1. Introduction
1. A la suite de l’
Avis 261 (2007) sur l’adhésion de la République du Monténégro au Conseil
de l’Europe, l’Assemblée parlementaire a adopté le 28 avril 2010
la
Résolution 1724 (2010) sur le respect des obligations et engagements du Monténégro,
par laquelle elle a demandé aux autorités monténégrines de maintenir
le rythme actuel des réformes, de façon à rattraper le retard et
à parachever la mise en œuvre des engagements postadhésion restants.
2. En leur qualité de corapporteurs, M. Jean-Charles Gardetto
et M. Serhiy Holovaty ont suivi l’évolution au Monténégro – dans
le domaine de la démocratie, de l’Etat de droit et de la protection
des droits de l’homme – depuis juin 2007. Le 13 mars 2012, M. Holovaty
a été remplacé par Mme Nursuna Memecan.
Le présent rapport évalue l’évolution au Monténégro depuis 2010.
3. Pour la préparation de ce rapport, M. Gardetto et M. Holovaty
ont effectué une visite d’information à Podgorica du 31 mai au 2
juin 2011. M. Gardetto a effectué une seconde visite d’information
du 5 au 7 mars 2012 pour compléter nos informations. Nous souhaiterions
remercier la délégation monténégrine auprès de l’Assemblée parlementaire,
ainsi que son secrétariat, pour les préparatifs de la mission. Il
convient également de remercier l’équipe du Bureau de projet du
Conseil de l’Europe, qui a facilité les contacts avec les organisations
non gouvernementales (ONG), les médias et la communauté diplomatique.
Les échanges de vues avec les représentants de la communauté diplomatique,
de la délégation de l’Union européenne, de la Mission de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Bureau
du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR)
à Podgorica ont été particulièrement appréciés et utiles.
2. Le Monténégro dans le contexte régional
et international
4. Six ans après avoir recouvré
son indépendance, le Monténégro s’emploie activement à devenir membre de
l’Union européenne. Après l’adoption par l’Union européenne d’un
régime d’exemption de visas pour le pays le 19 décembre 2009, l’accord
de stabilisation et d’association entre le Monténégro et l’Union
européenne (ASA) est entré en vigueur le 1er mai
2010. Le 17 décembre 2010, le Conseil de l’Union européenne a octroyé au
Monténégro le statut de pays candidat, conformément à une recommandation
de la Commission européenne dans son Avis du 9 novembre 2010.
5. A la suite de ces avancées, le Premier ministre Milo Đukanović
a décidé, le 21 décembre 2010, de présenter sa démission. Le 29
décembre 2010, 46 parlementaires du Parti démocratique des socialistes (DPS),
du Parti social-démocrate (SDP), du parti Bosniak Party (BS), de
l’Union démocratique des Albanais (DUA) et de l’Initiative civique
croate (HGI) ont investi le nouveau gouvernement, dirigé par Igor
Lukšić. Deux parlementaires d’autres partis albanais étaient indécis,
alors que 25 parlementaires des trois principaux partis d’opposition
– Parti socialiste populaire (SNP), Mouvement pour les changements
(PzP) et Nouvelle démocratie serbe (NOVA) – ont voté contre. Les
priorités établies par le nouveau gouvernement demeuraient l’intégration
euro-atlantique et l’augmentation du niveau de vie.
6. Dorénavant, le pays devra se concentrer sur les domaines prioritaires
clés de la réforme, tels que déterminés par la Commission européenne
et qui sont nécessaires à la préparation du pays à l’ouverture des négociations
relatives à son adhésion à l’Union européenne. Le 17 février 2011,
le Gouvernement du Monténégro a publié un «Plan d’action pour le
suivi de l’application des recommandations énoncées dans l’avis de
la Commission européenne». Un premier rapport mensuel sur la «mise
en œuvre des engagements du plan d’action pour le suivi de l’application
des recommandations énoncées dans l’avis de la Commission européenne»
a été publié par le ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration
européenne le 17 mars 2011
.
Afin de respecter les exigences fondamentales énoncées dans l’avis
de la Commission européenne, le Monténégro a accéléré en 2011 l’adoption
de plusieurs lois pour obtenir une date pour l’ouverture des négociations.
7. Sur la base du rapport de progrès de la Commission européenne
pour 2011, daté du 12 octobre 2011
, le
Conseil européen a décidé le 9 décembre 2011, «en vue de l’ouverture
de négociations d’adhésion avec le Monténégro en juin 2012, d’examiner
les progrès réalisés par le Monténégro dans la mise en œuvre des réformes,
tout particulièrement en matière d’Etat de droit et de droits fondamentaux,
et notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption et
la criminalité organisée, sur la base du rapport que la Commission présentera
au premier semestre de 2012»
. La décision du Conseil européen
ayant pour objectif de lancer les négociations d’adhésion en juin
2012 a été saluée par le Parlement européen
. Le 22 mai 2012, la Commission européenne,
compte tenu des nouveaux progrès réalisés, restait d’avis que «le
Monténégro a atteint le degré nécessaire de conformité avec les
critères d’adhésion, et plus particulièrement les critères politiques
de Copenhague, pour entamer les négociations d’adhésion. (…) Au
cours du processus de négociation d’adhésion, la Commission continuera
de mettre particulièrement l’accent sur l’Etat de droit et les droits fondamentaux,
et plus particulièrement la lutte contre la corruption et la criminalité
organisée, de manière à assurer des résultats probants. (…) A cet
égard, la nouvelle approche proposée par la Commission et avalisée par
le Conseil européen de décembre 2011, en ce qui concerne les chapitres
consacrés au pouvoir judiciaire et aux droits fondamentaux ainsi
qu’à la justice, à la liberté et à la sécurité, permettra d’ancrer
fermement les réformes dans ce domaine et d’assurer le suivi attentif
de leur mise en œuvre»
. Les futures négociations seront par conséquent
conditionnées par les progrès et les résultats concrets obtenus
dans ce domaine.
8. Au niveau régional, le Monténégro joue un rôle important pour
la stabilité politique générale. La coopération entre les pays de
l’ouest des Balkans est particulièrement importante du point de
vue des échanges économiques, du tourisme, de la défense, de la
gestion des frontières, du transport et de l’énergie. Le premier
poste frontière commun de la région a récemment été ouvert entre
le Monténégro et l’Albanie. Le Monténégro a également signé un accord
complet avec la Bosnie-Herzégovine sur le franchissement des frontières
. Le Monténégro participe
activement à plusieurs initiatives multilatérales
.
Il est devenu le 156e membre de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC) le 17 décembre 2011. Il a signé un accord
avec l’Albanie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine» lors
de la réunion des pays de la Charte Adriatique du 14 décembre 2011,
lequel permet aux ressortissants de ces trois pays d’y voyager munis
d’un simple passeport et d’une carte d’identité biométrique
.
9. Nous encourageons le Monténégro, à la suite de l’adoption
par l’Assemblée parlementaire de la
Résolution 1786 (2011) sur la réconciliation et le dialogue politique entre
les pays de l’ex-Yougoslavie
,
à appuyer la création d’une commission régionale d’établissement
des faits relatifs aux crimes de guerre et autres violations graves
des droits de l’homme commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie
(REKOM), en associant tous les pays impliqués dans ces conflits;
le but étant de parvenir à une compréhension mutuelle des événements
passés, d’honorer et de reconnaître toutes les victimes. Il convient
de se réjouir du soutien apporté à cette initiative par le Premier
ministre Igor Lukšić, le 29 avril 2011
.
10. Cela étant, les frontières avec la Croatie, la Serbie, la
Bosnie-Herzégovine et le Kosovo
ne sont toujours
pas délimitées. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» est le
seul pays de la région avec lequel un accord sur la double citoyenneté
a été conclu. Certaines questions sont en discussion, comme le statut
des citoyens serbes au Monténégro (voir ci-dessous), les déclarations
de responsables monténégrins et serbes, la double nationalité et
la relation entre «l’Eglise orthodoxe serbe de la Métropolie du
Monténégro et du Littoral» (dirigée par le métropolite Amfilohije
Radović) et «l’Eglise orthodoxe monténégrine» (dirigée par le métropolite Mihailo
(Miraš Dedeić)).
11. Au 16 mai 2012, le Monténégro avait signé et ratifié 83 conventions
du Conseil de l’Europe (contre 67 en avril 2010). Il convient de
féliciter le Monténégro pour avoir pleinement respecté les dispositions
de la
Résolution 1724
(2010) de l’Assemblée parlementaire, paragraphes 7.2 et 7.3,
et ratifié 12 conventions du Conseil de l’Europe depuis mars 2010.
Les autorités sont désormais encouragées à s’assurer de l’entière
et effective application de ces instruments juridiques. Nous félicitons
également le Monténégro d’avoir été parmi les premiers signataires
de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la
lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210) le 11 mai 2010, et nous
encourageons le parlement à ratifier cet instrument aussi rapidement
que possible, tout comme le Protocole additionnel à la Convention
sur les droits de l’homme et la biomédecine, relatif à la recherche
biomédicale (STCE no 195), la Convention
européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE no 202)
et le Protocole no 3 à la Convention-cadre
européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités
ou autorités territoriales relatif aux Groupements eurorégionaux
de coopération (GEC) (STCE no 206).
12. Compte tenu des progrès accomplis par le Monténégro dans la
réalisation de ses engagements, le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe a décidé, le 12 janvier 2011, de remplacer la procédure
de suivi postadhésion du Comité des Ministres par un inventaire
régulier, fondé sur le dialogue, de la coopération et des progrès
dans la mise en œuvre des obligations statutaires et en matière
de processus démocratiques. Les autorités monténégrines ont été
invitées à s’acquitter, le plus rapidement possible, de leurs engagements restants,
conformément à l’
Avis 261
(2007) de l’Assemblée parlementaire s’agissant de la révision
de la loi électorale, en étroite consultation avec la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);
de renforcer l’indépendance du judiciaire, en particulier dans la
nomination aux plus hautes fonctions; d’appliquer pleinement la
nouvelle loi portant sur l’interdiction de la discrimination; de
mettre en place des structures efficaces de suivi de l’application
du Plan d’action pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays et les personnes déplacées, de façon que leur droit
au retour soit véritablement respecté et qu’elles s’intègrent effectivement
dans la société monténégrine
.
Dans le dernier bilan de la coopération et du respect des obligations
statutaires publié le 1er mars 2012
, le Comité des Ministres a reconnu
que des progrès substantiels avaient été accomplis entre décembre
2010 et décembre 2011, souligné l’importance de la mise en œuvre
du cadre juridique et institutionnel, et recommandé au Monténégro:
de renforcer l’indépendance du système judiciaire, de l’ombudsman,
des médias et des organes de contrôle; de combattre la discrimination,
en particulier à l’égard de la communauté LGBT (lesbiennes, gays,
bisexuels et transsexuels); d’améliorer le cadre juridique de lutte
contre la corruption et la criminalité organisée; d’assurer le respect
des droits constitutionnels et légaux des personnes appartenant
à des minorités nationales; et d’encourager le dialogue politique
entre la majorité parlementaire et l’opposition.
3. Fonctionnement
des institutions démocratiques
3.1. Fonctionnement
du parlement
13. La plupart des parlementaires
rencontrés ont reconnu que le parlement fonctionnait mieux. Il a
adopté son règlement administratif intérieur en juillet 2010. Un
système de retransmission télévisuelle en direct de ses sessions
à travers le portail internet a été créé pour améliorer la transparence
du travail parlementaire. Un portail web du parlement a été lancé
en mars; il présente les actualités, les ordres du jour et les rapports.
Les modifications apportées au Règlement le 22 décembre 2010 ont
permis d’accroître le nombre d’employés des associations parlementaires.
Un groupe de travail a préparé un projet de propositions concernant
les droits de l’opposition pendant les assemblées plénières. Le
Parti socialiste populaire du Monténégro a proposé l’établissement
d’une nouvelle commission chargée de recevoir les pétitions et les
demandes des citoyens
.
14. Toutefois, les membres du parlement rencontrés en mai 2011
ont regretté le manque de locaux, la médiocrité des équipements
techniques, l’absence d’études et les possibilités limitées de mener
des enquêtes. Nous avons été informés qu’un nouveau bâtiment devrait
être construit. Dans son rapport de progrès de 2011, la Commission
européenne a également estimé que la capacité administrative et
les autres ressources indispensables au travail professionnel, efficace
et transparent du parlement sont globalement limitées. Le manque
d’espace pour les activités de bureau et le matériel technique persiste,
y compris au niveau des députés
.
15. Nous avons noté avec satisfaction qu’une Stratégie du renforcement
des ressources humaines du parlement a été adoptée pour la période 2011-2013,
qui prévoit notamment un plan de formation visant à accroître la
capacité administrative des commissions parlementaires. Nous espérons
que cette stratégie sera mise en œuvre et que tous les postes prévus
par le règlement relatif à l’organisation interne et à la description des
fonctions seront pourvus grâce au recrutement d’un personnel qualifié
et
à la formation complémentaire du personnel en fonction.
16. La capacité du parlement d’exercer son rôle de surveillance
doit, elle aussi, être encore renforcée. Nous nous félicitons de
l’adoption de la loi sur le contrôle parlementaire dans le domaine
de la sécurité et de la défense, le 22 décembre 2010, laquelle accroît
les capacités de contrôle du législatif. Cependant, nous partageons
les préoccupations de la Commission européenne
et
aimerions savoir si les auditions organisées par les commissions
parlementaires débouchent sur l’adoption de conclusions et sont
suivies par les autorités compétentes et aussi par quels moyens
l’opposition peut engager une procédure de contrôle. Nous avons appris
que le parti d’opposition SNP demandait de nouveaux amendements
au règlement du parlement afin de renforcer la fonction de contrôle
du parlement et d’améliorer les enquêtes parlementaires. A cet égard
nous notons que le parlement a décidé, pour la première fois, d’ouvrir
une enquête parlementaire en février 2012 et d’instituer une commission
d’enquête chargée de recueillir des informations et d’élaborer un
rapport concernant une affaire de corruption présumée dans le cadre
de la privatisation de la société «Telekom Crne Gore»
.
17. Comme l’avait annoncé le président du Parlement du Monténégro
pendant notre visite de mai 2011, le législateur a adopté la loi
sur les conflits d’intérêts (voir ci-dessous). Le président avait
également souligné qu’une telle loi pourrait contribuer à créer
un environnement de travail stimulant pour les parlementaires et
à les empêcher d’exercer une autre profession.
18. Nous aimerions également encourager les membres du parlement
à travailler de manière constructive et à améliorer les relations
entre la majorité et l’opposition qui profite parfois du fait que
certains textes doivent être votés par une majorité qualifiée pour
arracher des concessions n’ayant aucun rapport avec le projet de
loi discuté.
3.2. Loi
électorale
19. Le Monténégro était tenu de
mettre sa législation électorale en conformité avec la Constitution
de 2007 et avec les normes européennes avant le 31 mai 2011, en
particulier sur la question des électeurs, qui affectait le statut
des personnes originaires des ex-républiques yougoslaves résidant
au Monténégro (d’après la Constitution, les «citoyens» ont le droit
de vote, alors que la loi électorale fait référence aux «habitants»),
et sur la «représentation authentique» des minorités mentionnée
dans l’article 79.9 de la Constitution.
20. Dans un avis commun sur une nouvelle version du «projet de
modification de la loi sur l’élection des conseillers locaux et
des députés du parlement»
adopté le 17 juin 2011
,
la Commission de Venise a appelé l’attention sur plusieurs améliorations
de la loi, notamment le remplacement dans toute la loi du mot «habitant» par
«votant», au sens de «citoyen». Elle a néanmoins mis l’accent sur
les imperfections qui demeurent concernant le traitement préférentiel
particulier qu’il est prévu d’appliquer désormais au «groupe national minoritaire
des Croates» (et non plus à «un groupe national minoritaire constituant
2 % de la population totale»), sur le mandat de la Commission électorale
d’Etat, etc. Des éclaircissements ont aussi été demandés concernant
la règle exceptionnelle sur la participation à l’attribution des
mandats s’agissant des listes de candidats issus de minorités
, sur les coalitions qui peuvent être mises
en place par les partis politiques enregistrés
, sur la création d’un mécanisme plus efficace
pour assurer une meilleure égalité entre les femmes et les hommes
sur les listes électorales
, etc.
21. Le projet de loi n’a pas pu être adopté le 31 mai 2011: 47
parlementaires ont voté en faveur des amendements – un nombre insuffisant
pour atteindre la majorité qualifiée nécessaire (54 votes). Au cours
du débat, le SNP, qui avait tout d’abord approuvé un projet de loi
contenant différentes possibilités, a exigé que les personnes ne
pouvant établir leur nationalité monténégrine soient autorisées
à le faire d’ici à 2016, et qu’elles aient le droit de voter jusque-là
. Lors des
réunions bilatérales en mai 2011, le SNP nous a indiqué que 22 000
cas de personnes inscrites sur les listes électorales qui n’avaient
pas apporté la preuve de leur nationalité monténégrine, ou n’étaient
pas en mesure de le faire, avaient été réglés depuis novembre 2009. Nous
souhaiterions souligner qu’aujourd’hui 44 000 personnes sont encore
dans cette situation. Il convient de souligner que le Bureau des
institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) et la
Commission de Venise ont suggéré que l’article 69 du projet de loi
fixe un «délai raisonnable» pour l’exercice du droit de vote des
résidents qui ne peuvent pas établir leur nationalité monténégrine
. Il convient de rappeler que, faute de réforme
électorale opportune, les élections générales du 29 mars 2009 et
les élections locales partielles de mai 2010 ont continué d’être organisées
sur la base de la loi sur l’élection des conseillers locaux et des
députés du parlement de 1998.
22. Les partis minoritaires n’ont pas approuvé les dispositions
du projet de loi concernant la «représentation authentique des minorités».
L’application de ces mesures d’action positive à toutes les minorités
entraîne une perte de sièges pour chacune d’entre elles. La coalition
des partis albanais appelle de ses vœux un système de représentation
proportionnelle au parlement et les Croates sont favorables à un
seuil minimal pour leur minorité (0,35 %). Le ministre des Droits
de l’homme et des Droits des minorités s’était néanmoins montré confiant
sur la possibilité pour les partis minoritaires de parvenir à un
consensus par l’accès de toutes les minorités aux mesures d’action
positive prévues par la loi.
23. Afin d’obtenir le soutien de l’opposition pour faire passer
la loi électorale, le parlement a adopté les amendements à la loi
sur la citoyenneté monténégrine le 8 septembre 2011. Selon ce texte,
les citoyens des anciennes républiques yougoslaves qui avaient leur
résidence permanente au Monténégro deux ans avant le 3 juin 2006
peuvent solliciter la nationalité monténégrine, sans obligation
de renoncer à leur autre nationalité et sous réserve qu’ils soient
toujours résidents dans le pays à la date de la demande. La demande
d’obtention de la nationalité monténégrine devait être déposée avant
le 31 janvier 2012 et il est indispensable de produire la preuve
de cette nationalité avant le 31 décembre 2012 pour pouvoir rester
inscrit sur les listes électorales. L’opposition a déjà exprimé
ses craintes que le délai ne puisse pas être respecté par certaines
personnes, dans la mesure où le ministre de l’Intérieur n’est tenu
à répondre aux demandes de nationalité que dans un délai d’un an
. Renvoyant aux observations faites
par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) dans son rapport de février 2012
et à certaines insuffisances
au sein des instances de l’Etat, le Parti socialiste populaire du
Monténégro a demandé l’extension de ce délai au 31 mars 2012. Cette proposition
a été rejetée par le parlement à sa session extraordinaire du 30 janvier 2012.
Le SNP considère qu’un «certain nombre de citoyens» n’a pas pu faire
usage de ce mécanisme pour obtenir la nationalité monténégrine.
24. Après sept tentatives malheureuses, le parlement a finalement
adopté, le 8 septembre 2011, la loi modifiée sur l’élection des
conseillers municipaux et des membres du parlement, conformément
à la Constitution de 2007 et en tenant compte des recommandations
formulées par la Commission de Venise (voir ci-dessus). Nous estimons
que cette loi – qui est une condition préalable à la poursuite de
l’intégration du Monténégro à l’Union européenne – représente une
étape majeure vers la mise en conformité de la législation avec
la Constitution.
25. La loi adoptée se penche également sur la question de la «représentation
authentique» des minorités et renforce l’action positive en faveur
de tous les groupes minoritaires. La loi prévoit que les groupes constituant
moins de 15% de la population devraient bénéficier d’autres mesures
spéciales, conformément à la recommandation de la Commission de
Venise et de l’OSCE/BIDDH
. Le 29 novembre 2011,
la Commission des questions constitutionnelles et législatives du
Parlement monténégrin a déclaré que l’initiative de l’opposition
visant à modifier la loi sur les droits des minorités était conforme
à l’ordre juridique du Monténégro. Cela étant, le 13 décembre 2011,
en accord avec les auteurs de la proposition, la Commission des
droits de l’homme et des libertés fondamentales a décidé de repousser
le vote à la session suivante. Les auteurs de la proposition n’ayant
pas répondu à l’invitation, la commission n’a pu examiner le projet
de loi à sa réunion du 15 décembre 2011
. Nous
déplorons que la loi sur les droits des minorités n’ait pu être
modifiée.
26. Nous nous félicitons que la loi prévoie un quota obligatoire
de 30 % de femmes sur les listes électorales, même si le texte ne
fixe pas la place des intéressées sur lesdites listes. Nous pensons
qu’il serait possible de progresser davantage vers l’égalité des
sexes si la loi garantissait au sexe sous-représenté une possibilité effective
de voir ses candidat(e)s élu(e)s (au moyen d’un système d’alternance
visant à garantir la présence d’un(e) candidat(e) du sexe sous-représenté
tous les trois candidats sur la liste). Les partis politiques jouent également
un rôle essentiel dans la promotion de l’accès des femmes à des
fonctions électives. Nous aimerions rappeler les résolutions adoptées
par l’Assemblée parlementaire sur cette question
et
inviter les autorités monténégrines à renforcer la participation
des femmes aux assemblées élues et à envisager la modification de
la disposition en vigueur. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation
légale, nous avons noté avec satisfaction que le Parti socialiste
populaire avait décidé d’appliquer le principe consistant à placer
une femme tous les trois candidats sur les listes pour les élections
locales qui se sont tenues récemment à Tivat et à Herceg Novi (7 avril 2012),
au cours desquelles la nouvelle loi électorale a été appliquée pour
la première fois.
27. Nous nous félicitons de l’évolution positive de la question
liée à la Commission électorale d’Etat (CEE), à savoir le renforcement
de ses pouvoirs, la clarification du système de nomination de ses
membres, l’amélioration de la représentation politique des partis
d’opposition dans les commissions électorales locales, l’établissement
d’un secrétariat de la CEE (qui doit encore être créé) chargé de
faciliter l’administration des élections (conformément aux recommandations
de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH), la clarification
de certaines questions liées à la répartition des mandats, l’accroissement
de la transparence dans la publication des résultats, l’autorisation
explicite des sondages de sortie, le renforcement des dispositions relatives
aux médias et l’interdiction de recourir aux ressources de l’Etat
à des fins de campagne électorale. Cependant, certaines recommandations
de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise n’ont pas été prises en
considération; c’est le cas notamment de la dissolution des coalitions
et de ses effets, de l’élargissement du mandat de la CEE aux élections
municipales ou de l’exigence constitutionnelle d’une résidence d’au
moins deux ans avant qu’un ressortissant puisse obtenir le droit
de vote (ce délai étant réduit à six mois pour les élections locales)
.
L’opposition déplore également le fait que la CEE ait indiqué lors
des élections locales du 7 avril 2012 que la participation des fonctionnaires
aux campagnes électorales durant les heures de travail (qui est
interdite par la loi électorale de 2011) ne pouvait être sanctionnée
car la loi ne précise pas quel est l’organe compétent pour se prononcer
sur de tels abus et sur les sanctions à infliger
.
3.3. Administration
publique
28. Nous nous félicitons des nombreuses
réformes entreprises en matière d’administration publique, réformes
nécessaires pour garantir un bon fonctionnement des services et
organismes publics. Le Monténégro a adopté ces derniers mois un
nombre impressionnant de lois qu’il conviendrait maintenant d’appliquer
:
- Adoption de la stratégie de
réforme de l’administration publique pour 2011-2016 par le gouvernement en
mars 2011, de la stratégie et du programme d’action correspondant
– lequel vise à introduire des normes européennes en matière de
recrutement et de promotion, ainsi que des mesures visant à accroître
l’efficacité de l’administration publique – et mise à l’étude d’une
réduction globale du personnel du secteur public. Des mesures ont
été adoptées en vue d’introduire des économies d’échelle et d’intégrer
des organismes dont les activités étaient jusqu’alors disparates
et non coordonnées;
- Adoption, en mars 2011, de la loi sur le contrôle interne
des finances publiques, afin de renforcer les principes de gestion
financière saine de l’administration publique; la capacité de la
Cour des comptes (SAI) a été renforcée, mais cet organe devra recruter
des conseillers supplémentaires pour accroître ses capacités de
contrôle et devra renforcer son autonomie en matière de gestion
et d’administration ;
- Adoption par le gouvernement en avril 2011 du Règlement
révisé sur l’organisation interne et la description des fonctions
de l’Agence de gestion des ressources humaines (HRMA);
- Adoption, en juin 2011, des amendements à la loi sur la
procédure administrative générale visant à jeter les fondations
d’une administration moderne orientée vers l’usager et à simplifier
les processus administratifs conformément au principe d’efficience
et d’efficacité, et à renforcer la transparence et l’objectivité,
l’accessibilité aux usagers et aux ONG et le recours aux technologies
modernes d’information et de communication;
- Adoption, en juillet 2011, d’une nouvelle loi sur les
fonctionnaires et les employés de l’Etat, fondée sur les principes
du recrutement et de la promotion au mérite, afin de jeter les fondations
d’une administration publique dépolitisée et professionnelle capable
d’agir efficacement et impartialement. Ce texte renforce la protection
des personnes signalant des affaires potentielles de corruption
(donneurs d’alerte) et énonce l’obligation d’adopter des plans d’intégrité
du secteur public. La loi entrera en vigueur en janvier 2013, à
l’issue d’une période de transition;
- Adoption, en juillet 2011, d’une loi sur les salaires
des fonctionnaires et des employés de l’Etat, afin d’établir un
système transparent de calcul des salaires financés par le budget
de l’Etat;
- Adoption des amendements à la loi sur l’administration
publique en juillet 2011.
3.4. Autonomie
locale
29. Nous avons été satisfaits d’apprendre
que la loi sur l’organisation territoriale a été adoptée le 2 novembre 2011.
La loi sur les finances locales et la loi sur la taxe foncière,
adoptées en décembre 2010, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2011.
Nous louons la bonne coopération entre les autorités monténégrines, l’Association
des collectivités locales du Monténégro et le Conseil de l’Europe
concernant la rédaction de ces textes de loi et leur alignement
sur les dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale
(STE no 122). La loi sur l’organisation
territoriale doit encore être promulguée et des lois sectorielles
adoptées pour compléter le processus de décentralisation, y compris
la décentralisation fiscale. Nous pensons que l’expertise et les
programmes de coopération du Conseil de l’Europe devraient être
mis à profit dans le cadre du suivi du programme bilatéral cofinancé
par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne et intitulé «Renforcer l’autonomie
locale au Monténégro» mis en œuvre par le Conseil de l’Europe de
2009 à 2011.
30. Nous nous félicitons de la ratification par le Monténégro
du Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale
sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales
(STCE no 207), en octobre 2010, et l’adoption,
en juin 2011, de la Stratégie de renforcement pour 2011-2016 de
la coopération intercommunale au Monténégro, ainsi que du Programme
d’action 2011-2013 visant à mettre ladite stratégie en œuvre
.
31. Enfin, nous aimerions mentionner la conclusion de la récente
Recommandation 293 (2010) sur la démocratie locale
au Monténégro, adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
du Conseil de l’Europe, et inviter le Monténégro à la mettre en
œuvre.
3.5. Le
Défenseur des droits de l’homme et des libertés du Monténégro (ombudsman)
32. Nous avons été satisfaits d’apprendre
que l’influence du Défenseur des droits de l’homme et des libertés du
Monténégro (ombudsman) s’accroît, que ses recommandations sont suivies
par les institutions compétentes dans la grande majorité des affaires
(avec, toutefois, un retard important) et que sa coopération avec
la société civile s’est nettement améliorée
.
L’ombudsman verra en effet son rôle renforcé à la suite de l’adoption
de la loi de lutte contre la discrimination en 2010 (voir ci-dessous)
qui définit l’ombudsman comme un mécanisme national de prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains, dans le cadre
du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants et comme un mécanisme national de prévention des discriminations
et de protection contre ces pratiques.
33. Lorsque nous nous sommes rendus au Monténégro en mai 2011,
un projet de loi sur l’ombudsman avait été soumis au parlement en
décembre 2010 et avait donné lieu à un accord de principe. Toutefois,
le texte avait été renvoyé par le président du parlement pour amélioration.
La nouvelle version établie par le ministère des Droits de l’homme
et des Droits des minorités ne semblait convenir ni à l’ombudsman
ni aux ONG et n’avait pas été approuvée par les partis d’opposition
lors de son examen par la Commission des droits de l’homme et des
libertés. Nous avions souligné que l’adoption de la loi sur l’ombudsman
est déterminante pour l’application effective de la loi de lutte
contre la discrimination. Nous avions instamment prié le président
du parlement de soumettre l’actuel projet de loi à la Commission
de Venise – et de tenir compte des recommandations de celle-ci –
avant de l’adopter. Il importait en effet de veiller à ce que la
loi relative à l’ombudsman soit compatible avec la loi de lutte
contre la discrimination, ainsi qu’avec les normes européennes,
et à ce qu’elle octroie à l’ombudsman les compétences et les ressources
nécessaires. A cet égard, nous avions salué l’augmentation de 30 %
des fonds alloués à l’ombudsman dans le budget 2011
.
34. A la demande de l’Assemblée parlementaire et du président
du Parlement monténégrin, la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH
ont préparé en juillet 2011 – et adopté en octobre de la même année –
un avis conjoint sur le projet de loi
,
lequel souligne les mesures positives proposées, dans la mesure
où l’ombudsman pourra soumettre une proposition concernant son propre
budget et participer aux débats du parlement. La Commission de Venise
a également souligné que des amendements à la Constitution seraient nécessaires
pour renforcer l’indépendance de l’ombudsman et garantir son élection
par une majorité qualifiée (et non pas ordinaire) au parlement.
35. Nous nous félicitons de l’adoption de la loi sur l’ombudsman
en juillet 2011. Toutefois, nous déplorons que ce texte ne mentionne
pas la loi sur l’interdiction de la discrimination et n’énonce pas
en détail les pouvoirs qui permettraient au défenseur des droits
de l’homme de devenir un mécanisme effectif de mise en œuvre de la
législation antidiscriminatoire. La loi ne confère à l’intéressé
ni les pouvoirs et compétences – comme le pouvoir d’enquête –, ni
les autres droits spécifiques décrits dans la Recommandation no 70
de l’ECRI. Nous sommes également préoccupés par le fait que les
ressources financières et humaines actuelles du bureau de l’ombudsman
pourraient se révéler insuffisantes pour assumer efficacement l’ensemble
des tâches qui lui sont affectées
.
Nous invitons par conséquent les autorités monténégrines à modifier
la Constitution conformément aux recommandations de la Commission
de Venise et à nous informer de l’affectation de ressources envisagée
pour permettre à l’ombudsman de devenir un instrument efficace de
lutte contre la discrimination et de prévention de la torture et
des mauvais traitements.
3.6. Coopération
avec les ONG
36. Nous notons avec satisfaction
que le Conseil de coopération entre le gouvernement et les ONG a
été établi en 2011 par le gouvernement et devrait fonctionner comme
un organe consultatif indépendant chargé de conseiller le gouvernement
et les organisations de la société civile. Nous relevons également
qu’un protocole d’accord a été signé entre le parlement et des ONG
en avril 2011, qui pourrait être une bonne base pour une coopération
future améliorée. La loi sur les ONG, adoptée le 22 juillet 2011,
énonce les conditions d’établissement d’une organisation non gouvernementale,
conformément aux documents internationaux et à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») sous l’angle
des libertés et du droit d’association. Nous nous félicitons de
l’adoption de ce nouveau cadre institutionnel, qui devrait renforcer
la coopération entre les autorités publiques et les ONG et nous
procéderons au suivi de sa mise en œuvre, ainsi que du soutien financier
apporté par l’Etat à ces organisations.
4. Etat
de droit
4.1. Réforme
du système judiciaire
37. Nous rappelons que, dans notre
dernier rapport sur le Monténégro, nous avons exprimé nos vives préoccupations
sur le rôle du parlement dans les nominations à des fonctions judiciaires,
notamment dans la nomination du président de la Cour suprême
et des procureurs,
rôle qui pourrait nuire à l’indépendance de la justice. La Commission
de Venise a adopté une position similaire en 2007
. La Commission européenne, quant à elle,
a souligné les possibilités juridiques d’influence excessive du
monde politique sur la nomination des juges et des procureurs
,
la concentration excessive de pouvoirs au niveau du président de
la Cour suprême et du procureur suprême (nommé par le parlement
à la majorité simple) et le contrôle insuffisant concernant les
règles sur la corruption et les conflits d’intérêts dans le système
judiciaire
.
39. A la suite de l’adoption de l’avis de la Commission de Venise
les 17 et 18 juin 2011
,
le parlement a adopté des amendements à la loi sur les tribunaux,
à la loi sur le ministère public et à la loi sur le Conseil de la
magistrature du Monténégro. Ces amendements intègrent une partie
des recommandations de la Commission de Venise (concernant les procédures
disciplinaires et la composition du Comité disciplinaire, ainsi
que les compétences de l’appareil judiciaire et du Conseil des procureurs),
qui mettent l’accent sur la nécessité de construire un appareil
judiciaire solide et indépendant – et, ce faisant, d’empêcher l’intervention du
parlement dans l’élection du président de la Cour suprême –, de
modifier la composition du Conseil de la magistrature de manière
à instaurer un juste équilibre entre les juges professionnels et
non professionnels, ainsi que de revoir la composition de la Cour
constitutionnelle
.
40. Nous nous félicitons de l’adoption de ces amendements qui
devraient renforcer l’indépendance et la responsabilisation de l’appareil
judiciaire. Ces amendements incluent notamment: la modification
de la composition du Conseil des procureurs; le renforcement de
la transparence et de la participation de l’appareil judiciaire
à la procédure de nomination de juges et de juristes renommés au
Conseil de la magistrature; l’obligation légale d’organiser des
concours écrits et anonymes pour sélectionner des juges débutants
et
des procureurs adjoints, ainsi que pour promouvoir les intéressés
par la suite, pour nommer les présidents de tribunaux et pour titulariser
des procureurs; l’introduction de listes exhaustives énumérant tous
les motifs pouvant être invoqués pour engager une procédure disciplinaire
contre un procureur, un juge et – pour la première fois – un président
de tribunal, etc.
Des progrès ont été observés dans la
mise en œuvre de ces lois nouvellement adoptées, bien que le fonctionnement
du Conseil de la magistrature et du Conseil des procureurs reste
entravé par leur manque de capacités administratives et leurs faibles
dotations budgétaires
. Nous encourageons ces conseils
à appliquer en pratique les nouveaux critères de sélection, à renforcer
les éléments fondés sur le mérite dans l’évolution des carrières
et à réduire encore plus les risques d’influence politique disproportionnée.
41. La réforme du système judiciaire incluait également l’amendement
à la loi sur les délits adopté en décembre 2010, ainsi que l’adoption,
en avril 2011, de la loi sur l’aide juridictionnelle gratuite et
de la loi modifiant le Code pénal. Le nouveau Code de procédure
pénale est, depuis le 26 août 2011, appliqué par tous les tribunaux
monténégrins.
42. Dans son avis du 17 juin 2011
,
la Commission de Venise a reconnu que les propositions d’amendements
à la Constitution et aux trois lois en question vont dans le bon
sens et constituent une tentative en vue d’améliorer véritablement
la situation actuelle. Cependant, pour atteindre l’objectif de l’établissement d’un
pouvoir judiciaire solide et indépendant:
«75. La Commission de Venise
considère qu’il conviendrait de modifier la Constitution de sorte
à:
a. disposer que l’élection
du Président de la Cour suprême incombe exclusivement au Conseil
de la magistrature;
b. modifier la composition
du Conseil de la magistrature pour la rendre équilibrée;
c. modifier la composition
de la Cour constitutionnelle pour la rendre plus efficace.
76. D’autre part, étant donné
que la modification de la Constitution ne suffirait pas pour remédier
à la situation de la justice au Monténégro, de l’avis de la Commission
de Venise, il conviendrait également de modifier la législation
conformément aux recommandations suivantes, notamment en ce qui concerne:
a. la transparence et l’efficacité
des procédures disciplinaires à l’encontre des juges et des procureurs;
b. la composition du collège
disciplinaire au sein du Conseil de la magistrature et du Conseil
des procureurs;
c. l’existence de meilleures
voies de recours pour les victimes d’abus judiciaire;
d. les compétences du Conseil
de la magistrature et du Conseil des procureurs;
e. l’amélioration des procédures de nomination des juges
et des procureurs. »
43. La réforme du système judiciaire devrait donc être complétée
par une révision de la Constitution qui, pour l’instant, prévoit
que le président de la Cour suprême et le procureur général sont
nommés par le législatif à la majorité simple, pour un mandat limité
dans le temps. Les modalités de la nomination des juges de la Cour constitutionnelle
ne sont pas, elles non plus, totalement conformes aux normes européennes.
Le parlement a décidé, en juillet 2011, de lancer la procédure législative
d’amendement de la Constitution en vue de renforcer l’indépendance
du système judiciaire, et de revoir la nomination du président de
la Cour suprême et des membres du Conseil de la magistrature, du
Conseil des procureurs et de la Cour constitutionnelle. Le 28 septembre
2011, le parlement a adopté, à une majorité des deux tiers, des
projets d’amendement à la Constitution relatifs à l’appareil judiciaire.
Ce vote a été suivi d’un débat public d’une durée de trente jours.
Le 31 octobre 2011, ces amendements ont été communiqués à la commission
parlementaire compétente, laquelle était censée finaliser le texte
avant le 20 novembre 2011. Ce délai s’est révélé cependant trop
court pour parvenir à un compromis, dans la mesure où l’adoption
du texte requiert une majorité des deux tiers au parlement. La Commission
de Venise reste impliquée dans le processus de consultation.
44. En mai 2011 et en mars 2012, nous avons encouragé le président
du parlement et le ministre de la Justice à poursuivre cette réforme
fondamentale de la justice. Nous comprenons que, ces dernières années, la
nomination des hauts fonctionnaires de la justice par le parlement
a été perçue comme un système utile pour conférer une légitimité
démocratique à l’institution judiciaire. Cela étant dit, nous devons
souligner que cette période de transition est révolue et la dépolitisation
de la nomination des hauts fonctionnaires est une condition sine
qua non de l’indépendance de la justice. Nous avons aussi encouragé
le ministre à tenir pleinement compte des recommandations de la
Commission de Venise lors de la rédaction de la nouvelle version
des projets de loi et des projets d’amendement à la Constitution
qui devaient être adoptés en juillet 2011 et en septembre 2011,
respectivement. En mars 2012, le Vice-Premier ministre et ministre
de la Justice a réaffirmé qu’il était disposé à solliciter l’avis
de la Commission de Venise sur les projets d’amendements à la Constitution.
Toutefois, ces derniers étaient encore en cours d’examen au niveau
parlementaire en mai 2012.
45. Au cours de notre visite en mai 2011, nous avons rencontré
des hauts fonctionnaires de la justice. Nous avons pris note des
progrès accomplis dans la résorption de l’arriéré judiciaire. Il
convient de saluer les mesures prises par le président de la Cour
suprême (qui consistent en une meilleure répartition des affaires entre
l’ensemble des tribunaux et des juges, et en l’instauration d’heures
supplémentaires les samedis) et l’affectation de nouveaux locaux
au tribunal administratif. Ces progrès se sont révélés payants puisque,
avec environ 12 000 affaires compliquées non résolues héritées des
années précédentes par l’ensemble des tribunaux monténégrins fin
2010, l’arriéré a été réduit d’environ 7 % cette année-là par rapport
à 2009
. A la fin de l’année 2011,
des progrès supplémentaires étaient enregistrés avec 11 500 affaires
non résolues
. La loi sur les notaires devrait
contribuer à réduire la charge de travail des tribunaux et des organes administratifs
.
Une loi sur le recouvrement et la garantie des créances, adoptée
en juillet 2011, a transféré les pouvoirs d’exécution aux huissiers
de justice. Toutefois, l’exécution des décisions de justice, surtout
en matière civile, demeure défaillante
.
46. Tous les membres du pouvoir judiciaire rencontrés par les
corapporteurs en mai 2011 ont fait état de leurs préoccupations
au sujet du manque de ressources financières
, du manque de
personnel compétent, de l’insuffisance de la formation des juges
sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et
des ingérences des pouvoirs exécutif et législatif dans la sphère
judiciaire. L’âge et le manque de compétences linguistiques de certains
juges ont aussi été mentionnés en tant qu’obstacles à la mise en
œuvre des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.
L’absence de cours et de programmes obligatoires permanents constitue
un obstacle à la formation des juges. En dépit des activités menées
par le Centre de formation judiciaire
, il conviendrait d’accorder d’urgence
une attention particulière à la formation des juges concernant le
nouveau Code de procédure pénale et la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme. Le Centre de formation aux professions
judiciaires devrait également voir ses pouvoirs et ses ressources
renforcés par l’Etat pour remplir cette mission.
47. S’agissant de l’accès à la justice, nous avons été informés
que, en dépit de la loi sur la liberté d’accès à l’information d’avril
2011, les ONG ont du mal à obtenir des informations officielles
sur les enquêtes. Par conséquent, nous nous félicitons de la décision
du tribunal administratif d’annuler la décision du ministre de la Justice
confirmant la décision du procureur suprême de refuser d’informer
l’ONG Human Rights Action sur les mesures prises en termes de poursuites
concernant 14 affaires de violations des droits de l’homme et affaires d’abus
au sein d’une institution publique appelée
Komanski
most. Le tribunal a indiqué que la loi sur la liberté d’accès
à l’information vise à garantir une action transparente et ouverte
de la part des autorités et l’exercice du droit d’accès à l’information
publique, permettant ainsi un contrôle public des organismes investis
de la puissance publique. Le tribunal a relevé que les autorités
administratives (en l’occurrence, le procureur suprême et le ministère
de la Justice) ont omis d’étayer par des arguments pertinents le
refus d’accès à l’information dans ces affaires, et a ordonné l’adoption
de nouvelles solutions juridiques à ces demandes
. Un projet de loi
révisé sur le libre accès à l’information a été préparé en avril
2012 et soumis à la Commission de Venise, qui devrait adopter son
avis en juin 2012.
48. Au niveau régional, il convient de relever que le Monténégro
a ratifié et a commencé à mettre en œuvre des accords d’extradition
avec la Croatie, la Serbie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
lesquels couvrent ses propres ressortissants ayant participé à des
infractions graves ou à des actes relevant de la criminalité organisée.
Des accords de coopération policière ont été signés avec la Croatie
et la Serbie. Le Monténégro a ratifié des accords passés avec la
Bosnie-Herzégovine relatifs à l’entraide judiciaire en matière civile
et pénale et à la reconnaissance mutuelle des décisions en matière
pénale
. Il s’agit là d’une initiative positive.
4.2. Corruption,
blanchiment de capitaux et financement délictueux
49. Selon l’indice de perception
de la corruption établi en 2011 par Transparency International,
le Monténégro se place en 66e position (sur 178 pays où la perception
de la corruption a été mesurée) avec une note de 4 en légère amélioration
par rapport à 2010
.
50. La lutte contre la corruption est suivie par le Groupe d’Etats
contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe. En décembre
2010, le GRECO a terminé ses premier et deuxième cycles d’évaluation
et conclu que le Monténégro met en œuvre ou s’occupe de manière
satisfaisante de 22 de ses recommandations sur les 24 formulées.
Depuis, le GRECO a publié son rapport d’évaluation de troisième
cycle sur le Monténégro dans lequel il conclut que la législation
en matière de lutte contre la corruption n’est pas appliquée de
manière effective et qu’il est urgent d’établir un mécanisme indépendant
de suivi du financement politique
.
51. Le 9 décembre 2011, le Conseil européen a indiqué que les
progrès en matière de lutte contre la corruption et la criminalité
organisée seraient l’une des principales questions à prendre en
considération avant la décision d’engager les négociations d’adhésion
avec le Monténégro (voir ci-dessus).
52. Nous nous félicitons de l’engagement pris par le gouvernement
de s’attaquer à ce problème, et notamment de l’adoption en juillet 2011
d’un Plan d’action révisé 2011-2012, en vue de la mise en œuvre
de la Stratégie de lutte contre la corruption et la criminalité
organisée (2010-2014), et de la mise en place, le 30 septembre 2010,
d’une Commission nationale de lutte contre la corruption
. Cette
commission est chargée du suivi de la mise en œuvre du plan d’action,
ainsi que de l’établissement d’une équipe spéciale de lutte contre la
corruption – composée de représentants de la police, du Bureau pour
la prévention du blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme,
et de représentants de l’administration fiscale et de l’administration des
douanes – qui doit rendre compte au procureur spécial pour la criminalité
organisée, la corruption, le terrorisme et les crimes de guerre
.
De nouvelles mesures de lutte contre la corruption (telles que la
protection des «donneurs d’alerte», le contrôle des opérations de
privatisation, le financement des partis politiques ainsi que d’autres
mesures spécifiques dans des secteurs particulièrement sensibles
tels que le système de santé, la passation des marchés publics,
les agréments et la gouvernance locale) ont été introduites, et
la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité (STE
no 185) ainsi que son Protocole additionnel
(STE no 189) ont été ratifiés et sont
entrés en vigueur en juillet 2010. Nous sommes également reconnaissants
pour les informations fournies par le Vice-Premier ministre et ministre
de la Justice, M. Marković, sur les résultats obtenus dans le domaine
de la criminalité organisée et de la corruption
.
53. Les modifications apportées au Code pénal en avril 2010 et
l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale en juillet 2010
devaient faciliter les poursuites contre les infractions de corruption
en renforçant le rôle principal du parquet dans les enquêtes pénales,
y compris le recours à des techniques d’enquête spéciales, l’inversion
de la charge de la preuve pour les biens d’origine suspecte au regard
de la loi et l’extension de la confiscation des avoirs d’origine
criminelle.
54. Plusieurs textes de loi importants ont été adoptés à la suite
des recommandations du GRECO: une nouvelle loi sur le financement
des partis politiques est entrée en vigueur en juillet 2011. Le
26 juillet 2011, le parlement a modifié la loi sur les conflits
d’intérêts
.
Une nouvelle loi sur les marchés publics a été adoptée en juillet
2011, dans le but de réduire les possibilités de corruption et de
renforcer la transparence dans ce domaine. La nouvelle loi sur les
fonctionnaires et les salariés de l’Etat accorde une protection
juridique aux «donneurs d’alerte». Le gouvernement a également approuvé,
en juin 2011, un projet de loi sur les groupes de pression, qui
a été adopté par le parlement en novembre 2011 et est entré en vigueur
le 1er janvier 2012.
55. La corruption reste un problème au Monténégro et continue
d’être perçue par la population comme un phénomène répandu, en dépit
d’une tendance à la baisse
. Nous nous félicitons
de la reconnaissance par les autorités de l’existence d’une corruption
au sein des systèmes éducatif et de santé, et de leur décision de procéder,
en juillet 2011, à une évaluation du risque dans six secteurs particulièrement
exposés, à savoir les organes de l’autonomie locale, l’aménagement
du territoire, les marchés publics, la privatisation, l’éducation
et les soins de santé. L’évaluation a permis de conclure à la nécessité
de mécanismes plus précis de mise en œuvre et de suivi des initiatives
de lutte contre la corruption et nous encourageons les autorités
à poursuivre cette action ciblée.
56. La Commission européenne a reconnu les efforts déployés par
le Monténégro pour établir une solide réputation en matière d’enquêtes,
de poursuites et de condamnations volontaristes à tous les niveaux:
en décembre 2010, un juge de la Haute Cour a été condamné en appel
à sept ans d’emprisonnement pour corruption passive. Neuf personnes
ont été condamnées en première instance à une peine d’emprisonnement pour
abus de fonctions et corruption en juin 2011. Vingt-huit personnes
ont été mises en examen dans trois affaires d’abus de fonctions
et de corruption. Parmi les affaires concernées figure un cas de
corruption à un haut niveau impliquant des personnes qui étaient
respectivement, à l’époque, maire de Budva, adjoint au maire et
membre du parlement. En 2010, les organes compétents ont engagé
des procédures pénales contre 12 policiers au titre de 13 infractions
pénales comprenant des éléments de corruption (11 pour abus de fonction et
deux pour corruption passive). Toutefois, la Commission européenne
a conclu que «malgré une tendance positive, le bilan en matière
d’enquêtes et de condamnations laisse encore à désirer. Les décisions
judiciaires définitives notamment dans des affaires de corruption
à haut niveau restent rares. Les enquêtes financières devraient
être menées de manière plus systématique en s’inspirant des normes
applicables aux infractions graves. Le nombre d’affaires dans lesquelles
des saisies ou des confiscations d’avoirs sont ordonnées demeure
faible»
.
57. En dépit d’une volonté politique et de nombreuses réformes
adoptées par le Monténégro en vue de s’attaquer au problème de la
corruption et de lutter contre la criminalité organisée, nous demeurons préoccupés
par le manque de mise en œuvre effective desdites mesures, ainsi
que par la capacité des autorités à éradiquer ce fléau. Sur la base
des observations formulées par la Commission européenne après l’adoption
de la série de nouvelles lois
,
nous aimerions mettre en lumière certaines questions qui mériteraient un
examen plus approfondi:
57.1. l’indépendance
de la Commission pour la prévention des conflits d’intérêts dont
les membres continuent à être élus par le parlement, et la capacité
d’intervention de cet organe;
57.2. la mise en œuvre limitée de la loi sur le financement
des partis politiques en pratique, surtout au niveau local
;
57.3. la capacité de la Cour des comptes et de la Commission
électorale d’Etat – qui sont devenues l’autorité de surveillance
à la suite de l’entrée en vigueur de la loi sur le financement des
partis politiques en janvier 2012 – d’assurer un véritable contrôle
indépendant; la Cour des comptes procédera au contrôle et, en fonction
de ses conclusions, formulera des recommandations pour la suppression
des irrégularités;
57.4. les sanctions appliquées aux partis politiques ayant enfreint
les règles de financement; en 2010, sept partis politiques ont reçu
un avertissement pour avoir soumis leurs rapports recensant les
dépenses engagées pendant la campagne électorale après la fin du
délai fixé par la loi et l’un d’entre eux a été condamné pour n’avoir
soumis aucun rapport;
57.5. la vérification de la déclaration de patrimoine des fonctionnaires,
de manière à identifier les cas d’enrichissement illicite;
57.6. le régime et le plafonnement des cotisations; des plafonds
ont toutefois été fixés pour les cotisations des membres;
57.7. l’effet dissuasif du cadre législatif actuel;
57.8. les perspectives d’établissement d’une commission d’enquête
parlementaire spéciale
;
57.9. le suivi de l’observation des règles en matière de lutte
contre la corruption et de conflits d’intérêts par l’appareil judiciaire,
dans la mesure où juges et procureurs continuent à jouir d’une immunité fonctionnelle
de poursuites
.
58. Les allégations de corruption à un haut niveau sont souvent
faites par des médias ou des ONG. Nous avons également écouté le
député Nebojša Medojević expliquer qu’il avait été victime d’une
agression physique après avoir rendu publique une affaire de contrebande
et de corruption présumée d’un responsable de la police, lequel
avait été dénoncé par quatre agents de police. Ces agents ont ensuite
été limogés. Deux d’entre eux ont décidé de s’exiler en Suède après
avoir été menacés par la mafia. Nous avons été choqués d’apprendre
qu’aucune enquête criminelle n’a été initiée à l’encontre de l’auteur
de l’agression commise. L’intéressé s’est vu finalement infliger
uniquement une amende de 500 € assortie d’une seconde amende de 450 €
au titre des menaces proférées.
59. Nous avons évoqué ce problème avec le ministre de l’Intérieur,
qui était au courant de l’affaire et a expliqué que les agents de
police concernés n’avaient pas été renvoyés, mais que leur contrat
était arrivé à terme. Pour sa part, le procureur suprême a souligné
que des poursuites pénales pouvaient être engagées à deux conditions:
1. s’il existe des preuves suffisantes indiquant que les menaces
mettent sérieusement la vie en danger, et 2. si la victime «se sent»
en danger. Ces explications nous ont laissés plutôt perplexes.
60. Il nous semble essentiel de mettre en place le cadre législatif
nécessaire, mais aussi de veiller à ce que ledit cadre soit intégralement
mis en œuvre et conduise à l’engagement de poursuites et à des sanctions
dans des affaires de corruption alléguée, de manière à garantir
l’Etat de droit et à restaurer la confiance des citoyens dans l’appareil
judiciaire et les institutions démocratiques. La lutte contre la
corruption à tous les niveaux
constituera
un élément essentiel lors de l’évaluation des progrès du Monténégro
concernant le respect de ses obligations et engagements. Les affaires
de corruption de haut niveau demeurent également un sujet de préoccupation
pour la Commission européenne, qui a appelé à la consolidation systématique
des résultats obtenus dans la lutte contre la corruption, en particulier
en termes d’enquêtes et de condamnations définitives dans les affaires
de corruption de haut niveau, à la mise en place de procédures de
saisie, de confiscation et de gestion des produits, au renforcement
de la capacité administrative du bureau du procureur spécial pour
la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, les crimes
de guerre et le financement du terrorisme, etc.
61. En matière de blanchiment d’argent, nous souhaiterions nous
référer aux conclusions du récent rapport de MONEYVAL et aux recommandations
adoptées par son comité en mars 2010 visant à renforcer le régime de
confiscation au Monténégro à travers la modification de la loi sur
la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
MONEYVAL a aussi souligné la nécessité de résultats visibles et
d’efforts réguliers en matière de poursuites, notamment à l’encontre
des auteurs d’infraction de haut niveau; la nécessité d’un défenseur
crédible de la transparence et de l’intégrité dans les affaires
publiques; et la nécessité d’une surveillance efficace et indépendante
de la mise en œuvre et des retombées des mesures de lutte contre la
corruption.
62. Pour faire suite à une demande formulée en avril 2011 par
le ministre monténégrin des Finances, le Conseil de l’Europe a préparé
un Avis d’expert sur le projet de loi portant modification de la
loi sur la prévention du blanchiment d’argent et le financement
du terrorisme. En raison du nombre de recommandations soumises, les
projets d’amendement ont été retirés par le gouvernement de la procédure
parlementaire et sont actuellement examinés par l’Agence monténégrine
de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Le 27 février 2012, le parlement a adopté la loi portant modification
de la loi sur la prévention du blanchiment d’argent et le financement
du terrorisme. La délégation monténégrine a précisé que les changements
apportés étaient conformes aux recommandations publiées par MONEYVAL
et aux directives de l’Union européenne en la matière
.
5. Droits
de l’homme
5.1. La
Convention européenne des droits de l’homme
63. La Convention européenne des
droits de l’homme est entrée en vigueur en 2004 au Monténégro
. Fin 2010, cinq arrêts
– constatant tous une violation de cet instrument – avaient été
rendus par la Cour européenne des droits de l’homme à l’égard du
Monténégro. Le 21 juillet 2011, 885 requêtes déposées contre le
Monténégro étaient pendantes devant la Cour
. La plupart de ces affaires visent
la non-exécution de décisions de justice, la disparité entre la
jurisprudence nationale et celle de la Cour, la liberté d’information, l’accès
à la justice et la durée des procédures.
64. Dans l’affaire récente
Živaljević
c. Monténégro, la Cour a conclu que le Monténégro avait
violé le droit à un procès dans un délai raisonnable, tel qu’il
est garanti par l’article 6.1 de la Convention
. La loi
sur le droit à un procès dans un délai raisonnable n’est pas encore
effectivement mise en œuvre, dans la mesure où la plupart des plaintes
sont rejetées pour vice de procédure et où les parties ne sont pas
dûment informées.
5.2. Torture
et traitements inhumains
65. Nous aimerions mentionner le
rapport au Gouvernement du Monténégro sur la visite effectuée dans
ce pays par le Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 15
au 22 septembre 2008
.
Les recommandations formulées par le CPT visent diverses questions
telles que les enquêtes dans les affaires portant sur des allégations
de mauvais traitements, la protection des personnes privées de leur
liberté contre les mauvais traitements, les conditions de détention dans
les postes de police et les prisons, les mauvais traitements et
les services de soins de santé dans les établissements pénitentiaires,
l’hôpital psychiatrique spécial de Dobrota et l’institution de Komanski
Most pour personnes avec des besoins spécifiques. Nous invitons
les autorités monténégrines à coopérer plus avant avec le CPT sur
ces questions et à fournir des données mises à jour en réponse à
la demande formulée par le comité (voir l’annexe I au rapport).
66. La loi amendée sur l’ombudsman est une étape positive qui
devrait contribuer à une meilleure prévention de la torture et des
mauvais traitements, ainsi qu’à la lutte contre l’impunité. Nous
notons que des cas occasionnels de violence continuent à être signalés,
en particulier dans les postes de police
.
Nous nous félicitons des sessions de formation dispensées au personnel
pénitentiaire et aux membres des services de sécurité chargés de
la protection des droits de l’homme et de la résolution des incidents.
67. Nous saluons l’adoption par le parlement, en juillet 2011,
de la loi modifiée sur l’exécution des peines pénales, laquelle
prévoit l’établissement d’un service de probation au sein du ministère
de la Justice et introduit des possibilités de sanctions de substitution
pour les petits contrevenants. Le gouvernement a nommé le vice-ministre
de la Justice à la tête de ce service le 29 décembre 2011.
68. Nous encourageons les autorités à poursuivre leurs efforts
de rénovation et de reconstruction des installations pénitentiaires.
Nous relevons également que la loi d’amnistie, adoptée en juillet 2010,
a permis de réduire le nombre de détenus. Pourtant, selon les informations
communiquées par la Commission européenne, la surpopulation carcérale
demeure un problème et les conditions de détention, même si elles
ont été améliorées, ne sont toujours pas conformes aux normes internationales,
notamment sous l’angle de la fourniture de traitements médicaux
et de la mise à disposition de salles familiales. Les conditions
de détention dans la prison de Spuz se sont améliorées, tandis que
celles de la prison de Bijelo Polje demeurent préoccupantes
.
5.3. Liberté
d’expression et des médias
69. Nous sommes préoccupés par
les cas de violence et de pressions à l’encontre de journalistes, présentés
par les représentants de médias que nous avons rencontrés et évoqués
aussi par la Commission européenne
et
l’Organisation des médias du sud-est de l’Europe (SEEMO)
. Ainsi, la journaliste d’investigation
Olivera Lakic du quotidien
Vijesti, qui
avait publié en février 2011 un article sur l’étiquetage illégal
des produits du tabac, a été agressée le 7 mars 2012, le jour même
de la visite du corapporteur de l’Assemblée. En avril 2012, Marko
Milacic, correspondant au Monténégro du quotidien
Press basé à Belgrade aurait été
bousculé et blessé par le garde du corps d’un homme d’affaires local
qui lui avait demandé de ne pas mentionner son nom dans les médias
.
70. Les journalistes rencontrés ont déploré l’absence d’enquêtes
et de poursuites. Nous attendons des autorités qu’elles résolvent
les affaires non élucidées d’agression et de violence à l’encontre
de journalistes, en particulier de journalistes d’investigation.
A ce propos, nous accueillons favorablement l’initiative de la Cour suprême
demandant à l’ensemble des tribunaux du Monténégro de fournir des
statistiques sur les cas de violence à l’encontre de journalistes,
afin de préparer un rapport sur la violence à l’encontre de journalistes
et les enquêtes s’y rapportant
.
Nous appelons instamment les autorités monténégrines à prendre toutes
les mesures requises pour garantir un environnement de travail sûr
aux journalistes et ouvrir des enquêtes ou engager des poursuites
ayant un effet dissuasif en cas de violence. Compte tenu de ce qui
précède, nous demandons instamment à tous les responsables politiques
d’éviter toute déclaration susceptible d’être interprétée comme
une tentative de faire pression sur les journalistes et les propriétaires
des médias
.
71. L’autorégulation des médias doit être renforcée: les représentants
des médias ont exprimé leur insatisfaction à l’endroit de l’instance
d’autorégulation du Conseil des journalistes (NST) établi en 2003,
qui ne fonctionne pas actuellement étant donné que trois médias
très influents n’y sont plus représentés depuis mai 2010
.
Les représentants des médias que nous avons rencontrés ont fait
savoir que la profession aurait besoin de deux instances de régulation
séparées, l’une pour la presse écrite et l’autre pour la presse
non écrite
.
Le vice-ministre de la Culture a rappelé que l’Agence de régulation
des médias électroniques a été instituée en vertu d’une loi, et
que rien n’empêche les journalistes d’établir d’autres organes.
Cependant, nous avons souligné qu’il conviendrait de disposer d’un
cadre juridique pour réglementer l’existence et les compétences
de ces organes d’autorégulation, qui devraient disposer de ressources
pérennes pour fonctionner de manière effective. Par ailleurs, nous
considérons qu’il importe au plus haut point que les journalistes
élaborent un code de déontologie et renforcent leurs compétences
professionnelles.
72. Lors de notre visite en mai 2011, nous avions évoqué la question
de la criminalisation de la diffamation, en rappelant la position
de l’Assemblée (en particulier sa
Résolution 1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation»
)
et de la Commission européenne qui, en novembre 2010, a souligné
que le procès pour diffamation et l’imposition d’une amende très
élevée, quoique moins fréquents, sont toujours utilisés pour exercer
des pressions sur les médias
. Nous nous félicitons par conséquent de
l’adoption, le 22 juin 2011, d’amendements au Code pénal en vue
de dépénaliser la diffamation et l’injure, ainsi que de l’organisation
en 2011 par le Centre de formation judiciaire de formations destinées
aux juges et aux procureurs sur la liberté d’expression, la réparation
du préjudice moral subi en cas de diffamation dans les médias, la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative
à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme,
l’accès aux tribunaux, etc.
Il s’agit d’une mesure positive,
compte tenu du fait que, dans un arrêt de chambre, la Cour européenne
des droits de l’homme a conclu, à l’unanimité, à une violation de
l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention
dans l’affaire
Koprivica c. Monténégro , laquelle visait l’éditeur
d’un magazine reconnu coupable de diffamation et contraint de verser
un dédommagement excessif au titre d’un article paru dans sa publication
en 1994 et annonçant que 16 journalistes étaient sur le point d’être jugés
pour crimes de guerre. Il nous faudra examiner les suites données
aux procédures qui ont été engagées avant la dépénalisation de la
diffamation et sont encore en instance
. Nous sommes particulièrement préoccupés
par le fait que, dans des cas anciens de diffamation, des amendes
non payées ont été converties en peines privatives de liberté
.
73. La Commission européenne a noté que la Cour suprême a fixé
des lignes directrices à l’usage des tribunaux pour réglementer
le niveau des indemnisations dans les affaires de diffamation visant
des médias électroniques, afin de se conformer à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme, et pour organiser une
formation correspondante à l’intention des juges. Elle a souligné
la réduction du nombre d’actions intentées pour diffamation contre
des médias et le recours à la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme par les tribunaux nationaux dans la préparation
de leurs arrêts. Parallèlement, la Commission européenne a souligné
que la mise en œuvre intégrale par tous les tribunaux des lignes directrices
de la Cour suprême relatives au traitement des affaires de diffamation
reste à confirmer, y compris au niveau des recours pendants devant
la Haute Cour
.
74. La viabilité financière des médias a aussi été perçue comme
un sujet de préoccupation. Un grief a été formulé s’agissant du
journal Pobjeda qui n’a toujours
pas été privatisé, ainsi que le prévoit la loi sur les médias adoptée
en 2002, mais continue de bénéficier de contrats publicitaires avec
les autorités publiques. Le vice-ministre de la Culture a expliqué
que, malgré deux appels d’offres, le processus de privatisation
de Pobjeda est resté infructueux
pour cause de manque d’intérêt. Il a souligné que Pobjeda ne reçoit pas de financement public.
Il a reconnu que le journal est confronté à d’énormes difficultés
financières et que les autorités cherchent actuellement à améliorer
sa position sur le marché, de façon à le rendre plus attrayant pour d’éventuels
repreneurs. Dans ses commentaires écrits envoyés aux corapporteurs,
le ministère de la Culture a indiqué que deux appels d’offres avaient
échoué en 2007 et 2008, et a clarifié la situation: bien que la
part de l’Etat dans le capital corresponde à 86 % de la valeur actuelle
des actions de Pobjeda, ce
journal n’est pas financé par des deniers publics. Nous aimerions
obtenir des informations à jour sur les projets envisagés par les
autorités pour achever la privatisation de Pobjeda.
75. La loi sur les médias électroniques, adoptée en juillet 2010,
doit encore être intégralement mise en œuvre. En décembre 2010,
le parlement a nommé les membres du Conseil de l’agence des médias électroniques.
En février 2011, ce conseil a nommé le directeur de l’Agence des
médias électroniques. Le Gouvernement du Monténégro a aussi adopté,
le 3 mars 2011, une «Information sur l’attribution d’aides d’Etat aux
émetteurs/médias électroniques»
. En juillet 2011, une loi
sur la radiodiffusion numérique a été adoptée et a fixé la date
butoir pour le passage au numérique au 1er janvier 2013.
76. Le fonctionnement de la compagnie de radiodiffusion publique
devrait être revu, de manière à garantir des médias efficaces, professionnels,
durables et indépendants dans le cadre d’une approche fondée sur
le mérite en matière de gestion du personnel et d’une représentation
adéquate de la société civile à son bureau d’administration
.
5.4. Lutte contre la discrimination
77. Nous souhaiterions féliciter
le Monténégro pour l’adoption de la loi de lutte contre la discrimination
en juillet 2010, qui est conforme à la plupart des recommandations
formulées par la Commission de Venise dans ses avis successifs de
décembre 2009 et de mars 2010. Toutefois, lors de notre visite en
mai 2011, cette loi n’était toutefois pas suivie d’effet, car aucun
mécanisme d’application nationale n’avait encore été mis en place.
78. Nous nous félicitons également de l’adoption de la loi sur
l’ombudsman en juillet 2011, même si nous aimerions souligner de
nouveau que le cadre législatif devrait être amélioré, notamment
au moyen d’une révision constitutionnelle (voir, ci-dessus, le chapitre
consacré à l’ombudsman). Nous notons également avec satisfaction
la nomination d’un conseiller pour la protection des droits de l’homme
et la lutte contre la discrimination en septembre 2011 au sein du
bureau du Premier ministre, l’établissement d’un Conseil pour la protection
contre la discrimination (qui sera chargé de suivre et de coordonner
les activités antidiscriminatoires menées par divers organismes)
et présidé par le Premier ministre, le lancement de campagnes de sensibilisation
sur l’insertion des groupes les plus vulnérables, des programmes
de formation destinés aux membres des autorités répressives et aux
fonctionnaires, ainsi que l’adoption de mécanismes de signalement
.
79. Nous saluons le renforcement du cadre législatif et institutionnel
de lutte contre la discrimination. Nous attendons de voir si les
mécanismes envisagés par les autorités permettront à tous les citoyens,
mais plus spécialement aux membres de groupes particuliers soumis
à une discrimination spécifique (comme les femmes, les minorités,
les Roms, les Ashkali et les Egyptiens, les personnes handicapées,
les membres de la communauté LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et
transsexuels]), de recourir efficacement à la législation antidiscriminatoire.
La mise en œuvre de ladite législation – en particulier par le bureau
de l’ombudsman et les organismes publics – constituera un défi de
taille pour les autorités.
5.5. Droits des minorités
80. L’approche monténégrine concernant
les problèmes des minorités ethniques a été montrée comme un exemple
d’intégration des minorités dans la région. Les résultats du recensement
organisé du 1er au 15 avril 2011 révèlent
que 44,98 % des citoyens se sont déclarés Monténégrins, 28,73 %
Serbes, 8,65 % Bosniaques, 4,91 % Albanais, 3,31 % Musulmans, 0,97 %
Croates, 1,01 % Roms, tandis que 4,87 % ont refusé de déclarer leur
appartenance ethnique
.
Ces chiffres sont importants, étant donné que la Constitution prévoit
une «représentation équitable» des minorités nationales dans les
services publics, les organes de l’Etat et les organes des administrations
locales – une disposition qui devrait être précisée et mise en œuvre,
selon la Commission européenne
.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que le serbe est parlé par
42,88 % des personnes, le monténégrin par 36,97 %, le bosnien par
5,33 %, l’albanais par 5,27 %, le bosniaque par 0,59 %, le croate
par 0,45 %, le monténégrin-serbe par 0,06 %, l’anglais par 0,03 %,
le serbo-croate par 0,04 %, le hongrois par 0,04 % et le macédonien
par 0,09 %
.
81. Le ministère des Droits de l’homme et des Droits des minorités
a joué un rôle actif dans la mise en place des conseils des minorités
albanaise, bosniaque, croate, musulmane, rom et serbe et d’un Fonds
pour les minorités. Certaines des améliorations ont été notées dans
la composition et le fonctionnement des Conseils de minorité. Toutefois,
les représentants des minorités rencontrés au Monténégro ont déploré
la mise en œuvre déficiente du cadre législatif en vigueur. Le 20 décembre 2010,
le parlement a adopté des amendements à la décision de création
du Fonds pour les minorités comportant des critères relatifs à l’allocation
de ressources par les organes directeurs du fonds dans le but de
protéger, d’améliorer et de développer les droits des minorités
. L’affectation de ressources financières émanant
du Fonds pour les minorités et le contrôle de leur utilisation demeurent
cependant problématiques: en juin 2011, la Cour des comptes a procédé
à un contrôle des activités du fonds et identifié des irrégularités
telles que l’absence de critères pour l’évaluation des projets,
l’absence d’indicateurs d’efficacité de l’exécution des projets
et le manque de tout suivi ou évaluation des résultats des projets
exécutés
.
82. La loi sur les droits et les libertés des minorités définit
les minorités sur la base de la nationalité, ce qui n’est pas conforme
au principe général de la Convention-cadre pour la protection des
minorités nationales (STE no 157). La
loi sur les droits des minorités a été modifiée afin de l’harmoniser
avec la Constitution; de plus amples détails sur les changements
intervenus seraient souhaités.
83. La question de la «représentation authentique» des minorités
a été abordée dans le projet d’amendements à la loi sur l’élection
des conseillers et des membres du parlement, présenté à la Commission de
Venise le 9 mai 2011. Le texte examiné par la Commission de Venise
en mai 2011 a repris le système qui avait été proposé dans le projet
de loi de 2010, notamment les points ci-après:
- l’action positive est étendue
à tous les groupes minoritaires (sachant qu’elle était auparavant
limitée à la minorité albanaise);
- non seulement les partis et coalitions politiques, mais
aussi les groupes de citoyens sont habilités à présenter des listes
de candidats;
- deux types différents de mesures d’action positive sont
prévus pour les principaux groupes minoritaires et pour le plus
petit groupe minoritaire (les Croates);
- la déclaration d’appartenance à un groupe minoritaire
est purement volontaire;
- chaque minorité nationale peut prétendre aux mesures d’action
positive prévues par la loi, et la limitation incluse dans un précédent
projet qui excluait une minorité nationale représentant plus d’un
sixième de la population a été supprimée;
- les votes exprimés en faveur d’une minorité donnée ne
sont pas perdus si le nombre de votes recueillis par la minorité
en question atteint le seuil minimal requis de 0,7 % des suffrages
valablement exprimés (0,4 % pour les Croates);
- il n’existe pas de sièges réservés et, pour obtenir un
siège, il est nécessaire d’avoir recueilli un nombre minimal de
votes; cependant, dans certaines conditions, la plus petite minorité
(les Croates) a la garantie d’obtenir un siège, à condition qu’une
liste de candidats de cette minorité atteigne un seuil minimal de suffrages .
84. La coalition albanaise de partis politiques a regretté que
la loi sur les minorités ne soit pas mise en œuvre: alors que les
Albanais représentent près de 5 % de la population selon le recensement
de 2011, ils ne représentent que 2,8% des employés des administrations
et entreprises publiques
.
85. Lors de notre visite en mai 2011, les représentants serbes
nous ont informés qu’ils considèrent les amendements à la loi sur
l’enseignement général de juillet 2010 comme problématiques, celle-ci
constituant une discrimination à l’égard des 64 % de la population
qui parlent le serbe, selon nos interlocuteurs. Le ministre de l’Education
et des Sports a toutefois expliqué que des cours optionnels sont
proposés aux minorités et que le Monténégro a opté pour un usage
flexible de la langue monténégrine après la dissolution de l’ancienne Yougoslavie.
La question de l’identité et de la langue a provoqué des désaccords
entre Monténégrins et Serbes et a été invoquée dans le contexte
des négociations politiques au parlement requises pour dégager une
majorité des deux tiers en vue d’adopter la loi électorale ou les
amendements constitutionnels. Finalement, le Premier ministre, M. Lukšić,
et les leaders des trois partis d’opposition (SNP, NOVA, PzP) sont
parvenus à un compromis accordant une garantie constitutionnelle
aux personnes appartenant à des nations minoritaires et à d’autres
communautés nationales concernant la possibilité de recevoir une
éducation dans leur propre langue. La loi sur l’éducation générale
a été modifiée. Un accord a été conclu selon lequel la matière pertinente dans
le système éducatif serait intitulée: «Langue et littérature monténégrines-serbes,
bosniaques et croates». Le parlement a adopté la loi sur l’élection
des députés et la loi sur la citoyenneté en septembre 2011.
5.6. Les personnes roms, ashkali et égyptiennes
(RAE)
86. Les représentants des communautés
rom, ashkali et égyptienne (RAE) ont déploré le défaut de mise en œuvre
de la législation et des instruments internationaux au niveau local,
ainsi que l’absence de représentation politique au niveau parlementaire
et local. En outre, la communauté rom est confrontée à de mauvaises conditions
de logement, à des pratiques de ghettoïsation et de discrimination,
à la non-possession de documents d’état civil de base (qui entrave
l’accès à des services de base tels que la santé, le système éducatif et
la protection sociale), à l’illettrisme, à un faible taux de scolarisation
des enfants et à un taux élevé d’abandon de la scolarité (en particulier
parmi les filles), à la mendicité des enfants, à la violence domestique
et à la ségrégation
.
Nous sommes donc heureux de constater que le Programme national
monténégrin 2010-2011 prévoit des fonds pour financer des bourses
destinées à tous les élèves roms, ashkali et égyptiens du secondaire
et du supérieur, ainsi que la fourniture de manuels et de matériel
scolaire gratuits pour les trois premières classes du primaire.
87. Nous nous félicitons également du fait que le Programme national
annuel monténégrin envisage en plus la construction de 17 logements
à l’intention de 17 familles roms dans les communes de Vruja, Gusinje
et Plav. L’accès à un habitat décent demeure problématique. Les
conditions de vie dans les camps de Konik, à l’extérieur de Podgorica,
ont été décrites comme «très inquiétantes» par la Commission européenne
.
Nous avons été informés que ces camps devaient être fermés en 2011
et les 1 387 Roms y résidant réinstallés. Nous tenons à remercier
Mme Helleland, responsable du bureau
du HCR à Podgorica, pour l’organisation de rencontres entre le corapporteur
et des représentants et résidents des camps de Konik en mars 2012.
Cela nous a donné la possibilité d’évaluer le travail en cours,
l’assistance fournie par le HCR et la Croix-Rouge, le projet de
construction de 90 logements dans le cadre du Processus de Sarajevo
en coopération avec les autorités monténégrines ainsi que d’autres
questions en suspens.
88. Un problème spécifique tient à l’absence de documents d’identité.
Nous nous félicitons des mesures adoptées en vue de faciliter l’enregistrement
de l’état civil de la population RAE, y compris la modification
de la loi sur la citoyenneté de mars 2011 visant à reporter l’expiration
du délai de dépôt de la demande de naturalisation au 31 juillet
2012 et de faciliter les conditions applicables aux personnes qui
résidaient dans le pays avant juin 2006.
89. En dépit des efforts déployés pour mettre en œuvre la stratégie
2008-2012 visant à améliorer le statut des populations RAE, les
progrès en matière d’insertion de ces personnes demeurent assez
limités. Nous encourageons les autorités monténégrines à poursuivre
leurs efforts pour intégrer la dimension du genre dans les programmes
et modifier les politiques applicables
à la population majoritaire en incluant notamment l’enseignement
de l’histoire et de la culture roms aux programmes scolaires de
celle-ci.
5.7. Droits des femmes
90. Les femmes au Monténégro, comme
dans de nombreux autres pays en Europe, font encore l’objet d’une discrimination
fondée sur le genre et sont toujours sous-représentées dans les
organes décisionnels
.
Nous suggérons donc d’évaluer le programme d’action complet et ambitieux
en faveur de l’égalité des genres au Monténégro pour la période 2008-2012
de manière à déterminer s’il convient d’envisager des mesures supplémentaires
pour renforcer l’égalité des genres dans toutes les sphères de la
vie. Cette question fera l’objet d’un examen plus approfondi dans
le cadre de l’élaboration du rapport sur l’égalité des sexes en
Europe du Sud-Est (rapporteur: M. Jean-Charles Gardetto, Monaco,
PPE/DC) par la commission sur l’égalité et la non-discrimination.
91. Nous nous félicitons de la signature de la Convention du Conseil
de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique (STCE no 210)
le 11 mai 2011 et l’adoption de la Stratégie de protection contre
la violence conjugale pour la période 2011-2015 en juin 2011. Nous encourageons
les autorités monténégrines à ratifier et à mettre en œuvre la convention
du Conseil de l’Europe, notamment en affectant des ressources adéquates
à la protection des victimes, à la prévention de la violence à l’égard
des femmes et à la poursuite des auteurs, mais également en élaborant
des politiques en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes
dans divers secteurs de la société.
5.8. Droits des lesbiennes, des gays, des
bisexuels et des transsexuels (LGBT)
92. C’est une bonne chose que la
loi de lutte contre la discrimination de juillet 2010 vise explicitement l’orientation
sexuelle et l’identité de genre. La situation des personnes LGBT
au Monténégro suscite de vives préoccupations, étant donné qu’elles
continuent de subir des discriminations (entre autres, cas signalés d’intimidation
et de violence), ainsi que l’a souligné Thomas Hammarberg, ancien
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
.
93. Nous avons été consternés d’apprendre qu’à la suite de l’agression
dont a fait l’objet, en novembre 2010, M. Cimbaljevic, militant
de la cause LGBT, aucune enquête pénale n’a été menée, et le parquet
n’a engagé aucune action pénale. L’action au civil a abouti à l’imposition
d’une sanction pécuniaire à l’auteur de l’agression en décembre
2010. Chose étonnante, M. Cimbaljevic n’a reçu une copie de la décision
du tribunal qu’après que l’Union européenne a attiré l’attention
des autorités sur son affaire
.
Fin janvier 2011, le parquet a enfin décidé d’engager une action
pénale. Toutefois, le 6 avril 2011, M. Cimbalevic a été à nouveau
agressé par la même personne et continue d’être la cible de menaces
sur Facebook, lesquelles ne font nullement l’objet de poursuites,
sachant qu’internet n’est pas reconnu comme un espace public par
le parquet. Cette situation est totalement inacceptable et nous
demandons aux autorités d’agir avec diligence et efficacité et d’envisager de
modifier la législation pour ériger en infraction le discours de
haine sur les réseaux sociaux.
94. Il nous a été expliqué que la communauté LGBT au Monténégro
reste invisible, en raison du niveau élevé d’homophobie. Les cas
de discrimination et de violence à l’encontre de la communauté LGBT
sont rarement signalés par les victimes elles-mêmes, qui craignent
alors d’être encore plus persécutées en raison de leur orientation
sexuelle ou identité de genre. Cependant, ces derniers mois, les
discriminations à l’encontre de la communauté LGBT dans le pays
font l’objet d’un débat public plus nourri et bénéficient d’une
plus grande visibilité. Une coalition pour les droits des LGBT,
dénommée Forum LGBT «Progress», a été établie et pourrait contribuer
à défendre les intérêts de la communauté LGBT.
95. Malheureusement, malgré la volonté politique officiellement
affichée par les autorités, la situation des LGBT reste difficile:
des groupes d’individus non identifiés ont tiré du gaz lacrymogène
dans la foule qui célébrait la Journée internationale contre l’homophobie
à Podgorica le 17 mai 2011, et deux personnes ont été attaquées
au centre-ville
.
Etant donné que le Gouvernement du Monténégro n’a pas pris de dispositions concrètes,
telles que des mesures de sécurité visant à protéger les participants
pour soutenir l’organisation de la marche de la fierté homosexuelle
(Gay Pride) prévue le 31 mai 2011
– ainsi que l’avait pourtant annoncé le Vice-Premier ministre Duško
Marković le 13 avril 2011
– et pour y être représenté lors de
la cérémonie officielle d’ouverture, le Forum LGBT «Progress» a
décidé de différer cet événement. Les représentants des ONG ont
aussi déploré les déclarations homophobes du ministre des Droits
de l’homme et des Droits des minorités. De telles déclarations sont
surprenantes et ne sont pas acceptables. Elles sont incompatibles
avec la position occupée par le ministre. La Commission européenne
a également relevé dans son rapport 2011 que le traitement juridique
des affaires signalées à la police n’a pas commencé; que la participation
du ministre des Droits de l’homme et des Droits des minorités à
la protection des droits des membres de la communauté LGBT est insuffisante;
et que des déclarations homophobes sont toujours proférées, notamment
par des hommes politiques
. Après la démission du ministre des Droits
de l’homme et des Droits des minorités en décembre 2011, nous nous
attendions à ce que le gouvernement prenne des mesures supplémentaires
et donne une impulsion nouvelle à la lutte contre la discrimination.
96. Le 2 septembre 2011, le gouvernement a organisé une conférence
importante sur la lutte contre la discrimination
intitulée «Vers l’Europe – Vers l’égalité»,
avec la participation de l’administration de la police, qui a assuré
que la communauté LGBT serait protégée lorsqu’elle déciderait d’organiser
une «marche des fiertés». Plusieurs organisations importantes de
défense de la communauté LGBT et des droits de l’homme
ont décidé de ne pas prendre part à
cet événement et demandé au gouvernement d’adopter cinq mesures spécifiques
pour améliorer la situation des membres de la communauté LGBT
. Ces
mesures ne semblaient pas déraisonnables et devraient être examinées
sérieusement par les autorités.
97. Nous avons noté ces derniers mois une évolution positive notable
de l’attitude du gouvernement vis-à-vis de la question LGBT. A ce
propos, nous tenons à féliciter le Monténégro pour avoir nommé M. Jovan
Kojičić au poste de conseiller du Premier ministre sur les questions
de droits de l’homme chargé de promouvoir la politique de lutte
contre la discrimination et de renforcer les droits des LGBT au
sein de la société. Le Gouvernement du Monténégro a également organisé
une conférence internationale sur les droits des minorités sexuelles
intitulée «Together against Discrimination»
à Budva le 19 mars 2012, sous l’égide
du Premier ministre Igor Lukšić. Le Vice-Premier ministre et ministre
de la Justice et des Droits de l’homme, M. Duško Marković, a quant
à lui participé à la conférence du Conseil de l’Europe sur les expériences
et les progrès réalisés en matière de lutte contre la discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre qui s’est
tenue à Strasbourg le 27 mars 2012. M. Marković a réaffirmé à cette
occasion la volonté du Monténégro de faire disparaître toute forme
de discrimination, directe ou indirecte, et d’élaborer des politiques qui
soient conformes aux principes énoncés dans la Recommandation CM/Rec(2010)5
du Comité des Ministres sur des mesures visant à combattre la discrimination
fondée sur la discrimination sexuelle et l’identité de genre. Un
autre signe d’amélioration du climat général à l’égard des LGBT
est la possibilité offerte au Forum Progress d’organiser un rassemblement
public de petite envergure, le premier du genre, à l’occasion de
la Journée internationale contre l’homophobie en 2012 – un événement
qualifié d’«historique» par ses organisateurs
.
98. En octobre 2011, le gouvernement a créé trois groupes de travail
intersectoriels composés de représentants d’organisations gouvernementales
et non gouvernementales. Ces groupes de travail ont été chargés
de rédiger la stratégie nationale contre l’homophobie et le plan
d’action correspondant, et de préparer une analyse de la législation
sous l’angle des droits des LGBT ainsi qu’une analyse de la présence
des droits fondamentaux des LGBT dans les manuels scolaires du Monténégro.
La police a signé un protocole d’accord avec lesdites ONG, lequel
prévoit l’autorisation de rassemblements pacifiques de la population
LGBT.
99. Les autorités monténégrines devraient réagir sans délai et
prendre des mesures effectives pour enquêter sur tous les cas signalés
de violence à l’encontre de membres de la communauté LGBT et établir
un environnement sûr pour la population LGBT et un climat de tolérance,
d’acceptation et d’équité. Des programmes éducatifs dans le cadre
de l’école doivent être développés pour enseigner la tolérance aux jeunes.
De tels programmes doivent aussi être inclus dans les formations
professionnelles – par exemple, pour le personnel de la police ou
de la justice – pour garantir un comportement approprié des services
répressifs vis-à-vis de la population LGBT. A cet égard, nous nous
félicitons de la campagne médiatique de sensibilisation sur la discrimination,
qui constitue un premier pas dans la bonne direction. Toutefois,
les autorités doivent encore accomplir beaucoup de travail pour
atteindre les normes européennes.
100. A cet égard, nous félicitons les autorités du Monténégro pour
leur disponibilité à accueillir un projet bisannuel lancé par le
Conseil de l’Europe le 1er septembre 2011,
lequel est financé par des contributions volontaires de la Finlande,
des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la Norvège et vise à instaurer
une coopération avec un maximum de 10 Etats membres du Conseil de
l’Europe (dont le Monténégro) pour renforcer leurs efforts de lutte
contre la discrimination pour des motifs tenant à l’orientation
sexuelle ou à l’identité de genre, conformément à la Recommandation
CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres. Le projet couvre une série d’activités
de sensibilisation auprès des auteurs des politiques et des décideurs,
des structures judiciaires et des organismes officiels concernant
l’interdiction de toute discrimination à l’égard des LGBT.
5.9. Personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays (PDI) et réfugiés
101. Les engagements souscrits par
le Monténégro lors de son adhésion concernent directement la délivrance
de documents aux réfugiés et aux personnes déplacées et la prévention
de l’apatridie. Le Monténégro a ratifié la Convention du Conseil
de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la
succession d’Etats (STCE no 200) le 28 avril
2010. Toutefois, quelque 1 300 des personnes RAE domiciliées risquent
de se retrouver apatrides pour défaut de papiers d’identité
,
tout comme de nombreuses personnes déplacées et personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays risquent de se retrouver apatrides
de fait en raison de leur incapacité à exercer leur droit à la nationalité
dans leur pays d’origine et de l’absence d’accès à un mécanisme
d’acquisition de la nationalité monténégrine. Les autorités examineront séparément
la situation de quelque 2 000 Albanais qui ont fui l’Albanie dans
les années 1990.
102. D’après les chiffres les plus récents, publiés le 16 février 2012
,
3 412 personnes sont enregistrées en tant que «personnes déplacées»
(PD) de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, et 8 850 comme «personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays» (PDI) du Kosovo.
103. Lors de notre visite au Monténégro en mai 2011, la loi sur
les étrangers stipulait que le délai de dépôt de la demande de statut
d’étranger ayant une résidence temporaire ou permanente était fixé
au 7 novembre 2011. Cependant, à ce moment-là, le nombre de personnes
auxquelles avait été accordé le statut de résident était faible,
ce qui s’expliquait par les difficultés à satisfaire aux exigences
très contraignantes en matière de documents, et il était plutôt
inquiétant que seuls 20 % des PD et à peine 10 % des PDI aient un
statut légal. Outre 71 demandes de titre de séjour temporaire qui
étaient en cours d’examen et 16 familles (84 membres) qui avaient
exprimé le souhait de retourner volontairement dans leur pays d’origine
,
2 104 demandes d’acquisition du statut d’étranger séjournant dans
le pays à titre permanent avaient été déposées
.
104. Il nous a été expliqué que plusieurs documents sont demandés
aux PDI pour l’obtention d’un statut. Certains documents sollicités
nécessitent que les intéressés et les réfugiés effectuent un déplacement
dans le pays qu’ils ont fui. Nous avons été informés que les autorités
monténégrines et le HCR assurent le transport et facilitent l’obtention
des documents; toutefois, nous avons le sentiment que cette procédure
devrait être simplifiée pour permettre à la plupart des PDI d’obtenir
un statut juridique, de s’intégrer à la vie locale et de bénéficier
effectivement de droits sociaux. Nous avons appris qu’une assistance
importante est fournie pour faciliter l’acquisition du statut de
PDI: des départs collectifs du camp de Konik sont organisés pour
les groupes les plus vulnérables des populations RAE et les PDI.
Cinq départs collectifs vers le Kosovo ont été organisés pour près
de 200 personnes. Trois cents PDI vulnérables ont encore besoin
d’une assistance pour l’obtention de papiers et d’un soutien financier
pour le règlement des frais administratifs
.
105. A ce propos, nous nous sommes félicités de la mise en place
de groupes de travail chargés d’étudier des solutions durables pour
les réfugiés et les personnes déplacées et les résidents des camps
de Konik au Monténégro, et d’établir des statistiques précises sur
les PDI qui ne disposent pas de documents (requis par la réglementation
relative au nouveau statut) et les PDI qui ne figurent pas dans
les registres d’état civil – leurs travaux étaient censés être achevés
au plus tard fin mars. Par ailleurs, une campagne d’information
ciblant les PDI et les réfugiés devait être lancée.
106. Nous avions à l’époque fait part de nos préoccupations concernant
la lenteur du processus, ainsi que les difficultés pratiques et
financières rencontrées par les personnes essayant de réunir tous
les documents requis avant la fin du délai imparti: une situation
qui n’avait guère évolué fin 2011, puisque, selon le rapport de la
Commission européenne de 2011 et en raison principalement de la
lourdeur des procédures (y compris le coût de l’obtention des documents
requis auprès des autorités des pays d’origine), seuls environ 30 %
des personnes déplacées auraient soumis une demande dans les règles
et moins de 20 % obtenu un statut de résident légal. Un nombre encore
plus faible a obtenu un permis de résidence temporaire, tandis que
quelque 600 personnes sont parvenues à réunir les conditions d’une
naturalisation
.
107. Nous saluons donc les amendements à la loi sur les étrangers
adoptés par le parlement le 18 octobre 2011 et prolongeant le délai
dont disposent les personnes déplacées pour solliciter le statut d’étranger
doté d’un permis de séjour temporaire ou permanent du 7 novembre 2011
au 31 décembre 2012. Depuis, et plus particulièrement au 15 février 2012,
7 148 PDI ont demandé le statut d’étranger doté d’un permis de séjour
permanent: 4 161 (58%) ont obtenu une réponse positive et 21 une
réponse négative, tandis que 2 966 (42 %) demandes sont encore en
cours d’examen. Un total de 342 personnes a déposé une demande de
séjour temporaire; 90 d’entre elles ont obtenu une réponse positive
et les autres dossiers sont en cours d’examen
.
108. Nous louons également les efforts déployés par les autorités
monténégrines et l’adoption d’une «Stratégie pour des solutions
durables au problème affectant les personnes déplacées et les personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays au Monténégro, et plus particulièrement
dans la région de Konik» par le gouvernement en juillet 2011, afin
d’accorder à ces personnes un statut légal – notamment au moyen de
campagnes de sensibilisation menées en collaboration avec les organisations
internationales compétentes et par le renforcement de la collaboration
des pays d’origine dans le but de faciliter l’accès par les intéressés aux
documents d’identité devant être joints à leur demande. La stratégie
devrait également conduire à l’harmonisation des principaux textes
de loi avec la loi sur les étrangers, afin de garantir l’accès total
des personnes déplacées aux droits économiques et sociaux
.
109. Nous nous félicitons des mesures prises par les autorités
pour faciliter les conditions de vie des PDI et des réfugiés, et
les encourageons à continuer à garantir à ces personnes l’accès
et l’exercice de leurs droits sociaux et économiques et à modifier
la législation en conséquence, à trouver des solutions durables
(y compris pour la région de Konik), à accélérer le processus de
retour volontaire des personnes originaires du Kosovo
et
à poursuivre leurs efforts bilatéraux et multilatéraux dans ce domaine.
La signature d’un protocole d’accord entre le Bureau des réfugiés,
la mission de l’OSCE et la Croix-Rouge du Monténégro le 30 mars 2012 est
une mesure positive qui devrait marquer le début d’une coopération
entre ces acteurs en vue d’aider les personnes déplacées du Kosovo
à obtenir les justificatifs nécessaires pour acquérir un statut
juridique au Monténégro. Le protocole comporte notamment un volet
social faisant de l’accès à l’éducation une première étape vers
l’intégration des personnes déplacées dans la société monténégrine.
110. A cet égard, nous encourageons le Monténégro à poursuivre
sa coopération avec le HCR et d’autres parties intéressées, ainsi
qu’à mettre en œuvre la Déclaration de Sarajevo
, pour
contribuer activement au dispositif régional de retour des réfugiés.
Nous félicitons les ministres des Affaires étrangères du Monténégro, de
Serbie, de Bosnie-Herzégovine et de Croatie qui ont signé une déclaration
conjointe le 7 novembre 2011 en vue de trouver des solutions à long
terme pour les réfugiés et les PDI et pour identifier des mesures concrètes
de nature à supprimer les obstacles restants à une solution durable
pour quelque 74 000 personnes et mener ainsi à son terme le processus
amorcé à Sarajevo en 2005. Nous voulons croire que la Conférence des
donateurs organisée le 24 avril 2012 permettra de réunir les 584 millions
d’euros qui seront gérés par la Banque de développement du Conseil
de l’Europe.
6. Conclusions
111. Evaluant la situation au Monténégro
depuis l’adoption de la
Résolution
1724 (2010), nous tenons à saluer la volonté du Monténégro d’honorer
ses engagements et obligations envers le Conseil de l’Europe et de
satisfaire aux exigences de l’Union européenne en matière de droits
de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie pour amorcer le processus
des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Le Monténégro s’est
engagé dans plusieurs réformes de fond dans de courts délais. Nous
nous réjouissons de l’ouverture d’esprit des autorités et de leur
volonté de coopérer avec la Commission de Venise, MONEYVAL et le
GRECO et de tenir compte de leurs recommandations.
112. La prompte adoption de nombreuses lois ne devrait toutefois
pas se faire au détriment de leur qualité. Il convient d’accorder
une attention particulière à la mise en œuvre effective de ces lois,
qui requiert un financement et une formation appropriés des organes
compétents chargés de les appliquer.
113. Nous tenons également à souligner le rôle important que le
Monténégro joue pour la stabilité de la région. Nous encourageons
ses autorités à poursuivre le dialogue et la coopération constructifs
avec les pays voisins, notamment la Serbie. Nous encourageons le
Monténégro et les pays de la région à conclure des accords bilatéraux
(concernant la double nationalité) et à régler les problèmes frontaliers
en suspens.
114. Nous pensons que des progrès sont encore nécessaires pour
garantir l’instauration des conditions fondamentales de la démocratie
et de l’Etat de droit. Lesdites conditions incluent notamment l’établissement d’un
système judiciaire indépendant, la lutte contre la corruption et
la criminalité organisée, la lutte contre la discrimination et la
mise en place de mécanismes antidiscriminatoires efficaces, l’exercice
des droits des minorités, ainsi que l’ouverture d’enquêtes et l’engagement
de poursuites en cas de violences commises contre des journalistes.
Nous comptons notamment accorder une attention particulière aux
progrès réalisés dans les domaines suivants:
- adoption des amendements constitutionnels visant à renforcer
l’indépendance et la dépolitisation du système judiciaire et à garantir
son fonctionnement correct conformément aux recommandations de la Commission
de Venise, y compris l’accès effectif au système de justice ainsi
que la mise en place de programmes de formation adéquats et obligatoires
à l’intention des juges et des procureurs;
- amélioration du cadre législatif de la lutte contre la
corruption et la criminalité organisée, y compris l’établissement
d’organes de surveillance indépendants et efficaces et la mise en
œuvre effective des lois pertinentes;
- renforcement de la liberté des médias, notamment grâce
à l’engagement de poursuites contre tous les auteurs de violences
à l’égard de journalistes et à la facilitation de l’établissement
d’organes d’autorégulation;
- à la suite du recensement de 2011, garantie de l’application
adéquate des droits constitutionnels et légaux des minorités, ainsi
que du bon fonctionnement des Conseils de minorité et de l’utilisation transparente
du Fonds des minorités;
- révision de la Constitution en vue de renforcer le statut
et d’améliorer le fonctionnement du bureau du Défenseur des droits
de l’homme et des libertés du Monténégro, conformément aux recommandations de
la Commission de Venise, mise en œuvre et suivi de la loi sur l’interdiction
de la discrimination récemment adoptée et adoption de mesures effectives
visant à promouvoir les attitudes tolérantes dans la société, ainsi
que l’engagement de poursuites à l’encontre des auteurs de violences,
quel qu’en soit le motif, y compris l’orientation sexuelle des victimes;
- mise en œuvre de la Recommandation 293 (2010) du Congrès,
conformément à la Charte européenne de l’autonomie locale;
- élaboration de propositions de solutions pertinentes pour
les PDI et les réfugiés, de manière à ce que la majeure partie des
PDI et des personnes déplacées obtiennent un statut juridique d’ici
au 31 décembre 2012 et puissent pleinement jouir de leurs droits,
y compris les droits sociaux, le droit au retour ou le droit à s’intégrer
au Monténégro.
115. Des élections législatives se tiendront au Monténégro d’ici
à la fin 2012 ou au plus tard début 2013. Les partis politiques
devront répondre aux besoins fondamentaux de la population dans
un contexte fortement marqué par les difficultés économiques et
sociales. Dans le même temps, ils devront satisfaire les aspirations de
la population à un renforcement de l’intégration européenne, de
la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. Nous
attendons des autorités qui seront élues qu’elles confirment et
consolident la tendance positive observée par l’Assemblée depuis
l’adhésion du Monténégro au Conseil de l’Europe. En particulier,
les autorités nouvellement élues devront faire face à de sérieux
défis et s’atteler à des réformes essentielles:
- pour mener à bien la réforme
du système judiciaire et modifier la Constitution à cette fin;
- pour trouver les compromis nécessaires au niveau parlementaire
et veiller à ce que les droits de toutes les minorités, y compris
les LGBT, soient respectés et mis en œuvre. La situation des communautés rom,
ashkali et égyptienne (RAE) fera l’objet d’une attention particulière;
- pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée
et renforcer le rôle des organes de surveillance;
- pour améliorer la situation des médias et l’environnement
de travail des journalistes;
- pour garantir un statut juridique aux PDI et aux réfugiés
et leur trouver une solution durable, fondée sur le retour volontaire
ou l’intégration locale.
116. Dans l’attente de progrès dans la mise en œuvre des recommandations
précitées, nous proposons à l’Assemblée de poursuivre sa procédure
de suivi à l’égard du Monténégro.