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Rapport | Doc. 12699 | 05 septembre 2011

La coopération entre le Conseil de l'Europe et les démocraties émergentes dans le monde arabe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Jean-Charles GARDETTO, Monaco, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3751 du 11 mars 2011. 2011 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission des questions politiques suit avec beaucoup d’intérêt et de préoccupation l’évolution du «Printemps arabe». Elle salue et soutient sans réserve l’émergence de régimes démocratiques dans cette région.

Elle observe que les peuples qui se sont soulevés se réclament des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe et elle condamne sans équivoque le recours à la violence contre les populations.

Le Conseil de l’Europe peut faire bénéficier les pays arabes voisins de l’Europe de son expérience en matière de transition démocratique, et notamment du nouveau statut de «Partenaire pour la démocratie» créé par l’Assemblée parlementaire pour les parlements de ces pays.

D’autres instruments et mécanismes de l’Organisation peuvent aussi contribuer à la progression vers la démocratie des pays arabes, dans le cadre de la politique du Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adoptée à l’unanimité par la commission le 23 juin
2011.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire suit avec beaucoup d’intérêt et de préoccupation l’évolution du «printemps arabe»: les mouvements de protestation populaires qui éclatent dans le monde arabe depuis le début de l’année et qui ont déjà produit les changements les plus spectaculaires que la région ait connus depuis les années 1950. Elle salue, en particulier, l'évolution positive en Tunisie et en Egypte et se réfère à sa Résolution 1791 (2011) et sa Résolution 1819 (2011) sur la situation en Tunisie, adoptées respectivement les 27 janvier et 21 juin 2011.
2. L'Assemblée salue la mémoire de Mohammed Bouazizi, dont l’acte de protestation désespéré a entraîné le déclenchement des révoltes arabes, ainsi que la mémoire des victimes de la répression qui ont perdu la vie dans la lutte pour la démocratie. Elle déplore la perte de nombreuses vies humaines et exprime sa compassion aux familles des victimes et aux blessés.
3. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation en Libye et en Syrie, où les autorités ont lancé une répression brutale contre leurs populations respectives, qui a fait des milliers de morts. Elle condamne sans équivoque le recours à la violence contre les populations et demande instamment d’y renoncer immédiatement. Elle invite les autorités des Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre des sanctions fermes et effectives à l’encontre des personnes qui ont contribué ou contribuent aux violences à l’encontre des populations. Il ne peut y avoir aucune impunité pour les crimes contre l'humanité quels que soient leurs auteurs. L'Assemblée invite donc la communauté internationale, y compris, le cas échéant, la Cour pénale internationale, à s'assurer que tous ces crimes soient instruits et sanctionnés.
4. L’Assemblée appelle à la libération de toutes les personnes arrêtées pour leur soutien politique aux changements démocratiques. En outre, elle demande instamment aux autorités de droit et de fait des pays connaissant des troubles de faciliter le départ des étrangers qui souhaitent quitter leur territoire. Elle leur demande de laisser les secours médicaux et les représentants des organisations humanitaires accéder librement aux lieux qui sont le théâtre d’affrontements.
5. L’Assemblée déplore la tragédie des réfugiés qui se noient en Méditerranée et appelle tous les Etats membres à apporter une aide supplémentaire dans cette situation d’urgence humanitaire et à honorer leur engagement au titre des Conventions de Genève.
6. L’Assemblée déplore aussi que les pays du monde arabe n’aient pas réussi à profiter eux-mêmes, ni à faire profiter leurs voisins, dans un esprit de solidarité, de leurs importantes ressources pétrolières pour favoriser le progrès social. Elle reconnaît cependant que les fautes du passé sont en partie imputables à l’Europe qui, dans ses relations avec le monde arabe, a donné trop de poids aux facteurs de stabilité à court terme, au détriment des facteurs d’un développement à plus long terme conforme aux valeurs défendues par le Conseil de l’Europe.
7. Aujourd’hui, l’Europe doit contribuer à une transition pacifique vers la démocratie et vers le respect des droits de l’homme dans les pays arabes concernés, dont certains font partie de son voisinage immédiat, dans un esprit d’humilité et de respect mutuel, et empêcher que des régimes militaires ou théocratiques se mettent en place ou qu’une absence prolongée d’autorité dégénère en chaos. Il importe notamment:
7.1. d’engager un dialogue avec les forces démocratiques dans les pays concernés;
7.2. d’encourager le respect des libertés publiques, y compris la liberté de religion et le droit de changer de religion, et de permettre que toutes les religions puissent être pratiquées ouvertement;
7.3. de mettre en œuvre le paragraphe 15 de la Recommandation 1957 (2011) sur la violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient;
7.4. de réformer le droit de la famille afin de donner aux femmes des droits égaux et de garantir que les femmes puissent participer activement et de manière égale à la vie de la société, y compris en leur permettant de créer des entreprises, de voter et de se présenter aux élections;
7.5. de soutenir les pays concernés afin qu’ils puissent développer une démocratie régionale et locale;
7.6. de prendre en compte l'avis des éléments représentatifs de la société civile, de développer un dialogue avec les forces de la société civile qui promeuvent la démocratie, les droits de l'homme et l’Etat de droit et de les aider à devenir plus fortes.
8. L’Assemblée estime que la stabilité du monde arabe aspirant à la démocratie serait facilitée si une issue était trouvée aux principaux conflits qui perdurent dans la région; elle appelle notamment les Israéliens et les Palestiniens à profiter de l’opportunité créée par les révolutions arabes pour relancer les négociations de paix, sur la base des principes qu’elle a déjà énoncés dans sa Résolution 1700 (2010) sur la situation au Proche-Orient.
9. Le Conseil de l’Europe peut faire bénéficier les pays arabes voisins de l’Europe de son expérience en matière de transition démocratique, et notamment du nouveau statut de «Partenaire pour la démocratie» auprès de l’Assemblée parlementaire, créé pour les parlements de ces pays. L’Assemblée se réfère, à cet égard, à sa Résolution 1818 (2011) dans laquelle elle a accordé ce statut au Parlement du Maroc, le 21 juin 2011. Elle note qu’une demande semblable du Conseil national palestinien est en cours d'examen.
10. L’Assemblée s’engage à continuer de suivre attentivement l’évolution politique dans chacun des pays arabes voisins de l’Europe, et à renforcer sa coopération avec les parlements des pays qui se sont engagés dans le processus démocratique. Elle est notamment prête à inviter des parlementaires, représentant des mouvements démocratiques qui ont réussi dans les pays du sud de la Méditerranée, à participer au Forum pour l’avenir de la démocratie, dont la prochaine session aura lieu à Chypre en octobre 2011.
11. Elle encourage les autorités des pays arabes situés dans le voisinage de l’Europe qui sont engagés dans le processus démocratique à intensifier et élargir leur coopération avec le Conseil de l’Europe, et en particulier:
11.1. à s’inspirer des normes des conventions du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme et à envisager d’adhérer aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe ouverts aux Etats non membres et aux accords partiels élargis, notamment le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);
11.2. à promouvoir le dialogue et la coopération entre leurs parlements et l’Assemblée, notamment à la lumière du statut de «Partenaire pour la démocratie» récemment créé;
11.3. à abolir la peine de mort et, en attendant, à instaurer ou à maintenir un moratoire sur les exécutions.
12. L’Assemblée se félicite de la politique du Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat en vue de promouvoir le dialogue et la coopération avec les pays et les régions situés à proximité de l’Europe, proposée par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, et invite celui-ci:
12.1. à établir des contacts avec les autorités des pays arabes voisins de l’Europe qui sont engagés dans le processus démocratique, et à envisager des mesures de soutien à la société civile de ces pays;
12.2. à examiner les moyens d’associer des représentants de la jeunesse de ces pays aux activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de la jeunesse;
12.3. à examiner les moyens d’associer des représentants de ces pays à l’Université d’été de la Démocratie et au Forum international de la démocratie de Strasbourg, dont la création a été proposée par l’Assemblée, notamment en promouvant des initiatives comme les Ecoles d’études politiques;
12.4. à coordonner son action avec celles des Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.
13. L’Assemblée invite la Banque de développement du Conseil de l'Europe à examiner la possibilité d’aider, dans toute la mesure du possible et sur la base de dispositions spécifiques, les démocraties émergentes du monde arabe situées dans le voisinage de l’Europe et la société civile des pays concernés.
14. L’Assemblée appelle les principaux partenaires internationaux des pays du sud de la Méditerranée engagés dans un processus de démocratisation, l’Union européenne et l’Union pour la Méditerranée, les organisations internationales qui ont un objet financier et les Etats membres du Conseil de l’Europe à apporter un soutien à leur redressement. Elle appelle tout particulièrement les pays arabes dotés de ressources financières conséquentes à contribuer à ces efforts.
15. Il est essentiel de suivre l'initiative louable de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement d’encourager et de faciliter les investissements dans les pays du monde arabe en marche vers la démocratie, ainsi que de faciliter leur accès aux marchés européens, en particulier aux marchés agricoles, aux échanges commerciaux, à la création d’entreprises et à la création d’infrastructures et d’emplois. Dans cette perspective, et en tenant compte des accords euro-méditerranéens d'association avec les pays du Maghreb et du Machrek, il importe d’appeler à la création de fonds spécifiquement consacrés aux investissements dans les pays arabes situés à proximité de l’Europe qui évoluent vers la démocratie.
16. Pour que le redressement et l’expansion économiques des pays concernés, et par voie de conséquence leur évolution démocratique, s’inscrivent dans la durée, il faut lutter avec détermination contre la corruption à tous les niveaux de la société, supprimer la bureaucratie, qui freine les énergies, et mettre fin à la distribution d’avantages fondée sur l’appartenance à un clan ou à un groupe religieux.
17. L’Europe doit prendre conscience du fait que la réduction des écarts de développement entre le nord et le sud de la Méditerranée devrait constituer une priorité, dans l’intérêt des Européens et bien sûr des populations du sud, l’objectif étant de permettre aux hommes et aux femmes du sud qui le souhaitent de rester dans leur pays, d’y travailler et d’y jouir des libertés fondamentales et d’une bonne qualité de vie.
18. L’Assemblée souhaite lancer une réflexion avec toutes les parties concernées sur l’opportunité de convoquer un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des démocraties d’Europe et du sud de la Méditerranée, qui viserait à débattre de la coopération entre le Conseil de l’Europe et les démocraties émergentes des pays arabes situés dans le voisinage de l’Europe.

B. Exposé des motifs, par M. Gardetto, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 17 décembre 2010, en Tunisie, un jeune marchand ambulant, Mohammed Bouazizi, voit son chariot, son outil de travail, qui lui permettait de survivre et de subvenir aux besoins de sa famille, à nouveau confisqué par la police. Cet acte d’humiliation n’est pas isolé, d’autres du même ordre surviennent tous les jours en divers endroits du monde comme la manifestation de la tyrannie sans fin de gouvernements qui dénient à leurs citoyens toute dignité. Seulement cette fois, quelque chose de différent s’est passé: après que les autorités locales ont refusé d’écouter ses doléances, ce jeune homme, qui n’avait jamais été particulièrement actif en politique, se rendit au quartier général de l’administration provinciale, s’aspergea d’essence et s’immola par le feu 
			(2) 
			Pour ce paragraphe,
voir le discours prononcé le 19 mai 2011 au département d’Etat par
le Président Obama..
2. Parfois, au cours de l’histoire, les actes de gens ordinaires sont à l’origine d’une dynamique de changement parce qu’ils expriment un besoin inassouvi de liberté, ressenti de longue date, comme l’ont fait les révolutionnaires américains ou Rosa Parks dans la perspective du mouvement des droits civiques. C’est ce qui s’est passé en Tunisie où l’acte de désespoir du jeune marchand ambulant, faisant écho à la frustration accumulée dans tout le pays et à une soif sincère de liberté, fit descendre des centaines de manifestants dans la rue, puis des milliers, qui malgré les balles et les coups refusèrent de se soumettre, jour après jour, semaine après semaine, jusqu’à ce qu’un dictateur en place depuis plus de vingt ans quitte finalement le pouvoir. C’est ainsi que, début janvier 2011, les troubles qui suivirent, nourris par des conditions sociales et économiques médiocres, ainsi que par le souhait du peuple de plus de liberté et d’une justice honnête et indépendante, ont évolué vers un mouvement de protestation au niveau national provoquant la démission du président Ben Ali et sa fuite en Arabie saoudite 
			(3) 
			Ibid..
3. A sa partie de session de janvier 2011, l’Assemblée parlementaire a tenu un débat d’urgence sur la situation en Tunisie, à l’issue duquel elle a adopté la Résolution 1791 (2011) 
			(4) 
			Voir
le Doc. 12497 de
l'Assemblée (rapporteur: Mme Anne Brasseur, Luxembourg, ADLE).. A cette occasion, l’Assemblée a émis le souhait que la transformation politique initiée par la population aboutisse à des changements démocratiques durables tant en Tunisie que dans d'autres pays de la région et a noté que les développements en Tunisie avaient déjà provoqué un effet domino en Egypte.
4. En effet, toujours en janvier, des mouvements populaires de protestation ont éclaté en Egypte forçant le Président Moubarak à la démission. Depuis lors, ces soulèvements se sont étendus, comme une traînée de poudre, dans plusieurs pays du monde arabe. Au Yémen, en Jordanie, au Maroc, en Algérie, au Bahreïn et en Arabie saoudite, les manifestants ont réussi à obtenir quelques avancées, ou parfois seulement des promesses de réformes, dans certains cas au prix de pertes en vies humaines et de violences policières.
5. En Libye, les protestations contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi, l'intransigeance du gouvernement et le bombardement de la population ont débouché sur un conflit armé à grande échelle entre les «rebelles» et les forces du colonel Kadhafi, entraînant l'intervention d'une coalition dirigée par l'OTAN avec un mandat des Nations Unies pour protéger la population civile. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées et plusieurs milliers d'autres ont été blessées dans des combats entre les deux parties. Des centaines de milliers de réfugiés ont fui vers les pays voisins ou directement vers la Méditerranée, où près de 1 500 d’entre eux ont perdu la vie.
6. En Syrie, les troubles ont commencé à la mi-mars. Au début, le régime de M. Bachar el-Assad a répondu par des promesses, mais il est vite revenu à une répression brutale, en attaquant les manifestants non armés avec des troupes et des chars. Les organisations de défense des droits de l’homme annoncent que plus de 1 100 personnes ont été tuées depuis mars et 10 000 ont été arrêtées. Les fonctionnaires contestent ces chiffres et disent que 100 soldats sont morts. Comme en Libye, le gouvernement affirme qu'il «combat des terroristes».
7. Au Bahreïn, un tiers de la population (300 000 personnes) a participé à des manifestations antigouvernementales, qui ont été durement réprimées par la monarchie au pouvoir, avec le soutien militaire de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Selon des estimations officielles prudentes, jusqu’à la fin mars 2011, 24 manifestants ont été tués. L'une des principales revendications du mouvement de protestation a été une réforme constitutionnelle pour permettre au parlement élu d’avoir les prérogatives législatives exclusives. L'opposition bahreïnie a placé beaucoup d'espoir dans un soutien international à son combat pour une réforme constitutionnelle 
			(5) 
			Voir
Blätter für deutsche und internationale Politik, 5/2011, p. 86-89..
8. Le 8 mars 2011, la sous-commission sur le Proche-Orient de la commission des questions politiques a tenu un échange de vues sur la situation en Egypte avec M. Nasser Kamel, ambassadeur d’Egypte en France, et M. Tewfik Aclimandos, historien spécialiste de l’Egypte, et a décidé de continuer à suivre de près la situation.
9. Le 9 mars 2011, la commission des questions politiques a tenu un échange de vues sur la situation en Tunisie avec la participation de Mme Bochra Bel Haj Hmida, membre de la Commission nationale d’établissement des faits sur les débordements commis durant les derniers événements en Tunisie, Mme Sihem Bensedrine, porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie, et M. Anouar Kousri, vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. La commission a aussi décidé de demander au Bureau de l'Assemblée d’être saisie pour rapport sur «La situation en Tunisie» dans la perspective d’un débat à l’Assemblée pendant la partie de session de juin 2011. Ce débat a eu lieu le 21 juin 2011 et s’est conclu par l’adoption de la Résolution 1819.
10. Le 11 mars 2011, la Commission permanente a tenu un débat d’actualité sur «La coopération entre le Conseil de l'Europe et les démocraties émergentes dans le monde arabe», introduit par M. Tiny Kox (Pays-Bas, GUE), avec la participation de M. Dominique Baudis, président de l'Institut du monde arabe et vice-président de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen. A cette occasion, la Commission permanente a renvoyé la question à la commission des questions politiques pour rapport à la partie de session de juin.
11. Pendant la partie de session d’avril 2011, l’Assemblée a tenu un débat d’actualité sur la situation en Afrique du Nord, introduit par M. Andreas Gross (Suisse, SOC).
12. La commission des questions politiques m'a nommé rapporteur pendant la partie de session d'avril, en me demandant de préparer un rapport pour la réunion de la commission les 30 et 31 mai 2011. Ce délai extrêmement court m’a empêché de me rendre sur place pour observer la situation, comme je le souhaitais. Ainsi, le rapport est basé sur des observations indirectes. En accord avec la décision de renvoi du Bureau du 15 avril 2011, j’ai également tenu compte aussi de la proposition de résolution sur la pacification de la région méditerranéenne (Doc. 12550), présentée par Mme Nierenstein et plusieurs de ses collègues.
13. La commission a tenu un premier échange de vues sur cette question le 30 mai 2011 basé sur un premier projet de rapport et m'a demandé de revoir le texte à la lumière de cet échange de vues. Le présent rapport est le résultat de ce processus et je saisis cette occasion pour remercier tous les collègues qui m'ont envoyé leurs observations et leurs amendements, que j’ai dûment pris en compte. J’ai notamment retiré de l'exposé des motifs l’analyse pays par pays qui y figurait initialement.
14. La situation dans le monde arabe ne cesse de changer et le résultat de l'agitation populaire est loin d'être limpide. Le présent rapport doit donc être considéré comme une première approche de l'Assemblée pour apporter son soutien sans équivoque à ceux qui s’inspirent des valeurs défendues par le Conseil de l'Europe – démocratie, droits de l'homme et Etat de droit – et de sa condamnation ferme du recours à la violence contre les populations. Il a également pour but de présenter quelques-uns des instruments que le Conseil de l'Europe pourrait mettre à la disposition des démocraties émergentes dans le monde arabe. Il est évident que la situation va évoluer d’ici à octobre et la commission devra adopter un addendum à ce rapport en vue de sa présentation en séance plénière lors de la partie de session d’octobre.
15. L'attention de l'Assemblée devrait continuer à se concentrer sur la région et un rapport spécifique sur la situation en Egypte, à la lumière de ceux sur la situation en Tunisie, devrait être la prochaine étape, notamment car des élections présidentielle et législatives doivent y avoir lieu avant la fin de l'année. Il appartient à l’Assemblée de décider de faire établir d’autres rapports sur les autres pays de la région.

2. Analyse d’ensemble

16. Si, certes, il n’était pas raisonnablement possible de prévoir l’ampleur des révoltes qui ont secoué le monde arabe depuis quelques mois, certains facteurs étaient réunis pour qu’elles se déclenchent, notamment:
  • des comportements abusifs de la police, des violations des droits de l’homme et des phénomènes étendus de corruption;
  • la détresse économique des populations et le prix élevé des denrées;
  • l’accessibilité des technologies de l’information et l’usage élargi des réseaux sociaux.
17. A ces facteurs il faut ajouter en catalyseur la fin de la peur: on assiste à une prise de conscience des peuples – et tout particulièrement des jeunes qui constituent l’essentiel des populations concernées – qui ont cessé d’avoir peur de leurs régimes respectifs et de leurs dirigeants, ce qui rend désormais la contestation possible.
18. Cette prise de conscience se fait en outre dans un climat de responsabilité de la part des acteurs de ces mouvements: ils agissent avec responsabilité, détermination et maturité. Il s’agit de la victoire d’un peuple et non d’un groupe politique ou religieux.
19. Ce n’est pas un hasard si la Tunisie et l’Egypte ont été les deux premiers pays qui ont vu naître ces mouvements populaires. En effet, la Tunisie et l’Egypte ont affiché une importante croissance économique qui ne s’est pas accompagnée de changements sociaux. L’évolution de la situation dans ces deux pays a permis aux jeunes, qui n’avaient pas de perspectives d’avenir, d’accéder aux nouvelles technologies de communication.
20. Les frustrations des jeunes, en particulier celles des jeunes urbains avec un haut niveau d’éducation, sont d’abord économiques et politiques. Elles ne sont pas religieuses, anticolonialistes ou nationalistes.
21. Si ces événements sont comparés, par certains analystes, à ceux qui ont amené la démocratie en Europe méridionale dans les années 1970 et en Europe centrale et orientale dans les années 1990, ils sont en fait de nature différente:
  • il s’agit de véritables mouvements populaires, c’est-à-dire n’émanant pas d’une opposition organisée et n’ayant pas de chefs de file 
			(6) 
			Lors de la 10e Conférence du Club de Monaco
du 25 au 27 février 2011, l’historienne Hélène Carrère d’Encausse,
en comparant les spécificités des révolutions au sud de la Méditerranée
aux révolutions d’Europe de l’Est, a souligné que ces dernières
ont été conduites par des partis d’opposition, qui avaient les moyens
de se projeter dans l’avenir. Il s’agissait de révolutions de type
classique contre un système politique et non contre la puissance
d’un individu. Dans le cas présent, le facteur révolutionnaire a
été celui d’un mécontentement social très profond de la part de
la jeunesse touchée par le chômage, comme jamais dans l’histoire.;
  • les régimes déchus (Tunisie et Egypte) étaient étonnamment fragiles; leur chute n’a pas entraîné celle des régimes voisins moins fragiles;
  • il est apparu que les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur, à un point tel que CNN a proposé d’appeler ces révolutions les «Révolutions Facebook»;
  • les soulèvements ont une ampleur nationale et, d’une manière générale, les populations se sont tournées vers l’Europe et vers les Etats-Unis pour demander de l’aide, non pour les critiquer.
22. Rien ne garantit que les régimes qui succéderont aux tyrans déchus seront des exemples de démocratie; il n’est pas exclu que d’autres tyrans s’emparent du pouvoir, que des régimes militaires ou théocratiques apparaissent ou qu’une absence prolongée d’autorité ne dégénère en chaos. Il est nécessaire non seulement de ne pas revenir en arrière mais aussi d’éviter certaines dérives, comme celles de l’Iran ou de la Somalie.
23. Mais une chose est certaine et rend le rôle et la responsabilité du Conseil de l’Europe plus importants: les jeunes qui se sont soulevés se fondent sur les valeurs défendues par le Conseil de l’Europe; démocratie, droits de l’homme et Etat de droit.
24. L’Europe, pour sa part, n’a pas vu venir les révolutions, et ne s’y était pas préparée 
			(7) 
			Lors de la conférence
précitée du Club de Monaco, l’ancien ministre des Affaires étrangères
de la France, M. Hubert Védrine, a regretté le fait que les Européens
ont réagi «avec surprise et indécision». Pour Mme Carrère d’Encausse, l’Europe
doit désormais chercher une place dans un monde qui n’est plus le
sien. .
25. Comme l’a fait remarquer l’Assemblée au cours du débat qu’elle a tenu en janvier 2011 sur la Tunisie, l’Europe devrait faire son autocritique pour avoir privilégié les contacts avec les dictateurs, par souci de stabilité (Ben Ali et Moubarak étaient des membres de l’Internationale socialiste), au lieu d’anticiper les soulèvements populaires, et pour ne pas les avoir appuyés immédiatement. «Les sociétés tenues par la force et la répression peuvent donner l’illusion de la stabilité pour un certain temps, mais elles sont construites sur des lignes de failles qui finissent par provoquer leur effondrement.» 
			(8) 
			Discours
du Président Obama, op. cit. L’Europe doit maintenant faire tout son possible pour contribuer à une transition pacifique vers la démocratie et vers le respect des droits de l’homme dans les pays de son voisinage, avec humilité, dans le cadre d’un engagement fondé sur des intérêts réciproques et un respect mutuel. Il faut aussi qu’elle choisisse, une bonne fois pour toutes, l’approche de la vérité et non celle du «politiquement correct», car l’intérêt de l’Europe (et des Etats-Unis) n’est pas seulement dans la stabilité des nations arabes mais aussi dans l’autodétermination des individus.
26. L’Europe est le voisin le plus proche, le marché naturel et le partenaire évident du monde arabe.

3. Les enjeux

27. Les enjeux sont à la fois politiques et socio-économiques.

3.1. Un enjeu politique

28. La priorité consiste à assurer le succès de l’évolution démocratique, permettant au peuple de se faire entendre, ce qui passe nécessairement par un processus d’apprentissage de la démocratie et de ses bonnes pratiques.
29. La situation de chaque pays est spécifique, il n’existe pas de modèle unique transposable partout. Certains Etats ont amorcé des réformes démocratiques d’envergure (Maroc) dont il reste à voir si elles aboutiront, d’autres ont opté pour la répression à l’encontre des populations, qui payent le prix du sang (Libye, Syrie), ce qui du même coup disqualifie leurs dirigeants pour conduire ces pays vers un nouvel avenir politique car ils perdent toute légitimité. D’autres, enfin, essayent de gagner du temps (Yémen), sans comprendre que la seule issue est le dialogue démocratique et la prise en compte des attentes légitimes de leurs peuples 
			(9) 
			Discours
prononcé par le ministre des Affaires étrangères de la France, M.
Alain Juppé, à l’Institut du monde arabe le 16 avril 2011..

3.2. Un enjeu socio-économique

30. L’enjeu socio-économique est au moins aussi important que l’enjeu politique. Il faudrait créer sans tarder une zone de stabilité et de prospérité sur les rives sud et est de la Méditerranée afin d’offrir des perspectives aux jeunes et sortir les peuples de la pauvreté. Sinon, ils seront tentés par les extrêmes et risquent de se jeter dans les bras des radicaux de tous bords, tâche d’autant plus difficile dans le contexte budgétaire d’aujourd’hui.
31. Des aides se dessinent, tant dans le cadre de la politique de voisinage de l’Union européenne, que de la politique arrêtée par les Etats-Unis, mais des plaintes se font entendre aussi regrettant la lenteur de l’intervention.
32. Faire émerger avec le monde arabe un espace de paix, de stabilité et d’échange en Méditerranée est un enjeu aussi important pour les pays de la région que pour l’Europe elle-même.

4. Le rôle de l’Europe

4.1. Au niveau politique

33. Au niveau politique, l’intervention de l’Europe doit se concevoir selon quatre plans.
34. Il faut d’abord garantir que les droits de l’homme sont respectés. Rappelons à cet égard le nouveau principe adopté à l’unanimité par les Nations Unies en 2005 sur la responsabilité de protéger les populations: «les gouvernements ont pour responsabilité de protéger leur peuple contre les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides. Et s’ils ne le font pas, la communauté internationale se reconnaît le droit de se substituer à eux» 
			(10) 
			Ibid.. La violence des régimes dictatoriaux de la région et la répression à l’encontre des populations civiles doivent être fermement condamnées, et les responsables doivent être traduits devant les juridictions compétentes, y compris les juridictions internationales, et être sanctionnés.
35. Il conviendra notamment de favoriser le respect de la liberté d’expression, de la liberté de réunion, de la liberté de religion, de l’égalité entre hommes et femmes, et du droit de choisir ses dirigeants librement. «La mise en œuvre de la tolérance est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de religion. Souvenons-nous que sur la place Tahrir l’on pouvait entendre des Egyptiens de toutes appartenances crier ensemble "musulmans, chrétiens, nous ne faisons qu’un"» 
			(11) 
			Discours
du Président Obama, op. cit.. Il est donc essentiel de veiller à ce que toutes les religions soient respectées et que des ponts soient jetés entre elles. Dans une région qui a été le berceau des trois principales religions, l’intolérance ne peut conduire qu’à la souffrance et à la stagnation. Pour que le changement démocratique voulu par les révolutionnaires arabes devienne une réalité, il faut que les chrétiens coptes aient le droit de prier librement au Caire, et que les chiites au Bahreïn aient le droit de ne pas voir leurs mosquées détruites. Ce qui est vrai pour les minorités religieuses l’est aussi en ce qui concerne les droits des femmes: l’histoire montre que les Etats sont plus prospères et plus paisibles lorsque les femmes ont les moyens de jouer un rôle important. C’est pourquoi il est fondamental d’aider les femmes, que ce soit en matière de santé, d’éducation, y compris pour enseigner, en matière économique pour créer des entreprises, et d’une manière générale pour leur permettre de faire entendre leurs voix et pour leur permettre de se présenter aux élections 
			(12) 
			Ibid..
36. Il s’agit ensuite de fournir une assistance aux pays de la rive sud de la Méditerranée dans leur évolution vers la démocratie en partageant notre expérience et notre expertise en matière de droit constitutionnel, de systèmes politiques, de libertés publiques ou encore de liberté de la presse 
			(13) 
			Voir le discours
de M. Juppé, op. cit.. Dans ce contexte, il est aussi important d’aider les pays concernés à développer une véritable démocratie locale: par exemple, il n’est pas sain qu’une ville comme Alexandrie, qui compte environ 5 millions d’habitants, soit dirigée par un gouverneur nommé par le président du pays et ne dispose pas d’un maire élu par la population 
			(14) 
			Voir l’intervention
de M. Andreu Claret, directeur exécutif de la Fondation Anna Lindh,
aux «Rencontres MedPeople», organisées par la Monaco Méditerranée
Foundation le 5 mai 2011..
37. Il faut également «changer notre regard sur le monde arabe». Les pays arabes sont souvent perçus à l’aune des prises d’otages, d’une rhétorique violente, et d’attaques terroristes faisant de nombreuses victimes. En outre, du fait de leur histoire coloniale, beaucoup de pays européens pensaient bien connaître les sociétés arabes, mais l’on s’aperçoit aujourd’hui de notre ignorance et de notre incompréhension de bien des aspects de ces sociétés, en particulier dans le domaine culturel, ce qui génère parfois un réel ressentiment sur la rive sud de la Méditerranée. Il convient par exemple de faire usage avec précaution du concept de laïcité, de manière à l’utiliser plutôt dans un sens privilégiant un objectif égalitaire, plutôt que d’en faire une laïcité qui pourrait être perçue comme une laïcité de combat utilisée pour mettre en œuvre des discriminations. Aujourd’hui nous devons prendre en compte l’expression de la société civile arabe, que nous devons aider à être puissante et plurielle: écoutons ce que nous disent les chefs d’entreprise, les associations, les artistes, les étudiants et les jeunes qui s’impliquent politiquement sur les réseaux sociaux. Il faut dialoguer avec tous ceux qui se conforment aux règles du jeu démocratique, qui respectent la loi et qui refusent la violence, même si l’on ne partage pas nécessairement leurs idées, car la démocratie dépend non seulement des élections mais aussi d’institutions fortes et stables et du respect des droits des minorités. A ce titre, il faut aussi échanger avec les courants islamistes qui respectent ces règles 
			(15) 
			Pour ce paragraphe,
voir les discours du Président Obama et de M. Juppé, op. cit..
38. Enfin, nous devons «trouver une issue aux principaux conflits qui demeurent dans la région»: le conflit israélo-palestinien, avec un Etat palestinien démocratique, la situation au Liban, avec un «Liban souverain et libre de son destin», «la question iranienne» pour parvenir à ce que le gouvernement de l’Iran garantisse à son peuple «le respect des droits de l’homme, qu’il règle la question nucléaire en accord avec la communauté internationale et développe une influence positive dans la région 
			(16) 
			Pour ce paragraphe, voir
le discours de M. Juppé, op. cit..

4.2. Au niveau socio-économique

39. L’Europe doit privilégier trois objectifs socio-économiques prioritaires dans le monde arabe: le soutien à une croissance créatrice d’emploi, l’accompagnement des mutations sociales et la préservation de la mer Méditerranée, tout en tenant compte des contraintes qui affectent les pays européens comme notamment les politiques migratoires 
			(17) 
			Ibid..
40. Le succès dans le temps du processus de transition démocratique dans les pays arabes dépend étroitement de la croissance économique et de la prospérité, fondée sur une base large et solide, que ces pays seront à même de générer. Il est fondamental de créer la perspective d’une économie moderne et prospère qui soit une force motrice pour porter l’élan démocratique des pays arabes, comme la perspective d’une adhésion à l’Union européenne a pu mobiliser les énergies en Europe. Ainsi, si dans un premier temps il est indispensable d’aider les pays concernés à faire face à leurs échéances et à récupérer après les fortes perturbations subies par leurs économies du fait des troubles inhérents à la quête de la démocratie, il conviendra de rassembler les pays européens et les organisations internationales, notamment celles à caractère financier, pour mettre en place un plan de stabilisation et de modernisation des économies de la région. Il importe en particulier de susciter et de faciliter l’investissement dans ces pays, leur accès aux marchés, de faciliter les échanges commerciaux, de dynamiser la création d’entreprises, de financer la création d’infrastructures et d’emplois. Dans ce but, il est essentiel de constituer des fonds d’investissement susceptibles de drainer des capitaux vers les pays de la région, comme cela a été fait au moment de la démocratisation dans les pays de l’ancien bloc soviétique.
41. Il est souhaitable que les aides essentielles au redémarrage économique des pays en transition, notamment au sud de la Méditerranée, qui se dessinent tant dans le cadre de la politique de voisinage de l’Union européenne que de la politique arrêtée par les Etats-Unis, ne tardent pas à être effectivement mises à disposition des pays concernés. S’il paraît normal qu’elles soient subordonnées à la mise en œuvre des standards démocratiques, elles devraient néanmoins tenir compte de l’orientation prise et de la volonté réelle de réforme afin de privilégier les pays qui respectent leurs engagements en matière de gouvernance et en matière des droits de l’homme 
			(18) 
			Voir
le discours de M. Juppé, op. cit..
42. Le redressement et l’expansion économiques de ces pays, et par voie de conséquence leur évolution démocratique, ne pourra se faire de manière durable sans une lutte farouche contre la corruption à tous les niveaux de la société, la suppression de la bureaucratie, qui freine les énergies, et de la distribution d’avantages fondés sur l’appartenance à une tribu ou à un groupe religieux 
			(19) 
			Voir
le discours du Président Obama, op. cit.. Les pays européens ont la responsabilité d’aider avec tous les moyens possibles les pays arabes à atteindre ces objectifs. Les nouveaux gouvernements arabes devront aussi être mis face à leurs responsabilités et en assumer les conséquences.
43. En outre, il est essentiel de créer «des solidarités de fait entre les deux rives» de la Méditerranée 
			(20) 
			Voir le
discours de M. Juppé, op. cit., de répondre au besoin de la jeunesse du sud de partager un destin collectif, au besoin d’appartenance à une communauté extraterritoriale et au besoin de communiquer avec l’extérieur, notamment en facilitant la multiplication des échanges entre jeunes du Nord et du Sud, en facilitant la mobilité des jeunes par l’obtention de visas et permis de travail pour les étudiants qui auront démontré leurs capacités dans leur pays d’origine, de manière à multiplier les partages d’expériences académiques, à venir acquérir des compétences ou un savoir-faire dans un ou des pays de l’autre rive 
			(21) 
			Voir l’intervention de M. Pierre
Distinguin, directeur international de Promotion Provence, au colloque
« Etre jeune en Méditerranée », organisé par la Monaco Méditerranée
Foundation dans le cadre des Rencontres MedPeople, du 6 mai 2011..
44. D’autres mesures doivent aussi être mises en place, notamment:
  • valoriser les réseaux de la diaspora des pays de la rive sud de la Méditerranée qui ont réussi à l’étranger en permettant aux jeunes du sud de prendre appui sur eux;
  • permettre aux jeunes de bénéficier du contexte institutionnel européen;
  • faciliter des emprunts en euro pour permettre à des jeunes de soutenir un projet (par exemple par le biais de la Banque européenne d’investissement);
  • construire des connections avec des réseaux académiques et associatifs entre les deux rives de la Méditerranée 
			(22) 
			Ibid.;
  • développer des réseaux d’entrepreneurs;
  • faciliter la coopération dans le domaine des sciences et des technologies;
  • aider la société civile, y compris ses composantes qui expriment des «vérités désagréables à entendre» 
			(23) 
			Voir
le discours du Président Obama, op. cit.;
  • faciliter l’accès à l’information, notamment à travers un accès ouvert à l’internet, et en donnant aux journalistes et aux bloggeurs la possibilité d’être entendus, car «au XXIe siècle l’information c’est le pouvoir, la vérité ne peut être dissimulée, et la légitimité des gouvernements finira par dépendre de citoyens actifs et bien informés» 
			(24) 
			Ibid..
45. Au-delà des élites, il importe que nous atteignions «ceux qui auront la responsabilité de façonner l’avenir, au premier rang desquels se trouve la jeunesse» 
			(25) 
			Ibid..
46. Comme M. Juppé l’a souligné dans son discours à l’Institut du monde arabe le 16 avril 2011: «Si nous n’arrivons pas à réduire véritablement les écarts de développement entre le nord et le sud des deux rives de notre mer commune, tous nos beaux discours ne serviront à rien, ni sur le plan politique, ni sur le plan de la maîtrise des flux migratoires. L’objectif est bien de permettre aux hommes et aux femmes du sud qui le souhaitent de rester chez eux, d’y travailler, d’y jouir des libertés fondamentales et d’une bonne qualité de vie.»

5. Ce que nous pouvons proposer

47. L’Europe a vécu les transitions démocratiques de ses pays du Sud dans les années 1970 et de ses pays de l’Est dans les années 1990. Le Conseil de l’Europe a joué un rôle considérable dans ces changements et peut mettre son expérience au service des pays arabes qui en feraient la demande.
48. Les transitions dans l’Europe du Sud et en Europe centrale et orientale ont montré que chaque situation est unique, que chaque peuple a ses spécificités. Il en est de même dans le monde arabe. C’est donc à chaque peuple de créer son propre modèle en s’appuyant sur ce qui existe.
49. Le Conseil de l’Europe a, en plus, plusieurs structures et instruments qui pourraient être utiles: le Partenariat pour la démocratie, les activités de coopération parlementaire, la Commission de Venise, le Centre Nord-Sud, le Groupe Pompidou, le GRECO, MONEYVAL, le Conseil de coopération pénologique, le Forum international de la démocratie de Strasbourg, les programmes de coopération intergouvernementaux, notamment dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage, les programmes de soutien aux structures locales et à la société civile, la Banque de développement du Conseil de l'Europe, ainsi que des institutions des droits de l’homme et des mécanismes de suivi qui, même s’ils ne sont pas ouverts à des pays non membres du Conseil de l’Europe, peuvent faire profiter les pays arabes de leur expérience ou de leur «jurisprudence».

5.1. Le Partenariat pour la démocratie

50. Le statut de «Partenaire pour la démocratie», créé par l’Assemblée en 2009, permet à des délégations parlementaires de pays situés dans les régions voisines du Conseil de l'Europe de participer aux activités de l’Assemblée, sous réserve de prendre une série d’engagements, par exemple appliquer les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe, tenir des élections libres et équitables ou travailler à abolir la peine de mort. Le statut a été octroyé au Parlement du Maroc le 21 juin 2011 et une demande du Conseil national palestinien est en cours d'examen.

5.2. Les activités de coopération parlementaire

51. Dans le cadre des activités de coopération parlementaire de l’Assemblée, des programmes spécifiques à destination des parlements nationaux des pays bénéficiant du statut de Partenaire pour la démocratie, pourraient être développés pour répondre à leurs priorités dans le contexte des réformes en cours.
52. Ces programmes de coopération, dont le financement devrait être assuré dans le cadre des programmes conjoints avec l’Union européenne et grâce à des contributions volontaires d’Etats membres, comprennent deux axes principaux, leur contenu précis restant cependant à définir en concertation avec chaque parlement: d’une part, le renforcement du fonctionnement démocratique et des capacités techniques et administratives des services de ces parlements; d’autre part, la familiarisation des parlementaires et des fonctionnaires de ces parlements avec les travaux de référence et les normes du Conseil de l’Europe dans ses principaux domaines d’action, à travers des activités spécifiques telles que séminaires, visites d’études, stages et ateliers thématiques.

5.3. La Commission de Venise

53. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) est un organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles. Créée en 1990, la Commission de Venise a joué un rôle essentiel dans l'adoption de constitutions conformes aux standards du patrimoine constitutionnel européen. Initialement conçue comme un instrument de l’ingénierie constitutionnelle d'urgence dans un contexte de transition démocratique, elle a évolué progressivement vers une instance de réflexion indépendante reconnue internationalement.
54. La Commission de Venise contribue à la diffusion du patrimoine constitutionnel européen, fondé sur les normes fondamentales du continent, tout en continuant à assurer aux Etats le «dépannage constitutionnel». En outre, la Commission de Venise joue un rôle unique dans la gestion et la prévention des conflits à travers l’élaboration de normes et de conseils en matière constitutionnelle.
55. La Commission de Venise est également ouverte aux Etats non membres du Conseil de l’Europe. L’Algérie, le Maroc et la Tunisie en sont membres. Depuis le début des soulèvements populaires en Tunisie, la Commission de Venise s’est rapidement mobilisée pour offrir son aide aux autorités transitoires tant dans le cadre de la réforme électorale et la préparation d’élections que dans le cadre de la réforme constitutionnelle. La commission des questions politiques a facilité les contacts en invitant le Président de la Commission de Venise à une audition à Paris en mars 2011 avec des représentants de la société civile tunisienne. La coopération s’est également intensifiée avec le Maroc, y compris dans le cadre de l’examen par notre commission de la demande du statut de «Partenaire pour la démocratie» déposé par le Parlement du Maroc 
			(26) 
			Voir
la Résolution 1818 (2011) sur
la demande de statut de Partenaire pour la démocratie auprès de
l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement du Maroc, Doc. 12625 (rapporteur:
M. Luca Volontè), et la Résolution
1919 (2011) et la Recommandation
1972 (2011) sur la situation en Tunisie, Doc. 12624 (rapporteur:
Mme Anne Brasseur)..

5.4. Le Centre Nord-Sud

56. Créé en 1989, le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) a été mis en place à Lisbonne. Son objectif est de fournir un cadre à la coopération européenne pour sensibiliser davantage le public aux questions d’interdépendance mondiale et promouvoir des politiques de solidarité conformes aux objectifs et principes du Conseil de l’Europe (en particulier le respect des droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit).
57. Le Centre est également ouvert à la participation d’Etats non membres du Conseil de l’Europe. Le Maroc et le Cap-Vert sont, jusqu’à maintenant, les seuls pays «du sud» à être membres du centre. Le centre pourrait jouer un rôle important dans le contexte du «Printemps arabe» et développer ses relations avec le pays du sud de la Méditerranée si des ressources supplémentaires étaient mises à sa disposition.

5.5. Le Groupe Pompidou

58. La mission principale du Groupe Pompidou est de contribuer à l'élaboration au sein de ses Etats membres de politiques en matière de lutte contre la toxicomanie, multidisciplinaires, innovatrices, efficaces et basées sur des connaissances validées. Le Groupe cherche à relier les politiques, la pratique et la recherche scientifique. Il se concentre également sur les problématiques locales liées à la mise en œuvre des programmes relatifs aux drogues.
59. Le Groupe Pompidou poursuit aussi une fonction de liaison entre les pays membres et non membres de l’Union européenne, ainsi qu’avec des pays voisins de la région méditerranéenne. A cet égard, il a mis en place le réseau MedNET: coopération en région méditerranéenne sur les drogues et les addictions. L’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc et la Tunisie participent à différentes initiatives dans le cadre du réseau.

5.6. Les programmes de soutien aux structures locales et à la société civile

60. Créées par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, les Agences de la démocratie locale (ADL) ont été conçues pour fournir une assistance aux municipalités ravagées par la guerre en ex-Yougoslavie, grâce à un partenariat avec des villes de l’Europe de l’Ouest. L’expérience acquise par les ADL pourrait être mise au service des démocraties émergentes dans le monde arabe qui le souhaiteraient.
61. Le Conseil de l’Europe a aussi un Centre d’expertise sur la réforme de l’administration locale.
62. Dans les mots de son président, la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe, véritable plate-forme des réseaux d’ONG en Europe, dispose de relais et de liens forts avec les membres de leurs organisations dans plusieurs de ces pays (Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte, Libye). Elle est porteuse de compétences et d’outils du dialogue de nature à aider les groupes de population dans leurs efforts pour faciliter ce passage, ce changement de régimes de pouvoirs. Elle peut et va agir complémentairement aux Etats et aux organisations internationales pour soutenir la volonté exprimée par des femmes et des hommes d’avoir un avenir meilleur.

5.7. Le Forum international de la démocratie de Strasbourg

63. L’Assemblée parlementaire a proposé de regrouper certaines activités afin de renforcer le pilier «Démocratie» du Conseil de l’Europe dans un Forum international de la démocratie de Strasbourg; il s’agit du Forum pour l’avenir de la démocratie, des Ecoles d’études politiques et de l’Université d’été de la démocratie. Si cette idée va de l’avant, le Forum international de la démocratie de Strasbourg devrait envisager d’associer à ses travaux les pays qui se situent au-delà des frontières de l’Europe, et notamment les pays des rives méridionales et orientales du Bassin méditerranéen.
64. Le Forum pour l’avenir de la démocratiea été mis en place lors du 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe qui s’est tenu à Varsovie en mai 2005. Son but est de renforcer la démocratie, les libertés politiques et la participation des citoyens à travers des échanges d’idées, d’informations et d’exemples de meilleures pratiques. Les propositions qui émergent des discussions et portent sur des actions futures éventuelles contribuent à renforcer les travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la démocratie. Il est envisagé d’inviter au Forum 2011 qui aura lieu à Chypre en octobre des représentants des pays du sud de la Méditerranée.
65. Les Ecolesd’études politiques du Conseil de l’Europe ont pour ambition de former de nouvelles générations de responsables politiques, économiques, sociaux et culturels dans les pays en transition. Elles opèrent sous la forme de cycles annuels de séminaires et conférences portant sur des thèmes comme l’intégration européenne, la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, auxquels participent des experts nationaux et internationaux.
66. L'Université d'été de la démocratie du Conseil de l’Europe est devenue au fil des ans un rendez-vous majeur pour les jeunes responsables démocratiques de la nouvelle Europe pour débattre, échanger et tenter de répondre aux défis majeurs de notre temps. L'Université d'été de la démocratie est aussi un lieu privilégié de rencontres régionales et bilatérales entre les écoles du réseau. Devenus une partie intégrale du programme de l'Université d'été, ces rendez-vous permettent d’établir des formes de dialogue informel et approfondi.

5.8. La Banque de développement du Conseil de l'Europe

67. La Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) est une banque multilatérale de développement à vocation sociale. Créée en 1956 afin d'apporter des solutions aux problèmes des réfugiés, elle s’est depuis lors adaptée à l’évolution des priorités sociales, pour mieux contribuer aurenforcement de la cohésion sociale en Europe.
68. La CEB représente un instrument majeur de la politique de solidarité européenne, en vue d'aider ses 40 Etats membres à atteindre une croissance durable et équitable: elle participe ainsi au financement de projets sociaux, répond aux situations d’urgence et concourt par là même à l’amélioration des conditions de vie des populations les moins favorisées.
69. La banque est prête à aider, dans la mesure du possible, les démocraties émergentes dans le monde arabe. De part son statut, la CEB ne peut intervenir directement que dans ses Etats membres mais elle est en train de préparer des propositions sur des modalités concrètes d’intervention.

5.9. La politique de voisinage du Conseil de l’Europe

70. En février 2011, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a préparé un premier «document de réflexion analytique pour le débat thématique des Délégués des Ministres le 2 mars 2011» intitulé «Une politique de voisinage pour le Conseil de l’Europe?» 
			(27) 
			Voir
document SG/Inf (2011)5 du 25 février 2011.. Dans un deuxième document publié en avril 2011 et intitulé «Politique de voisinage du Conseil de l’Europe» 
			(28) 
			Voir document
SG/inf (2011)7rév 2 du 19 avril 2011., le Secrétaire Général a présenté les grandes lignes d’une nouvelle politique de voisinage du Conseil de l’Europe et a proposé les trois objectifs suivants:
  • faciliter la transition politique démocratique (processus constitutionnel, législation électorale, organisation et observation des élections);
  • contribuer à promouvoir une bonne gouvernance dans les pays voisins du Conseil de l'Europe, en s'appuyant sur les normes, les mécanismes et les instruments pertinents de l'Organisation (indépendance et fonctionnement de la justice, lutte contre la corruption, le blanchiment de capitaux, etc.);
  • renforcer et élargir l'action régionale du Conseil de l'Europe en combattant les menaces qui existent à l'échelle mondiale et au niveau des frontières, notamment la traite des êtres humains, la cybercriminalité, le crime organisé et le terrorisme.
71. Dans sa présentation, le Secrétaire Général a précisé que la nouvelle politique de voisinage doit être ciblée et adaptée et qu’elle doit correspondre non seulement à un besoin qui existe réellement mais aussi à l’existence d’un intérêt clairement exprimé et à l’engagement concret des pays bénéficiaires.
72. Ce thème faisait partie bien évidemment de l’ordre du jour de la 121e session du Comité des Ministres qui a eu lieu le 11 mai 2011 à Istanbul. Les ministres ont pris note des propositions du Secrétaire Général relatives à «la politique du Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat» en vue de promouvoir le dialogue et la coopération avec les pays et les régions situés à proximité de l’Europe qui sollicitent l’assistance du Conseil de l’Europe, sur la base des valeurs communes de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit. Les ministres ont également invité le Secrétaire Général à élaborer des plans d’action pour la mise en œuvre de cette politique, en vue de leur approbation par le Comité des Ministres, et sont convenus de procéder à un premier examen des résultats de cette nouvelle politique lors de sa prochaine session.
73. Enfin, l’Assemblée pourrait, pour sa part, lancer une réflexion sur l’opportunité de réunir un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des démocraties d’Europe et du sud de la Méditerranée avec pour objectif de débattre au plus haut niveau politique de la coopération entre le Conseil de l’Europe et les démocraties émergentes dans le monde arabe.

6. Conclusions

74. L’Europe ne peut regarder l’histoire se faire en restant les bras croisés devant cet élan prodigieux de liberté qui a surgi dans les pays du sud de la Méditerranée.
75. L’Europe qui se targue d’avoir tant œuvré pour la civilisation, d’avoir forgé des modèles à vocation universelle de démocraties, l’Europe qui prétend combattre la discrimination, l’intolérance et la xénophobie, qui défend les minorités et le projet d’une société multiculturelle, cette Europe-là doit se montrer à la hauteur des circonstances, prendre conscience de l’ampleur des changements et de sa responsabilité historique. Elle doit maintenant tendre la main aux pays arabes sur la voie de la démocratie, et en premier lieu à ceux qui sont ses voisins. Ceux-ci doivent envisager l’application des mêmes principes en mettant en œuvre les mêmes acquis et les mêmes mécanismes permettant de les faire respecter.
76. La seule détermination des grands ensembles politiques selon des critères géographiques a fait son temps. Il faut prendre conscience collectivement que nous avons changé d’époque. Si les peuples d’Egypte, de Libye, de Tunisie et d’ailleurs ont fait l’effort de secouer le joug de la dictature et peut-être aussi de l’extrémisme religieux, il faut les aider, non pas dans une relation de maître à élève, mais dans le cadre d’une relation de partenariat, dans un nouveau projet politique commun pour la démocratie et la justice, pour la liberté.
77. Il est temps de créer une «maison commune» des démocraties. Le Conseil de l’Europe est l’organisation qui est allée le plus loin dans le rapprochement des peuples de ses 47 Etats membres, qui a une expérience reconnue et qui a accompagné les pays de l’Est dans leur transformation démocratique. Il dispose d’outils et de mécanismes permettant non seulement le développement de normes communes, pour la réalisation d’un espace juridique commun respectueux du principe de la prééminence du droit et des droits de l’homme et pour l’approfondissement du caractère démocratique des réformes, mais aussi un système de veille et de contrôle de ces normes.
78. Il faut maintenant une volonté politique pour donner au Conseil de l'Europe une nouvelle impulsion historique. Il faut que les Etats européens acceptent de mettre leurs valeurs à l’épreuve, au-delà des frontières de leur continent, et de lier leur destin plus étroitement avec d’autres pays qui aspirent à la démocratie et qui acceptent de se soumettre aux mêmes normes et contrôles. Un tel projet suppose aussi que les hommes et les femmes qui sont actuellement aux affaires dans les pays du sud de la Méditerranée et qui ont la responsabilité de mener leur pays sur un chemin nouveau sans tomber dans les travers du passé aspirent à autre chose qu’à une simple aide économique de l’Europe et adoptent les valeurs communes de tolérance et de respect des libertés. Le Conseil de l’Europe pourrait ainsi mettre à leur disposition ses structures pour œuvrer au plus près des préoccupations des citoyens et de relever ensemble les principaux défis politiques de nos sociétés.
79. Comme l’a mentionné le Président de l’Assemblée le 11 mai 2011 à Istanbul, il faut sérieusement envisager de réunir un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des démocraties d’Europe et du sud de la Méditerranée dans une démarche fondatrice avec pour objectif de débattre de la coopération entre le Conseil de l’Europe et les démocraties émergentes dans le monde arabe. L’Assemblée parlementaire, avec son statut de «Partenaire pour la démocratie», ouvre la voie mais il faut aller encore plus loin.
80. C’est aux Etats arabes qu’il appartient de faire leurs choix, mais l’Europe doit se montrer à la hauteur des circonstances. Si elle manque aujourd’hui d’ambition et d’une vision politique d’avenir claire, démocratique, porteuse d’espoir, elle léguera aux générations futures un environnement toujours marqué par des dissensions politiques, culturelles, religieuses qui pourraient devenir insurmontables et tôt ou tard se retourner contre elle.