1. Introduction
1. En 2009, au plus fort de la
crise économique, le produit intérieur brut (PIB) réel de l’Union
européenne a accusé une baisse de 4,3 %. La même année a vu le taux
de chômage général augmenter pour atteindre un niveau moyen de 10,2
%. D’après Eurostat, les premiers signes d’une lente reprise ont
commencé à se manifester en 2010, avec une croissance de 2 % du
PIB dans les 27 pays de l’Union européenne. Cependant, le taux de
croissance est de nouveau retombé à 1,5 % en 2011 et l’on prévoit
qu’il s’établira à 0 % en 2012, une reprise de la croissance réelle
étant attendue seulement en 2013
.
Malheureusement, alors qu’elle commençait à amorcer un certain recul,
la crise économique et financière s’est muée en une «crise de la
dette souveraine» et cette situation continue aujourd’hui à assombrir
l’horizon politique et économique de l’Europe.
2. Ces évolutions ont des répercussions négatives sur les budgets
des pouvoirs locaux et régionaux, de même que sur les services publics
qu'ils sont supposés fournir. Par exemple, ces derniers alignent
souvent leurs bases fiscales locales de manière trop étroite sur
la situation économique des entreprises locales. De telles pratiques
peuvent, dans les périodes de ralentissement, causer des turbulences
économiques, en particulier quand elles sont appliquées pendant
des coupes réelles de fonds provenant des budgets nationaux, ce
qui compromet souvent la prestation de services publics de qualité
et met à rude épreuve le financement de la protection sociale.
3. Dans ce cadre, il convient de souligner l’importance de textes
tels que la Charte sociale européenne révisée (STE no 163),
qui comporte des dispositions sur les services de sécurité et de
protection sociales, sur des conditions de vie décentes, l’éducation
primaire et secondaire gratuite ou encore un logement d’un niveau suffisant,
ou comme la Charte européenne de l’autonomie locale (STE no 122),
dont l’article 9 (paragraphe 2) dispose que les collectivités locales
ont droit à des ressources propres suffisantes qui doivent correspondre aux
compétences prévues par la Constitution ou la loi.
4. Il faut mesurer, de manière plus approfondie, les conséquences
précises de la crise économique sur les finances locales et régionales
dans chacun des pays. La question est de savoir quelles nouvelles
méthodes ou systèmes ont été ou pourraient être adoptés à l’échelon
national et local pour atténuer la pression fiscale dans un premier
temps et y mettre fin, et pour renforcer les capacités des collectivités
locales de répondre à la crise sur le long terme
. Le présent rapport
porte spécifiquement sur les collectivités locales, qui sont le niveau
gouvernemental le plus proche des citoyens et sont responsables
de la fourniture de divers services.
2. Caractéristiques de l’état des finances
locales
5. Les recettes des collectivités
locales ont diminué en termes réels dans nombre de pays européens
ayant communiqué des données pour 2009-2010, notamment de 19,7 %
en Bulgarie, de 13,1 % en Allemagne et de 11,3 % en Irlande
.
Les différentes caractéristiques de l’état actuel des budgets locaux
sont décrites dans les chapitres suivants. On ignore encore – ou
on ne connaît pas pleinement – la forme que prendront les actions et
décisions intergouvernementales pour contrer la récession qui touche
toute l'Europe. Néanmoins, il est évident que certaines des mesures
d’austérité introduites par les gouvernements européens depuis 2009
ont eu un impact immédiat sur la situation budgétaire des collectivités
locales et régionales, dont on trouvera plus loin certaines illustrations.
On prévoit généralement que les perspectives économiques globales
continueront à peser sur les budgets locaux et régionaux, tout particulièrement
sous l’effet de certaines des politiques gouvernementales d’austérité
qui ont été mises en place ou même renforcées en 2011
.
6. L’analyse et les recommandations qui suivent s’appliquent
aussi en grande partie à la situation des autorités régionales,
qui sont tout autant affectées par la crise économique que l’échelon
local. Cependant, leur nature et leur rôle au sein des systèmes
politiques et administratifs nationaux varient fortement d’un pays à
l’autre en Europe. Aborder la situation spécifique des différentes
autorités régionales excèderait, par conséquent, les limites de
ce rapport. Néanmoins, selon une étude menée par l’Assemblée des
régions d’Europe (ARE), les autorités régionales considèrent qu’elles
ont «un rôle très important à jouer dans les pays européens pour
lutter contre la crise économique»
.
7. En février 2012, le président de la Commission européenne,
José Manuel Barroso, s’exprimant devant le Comité des régions (CdR),
a souligné l’importance de la participation des régions et des villes
aux initiatives actuelles de l’Union européenne, notamment celles
en faveur de l’emploi des jeunes et du développement des petites
et moyennes entreprises (PME), et appelé les gouvernements nationaux
à définir des approches sur mesure avec les collectivités régionales
et locales
. On peut certainement affirmer que
toute initiative des gouvernements régionaux en faveur de la reprise
et de la croissance économiques pourrait aussi avoir des répercussions
positives sur la situation des collectivités locales.
2.1. Distribution
des recettes
8. D’après les chiffres fournis
par Dexia en 2011, les revenus propres et les revenus fiscaux partagés,
qui constituent la deuxième source de revenus du secteur public
territorial, ont continué à baisser de 1,5%, après une baisse antérieure
de 4,3 % en 2009, année au cours de laquelle la crise économique
et les mesures fiscales anticycliques ont fait pleinement sentir
leurs effets. En 2010, les revenus ont continué à baisser légèrement
de 0,8 %; des baisses brutales ont cependant été enregistrées dans
plusieurs pays de l’Union européenne comme l’Allemagne, l’Espagne,
le Luxembourg et le Royaume-Uni, seuls quelques pays (Belgique,
Danemark, Italie, Finlande et France) ayant vu une augmentation
des revenus fiscaux
.
9. La récession a renforcé les inquiétudes habituelles quant
à l’impact des impôts locaux sur les entreprises. Le problème se
présente en fait sous plusieurs angles. Par exemple, si les collectivités
locales avaient fondé leurs dépenses sur les bénéfices ou le chiffre
d’affaires des entreprises, elles auraient beaucoup pâti du recul
général de l’économie, ce qui aurait entraîné une certaine volatilité
des budgets qui continuent de financer des dépenses récurrentes
comme les salaires des enseignants ou l’entretien du réseau routier.
Il est par conséquent important de comprendre que dans de telles
conditions économiques, les entreprises peuvent considérer ces charges
et autres obligations fiscales comme des fardeaux intolérables imposés
par des responsables politiques locaux, sans tenir compte des conséquences.
10. Ces opinions ont pendant longtemps été attribuées à la taxe
professionnelle française, qui est la plus grande source de revenu
fiscal des collectivités locales du pays. Il était par conséquent
inévitable que la récession actuelle ranime les pressions exercées
par les entreprises pour obtenir la suppression de cette taxe, qui
est principalement fondée sur la valeur locative des actifs. En
l’occurrence, la taxe a fini par être supprimée et remplacée par
la cotisation économique territoriale (CET), qui intègre la valeur
ajoutée dans la base de l’évaluation. Ce changement a entraîné une
perte fondamentale de pouvoir pour les collectivités locales, les taux
destinés aux entreprises étant désormais fixés par les autorités
nationales, ce qui représente un nouveau changement significatif
par rapport aux situations budgétaires locales à un moment où les
coûts de la cohésion sociale augmentent rapidement.
11. Il existe beaucoup d’autres impôts locaux imposés aux entreprises
qui ont bel et bien été supprimés ou limités pour alléger leurs
charges fiscales et leur permettre de survivre pendant la période
de récession. Par exemple, les taxes locales sur les périodes de
soldes et sur certains produits comme les bateaux vont disparaître
en Estonie d’ici à 2012. De la même façon, les municipalités irlandaises
ont largement respecté les demandes nationales de modérer les impôts
fonciers, alors que les compétences des municipalités slovaques en
matière de fixation des impôts fonciers des entreprises ont été
sévèrement restreintes, de même que celles des collectivités locales
albanaises en matière d’ajustement des taux pour les petites entreprises.
12. En dépit de ce qui précède, certaines sources locales de revenus
ont bien sûr augmenté pendant la période de récession. Par exemple,
en Finlande, la part des recettes fiscales commerciales allouée
aux municipalités a été portée à 32 %. Le taux de taxation des véhicules
à moteur en Moldova a augmenté de 30 %. En Croatie, 54 collectivités
locales ont profité de pouvoirs élargis pour augmenter les impôts
sur le revenu des personnes physiques. En Ukraine, les biens immobiliers
feront bientôt l’objet d’une taxe municipale. En Irlande, les conseils
municipaux ont obtenu le droit de taxer les résidences secondaires
et un impôt foncier général a été mis en place en janvier 2012.
Enfin, le gouvernement britannique a annoncé son intention de rétablir
le droit des collectivités locales à conserver une partie des impôts
fonciers qu’elles perçoivent auprès des entreprises, qui sont actuellement
simplement redistribués au prorata de la population nationale.
13. D’une manière générale, la seule source locale de revenus
ayant connu une augmentation globale de 2 % en 2010 est celle liée
à la fourniture des services publics locaux, qui représente 12 %
des revenus des collectivités locales, grâce au relèvement de la
tarification des services et à l’introduction de nouvelles redevances
.
2.2. Répartition
des dépenses
14. Alors que la récession n’a
pas occasionné de changements comparables au niveau de la répartition
des dépenses, la Roumanie, où la responsabilité de la grande majorité
des hôpitaux a été déléguée aux collectivités locales, fait figure
d’exception. L’Etat a cependant pris la responsabilité de financer
entièrement les prestations sociales. L’Islande constitue une autre
exception, ses municipalités ayant depuis peu pris à leur charge
les personnes handicapées.
2.3. Transferts
intergouvernementaux
15. Dans quasiment tous les pays,
les recettes des gouvernements nationaux ont été plus sévèrement touchées
que celles des collectivités locales; la situation s’est rapidement
aggravée parce que de nombreux gouvernements ont été incapables
de servir, voire de reconduire, la dette souveraine, et de financer suffisamment
les collectivités territoriales. Ici encore, les chiffres recueillis
par Dexia indiquent que les aides et les subventions, qui constituent
la principale source de revenus du secteur public territorial, ont
baissé de 1% en 2010. Il s’agit là d’un revirement par rapport à
2009 où les gouvernements avaient adopté d’importantes mesures d’aide
aux collectivités locales dans le cadre des plans de relance. En
2010, les coupures budgétaires décidées par les gouvernements centraux
pour répondre à la crise des finances publiques ont amené un grand nombre
d’entre eux à réduire ou à geler les transferts en direction de
l’échelon territorial
.
16. En outre, certains gouvernements n’ont pas pu résister à la
tentation de réduire les transferts. La Serbie illustre bien cette
situation: en effet, en 2010, le parlement a amendé la législation
indexant les dotations sur le budget national de manière à ce que
les municipalités ayant un revenu par tête supérieur à la moyenne perçoivent
moins qu’elles ne le devraient normalement, pendant au moins un
an. L’année dernière encore, le gouvernement bulgare a bloqué 15 %
des dotations pour les fonctions déléguées à mi‑parcours de l'exercice budgétaire.
Dans le pays du rapporteur, le Royaume-Uni, les efforts engagés
par le gouvernement pour réduire le déficit structurel des finances
publiques pourraient entraîner dans certains cas des réductions
de subventions atteignant 12 % par an en 2015.
17. En revanche, d’autres gouvernements ont été plus accommodants
avec les budgets locaux. L’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne et la
Norvège ont en effet accordé des financements à court terme à de petits
projets d’investissement destinés notamment à maintenir l’activité
du secteur de la construction. Plusieurs pays dont l’Albanie, le
Danemark, la Finlande, la Norvège, la Pologne, la République Slovaque
et la Suède ont augmenté provisoirement les transferts de portée
générale afin de compenser la diminution des recettes fiscales des
collectivités locales.
18. Cependant, en 2011, la capacité de plusieurs pays à servir
ou à reconduire leur dette souveraine a suscité de sérieux doutes,
ce qui a entraîné une réduction des subventions dans des pays comme
la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Cette situation
a tour à tour donné lieu à des réductions délibérées et, à long
terme, des transferts dans d’autres pays, comme la Roumanie et le
Royaume-Uni, qui ont dû redoubler d’efforts pour limiter les déficits
structurels de leurs finances publiques. Au Royaume-Uni, ces efforts ont
représenté, dans certains cas, des réductions de subventions pouvant
atteindre 12 % par an jusqu’en 2015. Ceci confirme donc les conclusions
de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)
selon lesquelles les conséquences financières de la récession sont
plus durement ressenties par les budgets locaux une fois l’économie
relancée, lorsque les gouvernements nationaux tentent de réparer
les dommages causés à leurs finances publiques en général.
2.4. Performances
en termes de recettes
19. L’effet de la récession sur
les budgets locaux s’explique par quatre facteurs au moins:
- la sévérité du ralentissement;
- la situation des collectivités locales et les réponses
apportées par le gouvernement national;
- les décalages dans le temps liés au régime d’imposition;
- la nature de l’assiette des revenus locaux et sa vulnérabilité
face aux changements économiques.
20. Selon l’OCDE, ce sont les recettes de l’impôt foncier qui
ont été le moins touchées par les récessions économiques précédentes;
viennent ensuite successivement les recettes de l’impôt sur le revenu
des personnes physiques, l’impôt sur le chiffre d’affaires des entreprises,
et les bénéfices des entreprises qui ont été le plus malmenés.
21. On aurait pu s’attendre à ce que la chute spectaculaire des
valeurs immobilières affecte négativement les recettes des impôts
fonciers locaux, ceux-ci étant la source de revenus la plus commune
en Europe à l’échelle locale. Cependant, dans la plupart des pays
européens, les impôts fonciers reposent généralement sur une formule
de valorisation rarement actualisée, ce qui en conséquence prive
les collectivités d’une fiscalité dynamique en période de croissance,
mais apporte une stabilité bienvenue en période de récession économique.
22. Par exemple, au Royaume-Uni, les recettes des impôts fonciers
locaux ont continué d’augmenter d’un milliard de livres par an au
cours de chacune des quatre dernières années, et la plupart des
pays ont également fait état de l’augmentation de leurs recettes
provenant des impôts fonciers et des impôts sur la propriété (par exemple
en 2009, 25 % en Ukraine, 28 % en Russie et 23 % en République tchèque).
23. En période de récession, les recettes des impôts fonciers
sont particulièrement vulnérables, ce qui crée des tensions négatives,
notamment chez les patrons d’entreprises. Par exemple, les cessations
de paiement ont réduit les recettes grecques de 19,5 % en 2009,
et, la même année en Pologne, les communes rurales ont accordé une
réduction des taux individuels de 32 % supplémentaires. Cependant,
en France comme au Royaume-Uni, les autorités compensent efficacement
l’incapacité des contribuables à s’acquitter de l’impôt par des
subventions déguisées pour répondre à la crise.
24. En revanche, les taxes locales sur les ventes de biens ont
chuté instantanément et radicalement dans de nombreux pays. Atteignant
par le passé plus de 8 milliards d’euros par an en France, elles
ont considérablement baissé, ce qui a porté un coup sérieux aux
départements (qui doivent également supporter les coûts importants
de l’aide sociale).
25. Le droit des collectivités locales de percevoir une partie
de l’impôt sur le revenu des personnes physiques varie en Europe,
de même que les dispositifs utilisés – qu’il s’agisse du partage
des recettes avec l’Etat ou d’une surtaxe locale, la répartition
est effectuée en fonction de l’origine (lieu de résidence ou d’emploi) ou
d’une clé de répartition. Cependant, quelle que soit la méthode
appliquée, partout où ce droit existe, les recettes ainsi collectées
représentent une part importante des budgets locaux (70 % du total
des recettes locales en Ukraine, 50 % en Estonie). L’impôt sur le
revenu des personnes physiques constitue également une source de
recettes majeure pour les grandes collectivités locales des pays
nordiques, de l’Europe centrale et de la Suisse.
26. Il est évident que la hausse du chômage ampute les recettes
de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, et les personnes
qui ont encore un travail gagnent parfois moins, à cause d’une réduction
de leurs horaires, de leurs primes, voire d’une baisse de leur salaire.
Par exemple, les recettes de l’impôt sur le revenu des personnes
physiques que perçoivent les collectivités locales slovaques ont
augmenté de 47 % au cours des quatre années qui ont précédé la crise,
mais ont diminué de 25 % en termes réels en 2009 et 2010. Certains
pays ont également abaissé les barèmes d’imposition pour essayer
de relancer la consommation; le taux maximum d’imposition en Pologne
avait déjà baissé de 40 % à 32 %, et le seuil du revenu imposable
a été relevé en Hongrie. La situation est plus radicale en Ukraine,
où l’impôt sur le revenu des personnes physiques revient intégralement
aux oblast (provinces), aux municipalités et aux districts (rayony), car les recettes ont chuté
l’an dernier de plus de 20 % en termes réels, en grande partie à
cause d’arriérés de paiement des salaires.
27. De même, les taxes locales appliquées aux bénéfices des entreprises
ou à leur chiffre d’affaires sont de nature isolée et particulière,
les victimes étant souvent accusées de fausser la concurrence sur
un marché mondialisé. Elles sont également très vulnérables face
à la récession économique. Les collectivités locales allemandes
font état d’une diminution importante de la taxe locale prélevée
sur les bénéfices des sociétés (Gewerbesteuer) –
pertes qui se traduisent par une augmentation importante des découverts
dans les caisses d’épargne locales. De même, la taxe hongroise sur
les sociétés, prélevée rétrospectivement sur leur chiffre d’affaires,
a connu les effets de la récession, principalement en 2010. Les
municipalités tchèques ont enregistré une chute de 27 % de la part
qu’elles perçoivent sur l’impôt sur les bénéfices des entreprises
en 2009. En Pologne, les régions ont perçu 14,3 % de moins par rapport
à 2009. Le Portugal fait état d’une diminution de la surtaxe locale
appliquée aux bénéfices des sociétés. En Russie, les régions ont
également connu en 2009 la plus forte baisse de leurs recettes provenant
de la taxe sur les bénéfices des sociétés (de l’ordre de 70 %).
28. Les recettes provenant de la taxe sur la valeur ajoutée sont
largement partagées avec les collectivités locales dans les pays
du sud-est de l’Europe, à titre de compensation de la suppression
des taxes locales sur les ventes, qui étaient en vigueur dans l’ex-Yougoslavie.
Le rendement de cette taxe est lié directement au volume et à la
valeur de la production industrielle et du commerce et, par conséquent,
il est très sensible à toute baisse. De telles recettes constituent
la moitié des recettes des collectivités locales de Bosnie, et leur rendement
a enregistré un recul de 17,5 % en Republika Srpska en 2009.
29. Par contre, les effets de la crise sur les recettes provenant
des droits et des redevances sont moins évidents car ils sont répartis
entre le budget des collectivités locales et celui des entreprises
de services collectifs. Les répondants font largement état d’une
diminution des recettes provenant des permis de construire et d’autres
droits et taxes d’urbanisme, en particulier au Royaume-Uni. La Lettonie
signale une diminution des taxes perçues sur l’approvisionnement
en eau, l’assainissement, le chauffage et la collecte des ordures ménagères,
tandis qu’en Ukraine, 60 % seulement des ménages s’acquittent en
réalité des charges relatives aux services collectifs.
2.5. Equilibre
des recettes
30. Les partisans du fédéralisme
fiscal (essentiellement des Nord-Américains) attribuent souvent
de nombreux avantages à l’autonomie fiscale locale, évaluée en fonction
du degré de dépendance du budget local à l’égard des recettes perçues
et collectées par les collectivités locales elles-mêmes. Ceci n’a
pas été confirmé par l’expérience récente de l’Europe. Les budgets
locaux financés principalement par les impôts locaux ou les transferts
intergouvernementaux ont subi des pertes nettement plus lourdes
que ceux financés par une combinaison équilibrée de ces sources.
La vulnérabilité des impôts et des transferts individuels tant face
aux chocs économiques que face aux changements de politiques varie
tellement d’un Etat à l’autre et d’une source à l’autre qu’une combinaison
équilibrée est souvent nettement plus sûre.
31. Il va sans dire que la récession a suscité dans de nombreux
pays un débat sur la nécessité de modifier les impôts locaux prélevés
sur les bénéfices des sociétés. Il a été décidé dans quelques pays
de supprimer les impôts locaux pour certaines activités afin d’atténuer
les charges fiscales. Néanmoins, les sources de recettes fiscales
ont été renforcées dans certains pays européens. Etant donné que
les recettes des gouvernements nationaux ont été touchées les premières
par la crise, de nombreux pays ont réduit les transferts de ressources aux
communes. L’expérience européenne a montré qu’une combinaison équilibrée
de sources de financement des budgets locaux, à la fois par le biais
des impôts locaux et des transferts intergouvernementaux, était beaucoup
plus fiable en période de crise.
3. Réduction
des coûts
32. Tirer le meilleur parti de
ressources plus rares est un défi permanent. Les rapports révèlent
de nombreuses tentatives d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience
des dépenses des collectivités locales.
33. Des approches globales – de haut en bas et de bas en haut
– ont été adoptées par deux des pays les plus gravement touchés
par la récession, l’Irlande et l’Islande. Le gouvernement irlandais
a orchestré des réformes de fond et des réformes sectorielles –
y compris des économies d’échelle grâce à la réallocation et au
partage des prestations de services et par le biais de procédures
administratives –, des gains d’efficacité fondés sur une étude comparative
des performances d’une valeur de 500 millions d’euros, une baisse
des salaires, le gel des embauches, et la répression de l’évasion
fiscale. La ville de Reykjavik, confrontée à une baisse de ses recettes
de 20 % en deux ans, a imposé des baisses progressives de salaire
aux cadres supérieurs, le gel des embauches, 300 améliorations des
performances fondées sur des suggestions émises par le personnel
via internet, et la coopération avec des entreprises et des associations.
34. Dans nombre de pays, une forte baisse de l’investissement
local (représentant environ 15 % des dépenses locales) a été observée
en 2010, notamment en ce qui concerne les subventions à des tiers
et les dépenses d’équipement local: l’investissement direct en particulier,
qui représente plus de 60 % de l’investissement public au niveau
local, a baissé de 7,2 %, alors qu’il avait encore bénéficié en
2009 de certaines formes d’aide visant à stimuler la reprise économique
. Néanmoins,
malgré la poursuite de la crise économique et des contraintes budgétaires,
les premiers signes positifs sont apparus en 2011 avec une reprise
de l’augmentation de l’investissement local. Cette évolution est
accueillie très favorablement par de nombreux experts qui considèrent
que les collectivités locales, même dans une situation économique incertaine,
doivent continuer à investir dans les domaines importants pour le
développement local à long terme.
35. D’autres mesures d’austérité ont souvent été mises en œuvre,
mais elles sont sporadiques et rarement stratégiques. Certaines
d'entre elles sont énumérées ci-dessous.
3.1. Emploi
36. La récession a entraîné des
réductions drastiques de personnel et de salaire. En Irlande, les
collectivités locales ont perdu 6 000 emplois sur les trois dernières
années; au Danemark, les municipalités ont vu leur personnel diminuer
de 2,6 % en 2009. Le gouvernement ukrainien s’est fixé comme objectif
une diminution globale de l’emploi dans le secteur public de 20 %.
Dans de nombreux pays, ces tendances ont davantage de répercussions
sur les femmes que sur les hommes parce que les femmes sont plus
nombreuses dans le secteur de l’emploi public (deux tiers au Royaume-Uni)
et ont plus besoin de services publics et d’aide financière. Parce
qu’elles sont plus pauvres et vivent plus longtemps que les hommes,
elles seront nettement plus touchées par la réduction des services
aux personnes âgées
.
37. Le gel des embauches est une mesure qui s’est largement répandue
depuis 2009. Par exemple, la Serbie a légiféré pour limiter le nombre
d’agents municipaux à quatre pour mille habitants; plusieurs municipalités
ont contourné cette mesure en licenciant du personnel, puis en leur
confiant leurs anciennes tâches dans le cadre de contrats externalisés.
38. Beaucoup d’autres Etats ou collectivités ont tenté d’éviter
les licenciements, en raison notamment du coût des indemnisations,
mais aussi pour éviter d’aggraver la récession. La solution du gel
ou de la baisse des salaires a été largement adoptée. En Estonie
et en Lettonie, les salaires ont baissé de 15 %, en Espagne de 5 %.
Le Gouvernement grec a réduit à la fois les salaires et les primes,
alors que la Hongrie n’a pas versé de treizième mois en 2009 et
en 2010, sauf pour les salaires les plus bas. La même méthode progressive
a été adoptée par le Portugal, où des réductions de salaire ont
été imposées à l’ensemble des travailleurs gagnant plus de 1 500 €,
l’ampleur de la diminution augmentant avec le salaire, jusqu’à un
maximum de 10 %. Les municipalités tchèques ont également fixé comme
objectif financier de réduire les dépenses, avec la possibilité de
réduire les salaires ou les effectifs. La Lettonie n’a pas procédé
à des licenciements, mais a réduit la semaine de travail à quatre
jours, alors que les municipalités islandaises ont diminué à la
fois le nombre d’heures de travail et les heures supplémentaires.
39. Les élus n’ont pas échappé à ces sacrifices. Le Parlement
slovaque a légiféré pour diminuer les rémunérations des maires,
et en Hongrie, quand les mandats des conseils communaux ont expiré
en 2010, le nombre de leurs membres a été réduit de 30 à 40 %.
40. Lorsque les gouvernements ont tenté de restaurer la viabilité
à long terme des finances publiques, la question connexe des droits
à pension s’est posée. Dans le contexte de l’allongement de l’espérance
de vie, les réformes se sont concentrées sur trois aspects: le niveau
de contribution aux fonds de pension, l’âge légal de départ à la
retraite et la base de l’évaluation. Les propositions concernent
en principe aussi bien les autorités nationales que locales. Le
gouvernement français a imposé des changements modestes en 2010, par
le biais du parlement, en dépit de la résistance des syndicats;
des changements plus radicaux devraient faire l’objet de législations
en Espagne, en Grèce, au Portugal et au Royaume-Uni.
3.2. Maîtrise
des coûts
41. Les rapports des observateurs
nationaux dressent l’inventaire des initiatives prises par les collectivités locales
pour réduire leurs coûts. Les mesures portent surtout sur les frais
généraux et incluent diverses réductions au niveau des heures supplémentaires,
des primes, des frais de représentation et des appels téléphoniques,
alors que les achats de véhicule et de mobilier ont été gelés. S’agissant
de la Roumanie, certaines de ces dispositions ont été dictées par
les mesures d’efficacité accordées avec l’Union européenne en tant
que conditions requises pour obtenir une assistance financière au
budget national. En Serbie, des GPS ont été installés dans les véhicules
municipaux afin d'assister les agents, et pour que les collectivités
puissent les localiser.
42. De telles économies temporaires ou ponctuelles n’ont pas de
grands effets sur l’efficacité à plus long terme. C’est pourquoi
il convient de procéder à un examen plus approfondi de la manière
dont les services sont gérés dans la pratique – l’objet des analyses
de rentabilité et les systèmes d’audit des performances mis en place
au cours des trente dernières années étant de bons exemples en la
matière.
43. Le Conseil de l’Europe a depuis un certain temps favorisé
le renforcement des capacités de gestion des performances dans un
certain nombre de pays tels que la Bulgarie, la Fédération de Russie
et la Serbie, et notamment encouragé le développement d’initiatives
françaises.
44. L’informatisation a joué un rôle essentiel dans de nombreuses
réductions des coûts des services. Par exemple, au Danemark, à compter
de 2012, les citoyens devront soumettre en ligne leurs demandes
aux municipalités. Le Royaume-Uni est un autre exemple pertinent,
étant donné que les usagers des bibliothèques publiques doivent
enregistrer sur le terminal de la bibliothèque les ouvrages qu’ils
empruntent et qu’ils restituent.
45. Une approche moins formelle de réduction des coûts a été adoptée
par diverses collectivités locales, de la Grèce au Royaume-Uni:
elles publient sur internet le détail de tous les postes de dépense
excédant un certain seuil, aux fins de contrôle par des médias zélés.
Les municipalités slovaques sont également désormais tenues de procéder
à leurs achats par le biais d’enchères en ligne (ce qui a entraîné
une réduction des dépenses d’environ 50 %).
46. La crise économique a contraint tous les pays à se serrer
la ceinture en ayant recours à différentes méthodes de diminution
des coûts: depuis la réduction du personnel et la baisse des salaires
jusqu’au gel des salaires. La révision des droits à pension pour
augmenter le niveau de contribution aux fonds de pension et repousser
l’âge du départ à la retraite a également été envisagée dans de
nombreux pays pour réduire les coûts imputés aux budgets publics.
La crise financière actuelle souligne également l’importance de
renforcer les capacités de gestion des performances. Beaucoup d’administrations
locales se sont tournées vers l’informatique pour réduire les dépenses
des budgets locaux.
47. Enfin, un renforcement des mécanismes de contrôle financier,
des obligations de transparence et de communication, ainsi que des
règles de discipline budgétaire imposées aux collectivités locales
dans tel ou tel contexte national, est à prévoir dans toute l’Europe.
A cet égard, la gouvernance moderne des finances publiques devrait
assurer une meilleure coordination des politiques nationales et
locales et associer les collectivités locales, lorsqu’elles sont
concernées, aux programmes de réforme nationaux ou aux mesures d’austérité
.
4. Responsabilités
sociales
48. Les responsabilités sociales
dont doivent s’acquitter les collectivités locales subissent des
pressions à la fois à court et à long terme; c’est pourquoi on estime
que ce poste de dépenses continuera d’augmenter.
49. Provoquée par une crise du marché hypothécaire, la récession
a eu des séquelles en termes de chômage, de perte de logement et
de déclin du revenu des ménages. Les contraintes qu’elle fait peser
sur les budgets locaux varient beaucoup entre les Etats européens,
en fonction de la répartition des responsabilités entre le gouvernement
central, les caisses de sécurité sociale et les collectivités locales
pour ce qui est du filet de sécurité sociale et des aides au logement.
Selon les régimes nationaux, les collectivités locales supportent certains
des coûts supplémentaires dus:
- aux
allocations pour le logement et les services collectifs;
- au filet de sécurité sociale dont bénéficient les chômeurs
de longue durée et les autres personnes pouvant prétendre aux garanties
liées au revenu minimum;
- aux aides d’urgence versées aux familles dans l’attente
de l’octroi de prestations sociales.
50. En 2010, les coûts pris en charge par les collectivités locales
ont augmenté de 10 % au Danemark, de 22 % en Hongrie et de 24,5 %
en République slovaque.
51. Ces charges supplémentaires ne sont pas nécessairement permanentes,
même si traditionnellement les taux d’emploi remontent moins vite
que le PIB. Mais la hausse constante des coûts est liée à l’évolution démographique,
qui se traduira d’ici à 2050 par une augmentation de 50 % de la
population âgée de plus de 65 ans. Dans une grande partie de l’Europe,
les responsabilités accrues dans ce domaine devront être assumées
par des effectifs de moins en moins nombreux au sein de la population
active.
4.1. Cibler
l’octroi des prestations sociales
52. Les collectivités locales peuvent
réduire leurs dépenses en dirigeant davantage les prestations sociales vers
les ménages à faible revenu.
53. Aujourd’hui, dans de nombreux Etats membres du Conseil de
l'Europe, les prestations sociales sont souvent distribuées sans
considération de la situation financière des bénéficiaires. Par
exemple, tous les retraités britanniques perçoivent automatiquement
une allocation de chauffage pour l’hiver, équivalente à 200 livres,
sans avoir à la demander. En Lituanie, 64 % des dépenses d’aide
sociale sont allouées sans conditions de ressources, notamment les
allocations familiales. Dans les pays de l’ex-Union soviétique,
de nombreuses allocations ou services gratuits sont fournis à diverses
catégories de «vétérans» (anciens combattants, retraités, victimes
de catastrophes naturelles, etc.).
54. La crise actuelle a mis en avant l’importance de mieux cibler
l’octroi des prestations. Par exemple, certaines villes roumaines
dont Bucarest ont aboli les subventions aux entreprises de chauffage
et les ont remplacées par des allocations soumises à condition de
ressources, qui sont directement versées aux consommateurs. Chisinau
a commencé à soumettre les aides aux transports publics à certaines
conditions de ressources.
4.2. Soins
de proximité
55. L’évolution démographique appelle
à modifier radicalement la prestation des services de soins de longue
durée pour les personnes âgées, domaine largement financé et géré
par les collectivités locales. Il a déjà été fait mention de la
nécessité de supprimer les mesures institutionnelles ou financières
qui visent à privilégier les soins en établissement, qui sont en
général plus onéreux et moins favorables que les soins de proximité.
56. Toutefois, privilégier le maintien à domicile des personnes
âgées suppose d’aider davantage les familles et les bénévoles chargés
de leur accompagnement. Dans plusieurs pays, les personnes âgées
peuvent désormais prétendre à des prestations en espèces destinées
à couvrir le coût de la vie quotidienne, qui sont calculées en fonction
de leur degré de dépendance, mais qui peuvent être utilisées de
manière flexible, par exemple pour bénéficier des services de toute
personne apte à les aider. Les fonds publics peuvent rembourser
divers coûts financiers, depuis la perte de revenu d’un proche obligé
de réduire son temps de travail pour s’occuper d’une personne âgée
jusqu’aux frais d’essence nécessaires pour emmener un voisin au supermarché
ou à l’hôpital.
4.3. Rationaliser
les prestations de services
57. La crise actuelle a encouragé
une réduction des organismes de service public sous-utilisés. La
Bulgarie, la Hongrie, la République de Moldova, la Roumanie et le
Royaume-Uni ont tous pris de telles mesures, les petites écoles
en milieu rural étant les cibles les plus courantes. Bien souvent,
la récession a été l’occasion d’introduire des changements dus à
l’évolution démographique.
58. Ainsi, dans un certain nombre de pays comme la Hongrie ou
l’Ukraine, la responsabilité des soins en établissement pour les
personnes âgées et handicapées et des soins hospitaliers incombe
aux niveaux supérieurs de l’administration locale, tandis que les
municipalités assurent les soins de santé à domicile et les soins
de santé primaires. Le financement des services assurés par les
niveaux supérieurs peut reposer sur des formules de calcul qui prennent
en compte le nombre de personnes accueillies ou traitées. Les dispositions de
ce type risquent donc d’inciter fortement à placer certains bénéficiaires
des services sociaux dans des foyers, ou à hospitaliser des patients,
alors que cette pratique ne sera peut-être pas la réponse la plus
adaptée à leurs besoins, ni la plus favorable. Dans la plupart des
cas, il s’agit de la solution la plus coûteuse.
59. Il existe beaucoup d’autres exemples de dépenses excessives
des services sociaux. Des établissements scolaires dont le nombre
d’élèves scolarisés diminue, par exemple, conservent souvent le même
nombre d’enseignants alors que le nombre d’heures obligatoires passées
au contact des élèves est très faible.
60. La réglementation nationale s’oppose souvent aux collectivités
locales qui voudraient réduire leurs dépenses. C’est le cas en particulier
dans les pays qui font la distinction entre les tâches «autonomes»
et les tâches «déléguées» des collectivités locales, parmi lesquelles
les services les plus onéreux, comme l’éducation, les services sociaux
et les soins de santé.
61. Les services dont la prestation est déléguée aux collectivités
locales sont souvent réglementés par des normes détaillées, et leur
gestion par les collectivités locales fait l’objet d’un contrôle
étroit par les ministères sectoriels. Généralement, ces normes portent
sur les moyens plus que sur les résultats. En Ukraine, les collectivités
locales ne peuvent pas fermer les établissements scolaires aux effectifs
manifestement faibles, ni les organismes sociaux ou culturels sans
l’autorisation des ministères nationaux compétents, qui est souvent refusée.
Il se peut pourtant que ces établissements et/ou organismes ne soient
plus fréquentés en raison de changements démographiques ou de préférences
du public.
62. Les problèmes sont généralement exacerbés par le fait que
les ministères sectoriels concernés ne sont pas confrontés aux conséquences
liées au maintien de l’offre de services non rentables, étant donné
que le financement des services délégués dépend souvent uniquement
du ministère des Finances. Plusieurs rapporteurs nationaux relèvent
que l’incapacité à satisfaire aux normes de services non viables
est chose courante, mais tolérée. D’autres considèrent que l’insistance
de leurs autorités nationales à respecter ces normes constitue un
problème sérieux. Les signataires de la Charte sociale européenne
révisée doivent veiller à ce que les ministères nationaux n’assurent
pas une microgestion des services confiés aux collectivités locales,
sur le plan technique ou non.
4.4. Responsabilité
sociale partagée
63. La prise en charge des personnes
âgées n’est qu’un des domaines de responsabilité sociale où les collectivités
locales sont de plus en plus amenées à coopérer avec des partenaires
du secteur tertiaire, depuis les entreprises sociales jusqu’aux
organisations caritatives sans but lucratif en passant par les bénévoles. Cette
situation s’applique aussi bien à la demande qu’à l’offre, cette
dernière étant renforcée par la santé physique et le dynamisme toujours
croissants des nouveaux retraités.
64. Il est clair cependant que la baisse des dépenses des budgets
locaux pèse de manière disproportionnée sur les partenaires du secteur
tertiaire. Il y a au moins deux raisons à cela: d’abord les services
assurés par ces partenaires sont souvent discrétionnaires et moins
réglementés par des normes obligatoires; ensuite, la réduction de
ces dépenses n'entraîne pas de coûts de licenciement des fonctionnaires.
65. Cette situation est d'autant plus regrettable si les principaux
bénéficiaires de ces services sont les ménages les plus vulnérables.
Les programmes de développement des jeunes enfants préparent les
enfants issus de familles à faible revenu ou de migrants à l’éducation
formelle. Les jardins d’enfants et les centres d’activités extrascolaires
permettent aux mères percevant de faibles revenus d'assurer des
revenus à leur famille. Les partenaires du secteur tertiaire offrent
de nombreux services aux personnes handicapées. Accorder la priorité
au soutien des fonctionnaires et des services obligatoires peut
avoir un impact négatif sur les personnes les plus vulnérables et
sur la cohésion sociale, risques sur lesquels le Commissaire aux
droits de l’homme a largement attiré l’attention lors de la Conférence
internationale «Collectivités locales: réponses à la récession en
Europe» (Strasbourg, 11 octobre 2010).
66. Les collectivités locales sont principalement responsables
de l’offre de services sociaux, notamment pour le logement, la santé,
la garde d’enfants et l’aide aux individus à faibles revenus. Pendant
une période de récession, elles devraient s’efforcer de mieux cibler
les prestations sociales afin de répondre aux besoins de ces personnes.
Il est important de ne pas réduire les dépenses des budgets locaux
attribuées au développement des jeunes enfants ou au financement
des soins à domicile. Il est essentiel que les collectivités locales,
les entreprises et les associations travaillent en partenariat pour
lutter contre le dénuement social et pour promouvoir la cohésion
sociale.
5. Promotion
de la reprise économique
67. Si l’expérience des récessions
des années 1980 et 1990 a permis d’espérer que les collectivités
locales établiraient des partenariats efficaces avec les entreprises
et la société civile afin de promouvoir la reprise économique, ce
n’est plus envisageable aujourd’hui.
68. Le capital est plus difficile à mobiliser étant donné que
les banques cherchent avant tout à reconstituer leurs propres réserves
et à éviter les risques. Les compressions budgétaires ont eu raison
des excédents opérationnels que beaucoup de municipalités utilisaient
pour investir dans de nouvelles infrastructures. Le peu d’attention
portée à la formation technique a souvent conduit à une pénurie
des compétences nécessaires, notamment des capacités requises en
matière d’ingénierie pour assurer l’exploitation d’énergies renouvelables.
En outre, la concurrence est désormais mondiale.
69. Le boom du marché immobilier qui a favorisé les projets de
régénération urbaine s’est effondré. La hausse du prix des carburants
met en péril le système économique actuel où l’on transporte tous
les produits autour du globe, depuis les composants électriques
des appareils jusqu’aux fleurs pour la fête des mères. Certains
mouvements écologiques affirment que les stratégies locales devraient
être axées sur le retour à l’autosuffisance plutôt que sur l’implantation
de centres de distribution aux abords des autoroutes.
70. Mais les lendemains de récession ne sont pas toujours négatifs.
Par exemple, les taux d’intérêt sont bas et les prix de la construction
compétitifs. Pour les nouveaux Etats membres et les pays candidats,
les fonds d’investissement de l’Union européenne pour la période
2007-2013 sont arrivés à point nommé, au moment où les autres sources
se tarissaient. Les difficultés à trouver les préfinancements et
les fonds complémentaires ont été largement surmontées.
6. Perspectives
71. Au vu de ce qui précède, on
constate que les collectivités locales sont confrontées à quatre
défis sur le long terme:
- la
demande croissante de prise en charge des personnes âgées;
- les menaces à la cohésion sociale exacerbées par la récente
récession;
- les coûts d’une structure trop complexe;
- la nécessité de redécouvrir et de développer les atouts
de l’économie locale à l’heure de la concurrence mondialisée et
de la hausse du prix de l’énergie.
7. Conclusions
et recommandations
7.1. Conclusions
72. Le rôle des collectivités locales
et régionales est devenu prépondérant ces dernières années, puisqu’elles
s’attaquent directement aux difficultés locales, comme les fermetures
d’entreprises, le chômage et les problèmes sociaux.
73. Dans plusieurs pays, principalement en Scandinavie et en Europe
centrale, la reprise économique est manifestement bien engagée et
les finances des collectivités locales sont remises sur les rails. Malheureusement,
ce tableau est loin d’être généralisé. D’autres Etats sont toujours
en récession ou cherchent désespérément à soutenir leur dette souveraine.
Et une troisième catégorie d’Etats, comme la Roumanie et le Royaume-Uni,
mène une politique stratégique qui consiste à réduire sur le long
terme les déficits du secteur public, ce qui implique de diminuer
les transferts.
74. L’autonomie locale a été affectée de diverses manières. D’un
côté, la politique fiscale a en général réduit la capacité des collectivités
locales à déterminer les niveaux d’imposition. D’un autre côté,
le contrôle des dépenses exercé par les autorités nationales a été
partiellement assoupli dans beaucoup de pays, mais pas la totalité,
pour la simple raison que les gouvernements nationaux ne sont pas
en mesure de financer de nouveaux mandats et avouent ne pas savoir
quelle est la meilleure solution pour les collectivités locales
en cas de difficultés financières.
75. Il est également important de reconnaître que les collectivités
locales et régionales sont des pépinières d’activités qui créent
des emplois.
7.2. Recommandations
76. Par conséquent, le présent
rapport:
- recommande de réduire
la dépendance des budgets locaux vis-à-vis d’assiettes fiscales
très volatiles telles que les bénéfices des entreprises ou les transactions
immobilières;
- salue les efforts accrus qui sont déployés pour évaluer
et collecter les impôts fonciers et recommande de laisser aux collectivités
locales une certaine marge de manœuvre pour fixer leur taux quand
cette pratique n’est pas déjà en vigueur;
- constate que les assiettes des recettes locales sont plus
résilientes lorsqu’elles se fondent sur une combinaison équilibrée
de taxes propres et de transferts intergouvernementaux;
- recommande de donner aux collectivités locales un délai
d’un an ou plus pour procéder à la réduction inévitable des transferts
intergouvernementaux, afin qu’elles aient le temps d’envisager la
meilleure solution; ces réductions devraient être réparties selon
des formules de calcul objectives afin de garantir leur équité et
leur neutralité politique;
- recommande aux municipalités d’exercer leur autonomie
budgétaire dans le cadre de limites réglementaires en ce qui concerne
les emprunts, et préconise la mise en place de procédures pour gérer les
cas d’insolvabilité;
- soutient les efforts déployés par de nombreuses collectivités
locales pour réduire les coûts liés à l’emploi, par d’autres biais
que des licenciements économiques;
- encourage le développement de la sous-traitance de la
gestion des services locaux aux secteurs privé et bénévole;
- souligne l’importance de l’étalonnage et de l’audit des
performances pour renforcer la responsabilité, mais aussi pour garantir
la publication des comptes financiers en toute transparence, et
approuve le soutien apporté à ces processus par le Centre d'expertise
du Conseil de l’Europe sur la réforme de l'administration locale;
- note que la crise a encouragé l’optimisation des réseaux
de services locaux, mais recommande qu’ils s’accompagnent de mesures
visant à prévenir une dégradation de l’accès des populations rurales
et des groupes vulnérables;
- recommande que l’octroi des prestations sociales par les
collectivités locales cible davantage les besoins des ménages à
faible revenu;
- dissuade vivement de trop réduire les dépenses des budgets
locaux consacrées aux services discrétionnaires, comme le développement
des jeunes enfants ou le soutien des associations locales qui jouent
un rôle important dans le maintien de la cohésion sociale et la
protection des droits de l’homme;
- recommande de supprimer les mesures financières et administratives
qui incitent à privilégier les soins en établissement plutôt que
les soins à domicile pour les personnes âgées ou malades, et de
renforcer l’aide, tant pratique que financière, apportée aux personnes
chargées de leur accompagnement à domicile;
- souligne l’importance grandissante des partenariats entre
les collectivités locales et les entreprises, les établissements
d’enseignement et de recherche et les organisations de la société
civile pour lutter contre le dénuement social, prendre en charge
les personnes âgées qui sont de plus en plus nombreuses, et identifier
et développer les possibilités de reprise économique;
- encourage les efforts visant à promouvoir la transparence
et l’efficacité de la gouvernance locale sous tous ses aspects.