1. Introduction
1. Le chemin conduisant à la finalisation d’un texte
contraignant et d’une vaste portée dans le domaine de la violence
à l’égard des femmes s’est révélé long, mais le Conseil de l’Europe
y a mûrement réfléchi. Au cours de la dernière décennie, tous les
principaux organes et institutions du Conseil de l’Europe ont joué
un rôle important dans la réalisation de cet objectif, chacun recourant
à son propre savoir-faire et à ses propres outils:
- l’Assemblée parlementaire a
attiré l’attention des Etats membres sur la violence à l’égard des
femmes par le biais d’un arsenal de résolutions et de recommandations ;
- en 2002, avec un texte qui fait date, le Comité des Ministres
a proposé une stratégie exhaustive pour prévenir le phénomène et
offrir une protection aux victimes dans tous les Etats membres du
Conseil de l’Europe ;
- pour donner plus de poids à cet effort, les chefs d’Etat
et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l’Europe ont
décidé, lors de leur 3e sommet en 2005, de mener une vaste campagne
de sensibilisation au problème ;
- ce gros œuvre a culminé entre 2006 et 2008 et débouché
sur une campagne menée par le Conseil de l’Europe à trois niveaux:
intergouvernemental, parlementaire et local;
- l’Assemblée a permis de donner une dimension parlementaire
à la campagne en mettant en place un réseau de parlementaires de
référence engagés dans la lutte contre la violence à l’égard des
femmes. Les parlementaires ont fait avancer les changements législatifs,
ont organisé des débats et des auditions, ont donné des interviews
et fait des déclarations publiques afin de sensibiliser l’ensemble
de la population au phénomène de la violence à l’égard des femmes ;
- lors de la campagne et après son achèvement, de nombreuses
instances ont reconnu qu’il était nécessaire d’harmoniser les normes
légales appliquées en Europe sur le sujet; l’Assemblée, en particulier,
l’a fait par le biais de sa Résolution
1582 (2007) et sa Recommandation
1817 (2001) «“Les parlements unis pour combattre la violence domestique
contre les femmes”: évaluation à mi-parcours de la campagne», et
de sa Résolution 1635
(2008) et sa Recommandation
1847 (2008) «Combattre la violence à l’égard des femmes: pour une
convention du Conseil de l’Europe», pour lesquelles j’étais rapporteur;
- en décembre 2008, les Délégués des Ministres ont approuvé
le mandat de l’organe d’élaboration de la convention (le CAHVIO,
Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des
femmes et la violence domestique) ;
- le CAHVIO a tenu neuf réunions d’une durée d’une semaine
chacune, pour négocier le texte de la convention. En tant que représentant
de l’Assemblée, j’ai participé à toutes les réunions, en assurant que
la position de l’Assemblée soit entendue.
2. Au cours de ce processus, la Cour européenne des droits de
l’homme a contribué à clarifier la notion de violence faite aux
femmes en tant que violation des droits humains par son arrêt historique
dans l’affaire
Opuz c. Turquie .
3. Le résultat de ces efforts constants fournis simultanément
par les diverses institutions est à présent devant nous, noir sur
blanc; il s’agit de la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique (STCE no 210, ci-après «la Convention d’Istanbul»),
ouverte à la signature en mai 2011 et qui a été ratifiée à ce jour
par la Turquie et signée par 16 autres Etats membres
.
4. L’Assemblée a systématiquement et maintes fois exprimé son
soutien à la Convention d’Istanbul. Toutefois, pour que cette convention
atteigne son objectif et ait un impact sur la vie de millions de
femmes, il ne suffit pas qu’elle soit couchée sur le papier: elle
doit entrer en vigueur et être appliquée en tant que loi, dès que
possible. Les femmes victimes de la violence ont déjà attendu trop
longtemps.
2. Un instrument
unique au monde
5. La Convention d’Istanbul est la première convention
– et la seule au monde – à couvrir de façon complète toutes les
formes de violences à l’égard des femmes et sa portée géographique
est potentiellement illimitée.
6. La violence à l’égard des femmes, bien que non mentionnée
explicitement dans la Convention des Nations Unies sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, doit
être considérée comme une forme de discrimination en vertu de son
article 1, ainsi que le Comité sur l’élimination de la discrimination
féminine l’a explicité dans sa Recommandation générale no 19 (1992)
. En outre, d’après la Recommandation
générale no 12 (1991), chaque rapport national à cette convention
des Nations Unies doit inclure systématiquement des données sur
la violence à l’égard des femmes.
7. Cependant, malgré l’importance des obligations imposées par
la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes, cet instrument ne fournit pas de base suffisamment
large pour traiter le phénomène de la violence à l’égard des femmes
dans toute sa complexité.
8. Au niveau régional, les instruments contraignants sur la violence
à l’égard des femmes sont au nombre de deux:
- la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction
et l’élimination de la violence contre la femme, adoptée en 1994
par l’Organisation des Etats américains ;
- le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, adopté
en 2003 par l’Union africaine (dit le protocole de Maputo) .
9. Le premier a été signé et ratifié par 32 Etats membres de
l’Organisation des Etats américains et est entré en vigueur en 1995.
Le second a été ratifié par 30 Etats de l’Organisation de l’Union
africaine.
10. Toutefois, ces instruments sont tous les deux bien plus limités
que la convention du Conseil de l’Europe si l’on considère leur
portée matérielle et leurs normes juridiques. Ils ne prévoient pas
de mécanisme de contrôle et ne sont pas ouverts à la signature par
des Etats non membres des organisations régionales concernées.
3. Un message politique
fort
11. La Convention d’Istanbul n’est pas seulement un instrument
juridique unique. Il s’agit également d’un texte porteur d’un certain
nombre de déclarations politiques. Je souhaite répéter, avec force
et clairement, les raisons politiques pour lesquelles cette convention
devrait être soutenue:
- parce
qu’elle stipule qu’être à l’abri de toute violence est un droit
humain fondamental, sans lequel tous les autres droits, dont le
droit à l’égalité, ne peuvent être que bafoués. Plusieurs passages
de la convention mentionnent la notion de vie à l’abri de la violence,
comme le préambule («Aspirant à créer une Europe libre de violence
à l’égard des femmes et de violence domestique») et l’article 4
(«les Parties prennent les mesures législatives et autres nécessaires
pour promouvoir et protéger le droit de chacun, en particulier des
femmes, de vivre à l’abri de la violence aussi bien dans la sphère
publique que dans la sphère privée»). Qui plus est, le rapport explicatif
affirme expressément que «la violence à l’égard des femmes viole
gravement et porte atteinte, voire compromet, la jouissance par
les femmes de leurs droits humains, en particulier les droits fondamentaux
à la vie, à la sécurité, à la dignité et à l’intégrité physique et
psychologique»;
- parce qu’elle précise que la violence faite aux femmes,
même lorsqu’elle se produit entre les murs du foyer, n’est pas une
affaire privée mais une affaire qui met en jeu l’intérêt de la société.
Cette notion, que la Cour européenne des droits de l’homme exprime
aussi dans la décision précitée concernant l’affaire Opuz c. Turquie, est répétée plusieurs
fois dans la convention, notamment à l’article 4 et à l’article
3.a («le terme “violence à
l’égard des femmes” doit être compris comme une violation des droits
de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes,
et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent,
ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances
de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris
la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation
arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée»).
Dans ce contexte, la convention n’invite pas seulement les Etats
à limiter les actes de violence à l’égard des femmes, elle leur
demande également de faire preuve de la diligence requise afin de prévenir,
d’enquêter, de sanctionner et d’accorder une indemnisation en cas
d’actes de violence couverts par la convention perpétrés par des
auteurs non étatiques ;
- parce qu’elle invite les Etats à encourager un changement
de mentalité dans la société, afin d’éradiquer tout préjugé fondé
sur l’idée de l’infériorité de la femme ou sur le rôle stéréotypé
des hommes et des femmes. De la même manière, la convention exhorte
les Etats à prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager
l’ensemble des acteurs de la société, notamment les hommes et les
garçons, à s’impliquer activement dans la prévention de toutes les
formes de violence entrant dans le champ d’application de la convention .
12. Les messages politiques véhiculés par la convention sont autant
d’atouts supplémentaires pour l’appuyer.
4. Les points forts
de la convention en tant qu’instrument juridique
13. La Convention d’Istanbul est le fruit de négociations
intensives au sein du CAHVIO, qui se sont échelonnées sur une période
de deux ans et ont réuni, outre des représentants des Etats membres
du Conseil de l’Europe, d’autres acteurs tels que l’Union européenne,
les Etats observateurs auprès du Conseil de l’Europe, l’Assemblée,
le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe, UNIFEM/ONU Femmes et un
grand nombre d’organisations non gouvernementales.
14. La convention résulte d’un compromis délicat entre des avis,
des intérêts et des préoccupations divergents. Cependant, il s’agit
également du meilleur compromis possible et il reflète des normes
exigeantes et progressistes. En tant que rapporteur responsable
pour la préparation de l’Avis de l’Assemblée sur le projet de convention
,
à la demande du Comité des Ministres, j’ai déjà indiqué les multiples
raisons pour lesquelles la Convention d’Istanbul doit être soutenue.
Permettez-moi de rappeler brièvement certains de ses points forts.
4.1. L’étendue de sa
portée matérielle et relative aux personnes
15. La convention couvre toutes les formes de violence
à l’égard des femmes, y compris les mariages forcés, la violence
psychologique, le harcèlement permanent, la violence physique, la
violence sexuelle, notamment le viol, les mutilations génitales
féminines, l’avortement et la stérilisation forcés et le harcèlement sexuel.
Elle établit aussi clairement que le prétendu «honneur» ne devrait
pas être considéré comme une justification de la violence faite
aux femmes.
16. Elle concerne les femmes, sans discrimination, mais les Parties
sont invitées à l’appliquer à toutes les victimes de violence domestique,
qu’elles soient des hommes, des enfants ou des personnes âgées.
4.2. Un accent particulier
sur la protection des victimes
17. Les dispositions relatives à la protection des victimes
sont au cœur de la convention et particulièrement étendues. Elles
incluent les obligations suivantes imposées aux Etats parties:
- conférer à la police le pouvoir
d’éloigner l’auteur d’un acte de violence domestique de son domicile
pour un délai déterminé;
- garantir que les victimes peuvent obtenir des informations
claires et concises sur leurs droits et bénéficier des services
d’assistance et de protection disponibles;
- mettre en place des foyers facilement accessibles, en
nombre suffisant et équitablement répartis sur le territoire;
- mettre à la disposition des victimes des services d’assistance
téléphonique à l’échelle du pays, qu’elles puissent utiliser en
toute confidentialité et gratuitement;
- mettre en place des centres d’accueil pour les victimes
de viol ou d’agression sexuelle.
18. L’article 30 de la convention oblige également les Etats parties
à garantir que les victimes ont le droit de demander une indemnisation
aux auteurs des infractions établies par la convention. En outre,
une indemnisation par l’Etat est prévue dans des circonstances spécifiques,
bien que les Etats parties soient autorisés à émettre des réserves
quant à cette disposition particulière
.
4.3. Des normes exigeantes
en matière de poursuites
19. L’une des réussites majeures de la convention consiste
à définir et à ériger en infraction pénale la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique. Les Etats parties sont invités
à introduire les infractions dans leur législation nationale afin
de pénaliser les formes de violence couvertes par la convention, si
tel n’est pas déjà le cas.
20. Malgré cet impératif, une certaine marge de flexibilité reste
possible. En effet, les Etats parties peuvent déclarer qu’ils se
réservent le droit de remplacer les sanctions pénales par des sanctions
civiles à l’encontre de la violence psychologique et du harcèlement
permanent
. Une telle réserve est possible
pendant une période de cinq ans renouvelable.
21. Quoi qu’il en soit, la culture, la tradition ou le prétendu
«honneur» ne peuvent en aucun cas être invoqués pour justifier la
violence à l’égard des femmes ou servir de circonstances atténuantes
dans le cadre de poursuites judiciaires. En tout état de cause,
ces dernières doivent être menées dans le respect des droits des
victimes à tous les stades de la procédure et en évitant toute victimisation
secondaire.
22. La convention contient également des dispositions relatives
au stade des enquêtes. Cette étape est souvent très délicate car,
en réalité, une forte proportion des plaintes n’est pas enregistrée
ou suivie d’effets, souvent faute de base juridique. Selon la convention,
les organismes chargés d’appliquer la loi devront répondre aux appels
au secours, recueillir des preuves et évaluer le risque de nouvelles
violences afin de protéger les victimes comme il convient.
4.4. Une approche holistique
incluant la prévention et des politiques intégrées
23. La convention repose sur l’hypothèse selon laquelle
aucune agence ou institution ne peut à elle seule lutter contre
la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Toute
réponse efficace requiert une action concertée entre différents
acteurs. L’expérience des pays où une réponse existe déjà montre
que les résultats sont meilleurs quand les organismes d’application
de la loi, le système judiciaire, les organisations non gouvernementales
(ONG), les organismes de protection de l’enfance et d’autres partenaires
compétents mettent leurs forces en commun.
24. Dans le même ordre d’idées, la prévention occupe une place
majeure dans le cadre de la convention: les Etats parties doivent
former des professionnels en contact étroit avec les victimes, organiser
régulièrement des campagnes de sensibilisation, prendre des mesures
pour intégrer dans le matériel éducatif des questions telles que
l’égalité entre les femmes et les hommes et la résolution non violente
des conflits, établir des programmes de traitement pour les auteurs
de violence domestique et des délinquants sexuels, impliquer les médias
et le secteur privé dans l’éradication des stéréotypes de genre
et la promotion du respect mutuel, et travailler en étroite collaboration
avec les ONG.
4.5. Un mécanisme de
contrôle solide, indépendant et innovant
25. La convention met en place un mécanisme solide et
indépendant pour contrôler son application au niveau national. Il
aura deux volets: le GREVIO (groupe d’experts sur la lutte contre
la violence à l’égard des femmes et la violence domestique), un
organisme composé de 10 membres au minimum et de 15 membres au maximum,
et le Comité des Parties, composé des représentants des Etats parties
à la convention.
26. Les membres du GREVIO seront choisis selon une procédure transparente
parmi des personnalités de haute moralité connues pour leur compétence
en matière de droits de l’homme, d’égalité entre les femmes et les
hommes, de violence à l’égard des femmes et de violence domestique
ou d’assistance et de protection des victimes, ou ayant une expérience
professionnelle reconnue dans les domaines couverts par la convention.
Ils siégeront au GREVIO à titre individuel et seront indépendants
et impartiaux dans l’exercice de leurs mandats.
27. A l’aide d’une procédure reposant sur des rapports rendus,
le GREVIO évaluera de quelle manière les Etats parties appliquent
la convention. Parallèlement aux rapports émanant de l’Etat partie
contrôlé, il peut obtenir des informations de la part des ONG. Si
ces informations se révèlent insuffisantes ou si une question particulière
requiert une attention immédiate, le GREVIO peut se rendre dans
le pays en question pour mener une enquête. Sur la base des informations
à sa disposition, le GREVIO peut élaborer des rapports et tirer
des conclusions visant à aider l’Etat partie à améliorer la mise
en œuvre de la convention. Il peut également adopter des recommandations
générales adressées à l’ensemble des Etats parties.
28. Enfin, la convention introduit un suivi parlementaire innovant:
les parlements nationaux sont impliqués dans la procédure au niveau
national et au niveau européen, l’Assemblée parlementaire étant
invitée à faire le bilan, de manière régulière, de la mise en œuvre
de la convention.
5. Comment promouvoir
la convention?
5.1. Au niveau intergouvernemental
29. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique est aussi le résultat d’une campagne qui a été menée
entre 2006 et 2008. Le Conseil de l’Europe n’envisage pas d’organiser
une seconde campagne pour promouvoir la signature et la ratification
de la convention mais a, néanmoins, entrepris un certain nombre
d’activités à cette fin.
30. En 2011, des séminaires régionaux ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine
et dans la République slovaque, avec la participation de 28 Etats
membres du Conseil de l’Europe. Ces événements conciliaient les
dimensions politique et technique: ils ont permis au Conseil de
l’Europe de faire connaître la convention tout en fournissant une
expertise juridique aux Etats de la région. Un troisième événement
de ce type se déroulera au printemps 2012. Entre octobre et décembre
2011, la convention a été présentée lors de 15 événements nationaux
et internationaux différents, organisés par des partenaires externes
du Conseil de l’Europe. En outre, le Conseil de l’Europe finalise
différents outils de promotion tels qu’un site internet sur la convention,
deux publications sur les thèmes clés et la valeur ajoutée de la
convention ainsi que différents types de supports de communication.
31. Le Conseil de l’Europe peut surtout fournir une expertise,
des conseils juridiques et des exemples de bonnes pratiques afin
d’aider les Etats membres à surmonter les difficultés techniques
s’agissant d’adapter leur législation nationale à la convention,
et à accélérer le processus de signature et de ratification.
32. Le Conseil de l’Europe doit disposer des ressources adéquates
pour poursuivre cet important travail de promotion dans les mois
à venir qui sont une période clé pour obtenir suffisamment de signatures
et de ratifications pour que la convention entre en vigueur et commence
à avoir un impact sur la vie des femmes.
33. Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, il est
donc d’autant plus important que les Etats membres soutiennent les
efforts accomplis par le Conseil de l’Europe, si possible par des
contributions volontaires.
5.2. Au niveau parlementaire
5.2.1. Le réseau de parlementaires
de référence engagés dans la lutte contre la violence à l’égard
des femmes
34. L’Assemblée parlementaire dispose déjà d’un excellent
instrument pour promouvoir la signature et la ratification de la
convention: le réseau de parlementaires de référence engagés dans
la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
35. Le réseau a été, à l’origine, institué dans le contexte de
la campagne de lutte contre la violence à l’égard des femmes que
le Conseil de l’Europe a menée de 2006 à 2008. Au cours de cette
période, une quarantaine de parlements nationaux et 56 parlementaires
de référence ont mené plus de 200 activités dans toute l’Europe pour
condamner la violence faite aux femmes, sensibiliser les parlementaires
et le grand public, modifier les lois pour prévenir ce fléau, mieux
protéger les victimes et poursuivre efficacement les auteurs de
ces violences.
36. Avec sa
Résolution
1635 (2008) «Combattre la violence à l’égard des femmes: pour une
Convention du Conseil de l’Europe», l’Assemblée a décidé que la
fin de la campagne du Conseil de l’Europe ne devait pas marquer
la dissolution du réseau. Au contraire, elle a estimé que cet instrument
novateur et efficace contribuerait à renforcer l’échange d’informations
entre les parlementaires et à coordonner des actions conjointes.
37. Le réseau de parlementaires de référence se compose actuellement
de 43 membres. C’est une structure
sui
generis, comprenant des membres des délégations parlementaires
d’Etats membres et observateurs auprès de l’Assemblée parlementaire.
Les membres sont désignés par les délégations nationales pour une
durée illimitée. Les réunions du réseau sont présidées par le président
de la commission de l’Assemblée sur l’égalité des chances pour les
femmes et les hommes
et ont lieu
sous l’égide de cette commission.
38. Depuis juin 2010, le réseau de parlementaires de référence
se réunit à chaque partie de session à Strasbourg, organisant des
auditions sur différents aspects de la convention. A présent que
la convention est ouverte à la signature, le réseau devrait avoir
pour but principal la promotion de cet instrument. En misant sur leur
double qualité de membres de l’Assemblée et de parlementaires nationaux,
ses membres devraient se mobiliser:
- pour poser des questions à leurs gouvernements respectifs
sur les mesures prises en vue de signer la convention;
- pour organiser ou promouvoir des débats et des auditions
parlementaires sur la convention;
- pour prendre des initiatives favorisant le processus de
ratification;
- pour mener des activités afin de sensibiliser le grand
public, les praticiens, les organisations non gouvernementales et
la société civile à la convention.
39. Par ailleurs, afin d’assurer un meilleur encadrement et une
meilleure coordination des activités entreprises par ses membres,
ainsi que leur synergie avec le travail du volet intergouvernemental
du Conseil de l’Europe, il serait souhaitable que le réseau soit
doté d’un coordinateur politique et qu’il ait à disposition un site
internet sur lequel les membres du réseau puissent rendre publiques
leurs activités et échanger des idées et des bonnes pratiques.
40. Enfin, compte tenu de la multiplication des contacts et de
l’intensification de la coopération entre l’Assemblée et le voisinage
du Conseil de l’Europe, il paraît souhaitable d’étendre l’appartenance
au réseau pour donner la possibilité aux parlementaires de profiter
du statut de partenaire pour la démocratie afin de nommer un parlementaire
de référence.
5.2.2. Renforcer l’impact
et la visibilité de l’Assemblée en matière de violence à l’égard
des femmes
41. Bien que le réseau se soit révélé, au fil des années,
utile et flexible, certaines mesures supplémentaires visant à renforcer
la visibilité et la capacité opérationnelle de l’Assemblée dans
ce domaine pourraient être envisagées. Cela est également souhaitable
dans le contexte de l’élargissement, à partir de janvier 2012, du mandat
de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les
hommes qui ne devrait pas avoir d’incidence négative sur les travaux
actuels de la commission en matière de violence à l’égard des femmes.
42. Voici quelques‑unes des mesures qui pourraient être envisagées:
- conformément au Règlement de
l’Assemblée, nommer un(e) rapporteur(e) général(e) de l’Assemblée sur
la violence à l’égard des femmes, pour donner une visibilité politique
à cette question et s’assurer qu’à tout moment l’Assemblée a un
interlocuteur parmi ses homologues d’autres organisations. Le mandat
du rapporteur général serait de suivre les développements dans le
domaine de la violence à l’égard des femmes au sein des Etats membres
du Conseil de l’Europe et de préparer un rapport à débattre à l’Assemblée.
Le rapporteur général devrait également suivre les développements
relatifs à la Convention d’Istanbul et, dans la mesure du possible,
à l’Union européenne, aux Etats observateurs du Conseil de l’Europe
et aux Etats ou entités dont les parlements ont le statut de partenaire
pour la démocratie au sein de l’Assemblée. Si le rapporteur général
faisait en même temps office de coordinateur politique du réseau
de parlementaires de référence engagés dans la lutte contre la violence à
l’égard des femmes, la cohérence et la possibilité de créer des
synergies en seraient aussi renforcées;
- publier un manuel destiné aux parlementaires, afin d’améliorer
la compréhension de la convention et du modèle législatif;
- solliciter des contributions volontaires auprès des parlements
nationaux afin de compléter les ressources disponibles dans le budget
de l’Assemblée.
5.3. Renforcer le partenariat
avec la société civile et les organisations non gouvernementales
43. Il est essentiel que le Conseil de l’Europe établisse
un partenariat et organise des actions communes, dans un objectif
de visibilité et de sensibilisation, avec la société civile et les
organisations non gouvernementales afin de rassembler toutes les
parties prenantes qui peuvent faire pression sur les gouvernements
nationaux pour qu’ils signent la Convention d’Istanbul, et afin
de faire en sorte que cet instrument soit connu également du grand
public, y compris des victimes et des victimes potentielles des violences
fondées sur le sexe.
5.4. Renforcer la visibilité
générale du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’égalité entre
les femmes et les hommes
44. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique est une carte de visite d’une valeur incalculable pour
notre Organisation, qui est bâtie sur des années d’efforts sérieux
et appréciés pour promouvoir l’égalité et la dignité des êtres humains.
Cependant, il est nécessaire qu’une personnalité politique présente
cette carte et continue à accroître la visibilité politique du Conseil
de l’Europe et son profil dans le domaine de l’égalité entre les
femmes et les hommes.
45. L’Assemblée devrait inviter le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe à nommer un envoyé spécial du Conseil de l’Europe pour
l’égalité entre les femmes et les hommes, qui assure la visibilité
politique du travail du Conseil de l’Europe au plus haut niveau
et représente l’Organisation face aux interlocuteurs externes, tels qu’ONU
Femmes et d’autres organismes et mécanismes pertinents dans le domaine
des droits humains.
6. Où faut‑il assurer
sa promotion?
6.1. En Europe
46. Le premier objectif est de s’assurer qu’un plus grand
nombre des Etats membres du Conseil de l’Europe signent la Convention
d’Istanbul et qu’au moins un nombre minimal des Etats qui l’ont
déjà signée mènent à terme, dès que possible, le processus de ratification.
47. Cela est particulièrement urgent, car la Convention d’Istanbul
n’entrera en vigueur que le premier jour du mois suivant l’expiration
d’une période de trois mois après la date à laquelle 10 signataires,
dont au moins huit Etats membres du Conseil de l’Europe, l’auront
ratifiée
.
48. Cependant, la prochaine cible devrait être l’Union européenne.
Le Comité des Ministres devrait établir un dialogue approfondi avec
l’Union européenne sur la question de la violence faite aux femmes,
afin d’éviter l’application de principes différents à des situations
comparables ou des contradictions entre la convention du Conseil
de l’Europe et la législation communautaire dans ce domaine. En
outre, lorsque l’Union européenne aura adhéré à la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5), il faudra l’encourager à adhérer à
la Convention d’Istanbul
.
6.2. Dans le monde entier
49. La Convention d’Istanbul est un «instrument ouvert»,
ce qui signifie qu’après son entrée en vigueur le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe pourra, après consultation des Etats parties
et en avoir obtenu l’assentiment unanime, inviter tout Etat non
membre du Conseil de l’Europe n’ayant pas participé à l’élaboration
de la convention à y adhérer. La décision requise peut être prise
par le Comité des Ministres à la majorité des deux tiers, et à l’unanimité
des voix des Parties à la convention qui sont également membres
du Conseil de l’Europe
.
50. Etant donné que le Conseil de l’Europe et l’Assemblée mettent
de plus en plus l’accent sur la coopération avec les pays voisins
en Asie et sur la rive sud de la Méditerranée, où la violence faite
aux femmes est un phénomène largement répandu, il est important
de souligner la grande portée de la Convention d’Istanbul et d’inciter
les pays de ces régions à envisager d’y adhérer.
51. Parallèlement, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée devraient
renforcer leurs liens déjà excellents de partenariat et de coopération
avec ONU Femmes, la rapporteure spéciale des Nations Unies sur la
violence contre les femmes, l’Union interparlementaire et d’autres
acteurs, afin de promouvoir la connaissance et, où cela est possible,
la signature de la convention par d’autres pays au niveau mondial.
L’Assemblée doit donc prendre une position similaire dans ses relations
avec d’autres assemblées parlementaires régionales.
7. Conclusions
et recommandations
52. Avec la Convention sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique,
le Conseil de l’Europe a, une fois encore, confirmé son rôle pionnier
d’organisme de normalisation dans le domaine des droits de l’homme.
Cette convention est la première au monde à fournir un cadre global permettant
de prévenir la violence à l’égard des femmes, de protéger ses victimes,
de poursuivre les auteurs et de définir une large palette de mesures
afin d’aborder ce fléau dans toute sa complexité.
53. La convention doit tout d’abord être saluée pour les messages
politiques forts qu’elle délivre, notamment que la violence à l’égard
des femmes constitue une violation des droits de l’homme qui entraîne
inévitablement une limitation d’autres droits, comme le droit à
la dignité, à la vie, à la sécurité, à la liberté, à l’intégrité
physique et psychologique, et empêche donc la réalisation de l’égalité
des chances entre les femmes et les hommes. Elle dispose également
clairement que la violence à l’égard des femmes ne peut être tolérée,
qu’elle ait lieu dans la famille ou en dehors du cercle familial,
et qu’aucun argument culturel, historique ou religieux ne saurait être
invoqué pour la justifier ou l’excuser.
54. En outre, la convention est un instrument juridique qui établit
des normes exigeantes et progressistes. Il convient notamment de
saluer sa vaste portée personnelle et matérielle, son approche axée
sur les victimes, l’obligation de pénalisation, l’efficacité des
enquêtes et des poursuites à l’encontre des formes de violence couvertes
par la convention, ainsi que son mécanisme de contrôle solide, indépendant
et innovant.
55. Toutefois, il ne suffit pas de reconnaître sa valeur, de la
saluer et de la louer. La convention a le potentiel de sauver et
de changer la vie de millions de femmes qui sont victimes de violence
en raison de leur sexe et de millions d’autres victimes de violence
domestique.
56. L’Assemblée parlementaire doit mettre tout son poids politique
dans la balance pour promouvoir la signature et la ratification
de la convention par le plus grand nombre d’Etats et dans les plus
brefs délais, de manière qu’elle puisse entrer en vigueur et avoir
un réel impact sur la réalisation de droit et de faitde l’égalité entre les femmes et
les hommes.