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Rapport | Doc. 13079 | 14 décembre 2012

Le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Christoph STRÄSSER, Allemagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11468, Renvoi 3518 du 26 janvier 2009. 2013 - Première partie de session

Résumé

La question des prisonniers politiques n’est toujours pas réglée en Azerbaïdjan, malgré les efforts constants de l’Assemblée parlementaire. Outre plusieurs cas non résolus datant de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, plusieurs nouveaux cas de prisonniers politiques ont fait leur apparition qui concernent des responsables politiques et des militants liés à l’opposition, ainsi que des journalistes, des auteurs de blogs et des manifestants pacifiques condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.

Dans plusieurs cas, des raisons humanitaires, notamment l’âge de certains prisonniers et la détérioration de leur état de santé, imposent leur libération immédiate, indépendamment de tout autre critère.

Dans un certain nombre de ces affaires, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà conclu à la violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Les affaires d’autres prisonniers politiques présumés sont toujours pendantes devant cette juridiction, tandis que d’autres prisonniers ont été incités à s’abstenir de saisir la Cour en temps utile contre la promesse d’une amnistie qui ne s’est pas concrétisée par la suite.

Les autorités azerbaïdjanaises sont invitées, d’une part, à trouver une issue rapide aux cas des personnes qui figurent sur la liste récapitulative de prisonniers politiques présumés et sont toujours emprisonnées, sans exiger en contrepartie de leur libération qu’elles reconnaissent leur culpabilité ou se repentent publiquement et, d’autre part, à prendre les mesures qui s’imposent pour veiller à ce qu’aucun nouveau cas de prisonnier politique présumé n’apparaisse, notamment en s’abstenant d’arrêter les participants à des manifestations pacifiques et d’engager des poursuites à leur encontre, en s’abstenant d’incriminer l’expression de points de vue politiques et religieux dans les médias, en mettant un terme à la torture et aux autres formes de mauvais traitements infligés aux suspects placés en garde à vue et en détention provisoire, en permettant à tout suspect d’être assisté par l’avocat de son choix et en veillant à ce que toute perquisition et saisie soit effectuée en présence de témoins véritablement indépendants.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 26 juin 2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle que la définition de «prisonnier politique» a été élaborée en 2001 au sein du Conseil de l’Europe par les experts indépendants du Secrétaire Général, qui avaient pour mission d’apprécier les cas de prisonniers politiques présumés en Arménie et en Azerbaïdjan, dans le cadre de l’adhésion de ces deux pays à l’Organisation.
2. Elle observe avec satisfaction que les critères généraux retenus par les experts indépendants à l’époque ont été approuvés par l’ensemble des parties prenantes, y compris par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire et les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises. L’Assemblée réaffirme son adhésion à ces critères.
3. L’Assemblée observe que la question des prisonniers politiques n’est toujours pas réglée en Azerbaïdjan, malgré les efforts constants de l’Assemblée, qui a adopté les Résolutions 1359 (2004) et 1457 (2005) et la Recommandation 1711 (2005), spécialement consacrées à ce sujet. Elle souscrit pleinement aux conclusions et recommandations formulées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à la suite de ses visites en Azerbaïdjan en mars 2010 et septembre 2011.
4. Cela vaut également pour un certain nombre de personnes figurant sur la deuxième liste de 107 prisonniers politiques dits «oubliés», dont le sort n’a été connu qu’après la publication de la version définitive du rapport des experts indépendants.
5. De plus, plusieurs nouveaux cas ont fait leur apparition depuis l’achèvement des travaux des experts indépendants, qui concernent des responsables politiques et des militants liés à l’opposition, ainsi que des journalistes, des auteurs de blogs et des manifestants pacifiques condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.
6. Dans un certain nombre de cas, ces prisonniers ont déjà passé tellement de temps en prison qu’ils devraient être libérés pour ne pas faire l’objet de discrimination vis-à-vis des autres détenus condamnés pour des infractions similaires, même si les verdicts prononcés contre eux à la suite de procès controversés étaient fondés.
7. Dans plusieurs cas, des raisons humanitaires, notamment l’âge de certains prisonniers et la détérioration de leur état de santé, imposent leur libération immédiate, indépendamment de tout autre critère.
8. L’Assemblée est consciente du fait que tout prisonnier peut, en principe, introduire une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme lorsqu’il estime que son cas satisfait aux critères de la définition des prisonniers politiques.
9. L’Assemblée observe que, dans un certain nombre de ces affaires, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà conclu à la violation de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5). Les affaires d’autres prisonniers politiques présumés sont toujours pendantes devant cette juridiction, tandis que d’autres prisonniers encore ont été incités à s’abstenir de saisir la Cour en temps utile contre la promesse d’une amnistie qui ne s’est pas concrétisée par la suite.
10. L’Assemblée reconnaît qu’elle n’est pas compétente pour décider du fond d’affaires individuelles de violations supposées des droits de l’homme. Mais elle estime avoir le devoir d’enquêter sur les allégations de problèmes systémiques en matière de protection des droits de l’homme dans l’ensemble des Etats membres, ainsi que d’analyser et d’apprécier, du point de vue juridique et politique, toute affaire ou groupe d’affaires susceptible d’apporter des éclaircissements sur les types de violation des droits de l’homme auxquels il convient de remédier par des mesures juridiques et politiques adéquates.
11. L’Assemblée observe que plusieurs personnes qui figuraient sur la liste récapitulative des prisonniers politiques présumés ou sur les versions antérieures de telles listes ont été remises en liberté pour divers motifs, par exemple parce qu’elles ont bénéficié d’une grâce présidentielle, pour raisons de santé ou simplement après avoir purgé leur peine d’emprisonnement.
12. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée invite les autorités azerbaïdjanaises:
12.1. à trouver une issue rapide aux cas des personnes qui figurent sur la liste récapitulative et sont toujours emprisonnées, sans exiger en contrepartie qu’elles reconnaissent leur culpabilité ou se repentent publiquement:
12.1.1. en libérant immédiatement, en application des dispositions du Code pénal relatives à la libération conditionnelle, les prisonniers politiques présumés qui ont déjà purgé plusieurs années de leur peine;
12.1.2. en libérant ou en rejugeant les prisonniers politiques présumés qui ont été condamnés en violation des principes du droit à un procès équitable;
12.1.3. en libérant pour raisons humanitaires tous les prisonniers politiques présumés qui sont gravement malades;
12.1.4. en libérant ou en rejugeant les prisonniers politiques présumés qui ont été impliqués dans certains événements politiques à un degré moindre et très secondaire, sachant que les instigateurs présumés de ces événements ont été eux-mêmes déjà graciés;
12.1.5. en libérant les prisonniers politiques présumés qui n’ont d’autre lien avec les événements en question que d’être parent, ami ou simple connaissance de membres éminents de précédents gouvernements;
12.2. à prendre les mesures qui s’imposent pour veiller à ce qu’aucun nouveau cas de prisonnier politique, considéré comme tel au regard des critères précités, n’apparaisse, notamment:
12.2.1. en s’abstenant d’arrêter les participants à des manifestations pacifiques et d’engager des poursuites à leur encontre;
12.2.2. en s’abstenant d’incriminer l’expression de points de vue politiques et religieux dans les médias, y compris sur Internet; il convient toutefois que le discours de haine et l’incitation à la violence continuent à faire l’objet de poursuites, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
12.2.3. en mettant un terme à la torture et aux autres formes de mauvais traitements infligés aux suspects placés en garde à vue et en détention provisoire;
12.2.4. en permettant à tout suspect d’être assisté par l’avocat de son choix;
12.2.5. en veillant à ce que toute perquisition et saisie soit effectuée en présence de témoins véritablement indépendants.

B. Exposé des motifs, par M. Strässer, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Etat actuel de la procédure et cadre géographique du rapport

1. Le présent rapport devait au départ prendre en compte les deux mandats pour lesquels j’ai été désigné rapporteur, respectivement le 24 mars et le 16 décembre 2009, sur:
  • «Le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan»;
  • «La définition des prisonniers politiques».
2. Les deux mandats de rapporteur ont été regroupés sur décision de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme lors de sa réunion du 24 juin 2010. Au cours de la même réunion, sur la base d’une note introductive que j’avais présentée 
			(2) 
			AS/Jur (2010) 28 du
17 juin 2010. et d’une audition d’experts, la commission a avalisé les critères proposés pour la définition des prisonniers politiques et m’a autorisé à effectuer une visite d’étude à Bakou. Lors de sa réunion du 5 octobre 2011, la commission a rebaptisé le rapport conjoint «Revoir la question des prisonniers politiques» sur proposition de son président, dans le cadre d’un compromis avec la délégation azerbaïdjanaise, qui s’opposait à ce que son pays soit désigné de façon distincte dans l’intitulé du rapport et refusait de m’autoriser à effectuer une visite d’étude.
3. Lors de la réunion du 8 mars 2011, la délégation azerbaïdjanaise a tenté de revenir sur la décision du 24 juin 2010 et de scinder ce double mandat, en rétablissant les deux mandats distincts initiaux; cette proposition a été rejetée par la commission. J’ai tenté à plusieurs reprises, mais en vain, d’obtenir la collaboration des autorités azerbaïdjanaises pour organiser ma visite d’étude. En août 2011, ma demande de visa a été officiellement rejetée 
			(3) 
			Voir «Azerbaijan won’t
give visa to PACE rapporteur», RFE, 18 août 2011: <a href='http://www.rferl.org/content/azerbaijan_will_not_give_visa_to_pace_rapporteur/24300593.html'>www.rferl.org/content/azerbaijan_will_not_give_visa_to_pace_rapporteur/24300593.html.</a>. Deux autres tentatives d’organisation d’une visite en novembre 2011 et fin janvier 2012 ont également échoué, en dépit de plusieurs interventions des présidents de la commission, M. Pourgourides, puis M. Chope. Après la fixation d’un dernier délai d’invitation au 12 mars 2012 par le président lors de la réunion de janvier 2012, la commission a été informée à l’occasion de sa réunion du 12 mars 2012 qu’une date de visite avait été prévue pour la première semaine de mai 2012. Malheureusement, une semaine avant la visite convenue, au cours de la partie de session d’avril 2012, la délégation azerbaïdjanaise a soumis l’octroi de mon visa à une nouvelle condition: je devais accepter d’examiner uniquement la définition théorique des prisonniers politiques et non les cas présumés de prisonniers politiques azerbaïdjanais. Je me suis fait un devoir d’insister pour effectuer une visite d’étude sur la base du double mandat qui m’avait été confié. Je n’ai finalement pas obtenu de visa et la visite déjà prévue pour la semaine suivante a dû être annulée. La commission, lors de sa réunion du 24 avril 2012, m’a autorisé à présenter mon rapport sans avoir effectué la visite d’étude habituelle.
4. A l’occasion de sa réunion du 21 mai 2012, la commission a finalement décidé de scinder mon double mandat et m’a demandé de présenter deux rapports distincts, l’un sur la définition des prisonniers politiques 
			(4) 
			Voir Doc. 13011 et Résolution
1900 (2012). et l’autre sur les cas présumés de prisonniers politiques. Comme l’a expliqué le Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire au cours de la même réunion, cette décision rétablit la situation qui existait avant la fusion des deux propositions du 24 juin 2010. En conséquence, la modification de l’intitulé à laquelle il avait été procédé en octobre 2011 n’est plus d’actualité.
5. Pour ce qui est du cadre géographique du présent rapport, la première des deux propositions sur lesquelles il repose se limite expressément à l’Azerbaïdjan. La deuxième, qui concerne la définition des prisonniers politiques, ne vise pas un pays précis. La décision de regrouper ces deux propositions dans un même rapport, prise en juin 2010, n’a entraîné aucune modification du cadre géographique. Le fait de rebaptiser en octobre 2011 le futur rapport (nouvel intitulé: «Revoir la question des prisonniers politiques») m’a permis d’étendre le cadre géographique possible de mon mandat, conformément à l’explication donnée par le président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, qui avait proposé le nouvel intitulé. Mais compte tenu de l’annulation, le 21 mai 2012, de la décision de fusionner les deux rapports, il n’y a plus lieu de modifier l’intitulé du rapport, ni d’en élargir éventuellement le cadre géographique.
6. En guise d’introduction, je donnerai un aperçu de la longue et douloureuse histoire de la question des prisonniers politiques en Arménie et en Azerbaïdjan (chapitre 1.2 ci-dessous) et je rappellerai les points de vue que j’ai défendus, et que la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a avalisés lors de sa réunion du 24 juin 2010, à propos de la répartition des tâches entre l’Assemblée et la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») (chapitre 1.3 ci-dessous). J’évoquerai, dans la première grande partie du présent rapport (chapitre 2 ci-dessous), la définition en vigueur, parfaitement admise, des prisonniers politiques, applicable en principe à l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, comme l’a réaffirmé la commission des questions juridiques et des droits de l’homme lors de sa réunion du 24 juin 2010. La deuxième grande partie (chapitre 3 ci-dessous) consistera en une application de ces critères à un certain nombre de cas et de catégories de cas de prisonniers politiques présumés en Azerbaïdjan.

1.2. Le contexte historique de la question des prisonniers politiques au Conseil de l’Europe: l’adhésion de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan

7. La question des prisonniers politiques au Conseil de l’Europe remonte aux négociations engagées lors de l’adhésion de l’Azerbaïdjan à l’Organisation. L’Azerbaïdjan s’était notamment engagé «à libérer ou rejuger ceux des prisonniers qui sont considérés comme des “prisonniers politiques” par des organisations de protection des droits de l’homme» 
			(5) 
			Paragraphe
14.4.b de l’Avis 222 (2000) de l'Assemblée.. En novembre 2000, le Comité des Ministres adoptait les Résolutions Res(2000)13 et Res(2000)14, qui invitaient simultanément l’Arménie et l’Azerbaïdjan à devenir Etats membres du Conseil de l’Europe, statut qui devait être confirmé une fois fixée la date d’adhésion. Afin de permettre à certains Etats de surmonter leurs réticences à l’égard de ces deux adhésions à l’époque, un compromis avait été obtenu au sein du Comité des Ministres, en vertu duquel il avait également été décidé en novembre 2000 que le Comité des Ministres assurerait le suivi régulier de l’évolution démocratique des deux pays. L’Arménie et l’Azerbaïdjan adhéraient au Conseil de l’Europe le 25 janvier 2001. Le Comité des Ministres ensuite approuvait, le 31 janvier 2001, l’initiative prise par le Secrétaire Général de nommer trois éminents «experts indépendants» 
			(6) 
			MM.
Stefan Trechsel, ancien Président de la Commission européenne des
droits de l'homme et juge au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
(TPIY), Evert Alkema, ancien membre du Conseil d'Etat néerlandais
et de la Commission européenne des droits de l'homme, et Alexander
Arabadjiev, ancien juge à la Cour constitutionnelle bulgare et actuellement
membre de la Cour de justice de l'Union européenne. chargés d’examiner les listes de cas de prisonniers politiques présumés établies par des organisations non gouvernementales (ONG) arméniennes et azerbaïdjanaises de défense des droits de l’homme 
			(7) 
			Pour de plus amples
précisions, voir le document publié par le Secrétaire Général du
Conseil de l'Europe, SG/Inf(2001)34 et ses addenda. Les quelques
affaires qui concernaient l'Arménie ont été rapidement réglées à
l'époque.. Avant cet examen, les experts indépendants avaient entrepris de déterminer, en agissant quasiment en qualité de juges, quelles personnes pouvaient «être considérées comme des prisonniers politiques sur la base de critères objectifs, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des normes du Conseil de l’Europe» 
			(8) 
			Voir la décision du
Comité des Ministres du 31 janvier 2001 (voir le document SG/Inf(2001)34,
Addendum I, p. 93).. Ils avaient alors procédé à l’examen des 716 cas figurant sur cette liste en vue de définir, en se fondant sur une série de critères préétablis et admis par l’ensemble des organes pertinents du Conseil de l’Europe et des autorités azerbaïdjanaises, si les détenus en question étaient effectivement des prisonniers «politiques» 
			(9) 
			Voir
le document SG/Inf(2004)21. . Le Comité des Ministres avait aussi créé un groupe spécial présidé par l’Ambassadeur italien de l’époque M. Ago («le groupe Ago») pour suivre la mise en œuvre de cet engagement. Malheureusement, les 716 cas n’ont pas tous été résolus en temps voulu. Vingt-trois cas de la liste initiale, qui en comptait 716, avaient été traités en priorité par les experts comme des «affaires pilotes». En avril 2003, une bonne partie de ces 716 affaires avaient été résolues et leur liste réduite à 212 cas, qui ont fait l’objet d’un deuxième mandat des experts. En juillet 2004, les experts ont remis la version définitive de leur rapport au Secrétaire Général. Outre les 20 avis émis à propos des affaires pilotes, ils ont rendu 104 avis relatifs aux 212 affaires qui leur avaient été transmises. Ils ont ainsi conclu que 62 détenus avaient la qualité de prisonniers politiques, ce qui n’était pas ou plus le cas de 62 autres personnes.
8. Une liste complémentaire de 88 nouvelles affaires de prisonniers politiques présumés a ensuite été établie par des ONG. Elle comporte les noms de personnes arrêtées ou condamnées avant le 1er janvier 2001 et qui avaient été omises par erreur de la liste initiale des 716 prisonniers politiques présumés ou qui ont été arrêtées ou condamnées entre le 1er janvier 2001 et le 14 avril 2002, date de l’entrée en vigueur de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») en Azerbaïdjan. Seule l’Assemblée parlementaire a procédé à une évaluation de cette liste, qui figure en annexe de son rapport de janvier 2004 (Doc. 10026). Dans sa Résolution 1359 (2004) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan, l’Assemblée avait invité en vain le Secrétaire Général de l’époque, M. Walter Schwimmer, à prolonger les travaux des experts indépendants en leur assignant un troisième mandat pour cette liste supplémentaire. L’Assemblée a présenté une autre liste de 107 nouveaux cas dans son rapport sur le «Suivi de la Résolution 1359 (2004) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan» 
			(10) 
			Suivi
de la Résolution 1359 (2004) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Doc. 10564 du 31 mai 2005 (rapporteur: Malcolm Bruce, Royaume-Uni,
ADLE)., qui a conduit à l’adoption de la Résolution 1457 (2005) et de la Recommandation 1711 (2005).
9. Depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan en 2001, l’Assemblée parlementaire a examiné à quatre reprises la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan: en janvier 2002, juin 2003, janvier 2004 et juin 2005 
			(11) 
			Voir: Résolution 1272 (2002) et Doc. 9310; Doc. 9826; Résolution
1359 (2004) et Doc. 10026; Résolution
1457 (2005), Recommandation
1711 (2005) et Doc. 10564.. Dans la dernière résolution consacrée à ce sujet, la Résolution 1457 (2005), l’Assemblée
«réaffirme fermement sa position de principe suivant laquelle les détenus qui ont été reconnus comme prisonniers politiques doivent être libérés. Elle demande aux autorités azerbaïdjanaises de trouver une issue rapide et définitive à la question des prisonniers politiques et prisonniers politiques présumés:
i. en libérant les trois prisonniers politiques restants, reconnus comme tels par les experts indépendants, ou en ouvrant la possibilité de voir leurs affaires réellement examinées par la Cour européenne des droits de l’homme, moyennant un procès en révision ou en appel, comme l’ont proposé les autorités azerbaïdjanaises;
ii. en libérant immédiatement, en application des dispositions du Code pénal relatives à la libération conditionnelle, les prisonniers politiques présumés qui ont déjà purgé plusieurs années de leur peine;
iii. en libérant ou en rejugeant les prisonniers politiques présumés dont les jugements sont contraires aux principes du droit à un procès équitable;
iv. en libérant, pour des raisons humanitaires, les prisonniers politiques présumés qui sont gravement malades;
v. en libérant ou en rejugeant les prisonniers politiques présumés qui ont été impliqués dans certains événements politiques à un degré moindre et très secondaire, sachant que les commanditaires présumés ont été eux-mêmes déjà graciés;
vi. en libérant les prisonniers politiques présumés qui n’ont d’autre lien avec les événements en question que d’être parent, ami ou simple connaissance des membres éminents de précédents gouvernements;
et elle salue l’engagement des autorités azerbaïdjanaises d’exploiter toutes les procédures juridiques possibles (amnistie, procès en révision devant les tribunaux de plus haute instance, libération conditionnelle, libération pour motif de santé, grâce) afin de résoudre ce problème».
10. En dépit de quelques avancées réalisées à la suite des diverses résolutions adoptées par l'Assemblée 
			(12) 
			Voir par exemple le
communiqué de presse des rapporteurs sur l’Azerbaïdjan du 5 janvier
2010 sur le décret de grâce présidentiel pris à l'occasion du Nouvel
An 2010: <a href='http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=5164'>http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=5164</a>. , cette question n'est toujours pas réglée, comme le rappellent dans les termes suivants les auteurs de l’une des propositions sur laquelle se fonde le présent rapport:
«Aucune suite n'a malheureusement été donnée aux recommandations de l'Assemblée. On n'a enregistré aucun résultat et le groupe d'action a été bien moins actif depuis l'adoption de la Résolution 1545 (2007). Il n'a eu que deux réunions. Aucun décret de grâce n'a été pris depuis le mois de mars 2007 en dépit de promesses de le faire.
Dans le même temps, la liste de prisonniers politiques allégués ne cesse de s'allonger. Certains journalistes qui ont été condamnés pour diffamation ont été déclarés prisonniers de conscience par Amnesty international. Au total, la liste de la Fédération azerbaïdjanaise d'organisations de défense des droits de l'homme comprend 72 prisonniers politiques, neuf prisonniers politiques probables et 10 ‘ex-prisonniers politiques’. Certains d'entre eux ont été arrêtés pour la seconde fois. Mme Faïna Kungurova, ex-prisonnière politique, est morte en prison (le 18 novembre 2007) dans des circonstances peu claires» 
			(13) 
			Voir la proposition
de résolution sur le suivi de la question des prisonniers politiques
en Azerbaïdjan, Doc.
11468..
11. En juin 2010, l'Assemblée a débattu d’un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan qui, dans son chapitre consacré aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, met en avant un certain nombre d'affaires de journalistes et de militants emprisonnés, qu'il convient de régler d'urgence 
			(14) 
			Voir le Doc. 12270 du 31 mai 2010 (corapporteurs Andreas Herkel (Estonie,
PPE/DC) et Joseph Debono Grech (Malte, SOC)), notamment les paragraphes
54-83, et la Résolution 1750
(2010), paragraphes 13-16.. A la suite de la visite des corapporteurs en Azerbaïdjan du 31 janvier au 2 février 2012, la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) a examiné une note d'information de ces derniers, datée du 25 avril 2012, qui évoque une fois de plus des cas de militants de l'opposition et de journalistes emprisonnés, ainsi que la nécessité pour la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de préciser la notion de prisonnier politique 
			(15) 
			Voir AS/Mon(2012)05
rev. (notamment les paragraphes 41-43 et 52-56)..
12. Le Commissaire aux droits de l'homme de l'époque, Thomas Hammarberg, a publié en mars 2010 et septembre 2011 deux rapports dans lesquels il dénonçait l'utilisation de chefs d'accusations inventés de toutes pièces pour arrêter et réduire au silence des candidats aux élections législatives, des journalistes et des membres de groupes de jeunesse 
			(16) 
			Voir
«Report by Thomas Hammarberg, Commissioner for Human Rights of the
Council of Europe, following his visit to Azerbaijan from 1 to 5
March 2010» (disponible en anglais uniquement: <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1642017'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1642017</a>) et «Observations on the human rights situation in Azerbaijan
– Freedom of expression, freedom of association, freedom of peaceful
assembly» (disponible en anglais uniquement: <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1839497'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1839497</a>).. Au vu de mes propres constatations, je souscris pleinement à la manière dont les conclusions et les recommandations 
			(17) 
			Voir
«Report by Thomas Hammarberg», ibid.,
paragraphes 76-93. du Commissaire résument les problèmes constatés.
13. Le 17 décembre 2009, le Parlement européen a indiqué que, «préoccupé par la détérioration de la liberté des médias en Azerbaïdjan, [il déplorait] les pratiques d'arrestation, de poursuite et de condamnation de journalistes d'opposition accusés de divers délits» et invitait les autorités d'Azerbaïdjan «à libérer sans délai les journalistes emprisonnés». Le 24 mai 2012, le Parlement européen a adopté une autre résolution 
			(18) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0228+0+DOC+XML+V0//FR'>www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2012-0228+0+DOC+XML+V0//FR</a> (voir notamment le paragraphe 6). qui critique vivement les récentes arrestations de journalistes et de militants en Azerbaïdjan et demande que les «personnes détenues pour des motifs politiques» soient libérées.
14. Parmi les affaires survenues récemment et qui méritent, selon moi, d'être traitées de toute urgence, figurent celles des jeunes journalistes d'Internet («blogueurs») et militants de la jeunesse qui ont été condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement pour «hooliganisme» après avoir été eux-mêmes victimes, sans provocation, d'une agression des forces de sécurité 
			(19) 
			Voir le communiqué
de presse d’«Article 19», du 12 novembre 2009 (<a href='http://www.article19.org'>www.article19.org</a>) et le communiqué de presse du rapporteur du 12 novembre
2009 (<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Press/StopPressVoir.asp?ID=2261'>http://assembly.coe.int/ASP/Press/StopPressVoir.asp?ID=2261</a>).. En novembre 2011, Amnesty International a lancé un appel urgent en faveur de la libération de 17 «prisonniers de conscience» 
			(20) 
			Voir
«The spring that never blossomed, freedoms suppressed in Azerbaijan: <a href='http://www.amnesty.org/en/library/asset/EUR55/011/2011/en/831dedec-1c7a-47a3-99ec-f59d1c2f3a19/eur550112011en.pdf'>www.amnesty.org/en/library/asset/EUR55/011/2011/en/831dedec-1c7a-47a3-99ec-f59d1c2f3a19/eur550112011en.pdf</a>. . Ces affaires récentes traduisent la persistance en Azerbaïdjan du problème structurel du recours à l'emprisonnement pour réduire au silence toute opposition.
15. Bon nombre des «cas anciens» ont fini par devenir des questions humanitaires urgentes au vu du temps que les intéressés ont déjà passé en prison et compte tenu de leur âge et de leur état de santé précaire. Il est parfaitement injuste de maintenir en prison des personnes qui, au moment où les infractions alléguées ont été commises, étaient extrêmement jeunes et auxquelles seule une complicité accessoire pouvait dans le pire des cas être reprochée, alors que la qualité de prisonniers politiques a été reconnue aux instigateurs et organisateurs, qui ont été libérés depuis longtemps. Il est tout aussi injuste de maintenir en prison des personnes arrêtées après expiration du mandat des experts indépendants et qui n'ont pu être prises en compte dans les travaux de ces derniers pour cette unique raison. Elles continuent de purger une peine pour avoir participé à la commission d’infractions dont les instigateurs et les organisateurs, là encore, ont été libérés depuis longtemps après que la qualité de prisonniers politiques leur avait été reconnue.

1.3. Répartition des tâches entre la Cour européenne des droits de l’homme et l’Assemblée parlementaire

16. Les critères retenus pour la définition des «prisonniers politiques» se réfèrent fréquemment à la Convention européenne des droits de l’homme. Est considérée comme un prisonnier politique une personne détenue en violation de la Convention (et notamment de ses articles 5, 6 et 10). Il va sans dire que l’interprétation authentique de la Convention relève de la seule compétence de la Cour européenne des droits de l’homme. Depuis l’entrée en vigueur de la Convention en Azerbaïdjan, la Cour est également compétente pour examiner les requêtes individuelles introduites par les personnes qui s’estiment victimes d’une violation de leurs droits consacrés par la Convention. Rappelons à cet égard que le 22 avril 2010, la Cour a conclu que M. Eynulla Fatullayev, incarcéré en avril 2007 après avoir écrit une série d’articles critiques à l’égard du pouvoir, avait été emprisonné à tort et a demandé sa libération immédiate 
			(21) 
			Voir Fatullayev c. Azerbaijan, Requête
no 40984/07, arrêt du 22 avril 2010.. Mais le fait qu’un certain nombre d’affaires de prisonniers politiques présumés soient encore pendantes devant les juridictions nationales ou la Cour européenne des droits de l’homme n’interdit pas en principe à l’Assemblée de procéder à l’évaluation politique d’un éventuel problème systémique: l’emprisonnement fréquent des opposants politiques et des journalistes indépendants, dû soit à l’absence de conformité des dispositions juridiques pertinentes avec les normes du Conseil de l’Europe, soit à une application incompatible avec ces normes des dispositions en question. Conformément à un usage bien établi au sein de l’Assemblée 
			(22) 
			Voir,
par exemple, les rapports sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan
cités dans la partie 2 ci-dessus et les rapports de Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger
sur «Les circonstances entourant l’arrestation et l’inculpation
de hauts dirigeants de loukos» (Doc. 10368, 29 novembre 2004), «Les enquêtes sur les crimes qui
auraient été commis par de hauts responsables sous le régime Koutchma
en Ukraine – l’affaire Gongadze: un exemple emblématique» (Doc. 11686, 11 juillet 2008), les «Allégations d'utilisation abusive
du système de justice pénale, motivée par des considérations politiques,
dans les Etats membres du Conseil de l'Europe» (Doc. 11993, 7 août 2009), ainsi que de Christos Pourgourides sur
«L’équité des procédures judiciaires dans les affaires d’espionnage
ou de divulgation de secrets d’Etat» (Doc. 11031, 25 septembre 2006) et «Le devoir des Etats membres
de coopérer avec la Cour européenne des Droits de l'Homme» (Doc. 11183, 9 février 2007), de Dick Marty sur les «Recours juridiques
en cas de violations des droits de l’homme dans la région du Caucase
du Nord» (Doc. 12276, 4 juin 2010) et d’Erik Jurgens sur la «Restitution
des dépôts en devises effectués dans les filiales de l’ancienne
Ljubljanska Banka situées en dehors du territoire de la Slovénie,
1977-1991» (Doc. 10135, 14 avril 2004)., les rapporteurs sont libres d’évoquer des affaires individuelles pour déceler et illustrer d’éventuelles violations structurelles, ainsi que de formuler des observations au sujet de ces affaires, en vue de proposer des solutions possibles. Bien entendu, l’Assemblée n’a aucune intention, lorsqu’elle porte une appréciation politique sur ces affaires en se fondant sur la Convention, de commettre une ingérence dans l’indépendance de la Cour, qu’elle a systématiquement affirmée et défendue. Comme la Cour est actuellement submergée par les requêtes individuelles de certains pays causées par des problèmes «systémiques», l’Assemblée peut faire œuvre utile en abordant de tels problèmes sur la base d’exemples soigneusement documentés et en proposant aux autorités nationales des solutions susceptibles de tarir à la source cet afflux massif de requêtes.

2. La notion de «prisonnier politique» selon la définition retenue par les experts indépendants du Conseil de l’Europe

17. Le juge Stefan Trechsel a présenté les conclusions établies par ses collègues et lui-même sur la définition et les critères de la notion de «prisonnier politique» lors de l’audition de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, le 24 juin 2010 à Strasbourg 
			(23) 
			Pour
une présentation complète de la question, voir Stefan Trechsel,
«La notion de “prisonnier politique” telle que définie en vue d’identifier
des prisonniers politiques en Arménie et en Azerbaïdjan», volume
14, Revue universelle des Droits de l’Homme (2002),
p. 169-176 (version anglaise dans le volume 23, Human Rights Law Journal (2002),
p. 293-300).. Les experts indépendants ont fondé leurs travaux sur ceux du professeur Carl Aage Nørgaard, qui était alors Président de la Commission européenne des droits de l’homme et avait été invité par le Conseil de sécurité des Nations Unies à définir la qualité de prisonnier «politique» en Namibie en 1989 et 1990. Le proche collaborateur du professeur Nørgaard, Andrew Grotrian, figure également parmi les experts entendus lors de l’audition du 24 juin. Le troisième expert présent lors de cette audition était M. Javier Gómez Bermúdez, juge, président de la chambre criminelle de l’Audiencia Nacional (Espagne). A la suite de ces échanges avec les experts, la commission a approuvé les conclusions de ma note introductive 
			(24) 
			Voir
le document AS/Jur (2010) 28, et tout particulièrement son paragraphe
17. et m’a invité à poursuivre mes travaux sur la base de ces critères objectifs.
18. Au cours de ces échanges, les experts sont convenus que les personnes condamnées pour des crimes violents, comme les actes terroristes, ne pouvaient prétendre à la qualité de «prisonniers politiques», même si elles affirmaient avoir agi pour des raisons «politiques». M. Gómez Bermúdez a précisé que ce principe était applicable aux Etats démocratiques dirigés par des gouvernements légitimes, où il ne saurait être question de «résistance légitime», comme ce fut le cas pour la «Résistance» française pendant la seconde guerre mondiale. Cet argument est étayé par l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme, intitulé «Interdiction de l’abus de droit» 
			(25) 
			Le texte intégral de
l'article 17 de la Convention est libellé comme suit: «Aucune des
dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée
comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un
droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte
visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la
présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits
et libertés que celles prévues à ladite Convention». .
19. Pour résumer 
			(26) 
			Le
rapport distinct que j'ai consacré à cette question donne une définition
plus précise des prisonniers politiques (Doc. 13011)., le cadre suivant a été établi par les experts indépendants sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme; il varie en fonction de la nature de l’infraction pour laquelle l’intéressé est emprisonné.

2.1. Infractions à caractère purement politique

20. Il s’agit des infractions qui concernent uniquement l’organisation politique de l’Etat, comme la «diffamation» à l’égard de ses instances ou d’autres infractions du même type.
21. Tous les auteurs d’infractions emprisonnés pour ces motifs n’ont pas la qualité de «prisonniers politiques». Le critère de la légalité de leur détention au regard de la Convention européenne des droits de l’homme, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme, permet de les distinguer. Le discours «à caractère politique», y compris lorsqu’il se montre extrêmement critique à l’égard de l’Etat et du pouvoir en place, est en principe protégé par l’article 10: son libellé n’en permet pas l’interdiction au nom d’un «besoin social impérieux» dans une «société démocratique» 
			(27) 
			Voir les arrêts de
la Cour européenne des droits de l'homme cités par Stefan Trechsel, op. cit., note 24.. Mais il arrive que le discours à caractère politique aille au-delà des limites fixées par la Convention, par exemple lorsqu’il incite à la violence, au racisme ou à la xénophobie 
			(28) 
			Voir le précédent cité
par Stefan Trechsel, op. cit.,
note 24. Plus récemment, la Cour a jugé admissible la condamnation
du responsable politique d'extrême droite Jean-Marie Le Pen pour
ses propos xénophobes (voir la décision sur la recevabilité du 7
mai 2010 dans l’affaire Le Pen c. France (Requête
no 18788/09); mais la Cour a également
jugé admissible, au regard de la Convention, la condamnation des
auteurs de propos critiques particulièrement virulents et diffamatoires
adressés à M. Le Pen (Lindon, Otchakovsky,
July c. France, Requêtes nos 21279/02
et 36448/02, arrêt du 22 octobre 2010 (Grande Chambre)). . Il convient de noter que, chaque fois que la Cour a jugé la répression de ce discours admissible au titre de la Convention, les peines infligées par les juridictions nationales étaient en grande partie symboliques. Comme l’interprétation de la Convention doit être cohérente et dépourvue de contradictions, une personne condamnée au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention ne peut être considérée comme détenue illégalement au regard de l’article 5 ni, par voie de conséquence, avoir la qualité de prisonnier politique. Il est cependant entendu que les peines infligées pour la tenue de propos à caractère politique qui ne bénéficient pas de la protection de l’article 10 peuvent être contraires à la Convention (et soulever la question du caractère «politique» du détenu concerné) lorsque la peine infligée est disproportionnée, discriminatoire ou le fruit d’un procès entaché d’iniquité.

2.2. Autres infractions à caractère politique

22. Il s’agit des infractions commises pour des motifs politiques (et non par intérêt personnel) et qui portent atteinte aussi bien aux intérêts de l’Etat qu’à ceux d’autres particuliers, comme c’est le cas des actes terroristes. Bien entendu, l’Etat territorialement compétent lorsque de tels actes sont commis n’est pas seulement habilité à poursuivre leurs auteurs, il en a également l’obligation positive. En conséquence, les personnes condamnées pour ce type d’infraction ou placées en détention provisoire parce qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis de telles infractions n’ont pas la qualité de prisonniers politiques. Ce principe souffre toutefois les mêmes exceptions que dans la catégorie précédente lorsque la peine est disproportionnée, discriminatoire ou infligée à l’issue d’un procès inique.

2.3. Infractions dépourvues de caractère politique

23. Les personnes placées en détention pour avoir commis des infractions dépourvues de caractère politique (c’est-à-dire toute autre infraction dans laquelle ni l’acte ni l’intention délictueuse n’ont une connotation politique) n’ont pas, en principe, la qualité de prisonniers politiques. Là encore, ce principe connaît un certain nombre d’exceptions. Une personne condamnée pour une infraction dépourvue de caractère politique peut avoir la qualité de prisonnier politique lorsque les pouvoirs publics l’incarcèrent pour des motifs politiques. Ceux-ci peuvent devenir évidents lorsque la peine prononcée est totalement disproportionnée par rapport à l’infraction commise ou lorsque la procédure est clairement entachée d’iniquité.

2.4. Charge de la preuve

24. La répartition de la charge de la preuve est particulièrement cruciale dans un domaine qui dépend en grande partie de la motivation «politique» ou autre de l’auteur de l’infraction ou des pouvoirs publics. L’approche retenue par les experts indépendants du Conseil de l’Europe est la suivante: il appartient en premier lieu à ceux qui affirment qu’une personne précise a la qualité de prisonnier politique de fournir un commencement de preuve. Ces éléments sont alors soumis à l’Etat concerné qui, à son tour, aura la possibilité de présenter des éléments de preuve qui réfutent cette allégation. Comme l’a résumé Stefan Trechsel 
			(29) 
			Ibid.,
p. 299.,
«sauf capacité de l’Etat défendeur à démontrer que la détention de l’intéressé est pleinement conforme aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, telles que les a interprétées la Cour européenne des droits de l’homme sur le fond de l’affaire, que les règles de proportionnalité et de non-discrimination ont été respectées et que la privation de liberté est le résultat d’une procédure régulière, l’intéressé devra être considéré comme un prisonnier politique».
25. Les personnes chargées d’établir le caractère politique d’une détention peuvent également appliquer, par analogie, la jurisprudence rendue par la Cour au sujet des présomptions de fait dans les affaires où l’Etat défendeur refuse de coopérer en mettant à disposition certains documents ou d’autres informations exclusivement détenus par les pouvoirs publics 
			(30) 
			Voir,
par exemple, les arrêts rendus par la Cour européenne des droits
de l’homme dans les affaires Orhan c.
Turquie  le 18 juin 2000 (Requête no 25656/94),
paragraphe 266, Timurtaş c. Turquie le
13 juin 2002 (Requête no 23531/94), paragraphes
66 et 70, et Khashiyev et Akayeva c.
Russie le 24 février 2005 (Requêtes nos 57942/00
et 57945/00), paragraphe 137..

2.5. Résumé des critères 
			(31) 
			SG/Inf(2001)34 du 27
octobre 2001, Cas de prisonniers politiques présumés en Arménie
et en Azerbaïdjan, I. Informations fournies par le Secrétaire Général,
II. Rapport des experts indépendants, MM. Stefan Trechsel, Evert
Alkema et Alexander Arabadjiev, paragraphe 10.

26. «Une personne privée de sa liberté individuelle doit être considérée comme un “prisonnier politique”:
a. si la détention a été imposée en violation de l’une des garanties fondamentales énoncées dans la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et ses Protocoles, en particulier la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression et d’information et la liberté de réunion et d’association;
b. si la détention a été imposée pour des raisons purement politiques sans rapport avec une infraction quelle qu’elle soit;
c. si, pour des raisons politiques, la durée de la détention ou ses conditions sont manifestement disproportionnées par rapport à l’infraction dont la personne a été reconnue coupable ou qu’elle est présumée avoir commise;
d. si, pour des raisons politiques, la personne est détenue dans des conditions créant une discrimination par rapport à d’autres personnes; ou,
e. si la détention est l’aboutissement d’une procédure qui était manifestement entachée d’irrégularités et que cela semble être lié aux motivations politiques des autorités.»

			(32) 
			Par sa Résolution 1900 (2012), l’Assemblée a réaffirmé son adhésion à ces critères.
27. Le fait d’affirmer qu’une personne est un «prisonnier politique» doit se fonder sur des indices sérieux; il appartient dès lors à l’Etat dans lequel la personne est détenue de prouver que la détention est pleinement conforme aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme sur le fond de l’affaire, que les principes de proportionnalité et de non-discrimination ont été respectés et que la privation de liberté est le résultat d’une procédure équitable.
28. L’examen attentif de ces critères montre qu’une personne à laquelle la qualité de prisonnier «politique» est reconnue n’est pas nécessairement «innocente». La dimension politique d’une affaire peut résider, par exemple, dans l’application sélective du droit, dans le fait d’infliger à l’intéressé une lourde peine, disproportionnée par rapport à celle à laquelle seraient condamnées pour une infraction similaire des personnes dépourvues d’antécédents «politiques», ou dans l’absence d’équité de la procédure, qui peut néanmoins aboutir à la condamnation d’un coupable. Par conséquent, le fait de reconnaître à un détenu la qualité de prisonnier «politique» n’impose pas nécessairement qu’il soit immédiatement libéré: la façon la plus appropriée de remédier à cette situation est sans doute de le juger une nouvelle fois au cours d’un procès équitable. Cela dit, compte tenu du temps que bon nombre de ces prisonniers ont déjà passé en prison, le fait de les libérer d’urgence, même s’ils sont effectivement «coupables» des crimes qui leur sont reprochés, est désormais souvent le seul moyen de dissiper le soupçon que le traitement particulièrement dur qui leur a été appliqué l’a été pour des raisons «politiques».

2.6. Acceptation générale des critères retenus par les experts indépendants

29. Les critères résumés ci-dessus ont été transmis à l’ensemble des parties concernées. Comme le précise le document d’information du Secrétaire Général sur les conclusions des travaux réalisés par les experts indépendants, «[a]ucune objection de fond n’a été soulevée [au sujet de ces critères]» 
			(33) 
			Voir note 32 ci-dessus.
Rapport des experts indépendants, paragraphe 11.. Lors de leur 765e réunion du 21 septembre 2001 
			(34) 
			Document
CM/Del/Dec(2001)765bis, point 2.4, du 21 septembre 2001., les Délégués ont «[pris] note avec satisfaction du rapport des experts indépendants du Secrétaire Général sur les prisonniers politiques présumés en Arménie et Azerbaïdjan, tel qu’il figure dans le document [SG/Inf(2001)34 et les Addendum I et Addendum II] (…)» et ont adopté la déclaration suivante sur cette question:
«Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a appris avec satisfaction que le Président de la République d’Azerbaïdjan a, le 17 août 2001, par décret accordé son pardon à 89 prisonniers politiques, dont 66 ont été libérés et 23 ont vu leur peine réduite (…)» (caractère gras ajouté pour souligner le fait que le terme «prisonniers politiques» a été utilisé par le Comité des Ministres lui-même)
30. Trois ans plus tard, au terme du deuxième mandat des experts indépendants, le document d’information établi par le Secrétaire Général réaffirme que «[c]es critères ont été acceptés par les autorités azerbaïdjanaises et toutes les instances du Conseil de l’Europe» 
			(35) 
			SG/Inf(2004)21 du 13
juillet 2004, paragraphe 8.. Les résolutions ultérieures de l’Assemblée parlementaire se fondaient également sur ces critères généralement admis, établis par les experts indépendants 
			(36) 
			Voir, par exemple,
la Résolution 1359 (2004), fin du paragraphe 3: «L’Assemblée estime que les critères
objectifs adoptés pour définir les “prisonniers politiques” en Arménie
et en Azerbaïdjan sont valides»; Résolution 1457 (2005), paragraphes 4 et 11. .
31. Au cours de mon mandat actuel de rapporteur, certains membres de la commission ont tenté à plusieurs reprises de rouvrir la question de la définition des prisonniers politiques 
			(37) 
			Lors des réunions de
la commission du 24 juin 2010, du 8 mars 2011, du 5 octobre 2011
et du 26 janvier 2012.. Mais je reste convaincu que toute tentative de «réinventer la roue» aurait pour seul effet de nous détourner de l’importante mission qui est la nôtre: aider l’Azerbaïdjan à régler de façon durable sa question des prisonniers politiques.
32. Je tiens à rappeler à ce propos qu’il ne fait aucun doute que les terroristes de l’ETA, du PKK ou de n’importe quelle autre organisation terroriste n’entrent pas dans le champ d’application de la définition des prisonniers politiques, même s’ils affirment avoir commis leurs crimes odieux pour des raisons «politiques». Toutefois, les personnes accusées d’avoir commis des actes terroristes et condamnées, pour des motivations politiques, invoquées cette fois par les autorités, sur la base d’un procès inique et de preuves douteuses («aveux» extorqués sous la torture ou témoignages obtenus sous la contrainte, par exemple) peuvent parfaitement être présumées «prisonniers politiques» si des indices suffisants conduisent à penser que ces violations ont bel et bien eu lieu.

3. Application de la définition à un certain nombre de cas présumés de prisonniers politiques

3.1. Méthodologie

33. Au cours de l’enquête menée pour la préparation du présent rapport, j’ai proposé aux autorités azerbaïdjanaises de suivre une procédure en six étapes:
  • Première étape: établir un «projet de liste récapitulative des prisonniers politiques présumés», à partir des listes de prisonniers politiques présumés présentées par les différentes ONG.
  • Deuxième étape: transmettre le «projet de liste récapitulative» aux autorités azerbaïdjanaises pour qu’elles y apportent leurs observations.
  • Troisième étape: communiquer les observations des autorités aux ONG ayant transmis les noms des intéressés, en leur demandant de se prononcer sur ces observations.
  • Quatrième étape: au cours de la visite d’étude prévue à Bakou, examiner avec les représentants des autorités et de la société civile les résultats obtenus de la première à la troisième étape.
  • Cinquième étape: analyser les informations obtenues et apprécier chaque cas à la lumière des critères réaffirmés par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme lors de sa réunion de juin 2010.
  • Sixième étape: présenter les conclusions sous la forme d’un projet de résolution et d’un rapport, pour adoption par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, puis par l’Assemblée parlementaire.
34. Malheureusement, les autorités n’ont pas transmis leurs observations sur la liste que je leur ai fournie en décembre 2011. L’expert sélectionné par les autorités et invité à l’audition de janvier 2012 a lui aussi choisi d’examiner uniquement les questions d’ordre général et n’a pas commenté sur le fond les cas que j’avais soulevés. Comme je l’ai déjà indiqué 
			(38) 
			Voir
plus haut paragraphe 1., les autorités azerbaïdjanaises ne m’ont pas non plus autorisé à effectuer une visite d’étude à Bakou, ce qui leur aurait pourtant donné une autre occasion de me présenter un point de vue officiel sur les affaires en question.
35. J’ai en revanche reçu de nombreuses observations, des précisions supplémentaires, des éclaircissements et d’autres explications au sujet des différentes catégories de cas de la part des organisations non gouvernementales, que j’ai consultées avant et après l’audition de janvier 2012. Les 10 et 11 mai 2012, notamment, j’ai eu l’occasion de travailler avec deux défenseurs azerbaïdjanais des droits de l’homme, qui se sont rendus à Berlin et nous ont transmis, à mes collaborateurs et moi-même, une profusion d’informations sur un certain nombre de cas choisis. J’aimerais remercier MM. Anar Mammadli et Anar Gasimli pour le professionnalisme et la patience dont ils ont fait preuve en faisant face au rythme soutenu des questions que nous leur avons posées pendant ces deux jours de travail intense 
			(39) 
			J’aimerais également
remercier les organisations internationales non gouvernementales
ARTICLE 19, Index on Censorship, Human Rights House Foundation et
Human Rights Watch d’avoir financé très rapidement, avec le soutien
de la Plate-forme de solidarité, le voyage d'études de M. Mammadli
et de M. Gasimli..
36. Dans la mesure où les affaires en question remontent aux mandats successifs des experts indépendants du Conseil de l’Europe, je me suis appuyé en grande partie sur les études de cas des experts. Je n’ai pas cherché à remettre en cause a posteriori les conclusions des éminents experts indépendants, qui ont bénéficié pour leurs travaux de ressources bien supérieures à celles dont je disposais en qualité de rapporteur de l’Assemblée. Les représentants des ONG qui avaient auparavant collaboré avec les experts indépendants m’ont indiqué sur la base de solides éléments que l’absence de reconnaissance de la qualité de prisonnier politique a parfois uniquement été due au fait que les intéressés n’avaient pas fourni aux experts les informations qui leur permettaient de constater l’existence d’un «commencement de preuve» 
			(40) 
			Voir
plus haut point 2.4.. D’après les ONG, cela peut s’expliquer par un manque de conseils juridiques ou d’assistance prodigués aux intéressés par certaines ONG, qui ne font pas toutes preuve du même professionnalisme et de la même objectivité. Certaines personnes dont les noms figuraient sur la liste ont pu avoir, à tort, l’impression que leur inscription sur cette liste entraînerait automatiquement leur libération. Comme cette occasion représente peut-être pour elles une dernière chance d’être libérées, j’ai décidé de les faire figurer sur le «projet de liste récapitulative des prisonniers politiques supposés» transmis aux autorités et aux représentants de la société civile pour observations. Lorsque je disposais dans ces affaires d’éléments suffisants pour me permettre de conclure qu’un commencement de preuve permettait de considérer que les cas de ces intéressés étaient de nature «politique», alors que les autorités ne fournissaient aucun élément qui démontrait le contraire, je les ai inscrits sur la version définitive de ma liste. Ces affaires englobaient notamment le cas de très jeunes (à l’époque des faits) soldats des forces spéciales du ministère de l’Intérieur (“OPON”), qui avaient pris part à un coup d’Etat avorté en 1995, en obéissant aux ordres de leurs supérieurs. Alors que leurs officiers supérieurs, c’est-à-dire les organisateurs et les instigateurs de cette tentative de coup d’Etat, ont été libéré depuis longtemps après que la qualité de «prisonniers politiques» leur a été reconnue par le Conseil de l’Europe, plusieurs hommes de troupe et chauffeurs, notamment, sont toujours en prison. Il convient de les libérer eux aussi, sous peine de faire preuve à leur égard de discrimination, à moins qu’ils n’aient été condamnés à l’occasion d’un procès équitable pour des infractions commises à l’occasion de la tentative de coup d’Etat pour laquelle la responsabilité de leurs chefs n’a pu être engagée.
37. Comme je l’ai indiqué plus haut 
			(41) 
			Voir plus haut paragraphe
16., j’ai conscience que cette Assemblée n’est pas une juridiction. C’est pourquoi je n’établirai pas de conclusion définitive sur les cas de prisonniers politiques présumés portés à mon attention. Mais j’ai réuni un nombre considérable d’informations puisées auprès de plusieurs sources différentes. Comme les autorités azerbaïdjanaises ne m’ont pas fait connaître leur point de vue sur les informations que je leur ai transmises 
			(42) 
			Voir plus haut les
paragraphes 33 et 34., j’ai appliqué, mutatis mutandis, le principe juridique de la présomption de fait auquel la Cour européenne des droits de l’homme recourt lorsque l’Etat défendeur ne donne pas une autre version crédible des faits présentés par le requérant 
			(43) 
			Voir
le rapport de Christos Pourgourides (Chypre, PPE/DC) sur le devoir
des Etats membres de coopérer avec la Cour européenne des droits
de l'homme (Doc. 11183, 9 février 2007, paragraphes 77-83 (qui renvoie à des
affaires dans lesquelles la Cour européenne des droits de l'homme
a statué)).. A la lumière de ce principe, l’examen attentif de toutes les informations dont je disposais m’a donc conduit à reconnaître à un certain nombre de personnes la qualité de prisonniers politiques «présumés» 
			(44) 
			La
même terminologie a été utilisée par mon prédécesseur, le rapporteur
Malcolm Bruce, dans son dernier rapport consacré au «Suivi de la
Résolution 1359 (2004) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan»
(Doc. 10564 du 31 mai 2005), qui a rencontré la même difficulté. . Il convient en effet de libérer ces personnes ou tout au moins de les juger une nouvelle fois au cours d’un procès équitable, à moins que les autorités ne parviennent à réfuter point par point les éléments spécifiques sur lesquels se fonde mon appréciation. Comme les autorités azerbaïdjanaises n’ont pas fait cette démarche lors de l’élaboration du présent rapport, elles devront à présent l’effectuer dans le cadre du suivi de ce rapport, si elles ne veulent pas être tenues pour absolument responsables d’avoir permis que, dans un Etat membre du Conseil de l’Europe, des cas de prisonniers politiques présumés ne trouvent aucune issue. Il appartiendra à d’autres de déterminer en temps utile les conséquences d’une telle situation.
38. Les cas de prisonniers politiques présumés seront exposés dans ce rapport par catégorie, afin de les replacer plus clairement dans leur contexte politique. Faute de place, seuls un ou deux cas particulièrement représentatifs de chaque catégorie pourront être présentés en détail. Pour faciliter les renvois, une liste alphabétique de tous les cas examinés figure en annexe 
			(45) 
			Les noms des personnes
mentionnées ont été orthographiés de façon différente par les autorités
et les ONG, selon que leur transcription a été faite en anglais
ou en allemand et depuis le russe ou l’azéri. J'ai utilisé les orthographes
les plus répandues (en ajoutant entre parenthèses une autre orthographe,
de manière à éviter toute méprise).. Le rapport principal comporte uniquement les cas des personnes qui, au moment de sa rédaction, étaient toujours emprisonnées. J’ai cependant établi une deuxième liste en annexe qui énumère les personnes qui satisfont aux critères des «prisonniers politiques», mais qui ne sont plus en prison, soit parce qu’elles ont purgé leur peine, soit parce qu’elles ont été graciées. L’existence même de ces cas est une illustration supplémentaire des problèmes systémiques que ce rapport entend aborder. Cette même raison m’a amené à regrouper certains cas dans une «liste d’observation» de personnes qui restent placées en détention provisoire et n’ont pas encore été condamnées. Quoi qu’il en soit, les listes que j’ai établies n’ont pas l’ambition d’être exhaustives; il est de fait très probable qu’un certain nombre d’affaires aient échappé à mon attention.

3.2. Les cas de prisonniers politiques présumés

39. La présentation des cas de prisonniers politiques présumés sera scindée en deux grandes parties: les nouveaux cas, qui se sont produits après le dernier rapport de l’Assemblée de 2005, et les cas plus anciens, qui remontent à l’époque des experts indépendants du Conseil de l’Europe ou sont liés à ces affaires.

3.2.1. Les nouveaux cas

40. Les «nouveaux» cas de prisonniers politiques présumés sont répartis en cinq catégories principales. La première comprend les cas des responsables ou des militants des principaux partis d’opposition laïcs (notamment «Musavat» et le «Front populaire»). La deuxième catégorie regroupe les cas de militants des droits civiques (y compris les membres d’«Assemblée des citoyens»/Ictimai Palata, qui réunit plusieurs groupes de la société civile et de l’opposition, mais pas la totalité d’entre eux). La troisième catégorie comprend les journalistes (dont plusieurs figurent sur ma «liste d’observation» des personnes placées en détention provisoire). La quatrième catégorie comporte différentes séries d’affaires qui concernent des militants islamistes, tandis que la cinquième et dernière catégorie regroupe d’autres cas emblématiques, comme ceux d’anciens ministres qui ont pris leurs distances avec le pouvoir actuel.

3.2.1.1. Les cas de responsables et militants des principaux partis d’opposition laïcs

41. Dans cette catégorie figurent un certain nombre de jeunes arrêtés au cours de la manifestation pacifique générale organisée par l’«Assemblée des citoyens» le 2 avril 2011, alors que les autorités craignaient que le «Printemps arabe» ne se propage à l’Azerbaïdjan. Il leur est principalement reproché d’avoir provoqué des «troubles» lors de cette manifestation ou d’y avoir participé.

Cas n° 1: Abbasli (Abbasly), Tural

42. M. Abbasli, président de l’organisation de jeunesse du parti d’opposition «Musavat», était étudiant à l’université de Bakou (Master de journalisme); il en a été exclu au moment de son arrestation. Il a été arrêté le 2 avril 2011, tout au début du rassemblement organisé par l’«Assemblée des citoyens», alors qu’il scandait des slogans en faveur de la liberté et de la démission du gouvernement. D’après ses avocats, deux policiers l’ont frappé à coups de matraque et l’ont conduit au commissariat de police du district de Yasamal, où il a à nouveau été frappé, cette fois par le responsable du commissariat. Lorsque son avocat, M. Gasimli, s’est rendu au commissariat, il a constaté des traces de coups (autour des yeux et sur les jambes de M. Abbasli) et a demandé à un enquêteur l’autorisation de prendre des photos, ce qui lui a été refusé. L’enquêteur a également refusé d’être photographié. Au cours du procès, M. Abbasli a informé le juge qu’il avait été frappé. Le juge a ordonné au procureur d’ouvrir une enquête par écrit, ce que le parquet a refusé. Selon le parquet, les traces de coups, dont la présence avait été entre-temps confirmée par un expert, ont été causées par M. Abbasli lui-même, alors qu’il opposait une résistance au moment de son arrestation.
43. Le 7 septembre 2011, M. Abbasli a été reconnu coupable du délit prévu à l’article 233 du Code pénal (organisation d’un acte ayant entraîné un trouble à l’ordre public) et condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement.
44. La peine maximale encourue au titre de l’article 233 du Code pénal est de trois ans d’emprisonnement. Cette disposition offre plusieurs alternatives à l’emprisonnement, comme une amende, des travaux d’intérêt général ou une peine maximale de deux ans de restriction de liberté. Quatorze personnes au total ont été arrêtées à l’occasion du rassemblement du 2 avril, dont quatre en qualité d’organisateurs et les 10 autres pour y avoir pris une «part active». Trois des quatre «organisateurs», M. Abbasli, M. Hajili (cas no 34) et M. Majidli (cas no 64), ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement; le quatrième, M. Fuad Gahramanli, a uniquement été assigné à résidence, alors qu’il était l’un des organisateurs officiels de la manifestation. Les défenseurs des droits de l’homme estiment que cette différence de traitement correspond à une stratégie «diviser pour régner», pour favoriser les rumeurs de collusion avec les autorités, de manière à faire régner la méfiance entre les militants de l’opposition.
45. En revanche, le fait d’avoir reconnu M. Abbasli coupable d’avoir été un «organisateur» de ce rassemblement est une erreur judiciaire manifeste: au moment où le comité d’organisation de la manifestation se réunissait et décidait de la tenue de ce rassemblement le 2 avril 2011, c’est-à-dire le 18 mars 2011, M. Abbasli était en réalité placé en détention administrative. Il avait été arrêté le 12 mars 2011 à la suite d’un rassemblement des organisations de jeunesse le 11 mars 2011 et n’avait été remis en liberté que le 19 mars 2011.
46. Les lourdes peines prononcées contre les organisateurs et les participants du rassemblement du 2 avril ont été motivées par les prétendues «violences» commises par certains participants. D’après les avocats et les ONG, qui nous ont fourni les séquences filmées des événements 
			(46) 
			Disponible
sur <a href='http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=HMOmAQXUku0'>www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=HMOmAQXUku0</a>. qui semblent confirmer leurs dires, cette manifestation correspondait un exercice pacifique du droit à la liberté d’expression. Alors que des vitrines étaient brisées à la fin de la manifestation par des personnes inconnues des organisateurs (et soupçonnées d’être des «agents provocateurs»), certains policiers ont frappé les manifestants, qui se sont contentés de lever les bras pour se protéger des coups de matraque. Les dépositions de certains témoins de l’accusation, propriétaires d’échoppes dans un marché proche du lieu de la manifestation, qui ont affirmé que l’accès à leur échoppe avait été perturbé à un point tel qu’ils avaient été obligés de les fermer provisoirement, ont été «parfaitement répétées» selon les avocats. En tout état de cause, aucune des personnes condamnées pour avoir organisé ou pris une part active à cette manifestation n’a été accusée d’avoir commis des actes de violence et encore moins condamnée pour violence.
47. Amnesty International a reconnu à M. Abbasli la qualité de «prisonnier de conscience». Je le considère également comme un prisonnier politique présumé au regard des «critères Trechsel». Le fait d’organiser un événement ou d’y participer en exerçant son droit à l’expression pacifique de ses opinions ne devrait pas être incriminé et ne devrait assurément pas donner lieu à des peines d’emprisonnement aussi lourdes. Les vices de procédure et l’établissement illogique des faits corroborent encore la présomption du caractère politique de cette affaire.

Cas n° 23: Eyvazli Zulfugar (Zulfuqar) / Eyvazov Zulfigar

48. M. Eyvazli est président de la section du parti d’opposition Front populaire (AXCP/PPFA) du district de Nizami. Il a été condamné à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement pour avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus).

Cas n° 33: Hajili (Hajily), Arif

49. M. Hajili dirige l’appareil central du parti Musavat; il a été arrêté au cours du rassemblement «Assemblée des citoyens» le 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement. M. Hajili avait été auparavant arrêté lors d’un rassemblement de protestation organisé à la suite de l’élection présidentielle de 2003 et condamné à une peine d’un an d’emprisonnement.
50. Le 10 janvier 2012, la Cour européenne des droits de l’homme a statué en faveur de M. Hajili 
			(47) 
			Hajili
c. Azerbaïdjan, Requête no 6984/06,
arrêt du 10 janvier 2012., en concluant à la violation de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention (droit à des élections libres). Bien que cette affaire ne soit pas liée au motif de son emprisonnement, elle illustre le conflit politique qui oppose M. Hajili aux autorités azerbaïdjanaises.
51. Amnesty International a reconnu à M. Hajili la qualité de «prisonnier de conscience». Il est également un prisonnier politique présumé, compte tenu du caractère politique de son action, de la peine disproportionnée qui lui a été infligée et du contexte dans lequel s’est inscrit son procès et celui d’autres militants, sur fond de conflit antérieur avec les autorités à propos du droit à des élections libres.

Cas n° 34: Hajibeyli, Rufet (Rufat)

52. M. Hajibeyli a pris part aux activités des partis et mouvements d’opposition; il a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et a été condamné à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement.

Cas n° 35: Hasanli, Shahin

53. M. Hasanli, responsable de direction du parti d’opposition Front populaire, a été arrêté avant la manifestation du 2 avril 2011, alors qu’il passait la nuit chez sa mère à l’extérieur de Bakou. Il avait quitté son domicile après avoir été averti de son arrestation. Lorsque la police a investi la maison de sa mère durant la nuit, il n’a opposé aucune résistance, mais a refusé de signer le procès-verbal de perquisition en raison de l’absence des témoins indépendants prévus par la loi. Au cours de la perquisition litigieuse, la police a trouvé une cartouche. Des témoins de cette perquisition ont comparu lors du procès, mais la défense a déclaré qu’ils ne se trouvaient pas sur les lieux au moment de la perquisition. Le 21 juillet 2011, M. Hasanli a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus), de n’avoir pas exécuté un ordre donné par la police et de détention illicite de munitions; il a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement.
54. La nature politique de l’acte dont il a été reconnu coupable et le caractère disproportionné de la lourde peine d’emprisonnement à laquelle il a été condamné font de lui un prisonnier politique présumé (curieusement, alors qu’il était effectivement un «organisateur» officiel de la manifestation du 2 avril, il ne s’y trouvait pas puisqu’il avait été arrêté auparavant et condamné pour y avoir pris une «part active»). Le fait qu’il ait été déclaré coupable de détention de munitions semble particulièrement suspect au regard des circonstances: outre l’absence alléguée des témoins, pourquoi aurait-il apporté une cartouche dans la maison de sa mère s’il avait des raisons de craindre une arrestation imminente?

Cas n° 36: Hasanov, Babek

55. M. Hasanov est militant d’un parti d’opposition; il a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et condamné à une peine d’un an et demi d’emprisonnement.

Cas n° 57: Kerimov, Sahib

56. M. Kerimov est militant d’un parti d’opposition; il a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement.

Cas n° 60: Majidli, Elnur

57. M. Majidli est militant d’un parti d’opposition; il a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et condamné à une peine d’un an et demi d’emprisonnement.

Cas n° 61: Majidli, Mahammad (Mohammad)

58. M. Majidli est vice-président du parti d’opposition Front populaire (AXCP/PPFA); il a été reconnu coupable d’avoir été l’un des organisateurs de la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement.

Cas n° 64: Mammadli (Mamedli), Ahad

59. M. Mammadli est un membre actif du parti d’opposition Musavat; il a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et d’avoir opposé une résistance par la force à des agents de l’Etat (article 315 du Code pénal); il a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement.

Cas n° 80: Quliyev, Ulvi

60. M. Quliyev est un militant de l’opposition. Il a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 (voir le cas no 1 ci-dessus) et d’avoir opposé une résistance par la force à des agents de l’Etat (article 315 du Code pénal); il a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement.

3.2.1.2. Les cas de militants des droits civiques

Cas n° 43: Iskenderov (Isganderov), Vivadi

61. M. Iskenderov a été candidat indépendant aux élections législatives de 2010. Il est président de l’association publique «Aide à la protection de la démocratie» et milite pour la défense des droits civiques; il a été reconnu coupable le 27 août 2011 de «pressions exercées sur les électeurs» (article 159.3, du Code pénal), d’«ingérence auprès des membres d’une commission électorale» (article 160.1), de «voies de fait et violence physique» (article 132) et condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement.
62. Selon ses avocats, les événements suivants se sont déroulés dans un bureau de vote du district d’Agdash-Goychay pendant les élections législatives de 2010: M. Iskenderov, qui était habilité, en sa qualité de candidat, à être présent dans le bureau de vote, a constaté un bourrage des urnes. Il a demandé l’annulation des résultats de ce bureau de vote et a entamé une discussion avec les membres de la commission électorale qui s’y trouvaient. Des personnes non autorisées présentes dans le bureau de vote l’ont contraint à quitter les lieux, tandis que M. Iskenderov tentait de protéger passivement son intégrité physique et son droit à être présent dans le bureau de vote. Les témoins cités par l’accusation lors du procès avaient un lien de parenté avec les membres de la commission électorale et les observateurs autorisés présents dans le bureau de vote n’ont pas confirmé que M. Iskenderov ait frappé qui que ce soit. L’allégation de bourrage des urnes dans ce bureau de vote n’a fait l’objet d’aucune enquête, malgré les preuves (notamment les enregistrements vidéo) produites par M. Iskenderov.
63. Les autorités étaient semble-t-il mécontentes du fait que M. Iskenderov dispense gratuitement des conseils juridiques aux habitants de la région de Goychay-Kurdemir.
64. Compte tenu de la connotation politique des faits dont il a été reconnu coupable, de ses activités de militant politique et des droits civiques, ainsi que de la lourde peine qui lui a été infligée à l’issue d’un procès suspect, apparemment pour le punir de son insistance à dénoncer une fraude électorale, je considère M. Iskenderov comme un prisonnier politique présumé.

3.2.1.3. «Liste d’observation»: personnes placées en détention provisoire, arrêtés dans des circonstances suspectes, mais pas encore condamnées

65. Human Rights Watch (HRW) m’a demandé de signaler les deux cas suivants de militants des droits civiques arrêtés dans des circonstances suspectes:

Cas n° 54: Khasmammadov, Taleh

66. M. Khasmammadov est avocat, défenseur des droits de l’homme et blogueur à Goychay; il a été arrêté en novembre 2011 sous le chef d’accusation de «hooliganisme» et voies de fait sur un agent public. M. Khasmammadov est spécialisé dans les enquêtes menées en cas d’allégation de violence et d’activités illégales commises par des fonctionnaires de police. Je partage les craintes de HRW: il se peut qu’il soit victime de représailles de la part des forces de l’ordre mécontentes de ses enquêtes.

Cas n° 62: Mamedov, Bakthiar

67. M. Mamedov, de Bakou, est également avocat; il a défendu les droits de deux familles victimes d’une expulsion illégale dans le district de Bail à Bakou. Selon Amnesty International, il a été arrêté le 30 décembre 2011 sous le chef d’accusation apparemment fallacieux d’extorsion et de fraude et se trouve toujours placé en détention provisoire.

Cas n° 29: Gulaliyev, Ogtay

68. Human Rights House (HRH) et plusieurs autres ONG m’ont également demandé d’inscrire d’urgence le cas suivant sur notre «liste d’observation».
69. M. Gulaliyev est un défenseur des droits de l’homme bien connu, qui assure la coordination du centre «Kura», dont le but est d’aider les victimes des inondations d’avril et mai 2010 à obtenir l’aide que l’Etat leur a promis. Après avoir dénoncé de graves irrégularités de gestion et des actes de corruption, il a été arrêté le 8 avril 2012. Le traitement qui lui a été réservé en détention et le déroulement de l’enquête sont extrêmement inquiétants 
			(48) 
			Human Rights House
m'a transmis une note d'information écrite et détaillée sur cette
affaire, ce qui me permettra de continuer à la suivre, y compris
au cours des suites données au présent rapport. . Il a été mis en liberté le 13 juin 2012 par le tribunal de Sabirabad, mais les poursuites contre lui continueraient selon les informations que j’ai reçues juste avant l’adoption de ce rapport.

Cas n° 84: Seyidov, Elnur

70. Un groupe de membres éminents du Conseil de coordination d’«Assemblée des citoyens» d’Azerbaïdjan m’a demandé d’attirer l’attention sur l’affaire suivante, qui concerne le beau-frère d’un important responsable politique de l’opposition, M. Ali Karimli, qui subirait depuis plusieurs années des pressions exercées par les autorités.
71. M. Seyidov, qui n’a aucune activité politique et souffre d’une grave incapacité physique (sclérose en plaques), aurait été arrêté le 27 mars 2012 sous le chef d’accusation de fraude apparemment inventé de toutes pièces. D’après de nombreux observateurs, cette arrestation visait à faire pression sur M. Ali Karimli. Cette affaire fait l’objet d’une enquête du ministère de la Sûreté nationale, au mépris des dispositions classiques de la procédure pénale.

3.2.1.4. Les cas de journalistes emprisonnés

72. Tous les cas suivants, à l’exception du premier, m’ont été communiqués par Human Rights Watch en avril 2012. Je les ai également examinés en détail avec les deux avocats de Bakou venus à Berlin les 10 et 11 mai 2012. Contrairement aux autres cas évoqués dans le présent rapport, il ne figurait pas dans les listes initiales de cas supposés de prisonniers politiques présentées par les ONG azerbaïdjanaises qui ont participé à l’audition de janvier 2012.

Cas n° 21: Bayramov, Ramin

73. M. Bayramov est éditeur du site Web «Islamazeri.az». Il a été arrêté le 11 juillet 2011 et condamné le 26 janvier 2012 à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement pour détention de drogue et d’armes à feu. Selon les observateurs 
			(49) 
			Voir le communiqué
de presse de Reporters sans frontières du 9 mars 2012: « Azerbaïdjan:
un journaliste en ligne condamné à un an et demi de prison » (<a href='http://fr.rsf.org/azerbaidjan-un-journaliste-en-ligne-condamne-a-09-03-2012,42046.html'>http://fr.rsf.org/azerbaidjan-un-journaliste-en-ligne-condamne-a-09-03-2012,42046.html</a>)., on peut s’interroger sur les véritables raisons de son arrestation, qui a eu lieu le même jour que celle des dirigeants du Parti islamique d’Azerbaïdjan (PIA) 
			(50) 
			Voir les paragraphes
88-104 ci-dessous.. Le ministère de la Sûreté nationale soupçonnait au départ M. Bayramov d’entretenir des liens avec le Centre culturel iranien de Bakou et de faire partie du groupe chiite radical «Jafari», mais il a ensuite été accusé de détention de drogue et d’armes à feu.
74. D’après un militant de défense des droits de l’homme qui ne peut être soupçonné de sympathie particulière envers les idées islamistes, les accusations dont M. Bayramov fait l’objet ne sont guère convaincantes. La drogue a été trouvée dans la poche d’un fidèle musulman traditionaliste arrêté dans la rue soi-disant par hasard et dont l’examen médico-légal a révélé qu’il n’était pas toxicomane.
75. Le site Web publié par M. Bayramov se montre extrêmement critique vis-à-vis du gouvernement sur le plan de l’islam et s’est, par exemple, opposé à l’interdiction du port du foulard islamique («hijab») à l’école 
			(51) 
			Voir les
paragraphes 124-138 ci-dessous..

Cas n° 49: Janiyev, Aydin

76. M. Janiyev, journaliste du quotidien Khural de Lankaran, a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement en novembre 2011 pour «hooliganisme», en représailles semble-t-il des articles qu’il avait publiés.

3.2.1.5. «Liste d’observation»: personnes placées en détention provisoire, arrêtées dans des circonstances suspectes, mais pas encore condamnées

77. Human Rights Watch et d’autres associations locales de défense des droits de l’homme m’ont demandé d’attirer l’attention sur les cas suivant de journalistes qui se trouvent toujours placés en détention provisoire:

Cas n° 20: Bayramli, Anar

78. M. Baramli, journaliste de la chaîne de télévision iranienne «Sahar», a été arrêté le 17 février 2012, sous le chef d’accusation visiblement suspect de détention de drogue. Il s’est rendu de lui-même au commissariat de police locale après avoir été informé à son domicile par des fonctionnaires de police que leur responsable souhaitait s’entretenir avec lui. A son arrivée au commissariat, il a dû laisser sa veste dans une pièce et a été conduit dans une autre pièce. Le chef de la police n’est jamais venu et M. Bayramli n’a pas été interrogé; il a alors été ramené dans la première pièce où les policiers ont fouillé ses vêtements. Selon l’avocat de M. Bayramli, ceux-ci ont trouvé 0,387 g d’héroïne dans une poche de sa veste. Le chauffeur de M. Bayramli, Ramil Dadashov, a été arrêté séparément le même jour sous le chef d’accusation tout aussi douteux de détention de drogue.
79. Human Rights Watch m’a signalé que les forces de l’ordre azerbaïdjanaises ont souvent recours aux fausses accusations de détention de drogue à l’encontre des personnes qui critiquent le gouvernement, de façon à les réduire au silence, comme cela a été le cas dans les récentes affaires Eynulla Fatullayev, Jabbar Savanli et Mirza Zakit. J’ai été informé peu avant la distribution de ce rapport que M. Bayramli a en effet été condamné le 11 juin 2012 par la cour de Binaqadi à deux ans de prison pour possession de drogue.

Cas n° 28: Gonagov, Vugar

Cas n° 30: Guliyev, Zaur

80. M. Gonagov et M. Guliyev, respectivement directeur exécutif et rédacteur en chef de la chaîne de télévision Xayal TV de Guba, sont depuis le 13 mars 2012 en détention provisoire, pour avoir «organisé et pris part à des troubles à l’ordre public et abus de fonctions». Ces accusations semblent liées au fait qu’ils avaient posté sur «YouTube» le discours prononcé par un haut responsable du pays à Guba, qui a été, d’après de nombreuses personnes, le déclencheur des manifestations de masse de Guba le 1er mars 2012.
81. Le traitement qui leur est réservé en détention est préoccupant: ils ont été détenus illégalement dans une cellule des services de police jusqu’au 6 avril 2012, date à laquelle ils ont été transférés à la maison d’arrêt de Kurdakhani. M. Guliyev n’a pas été autorisé à recevoir la visite de son avocat du 13 mars au 6 avril. M. Gonagov a pu recevoir deux fois la visite de son avocat, mais uniquement pour apprendre lors de la deuxième visite que cet avocat refusait d’assurer sa défense, sans doute à cause des pressions qui ont été exercées sur lui. Jusqu’à leur transfert à Kurdakhani, ils n’étaient pas autorisés à recevoir la visite de membres de leur famille. Malgré de nombreuses demandes, les avocats des deux journalistes n’ont pas eu accès à leur dossier. M. Guliyev souffre par ailleurs de graves ulcères. Bien qu’il ait été examiné par un médecin dans le centre de détention provisoire, l’établissement prétend ne pas disposer des médicaments nécessaires à son traitement.

Cas n° 89: Zeynalli, Avaz

82. M. Zeynalli, rédacteur-en-chef du quotidien Khural, a été arrêté en octobre 2008 et se trouve toujours placé en détention provisoire sous le chef d’inculpation contestable d’extorsion; selon HRW, il est apparemment retenu en représailles des articles critiques parus dans Khural. Les accusations portées contre M. Zeynalli ont été retenues sous la pression d’un parlementaire membre de la majorité au pouvoir. M. Zeynalli a également été accusé en mars 2012 d’évasion fiscale. En outre, le quotidien a été saisi par les huissiers en octobre 2011, suite au non-paiement des amendes infligées pour diffamation dans les actions en justice intentées par le chef de l’administration présidentielle et le directeur du Fonds national d’aide aux médias de masse.

3.2.1.6. Les cas de militants islamistes

83. Cette catégorie de cas est particulièrement délicate et leur liste est indéniablement incomplète. Mes interlocuteurs au sein des associations de défense des droits de l’homme en Azerbaïdjan distinguent trois sous-catégories, qui regroupent largement plus de 200 cas: premièrement, les membres d’organisations politiques et de groupes armés illégaux et clandestins; deuxièmement, les membres du «Parti islamique d’Azerbaïdjan», qui n’est pas enregistré officiellement, mais agit ouvertement et de façon non-violente; et, troisièmement, les fidèles et les ecclésiastiques liés à Saïd Dadashbeyli, qui sont persécutés en raison de leurs activités religieuses.
84. Il convient de rappeler, pour replacer la situation dans son contexte, que les musulmans azerbaïdjanais se répartissent en 70 % de chiites et 30 % de sunnites. Les chiites sont traditionnellement tournés vers l’Iran et vivent principalement dans les provinces méridionales de Lankaran, Astara, Masally et Bilasuvar; mais les régions de Bakou et Sumqayit comptent également d’importantes communautés chiites. Les sunnites vivent essentiellement dans le nord du pays ou dans la région de Bakou, ainsi que dans d’autres régions, leurs communautés se composant alors de réfugiés des zones occupées du centre du pays. Ils sont traditionnellement liés au Daguestan et à la Tchétchénie et certains d’entre eux ont participé au Jihad au Caucase du Nord et en Afghanistan, sous l’influence radicale de courants étrangers comme le wahhabisme (d’Arabie Saoudite).
85. D’après mes interlocuteurs de la société civile, rien ne prouve que le PIA et le groupe de Saïd Dadashbeyli recourent à la violence, bien qu’ils semblent avoir choisi la clandestinité (le groupe de Dadashbeyli n’a jamais cherché à obtenir son enregistrement officiel et le PIA n’a pas tenté de contester devant les tribunaux le refus d’enregistrement opposé par le ministère de la Justice). Des interlocuteurs m’ont indiqué que l’objectif de ces groupes était bien l’établissement de la charia, certes par des moyens pacifiques, ce qui signifierait l’abolition de bon nombre des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.
86. Il ne m’a pas été possible, pour des raisons évidentes, de rencontrer les dirigeants emprisonnés de ces groupes en Azerbaïdjan. J’ai cependant consulté la direction du PIA par courrier, par l’intermédiaire de leur avocat, M. Gasimli, avec lequel je me suis longuement entretenu des cas présentés ci-dessous lors de notre réunion de travail à Berlin les 10 et 11 mai 2012. J’ai posé à cette occasion des questions «irrévérencieuses» sur les objectifs politiques des dirigeants du parti et les moyens qu’ils comptaient utiliser pour arriver au pouvoir. Ils m’ont systématiquement donné des réponses «bien convenables», en récusant les principes archaïques de la charia et en condamnant sans réserve toute violence. Je dois néanmoins reconnaître que j’ai encore quelques difficultés à évaluer ces catégories de cas particulièrement diverses. Fidèle aux critères convenus de la définition des prisonniers politiques, je me suis attaché principalement à vérifier l’existence d’un procès équitable. Il est parfaitement légitime et expressément admis par l’article 17 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’un Etat puisse défendre son ordre constitutionnel contre les groupes qui souhaitent le renverser pour établir un nouveau régime contraire aux droits et libertés protégés par la Convention. Mais il peut arriver qu’une personne soit innocente, même si elle est reconnue coupable d’un acte de violence constitutif d’une infraction par un tribunal à l’évidence partial et sur la base, par exemple, d’aveux extorqués sous la torture, et que la qualité de prisonnier politique lui soit reconnue si elle est persécutée pour des raisons politiques. Je ne puis qu’inviter solennellement les autorités azerbaïdjanaises, et notamment les autorités judiciaires, à s’abstenir de recourir à des méthodes iniques et illégales pour lutter contre l’extrémisme islamique. Le recours à la torture, à des accusations forgées de toutes pièces, à la manipulation des témoins ou à une appréciation partiale des éléments de preuve, par exemple, finit uniquement par priver la lutte contre les groupes extrémistes de sa légitimité et par les renforcer en donnant naissance à des «martyrs». C’est la position adoptée par notre Assemblée à la lumière de récents rapports, comme ceux de Dick Marty et de Lord Tomlinson, qui traitent des différents aspects de la lutte contre le terrorisme, tout en préconisant le respect des droits de l’homme 
			(52) 
			Voir
Lord John Tomlinson (Royaume-Uni, SOC), «Les droits de l’homme et
la lutte contre le terrorisme», Doc. 12712 du 16 septembre 2011; Dick Marty (Suisse, ADLE), «Les
recours abusifs au secret d’Etat et à la sécurité nationale: obstacles
au contrôle parlementaire et judiciaire des violations des droits
de l’homme», Doc.
12714 du 7 septembre 2011; «Détentions secrètes et transferts
illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe:
second rapport», Doc.
11302 du 16 novembre 2011; et premier rapport, Doc. 10957 du 12 juin 2006.; je la partage totalement.
87. Au vu de ce qui précède, je privilégierai un petit nombre d’affaires emblématiques au sujet desquelles j’ai recueilli des informations suffisamment précises 
			(53) 
			J’ai reçu début juin
2012 une autre liste de prisonniers politiques supposés appartenant
à différents groupes musulmans; je n'ai pu en tenir compte faute
de temps pour procéder à des recherches approfondies..

3.2.1.7. Les militants du Parti islamique d’Azerbaïdjan

88. Le président, le vice-président et les autres membres du PIA ont été arrêtés en 2011 pour tentative de coup d’Etat. Selon les observateurs, la persécution des membres de ce parti a débuté après un discours prononcé par son président et posté sur internet 
			(54) 
			<a href='http://www.youtube.com/watch?v=rXS8mMKhfZw'>www.youtube.com/watch?v=rXS8mMKhfZw</a> (traduction en anglais disponible auprès du secrétariat)., qui critiquait vivement le gouvernement et appelait tous les musulmans à le renverser. Des armes auraient été trouvées au domicile de plusieurs membres du parti ou de membres de leur famille, mais les perquisitions, les saisies et le procès ont été entachés d’importants vices de forme. Je présenterai plus en détail le cas du président du parti, Movsum Samedov; j’ai pu interroger son avocat durant notre session de travail à Berlin les 10 et 11 mai 2012. La plupart des cas qui suivent, présentés par ordre alphabétique, sont liés à cette affaire (à l’exception de ceux de quatre autres militants du PIA, de M. Ganiyev (cas no 25) et de M. Ilyasov (cas no 40)).

Cas n° 3: Abbasov, Faramiz (Faramaz)

89. M. Abbasov a été arrêté en 2011 et condamné à une peine de 11 ans d’emprisonnement pour tentative de coup d’Etat.

Cas n° 5: Abdullayev, Vagif

90. Vice-président du Parti islamique, il a été arrêté en 2011 et condamné à une peine de 11 ans d’emprisonnement pour tentative de coup d’Etat.

Cas n° 7: Ahundzade, Ruxulla (Akhundazadeh, Rufulla)

91. Président de la section régionale d’Astara du Parti islamique, il a été arrêté en 2011 et condamné à une peine de 11 ans et six mois d’emprisonnement pour tentative de coup d’Etat.

Cas n° 25: Ganiyev, Arif

92. Militant éminent du PIA, M. Ganiyev a été arrêté le 11 juillet 2011 (au même moment que le blogueur islamique Ramin Bayramov) 
			(55) 
			Voir
plus haut paragraphe 72, le cas no 21. et condamné le 26 janvier 2011 sous le chef d’accusation fallacieux de détention de drogue et d’armes 
			(56) 
			Voir Reporters sans
frontières, note 50. .

Cas n° 40: Ilyasov, Fahri

93. Condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans et six mois pour «hooliganisme», M. Ilyasov est un théologien islamique et un membre dirigeant du PIA. Il a été arrêté à l’occasion d’une manifestation distincte de protestation contre l’interdiction du «hijab» dans la ville de Ganja et a été reconnu coupable de dégradation de matériel policier et «d’atteinte aux conditions de travail harmonieuses» du commissariat de police, sur la seule base de preuves présentées par les services de police.

Cas n° 63: Mamedrzayev, Firdovsi

94. Membre du Parti islamique, M. Mamedrzayev a été arrêté en 2011, condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement pour tentative de coup d’Etat et placé à l’isolement en prison.

Cas n° 82: Samedov, Dayanat

95. Ce membre de la famille du président du Parti islamique a été arrêté en 2011, accusé de tentative de coup d’Etat et condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement.

Cas n° 83: Samedov, Movsum

96. M. Samedov est président du Parti islamique d’Azerbaïdjan et médecin de formation. Il a été placé en détention administrative le 7 janvier 2011, en détention provisoire le 20 janvier 2011 et condamné le 7 octobre 2011 à une peine de 12 ans d’emprisonnement pour tentative de coup d’Etat («prise du pouvoir par la violence»).
97. La principale preuve sur laquelle est basée sa condamnation a été le discours qu’il a prononcé. M. Samedov a notamment accusé le gouvernement actuel d’être corrompu et «l’ami des sionistes»; il a déclaré que «le peuple azerbaïdjanais [devait] en finir avec ce régime cruel». La signification de ce discours, constitutif d’une tentative de «prise du pouvoir par la violence», a été appréciée par un expert désigné par le tribunal, physicien de formation. La demande de contre-expertise déposée par la défense a été rejetée par le tribunal.
98. M. Samedov a également été reconnu coupable de préparation d’actes terroristes contre les juifs de la région de Guba (que l’on appelle les «juifs montagnards» et qui sont considérés comme particulièrement bien intégrés dans la société azerbaïdjanaise). Le ministère public n’a fourni aucune précision sur ce supposé complot. Un parlementaire juif de la région, M. Jevda Abrahamov, a déclaré publiquement que sa communauté n’avait aucun litige avec les musulmans de cette zone.
99. La procédure suivie au cours de la phase qui a précédé le procès est discutable. Alors que M. Samedov avait été arrêté le 7 janvier 2011, les membres de sa famille ignoraient où il se trouvait. Ils se sont adressés à un avocat le 12 janvier, pour lui demander de les aider dans leur recherche. L’avocat a écrit à toutes les autorités compétentes (ministères de l’Intérieur et de la Justice, administration pénitentiaire) mais n’a obtenu aucune réponse pendant une semaine. La semaine suivante, il a pu rencontrer son client une seule fois, au ministère de l’Intérieur et sous surveillance policière. M. Samedov n’a été placé en détention provisoire et accusé d’une infraction pénale (tentative de prise du pouvoir par la violence, l’élément constitutif de l’infraction étant le discours susmentionné) que le 20 janvier 2011.
100. Des armes ont été trouvées chez des membres de sa famille: une Kalashnikov, trois grenades et quelques munitions dans le mini-marché qui appartient à son neveu; une semaine plus tard, une autre Kalashnikov et d’autres grenades ont été trouvées au domicile d’un de ses beaux-frères. Dans les deux cas, les procès-verbaux de perquisition ont été signés par des personnes amenées par la police. Elles ont été qualifiées de «policiers à temps partiel» par son avocat, qui m’a indiqué avoir la preuve que les services de police avaient constamment recours aux mêmes témoins, ayant attesté leur présence parfois au même moment dans des lieux différents.
101. Son avocat a décrit un autre type de vice de procédure comme suit: les témoins cités par le ministère public avaient été «bien préparés», mais s’ils commençaient à perdre pied devant les questions de la défense, le juge mettait un terme à leur interrogatoire. Ainsi, un témoin qui se présentait comme un «homme pieux» a été interrogé sur la fréquence de ses prières quotidiennes; il a répondu qu’il priait «17 fois» par jour, suite à quoi le juge a interrompu l’interrogatoire.
102. Les avocats n’avaient pas la possibilité de rencontrer de façon constructive leur client au cours du procès: il se poursuivait toute la journée, jour après jour, sans que les avocats ne puissent voir leur client à l’issue de l’audience.
103. Comme M. Samedov était accusé et a été reconnu coupable d’être le cerveau d’un prétendu complot et d’une prétendue tentative de coup d’Etat, il est surprenant que, malgré les possibilités de surveillance évidentes des personnes soupçonnées de tels actes, l’accusation n’ait pas même cherché à présenter une preuve, par exemple des messages ou des conversations interceptés, pour étoffer les accusations, qui sont apparemment restées très vagues.
104. Compte tenu de la nature politique de l’acte dont il a été reconnu coupable (un discours public), du rôle politique joué par M. Samedov, de l’arrestation et de la condamnation parallèles de l’intégralité de la direction du parti, ainsi que des apparents vices de procédure et incohérences du dossier de l’accusation, je considère M. Samedov comme un prisonnier politique présumé au regard des critères retenus.

3.2.1.8. Le «groupe Saïd Dadashbeyli»

105. Les cas suivants sont ceux des membres d’un groupe constitué principalement de jeunes gens arrêtés le 13 janvier 2007 pour une supposée tentative de coup d’Etat. Ce groupe est réputé pro-islamique. Il semble que les procès aient été entachés de nombreux vices de forme. Les accusés ont fait état de fortes pressions et de torture; certains d’entre eux ont introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Des observateurs d’ONG locales, qui n’ont en règle générale aucune sympathie pour les objectifs politiques de ce groupe, estiment qu’il n’y a guère, voire aucune preuve de violences avérées ou projetées par celui-ci et que de nombreux chefs d’accusations ont été fabriqués de toutes pièces («découverte» d’armes ou de drogue).
106. Les cas suivants appartiennent à cette catégorie. Je traiterai plus en détail du cas personnel de M. Dadashbeyli.

Cas n° 6: Agayev, Farig (Farid) Nadir

107. M. Agayev a été condamné à une peine de 13 ans d’emprisonnement; son affaire est pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme 
			(57) 
			Requête
no 38091/11..

Cas n° 9: Aliyev, Ceyhun (Djeyhun/Jeyhun) Saleh

108. Condamné à une peine de 14 ans d’emprisonnement.

Cas n° 13: Aliyev, Rashad Ismail

109. Condamné à une peine de 14 ans d’emprisonnement.

Cas n° 22: Dadashbeyli, Said Alakbar

110. M. Dadashbeyli est né en 1975; il a été arrêté le 13 janvier 2007 et reconnu coupable le 10 décembre 2007 au titre de huit articles différents du Code pénal, notamment pour tentative de prise du pouvoir par la violence (article 228.4), détention illicite d’armes et de munitions (article 228.1), constitution d’un groupe terroriste (article 218.2) et utilisation de fausse monnaie (article 204.3.1). Il a été condamné à une peine de 14 ans d’emprisonnement.
111. Il a été reconnu coupable d’être le chef d’un complot terroriste islamiste. Environ 35 conspirateurs présumés ont été arrêtés, puis placés à l’isolement dans des cellules du ministère de la Sûreté nationale pendant deux jours. Onze d’entre eux ont été mis en accusation: 10 ont été condamnés et le onzième est mort en détention. D’après mes interlocuteurs, les familles de neuf condamnés auraient refusé de payer des pots-de-vin qui leur auraient été demandés (aucune proposition n’aurait été faite à la famille de M. Dadashbeyli). On présume qu’une vingtaine de libérations d’autres détenus ont été «achetées». Aucun des neufs condamnés n’a jamais critiqué publiquement le gouvernement.
112. Certains membres supposés de ce groupe sont connus pour être laïques, d’autres pour être chiites et d’autres encore pour être sunnites. Les jugements parlent de rapports entretenus avec l’Iran et l’Arabie Saoudite, ainsi qu’avec des loges maçonniques. Mes interlocuteurs jugent peu probable que des chiites (soutenus par l’Iran) et des sunnites (soutenus par l’Arabie saoudite) prennent part ensemble à une conspiration avec des francs-maçons. Les relations entre les deux principaux courants de l’islam en Azerbaïdjan sont généralement réputées aussi froides que celles qu’entretiennent les deux pays réputés les soutenir. Les observateurs jugent plus probable que les autorités aient évoqué un «complot islamiste» imaginaire pour renforcer le soutien des Azerbaïdjanais laïques et des pays occidentaux au régime.
113. Bien que certains membres du groupe aient «avoué» avoir fait partie de cette conspiration, il semble que ces aveux leur aient été arrachés sous la torture. L’un des accusés, M. Emin Mammadov, est décédé pendant sa détention provisoire. Le ministère public a déclaré qu’il était mort de maladie. Les familles des membres présumés du groupe ont subi des pressions pour qu’elles ne s’entretiennent pas avec les défenseurs des droits de l’homme. Après le prononcé du jugement, les familles des personnes condamnées ont cependant créé un groupe de soutien et affirmé notamment que les aveux avaient été arrachés aux accusés sous la torture. M. Dadashbeyli, que l’on m’a présenté comme un homme cultivé, qui s’exprime avec distinction, s’est également plaint d’avoir été torturé. Il a précisé au cours du procès qu’il avait été frappé et qu’on l’avait contraint à ingérer des psychotropes.
114. Selon les avocats, les perquisitions qui ont conduit à la saisie des armes et des munitions sont entachées de vices de forme comme celles qui ont été menées dans les affaires du PIA 
			(58) 
			Voir plus haut les
paragraphes 88-104.. Les enquêteurs n’ont, semble-t-il, pas même présenté de mandats de perquisition ni prélevé d’empreintes digitales sur les objets saisis.
115. M. Dadashbeyli a été qualifié dans le jugement de «chef» de ce groupe, sans aucune justification ni preuve. D’après les avocats, la plupart des personnes accusées d’être membre du groupe ont déclaré au cours du procès qu’ils ne se connaissaient même pas personnellement avant leur arrestation et s’étaient uniquement croisés à l’occasion dans un café, où ils avaient abordé des sujets politiques et religieux; l’accusation n’a pas apporté la preuve contraire, en dehors d’une vidéo dépourvue de son 
			(59) 
			Au
cours du procès, la défense a demandé au ministère de la Sûreté
nationale la mise à disposition des enregistrements vidéo et audio
des conversations entre les membres supposés du groupe. Mais les
agents du ministère ont déclaré que tous les enregistrements avaient
été détruits dans un incendie qui s'était déclaré dans le bâtiment
du ministère. prise dans un café et sur laquelle bon nombre des accusés étaient présents 
			(60) 
			Selon les avocats,
MM. D. Aliyev et D. Karimov se connaissaient vaguement, tandis que
M. Dadashbeyli, M. Idrisov et M. Mehbaliyev étaient collègues de
travail dans une société pétrolière occidentale et participaient
avec d'autres collègues à des activités caritatives en faveur des
enfants. .
116. J’ai appris que le juge chargé du procès de M. Dadashbeyli, M. Anvar Seyidov, était souvent saisi des affaires à caractère politique et que la Cour européenne des droits de l’homme avait déjà constaté de nombreuses violations de la Convention dans les affaires confiées à ce juge. En l’espèce, le juge Seyidov aurait adressé une lettre datée du 24 décembre 2007 au ministre de la Sûreté nationale, M. E. Mahmudov, pour lui demander de récompenser les agents du ministère qui avaient travaillé sur cette affaire 
			(61) 
			Lettre qui figurerait
au dossier déposé devant la Cour européenne des droits de l'homme
(Requête no 11297/09).. Ceci semble constituer une violation des obligations constitutionnelles et conventionnelles de séparation des pouvoirs, de neutralité et d’objectivité des juges.
117. Compte tenu de la troublante absence de preuves, à l’exception de quelques aveux obtenus dans des circonstances douteuses, de la mort d’un prévenu pendant sa détention provisoire et des pressions exercées sur les membres de la famille de l’accusé, à quoi s’ajoute le scénario improbable d’une conspiration commune entre chiites soutenus par l’Iran, sunnites soutenus par l’Arabie Saoudite et francs-maçons, je considère M. Dadashbeyli et les autres membres de son groupe supposé comme des prisonniers politiques présumés.

Cas n° 27: Gocayev (Gojayev), Samir Edik

118. M. Gocayev été condamné à une peine de 13 ans d’emprisonnement; son affaire est pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme 
			(62) 
			Requête
no 5317/11..

Cas n° 31: Guliyev (Quliyev), Baybala (Beybala) Yahya

119. M. Guliyev a été condamné à une peine de 13 ans d’emprisonnement. Il souffrirait de tuberculose et l’hôpital psychiatrique de Sumgayit a établi à son sujet en août 2004 le diagnostic suivant: «personne de type schizoïde».

Cas n° 39: Idrisov, Mikayil Garib

120. M. Idrisov a été condamné à une peine de 12 ans d’emprisonnement; il souffrirait de graves problèmes de santé. Son affaire est pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme 
			(63) 
			Requête no 1697/09..

Cas n° 53: Karimov (Kerimov), Rasim Rafig

121. M. Karimov a été arrêté à son retour d’un pèlerinage à la Mecque; il a passé neuf mois dans un centre de détention du ministère de la Sûreté nationale et a été condamné à une peine de 11 ans d’emprisonnement.

Cas n° 56: Kerimov (Karimov), Jahangir Ramiz

122. M. Kerimov a été condamné à une peine de 14 ans d’emprisonnement et souffrirait de tuberculose.

Cas n° 69: Mehbaliyev, Emin (Emil) Nuraddin

123. M. Mehbaliyev a été condamné à une peine de 12 ans d’emprisonnement.

3.2.1.9. «L’affaire du hijab» 
			(64) 
			La liste actualisée
(en azéri) est disponible sur <a href='http://hicab.org/?p=5560'>http://hicab.org/?p=5560.</a>

124. Le groupe de cas suivant concerne un certain nombre de personnes, principalement des jeunes, arrêtées le 6 mai 2011 alors qu’elles manifestaient devant le ministère de l’Education contre l’interdiction du port du foulard islamique (hijab) à l’école. Elles ont été condamnées à des peines comprises entre un an et six mois et trois ans et six mois d’emprisonnement. Selon les observateurs des ONG, les actes de violence qui leur sont reprochés étaient essentiellement destinés à leur permettre de se défendre contre la violence physique dont les forces de l’ordre ont fait usage à leur égard; c’est la raison pour laquelle leurs cas peuvent être comparés à ceux des jeunes militants arrêtés pour des actes commis en faveur du PIA (chapitre 3.2.1.7 ci-dessus) 
			(65) 
			Les
liens suivants sont ceux de vidéos publiées sur Youtube, qui semblent
confirmer cette affirmation: <a href='http://www.youtube.com/watch?v=f4Xy9wZpgpc'>www.youtube.com/watch?v=f4Xy9wZpgpc; </a><a href='http://www.youtube.com/watch?v=MaZ4Cee4IH0&feature=related'>www.youtube.com/watch?v=MaZ4Cee4IH0&feature=related</a><a href='http://www.youtube.com/watch?v=73Xf8zTrsqo&feature=related'>; www.youtube.com/watch?v=73Xf8zTrsqo&feature=related.</a>.
125. L’expert qui a examiné les jugements (en azéri) à ma demande 
			(66) 
			L’expert était M. Eldar
Zeynalov, qui a déjà collaboré avec les experts indépendants du
Conseil de l'Europe en 2001-2004 et qui a participé à l'audition
organisée lors de la réunion de la commission du 26 janvier 2012. a conclu que «les accusations portées contre eux étaient exagérées et semblaient parfois peu sérieuses». Ainsi, dans le jugement prononcé contre le premier groupe, le 7 octobre 2011, cinq participants de la manifestation étaient accusés d’avoir blessé 30 policiers armés de matraques en leur opposant une résistance à l’aide de bâtons et de pierres. Les accusés qui, sur les enregistrements vidéo, ne manipulaient ni bâton ni pierre ont précisément été ceux auxquels les plus lourdes peines ont été infligées. Aucun des membres du second groupe, condamnés le 5 décembre 2011, n’avait été filmé un bâton ou une pierre à la main, mais ils ont eux aussi été condamnés aux peines les plus lourdes. Aucun des membres du troisième groupe, condamnés le 23 décembre 2011, ne figurait muni d’une arme sur un enregistrement. Aucune lésion n’a été décelée chez un seul manifestant, alors qu’ils étaient accusés d’avoir opposé une vive résistance à leur arrestation; les enregistrements vidéo des forces de police ne montraient d’ailleurs aucun manifestant frappant un policier ou un véhicule. Selon cet expert, même la version officielle des événements confirme que la manifestation était pacifique, au moins jusqu’à ce que les policiers commencent à la disperser.
126. Les cas de Hasan Mammadov (cas no 65) et Ilgar Musayev (cas no 70) ne sont pas liés à la manifestation contre l’interdiction du hijab du 6 mai 2011, mais concernent une manifestation distincte, qui a eu lieu à Jalilabad le 2 juin 2011.

Cas n° 2: Abbasov, Elshan Sardar

127. M. Abbasov été condamné à une peine d’un an d’emprisonnement.

Cas n° 8: Alekberov, Taleh

128. M. Alekberov a été condamné à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement.

Cas n° 16: Arbarov, Taleh

129. Condamné à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement.

Cas n° 17: Asgarov, Mammad Tofiq

130. M. Asgarov a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement.

Cas n° 19: Bagirov, Taleh Kamil

131. M. Bagirov a été condamné à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement en sa qualité d’«organisateur».

Cas n° 42: Iskandarov (Isgandarov), Zaur Shahlar (Toghrul)

132. M. Iskandarov a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement le 5 décembre 2011; cette peine a été confirmée par la cour d’appel de Bakou le 29 février 2012.

Cas n° 45: Ismaylov, Araz Vasif

133. M. Ismaylov a été condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement.

Cas n° 47: Ismaylov, Tarlan

Cas n° 48: Jabiyev, Azer

Cas n° 14 
			(67) 
			Voir Annexe 2, cas
no 14.: Mammadov, Nurani Ahmad

134. Les trois personnes susmentionnées ont été condamnées à une peine de deux ans d’emprisonnement.

Cas n° 65: Mammadov (Mammedov), Hasan Alipasha

Cas n° 70: Musayev, Ilgar

135. M. Mammadov et M. Musayev ont été condamnés respectivement à une peine de trois ans et six mois et trois ans d’emprisonnement pour «hooliganisme», pour avoir prononcé un discours public contre l’interdiction du port du foulard à Jalilabad à l’occasion de la fête d’«Ashura», le 2 juin 2011. Le verdict se fondait sur le seul témoignage des fonctionnaires de police, qui affirmaient que les détenus avaient opposé une résistance au moment de leur arrestation.

Cas n° 75: Novruzov, Chingiz Farman

136. M. Novruzov a été condamné à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement.

Cas n° 76: Nuriyev, Rufat Fazil

137. M. Nuriyev a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement.

Cas n° 88: Valiquliyev (Valiguliyev), Rashad

138. M. Valiquliyev a été condamné à une peine d’un an et six mois d’emprisonnement.

3.2.1.10. Autres affaires politiques emblématiques

139. Les cas suivants sont peut-être les plus emblématiques du traitement réservé par les forces de l’ordre à ce qu’elles considèrent comme des opposants politiques; ils concernent l’ancien ministre du Développement économique, Farhad Aliyev. Les autorités ont non seulement pris pour cible l’ancien ministre, qui a été arrêté pour avoir participé à un supposé coup d’Etat, puis, après 17 mois de détention provisoire, a été accusé d’infractions radicalement différentes; mais elles ont également persécuté les membres de sa famille et ses anciens collaborateurs. La ferme détermination des autorités transparaît également dans le fait qu’elles n’ont même pas réagi aux nombreux appels à la libération de M. Aliyev pour raisons humanitaires, compte tenu de ses graves problèmes de santé, lancés notamment par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée.

Cas n° 10: Aliyev, Farhad

140. L’ancien ministre du Développement économique a été arrêté à la veille des élections législatives de 2005 et accusé de participation à une tentative de coup d’Etat. Mais au cours de son procès, il a uniquement été accusé d’infractions économiques (abus de fonctions et vol de biens publics) et condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement.
141. Durant l’exercice de ses fonctions de ministre du Développement économique, Farhad Aliyev avait vivement critiqué la corruption à grande échelle et l’absence de transparence dans l’utilisation des revenus pétroliers; il avait entrepris de profondes réformes pour prévenir tout abus de fonctions des fonctionnaires gouvernementaux (par exemple la réduction du nombre d’activités commerciales soumises à l’octroi d’une licence, qui était passé de 270 à 30, et la création du Fonds pétrolier) 
			(68) 
			Les
avocats de Farhad et Rafiq Aliyev m'ont transmis une documentation
complète sur ces mesures de réforme, ainsi que les déclarations
faites par le ministre lors de ses visites aux Etats-Unis et dans
d'autres pays occidentaux avant son arrestation. . Une campagne avait alors été lancée contre lui et contre l’ensemble des membres de sa famille et plusieurs de ses proches collaborateurs, dont Alihuseyn Shaliyev, qui est mort en détention apparemment après avoir refusé de témoigner contre Farhad Aliyev. Dès l’arrestation de M. Aliyev, le 3 novembre 2005, le Président azerbaïdjanais aurait tenu des propos menaçants à son encontre et manifesté son intention de lui nuire 
			(69) 
			Le
libellé précis, traduit en anglais, a été mis à la disposition du
rapporteur par les avocats de M. Aliyev.. Le procès de M. Aliyev a été apparemment entaché de vices de forme particulièrement graves. L’accusation initiale de tentative de coup d’Etat n’ayant pu être corroborée d’aucune façon, de nouveaux chefs d’accusation, constitués cette fois «d’infractions économiques», avaient été retenus contre lui après 17 mois de détention provisoire. Il aurait à cette occasion subi de très fortes pressions (notamment été menacé de se voir reprocher la responsabilité du meurtre du célèbre journaliste Elmar Huseynov) pour qu’il accepte de reconnaître qu’il avait projeté de faire une «révolution orange» avec la complicité des services secrets de plusieurs pays occidentaux. Le procès s’est déroulé dans une petite salle d’audience, dont les places avaient été préalablement occupées par de prétendues «victimes» de M. Aliyev, de manière à empêcher concrètement les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les représentants étrangers d’assister à l’audience. Ses avocats et les témoins cités par la défense auraient également subi des pressions et ses avocats n’ont pas eu la possibilité de contester les éléments de preuve produits par l’accusation, ni de présenter leurs propres preuves. Enfin, des personnes arrêtées et mises en accusation parallèlement à M. Aliyev ont été remises en liberté après avoir témoigné contre lui. Un proche collaborateur de Farhad Aliyev au ministère du Développement économique, M. Alihuseyn Shaliyev, a également été arrêté et aurait été soumis à la torture pour qu’il accepte de témoigner contre lui. Il est mort à l’hôpital pénitentiaire et les causes de son décès n’ont apparemment jamais fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme.
142. Farhad Aliyev souffre de graves problèmes de santé. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a demandé aux autorités de le libérer pour raisons humanitaires en septembre 2011. La Cour européenne des droits de l’homme a constaté plusieurs violations des articles 5 et 6 de la Convention 
			(70) 
			Requête no 37138/06,
arrêt du 9 novembre 2010 (définitif). (son frère Rafiq a obtenu gain de cause devant la Cour le 6 décembre 2011).
143. Au vu de la connotation politique du procès intenté à un ancien ministre, dont les réformes économiques menaçaient les bénéficiaires de monopoles liés aux autorités en place, des nombreux vices de forme commis avant et pendant le procès, de la persécution parallèle des membres de la famille et des proches collaborateurs de M. Aliyev, ainsi que de la peine excessivement lourde qui lui a été infligée et du traitement excessivement rigoureux auquel cet homme âgé et gravement malade est soumis, je considère Farhad Aliyev comme un prisonnier politique présumé au regard de nos critères 
			(71) 
			Les avocats de Farhad
et Rafiq Aliyev ont également procédé à une analyse point par point
au regard des critères définis par les experts indépendants; faute
de place, il m’est impossible de la présenter ici de façon aussi
détaillée. Les avocats et les militants de défense des droits de
l'homme qui n'agissent pas pour le compte des frères Aliyev ont
confirmé cette appréciation et ont notamment observé que les peines,
respectivement de dix et neuf ans d'emprisonnement pour infractions
économiques et la confiscation de leurs avoirs étaient extraordinairement
lourdes, y compris au regard des normes azerbaïdjanaises habituelles..

Cas n° 12: Aliyev, Rafiq

144. Rafiq Aliyev est le frère de Farhad Aliyev (cas no 10) et l’ancien président de la société «Azpetrol». Comme son frère, il a été arrêté à la veille des élections législatives de 2005 et accusé d’infractions économiques (abus de fonctions, vol de biens publics). Plusieurs observateurs considéraient à l’époque que cette arrestation visait à faire pression sur son frère Farhaq, afin qu’il «avoue» sa participation à un complot politique. Une fois expirée la durée maximale de la détention provisoire prévue en cas d’infraction économique, il a été accusé de participation à une tentative de coup d’Etat. Cette accusation n’ayant pu être corroborée par aucun élément, il a été condamné à une peine de neuf ans d’emprisonnement pour diverses infractions économiques.
145. Comme son frère, Rafiq Aliyev a obtenu gain de cause devant la Cour européenne des droits de l’homme 
			(72) 
			Requête no 45875/06,
arrêt du 6 décembre 2011., qui a constaté plusieurs violations de la Convention en raison de la durée excessive de sa détention provisoire, de l’absence de contrôle juridictionnel et de l’atteinte à son droit à la propriété privée (article 1er du Protocole no 1). Selon moi, Rafiq Aliyev est, pour les mêmes raisons que son frère, un prisonnier politique présumé.

Cas n° 11: Aliyev, Mamedali Dilavar

146. Bien qu’il s’agisse d’un «nouveau» cas, dans la mesure où Mamedali Aliyev n’a été arrêté qu’en 2008, il est étroitement lié à «l’affaire des généraux» (tentative supposée de coup d’Etat). Les personnes condamnées dans cette affaire figuraient sur la «liste des 716 personnes» examinée par les experts indépendants du Secrétaire Général (c’est-à-dire Rahim Gaziyev, Alikram Gumbatov, Elkhan Abbasov, Huseynbala Huseynov, Rafik Agayev). En 2002, les experts ont reconnu à chacun d’eux la qualité de prisonnier politique, suite à quoi ils ont tous été libérés 
			(73) 
			Voir
le Doc. 10564 du 31 mai 2005 de l'Assemblée (rapport de Malcolm Bruce
sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan, Annexe 2.A («cas
pilotes»).. Malheureusement pour lui, Mamedali Dilavar Aliyev, partisan de l’ancien président Ayaz Mutalibov et vice-président du Parti travailliste pro-Mutalibov, a été arrêté seulement en 2008. Son cas n’a par conséquent pas été examiné par les experts indépendants. Mais je suis convaincu que la qualité de prisonnier politique lui serait reconnue au regard des mêmes critères et qu’il doit par conséquent être remis en liberté sans tarder.
147. M. Aliyev a 70 ans et il est en très mauvaise santé. Il convient donc également de le libérer pour raisons humanitaires.

Cas n° 24: Farzullayev Jeyhun Hidayet

148. M. Farzullayev a été arrêté le 8 janvier 2011 par la police du district de Nasimi, au même moment que Nemat Panahov (cas no 81 ci-dessous), célèbre militant de l’opposition. Le responsable adjoint du service de police aurait ordonné à M. Farzullayev de faire un faux témoignage contre M. Panahov. Comme il refusait de le faire, il a été arrêté, mis en accusation parallèlement à M. Panahov et finalement condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour «hooliganisme».

Cas n° 77: Panahov, Neymat (Panahly, Nemat)

149. M. Panahov est l’un des chefs historiques du mouvement de libération nationale de l’Azerbaïdjan. Il a renoué il y a quelque temps avec ses activités politiques en s’opposant au gouvernement actuel, qu’il a vivement critiqué en public. Il a été arrêté le 8 janvier 2011 pour «hooliganisme» (article 221 du Code pénal) et coups et blessures volontaires (articles 126 et 127) et condamné à une peine de six ans d’emprisonnement. Il existe de sérieuses allégations de vices de procédure, notamment les pressions que la police a tentées d’exercer sur une autre personne, Farzullayev Jeyhun Hidayet (cas no 24 plus haut), pour qu’il se livre à un faux témoignage contre M. Panahov. Au cours de l’audience, la victime prétendue (des insultes et coups et blessures) et d’autres témoins présentés par le ministère public ont en réalité nié les accusations portées. Le tribunal s’est apparemment contenté d’ignorer ces témoignages, ainsi que ceux des témoins oculaires de la défense, qui ont déclaré qu’aucune infraction n’avait été commise. Les avocats venus travailler à mes côtés à Berlin en mai 2012 ont confirmé ces allégations, que j’ai d’abord eu beaucoup de mal à croire. Elles jettent une ombre sur l’objectivité et même sur le professionnalisme dont font preuve les juridictions azerbaïdjanaises dans les affaires judiciaires à caractère politique.
150. D’autres défenseurs des droits de l’homme 
			(74) 
			Le comité de soutien
de Nemat Panahli, président du Parti national pour la création de
l'Etat d'Azerbaïdjan, chef du Mouvement national de libération de
l'Azerbaïdjan en 1988 (lettre du 28 février 2012 adressée à Andres
Herkel, président de la commission de suivi de l'Assemblée). soulignent que l’arrestation de M. Panahov est essentiellement due aux vives critiques qu’il a formulées à l’égard du gouvernement dans le quotidien «Nota P.S.», en déplorant notamment les fraudes électorales auxquelles il avait assisté dans sa circonscription. Ces militants observent également que les objets saisis au domicile de M. Panahov, comme des vidéocassettes en rapport avec le Mouvement de libération nationale, n’ont aucun lien avec le chef d’accusation de «hooliganisme». Par ailleurs, ils font remarquer que des pressions ont également été exercées sur la famille de M. Panahov (il a la charge de six enfants et de ses deux parents âgés), notamment en procédant à la coupure de l’électricité et du chauffage de son domicile fin décembre 2011. Le père de M. Panahov, âgé de 83 ans et qui vivait à son domicile, est mort à la suite de problèmes cardiaques. Contrairement à ce que prévoient les dispositions pénitentiaires azerbaïdjanaises 
			(75) 
			La lettre précitée
mentionne l'article 89, alinéas 1, 2, 4, et 5 du Code d'exécution
des peines dans les établissements pénitentiaires de la république
d'Azerbaïdjan., M. Panahov n’a même pas été autorisé à assister aux funérailles de son père.
151. Une requête introduite par M. Panahov serait pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme.
152. Au vu du traitement rigoureux et discriminatoire que lui ont réservé le tribunal et les autorités pénitentiaires, qui s’explique uniquement par des motivations en rapport avec ses activités politiques, je considère M. Panahov comme un prisonnier politique présumé.

Cas n° 32: Gurbanov, Maarif

153. M. Gurbanov était responsable d’une direction du ministère du Développement économique au moment de son arrestation en 2005; il a été condamné à une peine de sept ans et six mois d’emprisonnement pour détournement de fonds et corruption. Cette affaire est directement liée à celle des frères Aliyev (cas nos 10 et 12 plus haut), prisonniers politiques présumés. M. Gurbanov aurait refusé de donner un faux témoignage contre Farhad Aliyev et a été condamné en représailles à une peine de prison particulièrement lourde.
154. Il aurait introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Cas n° 41: Insanov, Ali

155. Il s’agit d’un autre cas emblématique, qui a déjà été évoqué dans plusieurs résolutions de l’Assemblée parlementaire. M. Insanov est un ancien ministre de la Santé, spécialiste des sciences médicales de renom international et ancien membre du comité exécutif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il a été arrêté le 20 octobre 2005, à la veille des élections législatives, et accusé d’avoir participé à une tentative de coup d’Etat. Au cours de son procès, il a cependant été uniquement accusé et reconnu coupable d’infractions économiques (abus de fonctions, vol de biens publics). Il a été condamné à une peine de 11 ans d’emprisonnement, et serait détenu dans des conditions particulièrement dures, malgré son âge (M. Insanov est né en 1946) et les graves problèmes de santé dont il souffre.
156. Les membres de sa famille et ses anciens collaborateurs auraient été intensément persécutés. Bon nombre d’entre eux ont perdu leur emploi, ont vu leurs biens confisqués ou ont été poursuivis pour des chefs d’accusation apparemment fabriqués de toutes pièces. La vente de l’ouvrage médical de M. Insanov sur le traitement de la tuberculose, pourtant plébiscité au niveau international, a même été interdite en Azerbaïdjan.
157. Le cas de M. Insanov a déjà été évoqué dans deux textes adoptés par l’Assemblée le 16 avril 2007 
			(76) 
			Résolution 1545 (2007), paragraphe 7.13. et le 6 juin 2008 
			(77) 
			Doc. 11627 du 6 juin 2008, «Le fonctionnement des institutions
démocratiques en Azerbaïdjan», paragraphe 137 et Annexe II.. La requête qu’il a introduite le 31 mars 2008 devant la Cour européenne des droits de l’homme est encore pendante 
			(78) 
			Requête no 16133/08
(voir la décision partielle sur la recevabilité du 19 novembre 2009)..
158. Compte tenu du contexte politique de cette affaire, de la modification des chefs d’accusation pendant la détention provisoire de l’intéressé, des fortes pressions exercées sur les membres de sa famille et ses collaborateurs, du traitement discriminatoire réservé à M. Insanov, dont témoignent la durée inhabituelle de sa peine d’emprisonnement, la confiscation de l’ensemble de ses biens, l’interdiction de la vente de son ouvrage médical et ses dures conditions de détention en dépit de son âge et de ses problèmes de santé, je ne puis que considérer M. Insanov comme un prisonnier politique présumé.

3.2.2. «Cas anciens» de prisonniers politiques présumés

159. Les cas suivants sont, soit ceux de la liste des 716 prisonniers politiques présumés, arrêtés jusqu’en 2000 et examinés par les experts indépendants, mais qui n’ont toujours pas été réglés, soit les cas de personnes arrêtées ultérieurement pour avoir participé aux mêmes événements ou qui ont été omis par mégarde sur cette liste de 716 noms, mais qui ont été insérés dans la deuxième liste des 107 cas examinés par le premier rapport de suivi de l’Assemblée en 2004.

3.2.2.1. OPON (événements de mars 1995)

160. Les trois premiers cas sont les plus emblématiques: la qualité de «prisonnier politique» leur a été reconnue par les experts indépendants en 2002 et les intéressés n’ont toujours pas été libérés. Ces détenus ont participé à la mutinerie de l’unité spéciale de la police «OPON» (événements de mars 1995).

Cas n° 15: Amiraslanov, Elchin Samed

Cas n° 55: Kazymov, Arif Nazir

Cas n° 78: Poladov, Safa Alim

161. Les cas de ces trois personnes ont été étudiés de façon très précise par les experts indépendants, qui les considéraient comme des cas pilotes et leur ont reconnu la qualité de prisonniers politiques 
			(79) 
			SG/Inf(2004)21
(p. 38/Amiraslanov et 62/Kazymov), liste des 716/132, 341 et 523,
cas pilotes no 5/Amiraslanov et 15/Kazymov;
Poladov: avis du 12 mai 2003, SG/Inf(2004)21 addendum partie I,
p. 213-218.. Les intéressés continuent à purger leur peine de prison à perpétuité à la prison de Qobustan.
162. La reconnaissance de leur statut de «prisonnier politique» se fonde sur de graves vices de procédure, et notamment de graves accusations de torture subie par M. Amiraslanov et M. Kazymov; le refus de permettre à M. Amiraslanov d’être assisté par un avocat avant et pendant son procès; le harcèlement des membres de leur famille, et notamment les coups violents portés par des fonctionnaires de police à la sœur cadette de M. Amiraslanov; l’utilisation des aveux faits au cours de l’enquête par M. Kazymov, qui s’est ensuite rétracté; et, enfin, le manque d’indépendance et d’impartialité des magistrats au cours du procès où d’anciens officiers à la retraite ont joué le rôle «d’assesseurs populaires».
163. En septembre 2007, les derniers membres du «Groupe de travail sur les prisonniers politiques» (dont plusieurs représentants d’importantes ONG étaient exclus à l’époque) auraient convenu avec les autorités que Elchin Samed Amiraslanov, Arif Kazymov et Safa Alim Poladov étaient en fait des «criminels». M. Poladov a été rejugé et reconnu coupable une nouvelle fois.
164. Les cinq cas suivants concernent également des personnes qui auraient participé à la mutinerie des «OPON», mais auxquelles les experts indépendants n’ont pas reconnu la qualité de «prisonniers politiques».

Cas n° 4: Abdullayev, Shamsi Vahid 
			(80) 
			Liste des
716/22 SG/Inf(2004)21 addendum partie II (p. 283-285), avis du 12
mai 2003.

165. La qualité de prisonnier politique n’a pas été reconnue à M. Abdullayev par les experts indépendants. En l’espèce, il ne prétendait pas avoir été torturé. Les experts indépendants n’ont pas constaté l’absence d’indépendance et d’impartialité du tribunal, même si M. Abdullayev a été jugé dans le cadre du même procès que M. Amiraslanov (cas no 15 plus haut). Elément déterminant, M. Abdullayev a avoué le meurtre, de droit commun, d’un homme d’affaires.

Cas n° 50: Karimov (Kerimov) Dayanat Kerim 
			(81) 
			Liste
des 716/350, SG/Inf(2004)21, Addendum partie II (p. 377-382), avis
du 11 décembre 2003.

166. La qualité de prisonnier politique n’a pas davantage été reconnue à M. Karimov par les experts indépendants. Là non plus, aucun acte de torture n’était allégué. M. Karimov a été reconnu coupable de graves crimes de droit commun, dont l’homicide, dans cinq procès distincts. Aucun jugement ne mentionne la participation de M. Karimov aux événements de mars 1995 (mutinerie des OPON).

Cas n° 72: Mustafayev, Hasan Huseyn 
			(82) 
			Liste des
716/475 SG/Inf(2004)21, Addendum partie II (p. 421-425), avis du
11 décembre 2003.

167. La qualité de prisonnier politique n’a pas davantage été reconnue à M. Mustafayev par les experts indépendants; en absence d’allégations de torture, il a été reconnu coupable de graves crimes de droit commun, dont l’homicide et la prise d’otages.

Cas n° 87: Tahirov, Aliyusif Damet 
			(83) 
			Liste des
716/676 SG/Inf(2004)21, addendum partie II (p. 486-489), avis du
7 juillet 2004.

168. M. Tahirov n’a pas été considéré comme un prisonnier politique, bien qu’il ait été également condamné pour sa participation aux événements de mars 1995 (OPON), dans la mesure où il a également été condamné pour un certain nombre de crimes graves sans rapport avec ces événements (homicide et enlèvements); son cas a été mentionné dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 19 janvier 2006 (Requête no 35608/02).
169. Je partage l’avis des experts indépendants au sujet des cas précités (cas nos 4, 50, 72 et 87). La qualité de prisonniers politiques ne devrait pas être reconnue à ces détenus puisqu’ils ont été reconnus coupables de graves crimes de droit commun sans rapport avec leur participation aux événements de mars 1995 (mutinerie des OPON).
170. D’après les informations que m’ont communiquées les ONG, la qualité de prisonniers politiques a été reconnue à plusieurs personnes jugées et condamnées parallèlement à ces trois cas (cas nos 15, 55 et 78), qui n’ont jamais figuré sur aucune liste de prisonniers politiques présumés ou ont été rayées de ces listes pour des raisons qui n’ont aucun rapport avec leurs activités criminelles supposées et qui sont toujours emprisonnées aujourd’hui. Puisque ces membres de l’OPON étaient extrêmement jeunes à l’époque des faits, qu’ils étaient soldats du rang ou de grades inférieurs et qu’ils se sont contentés d’obéir aux ordres de leurs supérieurs, sans commettre aucune infraction violente en marge de leur participation aux événements de mars 1995, et au vu du temps qu’ils ont déjà passé en prison et des graves vices de procédure qui entachent ce procès collectif, ils doivent être libérés.
171. Cet argument est d’autant plus valable après l’amnistie dont a bénéficié fin 2011 M. Nizami Orudj Shamuradov, commandant en chef de tous les soldats de l’OPON encore incarcérés aujourd’hui. Il n’a passé que quatre ans en prison, après avoir été en fuite pendant plusieurs années et s’être rendu de lui-même en 2007. Afin d’éviter cette «ironie du sort», pour reprendre les termes d’un avocat azerbaïdjanais défenseur des droits de l’homme, il importe que les autorités tournent à présent la page et libèrent également les soldats du rang ou de grades inférieurs qui composent encore ce groupe de cas.

3.2.2.2. Les partisans de l’ancien Premier ministre Suret Huseynov/Guseynov («affaire SH»)

172. Un autre catégorie «historique» de cas est celle des partisans de l’ancien Premier ministre Suret Huseynov. Tout d’abord reconnu coupable de tentative de coup d’Etat en 1994, la qualité de prisonnier politique lui a été reconnue par les experts indépendants 
			(84) 
			Cas
pilote no 17, SG/Inf(2001)34, addendum
1, p. 67-69 ; motifs: extradition illégale de Russie, torture (traces visibles
lors de la visite des experts en prison), intimidation de nombreux
membres de la famille, y compris de sa vieille mère; 30 coaccusés
qui avaient avoué au cours de l'instruction se sont rétractés en
affirmant avoir été torturés, mais le tribunal n'en a tenu aucun
compte. et il a ensuite été libéré. Mais un certain nombre de ses partisans sont toujours en prison. Le statut de prisonniers politiques ne leur a pas été reconnu par les experts indépendants parce qu’ils ont été condamnés pour des crimes graves, de droit commun, commis avec violence, notamment l’homicide, le vol et l’enlèvement, en l’absence d’allégations de torture ou d’autres vices de procédure particulièrement graves.
173. Les cas suivants relèvent de cette catégorie.

Cas n° 37: Huseynov, Magsud Vagif (Maqsud Vaqif) 
			(85) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 352-355, avis du 15 juin 2004 (liste des 716/283).

174. M. Huseynov est le fils de Vagif Huseynov (cas no 38 ci-dessous).

Cas n° 38: Huseynov, Vagif (Vaqif) Rza 
			(86) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 356-361, avis du 15 juin 2004 (liste des 716/298).

175. M. Huseynov était un proche partisan de l’ancien Premier ministre, ainsi qu’un parlementaire du Front populaire d’Azerbaïdjan, parti de l’opposition. Mais il a été reconnu coupable à l’issue de son procès, au cours duquel il a joui des droits élémentaires de la défense, de graves crimes de droit commun commis avec violence (homicide, vol, enlèvements), ainsi que «d’usurpation du pouvoir» dans un district administratif, parallèlement à la tentative de coup d’Etat de Suret Huseynov.

Cas n° 46: Ismaylov, Rashid Nurulla 
			(87) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 366-368, avis du 12 mai 2003 (liste des 716/331).

176. M. Ismaylov a rejoint l’unité de l’armée commandée par Suret Huseynov après s’être évadé de la maison d’arrêt où il était placé en détention provisoire pour avoir participé à une crise de folie meurtrière avec une bande armée. Les experts ont estimé que «bien que les faits dont M. Ismaylov a été reconnu coupable soient liés à des événements politiques, leur qualification juridique est de droit commun».

Cas n° 52: Karimov (Kerimov), Keramat Pasha 
			(88) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 383-389, avis du 7 juillet 2004 (liste des 716/358).

177. M. Karimov, cousin de Suret Huseynov, a été l’un des principaux «exécutants» de la tentative de coup d’Etat dont Suret Huseynov aurait été l’instigateur en 1994. Mais d’après le jugement, il a participé à des actes de violence (y compris des crimes dépourvus de caractère politique, comme l’homicide, le vol, l’enlèvement et la torture) et a incité d’autres personnes à commettre de tels actes, de sorte que la peine d’emprisonnement à perpétuité qui lui a été infligée ne peut être considérée comme disproportionnée pour des raisons politiques. Les allégations d’actes de torture dont il aurait été victime au cours de sa détention provisoire, selon sa famille, n’ont pas été reprises par M. Karimov au cours de son procès.

Cas n° 71: Mustafayev, Elshad Teyyub 
			(89) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 418-420, avis du 12 mai 2003 (liste des 716/474).

Cas n° 73: Mustafayev, Maqsad Teyyub 
			(90) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 426-428, avis du 12 mai 2003 (liste des 716/476).

178. Ils étaient tous deux membres du groupe armé de Vaqif Huseynov, qui a pris part à la tentative de coup d’Etat dont Suret Huseynov aurait été l’instigateur (voir plus haut le cas no 38). Ils ont été reconnus coupables de crimes dépourvus de caractère politique et commis avec violence, notamment du meurtre avec préméditation d’un procureur. Certaines contradictions demeurent dans les jugements, notamment le fait qu’ils auraient dû tous deux se trouver encore en prison pour y purger leur peine précédente au moment où ils étaient censés avoir commis certains des crimes qui leur étaient reprochés dans l’acte d’accusation.
179. Plusieurs défenseurs des droits de l’homme azerbaïdjanais ont fait observer, à propos du refus des experts indépendants de reconnaître aux cas précités un statut «politique» (cas nos 37, 38, 46, 52, 71 et 73), qu’il était fort possible que l’une ou l’autre de ces personnes n’ait pas été informée de la procédure de vérification en cours ou n’ait pas bénéficié des services d’un avocat compétent et n’ait pas présenté pour cette raison un commencement de preuve de l’existence de graves violations, comme l’exigent les critères définis par les experts.
180. Le fait de rejeter ces considérations me met mal à l’aise, mais je ne suis pas en mesure de remettre en cause a posteriori les conclusions des experts indépendants, qui disposaient de moyens beaucoup plus importants que moi pour examiner en profondeur ces affaires. Cela dit, considérant le temps qu’ils ont déjà passé en prison, ils devraient pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle au titre des dispositions ordinaires. Si les autorités persistent à refuser d’appliquer les dispositions ordinaires à ces personnes, cela pourrait constituer en soi une discrimination et faire naître des soupçons de motivations politiques.

3.2.2.3. Membres du groupe paramilitaire «Quaranqush» (Hirondelle), 1993

181. Le détachement «Quaranqush», composé de huit volontaires, avait été créé pour la défense du district frontalier de Gubadli à cause de la menace d’une invasion militaire de l’Arménie. Un membre de ce groupe avait été tué au combat et célébré à titre posthume comme un héros; un autre membre avait quitté le détachement après avoir été blessé au combat. Après la création de l’armée nationale azerbaïdjanaise en octobre 1991, les six derniers membres du détachement «Quaranqush» avaient été transférés dans des unités régulières de la police et de l’armée. Selon les autorités, ils avaient continué à mener ensemble des activités criminelles dignes de gangsters dans ce district; elles leur reprochaient également d’avoir attaqué à main armée un service de police et d’avoir assassiné cinq «traîtres» supposés le jour de l’invasion arménienne. D’après les ONG de défense des droits de l’homme, les liens que ce groupe entretenait avec le mouvement du Front populaire 
			(91) 
			Mouvement civique et
politique en activité entre 1989 et 1995, qui bénéficiait d'un solide
soutien de la population; à ne pas confondre avec le «Front populaire
d'Azerbaïdjan» (AXCP), parti d'opposition créé en 1995. inquiétaient les autorités nouvellement en place, qui en ont persécuté les membres avec une dureté particulière. Un membre du groupe, F. Shahmuradov, a été tué au cours de son arrestation. Un autre membre, M. Maharramov, s’est suicidé. Un troisième, M. Qayibov, a tenté de se suicider à deux reprises (lors de son arrestation et pendant sa détention). Deux autres membres, les frères Novruzov, sont morts pendant l’instruction.

Cas n° 58: Maherramov, (Maharramov) Nadir Eldar

182. M. Maherramov a été condamné en 2002 à une peine de prison à perpétuité en tant que membre supposé de «Quaranqush». Il figurait sur la «liste des 107» examinée par les premiers rapports de l’Assemblée sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Mon prédécesseur M. Malcolm Bruce, rapporteur sur cette question, qui a pu encore effectuer une visite d’étude en Azerbaïdjan, a formulé à propos de ce cas les observations suivantes dans son rapport de 2005:
«J’avoue avoir été particulièrement interpellé par le cas de Nadir Maharramov, arrêté en 2003 et condamné à perpétuité pour avoir soi-disant fait partie du groupe de reconnaissance Garangush. Ce groupe avait été “dissous” en 1993 (doux euphémisme pour dire que ces membres, d’abord héros de l’Azerbaïdjan, ont été pourchassés, arrêtés, torturés et proprement liquidés!). Nadir avait 18 ans à l’époque des faits et tous les témoignages concordent pour dire qu’il n’a jamais fait partie de ce groupe. 
			(92) 
			Doc. 10564, paragraphe 70.»
183. Considérant que ce groupe, après avoir perdu deux membres, en conservait six, dont trois sont morts lors de leur arrestation ou de leur détention et trois autres (les cas nos 66, 79 et 85 ci-dessous) sont toujours détenus, je ne peux qu’inviter, comme mon collègue, les autorités à réparer l’injustice évidente faite à cet homme qui a désormais passé un tiers de son existence en prison.

Cas n° 66: Mammedaliyev (Mammadaliyev), Sahib Nureddin 
			(93) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 398-401, avis du 11 décembre 2003 (liste des 716/386).

Cas n° 79: Qayibov, Intiqam Yusif 
			(94) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 438-441, avis du 11 décembre 2003 (liste des 716/550).

Cas n° 85: Shahmuradov, Yashar Khasay 
			(95) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 466-469 (liste des 716/649).

184. Ces trois hommes ont été condamnés en 1993 à mort (condamnation transformée par la suite en perpétuité). Ils avaient été membres du groupe paramilitaire «Qaranqush» (Hirondelle) et partisans du mouvement du Front populaire. Les experts indépendants ne leur ont pas reconnu la qualité de prisonniers politiques, considérant que, même si le tribunal n’avait pas précisé la responsabilité individuelle de chaque membre de la bande dans les crimes commis par elle, ils avaient été tous les trois condamnés pour leur participation à un crime particulièrement violent (meurtre avec préméditation).
185. Bien que le fait de ne pas considérer ces trois détenus comme des prisonniers politiques présumés me mette mal à l’aise, compte tenu du caractère politique évident de ce dur traitement réservé à d’anciens «héros», je ne souhaite pas remettre en cause a posteriori les conclusions des experts indépendants, qui ont fondé leur décision sur le caractère violent des crimes dont les intéressés ont été reconnus coupables, conformément aux critères auxquels j’ai moi aussi souscrit dans la première partie du présent rapport.

3.2.2.4. Autres «cas anciens»

Cas n° 14: Aliyev, Sadykh Mikayil 
			(96) 
			SG/Inf(2004)21, addendum
II, p. 306-310 (liste des 716/105).

Cas n° 67: Mammedveliyev, Sabuhi Seyfeddin

186. Tous deux ont été arrêtés en 2000 et condamnés à perpétuité en leur qualité de membres dirigeants du groupe «Bohran» (Crise). Le Comité de la sécurité d’Etat de l’Azerbaïdjan (KGB) avait créé ce groupe en 1989 pour contrer la menace qu’était censée représenter, pour la sécurité, le mouvement azerbaïdjanais Front populaire. Ce groupe aurait commis plusieurs assassinats politiques de partisans du Président Heydar Aliyev, ainsi que d’autres meurtres motivés par des raisons privées. Les experts indépendants n’ont pas reconnu à M. Sadykh Aliyev la qualité de prisonnier politique en raison de la nature violente des actes dont il a été reconnu coupable et la requête qu’il avait introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme a été jugée irrecevable. M. Mammedveliyev figure sur la «liste des 107» jointe en annexe du précédent rapport de l’Assemblée sur cette question, établi par Malcolm Bruce. Je ne souhaite pas me dissocier de l’appréciation des experts indépendants; par conséquent, je ne considère pas ces deux hommes comme des prisonniers politiques présumés.

Cas n° 51: Karimov, Kamran Sultan

Cas n° 59: Mahsimov (Maksimov), Rahib Shaval

Cas n° 81: Safaraliyev, Alfat Khalid 
			(97) 
			SG/Inf(2004)21,
addendum II, p. 458-462 (liste des 716/625).

187. M. Karimov a été condamné en 1999 à une peine de 14 ans d’emprisonnement pour ses activités de membre du mouvement national lezguien «Sadval» (Unité). Ce groupe serait officiellement enregistré en Fédération de Russie, mais considéré comme un groupe terroriste illégal en Azerbaïdjan. Il a fait campagne dans les années 1990 pour l’unification de tous les Lezguiens dans un seul et même Etat (le «Lezguistan») regroupant des régions appartenant à la Russie (le sud du Daghestan) et au nord de l’Azerbaïdjan. M. Karimov a été reconnu coupable d’avoir participé à une attaque à main armée perpétrée sur des gardes frontière.
188. M. Mahsimov, chef de la branche azerbaïdjanaise de «Sadval», a été condamné en 1994 à perpétuité pour sa participation supposée dans l’attentat terroriste du métro de Bakou en 1994, qui avait fait 14 morts.
189. Tous deux figuraient sur la «liste des 107» nouveaux prisonniers politiques établie par Malcolm Bruce 
			(98) 
			Doc. 10564 du 31 mai 2005, Annexe III.. La requête introduite par M. Mahsimov devant la Cour européenne des droits de l’homme a abouti, en ce sens que la Cour a conclu à la violation de l’article 6, alinéa 1 (procès équitable), en se fondant sur le fait que le pourvoi en cassation avait été examiné par la Cour suprême d’Azerbaïdjan en l’absence de M. Mahsimov 
			(99) 
			Arrêt du 8 octobre
2009 (Requête no 38228/05)..
190. M. Safaraliyev a été condamné en 2000 à une peine de 15 ans d’emprisonnement pour complicité dans l’attentat à la bombe du métro de Bakou en 1994. Il aurait également participé à une émeute survenue dans la prison de Qobustan en janvier 1999. Les experts indépendants ne lui ont pas reconnu la qualité de prisonnier politique au vu de la nature violente des actes dont il a été reconnu coupable. Je partage ce point de vue.

Cas n° 18: Badalov, Rovshan

Cas n° 68: Mammedov (Mammadov), Mammad Ali

191. Les deux détenus auraient participé en tant que combattants aux conflits de Tchétchénie et du Karabakh.
192. M. Badalov a été arrêté en 2004 et condamné à une peine de neuf ans d’emprisonnement pour homicide, cambriolage et constitution de formations armées illégales.
193. M. Mammedov a été condamné en 2001 et 2003 à perpétuité pour le meurtre d’un garde frontière alors qu’il introduisait des armes de contrebande sur le territoire géorgien. Son avocat conteste qu’il soit l’auteur de ce meurtre et prétend qu’il a uniquement tiré en l’air et que le tribunal a interprété les éléments de preuve de façon partiale, au détriment de M. Mammedov, pour éviter toute implication des membres des forces du ministère de l’Intérieur azerbaïdjanais dans cet incident. M. Mammedov a obtenu gain de cause auprès de la Cour européenne des droits de l’homme devant laquelle il avait introduit une requête 
			(100) 
			Arrêt
du 11 octobre 2011 (Requête no 38073/06).; elle a conclu à la violation de l’article 6 (procès équitable), mais pas à celle de l’article 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants), faute d’épuisement des voies de recours internes. Les autres griefs invoqués sur le fondement des articles 5, 6 13 et 14 de la Convention ont été rejetés comme étant manifestement mal fondés. M. Mammedov figurait sur la «liste des 107». J’hésite néanmoins à reconnaître à ces deux personnes la qualité de prisonnier politique présumé, faute d’éléments suffisants sur les vices de forme précis dont ils ont été victimes et sur le caractère «politique» des actes dont ils ont été reconnus coupables et qui constituent, au regard de n’importe quelle norme, des crimes commis avec violence.

4. Conclusions

194. A la lumière des différentes catégories de cas que j’ai examinées et brièvement présentées dans le présent rapport, mes conclusions politiques sont les suivantes:
195. En Azerbaïdjan, la procédure judiciaire peut et semble toujours être utilisée de manière abusive à des fins politiques, en vue d’intimider, de réduire au silence ou de neutraliser les opposants en qui l’élite au pouvoir voit une menace, qu’il s’agisse des militants des partis d’opposition laïcs ou religieux ou des militants indépendants de la société civile, des avocats, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. La pression croissante qui est exercée sur les avocats qui continuent à oser défendre les personnes qui font l’objet d’affaires «politiques» représente un symptôme inquiétant, que l’ONG norvégienne «Human Rights House» a porté à ma connaissance récemment 
			(101) 
			L’avocat
Elchin Namazov, qui défendait les participants de la manifestation
du 2 avril 2011 (voir plus haut les paragraphes 41 et suivants)
aurait été menacé par le chef de la police de Ganja d’être accusé
de détention de drogue et d'être radié de l'ordre des avocats s'il
défendait les jeunes militants Azar Jabiyev et Fakhri Ilyasov (voir
plus haut respectivement les paragraphes 133 et 93); le bâtonnier
de l'ordre l’a menacé de radiation de l'ordre des avocats s'il défendait
Bakthtiar Hajiev (voir annexe 2, no 10);
les agents du ministère de la Sûreté nationale l'ont menacé de radiation (sic !)
s'il défendait le journaliste Ramin Bayramov (voir plus haut les
paragraphes 73-75). L'avocat Khalid Bagirov, qui avait assuré la
défense de Vidadi Iskandarov (voir plus haut les paragraphes 61
et suivants) et d’Elnur Mecidli (voir annexe 2, no 17)
aurait déjà été suspendu du barreau. L'avocat Elchin Sadigov, spécialisé
dans la protection des droits des médias, qui avait défendu notamment
Eynulla Fatullayev, a été accusé d'avoir accepté d'être payé par
des ambassadeurs étrangers et des députés gagnés à l’opposition
pour faire de la propagande contre le gouvernement. Les avocats
Intigam Aliyev et Yalchin Imanov auraient également subi régulièrement
des pressions et les autorités les empêchent fréquemment de rencontrer
leurs clients et d'exercer leurs obligations professionnelles. .
196. Cette stratégie d’intimidation n’impose pas de mettre constamment sous les verrous l’ensemble des opposants. Le «jeu» consiste apparemment à condamner certains opposants plus lourdement que d’autres, à laisser les uns purger l’intégralité de leur peine et à libérer les autres plus tôt, de préférence après une démonstration publique de soumission et de repentance; cette méthode est indigne d’un Etat membre du Conseil de l’Europe. Tout juge professionnel qui se respecte se doit de ne pas participer à ce «jeu» et de condamner uniquement sur la base de la preuve crédible d’une infraction avérée.
197. Peut-on encore parler de tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’homme lorsqu’un responsable politique âgé peut être reconnu coupable de hooliganisme et condamné à une peine de six ans d’emprisonnement, alors que les témoins à charge et la prétendue victime elle-même témoignent devant cette juridiction de l’absence de toute infraction 
			(102) 
			Voir plus haut le cas
de Neymat Panahov, paragraphes 149 et suivants. ? Le système de la Convention et la Cour européenne des droits de l’homme sont-ils outillés pour traiter d’affaires forgées de toutes pièces à partir de fausses preuves, comme la drogue «trouvée» sur M. Fatullayev peu de temps après que la Cour avait conclu, de façon exceptionnelle, que le seul moyen d’exécuter un arrêt qui constatait les nombreuses violations de la Convention commises lorsque l’intéressé avait été reconnu coupable d’un «crime» d’opinion consistait à le libérer immédiatement? Qu’en est-il des affaires dans lesquelles les perquisitions effectuées au domicile d’opposants ciblés permettent de «trouver» des armes, des munitions (parfois une seule cartouche) ou de la drogue, systématiquement en présence de «témoins» qui sont parfois miraculeusement présents en plusieurs lieux au même moment? La Cour européenne des droits de l’homme a les moyens de constater les vices de procédure ou les autres violations de la Convention dans les affaires de manipulations les plus extrêmes et les plus maladroites. Mais ensuite? La constatation même de graves vices de procédure, généralement plusieurs années après la décision définitive des juridictions nationales, ne conduit pas automatiquement à rejuger le prisonnier concerné, encore moins à l’acquitter et à le libérer. Le système de la Convention suppose que l’ensemble des Etats aient la volonté politique de faire respecter les droits de l’homme et de permettre à leurs partenaires de corriger leurs erreurs dans le cadre de la procédure de contrôle mutuel prévue à cette fin par la Convention. Pour être franc, je ne suis pas convaincu que les autorités azerbaïdjanaises actuelles aient cette volonté politique, si j’en juge par l’absence de coopération dont elles ont fait preuve à mon égard lorsque j’ai tenté pendant des années d’engager un dialogue constructif avec elles pour examiner le problème des prisonniers politiques et trouver des solutions.
198. Mais la délégation azerbaïdjanaise peut encore me démontrer que je me trompe, en acceptant et en appuyant les propositions pragmatiques et constructives que je soumets à l’approbation de l’Assemblée le projet de résolution établi sur la base du présent rapport.

Annexe 1 – Liste récapitulative des prisonniers politiques présumés (par ordre alphabétique) 
			(103) 
			Les noms en majuscules
désignent les personnes auxquelles la qualité de prisonnier politique
présumé a été reconnue; les noms en italique désignent les détenus
qui figurent sur la «liste d’observation» des personnes placées
en détention provisoire

(open)
1. ABBASLI (Abbasly), Tural
2. ABBASOV, Elshan Sardar
3. ABBASOV, Faramiz (Faramaz)
4. Abdullayev, Shamsi Vahid
5. ABDULLAYEV, Vagif
6. AGAYEV, Farig (Farid) Nadir
7. AHUNDZADE, Ruxulla (Akhundzadeh, Rufulla)
8. ALEKBEROV, Taleh
9. ALIYEV, Ceyhun (Djeyhun/Jeyhun) Saleh
10. ALIYEV, Farhad
11. ALIYEV, Mamedali Dilavar
12. ALIYEV, Rafiq
13. ALIYEV, Rashad Ismail
14. Aliyev, Sadykh Mikayil
15. AMIRASLANOV, Elchin Samed
16. ARBAROV, Taleh
17. ASGAROV (Asgerov), Mammad Tofiq
18. Badalov, Rovshan
19. BAGIROV, Taleh Kamil
20. Bayramli, Anar
21. BAYRAMOV, Ramin
22. DADASHBEYLI, Said Alakbar
23. EYVAZLI, Zulfugar (Zulfuqar)/Eyvazov, Zulfigar
24. FARZULLAYEV, Jeyhun Hidayet
25. GANIYEV, Arif
26. GOCAYEV (Gojayev), Samir Edik
27. Gonagov, Vugar
28. Gulaliyev, Ogtay
29. Guliyev, Zaur
30. GULIYEV (Quliyev), Baybala (Beybala) Yahya
31. GURBANOV, Maarif
32. HAJILI (Hajily), Arif
33. HAJIBEYLI, Rufet (Rufat)
34. HASANLI, Shahin
35. HASANOV, Babek
36. Huseynov, Magsud Vagif (Maqsud Vaqif)
37. Huseynov, Vagif (Vaqif) Rza
38. IDRISOV, Mikayil Garib
39. ILYASOV, Fahri
40. INSANOV, Ali
41. ISKANDAROV (Isgandarov), Zaur Shalar (Toghrul)
42. ISKENDEROV (Isganderov/Isgandarli), Vivadi
43. ISMAYLOV, Araz Vasif
44. Ismaylov, Rashid Nurulla
45. ISMAYLOV, Tarlan
46. JABIYEV, Azer
47. JANIYEV, Aydin
48. Karimov (Kerimov), Dayanat Kerim
49. KARIMOV, Kamran Sultan
50. Karimov (Kerimov), Keramat Pasha
51. KARIMOV (Kerimov), Rasim Rafig
52. Khasmammadov, Taleh
53. KAZYMOV (Kazimov), Arif Nazir
54. KERIMOV (Karimov), Jahangir Ramiz
55. KERIMOV, Sahib
56. MAHERRAMOV (Maharramov), Nadir Eldar
57. MAHSIMOV (Maksimov), Rahib Shaval
58. MAJIDLI, Elnur
59. MAJIDLI, Mahammad (Mohammad)
60. Mamedov, Bakthiar
61. MAMEDRZAYEV, Firdovsi
62. MAMMADLI (Mamedli), Ahad
63. MAMMADOV (Mammedov), Hasan Alipasha
64. Mammedaliyev (Mammadaliyev), Sahib Nureddin
65. Mammedveliyev, Sabuhi Seyfeddin
66. Mammedov (Mammadov), Mammad Ali
67. MEHBALIYEV, Emin (Emil) Nuraddin
68. MUSAYEV, Ilgar
69. Mustafayev, Elshad Teyyub
70. Mustafayev, Hasan Huseyn
71. Mustafayev, Maqsad Teyyub
72. NOVRUZOV, Chingiz Farman
73. NURIYEV, Rufat Fazil
74. PANAHOV, Neymat (Panahly, Nemat)
75. POLADOV, Safa Alim
76. Qayibov, Intiqam Yusif
77. QULIYEV, Ulvi
78. Safaraliyev, Alfat Khalid
79. SAMEDOV, Dayanat
80. SAMEDOV, Movsum
81. Seyidov, Elnur
82. Shahmuradov, Yashar Khasay
83. Tahirov, Aliyusif Damet
84. VALIQULIYEV (Valiguliyev), Rashad
85. Zeynalli, Avaz

Annexe 2 – Personnes figurant autrefois sur les listes de prisonniers politiques présumés, mais qui ne sont plus emprisonnées (par ordre alphabétique)

(open)
1. Abdullayev, Mais

Affaire du hijab, libéré en 2012.

2. Abdurahmanov (Abdurahimov), Ali

Arrêté en 2009 (2008?). Partisan de l’ancien Premier ministre Suret Huseynov accusé d’avoir participé à l’organisation d’un coup d’Etat en 1994. La qualité de prisonnier politique a été reconnue par les experts indépendants du Secrétaire Général à Suret Huseynov lui-même, qui a été libéré. Libéré le 14 août 2009.

3. Abdurahmanov (Abdurahimov), Mahir

Arrêté in 2009. Partisan de l’ancien Premier ministre Suret Huseynov accusé d’avoir participé à l’organisation d’un coup d’Etat en 1994. La qualité de prisonnier politique a été reconnue à Suret Huseynov lui-même, qui a été libéré, par les experts indépendants du Secrétaire Général. Libéré le 12 juin 2009.

4. Ahmadov, Mahir Teyyub

Arrêté en 1997, condamné à une peine de 15 ans d’emprisonnement. Affaire du meurtre du député Ali Antsukhsky (actes terroristes supposés). Liste des 716/49. SG/Inf(2004)21, NPP. Libéré le 5 novembre 2010.

5. Aliyev, Fuad Faril

Affaire des représentants de la mosquée «Juma»; arrêté en 2005, condamné à une peine de six ans d’emprisonnement. Libéré le 13 avril 2011.

6. Alisli (Alyshly), Arif

Membre du Front populaire (AXCP/PPFA), parti d’opposition, condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement. A bénéficié d’une libération conditionnelle en janvier 2012 .

7. Bagirzade, Zeynal

Membre actif de la section du Nakhitchevan du Parti du Front populaire; arrêté le 27 décembre 2011 et condamné le 2 mars 2012 à une peine de sept ans et six mois d’emprisonnement pour avoir prétendument fait une fausse déclaration d’invalidité et perçu indûment des allocations. Libéré en mai 2012.

8. Bashirli, Ruslan Djalil

M. Bashirli, ancien responsable du mouvement de jeunesse «Yeni Fikir» du Parti du Front populaire, a vivement critiqué le gouvernement. Il a été arrêté en 2005 pour ses liens supposés avec les services secrets arméniens. L’enregistrement de ces prétendues rencontres avec les services secrets arméniens a été diffusé à la télévision. Il a été condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement pour espionnage. La requête qu’il a introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme est toujours pendante (Requête no 32066/07).

Il a bénéficié d’une libération conditionnelle en mars 2012, quelques mois à peine avant le terme de sa peine, après avoir écrit une lettre ouverte au Président, dans laquelle il se «repentait» de s’être allié aux groupes d’opposition dans sa jeunesse, assurait le Président qu’il avait réfléchi à ses erreurs pendant sa détention et qu’il était parvenu à la conclusion que le Président méritait la plus extrême loyauté pour tout le bien qu’il avait fait pour le pays 
			(104) 
			Le texte
de cette lettre inouïe est disponible en azéri et en anglais sur <a href='http://news.az/articles/society/56578'>http://news.az/articles/society/56578</a>..

9. Fatullayev, Eynulla

Journaliste (fondateur et rédacteur en chef des quotidiens Gündelik Azerbaycan et Realny Azerbaijan, connus tous deux pour leur critique du gouvernement). Arrêté le 20 avril 2007, condamné à l’issue de procédures pénales distinctes pour deux articles à une peine totale de huit ans et six mois d’emprisonnement (pour diffamation et «menace de terrorisme»). La Cour européenne des droits de l’homme (Requête no 40984/07, arrêt du 22 avril 2010) a conclu à la violation de l’article 10 (liberté d’expression et d’information) et de l’article 6 (procès équitable) et a ordonné sa libération. Libéré par amnistie présidentielle le 26 mai 2011, après plusieurs tentatives d’engagement de poursuites à son encontre pour détention de drogue à la suite de l’arrêt de la Cour.

10. Hajiev, Bakhtiyar

Diplômé de l’université de Harvard, membre du mouvement de jeunesse «Vrai changement» et candidat indépendant aux élections législatives de 2010, M. Hajiev a été arrêté le 4 mars 2011 avant une manifestation prévue le 11 mars 2011 («Grande Fête nationale»), qu’il avait activement promue par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Accusé de s’être soustrait à son obligation de service militaire (en qualité d’objecteur de conscience), il a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement. Début juin 2012, M. Haijev a bénéficié d’une libération conditionnelle.

L’objection de conscience et le droit de faire un autre type de service sont prévus par la Constitution azerbaïdjanaise, mais le texte législatif d’application qui fixe les conditions du service alternatif fait toujours défaut, officiellement à cause du conflit continu avec l’Arménie. Dix autres personnes au moins ont été reconnues coupables de la même infraction, sans être pourtant arrêtées ni condamnées à une peine d’emprisonnement.

M. Haijev affirme également avoir été frappé pendant la période qui a précédé son procès, au cours de laquelle il a posté ses mésaventures sur les réseaux sociaux. Il était assigné à résidence et a été convoqué à plusieurs reprises au commissariat. Pendant le procès, il a demandé à titre de preuve qu’un médecin l’examine et que les policiers qui l’auraient frappé soient interrogés, mais le tribunal a rejeté ces deux demandes. La Cour suprême d’Azerbaïdjan a rejeté son recours le 6 décembre 2011.

Amnesty International considère M. Hajiev comme un prisonnier de conscience.

Compte tenu de la nature politique de l’infraction pour laquelle il a été condamné, du contexte de son arrestation, qui est intervenue dans le cadre d’une manifestation qu’il avait aidé à organiser, de ses activités politiques de candidat indépendant aux élections législatives et du traitement discriminatoire qui lui a été réservé, beaucoup plus dur que les autres objecteurs de conscience, ainsi que des mauvais traitements qui lui ont été infligés durant l’instruction et pour lesquels les autorités ont refusé d’ouvrir une enquête, M. Hajiev était également un prisonnier politique présumé au regard des critères du Conseil de l’Europe.

11. Hasanov, Elshan

Elshan Hasanov, militant d’un parti d’opposition, a été reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011 et condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement. Il a été libéré le 22 février 2012.

12. Israfilov, Elnur

M. Israfilov est le neveu du président de la section du district de Narimanov du «Front populaire», parti d’opposition (AXCP/PPFA); il a été condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement pour avoir pris une «part active» à la manifestation du 2 avril 2011. Il a été gracié en mars 2012.

13. Madatov, Mushfig Israfil

Ancien garde du corps du Président, libéré après avoir été gracié le 13 avril 2011.

14. Mammadov, Nurani Ahmad

Affaire du «hijab», libéré en 2012.

15. Mammedov, Mehman Qardashkan

Arrêté en 2006, condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement. Partisan de l’ancien vice-ministre de l’Intérieur Rovshan Javadov, accusé d’avoir participé à l’organisation d’un coup d’Etat en 1995. Libéré à l’occasion de l’amnistie présidentielle de la fin 2011.

16. Marqashvili, Khyzyr

Arrêté en 2004, condamné à une peine de neuf ans d’emprisonnement prétendument pour homicide, cambriolages, constitution de formations armées illicites. Libéré le 13 août 2008.

17. Mecidli (Macidli) Elnur Arzuman

Arrêté le 10 avril 2011 et reconnu coupable d’avoir pris une «part active» à la manifestation d’«Assemblée des citoyens» le même jour; libéré le 15 mai 2012.

18. Mikayilzadeh Zulfigar

Membre de l’organisation régionale «Masally», condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement pour préparation d’actes terroristes et de coup d’Etat. Libéré.

19. Milli, Emin

Blogueur et jeune militant, arrêté en même temps qu’Adnan Hajidze le 10 juillet 2009; deux jours plus tôt, il avait été frappé par deux hommes dans un restaurant, peu de temps après avoir diffusé sur les médias sociaux une vidéo satirique critique à l’égard du gouvernement; il a été condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement (Hajidze: deux ans), pour coups et blessures volontaires. Ils ont été libérés tous les deux les 18/19 novembre 2010 après une vague de protestations, notamment dans les milieux universitaires et les médias sociaux.

20. Namazov, Anar

Neveu d’Ali Insanov (ancien ministre de la Santé, toujours détenu), condamné le 20 avril 2007 à une peine de sept ans et six mois d’emprisonnement. Libéré par décret présidentiel du 26 mai 2011.

21. Namazov, Tapdiq Bahman

Membre de l’AXCP (Front populaire d’Azerbaïdjan), arrêté en 2003, condamné à une peine de 11 ans d’emprisonnement; liste des 107. Libéré.

22. Orujov, Shirkhan

Arrêté en mai 2011 et placé en détention provisoire en qualité de suspect dans l’affaire du «hijab». Le 17 octobre 2011, le tribunal d’instance du district de Narimanov à Bakou l’a condamné à une peine de trois ans et six mois d’emprisonnement; le tribunal a cependant suspendu l’exécution de la peine, suite à quoi M. Orujov a été libéré.

23. Savalan(li), Jabbar

Jeune militant du parti d’opposition PPFA. Arrêté au cours de la manifestation générale pacifique organisée par Ictimai Palata (IP/Assemblée des citoyens) le 2 avril 2011, condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement pour détention de drogue (qui aurait été dissimulée à dessein sur lui). Considéré par Amnesty International comme prisonnier de conscience (voir le communiqué de presse d’Amnesty International du 30 novembre 2011). Libéré à l’occasion de l’amnistie présidentielle de fin 2011.

24. Shamuradov, Nizami Orudj

Arrêté en 2007 (2008?), il s’est rendu volontairement après avoir été recherché par la police pendant 13 ans dans le cadre de l’affaire de l’OPON, et a été condamné à une peine de sept ans d’emprisonnement. Partisan de l’ancien vice-ministre de l’Intérieur Rovshan Javadov, accusé d’avoir participé à l’organisation d’un coup d’Etat en 1995. Libéré à l’occasion de l’amnistie présidentielle de la fin 2011.

25. Umnyashkin, Alexander

Professeur de médecine, arrêté en 2005 dans le cadre de l’affaire de l’ancien ministre de la Santé, Ali Insanov (qui avait été son professeur d’université), condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement le 20 avril 2007. Gracié par décret présidentiel en août 2008.

26. Zahid, Quanimat

Condamné pour «hooliganisme» à la suite d’une prétendue provocation; libéré le 17 mars 2010.

27. Zeynalov, Akif

Arrêté en 2006 et condamné à une peine de 13 ans d’emprisonnement. Partisan de l’ancien Premier ministre Suret Huseynov, accusé d’avoir participé à l’organisation d’un coup d’Etat en 1994. Suret Huseynov lui-même a été considéré comme un prisonnier politique par les experts indépendants du Secrétaire Général et libéré. M. Zeynalov a été libéré le 15 décembre 2007.