvelables
permettent également des synergies avec le développement durable.
Dans les pays les moins avancés, la substitution énergétique peut
faire reculer la mortalité et la morbidité en réduisant la pollution
de l’air et l’utilisation incontrôlée de bois de chauffage et le déboisement
qui s’ensuit.
6. Survie des écosystèmes et adaptation
des espèces
59. Pour se rendre compte de la vitesse sans précédent
de changement climatique, il faut savoir qu’au sortir de la dernière
période glaciaire, dans des conditions exclusivement naturelles,
les températures du globe ont augmenté de quelques degrés en plusieurs
milliers d’années. Durant le dernier millénaire, seuls quelques dixièmes
de degré de différence séparaient les périodes les plus chaudes
(optimum climatique médiéval) des périodes les plus froides (petit
âge glaciaire). Or, bien plus que les valeurs absolues des températures,
c’est ce rythme sans précédent de la hausse des températures qui
déterminera la réaction des écosystèmes.
60. Il faut tenir compte aussi des catastrophes naturelles qui
iront en se multipliant, notamment les tempêtes, les fortes précipitations,
les inondations, les épisodes d’élévation extrême du niveau de la
mer, les sécheresses prolongées et les incendies, qui peuvent avoir
de lourdes conséquences sur la santé des écosystèmes et compromettre
la production alimentaire en provoquant la famine, ce qui pourrait
entraîner, à terme, des conflits.
61. Les écosystèmes sont essentiels au maintien de la vie humaine.
Ils assurent l’approvisionnement en nourriture et en eau potable,
l’entretien d’un patrimoine naturel en évolution constante, la préservation
des sols, la fixation de l’azote et du carbone, le recyclage des
éléments nutritifs, la régulation des inondations et le filtrage
des agents polluants.
62. Le changement climatique exerce sur les écosystèmes une influence
qui varie d’une région à l’autre, en corrélation avec d’autres facteurs
tels que l’utilisation du sol, la fragmentation de l’habitat, les
apports de substances et les espèces invasives. Nous devons nous
attendre à des modifications sensibles dans la composition des espèces
des écosystèmes et à la disparition d’un nombre notable d’espèces
en cas de changement persistant du climat. Faut-il craindre également
une perte massive de la biodiversité ou bien le changement climatique
offrira-t-il aux espèces menacées par l’activité humaine une chance
d’accroître leur population?
63. La vitesse de diffusion des espèces joue un rôle primordial
au niveau des répercussions d’un changement climatique rapide. Des
études révèlent qu’une partie des espèces est incapable d’atteindre
à temps des sites potentiellement colonisables et que, par voie
de conséquence, elles disparaîtront.
64. La perte de diversité peut être locale ou planétaire, selon
qu’elle touche ou non une espèce clé. Une disparition locale peut
avoir des conséquences fatales pour un écosystème et une disparition
à l’échelle mondiale aura des répercussions irréversibles. Un exemple
bien connu est la diminution du nombre d’abeilles, ainsi que la
raréfaction de différentes espèces d’abeilles sauvages. Ces insectes
pollinisateurs sont indispensables à la reproduction des plantes,
y compris celles que nous cultivons. En cas de disparition des abeilles,
la production de ressources alimentaires risque d’être fortement
compromise.
65. Selon de nombreuses données portant sur une large gamme d’espèces,
les experts ont estimé que le réchauffement récent affecte fortement
les systèmes biologiques terrestres, ce qui se traduit par la précocité de
certains événements printaniers tels que le débourrement, la migration
des oiseaux ou la ponte ainsi que par le déplacement de l’aire de
distribution géographique d’un certain nombre d’espèces animales
et végétales vers les pôles ou vers une altitude supérieure.
66. On estime donc que les communautés qui migreront de la sorte
vers les pôles ou qui grimperont en altitude ne présenteront qu’une
ressemblance partielle avec les communautés d’aujourd’hui. Il se
pourrait que de nouveaux écosystèmes voient le jour, ce qui entraînerait
de profondes modifications dans la composition des espèces et des
conséquences qu’on ne peut pas encore évaluer.
67. Dans les systèmes biologiques marins et dulcicoles, les changements
observés sont liés autant à la hausse des températures de l’eau
qu’aux modifications connexes de la couverture glaciaire, de la
salinité, des taux d’oxygène et de la circulation, de la pollution
et de la surexploitation. Ces changements se manifestent dans les
formes suivantes: déplacements des zones de distribution géographique
et variations de l’abondance des algues, du plancton et des poissons
dans les océans de latitudes élevées; augmentation des populations d’algues
et de zooplancton dans les lacs situés à des latitudes élevées et
dans les lacs d’altitude; modification de l’aire de distribution
géographique et migration précoce des poissons dans les cours d’eau.
68. Les conséquences du changement climatique sur les récifs coralliens
sont de plus en plus flagrantes. Mais il est difficile de dissocier
les effets des contraintes d’origine climatique de ceux résultant
d’autres contraintes (par exemple la surpêche ou la pollution).
69. L’élévation du niveau des mers et l’expansion humaine contribuent
au rétrécissement des zones côtières humides et des mangroves et,
par conséquent, à l’aggravation des dommages causés dans de nombreuses
régions par les inondations côtières.
70. Malheureusement, des études ont révélé que les tropiques,
où se trouvent de nombreuses zones vitales, seront fortement affectés.
Bon nombre d’écosystèmes y sont surexploités ou convertis en zones cultivées
ou en plantations. De leur côté, les forêts tropicales peuvent aussi
être perturbées par l’insuffisance des précipitations. Cette situation
est préoccupante d’un point de vue évolutif, car les tropiques sont
à la fois le berceau et l’exemple le plus visible de la biodiversité.
7. Effets de la perte de biodiversité
et du changement climatique sur l’homme
71. On constate l’apparition d’autres effets régionaux
du changement climatique sur les milieux naturels et l’environnement
humain, bien que nombre d’entre eux soient difficiles à déceler
en raison de l’adaptation des facteurs non climatiques, tels que
la surmortalité liée à la chaleur en Europe, l’évolution des vecteurs
de maladies infectieuses dans certaines régions d’Europe ou la précocité
et la recrudescence de la production saisonnière de pollens allergènes
aux moyennes et hautes latitudes de l’hémisphère Nord.
72. Les événements dramatiques survenus durant l’été 2003 ou l’hiver
dernier sont beaucoup plus importants et sans précédent. Si ces
catastrophes naturelles (précipitations, crues, canicule et sécheresse)
se multiplient, les conséquences seront graves pour les organismes,
compromettant ainsi la qualité de vie de l’homme.
73. Il est à craindre également que le changement climatique affectera
de manière négative le progrès social et économique dans les pays
en développement.
74. Selon les experts, il est difficile de dissocier les défis
écologiques des défis sociaux. Pour garantir un avenir digne de
l’homme, il faut redéfinir au plus vite la société et l’économie
dans le sens de la durabilité.
75. Parmi les industries, les établissements humains et les sociétés
les plus vulnérables figurent ceux qui sont situés dans les plaines
d’inondation côtières ou fluviales, ceux dont l’économie est étroitement
liée aux ressources sensibles aux conditions climatiques et ceux
qui sont situés dans des zones connaissant des phénomènes météorologiques
extrêmes, en particulier en cas d’urbanisation rapide.
76. Les populations défavorisées peuvent être particulièrement
vulnérables lorsqu’elles sont concentrées dans des zones menacées.
77. Le changement climatique aura une incidence sur l’état sanitaire
de millions de personnes, du fait notamment de l’intensification
de la malnutrition, de l’augmentation du nombre des décès, des maladies
et des accidents dus à des phénomènes météorologiques extrêmes,
de l’aggravation des conséquences des maladies diarrhéiques, de
la multiplication des affections cardiorespiratoires liées aux fortes
concentrations d’ozone troposphérique dans les zones urbaines en
raison du changement climatique et des modifications de la distribution
géographique de certaines maladies infectieuses et allergiques.
78. Le changement climatique aura quelques incidences favorables
dans les zones tempérées, notamment une diminution des décès liés
à l’exposition au froid, ainsi que quelques effets mitigés, notamment
une modification de la diffusion et du potentiel de transmission
du paludisme en Afrique. Dans l’ensemble, on s’attend à ce que les
effets sanitaires favorables du réchauffement soient contrebalancés
par des effets négatifs, en particulier dans les pays en développement.
79. Les facteurs influant directement sur la santé des populations,
comme l’éducation, les soins, la prévention publique, le développement
des infrastructures et la croissance économique, seront décisifs.
80. Le changement climatique stimule de surcroît la spirale de
destruction entre les systèmes sociaux et écologiques. Là encore,
ce sont les pays économiquement faibles et les groupes de populations
pauvres qui sont les plus affectés. Le changement climatique continuera
d’accroître la pression d’exploitation sur les écosystèmes. Ces
pays subiront encore plus les répercussions provenant du processus
de dégradation écologique et sociale. Paysans sans terre, tributaires
de l’exploitation des ressources naturelles, petits paysans africains,
habitants de bidonvilles installés dans les cours d’eau asséchés,
communautés de pêcheurs, nomades ou chasseurs des zones périphériques
des déserts de sable et de glace. Toutes ces personnes n’auront
pas grand-chose à opposer aux nouveaux acteurs et aux nouveaux impératifs.
Des processus évolutifs insidieux sapent leur mode de vie et les
rendront extrêmement vulnérables aux catastrophes naturelles.
81. Il faut donc prévoir des institutions susceptibles de prendre
en charge la gestion des ressources naturelles et définir des niveaux
d’action locaux, régionaux, nationaux et mondiaux: stratégies de
survie individuelle, stratégies budgétaires, stratégies familiales
et communautaires, ainsi que des stratégies propres aux niveaux
d’action supérieurs (social, politique, économique et institutionnel).
8. Conclusions
82. Le développement durable est un outil qui peut permettre
de ralentir la perte de biodiversité, de réduire la vulnérabilité
des écosystèmes et de faire reculer les émissions de GES, afin de
minimiser notre impact sur le changement climatique.
83. Le rythme et l’ampleur du changement climatique anthropique
à venir, et leurs incidences sur la biodiversité et l’être humain,
seront déterminés par le choix des nations en définissant leur modèle
d’évolution socio-économique.
84. Il s’agit de prendre des mesures spécifiques pour sauvegarder
la biodiversité. Il en est de même pour le climat, car ces deux
causes offrent un grand potentiel de synergies. Par exemple, des
mesures de conservation et de promotion de la diversité biologique
peuvent servir aussi à la protection du climat.
85. Des corridors dits climatiques pourraient aider les espèces
menacées à quitter les zones protégées présentant des conditions
de vie insatisfaisantes et à migrer vers des zones plus hospitalières.
Les écosystèmes devront s’adapter, mais il convient de se demander
dans quelle mesure cette adaptation – sans perte de biodiversité
– sera possible face à l’exploitation intensive du sol et au caractère
statique des zones protégées.
86. Une action coordonnée à tous les niveaux doit permettre la
conservation et la création d’écosystèmes, afin que ces derniers
puissent encore fournir leurs prestations écologiques à l’avenir.
Une lutte efficace contre la pauvreté repose en fin de compte sur
la gestion et la sauvegarde de ressources et d’écosystèmes intacts.
87. Des écosystèmes riches en espèces peuvent constituer une assurance
contre les épisodes naturels extrêmes. Le changement climatique
peut donc être l’occasion de sensibiliser le grand public aux problèmes liés
à la biodiversité, grâce au vif intérêt qu’ils suscitent.
88. Des mesures visant à restreindre le déboisement et la perte
d’habitat naturel peuvent aider à la sauvegarde de la biodiversité
et à la préservation des sols et des ressources en eau, et peuvent
aussi être mises en œuvre d’une manière socialement et économiquement
viable.
89. La modification des modes de vie et des comportements peut
concourir à atténuer les effets de l’évolution du climat dans l’ensemble
des secteurs. Les méthodes de gestion, la modification des habitudes
de consommation, les méthodes d’éducation et de formation, le comportement
des habitants, la gestion de la demande en matière de transports
et les outils de gestion dans le secteur industriel, entre autres,
peuvent aussi exercer une influence positive à cet égard.
90. En fait, l’adoption d’un développement socio-économique durable
qui limite les émissions de GES peut atténuer la vulnérabilité au
changement climatique et assurer aussi l’existence de l’être humain.
91. Il est possible de contribuer à l’atténuation des effets du
changement climatique. Les politiques favorisant l’efficacité énergétique
et promouvant les énergies renouvelables présentent souvent des
avantages économiques, améliorent la sécurité énergétique et permettent
de réduire localement les émissions polluantes.
***
Commission chargée du rapport: commission
de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales
Renvois en commission: Doc. 11484, Renvoi 3409 du 25 janvier 2008 et Doc. 12093, Renvoi 3648 du 29 janvier 2010
Projet de recommandation adopté
à l’unanimité par la commission le 7 avril 2010
Membres de la commission: M.
Aleksei Lotman (Président), M. John Prescott (1er Vice-Président), Mme Elsa Papadimitriou (2e Vice-Présidente),
M. Nigel Evans (3e Vice-Président),
M. Remigijus Ačas, M. Ruhi Açikgöz, M. Artsruni Aghajanyan,
M. Gerolf Annemans, M. Miguel Arias
Cañete, M. Alexander Babakov, Mme Juliette
Boulet, M. Tor Bremer, M.
Vladimiro Crisafulli, M. Karl Donabauer, M. Miljenko Dorić, M. Gianpaolo Dozzo, M. Tomasz
Dudziński (remplaçant: M. Stanislaw Huskowski),
M. József Ekes, M. Savo Erić, M. Bill Etherington,
M. Joseph Falzon, M. Relu
Fenechiu, M. Rafael Huseynov,
M. Jean Huss, M. Fazail İbrahimli, M. Stanislav Ivanov, M. Igor
Ivanovski, M. Birkir Jón Jónsson, M. Stanisław Kalemba, M. Guiorgui Kandelaki,
M. Oskars Kastēns, M. Haluk Koç,
M. Juha Korkeaoja, M. Bojan
Kostreš, M. Pavol Kubovič, M. Paul Lempens, M. François Loncle,
Mme Kerstin Lundgren, M. Theo Maissen, Mme Christine Marin, M. Yevhen Marmazov, M. Bernard
Marquet, M. Alan Meale, M. Peter Mitterer, M. Pier Marino Mularoni, M. Adrian
Năstase (remplaçant: M. Attila Bela Ladislau Kelemen),
M. Aleksandar Nenkov, M. Pasquale Nessa,
M. Thomas Nord, Mme Carina Ohlsson, M.
Joe O’Reilly, M. Holger Ortel (replaçant: M. Axel Schäfer), M. Dimitrios Papadimoulis,
M. Germinal Peiro, M. Ivan Popescu, M. Cezar Florin Preda, M. Gabino Puche Rodríguez-Acosta, M. Lluís
Maria de Puig i Olive, Mme Jadwiga
Rotnicka (remplaçant: M. Dariusz Lipiński), M.
René Rouquet, M. Giacinto
Russo, M. Džavid Šabović, M. Fidias Sarikas,
M. Leander Schädler, M. Mykola Shershun, M. Hans Kristian Skibby,
M. Ladislav Skopal, Mme Karin Strenz, M. Valeriy Sudarenkov,
M. László Szakács, M. Vyacheslav Timchenko,
M. Dragan Todorović, M. Nikolay Tulaev, M. Tomas Úlehla, M. Mustafa Ünal, M. Serafim
Urechean, M. Peter Verlič, M. Harm Evert Waalkens, M. Hansjörg Walter
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme Agnès
Nollinger, M. Bogdan Torcătoriu et M. Jérémie Zaloszyc