1. Introduction:
la jeune génération, otage de la crise financière
La crise économique prouve bien l’importance d’inaugurer une
nouvelle ère pour une activité économique mondiale durable, basée
sur la responsabilité. Extrait de la
Déclaration finale, Sommet du G20, 29 septembre 2009, Pittsburgh.
If today’s youth do not find prospects for their lives, our
today is mistaken and wrong. Pope Benedict
XVI, World Youth Day, 19 August 2011, Madrid.
1. Il est largement reconnu que
la jeune génération est un atout essentiel pour toute société, quelle
qu’elle soit. Cependant, il est tout aussi évident que les jeunes
paient un lourd tribut à la crise que nous connaissons aujourd’hui.
Dans le contexte actuel marqué par l’instabilité économique, la
jeune génération semble particulièrement vulnérable aux chocs économiques.
Les jeunes sont les derniers à être embauchés et les premiers à
être licenciés
, et il ne fait
aucun doute que la crise économique a mis en exergue leur fragilité
sur le marché de l’emploi. L’insécurité sociale, le désenchantement
à l’égard de la politique et de la démocratie, la pauvreté, le désengagement
de la vie politique et l’émigration sont autant de conséquences
des problèmes d’emploi auxquels les jeunes sont confrontés. Les
manifestations qui ont éclaté dans le monde entier témoignent de
l’insatisfaction des jeunes face à leurs perspectives sociales limitées
en regard de celles des générations précédentes.
2. Au cours des débats tenus en novembre dernier au sein de la
Commission permanente de l’Assemblée, les membres de la commission
ont souligné que les difficultés rencontrées par cette jeune génération
révèlent toute une série de problèmes structurels dans la société:
l’érosion de l’accès à l’emploi, au logement et aux prestations
sociales et l’absence de perspectives de développement qui en résulte;
l’impossibilité pour bon nombre de jeunes de poursuivre leurs études
dans la filière de leur choix et de trouver un emploi convenable dans
leur pays d’origine; l’émigration massive de jeunes éduqués et hautement
qualifiés vers des économies plus dynamiques, hors d’une Europe
vieillissante; et pour finir, la perte de confiance des jeunes en
la démocratie en raison du manque de solidarité intergénérationnelle.
Un membre de la commission a tiré la sonnette d’alarme sur l’absence
totale d’espoir et d’accès aux emplois et aux avantages sociaux,
qui pourrait être source de frustration et mener à la violence contre
les autorités. Il est donc urgent que l’Europe s’attaque à ces problèmes
et qu’elle s’emploie à autonomiser la jeune génération en mettant
l’accent sur les droits sociaux, économiques et politiques des jeunes
défavorisés.
3. A la lumière de ces problèmes graves, le rapporteur se propose
d’examiner les défis sociaux, politiques et économiques auxquels
sont confrontées la jeune génération et la société tout entière.
Le présent rapport se fonde sur l’examen de documents directifs
officiels, de statistiques et d’articles scientifiques, ainsi que
sur les échanges de vues tenus avec des experts, notamment lors
de l’audition organisée par la commission le 22 mars 2012 et lors
de la partie de session d’avril 2012. Le rapport vise à développer
un ensemble de recommandations concrètes pouvant contribuer à bâtir
une société plus inclusive, dans laquelle chaque citoyen, quel que
soit son âge, serait en mesure de vivre dans la dignité et de participer
pleinement à cette entreprise commune.
2. Faire face à la crise: aperçu des défis
pour l’Europe et ses jeunes
2.1. La
croissance et le développement ont besoin des jeunes
4. L’Assemblée a de nombreuses
raisons d’être profondément préoccupée par les difficultés croissantes qui
se posent à la jeune génération, et pas uniquement pour des raisons
d’équité et de justice sociale. L’Europe gagnerait beaucoup à faire
un meilleur usage de la richesse des connaissances, de l’enthousiasme
et des capacités d’innovation indéniables des jeunes. Le manque
de dynamisme de la croissance européenne ces dernières années n’est
que le reflet des opportunités manquées et de la diminution des
perspectives des jeunes de contribuer au développement économique
et social.
5. L’Europe est-elle un continent pour les jeunes? En d’autres
termes, notre continent peut-il sortir de la crise sans donner la
priorité à des politiques visant à soutenir les jeunes et à les
intégrer dans le monde du travail? Peut-on garantir les retraites
des anciennes générations sans offrir des emplois aux jeunes? L’Europe peut-elle
croître et prospérer sans la contribution des jeunes? A l’occasion
du Forum économique mondial qui s’est tenu à Davos en janvier 2012,
de nombreux dirigeants européens se sont ralliés à l’appel à l’action
des responsables de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international
(FMI) en faveur de la création d’emplois. Ils ont tiré la sonnette
d’alarme au sujet du chômage des jeunes, une véritable bombe à retardement qui
menace l’économie mondiale. Il suffit en effet d’une étincelle,
comme cela a été le cas en Tunisie, pour embraser toute une région.
Les élites politiques de l’Europe ne peuvent pas se permettre d’ignorer
ces avertissements.
6. Aujourd’hui, on considère bien trop souvent les jeunes comme
un problème à résoudre et non comme un atout. Or, le rapporteur
est convaincu que la crise économique actuelle constitue à la fois
un défi et une opportunité pour l’Europe, et que tous les jeunes
Européens ont un rôle majeur à jouer pour surmonter la crise. En
effet, comme l’a fait remarquer le président de la Banque centrale
européenne, il ne peut y avoir de croissance économique en Europe
sans les jeunes, et sans la croissance, les jeunes ne peuvent rien
faire. Il est essentiel de tirer pleinement parti de la contribution
que les jeunes peuvent apporter à la poursuite du développement
économique et à la modernisation de la société. Le savoir des jeunes
est fondamental pour construire une économie fondée sur le savoir;
ce capital humain, qui a été une composante essentielle de la croissance
ces vingt dernières années, doit être porté à son maximum.
7. L’un des aspects les plus préoccupants de la crise actuelle
est l’inefficacité apparente des mesures de soutien et des modèles
de protection sociale traditionnels. La crainte d’une récession
rampante crée un climat général d’incertitude, qui touche principalement
les couches de la société ayant le moins de garanties sociales, et
plus particulièrement les personnes qui vivent en marge du système
de protection et en dehors du réseau permettant de maintenir les
droits acquis. Malheureusement, ce sont précisément les jeunes sans qualifications
professionnelles solides qui se trouvent confrontés aux perspectives
d’avenir les plus incertaines. Les stratégies individuelles jouent
un rôle de plus en plus déterminant dans ce domaine, à côté des
mesures prises par les autorités pour mieux réguler le marché et
assurer le respect des règles établies: en effet, la motivation
des individus compte pour beaucoup, de même que leur capacité à
trouver des ressources pour investir dans leur éducation et leur
formation, à définir leurs projets professionnels et à se tourner
vers des professionnels qualifiés pour renforcer leurs compétences.
8. L’incertitude provoquée par la crise est source de désenchantement,
en particulier chez les jeunes au chômage: face aux opportunités
limitées qui s’offrent à eux, ils sont tentés d’abandonner toute
recherche d’emploi. Le désir d’accomplissement de soi – qui est
si fort chez les jeunes et constitue une aspiration fondamentale
de tout être humain – semble s’évanouir, bien que l’on observe également
une crise du modèle ultralibéral et d’hyperconsommation. Cela dit,
les attitudes dominantes restent dictées par le cycle productivité-consommation
et non par la quête de la dignité humaine. Toujours est-il qu’il
n’est absolument pas question de laisser s’installer le renoncement
à l’épanouissement personnel et à la croissance. L’Europe peut vaincre la
crise moyennant des choix personnels et collectifs dont les fondements
doivent être établis par ses institutions.
2.2. Vieillissement,
chômage, pauvreté, exclusion sociale, migration: appauvrissement
et perte de démocratie en Europe
9. La situation de l’Europe connaît
aujourd’hui des changements radicaux et rapides. La société européenne
est une société vieillissante qui connaît un déclin démographique
en raison de faibles taux de natalité et d’une émigration pour des
raisons économiques. Les jeunes (âgés de 15 à 29 ans) représentent aujourd’hui
20 % de la population européenne et n’en constitueront plus que
15 % en 2050, lorsque les personnes âgées (plus de 65 ans) seront
deux fois plus nombreuses que la population en âge de travailler
(15-64 ans). Principale conséquence de ces changements démographiques,
les jeunes deviennent minoritaires et leur voix est de moins en
moins entendue au sein du système démocratique. En outre, avec la
baisse du nombre de cotisants, le montant des dépenses publiques
consacrées aux retraites augmente de manière disproportionnée, ce
qui constitue une menace pour la pérennité des systèmes de retraite.
Ce déclin démographique de l’Europe doit être inversé au moyen de
stratégies qui renforcent le taux d’activité des groupes de population
sous-utilisés ou exclus, notamment les jeunes, et de politiques
en faveur de la famille, qui réduisent la précarité économique et
qui améliorent l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée
.
10. Le chômage des jeunes a connu une augmentation spectaculaire
dans la plupart des pays développés, notamment en Europe: à cet
égard, le taux de chômage des jeunes est le principal indicateur
des difficultés rencontrées par ce que l’on appelle la «génération
des limbes». Sur un plan général, les jeunes ont quasiment trois
fois plus de risques de connaître le chômage que les autres adultes.
Ce fléau touchait 12,7 % des jeunes économiquement actifs dans le
monde avant le début de la crise économique. Alors qu’avant 2007,
le taux de chômage des jeunes était relativement stable compte tenu
des nouveaux emplois créés entre 1996 et 2006, il a considérablement
augmenté depuis 2008. Selon les rapports de l’Organisation internationale
du travail (OIT), en 2011, 74,8 millions de jeunes âgés de 15 à
24 ans étaient sans emploi, soit une augmentation de plus de 4 millions
depuis 2007 ou de 1 % par rapport au niveau d’avant la crise
. Dans les pays de l’Union
européenne, le taux de chômage des jeunes a atteint un niveau record
de 22,4 %, à comparer à la moyenne de 10 % pour la population en
âge de travailler. Près de la moitié des jeunes qui travaillent
(42 %) ont des contrats temporaires, contre 11 % chez les 25-59 ans.
11. Cette situation de l’emploi, la plus catastrophique depuis
des décennies, a causé un réel traumatisme social et économique
qui menace le développement à long terme de la société. La crise
financière et économique se transforme en une crise sociale. L’explosion
du travail sous contrat temporaire, par exemple, crée une génération
de jeunes qui occupent des emplois précaires assortis de garanties
sociales limitées, d’où leurs difficultés pour accéder au logement
et fonder une famille. Dans les faits, la montée de la précarité engendre
un sous-emploi persistant, entretient leur insécurité sociale et
financière ainsi qu’un cadre social qui leur est de plus en plus
étranger.
12. Cette crise sociale produit une génération de personnes qui
n’ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs
familles, ni à ceux des personnes âgées. Bien que les jeunes Européens
aient un niveau d’instruction supérieur à celui de leurs parents,
leurs conditions de vie seront pires que celles connues par toutes
les générations précédentes depuis la fin de la seconde guerre mondiale,
et ils auront plus longtemps besoin du soutien de leurs parents
avant d’accéder à une autonomie stable. De plus en plus de jeunes
souffrent aujourd’hui d’exclusion sociale, de dépression ou de problèmes
de santé, et connaissent des taux de criminalité, d’incarcération
et de suicide relativement élevés. D’un autre côté, les jeunes ambitieux hésitent
moins que les générations précédentes, liés par leurs engagements
familiaux et professionnels, à chercher des opportunités loin de
leur pays d’origine. Les problèmes des jeunes se traduisent donc
par des coûts directs pour la société, sous la forme de prestations
supplémentaires à verser, de pertes de recettes fiscales et de capacités
non exploitées, ainsi que par des coûts indirects dus à l’émigration
et à ses effets collatéraux sur le marché de l’emploi.
13. En période de récession économique, les jeunes migrants sont
particulièrement vulnérables. Leurs mouvements au-delà des frontières
nationales étant à la fois une expression et une conséquence de
la mondialisation, leur vulnérabilité augmente à mesure que le ralentissement
économique prend une tournure planétaire. Cette situation accroît
les inégalités qui, à leur tour, affaiblissent la cohésion sociale
et la démocratie sur tout le continent européen. Le déclin de la
participation politique de la jeune génération se traduit par de faible
taux de participation électorale et d’adhésion à des partis politiques,
un désintérêt pour la politique et un manque de confiance dans les
institutions représentatives. Les jeunes sont en effet peu motivés
à participer à un système de gouvernance qui se montre incapable
de défendre leurs intérêts. La jeune génération sombre dans une
apathie politique lente et progressive, laissant les fondements
de la démocratie instables et chancelants dans toute l’Europe.
2.3. Evolution
des marchés de l’emploi et perte de compétitivité en Europe
14. La crise financière et économique
a accéléré les réformes du marché de l’emploi qui étaient en cours dans
de nombreux pays européens pour faire face à la mondialisation
et
accentué leurs effets sur les jeunes. Bien que l’ouverture croissante
des marchés de l’emploi nationaux, la mobilité accrue des travailleurs
et demandeurs d’emploi et la flexibilité de plus en plus importante
des politiques en matière de contrats devienne la nouvelle norme
,
certains remettent en cause la libéralisation totale du marché de
l’emploi en raison de ses nombreuses conséquences sociales indésirables.
Avec la crise, il y a eu bien plus de suppressions que de créations
d’emploi: le réservoir d’emplois s’est donc restreint tandis que
le nombre de chômeurs de longue durée dans toutes les classes d’âge
a atteint des niveaux sans précédent. En dépit de l’assouplissement
des réglementations relatives au marché de l’emploi dans de nombreux
pays européens, les employeurs, face à des perspectives de croissance
médiocres, hésitent à recruter des jeunes n’ayant que peu ou pas
d’expérience professionnelle, d’où la nécessité accrue d’une formation
continue.
15. Selon la Commission européenne, on compte environ quatre millions
de postes vacants dans les pays de l’Union européenne: ces postes
en attente d’être pourvus pourraient certainement contribuer à réduire
le chômage des jeunes. La Commission européenne estime en outre
que les Etats membres ont un énorme potentiel encore inexploité
de création d’emploi d’ici à l’horizon 2020, qui se chiffrerait
à plus de 20 millions de postes dans l’économie verte et les secteurs
de la santé et des nouvelles technologies. En avril 2012, le Commissaire
de l’Union européenne chargé de l’emploi, des affaires sociales
et de l’inclusion a dévoilé un ambitieux «paquet emploi»
. Ce train
de mesures contient des propositions visant à réduire la pression
fiscale pour favoriser l’embauche et la création d’entreprises,
à renforcer les stratégies de planification et de recrutement concernant
le personnel de santé, à promouvoir les compétences numériques et
les compétences «vertes», à réduire l’inadéquation des compétences,
à parfaire les stratégies contractuelles et à favoriser la mobilité
de la main-d’œuvre par la suppression des obstacles d’ordre juridique
et pratique à la libre circulation des chercheurs d’emploi en Europe
et par le lancement, en 2013, d’un portail européen proposant des
offres d’emploi et des services de placement et de recrutement.
Il incombe maintenant aux Etats de relever le défi en concevant
des stratégies nationales pour offrir plus de perspectives d’emploi
aux jeunes.
16. Une étude récente
sur
la situation dans 21 pays de l’Union européenne a montré que les
jeunes les plus marginalisés (ceux qui ne sont ni étudiants, ni
employés, ni en formation, que l’on appelle en anglais les «NEETS»
pour «
Not in Education, Employment or
Training») coûtent chaque année quelque 100 milliards d’euros
– soit près de 1 % du PIB moyen – en ressources perdues (manque
à gagner) et qu’ils constituent une charge supplémentaire pour les
budgets publics (due à des prestations d’aide sociale supplémentaires, dépenses
de justice pénale, etc.). Le groupe des NEET représentait en 2010
près de 13 % des jeunes (âgés de 15 à 24 ans) – soit 7,5 millions
de jeunes – dans l’Union européenne. A l’autre extrême, on trouve
de nombreux jeunes diplômés qui ont été formés pour un monde professionnel
qui n’existe plus: la société n’étant pas en mesure de leur proposer
des offres d’emploi adaptées, elle ne récupère pas en termes de
compétitivité future son investissement dans l’éducation de ces
jeunes.
17. Par conséquent, il n’est pas surprenant qu’un nombre important
de jeunes Européens envisagent de fuir (ou l’ont déjà fait) la situation
économique et sociale désastreuse provoquée par la crise financière
et les programmes d’austérité dans leur pays d’origine, situation
qui entraîne inévitablement une hausse des inégalités – perçues
ou réelles – sur le marché de l’emploi. L’une des conséquences de
cette émigration est le risque de voir une pénurie de jeunes sur
le marché de l’emploi dans certains pays (par exemple en Europe de
l’Est et du Sud) et une saturation dans d’autres. L’émigration économique
des jeunes liée à la crise peut avoir des effets positifs comme
négatifs pour le pays d’accueil et le pays d’origine. Il est donc
primordial d’encourager la création de postes, de faciliter l’intégration
des jeunes travailleurs et d’offrir aux jeunes spécialistes de meilleures
perspectives d’emploi à long terme pour limiter ce type de migrations
et obtenir un résultat bénéfique pour tous.
18. Pour les pays d’accueil, principalement en Europe occidentale
ou du Nord, les jeunes immigrants présentent bien des avantages.
Ils acceptent souvent des emplois que, pour diverses raisons, les
habitants du pays d’accueil n’exercent pas ou ne peuvent exercer.
En outre, les jeunes travailleurs migrants travaillent souvent pour
des salaires plus bas, apportent de nouveaux talents et compétences
et peuvent contribuer à la diversité de la société d’accueil, ce
qui favorise la tolérance et la compréhension. Néanmoins les migrations de
la jeune génération présentent également de nombreux inconvénients:
les immigrants peuvent être exploités car ils constituent une main
d’œuvre bon marché; les pays d’Europe du Sud et de l’Est peuvent souffrir
d’un exode des compétences et d’une perte de compétitivité car les
ressources qu’ils consacrent à l’éducation et à la formation de
leurs étudiants ont des retombées ailleurs; des tensions et hostilités
peuvent également apparaître en cas d’exploitation des sensibilités
par des extrémistes reprochant aux immigrés d’être la source de
tous les maux de la population locale ou de bénéficier d’un supposé
meilleur traitement que les plus démunis au niveau local.
19. Pour aller plus loin, nous devrons nous pencher très sérieusement
sur le problème de la fuite des cerveaux, qui peut être considérée
comme une forme de fuite du capital et de perte de compétences, notamment
lorsque les jeunes migrants acceptent dans leur pays de destination
des emplois qui ne sont pas à la hauteur de leurs qualifications
tandis que leur pays d’origine manque de personnes qualifiées. La
perte des talents est potentiellement dévastatrice pour toute l’Europe,
mais la situation devient particulièrement préoccupante dans les
pays baltiques et méditerranéens où, ces dernières années, le phénomène
de l’exode des compétences prend des proportions critiques sous
l’effet de la crise et des perspectives peu encourageantes d’amélioration
économique tangible. Cette vague d’émigration récente est différente
des précédentes car cette fois, ce sont des travailleurs ayant suivi
des études universitaires qui sont les premiers à quitter leur pays.
20. L’Europe souffre de l’exode des compétences à bien des égards.
En Espagne, par exemple, où près d’un jeune sur deux est au chômage,
la plupart de ceux qui parviennent à trouver un emploi doivent vivre
avec un bas salaire (on les appelle les «mileuristas» car leur salaire
mensuel est de 1 000 euros). Ceux qui décident d’aller à l’étranger
pour y trouver un emploi satisfaisant se tournent en premier lieu
vers l’Europe (principalement vers la Norvège, l’Allemagne et le
Royaume-Uni, où l’économie est relativement saine), mais bon nombre
d’entre eux vont plus loin, vers l’Amérique latine, le Brésil, la
Chine, les Etats-Unis, l’Australie ou encore les pays du Golfe.
Selon les estimations, l’Espagne perdra près de 500 000 de ses résidents
dans les dix prochaines années, alors que le solde migratoire du
pays est déjà négatif.
21. En Irlande, l’émigration des jeunes a doublé depuis 2005.
Les mêmes tendances s’observent en Grèce et au Portugal. Plus de
65 000 personnes quittent le Portugal chaque année, la majorité
d’entre elles choisissant comme destination d’anciennes colonies
comme l’Angola, où les salaires sont élevés pour les diplômés de
l’université. De même, des milliers de jeunes Français quittent
chaque année leur pays pour le Québec, province francophone du Canada.
Le Royaume-Uni est également l’un des principaux pourvoyeurs de
jeunes migrants vers le Canada, tandis que les Etats-Unis attirent
depuis un bon moment déjà des professeurs d’université et jeunes
scientifiques européens, sous-payés dans leur pays d’origine.
22. Parmi les facteurs qui incitent les jeunes à émigrer, au sein
des frontières européennes ou au-delà, se trouvent l’inquiétude
à propos de perspectives d’emploi et de promotion insuffisantes,
les structures de management rigides, les infrastructures inadéquates,
la charge de travail élevée en dépit de faibles salaires, la dégradation
des conditions de vie, la pauvreté, les politiques d’emploi défavorables,
le manque de soutien public et le sentiment d’insécurité croissant.
2.4. Nord-Sud,
Est-Ouest: quelles différences?
23. La situation des jeunes est
très inégale de par l’Europe et il convient de tenir compte de grandes divergences
d’un pays à l’autre. Le taux de chômage des jeunes a connu une forte
augmentation depuis 2007: toutefois, il reste inférieur à 10 % en
Allemagne, en Autriche, en Norvège et aux Pays-Bas, alors que dans
la plupart des autres pays européens, en particulier au sud, il
est bien supérieur à 20 %, voire 30 %. En outre, les taux de chômage
sont plus élevés chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes
dans les pays d’Europe du Sud, et continuent de grimper. Le taux
de chômage des jeunes est particulièrement inquiétant en Espagne
(51,4 %), dans les Etats des Balkans (plus de 50 % en Bosnie-Herzégovine,
en Albanie, au Monténégro, en Serbie, dans «l’ex-République yougoslave
de Macédoine» et au Kosovo
), en Grèce (51,2 %), en
République slovaque (36 %), au Portugal (35,1 %), en Lituanie (34,4 %),
en Italie (31,1 %), en Lettonie (29,9 %) et en Irlande (29,6 %)
. On peut, dès lors, se poser de
sérieuses questions quant au bien-fondé des choix politiques et
des mesures d’austérité adoptées par ces pays pour lutter contre
la crise économique.
24. Il est également préoccupant de constater, parallèlement à
l’augmentation générale du chômage des jeunes, une hausse du chômage
de longue durée des jeunes. Ce phénomène, que tous les chercheurs
jugent aujourd’hui crucial dans le ralentissement du développement,
renforce le sentiment d’insécurité et d’incertitude chez les jeunes
(c’est à la fois l’effet et la cause du manque de confiance dans
l’investissement et la prise de risques). Parmi les dangers les
plus insidieux auxquels le continent européen est aujourd’hui confronté,
se trouve celui de l’absence de vision à long terme, qui nous empêche
de nous projeter au-delà du lendemain. Nous risquons de couper les
ailes aux jeunes à un moment de leur vie où leur dynamisme, leur
volonté de s’engager et leur créativité sont plus forts que jamais.
25. La crise a-t-elle épargné certains pays et leur jeunesse?
La prospérité de l’Allemagne en dépit de la crise est largement
enviée et le modèle «allemand» est souvent cité en exemple à suivre
par d’autres pays européens, notamment ceux du Sud, qui tentent
laborieusement de réduire le chômage des jeunes, de renforcer la
protection de la jeunesse et la compétitivité. Cependant, de nombreux
détracteurs avancent que certaines réformes structurelles du marché
du travail ayant facilité la création de nouveaux emplois ont également
développé les emplois précaires, notamment pour la jeune génération:
les contrats temporaires et peu rémunérés ont accru les inégalités
salariales et les jeunes travailleurs allemands sont fréquemment
sous-payés comparativement à leurs pairs d’autres pays européens
d’un niveau de vie équivalent.
26. Outre le fait qu’il n’existe pas de salaire minimum en Allemagne,
entre 2005 et 2010 les emplois à bas salaires ont progressé trois
fois plus vite que les autres types de contrat. Dans ce pays, certains
postes peuvent être très peu rémunérés, en particulier dans les
régions de l’Est, et le nombre de travailleurs pauvres a considérablement
augmenté (7,2 % des travailleurs gagnent si peu qu’ils étaient en
2010 très proches du seuil de pauvreté, alors qu’ils n’étaient que
4,8 % en 2005) même si leur pourcentage demeure inférieur à la moyenne
de la zone euro (8,2 %).
27. En réponse à la crise, de nombreux gouvernements européens
ont, ces deux dernières années, pris diverses mesures, dont le gel
ou les coupes dans les dépenses publiques (comme en Espagne, en
Grèce, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Lettonie, en Lituanie,
au Portugal, en Roumanie, etc.), les réformes des systèmes de retraite
et les modifications de la structure des prestations et allocations
sociales. Ces mesures affectent tant les investissements des secteurs
privé et public dans le capital social que la vie de millions de citoyens.
Certains économistes doutent sérieusement de la pertinence de ces
plans de rigueur, qui risquent de marquer durablement la société
en général et la jeune génération en particulier.
28. Globalement, la participation des jeunes à la vie politique
a connu un déclin en Europe ces dernières années, même si les tendances
diffèrent selon les pays et les régions. D’après une étude de l’European Social Survey, dans tous
les pays européens la participation électorale des jeunes est inférieure
au taux de participation global. Par ailleurs, une analyse de la
participation aux élections nationales menée par l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) montre une
nette tendance à la baisse de la participation de la jeune génération
dans bon nombre de pays d’Europe occidentale, notamment l’Autriche,
la Finlande, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le
Portugal et le Royaume-Uni. La situation est contrastée dans la
majorité des autres pays et seuls certains pays scandinaves n’enregistrent
pas de changements significatifs.
29. Ce déclin, ainsi qu’un comportement hésitant, sont les signes
manifestes de l’impact de la crise sur la confiance des jeunes dans
les institutions et la politique. Selon une étude récente réalisée
par
Gallup Organisation, 20 %
des jeunes européens n’ont pas voté aux élections locales, nationales
ou européennes ces trois dernières années. Par ailleurs, diverses
enquêtes sociales
laissent entrevoir que deux
jeunes Européens sur trois ne s’intéressent pas à la politique;
en Europe de l’Est, la plupart des jeunes se désintéressent davantage
aujourd’hui de la vie politique qu’il y a une vingtaine d’années,
tandis que le militantisme politique croît en Europe du Sud (notamment
en France, en Espagne, en Italie et en Roumanie) et en Irlande et
reste relativement élevé en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
30. L’adhésion des jeunes à des organisations politiques, par
exemple des partis ou des syndicats, suit la même tendance: si le
niveau de participation demeure particulièrement élevé dans les
pays scandinaves, il connaît une diminution considérable dans le
sud de l’Europe. Par ailleurs, le nombre de jeunes (de moins de 30 ans)
siégeant au Parlement varie de zéro dans des pays tels que la France,
Malte, Chypre, la Grèce et le Liechtenstein à 6,7 % aux Pays-Bas
et 8,9 % en Estonie
.
Le groupe des NEET est généralement – et souvent beaucoup – moins
engagé dans la politique et les structures sociales.
31. L’étude met en lumière l’existence d’un lien manifeste entre
la participation politique de la jeune génération, le niveau de
vie et la socialisation politique par l’environnement familial.
Alors que le désintérêt et le sentiment de frustration à l’égard
de la politique touchent davantage les formes conventionnelles de participation,
des modes alternatifs d’engagement politique et social mobilisent
les jeunes du monde entier. Depuis le début de la crise économique,
on observe dans certains pays européens une montée inquiétante de mouvements
extrémistes et xénophobes qui cherchent à attirer les jeunes marginalisés.
Les résultats des récentes élections législatives confirment cette
tendance. Les
Résolutions
1826 (2011) «Renforcement de la démocratie par l’abaissement de
la majorité électorale à 16 ans» et 1874 (2012) «La promotion d’une citoyenneté
active en Europe» de l’Assemblée insistent sur l’importance d’encourager
la participation des jeunes aux décisions politiques par l’abaissement
de la majorité électorale à 16 ans et de favoriser le dialogue démocratique
à l’échelon local (y compris par le biais des conseils et parlements
de jeunes) comme moyen de promouvoir une citoyenneté active.
3. De
la protestation sociale à la confrontation politique
32. Certains avancent que le taux
de chômage élevé et la situation économique déplorable ont réveillé
la jeune génération. Ainsi, des mouvements de protestation ont éclaté
contre l’establishment politique,
jugé incapable de représenter convenablement les besoins de larges
fractions de la population. Le Printemps arabe, au début de l’année 2011,
la révolution silencieuse islandaise et le mouvement des Indignés (Indignados) en Espagne (qui a commencé
en mai 2011) ont ouvert la voie à des manifestations massives de protestation
sociale partout dans le monde, y compris le «Geração
à Rasca» portugais («génération à la traîne»), les manifestations
en Grèce, Stuttgart 21, le mouvement de contestation «Occupy Wall Street» («Occupons Wall
Street») et les manifestations estudiantines autrichiennes, britanniques
et françaises. Des rassemblements de contestation ont été organisés
le 15 octobre 2011 dans plus de 950 villes de 82 pays. Les plus
importants ont eu lieu en Espagne, où des centaines de milliers
de personnes sont descendues dans la rue.
33. Les manifestants européens réclament de meilleurs emplois
et en plus grand nombre, une répartition plus équitable des richesses
et des changements radicaux au sein des partis politiques jugés
obsolètes, déconnectés de la réalité et corrompus. Ils s’estiment
lésés par l’érosion des droits sociaux et économiques faisant suite
aux mesures de rigueur successives adoptées par leurs dirigeants
politiques. Bien que les protestataires forment un groupe hétérogène,
ils s’élèvent tous fermement contre la réduction des prestations sociales
et la grande majorité des jeunes engagés appellent instamment à
une mobilisation pacifique et au changement.
34. Un an après la vague du mouvement des Indignés et autres manifestations
qui a déferlé sur les villes des pays occidentaux, de nombreux jeunes
manifestants sont revenus occuper les places des villes d'une cinquantaine
de pays pour réitérer leur message d'indignation, affirmant qu'ils
ont encore plus de raisons de protester. Le défi actuel est de transformer
les mouvements de protestation en propositions: l’arrêt des plans de
sauvetage pour les banques, une éducation et une santé publique
de qualité pour tous, la lutte contre les emplois précaires, la
nécessité de disposer de logements sûrs et abordables, des retraites
pour tous, le paiement des arriérés de salaire. Le réseau des associations
qui s’inspirent du mouvement des Indignés organisera des séminaires
et des débats dans de nombreuses capitales européennes et au-delà
dans les mois à venir.
35. Malgré leur mécontentement à l’égard de la participation politique
conventionnelle, les jeunes Européens croient encore aux valeurs
démocratiques et civiques. Ils ont des points de vue personnels tranchés
sur les problèmes sociaux, la société et la politique et participent
à différentes formes d’activités démocratiques répondant à leur
vision de la démocratie, de la citoyenneté et de l’intégration au
sein de la société. En fait, la jeune génération teste de nouvelles
formes de participation civique (par exemple via les réseaux de
médias sociaux) fondées sur des valeurs et modes de vie en pleine
évolution – plus individualistes, spontanés et informels. Internet,
les réseaux sociaux et les nouvelles technologies en général peuvent contribuer
pour beaucoup à stimuler la participation des jeunes à la vie politique.
Ils deviennent également de plus en plus intéressants pour les responsables
politiques désireux d’engager un dialogue direct avec la jeune génération.
36. S’ajoute à cela le fait que les structures plus conventionnelles
permettant d’associer des représentants des jeunes à la prise de
décisions politiques ne garantissent pas toujours une prise en compte
adéquate de l’avis et des besoins des jeunes. Le contexte national
influence fortement la participation associative de la jeunesse.
Ainsi, les pays nordiques enregistrent les taux les plus élevés
d’engagement civique actif; ils sont suivis par les pays anglo-saxons
et d’Europe centrale, tandis que les pays d’Europe de l’Est sont
à la traîne par rapport aux pays méditerranéens.
37. On peut voir dans ces mouvements de contestation sociale un
appel à une plus grande solidarité, tant au sein d’une même génération
qu’entre les générations. Les liens intergénérationnels doivent
donc être renforcés. Par ailleurs, il est de notre responsabilité
de mieux guider les jeunes dans l’environnement socio-économique
changeant qui est le nôtre, car ils vivront dans une société moins
prospère où il sera plus difficile de trouver un emploi stable et
de fonder une famille, et où la qualité de vie ne pourra pas se
limiter de façon illusoire à la consommation. Pour que les individus
continuent d’être mus par le désir d’une vie meilleure même en période
de crise, les élites politiques et sociales européennes devraient
réaffirmer leur volonté de mettre en place des politiques de développement
centrées sur l’être humain, qui portent dûment attention aux besoins de toutes les générations.
4. Construire
ensemble un avenir meilleur: comment les principaux acteurs concernés
peuvent-ils améliorer la situation?
4.1. Une
concertation entre responsables politiques et partenaires sociaux
pour investir dans la jeunesse
38. Le manque d’intérêt pour les
difficultés que rencontrent les jeunes aura un effet boomerang sur
la construction d’une société européenne cohésive, basée sur des
valeurs communes. Il est donc plus que jamais urgent d’agir. Compte
tenu de l’ampleur des problèmes des jeunes et de leurs conséquences,
ainsi que des coûts sociaux que représente la jeune génération ainsi
sacrifiée, que peuvent faire les principaux acteurs européens pour
améliorer la situation? En effet, si les décideurs politiques ne
parviennent pas à proposer des solutions réalistes, l’Europe paiera
un lourd tribut pour cette «génération des limbes» et mettra en
péril sa sécurité, sa compétitivité, sa protection sociale et son
développement futur. La crise devrait être l’occasion pour l’Europe
de mieux mettre à profit les talents, l’énergie et la créativité
de ses jeunes.
39. Le rapporteur rappelle la série de recommandations adressées
aux Etats membres dans la
Résolution 1828
(2011) de l’Assemblée «La forte baisse du taux d’emploi des
jeunes: inverser la tendance»
et souligne le rôle important
de l’emploi dans l’intégration sociale des jeunes, notamment par
un meilleur accès aux droits sociaux et une participation accrue
aux décisions au niveau local, national et européen. Il réitère
la position de l’Assemblée selon laquelle l’Union européenne et
le Conseil de l’Europe doivent consentir des efforts supplémentaires
pour aider leurs Etats membres à offrir de meilleures perspectives
d’emploi à la jeune génération. Par ailleurs, leurs partenaires
institutionnels, tels que la Banque européenne pour la reconstruction et
le développement (BERD), la Banque de développement du Conseil de
l’Europe (CEB) et le Centre Nord-Sud, le Fonds social européen (FSE)
et la Banque européenne d’investissement (BEI), pourraient compléter utilement
les programmes d’action européens et nationaux.
40. Avec sa stratégie Europe 2020 en faveur d’une croissance intelligente,
durable et inclusive, l’Union européenne entend apporter une réponse
stratégique aux problèmes de l’emploi. Elle accorde une place importante
à la qualité du modèle de croissance inclusive (emploi), intelligente
(savoir) et durable (équité) qu’elle propose: à cette fin, elle
a élaboré un ensemble d’indicateurs qui permettront de mesurer les
progrès réalisés. Parmi les principaux objectifs proposés figurent
l’augmentation du taux d’emploi des 20-64 ans, l’abaissement du
taux de décrochage scolaire à 10 % et l’augmentation de l’investissement
à 3 % du produit intérieur brut (PIB) dans la recherche et le développement.
Le projet de l’Union européenne Youth
on the move comporte un certain nombre d’activités spécifiques
qui permettront d’atteindre ces objectifs pour les jeunes. Toutefois,
les résultats obtenus à ce jour sont décevants.
41. A ce propos, il convient de prendre note de la coopération
très positive entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
dans le secteur de la jeunesse, par exemple dans le programme-cadre
de partenariat 2010-2013 dans le domaine de la jeunesse qui vise
à promouvoir les politiques de jeunesse fondées sur le savoir, la
reconnaissance de l’apprentissage/éducation non formels et la capacité
d’action. La priorité donnée par le programme à l’Europe du Sud-Est
et de l’Est, au Caucase et au sud de la Méditerranée est particulièrement
bienvenue. La portée de ce programme pourrait être encore élargie
afin de tirer pleinement parti des complémentarités entre les initiatives
de l’Union européenne («Jeunesse en mouvement» et «Perspectives
d’emploi des jeunes»
) et les objectifs de la politique de jeunesse
du Conseil de l’Europe
pour
stimuler l’emploi et l’employabilité des jeunes par l’éducation,
la formation, l’apprentissage tout au long de la vie et la mobilité.
42. A cet effet, la coordination entre l’Union européenne et le
Conseil de l’Europe se poursuit dans le cadre d’un programme conjoint
pour 2011-2012 intitulé «L’Europe du bien-être pour tous: faciliter
la transition des jeunes vers la vie active par un renforcement
de la responsabilité sociale partagée» qui met l’accent sur les besoins
spécifiques du groupe NEET. Ce programme vise à promouvoir la solidarité
avec les jeunes et à faciliter l’entrée des jeunes dans la vie active
par la mobilisation de différentes parties prenantes, notamment via
une plateforme numérique pouvant servir à recueillir et à échanger
des bonnes pratiques.
43. Le rapporteur considère qu’il n’existe pas de solution miracle
permettant de garantir un bon démarrage des jeunes sur le marché
de l’emploi. Un bagage éducatif et une formation professionnelle
solides peuvent servir de tremplin. Toutefois, avec la crise, même
les jeunes travailleurs hautement qualifiés rencontrent des difficultés
exceptionnelles. Le secteur privé peut contribuer pour beaucoup
à faciliter l’accès des jeunes à l’emploi, en particulier par la
création de nouveaux postes. A titre d’exemple, la promotion d’un
recours plus massif aux programmes d’apprentissage, aux formations
en cours d’emploi et aux stages pourrait profiter à la fois aux
entreprises et aux jeunes employés, à condition d’assurer une rémunération
et des conditions de travail décentes
.
Les gouvernements doivent garantir le versement d’un salaire minimal
et le respect des horaires de travail prévus afin de protéger les
jeunes travailleurs et apprentis contre toute exploitation. Nous devrions
également soutenir un appel à la réaffectation d’une part importante
des 82 millions d’euros de reliquat des fonds structurels de l’Union
européenne au profit de projets pour l’emploi des jeunes dans les
Etats membres qui en ont le plus besoin.
4.2. Focalisation
sur la qualité, l’équité et la liberté de choix
44. Dans son rapport intitulé «Global Employment Trends for Youth: 2011 update»,
l’OIT identifie un certain nombre de mesures permettant d’assurer
l’autonomie des jeunes générations. Elles englobent l’investissement
dans une éducation de qualité, l’amélioration de la qualité des
emplois et de la compétitivité des entreprises, l’élaboration d’une
stratégie globale en matière de croissance et de création d’emplois
pour garantir une action à long terme, durable et concertée en faveur
de prestations sociales satisfaisantes ainsi que la mise en œuvre
de politiques financières et macroéconomiques visant à lever les
obstacles à la croissance. L’autonomisation des jeunes par l’emploi
et la participation aux décisions est essentielle pour maintenir
la prospérité de l’Europe car c’est de cette jeune génération que
dépendra la pérennité de la solidarité et de la démocratie dans
la société de demain.
45. Les principaux facteurs déterminant l’évolution de la rémunération
des jeunes au cours de leur vie – rémunération généralement liée
à leur niveau d’instruction – ont changé du fait de la crise, et
dépendent de plus en plus de la situation socio-économique de leurs
familles. Afin de garantir aux jeunes Européens des conditions de
départ plus équitables, il pourrait être utile d’envisager des mesures
de redistribution des richesses, et non uniquement des revenus.
Par exemple, en recevant une dotation en capital au début de sa vie
d’adulte, chaque jeune, homme ou femme, pourrait décider de son
avenir de manière plus libre et plus responsable et aurait la possibilité
de créer une entreprise ou d’accéder à un diplôme universitaire.
46. Ces dix dernières années, l’environnement a indéniablement
évolué pour devenir plus dynamique. La stabilité de l’emploi appartient
au passé et la notion d’emploi à vie a été remplacée par l’idée
d’un cheminement. On observe en conséquence une augmentation significative
du nombre de personnes qui changent d’emploi ou sont en mobilité
professionnelle et contractuelle. Il paraît donc plus réaliste de
considérer aujourd’hui l’expérience professionnelle, en particulier
pour un jeune homme ou une jeune femme, comme un «cheminement professionnel»
dans divers secteurs, à des postes et avec des responsabilités différentes nécessitant
des compétences et des connaissances très variées.
47. En conséquence, il devient de plus en plus important d’établir
une distinction entre «travail précaire» et «travail flexible» dans
les systèmes sociaux européens. S’il est certain que la poursuite
des réformes du marché de l’emploi est nécessaire pour réduire les
rigidités qui touchent les jeunes arrivant sur le marché de l’emploi,
il faut en parallèle libéraliser totalement les professions et créer
des systèmes de placement plus modernes pour répondre aux besoins
locaux et globaux, tout en mettant en place des dispositions visant
à encourager la liberté de choix dans l’éducation et la formation
professionnelle, une protection sociale adéquate pour les travailleurs
temporaires, etc.
48. La principale attaque dirigée contre l’orientation croissante
de l’économie vers le secteur financier et spéculatif, qui a entraîné
la crise que nous connaissons, est le fait que le monde politique
a négligé l’importance d’améliorer le capital humain tant au plan
qualitatif que quantitatif pour un développement stable à long terme
(cette théorie du capital humain a été défendue par Gary S. Becker
et James Heckman, qui ont reçu le prix Nobel pour leurs travaux).
En effet, le capital humain influe à bien des égards sur la capacité
à produire et sur la productivité: il renforce la capacité de recherche
d’un pays et le développement technologique, permet une meilleure
utilisation des technologies, accroît la créativité et génère de
ce fait de l’innovation, tout en contribuant au développement des
compétences dans l’environnement de proximité, ce qui constitue
l’une des clés de la réussite au niveau local et national.
49. De nombreux pays ont étendu l’offre d’enseignement supérieur
en réalisant des investissements considérables avant 2007. Les pays
de l’OCDE, par exemple, consacrent en moyenne 6,2 % de leur PIB
aux établissements d’enseignement, les chiffres allant de plus de
7 % au Danemark, en Islande, en Russie et aux Etats-Unis à 4,5 %
ou moins en Italie et en République slovaque
. Toutefois, des études montrent
que
le fait de consacrer plus d’argent à l’éducation n’entraîne pas
nécessairement de meilleurs résultats, et que la qualité de l’éducation
est plus importante que la durée des études. Il convient donc d’insister
sur l’importance d’un investissement dans une éducation de qualité.
A cet égard, il est préoccupant de constater qu’en 2011, près de
la moitié des Etats membres de l’Union européenne ont réduit leurs
budgets consacrés à l’éducation
.
50. Du point de vue de l’élaboration des politiques, nous devons
considérer les mesures en faveur des jeunes et du capital humain
non comme une dépense sociale, mais comme un investissement à moyen
ou à long terme pour la croissance de chacun des pays et du continent
européen dans son ensemble. Cela peut sembler évident, mais les
politiques à court terme qui prédominent aujourd’hui dans de nombreux
pays européens montrent que cette approche est tout sauf évidente.
Il y a là deux objectifs complémentaires, qui ne doivent pas être
opposés l’un à l’autre: le premier est quantitatif, le second qualitatif.
En d’autres termes, il ne faut pas seulement augmenter le nombre
de diplômés, mais également améliorer la qualité de leur éducation en
prenant davantage de mesures pour favoriser l’excellence chez les
jeunes et aider ceux qui sont en réelle difficulté. Pour reprendre
les propos du célèbre pédagogue allemand, Wolfgang Brezinka, le
courage d’offrir une bonne éducation, c’est avant tout le courage
d’exiger davantage de soi-même et de son mode de vie, en vivant
conformément aux valeurs qui donnent une stabilité et un sens à
la vie.
51. Le rapporteur estime en outre que d’autres mesures pourraient
contribuer à améliorer les perspectives économiques et sociales
des jeunes. Elles englobent les mesures qui visent: à lever les
obstacles à la création ou à l’administration de nouvelles entreprises
et à en réduire les coûts; à encourager l’accès au capital-risque; à
réduire la segmentation du marché de l’emploi, qui est aujourd’hui
trop orienté vers les anciennes générations; à mieux employer les
compétences et les capacités des étudiants.
4.3. Nécessité
d’une action cohérente pour améliorer l’accès aux droits socio-économiques
52. Dans sa réponse à la
Recommandation 1978 (2011) de l’Assemblée parlementaire «Vers une convention-cadre
européenne relative aux droits des jeunes», le Comité des Ministres
a considéré que les structures, politiques, programmes et instruments
juridiques du Conseil de l’Europe couvraient suffisamment les droits
des jeunes et que la priorité devait être donnée à une mise en œuvre
plus effective des instruments existants, notamment en encourageant
systématiquement les politiques d’amélioration de l’accès des jeunes à
leurs droits.
53. Le rapporteur rappelle qu’outre les droits fondamentaux énoncés
dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5),
la Charte sociale européenne révisée (STE no 163)
contient un ensemble de dispositions relatives à la jeunesse et
aux droits des jeunes, notamment les articles 7 et 17 (droit des
enfants et des jeunes à une protection sociale, juridique et économique),
11 (droit à une protection de la santé) et 16 (droit de la famille
à une protection sociale, juridique et économique). En outre, plusieurs
articles concernent le droit des jeunes à l’éducation et à la formation
(articles 7, 9, 10 et 17), à l’emploi (articles 1-4, 7 et suivants) et
au logement (articles 16 et 31). Les mesures d’austérité prises
en réponse à la crise faisant s’accroître les inégalités dans la
société et compromettant la capacité des jeunes à exercer leurs
droits, il est essentiel que les Etats membres adhèrent pleinement
à la Charte et maintiennent leurs engagements en faveur de la jeune génération.
54. S’appuyant sur sa
Résolution
1824 (2011) sur le rôle des parlements dans la consolidation et
le développement des droits sociaux en Europe, sur la déclaration
faite par le Comité des Ministres à l’occasion du 50e anniversaire
de la Charte sociale européenne (adoptée le 12 octobre 2011) et
sur les conclusions du Comité européen des Droits sociaux concernant
la non-conformité des Etats membres avec les dispositions de la
Charte (adoptées en décembre 2011 et publiées en janvier 2012),
l’Assemblée devrait à présent user de son pouvoir et mettre à profit
ses structures de coopération pour examiner avec les parlements
nationaux concernés les préoccupations exprimées dans les conclusions,
notamment en ce qui concerne les jeunes particulièrement vulnérables.
En outre, il reste à voir comment le projet de charte du Conseil
de l’Europe sur les responsabilités sociales partagées et la Stratégie
de cohésion sociale révisée pourraient contribuer à faire participer
tous les partenaires sociaux à la mise en œuvre des droits sociaux
et économiques de la jeune génération.
55. Certains experts font état d’un paradoxe européen. Du fait
de l’investissement des pays européens dans une meilleure éducation,
une amélioration des conditions de vie et la défense de valeurs
communes qui constituent le fondement de l’identité européenne,
les jeunes Européens étaient mieux armés que leurs parents pour
tirer profit d’une «Europe sans frontières». Malheureusement, en
quelques années seulement, la crise a réduit à néant une bonne partie
des progrès sociaux réalisés ces dernières décennies: la jeune génération
doit désormais batailler plus durement et plus longtemps que les
générations précédentes pour gagner son autonomie
.
C’est pourquoi la société et les responsables politiques doivent
adapter les stratégies en faveur de la jeunesse afin d’offrir plus
de débouchés aux jeunes et de les préparer aux changements irréversibles
qui s’opèrent dans la société. En effet, on leur demande de faire
preuve d’adaptabilité et de flexibilité, et de beaucoup d’énergie,
de courage et de patience. Redéfinir les termes du contrat social,
c’est demander aux jeunes d’accepter de nouveaux risques, d’être
prêts pour le changement et d’induire eux-mêmes l’évolution dans
la société.
4.4. Propositions
du secteur de la jeunesse
56. Il va de soi que l’aggravation
de la situation des jeunes préoccupe fortement les organisations
de jeunesse européennes, qui voient en cela un risque réel qu’un
cercle vicieux de faible reprise et de cohésion socio-économique
fragilisée ne menace l’intégration européenne et laisse bon nombre
de jeunes européens sur la touche, non sans répercussions négatives
sur l’ensemble de la société. Il est crucial d’investir davantage dans
l’éducation, la formation, la création et la recherche d’emploi
pour permettre aux jeunes de participer pleinement, d’une part,
à la sortie de la crise, et d’autre part, à l’établissement d’une
société plus prospère.
57. Le Forum européen de la jeunesse
et le Conseil consultatif sur la
jeunesse du Conseil de l’Europe
attirent
l’attention sur les lacunes des mesures prises par de nombreux gouvernements
pour lutter contre la crise, notamment les réductions inappropriées
des dépenses publiques sans que soit prévu un quelconque redéploiement
des ressources pour les actions prioritaires, dont fait partie l’aide
aux jeunes. Les deux organismes s’inquiètent de la dégradation des
conditions du marché du travail pour les jeunes, en particulier de
l’augmentation du nombre d’emplois précaires et de stages non rémunérés
ou sous-payés, qui finit par miner l’accès à l’autonomie, la participation
politique et les services sociaux, tout en favorisant la montée
de l’extrémisme. Ils préconisent donc une approche des politiques
de jeunesse axée sur les droits, afin de promouvoir activement l’autonomie
et la participation des jeunes, en accordant une attention spéciale
aux besoins des jeunes plus vulnérables issus de milieux défavorisés
(migrants, réfugiés, minorités ethniques, etc.).
58. En conséquence, nous accueillons favorablement et encourageons
la consultation constructive entre le Comité des Ministres, le Conseil
mixte pour la jeunesse et le Service de la cohésion sociale et de
la diversité du Conseil de l’Europe, de même que les contributions
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe
,
dans l’optique de formuler une recommandation et des lignes directrices
adressées aux Etats membres sur l’accès aux droits sociaux pour
les jeunes de quartiers défavorisés. Par ailleurs, le rapporteur
est d’avis qu’une fois adoptées, cette recommandation et ces lignes
directrices pourraient être portées également à l’attention des
pays voisins du Conseil de l’Europe situés au sud et à l’est de
la Méditerranée, en particulier dans le cadre des activités du Centre
Nord-Sud liées à la coopération de la jeunesse.
59. Le Forum et le Conseil consultatif encouragent vivement les
organisations internationales et les Etats à renforcer l’aide proposée
aux organisations de jeunesse et insistent sur la nécessité pour
les pays européens d’adopter la «garantie pour la jeunesse» (dispositif
stratégique conçu pour veiller à ce qu’aucun jeune ne se retrouve,
contre son gré, sans emploi, ni enseignement ou formation durant
plus de quatre mois). Ces organismes font campagne pour que les
personnes à la recherche d’un premier emploi aient accès aux allocations
de chômage, pour la mise en œuvre de régimes de revenu minimum adaptés
(comme l’a demandé le Parlement européen
),
pour le soutien à la Charte européenne pour la qualité des stages
et des apprentissages
et pour la création d’emplois par
la stimulation de l’esprit d’entreprise chez les jeunes, dans un
environnement à la fois stable et propice en termes de revenu, de
protection sociale, d’avantages fiscaux et d’accès au financement
des banques de développement multilatérales européennes.
60. Dans ce contexte, il convient de tenir compte de la précieuse
contribution aux échanges de la commission de Mme Snežana
Samardžić-Marković, la nouvelle directrice générale de la démocratie
au Conseil de l’Europe, qui a souligné la nécessité que les parlements
nationaux soient particulièrement attentifs aux dangers de la «lassitude
de la démocratie» et aux idées de la jeune génération et des organisations
de la société civile. Il importe que les systèmes politiques évoluent
et s’adaptent aux nouvelles réalités en faisant de la justice sociale
la pierre angulaire de la démocratie. Il est tout aussi essentiel
de faire participer pleinement les pouvoirs locaux, d’accorder une
place plus importante aux politiques de jeunesse dans les priorités politiques
nationales et de véhiculer une image plus positive des jeunes dans
les médias.
61. Nous ne doutons pas que les grands événements à venir – comme
la 9e Conférence du Conseil de l’Europe
des ministres responsables de la jeunesse (Saint-Pétersbourg, 23-25
septembre 2012) et l’Assemblée des jeunes (Strasbourg, 5-7 octobre
2012), qui se tiendra dans le cadre du Forum mondial pour la démocratie
(5-11 octobre 2012) – favoriseront la compréhension entre les jeunes
et les responsables de l’élaboration des politiques, en vue de lancer
une action concrète et d’amorcer des changements positifs sur le
terrain.
5. Conclusions
et remarques finales: il est temps de passer des paroles aux actes
62. La crise sociale et économique
menace l’exercice effectif des droits par la jeune génération, dont l’autonomie
et les perspectives pâtissent des inégalités économiques et sociales
grandissantes. Les politiques de la jeunesse sont particulièrement
sensibles à la récession économique et trop souvent reléguées au
second plan des priorités gouvernementales et des allocations de
ressources. Ce dont l’Europe a besoin, c’est que la jeune génération
joue pleinement son rôle dans le processus décisionnel, le renforcement
de la démocratie et la construction de la société de demain, plus
cohésive, plus prospère et plus juste. Le meilleur moyen d’atteindre
cet objectif est de favoriser l’intégration sociale des jeunes en
les associant davantage au pouvoir politique, social et économique
et en leur offrant le plein accès à l’emploi, aux droits et à la
citoyenneté active.
63. Malgré les pressions accrues que la crise économique et la
dette souveraine font peser sur les finances publiques, il ne faudrait
pas que les mesures d’austérité diminuent le soutien public aux
politiques de jeunesse. Au contraire, ces mesures devraient contraindre
les pouvoirs publics à mieux servir l’intérêt général et à promouvoir
davantage la cohésion sociale en ciblant mieux les dépenses pour
répondre en particulier aux besoins des populations vulnérables,
comme les personnes handicapées et les jeunes les plus marginalisés («NEETs»).
De leur côté, les parlements nationaux devraient s’assurer que les
politiques de jeunesse figurent en tête des priorités politiques
et reçoivent suffisamment de ressources financières, conformément
à l’idée que les mesures en faveur des jeunes sont essentielles
au bon développement, à la justice sociale et à la compétitivité
de l’Europe. Le meilleur investissement que l’Europe peut faire
aujourd’hui pour assurer sa vitalité et sa prospérité futures consiste
à aider les jeunes et à leur donner plus de moyens d’action.
64. De plus, le dialogue entre les partenaires sociaux sur les
moyens d’améliorer l’insertion des jeunes dans la société devrait
être renforcé, et les mesures de relance macroéconomique pourraient
être repensées pour garantir une reprise économique créatrice d’emplois
et une croissance axée sur la qualité. Les autorités doivent être
particulièrement attentives aux tendances du marché de l’emploi,
notamment du côté de la demande, afin de moderniser les systèmes
d’éducation et de formation professionnelle pour qu’ils préparent mieux
les jeunes à la vie professionnelle et qu’ils répondent aux impératifs
d’apprentissage tout au long de la vie, à l’évolution des carrières
professionnelles et aux pressions concurrentielles découlant de
la mondialisation. Le développement des partenariats public-privé
entre établissements d’enseignement, entreprises, pouvoirs locaux,
syndicats et services de recrutement pourrait contribuer à faciliter
la transition des jeunes du système éducatif au monde du travail,
ainsi que d’un emploi à un autre.
65. Pour renforcer la démocratie de proximité, la gouvernance
et la solidarité entre générations, il faut que les pouvoirs publics
à tous les niveaux en Europe se mettent à l’écoute de la jeune génération
en s’aidant des nouveaux outils de communication, de mécanismes
de consultation régulière et d’une meilleure représentation institutionnelle.
Cela serait un pas dans la bonne direction pour bâtir de nouveaux
modèles sociaux plus collaboratifs qui offrent véritablement des
chances identiques et permettent à tous les Européens de s’exprimer.
66. En conclusion, comme le dit le sociologue Zygmunt Bauman dans
son récent essai
,
nous ne devrions pas nous concentrer sur le monde dans lequel nous
voulons vivre, mais sur le monde dans lequel nous devrions vivre.
Nos problèmes sont de nature mondiale, mais nous n'avons que des
moyens locaux pour y faire face, et ceux-ci ne sont pas adaptés
à cette tâche. Par conséquent, la question cruciale de «vie ou de
mort» pour le XXIe siècle, comme le suggère
Bauman, est la suivante: Qui traitera ces problèmes? En ces temps modernes,
beaucoup d’hommes et de femmes courageux ont changé le cours de
l'histoire de manière radicale et positive. Nous devrions donc aider
les jeunes à prendre leur propre destin en main: ensemble, nous
pouvons changer les choses pour vivre des vies meilleures.