1. Introduction
1. Le présent rapport fait suite à deux précédents rapports,
établis par Mme Corien Jonker (Pays-Bas, PPE/DC) au nom de la Commission
des migrations, des réfugiés et de la population, qui ont conduit
à l’adoption de la
Résolution
1648 (2009) sur les conséquences humanitaires de la guerre entre
la Géorgie et la Russie et de la
Résolution 1664 (2009) sur les suites données.
2. Au moment de l’élaboration de ce rapport, plus de quatre ans
se sont écoulés depuis les hostilités d’août 2008 qui ont donné
lieu au déplacement de quelques 192 000 Géorgiens de souche et 36 000
Ossètes de souche. Alors que la grande majorité de ces personnes
ont été en mesure de regagner leurs foyers, 18 789 personnes restent
déplacées dans les régions non contestées de Géorgie et 3 914 autres
ont été déplacées deux fois. Selon les autorités géorgiennes, le
nombre total de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI)
est actuellement de 265 295
.
Les estimations font par ailleurs état de 15 000 personnes déplacées à
l’intérieur de l’Ossétie du Sud, Géorgie
, à la
suite du conflit de 2008, et de 5 000 personnes déplacées à la suite
du conflit des années 1990
. Le nombre de PDI en Abkhazie,
Géorgie
,
reste quant à lui inconnu.
3. Le présent rapport a pour objet d’examiner la situation humanitaire
des personnes les plus touchées par le conflit, notamment les PDI
affectées par les conflits récents et antérieurs et les familles
des personnes disparues. L’approche adoptée est de nature humanitaire;
elle s’attache aux personnes et non à la politique. Cela étant,
dans le cadre de l’élaboration du rapport, il n’a pas toujours été
possible de dissocier les deux, notamment lorsqu’il s’agit de chercher
des solutions réalistes aux problèmes posés, d’en comprendre l’origine et
de les replacer dans leur contexte. Par ailleurs, toutes les parties
au conflit ont malheureusement trop souvent accordé la priorité
aux aspects politiques à long terme plutôt qu’aux problèmes immédiats
rencontrés par les personnes touchées par le conflit.
4. Pour l’élaboration de ce rapport, je me suis rendue à Tbilissi
du 19 au 23 septembre 2011. Je suis ensuite retournée en Géorgie
du 12 au 15 décembre 2011 afin d’effectuer une visite dans la région
d’Abkhazie et de tenir des réunions à Gali et à Soukhoumi. Je me
suis également rendue à Moscou du 9 au 11 octobre 2012. Il m’a cependant
été impossible d’aller en Ossétie du Sud en raison d’un désaccord
politique quant aux modalités régissant mon entrée et ma sortie
du territoire.
5. Je tiens à remercier toutes les personnes et les organisations
qui ont facilité mes visites et m’ont fourni diverses informations.
Je voudrais tout particulièrement exprimer ma reconnaissance à Mme
Rosaria Puglisi qui, en sa qualité de consultante, m’a assistée
durant les dernières étapes de l’élaboration du présent rapport.
6. Il convient de souligner que rien dans le présent rapport
ne saurait être interprété comme étant contraire au plein respect
de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie
à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, conformément
à la position de l'Assemblée parlementaire à cet égard et en particulier
à celle adoptée dans sa
Résolution
1633 (2008)et sa
Recommandation
1846 (2008)sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et
la Russie et les résolutions et recommandations subséquentes y afférentes.
2. La situation
générale en Géorgie
2.1. Evolution politique
récente à prendre en considération
7. Les Discussions de Genève constituent le principal
forum politique consacré aux besoins sécuritaires et humanitaires,
en particulier pour les PDI et les réfugiés. Les discussions se
poursuivent à intervalles réguliers, le 21 e cycle
ayant eu lieu en octobre 2012. Au sein du premier groupe de travail,
chargé de traiter les questions de sécurité, les parties ont commencé
à travailler sur un accord de non-recours à la force, élément fondamental pour
la sécurité et la stabilité dans la région. Il convient de noter
à cet égard que la Géorgie a déjà déclaré renoncer unilatéralement
au recours à la force, tout comme les autorités de fait à Tskhinvali
et Soukhoumi. Le deuxième groupe de travail, qui s'intéresse principalement
aux PDI et aux réfugiés, n’a pas connu d’avancée majeure. Le succès
le plus significatif des Discussions de Genève reste la mise en
place et le bon fonctionnement du Mécanisme de prévention et de
réaction en matière d'incidents (IPRM), qui examine les incidents
d’ordre sécuritaire et conçoit des solutions pratiques aux problèmes
rencontrés. A titre d’exemple, outre le traitement des incidents
en matière de sécurité, des progrès ont été signalés dans le domaine
de l’eau, notamment avec des projets d’irrigation et de distribution
d’eau potable, qui ont des répercussions des deux côtés de la ligne
de démarcation administrative (LDA). Cela dit, un problème est survenu
lors de la 36e réunion de l’IPRM, le 24 avril 2012, lorsque les
procédures de participation établies et convenues ont été remises
en question par les autorités abkhazes de fait, qui étaient opposées
à la participation du Chef de la Mission de surveillance de l’Union
européenne (MSUE). Il est important de résoudre ce problème afin
que l’IPRM puisse se réunir et poursuivre au plus vite son travail
fort utile.
8. Au niveau des Nations Unies, l’Assemblée générale a adopté
le 3 juillet 2012 une Résolution sur la «Situation des déplacés
et réfugiés d’Abkhazie (Géorgie) et de la région de Tskhinvali/Ossétie
du Sud (Géorgie)». C’est la cinquième année consécutive qu’elle
adopte un tel texte. Dans cette résolution, l’Assemblée générale
se déclare «préoccupée par les changements démographiques forcés
résultant des conflits en Géorgie» et appelle à l’instauration «des
conditions de sécurité propices au retour volontaire sans entrave,
dans la sécurité et la dignité, de tous les déplacés et réfugiés
dans leurs foyers».
9. Le 8 novembre 2012, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
a présenté son «Rapport de synthèse sur le conflit en Géorgie (Avril
2012-Septembre 2012)»
.
10. Le changement de gouvernement intervenu récemment en Géorgie
suite aux élections législatives du 1er octobre
2012 constitue probablement le développement politique le plus important.
Bien qu’il soit peu probable que cela donne lieu à un changement
radical de politique à l’égard du conflit, certains signes laissent entrevoir
l’adoption d’une approche plus souple, ce qui est encourageant.
2.2. Faits juridiques
récents – Affaires portées devant la Cour européenne des droits
de l’homme
11. Deux types d’affaires sont en instance devant la
Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»). Il s’agit dans
le premier cas d’une requête interétatique introduite par la Géorgie
contre la Russie (Requête n o 38263/08),
concernant «le conflit armé qui a éclaté entre la Géorgie et la
Fédération de Russie». Cette requête a été déclarée recevable par
une chambre de la Cour, qui s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre
le 3 avril 2012.
12. Le second type d’affaires est constitué par les requêtes individuelles.
3 300 requêtes individuelles contre la Géorgie ont été déposées
après les hostilités d’août 2008. Un grand nombre a été rayé du
rôle, la Cour ayant conclu que les requérants ne souhaitaient plus
donner suite. Il reste 1 712 requêtes, dont 9 ont été communiquées
au gouvernement. Leur examen sera probablement coordonné à la progression
de la requête interétatique.
13. Vingt autres requêtes ont été enregistrées, à la fois contre
la Géorgie et la Fédération de Russie, et 208 autres, impliquant
plus de 900 requérants, ont été déposées contre la Fédération de
Russie. Elles ont été communiquées à la Fédération de Russie pour
information.
14. La rapporteure attend avec intérêt les conclusions de la Cour,
estimant qu’elles marqueront une étape importante et essentielle
pour le traitement des conséquences humanitaires et autres de la
guerre.
2.3. Politique gouvernementale
2.3.1. Stratégie relative
aux personnes déplacées et Plan d'action
15. La Stratégie nationale en faveur des personnes déplacées
à l’intérieur de leur pays a été complétée par un Plan d’action
pour la mise en œuvre de la Stratégie d’Etat pour les PDI au cours
de la période 2009-2012. Celui-ci a été tout récemment complété
par le Plan d’Action pour les PDI pour la période 2012-2014 adopté par
décret gouvernemental no 1162 du 13 juin
2012.
16. Globalement, la Stratégie et le Plan d’action ont bénéficié
d’un accueil positif. Les acteurs internationaux qualifient de constructive
l’approche du gouvernement et font état de l’engagement dont il
témoigne. La question des PDI demeure cependant très politisée et
plusieurs aspects particulièrement préoccupants seront étudiés plus
avant dans le présent rapport.
17. S’agissant de l’actualisation du Plan d’action pour la période
2012-2014, les organisations internationales préconisent de passer
d’une approche axée sur la situation des personnes à un modèle d’assistance
sociale fondé sur les besoins. Ce changement constituera un défi
majeur pour les autorités des points de vue politique, économique
et juridique et exigera une préparation minutieuse, en particulier
pour anticiper les implications de cette réorientation. Dans ce
contexte, un nouveau programme d’évaluation des besoins des PDI
a été lancé en juillet 2012. Il porte en priorité sur les secteurs
de la santé, de l’agriculture et de l’emploi.
2.3.2. Stratégie relative
aux territoires occupés et Plan d'action
18. En janvier 2010, le Gouvernement géorgien a adopté
la Stratégie d’Etat sur les territoires occupés: engagement par
la coopération. Elle instaure un mécanisme permettant de mener des
activités et des projets communs de part et d’autre de la LDA. Elle
couvre des domaines tels que les relations économiques, les infrastructures,
les transports, l’éducation, les contacts personnels, les mesures
juridiques et administratives et les droits de l’homme.
19. Le Plan d'action pour l'engagement a été adopté le 3 juillet
2010 et définit les modalités de mise en œuvre des objectifs définis
dans la Stratégie. Il institue, entre autres, un Mécanisme de liaison
qui assure la communication entre les communautés divisées et facilite
la conduite de projets internationaux ainsi que la fourniture de
médicaments. J’ai eu recours à ce mécanisme pour franchir la LDA
et organiser des réunions lors de ma visite à Gali et à Soukhoumi.
Le système s’est avéré efficace et a bien fonctionné.
20. L'introduction de cartes d’identité et de documents de voyage
neutres est l’un des autres instruments mis en place. Ces documents
devraient en principe permettre aux personnes qui résident habituellement
dans les régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (à l’exclusion des
militaires russes) de bénéficier des services médicaux, éducatifs
et sociaux au même titre que tous les citoyens des autres régions
de Géorgie. Par ailleurs, l’objectif est que ces documents de voyage
permettent, au final, à leurs titulaires de se rendre à l’étranger
à des fins médicales, éducatives ou de renforcement de la confiance.
Cependant, à l’heure actuelle, peu de pays ont décidé d’accepter
ces documents et les interlocuteurs rencontrés à Soukhoumi et Moscou
ont fait part de leur ferme opposition à leur utilisation, remettant
en cause leur neutralité (il est fait référence à la Géorgie dans le
code du pays et au ministère géorgien de l’Intérieur en tant qu’autorité
émettrice). Peu de personnes auraient fait la demande de ces documents,
qui risquent de ne pas rencontrer le succès escompté par les autorités géorgiennes
.
Ils représentent néanmoins l’une des différentes options offertes
aux personnes qui souhaitent obtenir les avantages procurés par
ces documents, comme la possibilité de voyager à l’étranger
21. Le gouvernement a également approuvé, en octobre 2010, les
modalités d’intervention dans ces régions
,
qui définissent les procédures à suivre et permettent, par exemple,
de mener une action humanitaire d’urgence sans notification préalable.
J’ai cru comprendre que l’ensemble des projets soumis a pour l’heure été
autorisé et que 125 «avis de non-objection» ont été rendus.
22. Dans la pratique, les autorités géorgiennes sont ouvertes
aux projets humanitaires, mais d’autres formes de coopération se
heurtent au problème du statut et à la crainte que cette coopération
risque de promouvoir la construction et la reconnaissance d’un Etat.
23. La rapporteure a appris des organisations internationales
intervenant dans la région d’Abkhazie, qu’elles parviennent à travailler
sereinement et à résoudre divers problèmes tant qu’elles évitent
d’aborder les sujets de controverse, qui prennent sinon rapidement
une tournure politique et touchent à la question du statut. Cela dit,
fin octobre 2012, des organisations non gouvernementales (ONG) internationales
ont été invitées à fermer leurs bureaux à Soukhoumi et à restreindre
leurs interventions à la seule zone de Gali. Si cela se concrétise, le
dialogue et la coopération en seront entravés, ce qui constituera
un retour en arrière pour le renforcement de la société civile à
Soukhoumi. La situation est différente dans la région d’Ossétie
du Sud, où la seule organisation internationale présente est le
Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
24. Le Conseil de l’Europe a mené tout un éventail d’activités
de renforcement de la confiance, qui se sont avérées positives et
constructives. Dans le cadre de ces activités, bilatérales, des
journalistes ont été formés à couvrir de manière équilibrée les
événements politiquement sensibles, un séminaire de formation a
été organisé sur l’utilisation des nouvelles technologies pour améliorer
les aptitudes à la communication interculturelle, un projet a été
mené pour réunir des artistes en faveur du dialogue, de même qu’une
initiative visant à mettre à la disposition de groupes de la société
civile et d’établissements d’enseignement des documents sur les
droits de l’homme. Plusieurs autres projets sont à l’étude, notamment
un projet sur les droits du patient, un séminaire destiné aux enseignants
et aux formateurs d’enseignants sur les enfants en détresse psychologique
ainsi qu’une activité portant sur la préservation du patrimoine
culturel. Il convient de s’en féliciter. Je crois comprendre que
l’organisation de ces activités se heurte à certaines difficultés
(comme la question de savoir si elles doivent dépasser le stade
bilatéral et prendre une dimension européenne plus large ou des
problèmes concernant les documents de voyage). J’espère toutefois
que toutes les parties feront preuve de suffisamment de souplesse
pour permettre leur poursuite. Par ailleurs, je tiens à encourager
le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à développer encore
ses activités de renforcement de la confiance. Sans de tels contacts
et activités, il ne sera pas possible d’instaurer la confiance.
25. Au cours de ma visite à Tbilissi, la création d’un Fonds fiduciaire
par les autorités géorgiennes a suscité certaines inquiétudes. Elle
a été perçue comme un moyen de centraliser l’ensemble des actions
et des financements afin de contrôler les activités dans les régions.
En réponse à ces inquiétudes, les autorités géorgiennes ont déclaré
qu’il s’agissait d’un mécanisme supplémentaire, qui ne porte pas
préjudice à ceux qui sont déjà en place ou aux dispositifs de financement
international mis en place par la communauté internationale.
26. J’estime que cette Stratégie, si elle ouvre la voie à une
coopération limitée et à l’accès humanitaire, est toutefois assez
peu utile à la réintégration. Tous les interlocuteurs rencontrés
au cours de ma visite à Soukhoumi, y compris les acteurs de la société
civile, m’ont clairement fait savoir qu’ils éprouvaient une certaine
méfiance à l’égard de la Stratégie et de sa motivation. Ils ont
par ailleurs indiqué être peu enclins à la réintégration. Pour garantir
l’impact et le succès de cette stratégie ou d’une autre, toutes
les parties prenantes devront se montrer plus conciliantes. La nécessité
pour les autorités géorgiennes de garder le contrôle est compréhensible;
elle ne doit cependant pas nuire à l'objectif visé, c'est-à-dire
la réintégration. Certains éléments amènent toutefois à penser que
les élections législatives qui ont eu lieu récemment en Géorgie
et la nomination d’un nouveau gouvernement qui s’en est suivie devraient
entraîner une réorientation de la stratégie et du plan d’action,
qui devrait se traduire par un renforcement, plutôt que par une
diminution, de l’engagement, de la négociation et de la coopération.
Il est à souhaiter qu'un compromis du côté géorgien entraînera une attitude
similaire de la part des autorités de fait à Soukhoumi et Tskhinvali.
2.3.3. Loi sur les PDI
27. La modification apportée en décembre 2011 à la loi
sur les PDI limite la définition des «personnes déplacées» aux seuls
«résidents en provenance des territoires occupés». Cette modification
a été critiquée parce qu'elle n'est pas conforme aux Principes directeurs relatifs au déplacement
de personnes à l'intérieur de leur propre pays et parce
que son application rétroactive priverait de toute protection juridique
de nombreuses personnes déplacées dont les foyers non sécurisés
sont situés dans des villages situés du côté de la LDA sous contrôle
géorgien. Le Gouvernement géorgien a l'obligation internationale
de porter assistance à sa population de personnes déplacées d'une
manière non discriminatoire et devrait donc remédier à cette absence potentielle
de protection.
2.4. Sécurité
28. La sécurité aux abords de la LDA et le long de celle-ci
s'est, dans l'ensemble, améliorée depuis le dernier rapport de la
commission, en 2009. Aucun incident majeur comparable à ceux qui
ont engendré le précédent conflit n’a été enregistré et les tensions
se sont apaisées. Certains incidents préoccupants restent cependant à
déplorer sur le plan de la sécurité. Ils sont très variés
: coups de feu, mouvements de troupes, vols d’hélicoptères
ou d’avions à basse altitude, explosions de mines et dommages causés
par des engins non explosés, déplacement de la LDA, détentions,
enlèvements et autres crimes, entrave à l’accès aux pâturages, aux
champs et à l’eau, etc. L'absence ou la manipulation d’informations
des deux côtés de la LDA, ainsi que le manque d’interaction et les
restrictions à la liberté de circulation par-delà la LDA contribuent
à renforcer le sentiment d’insécurité. Par ailleurs, en 2010-2011,
une douzaine d’attentats ou tentatives d’attentats à la bombe ont
été signalés en Géorgie. A ce sujet, les autorités géorgiennes ont
accusé la Russie non seulement d’entretenir un réseau d’espions,
mais aussi de jouer un rôle dans ces attentats
.
29. La forte présence militaire russe par-delà la LDA est perçue
par la Géorgie comme une menace constante et une occupation du territoire
géorgien. De l’autre côté de la LDA, les autorités de fait y voient une garantie contre toute
reprise du conflit. Ce ne sont pas des armées se faisant face le
long de la LDA qui permettront de rétablir la sécurité et la confiance
à long terme, mais plutôt la présence de forces internationales d’observation
et de maintien de la paix solides et non partisanes, de part et
d’autre de cette ligne. A cet égard, il est regrettable que la MSUE
n’ait pas la possibilité de remplir son mandat des deux côtés de
la LDA, ce qui pourrait tout au moins assurer un contrôle non partisan
de la situation et des incidents d’ordre sécuritaire. Malheureusement,
il semble pour l’heure n’y avoir aucune volonté politique de trouver
des solutions alternatives au maintien de la paix ou au contrôle,
qu’il s’agisse de l’établissement d’une force multinationale de
maintien de la paix (menée par les Russes ou par d’autres) ou de
toute autre option.
30. Alors que les opérations de déminage ont été achevées dans
la région d’Abkhazie, nul ne peut être sûr à 100 % que toutes les
mines ou munitions non explosées ont été éliminées. Le long de la
LDA avec la région d’Ossétie du Sud, certaines zones sont encore
minées. Pour donner un exemple, en juin de cette année, un véhicule
avec à son bord huit gardes forestiers géorgiens a sauté sur une
mine près de cette ligne. Il est donc vital que l’ensemble de la
population, et en particulier les enfants, restent conscients de
ces risques dans les régions touchées par le conflit. Une première
mesure pourrait être de limiter, comme les Géorgiens l’ont largement
fait, la présence militaire dans une zone de 15 kilomètres de part
et d’autre de la LDA, en veillant à ce que les différentes parties
n’y disposent que de capacités défensives, plutôt qu’offensives.
2.5. Situation des PDI
(anciens et nouveaux dossiers)
2.5.1. Logement
31. Grâce à l'injection de fonds substantiels de la communauté
internationale, le Gouvernement géorgien a, depuis 2008, déployé
de gros efforts pour répondre aux besoins urgents de logement des
nouvelles PDI et résoudre les problèmes rencontrés par celles des
conflits antérieurs. Selon le ministre des Réfugiés, des logements
durables ont été attribués à 28 861 familles, ce qui représente
environ 100 000 personnes.
32. En dépit des mesures prises, les conditions de logement demeurent
très préoccupantes pour la majorité des PDI. La situation diffère
toutefois d’une région à l’autre et est en générale meilleure pour
les personnes déplacées dans la capitale
. Le Défenseur
public de la Géorgie s’est montré particulièrement actif et critique à
cet égard
. Les PDI
n’ont pas été suffisamment informées des autres solutions qui leur
étaient offertes, les opérations ont manqué de transparence et des
problèmes de délais de transfert des droits de propriété et de qualité
des constructions ont été constatés. Par ailleurs, de nombreuses
personnes continuent d’être mal logées, dans des hébergements relevant
aussi bien du secteur public que privé.
33. Il est important de noter que toute une série de mesures a
été mise en œuvre pour trouver des logements de substitution aux
personnes déplacées par le conflit de 2008 et les conflits antérieurs.
Les logements baptisés «nouveaux ensembles» où sont hébergées les
personnes déplacées par le conflit de 2008 sont des pavillons (13)
et des tours d'habitation (25). La majorité de ces ensembles ont
été construits en l’espace de quelques mois après le conflit de
2008, alors que les besoins étaient criants et que l’hiver approchait.
Ayant eu l’occasion de visiter certains de ces pavillons dans le
village de Tserovani, j’ai pu constater que la qualité et la durabilité
de ces constructions laissent grandement à désirer. Les remontées d’humidité
dues à l’absence de fondations, les inondations, la mauvaise qualité
de l’isolation, des installations électriques et des sanitaires
sont monnaie courante. J’ai été informée qu’un dispositif est actuellement
mis en place pour prendre en charge les réparations de ces habitations
et d’autres constructions. Il est essentiel que les réparations
et les améliorations soient réalisées avant la privatisation de
ces logements, dans la mesure où leur utilisation s’intensifie,
ce qui les convertit de fait en solutions de logement durables tant
que les retours demeurent impossibles.
34. Selon le ministère géorgien des Personnes déplacées
, il y a actuellement 101 323 PDI
hébergées dans des centres collectifs et 157 276 dans le secteur
privé
.
Malgré
les travaux d’envergure réalisés, la réhabilitation des centres
collectifs et le transfert des droits de propriété aux PDI sont
loin d’atteindre les objectifs prévus dans le Plan d’action. Plus
de 10 000 familles déplacées attendent la privatisation de leur logement.
Le ministère des Personnes déplacées n’est pas le seul fautif. Le
manque de coordination entre les différents ministères semble être
l’une des causes de ce retard. Il convient de remédier à ce problème.
35. Les problèmes les plus courants sont la mauvaise qualité des
travaux entrepris et le sentiment de frustration face au manque
d’informations relatives au processus de privatisation des centres
collectifs et aux expulsions.
36. Certaines expulsions ont été particulièrement problématiques
en 2010. Elles ont concerné plus de 1 100 PDI. Les biens concernés
n'étaient à l’origine pas officiellement déclarés comme des centres
collectifs pour PDI et accueillaient un mélange de personnes déplacées,
présentant des besoins, des problèmes et des statuts divers et variés.
Les différentes critiques exprimées portaient notamment sur le délai
très court dans lequel les expulsions ont été menées, le manque
d’informations sur d’autres possibilités de logement adaptées et
sur les comportements déplacés ou insultants qui ont accompagné
ces expulsions. A la suite de ces critiques, un moratoire a été
prononcé sur les expulsions jusqu'à la mise en place d'un programme d'hébergement
à l'automne 2010. En outre, des procédures normalisées pour les
expulsions ont été élaborées en collaboration avec le HCR et avec
d’autres organisations internationales. Ces mesures ont permis d'améliorer
le déroulement des expulsions.
37. De nouveaux logements, que l’on pourrait qualifier de modèle
de bonne pratique
, sont
actuellement mis à disposition à Batoumi, à Poti et à Tsqaltubo.
Ils sont partiellement financés par l’Union européenne. L’ensemble
de Poti, par exemple, comprend 18 immeubles de cinq étages et 14
de quatre étages, ce qui permet d’offrir des solutions durables
à 1 168 familles. Selon un récent rapport du HCR, les appartements
sont de bonne qualité et les occupants sont satisfaits
. L’accès aux services,
y compris à l’éducation et à la santé, est également convenable,
de même que le choix de l’emplacement. Toutefois, il convient encore,
semble-t-il, de résoudre les problèmes liés aux moyens de subsistance
et de veiller à ce que ces habitations et les autres solutions de
logement ne contribuent pas à une forme de «ségrégation résidentielle».
Le Conseil de l’Europe pourrait apporter son assistance en contribuant
à garantir l’intégration réussie des PDI dans leur nouveau lieu d’installation,
étant entendu que l’intégration est toujours un processus qui fonctionne
dans les deux sens.
38. Les personnes hébergées dans des logements privés sont probablement
celles qui requièrent le plus d’attention, dans la mesure notamment
où leurs besoins n’ont, dans l’ensemble, pas été pris en compte.
Elles seraient 135 455 dans cette situation, bien au-delà de 50 %
de l’ensemble des PDI. Des études n’ont été menées que très récemment
pour évaluer leurs besoins et le Défenseur public a demandé à ce
que l’on s’intéresse davantage aux PDI logées dans le secteur privé.
Pour donner un aperçu de l’ampleur du problème, selon un rapport
de 2011 du Conseil danois des réfugiés
, 25 % des PDI en hébergement privé
dans la région située au Nord-Ouest de Samegrelo et 22 % à Tbilissi
avaient un besoin urgent de solutions de logement durables, qu’elles
soient ou non elles-mêmes propriétaires du logement concerné. Par
ailleurs, beaucoup des personnes en location ou occupant un logement
qu’on leur a prêté vivent dans l’insécurité.
39. Du fait de la grande diversité des besoins et des situations
des personnes hébergées dans des logements privés, il est important
de mener des recherches supplémentaires afin de disposer de données
de référence fiables sur les conditions socio-économiques de ce
groupe. Les personnes nécessiteuses doivent être aidées, qu'elles
possèdent ou non leur propre logement.
40. Sinon, une autre solution est proposée avec le versement d’une
indemnité en espèces équivalente à $US 10 000. D’après les statistiques
publiées en 2010, 1 684 familles avaient perçu cette somme, mais d’autres
attendent encore leur indemnité
. Il faut de toute évidence aider
ces personnes à se loger dans l’attente du versement de cette indemnité.
41. En conclusion, la rapporteure note qu’il reste beaucoup à
faire et que les autorités géorgiennes ont elles-mêmes reconnu que
800 millions de dollars supplémentaires étaient nécessaires pour
pouvoir satisfaire les besoins des PDI en termes de logement. A
ce jour, toutefois, les promesses de contributions des donateurs sont
seulement de l’ordre de 350 à 400 millions de dollars
.
Il incombe aux autorités géorgiennes de veiller à ce que toutes
les sommes versées soient effectivement utilisées et que leur emploi
soit dûment justifié.
42. La création d’un mécanisme permettant aux PDI de récupérer
leurs logements, leurs terres et autres biens, indépendamment du
lieu où ils se trouvent, ou de percevoir une indemnité, est un point
qu’il convient encore d’examiner. A cet effet, les autorités ont
été invitées à mener une étude sur les différents droits de propriété
et sur les modalités de mise en place d’un mécanisme de réclamation
.
2.5.2. Moyens de subsistance
43. Le manque de moyens de subsistance est particulièrement
problématique pour les personnes vivant dans les lotissements pavillonnaires,
mais touchent également les autres. Même celles qui ont déménagé
à Poti ou Batoumi, villes qui offrent plus d’opportunités de gagner
sa vie ou de trouver un emploi (la première sera une zone de libre
entreprise et la seconde un centre touristique), ne s’en sortiront
pas sans mal.
44. La communauté internationale s’attache de plus en plus à améliorer
les moyens de subsistance des PDI en soutenant des programmes de
formation professionnelle, en octroyant de petits prêts à ceux qui
désirent monter une entreprise, en impliquant les PDI dans les programmes
de réhabilitation de centres collectifs, etc. Il convient cependant
de faire davantage, ce qui vaut aussi pour le gouvernement. Beaucoup
de PDI sont issues d’un milieu agricole et la mise à disposition
de terres et d’équipements agricoles serait à n’en pas douter d’une
aide précieuse. Sur un plan général toutefois, il reste beaucoup
à faire pour briser le cycle de la dépendance dans lequel se trouvent
enfermées de nombreuses PDI, notamment du fait qu’une bonne partie des
nouveaux programmes de logements ou d’appartements sont encore loin
de constituer des communautés viables. Pour donner une idée de l’ampleur
du problème, il a été estimé que les deux tiers des familles déplacées
installées dans les nouveaux villages n’ont pour seule source de
revenu que les subsides versés par le gouvernement
.
Une mesure qui pourrait être prise pour améliorer la situation serait
de fournir une aide structurée pour aider les PDI à trouver un travail,
prenant en compte leurs compétences et leurs souhaits en matière
de moyens de subsistance.
2.5.3. Santé, scolarité
et groupes vulnérables
45. L’accès aux soins de santé des PDI a, dans l’ensemble,
bien été pris en compte. Cela étant, le Défenseur public a fait
savoir qu’en dépit des mesures mises en œuvre par l’Etat pour fournir
aux PDI les soins médicaux de base, le manque d’informations sur
les droits y afférents demeure problématique, de même que le coût
des médicaments.
46. En matière de scolarité, les autorités ont pris les mesures
nécessaires pour garantir le droit à l’éducation des enfants de
PDI. Je me félicite des progrès qui ont été réalisés en matière
d’éducation intégrée. Fait intéressant, une étude récente
a révélé que ces enfants n'aimaient
pas qu'on leur attribue l'étiquette «PDI», preuve de leur volonté
d'une meilleure intégration. La rapporteure invite instamment les
autorités à poursuivre dans cette voie et à étudier les moyens d’éviter
au mieux toute ségrégation scolaire lorsqu’elles décident de construire
de nouveaux sites d’accueil pour les PDI.
47. Depuis le conflit de 2008, plusieurs ONG ont constaté une
recrudescence de la violence domestique en Géorgie (Réseau géorgien
de lutte contre la violence, Association géorgienne des jeunes avocats
– Antenne de Gori, ONG «Sakhli»). S’il est difficile d’établir un
lien direct entre ce constat et la guerre, il est clair que le déplacement,
l'incertitude, le chômage et l'absence de perspectives liés aux
conséquences du conflit ont eu un effet indirect sur l’ampleur de
la violence domestique. Ce problème doit faire l’objet d’une plus
grande publicité et j’invite instamment les autorités à prendre
de nouvelles mesures, au besoin avec l’aide du Conseil de l’Europe.
48. Selon le Défenseur public, les besoins des personnes handicapées
et d’autres groupes défavorisés présentant des besoins particuliers,
ainsi que de leurs familles, n’ont pas été pris en considération
dans les centres collectifs, les nouveaux hébergements ou lors du
processus de relogement. Ce point mérite l’attention urgente des
autorités, qui sont invitées à donner la priorité aux besoins de
ces groupes vulnérables dans le cadre du plan d’action révisé pour
2012-2014.
3. La situation humanitaire
en Abkhazie, Géorgie
49. La région d’Abkhazie est très isolée, malgré son
accès côtier et la bonne route qui la relie à la Russie. Elle dépend
de cette dernière, notamment pour ce qui est de son économie et
de ses capacités militaires. La plupart des habitants de la région
peuvent difficilement entretenir des contacts ou voyager dans d’autres
pays que la Russie, à moins d’obtenir un passeport russe (que la
plupart possèdent, même si cela ne leur garantit pas la possibilité
de voyager dans d’autres pays), de franchir la LDA ou de demander
des documents de voyage neutres.
50. Les Géorgiens de souche vivant dans la région de Gali, dont
beaucoup ont fui avant de revenir, sont confrontés à des difficultés
particulières. Le reste de la population connaît aussi des problèmes
liés à l’isolement économique, politique et social, mais ils sont
de nature et d’ampleur différentes. Il convient toutefois de ne
pas les minimiser.
51. Beaucoup de PDI ne sont pas en mesure de rentrer, notamment
en dehors de la région de Gali, en raison principalement de l’interdiction
qui leur en est faite, laquelle reposerait sur la méfiance collective
et la crainte qu'elles constituent une «quatrième colonne» pour
les autorités géorgiennes. Pour moi, il ne fait aucun doute que
même si ces personnes étaient autorisées à rentrer aujourd’hui,
la durabilité et la sécurité de leur retour seraient largement compromises
en l’absence d’une forme quelconque de mécanisme international de contrôle.
52. A tous points de vue, la situation humanitaire dans la région
de Gali est loin d’être bonne. Les conditions de vie déplorables
constituent un problème déjà mis en lumière dans une évaluation
des PDI de retour effectuée en 2011 par le HCR
. J’ai moi-même été témoin
de cette situation lors de ma visite dans la région.
53. Le récent rapport de Human Rights Watch
«Living
in Limbo» analyse les droits des Géorgiens
de souche retournés dans la région et dresse un constat quasi identique.
Si l’on s’en tenait à cela, le tableau ne serait pas complet et
ne serait d’aucune utilité aux habitants de la région, qu’il s’agisse
de Géorgiens, d’Abkhazes, d’Arméniens ou de tout autre groupe ethnique.
54. Sur le front humanitaire, certaines choses se sont améliorées.
Ces progrès ne sont peut-être pas suffisants, mais certains influent
positivement sur le dur quotidien des habitants de la région.
55. Aleksander Ankvab a remporté les élections à la présidence
de fait organisées en août
2011. Il a pris quelques mesures prometteuses qui, bien qu’insuffisantes,
vont dans la bonne direction sur le plan humanitaire. Les mesures
qu’il a prises pour améliorer la sécurité et mettre fin au racket
et à la corruption au cours de la récolte de 2011 dans la région
de Gali en sont un exemple.
3.1. Situation en matière
de sécurité (notamment à Gali)
56. Au moment de ma visite, en 2011, les conditions de
sécurité n’étaient plus aussi tendues que par le passé. Depuis lors,
cependant, les nombreux incidents qui se sont produits montrent
qu’il ne faut pas sous-estimer la situation sécuritaire dans la
région, ni le stress lié au fait de vivre dans un environnement
marqué par une forte présence militaire.
57. Voici quelques exemples des incidents récents qui se sont
produits: une attaque contre le convoi de M. Ankvab tuant deux de
ses gardes du corps (réputé comme étant un acte de représailles
commis par des éléments criminels suite aux mesures prises pour
lutter contre la criminalité); plusieurs assassinats dans la région
de Gali; une attaque contre un poste de police géorgien; mort de
deux officiers de police de fait et d’un civil dans un café de Gali,
imputée aux services de sécurité géorgiens, et d’autres allégations
laissant entendre que les autorités géorgiennes auraient constitué
des formations paramilitaires et seraient les instigateurs d’actes
de sabotage et de terrorisme. En l’absence d’un contrôle indépendant,
à l’instar de celui qu’effectue la MSUE, il est impossible de vérifier
ces différents incidents d’ordre sécuritaire, mais il est clair
que la région connaît un degré de violence et un nombre d’assassinats
élevés.
58. De nombreuses personnes ont été arrêtées pour avoir soi-disant
«franchi illégalement la LDA» ou commis des enlèvements. Beaucoup
d’habitants de la région de Gali mènent une double vie, leur famille
étant séparée par la LDA. Pour eux, il est donc essentiel de pouvoir
franchir cette ligne et les difficultés rencontrées (aussi bien
aux points de passage «légaux» qu’aux autres) renforcent encore
leur sentiment d’insécurité physique et d’incertitude, puisqu’ils
ne peuvent jamais savoir s’ils pourront passer et à quel prix.
59. L’une des préoccupations majeures des jeunes hommes est la
conscription et notamment le traitement infligé aux conscrits géorgiens
de souche. Beaucoup tentent d’y échapper en s’éclipsant au moment
de l’appel sous les drapeaux, alors que d’autres n’ont pas demandé
le «passeport» afin de ne pas figurer dans les registres et d’éviter
la conscription, même si cela ne marche pas toujours.
60. La sécurité personnelle, dans ses diverses formes, est l’un
des droits les plus fondamentaux. En tant que rapporteure, j’ai
constaté qu’il reste encore beaucoup à faire, même si des mesures
ont été prises pour améliorer la situation.
3.2. Droit au retour
61. Selon les autorités géorgiennes, plus de 400 000
personnes ont fui les zones de conflit depuis les années 1990, dont
256 000 sont restées en Géorgie tandis que les autres se sont dispersées
à l’étranger. Ces chiffres ne tiennent cependant pas compte du fait
qu’il y a eu des retours spontanés et non organisés. Dans son dernier
rapport sur les PDI dans la région, le Secrétaire général des Nations
Unies estime à 45 000 le nombre de personnes qui seraient sur le
retour ou déjà rentrées spontanément dans la région de Gali
.
62. Le droit au retour est un droit fondamental. Il est rappelé
dans toutes les résolutions de l’Assemblée ayant trait à des conflits
et a été réaffirmé dans la résolution adoptée en juillet 2012 par
l’Assemblée générale des Nations Unies sur la situation des personnes
déplacées et des réfugiés de la région.
63. Il est regrettable que toute discussion sur la question des
retours soit quasiment impossible, tant au sein du Groupe de travail
spécialement créé par le processus de Genève pour régler les questions
humanitaires, que dans d'autres cadres. Il convient de souligner
que le retour des réfugiés et des PDI est un droit et que toutes
les parties doivent œuvrer à un retour sûr et digne de ces deux
catégories de personnes. J’ai conscience du fait que, dans la pratique,
les conditions ne sont, pour l’heure, pas favorables à un retour
des PDI en dehors de la région de Gali
.
Les autorités de fait
déclarent
ouvertement qu’elles ne permettront pas le retour des Géorgiens
de souche, qu’elles considèrent responsables des atrocités perpétrées
durant les conflits. Toute personne responsable d’atrocités devrait
être tenue de rendre des comptes, mais j’estime qu’il est inacceptable de
faire porter une responsabilité collective à tous les Géorgiens
de souche. L’application de cette responsabilité collective et le
maintien d’une politique de non-retour conduisent à un nettoyage
ethnique d’une grande partie de la région d’Abkhazie, à moins que
les retours ne soient autorisés et puissent se dérouler dans la
dignité et dans de bonnes conditions de sécurité.
64. La situation diffère dans la région de Gali, où, malgré le
grand nombre de personnes parties de l’autre côté de la LDA, un
nombre significatif de retours a été observé. Ce fait mérite d'être
salué. Il s’agit d’un signe positif et il convient d’encourager
les autorités de fait à poursuivre
dans cette voie. Mais c’est encore insuffisant et des préoccupations
subsistent quant à l’avenir. Avant les conflits, Gali était peuplé
à près de 100 % de Géorgiens de souche. Sans eux, la région serait
déserte. Or elle a besoin d’une population capable d’exploiter les
terres, de contribuer à l’économie et d’assurer la maintenance des
infrastructures.
65. S’agissant de cette région, ma principale crainte est que
des freins soient désormais mis aux retours. En effet, la population
est désormais suffisante pour assurer le fonctionnement du district,
sans pour autant que les Abkhazes de souche aient le sentiment que
leur majorité est menacée. Plusieurs déclarations laissent entrevoir
que la limite maximum des retours a été franchie. En ma qualité
de rapporteure, je me dois d’affirmer clairement que le droit au
retour n’est pas une option, mais bien un droit.
3.3. Accès
66. L’accès aux activités dans la région est régi par
les «Modalités d’engagement», mais également par le «Mécanisme de
liaison», que j’ai employé avec succès lors de ma visite dans la
région. Il convient de saluer la volonté de l’ensemble des parties
de soutenir ce mécanisme.
67. Lors de mon voyage dans la région, le seul point de passage
«officiel» était le pont sur l’Ingouri, avec une moyenne de 1 000 passages
par jour selon la MSUE. Dans la pratique, il existe de nombreux
points de passage officieux tout au long de la LDA. Cependant, toute
personne prise en flagrant délit de franchissement «illégal» de
la limite encourt une amende, une peine de prison, un placement
en détention arbitraire ou le paiement d’un pot de vin, en fonction
des personnes par lesquelles elle est interceptée.
68. La situation deviendra probablement de plus en plus difficile
pour les résidents locaux, des deux côtés de la LDA, à mesure que
le processus dit «d’instauration d’une frontière» est mis en œuvre,
avec la construction de clôtures et d’autres obstacles, parallèlement
à la présence militaire russe le long de la ligne. Les demandes
de plus en plus insistantes de présentation d’un «passeport abkhaze»
limiteront encore davantage les possibilités de franchissement de
la LDA pour tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas obtenir ce
document.
69. Il est essentiel que les possibilités de franchissement de
la LDA ne soient pas restreintes à un point de passage unique, étant
donné l’impact que cela aura sur les familles et les proches, l’éducation
des enfants, les opportunités économiques, la santé et d’autres
domaines. Je me félicite des nouvelles faisant état de projets d’ouverture
de points de passage supplémentaires, notamment à Otobaya, Nabakevi,
Tagiloni, Saberio et Lekukhona, bien que ces projets peinent à se
concrétiser. Il est important que ces points de passage soient ouverts
dès que possible et qu’ils permettent la circulation de piétons
et de véhicules. D’autre part, il convient de trouver des solutions
pour les enfants franchissant la LDA pour se rendre à l’école. Pour
l’instant, je me félicite de la souplesse dont font actuellement
preuve les deux parties, ce qui permet à 50 enfants
de franchir quotidiennement
la ligne à cette fin.
3.4. Enfants et scolarité
70. La scolarité est une des questions qui me préoccupent
le plus. Les enfants sont l’avenir et il faudra une génération pour
réparer les erreurs d’aujourd’hui. Il convient de souligner dès
le départ le droit des parents de voir leurs enfants suivre une
scolarité conforme à leurs propres convictions religieuses et philosophiques
et l’importance de l’enseignement dans la langue maternelle pour
le développement des enfants. Ceci s’applique en toutes circonstances,
que la langue maternelle soit le géorgien, l’arménien, le russe
ou l’abkhaze.
71. Chacune de ces langues soulève des préoccupations légitimes,
mais elles ne devraient pas générer de conflit d'ordre linguistique.
Il convient de prendre en compte aussi bien l’enseignement dans
les langues concernées que l’enseignement de ces langues. Il faut
par ailleurs insister sur la continuité, afin que les études dans
l’une ou l’autre de ces langues ouvrent la porte à de nouvelles
possibilités de formation et ne mènent pas à une impasse.
72. Au sujet de l’enseignement du géorgien et de l’enseignement
en géorgien, la région de Gali est peuplée presque entièrement de
Géorgiens de souche. Plus à l’Est, la situation diffère et plusieurs
langues maternelles sont employées.
73. La région de Gali a effectivement été scindée en deux parties,
la partie supérieure (Est) et la partie inférieure (Ouest). Traditionnellement,
l’enseignement était principalement assuré en géorgien. Désormais, dans
la partie supérieure, l’enseignement est censé être dispensé en
russe, le géorgien n’étant enseigné que durant un nombre limité
d’heures, en fonction du niveau d’étude.
74. On dénombre 31 écoles (11 dans la partie inférieure) et 733 enseignants
dans la région. La grande majorité des enseignants sont des Géorgiens
de souche, dont beaucoup n’ont pas les compétences linguistiques
nécessaires pour enseigner en russe (seuls 57 d’entre eux ont suivi
des études supérieures en russe). Ainsi, dans les faits, certaines
classes sont assurées en géorgien, avec du matériel pédagogique géorgien.
Aucune sanction officielle n’est prise à cet égard, mais on relève
une pénurie d’enseignants et beaucoup sont âgés. Les enseignants
d’autres origines ethniques n’ont généralement pas envie d’exercer dans
la région de Gali. Pour instaurer le russe en tant que langue d’enseignement
dans la partie supérieure de la région de Gali, les enseignants
maîtrisant mal le russe sont désormais tenus de suivre une formation
et de passer des examens en russe, dont un portant sur l’histoire
de la Russie, faute de quoi ils ne pourront plus enseigner. Cela
ne réglera cependant pas le problème de la pénurie d’enseignants
et la nécessité de remplacer les plus âgés.
75. La situation diffère dans la partie inférieure de Gali. La
langue d’enseignement est le géorgien, bien que les cours d’histoire
et de géographie soient assurés en russe.
76. L’abkhaze est une matière obligatoire dans toutes les écoles,
avec 1 à 2 heures de cours hebdomadaire en fonction du niveau d'étude,
selon les informations communiquées. Pour les personnes d’origine
abkhaze, l’enseignement est dispensé principalement en russe. L’enseignement
supérieur se fait aussi en russe, à Soukhoumi.
77. Hors de Gali, il y a des écoles dans lesquelles la langue
d’enseignement est l’arménien, mais les cours d'histoire et de géographie
sont assurés en russe. Il n’existe aucune possibilité de suivre
des études supérieures en arménien dans la région.
78. L’ensemble de la région manque de crèches et, bien que j’aie
pu en visiter une, en cours de construction, il est clair qu’il
en faudrait d’autres.
79. L’arrivée prévue des familles des militaires russes posera
de nouveaux problèmes. Ces enfants devront être scolarisés dans
les établissements de la région ou disposer de leurs propres écoles,
ce qui inquiète certains habitants de la région. J’ai profité de
ma visite à Moscou pour demander certains éclaircissements sur ce
point et j'ai appris que ces enfants intégreront fort probablement
les écoles existantes.
80. Il est clair que la qualité de l’enseignement dans la région
laisse à désirer, étant donné le manque de matériel pédagogique
adapté, les problèmes au niveau des programmes, la pénurie d’enseignants convenablement
formés et dotés des compétences linguistiques nécessaires et l’absence
de toute perspective de poursuite des études au niveau supérieur.
Il est nécessaire de revoir le système éducatif et le Conseil de l’Europe
pourrait y contribuer.
3.5. Santé
81. La prestation de soins de santé s’avère problématique,
en dépit des améliorations des infrastructures médicales à Soukhoumi,
où un nouvel hôpital a été construit et une maternité rénovée avec
l’aide financière de la Russie. Si les soins de santé primaire sont
généralement assurés, certains villages sont dépourvus de dispensaire,
ce qui pose un réel problème à leurs habitants. Les personnes souffrant
de problème de santé graves sont souvent obligées de franchir la
LDA pour se rendre à Zougdidi ou Tbilissi, ou d'aller en Russie. Lors
de ma visite à Soukhoumi, j’ai été informée que la toxicomanie est
un réel problème et que le PNUD a mis en place un programme de prévention,
qui porte aussi sur le VIH/sida.
82. Le système dépend des fonds et des médicaments fournis par
la Russie et aussi de la prise en charge de patients dans ce pays.
Un soutien similaire est également assuré, gratuitement, par les
autorités géorgiennes
. Toutefois, cela ne saurait suffire.
Trop souvent, des personnes doivent parcourir de longues distances
pour se faire soigner, alors qu’elles ne sont pas en état de voyager.
83. Dans la région de Gali, j’ai rencontré le chef de fait de
l’hôpital de Gali, qui a confirmé les difficultés rencontrées par
les malades dans la région pour suivre un traitement. Le recrutement
de personnel médical qualifié est un problème majeur, de même que
la pénurie de médicaments, que les malades sont obligés de se procurer
par leurs propres moyens. Les services d’ambulance jouent un rôle
déterminant, y compris pour transporter les malades jusqu’à Soukhoumi,
de l’autre côté de la LDA, ou même en Russie. Le prix des médicaments
est particulièrement élevé car ils sont, pour la plupart, importés
de Russie en raison des restrictions dont ils font l’objet au passage
de la LDA. Ces restrictions doivent être levées. C’est là une priorité.
84. J’ai été heureuse d’apprendre que le franchissement de la
LDA ne pose généralement
pas
de problème lorsqu’il en va de questions médicales à caractère humanitaire.
Ce point a été confirmé par le CICR et il convient de saluer la
souplesse dont font preuve toutes les parties.
3.6. Moyens de subsistance
85. L’économie de la région d’Abkhazie repose sur l’assistance
de la Russie et sur le tourisme, principalement à Soukhoumi et sur
les bords de la Mer Noire. Or le tourisme a périclité, les infrastructures n’étant
pas à la hauteur de ce qui est proposé ailleurs. Dans l’Est, de
grandes étendues étaient consacrées à la culture du thé, mais les
terres ont été désertées en raison du conflit et, de plus, le thé
n’est plus un produit viable. Les principaux produits agricoles
sont les noisettes, le maïs et, dans une moindre mesure, les agrumes. Beaucoup
d’habitants de la région de Gali complètent leurs revenus en réclamant
aux autorités géorgiennes les allocations destinées aux PDI ou des
pensions d’Etat.
86. Les personnes qualifiées, telles que les charpentiers, les
maçons ou les plombiers, sont attirées par les possibilités offertes
en-dehors de la région, à Tbilissi ou à Moscou, voire plus judicieusement
du côté de Sotchi, où il existe une demande de main d’œuvre pour
la préparation des Jeux olympiques d’hiver de 2014.
87. Dans la région de Gali, l’agriculture de subsistance constitue
le principal moyen d’existence, de petits jardins ou terrains cultivables
fournissant l’alimentation de base et un excédent de noisettes et
d’agrumes permettant de dégager un maigre revenu après la récolte.
La répression du racket et de la corruption au cours de la saison
de récolte de 2011 a eu des effets bénéfiques pour les habitants
de la région de Gali. Elle a non seulement contribué à restaurer
chez eux un sentiment de sécurité, mais aussi influé de manière
positive sur leurs moyens de subsistance et leur capacité à affronter
l’hiver sur le plan économique. Il n’y a cependant pratiquement
aucune possibilité d’emploi dans la région.
88. Globalement, la situation économique de la région d’Abkhazie
est déplorable. Compte tenu de sa position géographique, le potentiel
de la région en matière de tourisme, d’agriculture et même de petites entreprises,
n’est pas seulement sous-développé, mais même en régression. L’isolement
qui lui est imposé et que s’imposent les autorités de fait – essentiellement
pour des raisons politiques et par crainte de questions compromettantes
liées au statut – affecte grandement le niveau de vie de la population
et sa capacité à interagir avec les habitants d’autres régions.
3.7. Violence domestique
89. La violence domestique est un problème exacerbé par
le conflit, même s’il n’est pas très visible. Lors des discussions
que j’ai eues à Soukhoumi et Gali, j’ai été frappée d’apprendre
comment certains nient son existence et aussi impressionnée par
l’engagement dont font preuve les ONG œuvrant dans ce domaine, avec le
soutien de la communauté internationale. Dans la région de Gali,
une équipe médicale mobile a traité 72 cas de violence domestique
en huit mois. Ce type de projets doit être soutenu et le Conseil
de l’Europe devrait envisager d’appuyer ces actions à l’avenir.
3.8. Documents d’identité
et voyages
90. La délivrance des «passeports abkhazes» se poursuit.
Environ 12 000 de ces passeports ont été octroyés à des personnes
de la région de Gali et 3 000 demandes sont en cours de traitement.
En outre, et malgré la condamnation par la communauté internationale,
y compris par l’Assemblée
,
de cette pratique consistant à délivrer massivement des passeports
et à octroyer la citoyenneté aux résidents d’Etats étrangers, la
Fédération de Russie a continué de délivrer ces passeports aux habitants
de la région.
91. Tout en insistant sur le fait que ces «passeports abkhazes»
n’ont aucune validité en droit international, la rapporteure reconnaît
leur nécessité, sur le plan pratique, pour la population locale.
Sans ce document, ces personnes rencontrent de nombreuses difficultés
pour faire reconnaître leurs droits de propriété, franchir la LDA,
faire scolariser leurs enfants, accéder aux soins de santé, ainsi
que pour tous leurs autres contacts avec l’administration. Si une
famille souhaite rester à Gali, l’un de ses membres au moins doit
être titulaire d’un tel document.
92. Les démarches pour l'obtention de ce document sont longues
et coûteuses en raison du nombre et de la nature des justificatifs
requis. Le rapport de Human Rights Watch mentionné plus haut observe
que la procédure de demande est discriminatoire envers les Géorgiens
de souche
.
Il indique aussi que le délai d’obtention s’est parfois avéré extrêmement
long pour certaines personnes.
93. Au début, toute personne demandant un document d’identité
devait remettre son passeport géorgien. Ce n’est plus nécessaire,
car il est clair que les personnes concernées peuvent très facilement
obtenir un nouveau passeport en se rendant de l’autre côté de la
LDA.
94. Ces «passeports abkhazes» ne sont pas reconnus par la communauté
internationale, hormis par la Fédération de Russie et les quelques
pays qui ont reconnu cette région.
95. Ceux qui utilisent un passeport géorgien n'ont pas de problème
pour se rendre à l'étranger. Par contre, pour les personnes qui
ont obtenu un passeport russe, les voyages à l’étranger ne sont
pas toujours possibles. Elles sont soumises aux mêmes exigences
de visa que les citoyens russes, mais se heurtent parfois à un refus dès
lors qu’il apparaît qu’elles sont titulaires d’un passeport délivré
dans la région d’Abkhazie (et non en Russie). Lors de nos réunions
à Soukhoumi, nous avons constaté un fort sentiment de frustration
face aux restrictions posées à la possibilité de voyager. Les intéressés
ont affirmé que cette situation les isole et les pousse encore un
peu plus dans les bras de la Russie.
96. A la lumière des réticences de la communauté internationale
et des réactions négatives tant à Soukhoumi qu’en dehors, il n’est
pas du tout certain que les documents de voyage neutres proposés
par les autorités géorgiennes soient une solution. Cela dit, ces
documents sont une solution parmi d’autres et il convient d’adopter
une approche pragmatique, au cas par cas, pour d’autres documents
de voyage.
3.9. Personnes disparues
97. Les estimations font état de 1 763 Géorgiens et 197
Abkhazes disparus à l’issue du conflit de 1992-1993. Depuis les
derniers travaux de l’Assemblée sur cette question
, un nouveau mécanisme de coordination
a été établi sous l’égide du CICR, et un groupe de travail médicolégal
paritaire, réunissant les deux parties, a été créé au début de l’année
2011. Ce groupe a commencé son travail et se réunit régulièrement.
Au total, il a été procédé à quatre exhumations: deux en 2010, en
dehors du mécanisme de coordination, mais avec la participation
du CICR, et deux en mai, dans le cadre de ce mécanisme. Les dernières
Discussions internationales de Genève ont laissé entrevoir des signes
extrêmement positifs qui témoignent de la volonté de toutes les
parties de progresser et de parvenir à des solutions réalistes.
Chaque famille a le droit de connaître le sort de ses membres disparus.
Les travaux de collecte de données ante-mortem ont repris et il
est important qu’ils bénéficient du soutien plein et entier de toutes
les parties, auxquelles il appartient de tout mettre en œuvre pour
faire la lumière sur le sort des disparus. En l’absence de progrès,
la situation ne fera que s’envenimer et il sera encore plus difficile
de trouver une solution au conflit. Parallèlement à ces travaux,
il est également essentiel de fournir un soutien aux familles des
personnes disparues et on ne peut que se féliciter que le CICR organise
cette action par l’intermédiaire de réseaux constitués avec des
ONG.
3.10. Vallée de Kodori
98. Sur les 2 000 habitants que comptait la Vallée de
Kodori avant le conflit de 2008, il n’en reste que 200. Pour le
CICR, cette population, qui vit dans la région habitée la plus haute
et la plus inaccessible du Caucase, est particulièrement exposée.
Il est heureux que ces personnes continuent de bénéficier de l’aide
alimentaire et autre du CICR et d’un soutien à l’agriculture. Des
projets de culture de pommes de terre ont par exemple pu être réalisés
grâce aux plants fournis par le CICR. La question du retour des
personnes déplacées de la Vallée de Kodori ne doit pas être éludée.
Elle est d’une importance particulière pour cette petite communauté vulnérable
vivant dans une région reculée et isolée.
3.11. Monuments historiques
99. Selon certaines allégations, des monuments historiques,
principalement des églises, auraient été altérés pour effacer les
traces historiques de la cohabitation entre Géorgiens et Abkhazes
dans la région. La rapporteure n’est pas en mesure de commenter
ces allégations, mais estime que la question devrait être examinée
par un groupe international d’experts, qui pourrait s’appuyer, si
nécessaire, sur l’expertise du Conseil de l’Europe, pour éviter
qu’elle ne devienne une autre source de tension dans la région.
3.12. Bases militaires
russes
100. Il est important d’analyser l’impact des bases militaires
russes sur la région. D’une part, leur présence a contribué à réduire
le nombre d’incidents liés à la sécurité le long de la LDA. Des
représentants de la société civile à Soukhoumi m’ont indiqué qu’ils
se félicitaient de la présence des troupes russes, expliquant qu’après plusieurs
années, ils se sentaient désormais en sécurité et protégés de ce
qu’ils qualifient d’une «éventuelle agression géorgienne». Ils ont
affirmé avoir peu «confiance» en la Géorgie.
101. Tout en saluant cette protection, les représentants des ONG
locales ont évoqué plusieurs problèmes liés à cette présence militaire,
notamment l’isolement accru par rapport à la communauté internationale,
la durée du maintien de ces bases, l’impact de l’installation des
familles de militaires dans la région, les droits de résidence des
militaires retraités et la responsabilité en cas d’accidents causés
par des membres de l’Armée russe.
102. Les habitants de la région de Gali expriment d’autres inquiétudes.
Elles concernent la crainte d’une extension progressive des grandes
bases, qui empiéteraient sur leurs terres et leurs habitations.
Ils s’inquiètent de l’impact de la présence de nombreux enfants
russes dans les écoles et de la colonisation graduelle de la zone
par des militaires russes et leurs familles, y compris après le
départ à la retraite des militaires.
103. Pour les autorités géorgiennes, les bases militaires russes
constituent purement et simplement une forme «d’occupation».
104. Comme je l’évoquais précédemment, j’estime que la sécurité
à long terme devrait être assurée par la communauté internationale
dans son ensemble et non par une seule nation. D'un point de vue
humanitaire, il faut veiller à ce qui sert le mieux les intérêts
de tous, de part et d'autre de la LDA. L’implantation de ces grandes bases
militaires russes ne fait qu’accentuer la séparation imposée par
la LDA et vient conforter encore l’argument des autorités géorgiennes
selon lesquelles les troupes russes occupent le territoire.
4. La situation humanitaire
en Ossétie du Sud, Géorgie
105. Il m’est difficile d’exposer en détail la situation
humanitaire dans la région sans avoir eu la possibilité de m’y rendre
et d’en faire le constat de visu. Néanmoins, je suis en mesure d’en
fournir un bref aperçu d’après les contacts que j’ai eus et les
informations recueillies.
106. La région est encore plus isolée que celle d’Abkhazie. La
population est estimée à près de 30 000 personnes, bien que les
autorités de fait avancent le chiffre de 72 000 et que les responsables géorgiens
parlent de 8 000 à 15 000 personnes
.
La région dépend entièrement de la Russie sur le plan économique
et de la sécurité militaire. Il reste très peu de Géorgiens de souche
dans la région. Toutefois, dans la zone d’Akhalgori, la population,
estimée selon les sources entre 700 et 4 000 personnes, est majoritairement d’origine
géorgienne. Auparavant, près de 8 000 personnes y vivaient.
107. Les conditions de vie sont extrêmement dures, en raison notamment
des coupures d’électricité et de gaz auxquelles ont procédé les
autorités géorgiennes. Certains logements ont été remis en état,
mais beaucoup restent inhabitables. Il semble qu’une bonne part
des sommes allouées par la Russie au secteur du logement ait été
détournée, ce qui fait que le nombre de maisons construites ou remises
en état est bien moins élevé que prévu au départ.
108. La sécurité demeure préoccupante, mais les tensions ne sont
toutefois pas comparables à celles enregistrées au lendemain immédiat
de la guerre. Comme dans la région d’Abkhazie, beaucoup de militaires russes
sont stationnés dans la région. Des différends de toute sorte éclatent
régulièrement le long de la LDA. Ainsi, en septembre de cette année,
les autorités de fait se sont plaintes du survol de drones appartenant
aux forces militaires géorgiennes et du repositionnement d’un point
de contrôle de la police géorgienne près de la LDA dans le village
de Zardiantkari. Par ailleurs, des personnes continuent d’être arrêtées
pour franchissement «illégal» de la ligne, même si elles sont en
général rapidement libérées.
109. Aucun retour, à part celui du regroupement familial du CICR,
n’a eu lieu dans les environs de Tskhinvali. Les villages auparavant
habités essentiellement par des Géorgiens de souche sont toujours
en ruines et certains rapports font état de projets de démolition
de huit d’entre eux. Je suis heureuse d’apprendre que ces informations
ont été démenties, mais ce n’est pas la première fois que des projets
de ce genre sont rapportés. Des personnes vivaient dans ces villages
et ces maisons et même si le conflit est gelé et qu’il n’y a pas
de perspectives de retour dans un avenir proche, ces lieux ne doivent
pas être rayés de la carte. Dans ce contexte, il est important de
souligner que le retour des personnes déplacées et des réfugiés
doit être l’objectif à long terme, même si les conditions actuelles
ne sont, à l’évidence, pas propices aux retours volontaires dans
la sécurité et la dignité.
110. Les retours restent toutefois possibles dans la région d’Akhalgori.
Ils sont cependant liés à tout un éventail de facteurs, dont la
sécurité, la scolarisation, les perspectives économiques, les récoltes,
la saison, les soins de santé, les pensions, les salaires et d’autres.
Je suis dans l’incapacité de donner un chiffre exact des retours
effectués dans la région.
111. Certains ont également évoqué le «retour» de réfugiés d’Ossétie
du Nord. Il s’agit principalement de personnes qui auraient été
déplacées d’autres régions de Géorgie lors des conflits antérieurs.
Près de 4 000 familles seraient dans cette situation. Il est difficile
d’imaginer les moyens de subsistance dont elles pourraient bénéficier
et où elles seraient logées, compte tenu du fait que ces familles
n’étaient, pour la plupart, pas originaires de la région.
112. Une autre question liée à celle des retours est celle du regroupement
familial, que le CICR s’efforce de faciliter des deux côtés de la
LDA. D’août 2008 à août 2012, 412 personnes ont ainsi été réunies,
pratiquement dans les mêmes proportions de chaque côté de la LDA.
113. A Tskhinvali et aux alentours, la coupe du bois et l’agriculture
vivrière constituent les seuls moyens d’existence et certains agriculteurs
rencontrent des difficultés d’accès à l’eau. L’économie dépend presque totalement
de l’aide de la Russie. Ces deux dernières années, plus de 230 millions
d’euros ont été alloués à la région pour la reconstruction. A la
suite d’allégations laissant entendre qu’une bonne partie de cette
somme aurait été détournée, des mesures ont été prises afin de renforcer
la responsabilisation et un audit est actuellement réalisé par les
autorités russes. Des discussions ont été engagées pour promouvoir
la région en tant que région thermale, avec ses eaux minérales,
mais également en tant que station de sports d’hiver. Toutefois,
ces idées doivent être approfondies. Le CICR, seule organisation
internationale présente dans la région, fournit aux plus nécessiteux
une petite aide au démarrage. Compte tenu du peu de demandes, cette aide
consiste principalement à soutenir la création de petites exploitations
consacrées à l’agriculture vivrière (et notamment l’achat du bétail
et de petits tracteurs).
114. Les personnes rentrées dans la région d’Akhalgori dépendent
essentiellement des salaires et pensions versés par le gouvernement
géorgien et de quelques activités commerciales par-delà la LDA.
L’isolement de la région entrave les possibilités de subsistance.
Une fois achevée, la route reliant Tskhinvali à Akhalgori, financée
par les autorités russes, sera d’une grande utilité.
115. Il n’existe que quatre points de passage de la LDA, situés
à Akhalgori, Karzmani, Sinagouri et Artsevi. Pour avoir le droit
de passer, il faut être en possession du «Formulaire no 9»,
délivré localement. Selon les estimations, il en aurait été délivré
4 000. Il serait prévu de faciliter le passage de la LDA, en particulier
près d’Akhalgori, non seulement pour les personnes qui habitent
la région, mais aussi pour celles qui possèdent des terres ou un
logement dans la zone. Les arrestations pour «franchissement illégal»
de la LDA se poursuivent. Bon nombre d’entre-elles concernent des
personnes qui vont surveiller leur bétail, ramasser du bois de chauffage
ou travailler dans les champs. Le manque de clarté quant au tracé
exact de la LDA continue de poser problème.
116. S’agissant de la scolarité, des mesures visant à introduire
un enseignement bilingue (russe et ossète) dans le district de Tskhinvali
à partir de la classe de première année ont été annoncées en août
2012. Certaines écoles ont été rénovées avec l’aide de la Russie
et des manuels scolaires russes leur ont été fournis, mais il reste
encore beaucoup à faire.
117. La région d’Akhalgori compterait 11 écoles, dont six établissements
géorgiens. Selon certaines informations, le statut de ces écoles
géorgiennes serait remis en question car elles perdraient leur personnalité juridique.
Beaucoup de familles auraient par conséquent pris la décision de
déménager définitivement du côté géorgien de la LDA. Les enseignants
et d’autres fonctionnaires qui exercent des deux côtés de la ligne
sont tenus de choisir de quel côté ils souhaitent désormais vivre
et travailler.
118. Malgré la remise en état de certains immeubles et la construction
de nouvelles maisons avec l’aide de la Russie, la qualité des logements
demeure préoccupante. A Tskhinvali, beaucoup de personnes sont encore hébergées
dans des centres collectifs, dans des conditions difficiles. Dans
la campagne, certaines habitations ne disposent pas de l’eau courante.
Même si, dans certains cas, ce problème est imputable au conflit,
il est également dû au manque d’entretien des infrastructures au
fil des ans. Le CICR a apporté son aide dans ce domaine et projette
actuellement d’acheminer l’eau jusqu’à des villageois de Satigar
grâce à une conduite d’environ 8 km.
119. En ce qui concerne le dossier des personnes portées disparues,
j’ai eu le plaisir d’apprendre que des progrès ont été réalisés.
Un mécanisme de coordination sur les personnes portées disparues,
placé sous l’égide du CICR, a été mis en place. Dans un premier
temps, il a fonctionné comme un forum humanitaire dans le cadre
duquel était examinée la question des personnes disparues à la suite
du conflit de 2008. En 2011, il a été décidé qu’il devrait aussi
s’intéresser aux disparus du conflit des années 1990. Actuellement,
la liste des personnes disparues depuis le récent conflit compte
44 personnes: 2 Russes, 8 Ossètes de souche et 34 Géorgiens de souche.
Celle du conflit des années 90 contient 141 noms, bien que des informations supplémentaires
soient nécessaires pour la compléter. Grâce à l’action menée dans
le cadre de ce mécanisme, trois personnes ont été retrouvées vivantes
et 11 corps ont été exhumés, ce qui a permis d’identifier sept personnes,
dont les dépouilles ont été rendues aux familles. C’est un travail
important, qui continuera, je l’espère, d’être soutenu par toutes
les parties.
120. Avec ce bref passage en revue des différents problèmes, j’espère
être parvenue à donner un aperçu de la situation humanitaire dans
cette petite région, dont la viabilité passe par une aide massive
de l’extérieur. Son isolement s’explique par le fait qu’elle est
coupée du Sud et traversée par des montagnes dans la partie nord conduisant
à l’Ossétie du Nord. Ses habitants connaissent des conditions de
vie difficiles à tous les niveaux, sans grande perspective d’amélioration.
La forte présence militaire russe n’empêchera pas la persistance
des tensions le long de la LDA et d’incidents d’ordre sécuritaire.
La possibilité de traverser la LDA est essentielle pour améliorer
la situation humanitaire de tous les personnes qui vivent dans cette
région et aux abords de la ligne, ainsi que de celles qui ont été
déplacées. Cet accès est primordial pour toutes sortes de raisons économiques
et humanitaires évidentes, mais aussi pour commencer à lever les
obstacles posés à la communication, pour remédier au manque total
de confiance entre les différentes parties et pour offrir aux personnes
qui ont perdu leur maison la perspective d’y revenir un jour.
121. Sans me rendre dans la région, il m’est impossible d’approfondir
mon analyse. J’ai l’espoir de pouvoir y effectuer une visite dans
un avenir proche et de rendre compte de manière plus précise de
la situation humanitaire après avoir entendu et rencontré personnellement
les personnes les plus touchées.
5. Réfugiés et personnes
déplacées en Russie
122. A la suite des différents conflits en Géorgie, un
nombre considérable de personnes sont arrivées en Russie après avoir
été déplacées. Certaines sont des réfugiés, d’autres, dont les maisons
ont été détruites, ont décidé de commencer une nouvelle existence
là où elles pensaient avoir le plus de chances de gagner leur vie.
123. Le premier groupe est composé d’Ossètes de souche qui ont
fui la Géorgie durant les conflits du début des années 1990 vers
l’Ossétie du Nord-Alanie. Quelque 24 000 personnes ont quitté la
région et beaucoup se sont vues accorder le statut de réfugié, puis
ultérieurement, la citoyenneté russe. Le logement constitue leur principal
problème. Elles seraient nombreuses à être hébergées dans des conditions
précaires dans une trentaine de dortoirs/centres collectifs délabrés,
dont certains n’ont ni eau courante, ni installations sanitaires adéquates.
Il y aurait 3 329 familles sur liste d’attente pour l’obtention
d’un logement. Malgré une amélioration de la situation l’an passé,
grâce à l’octroi de certificats de logement, seules 81 familles
ont bénéficié d’une solution de logement
.
124. Le deuxième groupe est composé des personnes ayant fui le
conflit dans la région d’Abkhazie. Majoritairement géorgiennes de
souche, ces personnes, parmi lesquelles figurent de nombreux anciens combattants,
n’ont jamais reçu quoi que ce soit de la part des autorités russes.
Elles exercent pour la plupart une activité économique et n’ont
jamais demandé d’aide. Près de 50 000 se sont installées en Russie,
dont 30 000 dans la région de Moscou. Leur problème vient de leur
absence de statut, ce qui fait qu’elles sont traitées comme des
immigrés clandestins. Chaque fois qu’il y a une dégradation des
relations entre Moscou et Tbilissi, elles sont victimes de ce qu’une
ONG a qualifié de «chasse aux sorcières». Cette persécution serait telle
que des instructions seraient données aux écoles pour qu’elles déscolarisent
ces enfants géorgiens.
125. Bon nombre de ces personnes sont en réalité apatrides, ayant
pour seul document d’identité leur ancien passeport soviétique,
qui n’est plus valable. Certaines ont des enfants nés en Russie.
Si l’éducation ne constitue généralement pas un problème, il n’en
va pas de même des soins de santé. Comme elles n’ont pas de passeport,
elles sont dans l’incapacité de quitter le pays ou d’y revenir.
126. Selon les statistiques fournies par le Service fédéral des
migrations de la Fédération de Russie
, au cours de la période 2005-2011,
4 269 familles (5 346 personnes) en provenance de Géorgie (ressortissants géorgiens
et apatrides) ont demandé l’asile en Fédération de Russie et 152 familles
(199 personnes) l’ont obtenu. De manière assez attendue, c’est en
2008 que le nombre de demandes enregistrées a été le plus élevé
(1 805 familles, soit 2 278 personnes). Il est tombé à 280 familles
(314 personnes) en 2011.
127. Les autorités russes doivent prendre des mesures pour résoudre
les problèmes de ces personnes. Il s’agit notamment de remédier
à la situation critique en matière de logement que connaissent beaucoup
de réfugiés ossètes de souche de Géorgie vivant en Ossétie du Nord-Alanie
et de régulariser la situation des nombreux Géorgiens qui ont fui
le conflit et vivent depuis de nombreuses années en Russie et dont
certains sont aujourd’hui apatrides.
6. Conclusions
128. Si la situation humanitaire s'est améliorée depuis
les jours sombres de l'immédiat après-guerre, il reste encore beaucoup
à faire. Il faut en particulier trouver des solutions de logement
durable pour les PDI et les réfugiés victimes des conflits récent
et antérieurs. L’ensemble des parties et la communauté internationale doivent
donc poursuivre leurs efforts.
129. La question du retour des PDI est plus ou moins en sommeil,
hormis dans les régions de Gali et d’Akhalgori. Les problèmes de
sécurité font planer une menace permanente sur la région du conflit
et, sans de véritables forces indépendantes de maintien de la paix
des deux côtés de la LDA et la possibilité pour la MSUE de remplir
son mandat des deux côtés de la ligne, on voit difficilement comment
les habitants pourraient se sentir en sécurité à long terme.
130. Dans la région d’Abkhazie, j’ai relevé quelques développements
positifs. Des mesures ont été prises pour améliorer la sécurité
des habitants de la région de Gali (réduction de la corruption et
du racket). Il convient de s'en féliciter. Certains éléments indiquent
en outre qu’il pourrait devenir plus facile de franchir la LDA.
Dans la région d’Ossétie du Sud, certaines informations laissent
aussi entendre que des améliorations pourraient intervenir pour
ce qui est du passage de la ligne. Toutefois, cette région demeure
isolée et coupée du reste du monde, et notamment de l’assistance
que pourraient apporter les acteurs internationaux.
131. La vie des habitants des zones touchées par le conflit peut
être sensiblement améliorée grâce à quelques mesures simples, comme
l’amélioration de la sécurité, l’absence d’obstacles au passage
de la LDA ou l’amélioration de l’enseignement requis dans les écoles.
C’est pour cette raison que j’insiste sur ces questions dans les
projets de résolution et de recommandation figurant dans le présent
rapport.
132. En ma qualité de rapporteure, je n’ai pas pu me rendre dans
la région d’Ossétie du Sud, mais j’espère que cela sera possible
à l’avenir, afin qu’un tableau plus complet de la situation humanitaire
dans cette région puisse être présenté.