1. Introduction
1. La Bulgarie est membre du Conseil de l'Europe depuis
1992. Au moment de son adhésion, les autorités bulgares ont contracté
une série d'engagements énoncés dans l'
Avis 161 (1992) de l'Assemblée parlementaire, qui, en plus des obligations
statutaires, constituent la base de la procédure de suivi prévue jusqu'en
2000. Dans la
Résolution
1211 (2000), l'Assemblée a décidé de clore la procédure de suivi
et d'engager avec les autorités bulgares un dialogue post-suivi
«sur les questions figurant au paragraphe 4 [de la
Résolution 1211], ou toute autre question relevant des obligations de
la Bulgarie en tant qu'Etat membre du Conseil de l'Europe».
2. Depuis, la commission de suivi n'a présenté qu'un seul et
unique rapport sur les progrès réalisés par la Bulgarie, en avril
2010
. Ceci peut s'expliquer en partie
par le fait qu'avant la révision du Règlement de l'Assemblée parlementaire,
en 2009
, aucune date limite officielle n'avait
été fixée pour la présentation des rapports sur le dialogue post-suivi.
De plus, jusqu'en 2010
, le président de la commission de
suivi était rapporteur
ex officio sur
tous les pays engagés dans un dialogue post-suivi. Deux anciens
présidents, Mme Hanne Severinsen et M. Serhiy Holovaty, s'étaient
rendus à Sofia et avaient poursuivi le dialogue avec les autorités
.
3. En 2007, la Bulgarie est en outre devenue membre à part entière
de l'Union européenne. L'adhésion a été précédée d'un important
processus de réforme visant à l'introduction, la mise en œuvre et
la consolidation des normes européennes. Des lois importantes ont
été adoptées sous les auspices de l'Union européenne, en coopération
avec les experts juridiques du Conseil de l'Europe. Il était clair
que le pays s'engageait dans la bonne direction.
4. Lors de l'adhésion de la Bulgarie, la Commission européenne
a mis en place un mécanisme de coopération et de vérification des
progrès réalisés par le pays (MCV) pour répondre à des problèmes spécifiques
dans les domaines de la réforme judiciaire et de la lutte contre
la corruption et le crime organisé. Le cinquième et dernier rapport
produit au titre de ce mécanisme a été publié par la Commission
européenne en juillet 2012
. J'ai repris
les conclusions des rapports MCV successifs dans le présent rapport.
5. Afin de renforcer la coordination et la coopération entre
les mécanismes de suivi des deux Organisations, je me suis rendu
le 23 novembre 2012 à la Commission européenne, à Bruxelles, où
j'ai rencontré des responsables chargés du MCV. Nous avons eu un
intéressant échange de vues sur la situation en Bulgarie.
6. L'Assemblée parlementaire a observé des élections successives,
dont les élections législatives de juillet 2009 et l’élection présidentielle
d'octobre 2011. Les rapports respectifs des commissions ad hoc chargées d'observer
les élections ont été présentés et débattus devant l'Assemblée
. J'ai également utilisé les conclusions
de ces équipes d'observation dans le présent rapport.
7. J'ai été nommé rapporteur chargé du dialogue post-suivi avec
la Bulgarie en juin 2010. J'ai effectué dans ce pays deux missions
d'enquête: du 19 au 22 décembre 2011 et les 26 et 27 septembre 2012.
Ces visites avaient toutes deux pour but de recueillir des informations
sur les changements intervenus depuis le dernier débat à l'Assemblée
et d'apprécier non seulement les progrès réalisés quant aux problèmes
encore en suspens concernant les obligations et engagements contractés,
mais aussi la volonté des autorités de poursuivre sur la voie des
réformes et les perspectives d'avenir.
8. J'ai également profité de ces occasions pour me pencher de
plus près sur certaines inquiétudes exprimées par la communauté
internationale, notamment vis-à-vis de la situation des Roms et
d'autres minorités, et de certains incidents alarmants comme celui
provoqué par le parti Ataka.
9. Au cours de mes visites, j'ai tenu plusieurs réunions avec,
d'une part, les plus hauts représentants des pouvoirs législatifs,
exécutif et judiciaire et, d'autre part, des représentants de la
société civile nationale et internationale. J'ai saisi toutes les
occasions d'écouter ces derniers, y compris pendant les sessions
de l'Assemblée parlementaire à Strasbourg.
10. En rédigeant le présent rapport, je me suis également appuyé
sur les constatations et conclusions des institutions compétentes
et des mécanismes de suivi des conventions du Conseil de l'Europe
auxquelles la Bulgarie est partie. Ont été pris en compte les travaux
des organes suivants: la Cour européenne des droits de l'homme («la
Cour»), le Comité des Ministres dans sa fonction de surveillance
de l'exécution des arrêts de la Cour, le Commissaire aux droits
de l'homme, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l'Europe, le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO), le
Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL),
le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
oui traitements inhumains ou dégradants (CPT), le Comité consultatif
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
ainsi que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance
(ECRI).
11. Mon impression générale est que le Gouvernement bulgare a
fait – et continue de faire – montre d'une véritable volonté politique
de respecter pleinement les obligations et engagements découlant
de son adhésion au Conseil de l'Europe. Il a en effet fourni un
énorme travail législatif et mené plusieurs réformes fondamentales.
12. Les autorités bulgares ont développé une coopération très
fructueuse avec la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise), qui a mis ses compétences juridiques
au service des rédacteurs des lois fondamentales adoptées ces dernières
années – dont la loi relative à la confiscation, de nombreuses modifications
de la loi sur le système judiciaire, et le Code électoral. Le ministère
de la Justice a par ailleurs étroitement collaboré sur le code pénal,
actuellement en cours d'élaboration, avec la Direction du conseil
juridique et du droit international public du Conseil de l'Europe.
Dans ses avis, la Commission de Venise a insisté sur la qualité
de la coopération avec les autorités bulgares et sur leur réceptivité
à l'égard de ses recommandations. Au cours de mes visites, les autorités
ont réitéré leur intention ininterrompue de faire appel aux compétences
juridiques de la Commission de Venise et du Conseil de l'Europe
en général
13. Dans le présent rapport, je m'efforcerai d'apprécier si le
processus de réforme est viable et irréversible et, en particulier,
s'il est suffisamment ancré dans la société et la politique bulgares
pour que soit poursuivie la voie de la réforme.
14. Enfin, dernier élément mais non des moindres, je souhaite
exprimer à la délégation parlementaire bulgare à l'Assemblée parlementaire
et à son secrétariat toute ma gratitude pour l'organisation parfaite
de mes deux visites et pour l'aide qu'ils m'ont apportée dans ma
collecte auprès des diverses autorités des informations dont j'avais
besoin pour établir le présent rapport.
2. Contexte
politique
15. Les dernières élections législatives ont eu lieu
le 5 juillet 2009; elles ont porté au pouvoir un nouveau parti de
centre-droite, Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie
(GERB), créé en 2006. Ce mouvement a remporté 39,7 % des suffrages,
qui lui ont assuré 116 sièges sur un total de 240 et la victoire sur
l'ancienne majorité parlementaire conduite par le Parti socialiste
bulgare (PSB). Son dirigeant, M. Boyko Borisov, nommé Premier ministre,
a choisi de constituer un gouvernement minoritaire bénéficiant du
soutien d'autres petits partis de droite.
16. Pour observer les élections, l'Assemblée parlementaire a
créé une commission ad hoc qui a œuvré dans le cadre d’une mission
internationale d'observation des élections (MIOE). Selon la MIOE,
«les élections du 5 juillet en Bulgarie ont été dans l'ensemble
conformes aux engagements à l'égard de l'OSCE et aux normes du Conseil
de l'Europe; des efforts supplémentaires sont néanmoins nécessaires
pour assurer l'intégrité du processus électoral et accroître la
confiance du public
».
17. Les observateurs ont constaté que les élections avaient offert
aux électeurs un large choix dans le cadre d'une campagne électorale
visible et active manifestant du respect pour les libertés fondamentales.
Ils estiment toutefois que les modifications tardives du système
électoral, l'absence de dispositions légales concernant le temps
d'antenne gratuit sur les chaînes publiques de radiodiffusion pour
les candidats, la réglementation insuffisante sur la publicité des
comptes dans le contexte électoral, ainsi que les allégations persistantes
d'achat de voix, ont eu des répercussions néfastes sur le climat
électoral.
18. Pendant la campagne électorale, la priorité affichée du parti
vainqueur a été la lutte contre la corruption et le crime organisé;
deux fléaux qui, selon les sondages, sont considérés par la majorité
des Bulgares comme les principaux obstacles à la croissance économique
et à la prospérité de leur pays, ce que confirment les institutions
économiques internationales. Le GERB a souligné que l'aide financière
octroyée à la Bulgarie par l'Union européenne avait été réduite
en 2008 en raison de l'incapacité du gouvernement conduit par le
parti socialiste bulgare (PSB) à combattre la corruption.
19. La dernière élection présidentielle a eu lieu les 23 et 30
octobre 2011. Elle a été remportée par le représentant du parti
GERB, M. Rosen Plevneliev, avec 40,11 % des voix au premier tour
et 52,58 % au second. Le deuxième candidat principal, M. Ivaylo
Kalfin, du parti socialiste bulgare, a respectivement remporté 28,96 %
et 47,42 % des suffrages.
20. L’élection a été suivie par une commission ad hoc de l'Assemblée
intervenant dans le cadre d’une MIOE. Ses conclusions
ont témoigné d'un regard globalement
positif sur le processus électoral, tout en insistant sur la nécessité
de nouvelles réformes pour apaiser les inquiétudes suscitées par
des allégations généralisées et persistantes d'achat de voix, ainsi
que par les conditions peu satisfaisantes de la couverture médiatique
des élections.
21. La victoire du candidat du parti au pouvoir a confirmé le
large soutien rencontré par les politiques mises en œuvre par le
gouvernement depuis 2009, de même que sa détermination et son engagement
à garantir l'Etat de droit et à lutter contre la corruption et le
crime organisé.
22. L'entrée dans la zone euro et l'Espace Schengen reste le principal
objectif de la politique européenne bulgare. En septembre 2011,
le Gouvernement néerlandais a opposé son veto à l'adhésion de la
Bulgarie et de la Roumanie à l'Espace Schengen, invoquant des résultats
insuffisants dans la lutte contre la corruption et le crime organisé,
et la décision a été reportée. Ce point figurait à l'ordre du jour
des réunions du Conseil des ministres de la Justice et de l'Intérieur
de l'Union européenne qui ont eu lieu au Luxembourg les 25 et 26 octobre
2012 et à Bruxelles les 6 et 7 décembre 2012.
23. Ces dernières années ont malheureusement été marquées par
une montée de l'idéologie et de l'action nationalistes. M. Volen
Siderov, l'un des candidats de la dernière campagne électorale présidentielle
et dirigeant du parti ultra-nationaliste bulgare Ataka, a appelé
ses sympathisants à manifester contre les musulmans. Le 20 mai 2011,
ses sympathisants ont agressé des musulmans rassemblés pour la prière traditionnelle
du vendredi dans la principale mosquée du centre de Sofia, en en
blessant plusieurs. Il faut toutefois souligner que les autorités,
y compris en la personne du Premier ministre, Boyko Borisiv, ont immédiatement
condamné cet incident. L'Assemblée nationale a adopté une déclaration
condamnant sans réserve l'agression du parti politique Ataka contre
des croyants en plein centre de la capitale le 20 mai 2011.
24. Les violences subies par les Roms en octobre 2011, un triste
précédent en Bulgarie, sont venues confirmer un climat d'hostilité
croissant envers les minorités. De violentes manifestations se sont
déroulées à Sofia et dans 14 autres villes, dont Plovdiv, Varna
et Pleven. Le nombre de participants a été estimé à un demi-million,
sur une population de 7,5 millions d'habitants. Ces manifestations
ont suivi les émeutes qui ont eu lieu dans le village de Katuniza
après l'agression par les habitants d'une famille rom accusée d'avoir
assassiné un jeune.
25. Lors des dernières élections législatives en 2009, Ataka a
obtenu 9,4 % des suffrages et 21 sièges, restant ainsi le quatrième
plus grand parti de Bulgarie. Cependant, 11 députés ayant depuis
quitté le groupe parlementaire, il ne compte plus aujourd'hui que
10 membres.
26. Le 18 juillet 2012, la Bulgarie a été secouée par un attentat
terroriste perpétré contre des touristes israéliens dans l'aéroport
de Bourgas-Sarafovo, tuant sept personnes et en blessant 30 autres.
L’enquête, menée en étroite coopération avec les partenaires euro-atlantiques,
est toujours en cours. Jusqu'à présent, cet événement tragique est
resté le seul en son genre sur le sol bulgare.
3. Problèmes soulevés
dans le dernier rapport
27. Dans le dernier rapport sur le dialogue post-suivi
avec la Bulgarie, examiné en avril 2010, l'Assemblée s'est félicitée
des mesures importantes prises par les autorités pour honorer les
obligations et engagements dont doit encore s'acquitter le pays.
28. Le rapport fait état des progrès réguliers de la mise en œuvre
des recommandations de l'Assemblée, ainsi que du processus de réforme
axé sur l'introduction, la mise en œuvre et la consolidation des
normes européennes ayant permis au pays d'adhérer à l'Union européenne.
29. Dans son évaluation de 2010, l'Assemblée a néanmoins estimé
que certaines réformes ayant été entreprises à la hâte pour respecter
les délais d'adhésion très stricts s'étaient révélées superficielles,
et que de nouvelles mesures s'imposaient donc. Dans les chapitres
suivants, je reviendrai sur les problèmes persistants mis en lumière
par le dernier rapport et j'évaluerai les progrès accomplis depuis.
3.1. Fonctionnement
de l'appareil judiciaire
30. Dans l'ensemble, la Bulgarie a grandement progressé
dans ses travaux législatifs sur le fonctionnement de la justice
depuis la clôture de la procédure de suivi, notamment ces cinq dernières
années à la suite de son adhésion à l'Union européenne.
31. Dans ses nombreux avis sur le système judiciaire bulgare,
et notamment ceux adoptés en 1999, 2002 et 2003
,
la Commission de Venise a recensé un certain nombre de points préoccupants
ayant des effets néfastes sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire
et, en particulier, sur son indépendance, sa responsabilisation
et sa transparence.
32. Force est de reconnaître que les autorités bulgares se sont
montrées très réceptives aux critiques et ont consenti beaucoup
d'efforts pour remédier aux diverses défaillances. Mentionnons en
particulier les nouvelles dispositions constitutionnelles (février
2007) visant à favoriser l'indépendance du système judiciaire, ainsi
que son impartialité et sa responsabilisation.
33. Malheureusement, c'est là l'un des rares cas où les autorités
bulgares n'ont pas fait appel aux compétences de la Commission de
Venise avant d'enclencher le processus législatif. L'avis de la
Commission de Venise n'a été rendu, à la demande de la commission
de suivi, qu'après l'adoption des modifications constitutionnelles
. Si bien que les
modifications constitutionnelles ont négligé plusieurs points déjà considérés
comme problématiques dans de précédents avis de la Commission de
Venise.
34. Bien que les autorités bulgares se soient par la suite attelées
à certains de ces problèmes en apportant à la loi sur le système
judiciaire des modifications successives, adoptées respectivement
en 2009 et 2010
, plusieurs
autres problèmes, mis en avant dans les rapports périodiques du
MCV et le rapport 2010 de l'Assemblée, demeurent en suspens.
35. Dans son avis rendu en 2008, la Commission de Venise concluait
que, eu égard au système judiciaire en Bulgarie, plusieurs aspects
relatifs à l'appareil judiciaire, généralement en conformité avec
les normes européennes et en harmonie avec la pratique constitutionnelle
appliquée dans d'autres Etats européens, devaient être encore améliorés
pour éviter tout risque d'influence excessive sur l’appareil judiciaire.
Ces aspects, qui n'avaient pas été traités avant le débat relatif
au rapport 2010 sur la Bulgarie, étaient notamment le rôle du ministre
de la Justice au sein du Conseil judiciaire suprême (le CJS), la
structure du CJS et la méthode de nomination de ses membres, l'immunité
“totale” des juges, la période probatoire de cinq ans imposée aux
nouveaux juges et les pouvoirs des inspecteurs, si étendus qu'ils
comportent un risque d'ingérence dans l'administration de la justice.
36. Lors de mes visites à Sofia, la question du rôle du ministre
de la Justice au sein du CJS a fait l'objet de mes discussions avec
de nombreux interlocuteurs, dont la ministre elle-même, ainsi qu'avec
des représentants du pouvoir judiciaire et du corps législatif.
La majorité d'entre eux a souligné que le rôle de ministre au sein
du CJS ne devait pas être surestimé; en effet, le ministre a le
droit de présider, mais pas de voter.
37. Cela étant, lorsqu'il se combine à d'autres pouvoirs étendus,
comme le pouvoir exclusif de proposer un projet de budget pour l'appareil
judiciaire et de le soumettre à l'examen du CJS, ainsi que des nominations, promotions,
rétrogradations, mutations et révocations, et de gérer le patrimoine
de l'appareil judiciaire, le rôle du ministre reste ambigu et peut
compromettre l'indépendance du système judiciaire.
38. Je tiens toutefois à souligner ici que, contrairement à l'avis
de la Commission de Venise, les rapports de la Commission européenne
n'ont pas jugé préoccupant le rôle du ministre au sein du CJS. Dans
le dernier rapport du MCV
, il a été souligné qu'au cours des
cinq dernières années, les ministres de la Justice n'étaient pas
intervenus dans les questions de gestion et de carrières.
39. Je suis heureux de constater qu'il semble que la position
des autorités à cet égard ait récemment évolué. Au cours de ma dernière
visite, en septembre 2012, on m'a affirmé que la question du rôle
du ministre de la Justice au sein du CJS faisait l'objet d'une réflexion
plus poussée. J'espère que les autorités suivront les recommandations
de la Commission de Venise en ce sens.
40. Le deuxième grand problème relatif à la structure du CJS n'a
été abordé ni dans les nouvelles dispositions constitutionnelles
de 2007 ni dans une quelconque modification ultérieure à la loi
sur le système judiciaire (LSJ). Onze membres (sur 25) sont toujours
élus par le parlement à la majorité simple des voix. Aussi, dans
toutes les élections passées, les membres ont-ils été systématiquement
élus par leur majorité gouvernementale respective, contre le vote
de l'opposition.
41. Selon les experts de la Commission de Venise, la composition
du Conseil, telle que la décrit la loi sur le Conseil suprême, n'est
pas en soi critiquable. Ce système pourrait parfaitement fonctionner
dans une démocratie en place de longue date, où l'administration
de la justice ignore généralement les conflits politiques et où
l'indépendance du pouvoir judiciaire est bien établie. Cependant,
dans la situation particulière de la Bulgarie, le risque de politisation
des procédures électorales ne peut être exclu. Ce problème a également
été soulevé dans l'évaluation de la réforme judiciaire réalisée
pour la Commission européenne par des experts indépendants
.
42. Selon les critiques, les anciennes procédures de sélection
pour la composante parlementaire du CJS n’ont pas permis de procéder
à des nominations considérées comme justifiées par le professionnalisme
et l'intégrité des candidats. Lors de ma première visite à Sofia,
en 2011, j'ai entendu critiquer les élections de juillet 2011 au
motif de sièges vacants au sein de la composante parlementaire du
CJS, du manque de transparence de la procédure et de l'absence de
débat public sur les candidats désignés.
43. J'ai longuement discuté de cette question avec différentes
parties prenantes, dont la ministre de la Justice et d'autres représentants
du pouvoir exécutif, le Président du Parlement et d'autres représentants
du pouvoir législatif et enfin, derniers interlocuteurs mais non
des moindres, des représentants du pouvoir judiciaire, dont le Président
de la Cour suprême, le Procureur général, ainsi que des représentants
de l'Association bulgare des juges.
44. J'ai entendu quantité d'arguments contre l'instauration d'un
vote à la majorité qualifiée pour l'élection de la composante parlementaire.
Certains étaient de nature formelle: un tel changement nécessiterait
une modification constitutionnelle et il était hautement improbable
qu’un consensus sur la révision de la Constitution se fasse sous
l'actuelle législature. Cependant, ce qui est plus important, mes
interlocuteurs, dont ceux membres du pouvoir judiciaire, n'ont pas
vraiment vu l'utilité de ce changement.
45. C'est avec surprise que j'ai entendu l'avis de nombreux interlocuteurs
– dont l'Association bulgare des juges – lesquels étaient convaincus
que l'exigence d'une majorité des deux tiers au Parlement donnerait
lieu à un marchandage politique encore plus intempestif que celui
auquel nous avons assisté lors des élections passées. Dans leur
grande majorité, mes interlocuteurs paraissent ne pas considérer
le consensus et le compromis politiques comme un élément positif
du processus.
46. De leur point de vue, le principal objectif doit être une
transparence et une crédibilité plus grandes de la procédure de
sélection et de nomination de la composante parlementaire. Et en
effet, les efforts récents des autorités dont, notamment, les modifications
apportées à la loi sur le système judiciaire, introduites en 2011
, se sont concentrés sur cette question.
La loi modifiée établit des règles strictes pour l'ensemble de la
procédure de nomination et de sélection, en se fondant sur l'engagement
des citoyens et la transparence et en prévoyant notamment un entretien
public pour les candidats.
47. L'instauration de ce nouveau mode d'élection a coïncidé avec
ma dernière visite, en septembre 2012. Bien qu'il faille sans aucun
doute se féliciter de cette évolution, j'encourage les autorités
bulgares à se reposer la question de la majorité parlementaire requise
pour l'élection de la composante parlementaire. En effet, l'écueil
que constitue le vote à la majorité simple peut s'illustrer par
le fait que depuis la création de cette institution, seuls deux
des cinq Conseils judiciaires suprêmes ont mené leur mandat à terme.
En modifiant la loi sur le système judiciaire dans la foulée des
élections, chaque nouvelle majorité au parlement a mis fin au mandat
du CJS constitué sous la majorité précédente.
48. Mes interlocuteurs ont également affirmé que les membres
de l'Inspection générale – conçue comme un organe subsidiaire du
CJS créé par les modifications de 2007 – sont élus au parlement
à la majorité des deux tiers, et que c'est là un garde-fou suffisant
contre la politisation de l'ensemble de l'institution. Il est vrai que
la création de l'Inspection générale et la procédure de nomination
de ses membres constituent un pas important vers l'indépendance
du pouvoir judiciaire. Je m'y consacrerai plus longuement dans une
autre partie du présent rapport.
49. Le troisième grand défaut du système judiciaire bulgare mis
en évidence par la Commission de Venise est la représentation des
juges, procureurs et enquêteurs au sein d'une instance unique, à
savoir le CJS. Bien qu'il n'y ait aucune objection à ce que les
procureurs soient sur un pied d'égalité avec les juges, comme c'est le
cas dans nombre de pays, il est important de continuer à les différencier
et de veiller à ce qu'ils ne s'influencent pas mutuellement concernant
les nominations, la discipline et les révocations. En outre, par principe,
le parquet ne devrait être en rien associé aux derniers stades de
l'administration de la justice, pas plus qu'à la nomination et au
modus operandi des juges, ou qu'au fonctionnement du système judiciaire.
50. Mes interlocuteurs m'ont affirmé que selon la pratique établie,
les juges sont majoritaires au sein du CJS. En effet, la branche
judiciaire se compose de six juges, de quatre procureurs et d'un
enquêteur, et la branche parlementaire est constituée dans les mêmes
proportions. Cependant, une pratique établie ne peut remplacer une
garantie constitutionnelle. En outre, une situation dans laquelle
une majorité de juges décide de la nomination et de la promotion
des procureurs et des enquêteurs n'est pas non plus souhaitable.
51. Il est vrai – comme l'ont souligné mes interlocuteurs du ministère
de la Justice – que les modifications apportées en 2011 à la loi
sur le système judiciaire disposaient que la commission permanente
du CJS serait composée de deux sous-commissions distinctes: la sous-commission
des juges et la sous-commission des procureurs et des enquêteurs.
La commission permanente est chargée de présenter des propositions
relatives aux affectations et à l'évolution de carrière des juges,
procureurs et enquêteurs; du fait qu'elle délibère au sein de deux
sous-commissions différentes (juges et procureurs), c'est là, de
l'avis du ministère, un garde-fou suffisant pour garantir une non-ingérence.
52. L'Union bulgare des juges – qui représente environ 50 % de
l'ensemble des juges du pays et dont j'ai rencontré des représentants
au cours ma dernière visite en septembre 2012 – considère quant
à elle ce garde-fou comme insuffisant. Selon ses représentants,
la création de deux sous-commissions au sein d'une commission chargée
de l'évaluation des résultats, sans que soient clairement établies
de différences entre leurs pouvoirs et ceux du CJS en matière de
nominations, de révocations, de promotions, de rétrogradations et
de discipline, ne résout en rien les problèmes actuels. Quoiqu'il
en soit – affirment-ils – le travail des sous-commissions est superflu
parce que les décisions juridiquement contraignantes sont prises
par l'organe collectif. De plus, le comité disciplinaire du CJS,
qui a compétence pour proposer des sanctions à l'encontre des juges
et procureurs, n'est pas sous-divisé en deux sous-commissions spécialisées.
53. Les autorités affirment que conformément à la Constitution,
le CJS est un organe collectif qui ne peut prendre de décisions
qu'à la majorité prévue. Aussi est-il impossible de le diviser en
deux chambres prenant des décisions séparément. Les experts juridiques
de la Commission de Venise n'opposent aucun problème de principe
à un conseil judiciaire unique traitant avec les trois branches
du pouvoir judiciaire, pourvu que des commissions spécialisées compétentes
prennent en charge les questions relatives aux différentes branches du
pouvoir judiciaire, de manière à supprimer tout risque d'influence
de l'une sur l'autre
.
54. Concernant le quatrième problème soulevé par la Commission
de Venise, je note avec satisfaction que les modifications apportées
à la Constitution en 2007 stipulaient que l’immunité civile et pénale
des juges, procureurs et magistrats instructeurs se limitait aux
actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions officielles et
que même alors, leur immunité ne s'étendait pas aux actes constitutifs
d'une infraction grave et délibérée. La recommandation pertinente
de la
Résolution 1730
(2010) de l'Assemblée et les recommandations de la Commission
de Venise ont donc été satisfaites.
55. Malheureusement, une autre recommandation de la Commission
de Venise formulée dans son Avis de 2002
concernant
la suppression ou la réduction de la période probatoire de trois
ans imposée aux juges, n'a pas été suivie. Les modifications constitutionnelles
de 2007 l'ont même étendue à cinq ans. En principe, les périodes
probatoires présentent de sérieuses difficultés du point de vue
de l'indépendance du pouvoir judiciaire mais, lorsqu’elles sont
prévues par la loi, elles ne doivent pas excéder le temps nécessaire
pour évaluer les compétences d'un juge.
56. Ceci m'amène à un problème d'ordre plus général, soulevé par
l'Union bulgare des juges et certaines organisations non gouvernementales
(ONG), à propos de l'indépendance et du risque de politisation du pouvoir
judiciaire. Les représentants que j'ai rencontrés lors de ma dernière
visite ont particulièrement insisté sur les défaillances du système
d'évaluation des juges, procureurs et magistrats instructeurs, l'absence
de normes claires et cohérentes pour l'évaluation des résultats
et d'autres difficultés liées à l'évolution de carrière des magistrats.
57. Ces mêmes représentants ont évoqué plusieurs nominations judiciaires
manquant de la transparence et de la crédibilité requises, comme
celle d'un haut fonctionnaire nommé par le CJS en novembre 2010.
Une autre nomination – à la présidence du tribunal de la ville de
Sofia – elle aussi décidée par le CJS, a eu lieu en mai 2011, alors
que les modifications apportées à la loi sur le système judiciaire
en décembre étaient déjà en vigueur. En signe de protestation, deux
membres du CJS ont démissionné et critiqué les décisions de nomination
déterminées à l'avance. Récemment, une nomination controversée à
la Cour constitutionnelle a déclenché un scandale politique avant
d’être annulée par le parlement.
58. La responsabilisation du pouvoir judiciaire est un autre grave
sujet de préoccupation. L'Union des juges considère comme sujettes
à controverse plusieurs affaires disciplinaires dont celle, emblématique,
de la révocation de la juge Miroslava Todorova. L'inexistence de
procédures disciplinaires cohérentes laisse la porte ouverte aux
décisions arbitraires.
59. Avant 2007, les affaires de procédures disciplinaires à l'encontre
de magistrats étaient extrêmement rares. La levée de “l'immunité
totale”, recommandée par la Commission de Venise, a été une étape
importante sur la voie de la responsabilisation du pouvoir judiciaire
bulgare. En 2009, l'adoption du Code d'éthique a constitué une autre
grande étape. Entre janvier 2007 et décembre 2011, le CJS a traité
jusqu'à 179 procédures disciplinaires pour violation du Code d'éthique,
qui se sont soldées par 137 sanctions, pour la plupart des blâmes
et des avertissements.
60. Cependant, les procédures disciplinaires engagées pour transgression
suscitent de nombreuses inquiétudes. Les critiques portent premièrement
sur l'absence de cohérence des sanctions (notamment dans des affaires
concernant des retards de motivation de décisions) et, deuxièmement,
sur certaines affaires emblématiques dans lesquelles le parquet
n'a pas engagé de poursuites pénales contre des magistrats malgré certains
éléments suggérant une infraction probable. Ces failles expliquent
en grande partie les doutes de l'opinion publique quant à l'indépendance
du pouvoir judiciaire.
61. Ces inquiétudes sont étroitement liées aux insuffisances reprochées
à la pratique judiciaire qui, jusqu'à récemment, étaient un mal
chronique du système judiciaire bulgare, comme l'illustrent près
de 110 décisions inappliquées de la Cour européenne des droits de
l’homme relatives à la durée excessive de la procédure judiciaire
et à l'absence de recours effectif. Ce problème est très fréquent
dans les affaires tant administratives que civiles ou pénales. En
mai 2011, la Cour a prononcé deux arrêts pilotes,
Dmitrov et Hamanov c. Bulgarie et
Finger c. Bulgarie, qui portaient
sur l'absence systémique de recours effectifs en cas de durée excessive
de la procédure pénale
.
62. Les autorités affirment que beaucoup d'efforts ont été déployés
pour remédier à tous ces problèmes. La loi de 2007 sur le système
judiciaire a subi nombre de modifications conformes aux recommandations
des experts de la Commission de Venise. La création de l'Inspection
générale, organe subsidiaire du CJS, déjà mentionnée, a notamment
représenté une étape importante sur la bonne voie.
63. L'inspection générale est opérationnelle depuis 2008. En décembre
2011, elle a procédé à l'inspection de tous les organes judiciaires
bulgares. A la suite de ses rapports, les procédures judiciaires
ont gagné en célérité et la pratique judiciaire s'est harmonisée.
En outre, un rôle plus actif a été attribué aux cadres administratifs
et les magistrats ont été responsabilisés, notamment grâce à des
mesures disciplinaires. L'inspection générale peut agir ex officio ou sur la foi d'informations
transmises par des citoyens, des organismes publics, des entités
juridiques ou des organes judiciaires. Elle a toute discrétion pour
planifier ses activités. Pour obtenir la majorité des deux tiers
nécessaire à son élection, elle doit bénéficier du soutien d'un plus
large éventail de partis politiques représentés au parlement.
64. Le CJS a cherché à assurer un suivi adéquat des recommandations
de l'Inspection générale. Une commission spéciale a été constituée
pour assurer l'harmonisation des pratiques disciplinaires. Toutes
les recommandations sont publiées sur le site web du CJS pour conférer
une meilleure visibilité aux problèmes recensés par l'Inspection
générale.
65. Les modifications de 2009 ont donné à l'Inspection générale
le droit de faire appel des décisions disciplinaires du CJS, ce
qui a permis de mieux contrôler l'équité et l'impartialité des procédures
disciplinaires.
66. En juin 2010, le gouvernement a adopté une stratégie destinée
à poursuivre la réforme judiciaire. Celle-ci vise à accroître la
confiance des citoyens, à améliorer la gestion et à lutter contre
la corruption au sein de l'appareil judiciaire. Elle a été conçue
en partenariat avec les principales organisations non gouvernementales et
coordonnée avec la communauté des magistrats.
67. La même année, de nouvelles procédures de nomination et d'évaluation
des magistrats ont été instaurées, notamment grâce à des commissions
d'évaluation décentralisées. Le système modifié apporte de nouveaux
éléments d'évaluation tels que la notation de l'intégrité des magistrats
par l'Inspection du CJS, qui se base pour ce faire sur le résultat
de ses inspections.
68. Les modifications les plus récentes, effectuées en 2012,
sont particulièrement importantes pour la sélection des membres
du CJS.
69. Plusieurs mesures ont été prises pour améliorer les pratiques
judiciaires et d'enquête. J'ai déjà évoqué le travail accompli par
l'Inspection générale en ce sens. D'autres mesures seront étudiées
ci-après, dans le chapitre consacré à la lutte contre la corruption
et le crime organisé. Il me faut également mentionner ici les modifications
apportées en 2012 à la loi sur le système judiciaire, qui prévoient
la création au sein de l'Inspection générale d'une unité juridique
attachée au Conseil judiciaire suprême, et responsable du dédommagement
des préjudices subis en raison de retards dans les poursuites judiciaires.
Cette unité spécialisée est chargée d'examiner les plaintes pour
longueur abusive des procédures et d'apprécier leur pertinence.
La procédure prévoit aussi de faciliter l'obtention d'indemnités
alignées sur celles qu'octroie la Cour européenne des droits de
l’homme dans ses arrêts définitifs.
70. Pour conclure, le cadre législatif est, dans une grande mesure,
déjà en place. L'élément faisant encore défaut est la mise en œuvre
effective et la pleine exploitation du potentiel de la législation.
71. Le CJS est doté des pouvoirs nécessaires pour exercer efficacement
ses fonctions de direction et assurer l'indépendance et la responsabilisation
du pouvoir judiciaire. Il est notamment compétent en matière d'organisation
du système judiciaire, de planification et d'exécution du budget,
de gestion des ressources humaines, d'intégrité et de questions
disciplinaires. Il dispose donc de tous les moyens voulus pour s'attaquer aux
problèmes actuels que sont les disparités dans la charge de travail,
les systèmes d'évaluation et de promotion, les nominations de hauts
fonctionnaires effectuées par le Conseil, ainsi que les systèmes d'encouragement
à l'éthique et à l'intégrité et d'application des mesures disciplinaires.
72. Malheureusement, force est de constater que jusqu'à présent,
le CJS n'a pas pleinement exploité ses capacités. Il n'a pas conçu
de stratégie de gestion des ressources humaines susceptible d'encourager l'indépendance
et l'intégrité. Il continue d'essuyer les critiques de l'opinion
publique et de l'appareil judiciaire. Pourtant, la nomination de
juges extrêmement compétents et d'une intégrité au-dessus de tout
soupçon grâce à des procédures transparentes est une condition préalable
au succès de la mise en œuvre de la réforme judiciaire.
73. Les dernières élections au CJS, conduites en septembre 2012
conformément à la nouvelle procédure transparente, autorisent un
optimisme prudent quant à son action à venir, mais il est encore
trop tôt pour constater des résultats.
74. De même, selon d'aucuns, l'action de l'Inspection générale
n'a pas eu d'effets déterminants sur la résolution des problèmes
persistants du système judiciaire. Par exemple, elle n'a pas contribué
de façon décisive à remédier à des maux systémiques tels que la
répartition de la charge de travail entre les organes judiciaires,
les grandes variations de taille des districts judiciaires, l'instauration
de critères précis permettant d'évaluer la complexité des affaires
et son incidence sur la répartition de la charge de travail. Ceci
est pourtant indispensable à l'évaluation de l'efficacité des juges
et, partant, à leurs perspectives professionnelles.
75. Le bien-fondé de ces critiques est confirmé par les résultats
du sondage d'Eurobaromètre, qui a révélé que 92 % des Bulgares considéraient
les défaillances du système judiciaire comme une question importante pour
leur pays
. Dans les commentaires très intéressants
qu’il a faits sur le présent rapport, un membre bulgare de la commission
de suivi, M. Yanaki Stoilov, qui représente l’opposition au sein
du Parlement bulgare, a souligné qu’une proportion croissante de
la population bulgare a le sentiment que les tribunaux risquent
de céder aux pressions politiques (cette proportion est passée de
70 % en 2010 à 81 % en 2012), aux pressions économiques (65 % en
2010 et 77 % en 2012) et aux pressions de groupes criminels (62 %
en 2010 et 72 % en 2012).
76. Dans sa
Résolution
1730 (2010), l'Assemblée a appelé les autorités bulgares à réviser
le Code pénal et le Code de procédure pénale, en concertation avec
la Commission de Venise. Les rapports du MCV ont aussi régulièrement
relevé que le système de justice pénale bulgare pâtissait de l'emploi
d'un Code pénal archaïque. Le Code pénal actuel date de 1968, a
été modifié plus de 50 fois et est considéré par de nombreux professionnels
comme inadapté à la criminalité moderne.
77. Les travaux relatifs à l'élaboration d'un nouveau code pénal
ont débuté en 2009. Un avant-projet de dispositions générales a
été publié pour consultation en janvier 2012 et les travaux sur
les dispositions spéciales se sont poursuivis. Les autorités collaborent
étroitement avec le Conseil de l'Europe, comme le recommande la
Résolution 1730 (2010). Durant ma dernière visite, il m'a semblé clair qu'il
y avait peu de chances que l'actuel pouvoir législatif adopte le
Code pénal. Il faudrait pour ce faire que le texte soit sans plus attendre
envoyé au parlement, alors que des consultations avec les experts
juridiques du Conseil de l'Europe sont toujours en cours.
78. Suivant un calendrier plus réaliste, le nouveau code pénal
ne sera débattu et adopté que par le parlement élu en juillet 2013.
Je suis convaincu – et c'est aussi l'avis de nombre de mes interlocuteurs
– qu'il ne nous faut pas insister pour accélérer la rédaction du
code pénal. Cet instrument juridique est trop important pour être
adopté à la hâte, pour des raisons de commodité politique. Comme
je l'ai dit, les experts du Conseil de l'Europe sont fortement investis
dans le processus de rédaction du code.
79. Je suis persuadé que le futur code pénal répondra aux normes
européennes et, en particulier, qu'il dépénalisera la diffamation
et l'injure, comme le recommande la
Résolution 1730 (2010).
80. Le Code de procédure pénale a été reconnu comme l'un des principaux
facteurs nuisant à l'efficacité de la justice pénale en Bulgarie.
Dans sa
Résolution 1730
(2010), l'Assemblée a appelé les autorités bulgares à modifier
le Code en vue de rationaliser les procédures pénales et d'en accroître
l'efficacité. Ceci a été fait et des modifications ont été adoptées
en 2010. Après l'arrêt pilote rendu par la Cour contre la Bulgarie
dans une affaire de durée excessive des poursuites, d'autres modifications
du Code de procédure pénale ont été introduites en novembre 2011.
Je reviendrai sur ce point de manière plus détaillée dans le chapitre
relatif à l'exécution des arrêts de la Cour.
81. En conclusion, il nous faut reconnaître que les progrès accomplis
par la justice sont indéniables et que des mesures importantes ont
été prises depuis le dernier débat à l'Assemblée, en 2010. Tout
ceci a considérablement accru l'indépendance du pouvoir judiciaire
en Bulgarie. De même, je n'ai aucun doute sur la volonté des autorités
de poursuivre dans la bonne voie. Et je suis confiant qu’ils assureront
la mise en œuvre efficace des réformes.
3.2. Lutte contre la
corruption et le crime organisé
82. Il est malheureusement évident que certains dysfonctionnements
du système judiciaire entravent la lutte contre la corruption. Cela
fait longtemps que la forte corruption ambiante est considérée comme
l'un des principaux problèmes de la Bulgarie. C'est ce que confirment
les organes spécialisés du Conseil de l'Europe, les rapports MCV
successifs de l'Union européenne – dont le dernier, publié en juillet
2012 – ainsi que d'autres organisations internationales. Dans son
indice de perception de la corruption 2011, Transparency International a
classé la Bulgarie 86e sur un total de
183 pays, avec une note de 3,3 sur une échelle de 0 (niveau de corruption
élevée) à 10 (pas ou très peu de corruption). Le sondage d'Eurobaromètre
a montré que 96 % des Bulgares considèrent la corruption qui sévit
dans leur pays comme un fléau
.
83. En termes économiques, la corruption est très néfaste pour
le climat des affaires et la compétitivité des entreprises bulgares.
84. Il faut reconnaître qu'après l'adhésion de la Bulgarie à l'Union
européenne, les autorités ont redoublé d'efforts pour combattre
la corruption. C'était là aussi le principal objectif politique
de la majorité parlementaire arrivée au pouvoir en 2009. Depuis,
la Bulgarie a mis en place de nombreux instruments devant permettre d'intenter
des poursuites pour des infractions liées à la corruption (notamment
grâce au renforcement de la loi sur les conflits d'intérêts, adoptée
en novembre 2010) et élaboré un cadre administratif et des mesures
de prévention exhaustifs. Le nouveau code pénal, actuellement en
cours d'élaboration en coopération avec les experts juridiques du
Conseil de l'Europe, permettra de renforcer le cadre législatif.
85. Le dernier rapport du GRECO, publié en novembre 2010, recommande
toutefois de nouvelles améliorations dans la pénalisation de la
corruption
. Il est en effet
nécessaire de pénaliser clairement la corruption et le trafic d'influence
dans toutes les situations où c'est un tiers qui profite d'un avantage
indu. De plus, malgré les nouvelles dispositions de 2002, la notion
d’avantage indu est dans la pratique interprétée de manière trop
restrictive, c'est-à-dire comme se limitant à un avantage matériel
doté d’une valeur marchande.
86. Malheureusement, les résultats obtenus prouvent que la lutte
contre la corruption, notamment de haut niveau, n'a pas porté tous
ses fruits. Ce manque d'efficacité est confirmé par des résultats
médiocres en termes de décisions judiciaires définitives. Bien que
ces dernières années aient vu une certaine augmentation du nombre
de condamnations définitives dans des affaires de corruption (de
100 à 200 affaires par an), il y a eu très peu de verdicts définitifs
et exécutés pour des faits de corruption de haut niveau.
87. Cette situation regrettable peut s'expliquer dans une large
mesure par deux raisons principales: en premier lieu, les dysfonctionnements
des procédures d'enquête et, en deuxième lieu, les insuffisances
de la pratique judiciaire.
88. Concernant ces dysfonctionnements, la principale difficulté
relevée par l'Union européenne est due aux faits suivants: il n'existe
pas d'organismes indépendants de lutte contre la corruption, ni
d'obligation de faire des propositions, d'intervenir préventivement
et d'assurer la mise en place d'un suivi indépendant. Les organismes
existants sont subordonnés au pouvoir exécutif et leur liberté d'action
est donc limitée. Ils n'ont pas non plus les capacités requises
pour mener des enquêtes financières complexes. L’étendue très limitée
des inculpations est un autre problème. En 2012, l'analyse d'affaires
de corruption emblématiques réalisée par les experts de la Commission
européenne
a révélé de graves
dysfonctionnements dans la collecte de preuves et la protection
des témoins, ainsi qu'une absence généralisée de stratégies d'enquête,
d'enquêtes financières exhaustives et de protection des biens. La
coordination au sein du parquet et entre le parquet et la police
n'était pas non plus satisfaisante.
89. Dans l'espoir de remédier à cette situation, des unités distinctes
de lutte contre la corruption ont été créées au sein du parquet.
En 2012, des équipes communes d'enquête, composées de magistrats
et de policiers pour combattre la corruption de haut niveau, ont
été constituées. Une formation spécialisée a été proposée. Un réseau
spécialisé interne de procureurs ayant pour but la lutte contre
la corruption a été créé et une coopération systématique avec l'Union
européenne en matière d'assistance technique (que ce soit par l'intermédiaire
de projets bilatéraux ou financés par l'Union européenne) a été
instaurée. Mais il est encore trop tôt pour apprécier les répercussions
de ces mesures sur la qualité des enquêtes.
90. La pratique judiciaire est un autre point préoccupant. Elle
est permissive et excessivement prudente et attentive aux procédures,
et ce au détriment de l'administration de la justice. Par ailleurs,
beaucoup d'affaires emblématiques ont été entachées de vices de
procédure. Plusieurs acquittements dans des affaires de corruption
de haut niveau, de fraude et de crime organisé ont révélé de sérieuses
défaillances dans la pratique judiciaire bulgare.
91. Nous regrettons que ces affaires n'aient pas été analysées
ou suivies comme il se devait par le sommet de la hiérarchie judiciaire,
à savoir le Conseil judiciaire suprême, le Procureur général et
le Président de la Cour suprême de cassation. Des retards aussi
importants qu'injustifiés dans les procédures sont également très préjudiciables.
Cette situation plus qu'insatisfaisante est très bien illustrée
par certaines affaires emblématiques de détournements de fonds de
l'Union européenne. Le pouvoir judiciaire s'est montré particulièrement
timoré dans ses enquêtes pour présomption de corruption et d'abus
de pouvoir, diligentées contre des magistrats.
92. On peut malgré tout noter quelques progrès dans la lutte contre
la corruption. Ces cinq dernières années, la Bulgarie a adopté des
stratégies et plans d'action anti-corruption, mis en œuvre avec
l'aide de plusieurs organismes publics. L'engagement bien plus profond
de la société civile dans la lutte contre la corruption est sans
conteste une évolution positive. Au fil des ans, la société civile
se montre en effet de plus en plus active et mieux à même de suivre
la situation en tirant si nécessaire le système d'alarme.
93. Comme mentionné plus haut, les modifications du Code de procédure
pénale introduites en 2010 et un suivi rigoureux des affaires de
haut niveau par le CJS ont eu des retombées positives sur la pratique
judiciaire. La réforme des structures judiciaires s'occupant des
affaires de crime organisé est une étape importante dans la bonne
direction. Un tribunal pénal et un parquet spécialisés ont été créés
en janvier 2012.
94. En outre, depuis le dernier débat de l'Assemblée, en 2010,
les autorités bulgares ont entrepris de multiplier les confiscations
de biens d'origine criminelle, conformément aux recommandations
du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne. Une nouvelle loi
a été élaborée en coopération avec la Commission de Venise, mais
elle a été rejetée par le parlement en juillet 2011. A la demande
des autorités bulgares, la Commission de Venise a formulé des avis
sur plusieurs projets de loi.
95. Enfin, une version révisée du projet de loi relative à la
confiscation au profit de l'Etat de biens acquis par l'exercice
d'activités criminelles a été adoptée en mai 2012. Elle a introduit
la notion de confiscation civile en l'absence de condamnation et
ainsi permis à l'Etat de récupérer non seulement les biens provenant
d'activités criminelles mais aussi tous les biens «acquis de manière
illicite», et ce même en l'absence de condamnation pénale.
96. Sous sa forme définitive, la loi a été édulcorée pour faciliter
son passage devant le parlement. C'est pourquoi son degré d'efficacité
dépendra en grande partie de la façon dont la Commission pour la
confiscation des biens acquis de manière illicite – un nouvel organisme
indépendant – décidera de la mettre en œuvre.
97. Les faiblesses du système de marchés publics sont considérées
comme étant à l'origine de nombreux faits de corruption. La Bulgarie
a amélioré sa législation en la matière grâce à l'introduction en
2011 et 2012 de changements dans la loi pertinente. Il est aujourd'hui
fondamental que ces changements soient pleinement appliqués.
98. En novembre 2010, la Bulgarie a adopté une loi renforcée sur
les conflits d'intérêts. Malheureusement, la commission responsable
n'a été créée qu'en juin 2011 et, pendant plus d'un an, la loi n'a
pas été correctement appliquée. Aussi, au début de l'année 2011,
des allégations de conflits d'intérêts dans une importante affaire
impliquant un haut magistrat n'ont pas bénéficié du suivi voulu.
99. Il faut dans ce contexte sonner l'alarme concernant les lacunes
constatées dans les déclarations et vérifications des biens des
responsables politiques, magistrats et hauts fonctionnaires. Le
système actuel souffre de nombreux dysfonctionnements. Premièrement,
les déclarations portent sur la situation bancaire au 31 décembre
de chaque année et n'incluent pas les soldes ou mouvements maximum
de l'année. Deuxièmement, la valeur déclarée des biens immobiliers
peut ne pas correspondre à la valeur réelle et n'est pas vérifiée.
De plus, il n'y a ni définition de priorités quant au contrôle de
certaines catégories de fonctionnaires, ni procédure d'enquête dans
les cas suspects. Les partenaires non mariés des personnes concernées
ne sont pas tenus de déclarer leurs biens. De manière plus générale,
les fausses déclarations ne sont pas sanctionnées efficacement et
les contradictions ne sont pas analysées. Ceci est d'autant plus regrettable
qu'un bon système de déclarations et de vérifications des biens
peut se révéler très utile pour prévenir la corruption.
100. La lutte contre la corruption est étroitement liée à la lutte
contre le crime organisé et les points faibles de la première se
répercutent nécessairement sur la seconde. Le crime organisé reste
pour la Bulgarie un grand défi à relever. Selon Europol, des groupes
criminels organisés bulgares sont actifs partout en Europe et «se spécialisent»
surtout dans la traite d'êtres humains et la fraude aux cartes bancaires.
101. En décembre 2011, le Groupe d'experts sur la lutte contre
la traite des êtres humains (GRETA) – l'organe du Conseil de l'Europe
spécialisé dans la lutte contre la traite des êtres humains – a
publié un rapport sur la Bulgarie
,
dans lequel il concluait que les cadres juridique et institutionnel
étaient tous deux une base adéquate pour s'attaquer à ce fléau.
102. Là encore, comme dans la lutte contre la corruption, les principales
inquiétudes portent sur les insuffisances des enquêtes pénales et
de la pratique judiciaire. Des acquittements contestables, de fréquents renvois
d'affaires devant le parquet par les juridictions, ainsi que des
ajournements pour des raisons sujettes à caution – par exemple,
une absence maladie non justifiée – illustrent bien ces insuffisances.
Le nombre restreint de jugements définitifs en est la meilleure
démonstration.
103. Il convient néanmoins de noter que de nombreuses affaires
passent aujourd'hui en justice et devraient être jugées d'ici fin
2012. Un tribunal spécialisé établi plus tôt dans l'année devrait
contribuer à améliorer encore la situation. Conséquence de la création
d'unités spécialisées au sein des parquets, des progrès notables
ont été accomplis dans le sens de la réduction du nombre d'affaires
renvoyées du parquet aux services de police, de la réduction de
la durée des poursuites et d'une meilleure qualité des enquêtes.
104. Des modifications de la loi relative au ministère de l'Intérieur
en 2009 et 2010 ont donné lieu à des changements institutionnels
au sein de ce ministère, en influant tant sur la qualité que sur
la rapidité de la phase d'instruction. Le nombre d'enquêteurs de
police a beaucoup augmenté (passant de 2 000 à 8 000). La formation
a été renforcée et une structure policière indépendante a également
été créée.
105. Pour conclure, nous pouvons dire qu'il reste beaucoup à faire,
notamment en ce qui concerne la mise en œuvre intégrale de la législation
en vigueur et l'analyse indépendante des affaires n'ayant pas été
portées en justice. Le Conseil judiciaire suprême devra témoigner
d'une volonté ferme de réforme en appliquant les nouvelles lois
dans la pratique afin d'améliorer la gestion des instances judiciaires
en étroite collaboration avec le ministère de la Justice, les associations
professionnelles et la société civile.
106. Une formation plus spécialisée est indispensable. Elle devrait
être axée en particulier sur le renforcement des moyens d'enquête
nécessaires pour combattre efficacement la corruption et le crime organisé,
notamment dans le cas d'enquêtes économiques et financières complexes.
107. Dans son dernier rapport de suivi, la Commission européenne
a décidé de ne pas clore la procédure de suivi. Elle a formulé plusieurs
recommandations et s'assurera de leur exécution fin 2013. Pour sa
part, le GRECO a adressé aux autorités 20 recommandations dont la
mise en œuvre sera évaluée plus tard dans le courant de l'année.
Dans leurs commentaires sur le présent rapport, les autorités m’ont
informé que plusieurs mesures avaient été adoptées récemment pour
remédier aux insuffisances de la procédure d’enquête et pour combattre
la traite des êtres humains. Je suis persuadé qu’elles contribueront
à améliorer la situation dans ce domaine.
3.3. Atteintes commises
par les forces de l'ordre
108. Le dernier rapport sur le dialogue post-suivi, présenté
par mon prédécesseur en 2010, soulevait la question d'atteintes
aux droits de l'homme – en particulier des brutalités et des mauvais
traitements – commises par les forces de l'ordre. Il appelait les
autorités bulgares à mettre en place une formation systématique
aux droits de l'homme, notamment à l'académie de police et dans
les écoles d'officiers, et à prendre des mesures concrètes pour
éradiquer l'impunité et l'absence de chaîne de responsabilités pour
ces faits.
109. La non-exécution de décisions de justice dans 25 affaires
relatives à des décès et des mauvais traitements infligés à des
personnes placées sous la responsabilité de fonctionnaires de police,
ainsi que l'absence ultérieure d'enquêtes efficaces sur ces abus,
ont été l'une des raisons pour lesquelles la Bulgarie a été qualifiée
d'Etat souffrant de «problèmes structurels majeurs» à l'origine
de violations répétées de la Convention européenne des droits de
l'homme et de «retards extrêmement préoccupants» dans l'exécution des
arrêts de la Cour (voir le rapport de M. Pourgourides
présenté par la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme).
110. Le groupe d'affaires Velikova c.
Bulgarie associe 19 affaires de décès et de mauvais traitements
et l'arrêt Nachova et autres c. Bulgarie regroupe
six affaires relatives à un recours excessif aux armes à feu. Dans
la plupart de ces affaires, le manquement de l'Etat à mener des
enquêtes effectives a été constaté.
111. Je suis heureux de pouvoir témoigner d'un certain nombre d'avancées
en ce sens. Tout d'abord, au niveau de la législation, une modification
de la loi relative au ministère de l'Intérieur sur le recours aux
armes, adoptée en mai 2012, est un grand pas en avant. Elle contient
d'importantes dispositions réglementant et limitant l'usage de la
force, ainsi que d'autres instruments – matraques, menottes, pistolets
paralysants et armes.
112. Une commission permanente des droits de l'homme et de l'éthique
des forces de police a été créée au sein du ministère de l'Intérieur
pour s'occuper notamment de la mise en œuvre et de la diffusion
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette commission
supervise également plusieurs projets (comme le «suivi civil de
la police») et des programmes de formation.
113. Le Code d'éthique des agents de la fonction publique a été
adopté par le ministère de l'Intérieur. Toute violation de ses dispositions
est érigée en infraction disciplinaire. Le contrôle de la mise en
œuvre du Code est assuré par l'Inspection générale et la direction
des ressources humaines du ministère, ainsi que par la commission
permanente des droits de l'homme et de l'éthique des forces de police.
Les données suivantes, fournies par les autorités, illustrent l'efficacité
de ces mesures: entre le 1er janvier
et le 15 août 2012, 22 plaintes ont été déposées pour emploi inconsidéré
d'armes ou d'accessoires – matraques, menottes, etc. – et de la
force physique, ou pour d'autres maltraitances. A la suite d'enquêtes
et de procédures disciplinaires, 14 employés ont encouru diverses
mesures disciplinaires.
114. Des stages de formation spécialisés sont proposés aux employés
autorisés à recourir à la force dans l'exercice de leurs fonctions.
Une formation est également organisée au ministère de la Justice,
dans le cadre de projets communs de l’Union européenne.
115. Je souhaiterais aussi mettre l'accent sur l'introduction dans
le Code pénal de modifications qui élargissent la notion d'infraction
grave à toute infraction à «motivation raciste ou xénophobe». La
Bulgarie poursuit par ailleurs sa réforme de la police.
116. Cependant, selon le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe,
qui a compétence pour superviser l’exécution des arrêts de la Cour,
d'autres progrès sont encore requis. Il faudrait en particulier
procéder à une enquête sérieuse sur chaque affaire, mettre en œuvre
des garanties procédurales pendant la garde à vue, promouvoir des
mécanismes de suivi de la société civile, et mettre sur pied une
formation continue, ainsi que des mesures de sensibilisation. Dans
leurs commentaires, les autorités ont souligné que, à la suite des mesures
prises, le nombre de plaintes pour comportements répréhensibles
dirigées contre la police avait diminué ces dernières années.
117. Plus tôt cette année, le CPT a publié un rapport sur sa visite
en Bulgarie, au mois d'octobre 2010
.
Le CPT s'est félicité d'une instruction visant à la création de
locaux de police spéciaux, équipés du matériel nécessaire à l'enregistrement
électronique intégral des interrogatoires. Il a toutefois recommandé
la formation des agents de police à des techniques d'entretien acceptables,
la rédaction d'un code de conduite pour les interrogatoires et des
améliorations dans la détection et la déclaration des blessures
aux autorités compétentes.
3.4. Mise en œuvre des
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
118. Le nombre d'affaires pendantes devant le Comité des
Ministres au 31 décembre 2011 était de 344 dont 228 affaires «clones».
Si nous comparons ces chiffres à ceux de l'année 2010, nous pouvons
constater certains progrès. Néanmoins, dans son rapport périodique
sur l'exécution des arrêts de la Cour, la commission des questions
juridiques et des droits de l'homme a inclus la Bulgarie dans un
groupe de neuf Etats où des problèmes structurels majeurs engendrent
des retards extrêmement préoccupants
.
119. Les principaux écueils contrariant l'exécution des arrêts
de la Cour sont de trois ordres: les décès et mauvais traitements
infligés à des personnes placées sous la responsabilité de fonctionnaires
de police et l'absence ultérieure d'enquêtes efficaces sur ces abus;
la durée excessive des procédures judiciaires et l'absence de recours
effectifs; les violations du droit au respect de la vie familiale
dues aux expulsions/ordonnances de quitter le territoire.
120. Le premier écueil a été traité dans le chapitre précédent.
J'ai abordé le second – la durée excessive des procédures judiciaires
et l'absence de recours effectifs – sous le titre «Fonctionnement
de l'appareil judiciaire» du présent rapport. Quant au troisième
écueil, il sera examiné dans le chapitre relatif aux minorités.
Je note avec satisfaction que des évolutions positives peuvent être
observées concernant tous ces sujets de préoccupation.
121. En outre, dans sa
Résolution
1730 (2010), l'Assemblée parlementaire a adressé aux autorités bulgares une
recommandation les invitant à instaurer, au sein de l'Assemblée
nationale, des mécanismes et procédures spécifiques pour un contrôle
parlementaire effectif de l'exécution des arrêts de la Cour, fondé
sur des rapports réguliers des ministres responsables.
122. Je suis heureux de constater qu'en septembre 2012, l'Assemblée
nationale a adopté une loi prévoyant d'instaurer une obligation
contraignant le gouvernement à présenter au parlement un rapport
annuel sur le nombre et la nature des arrêts, ainsi que des informations
sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour.
3.5. Indépendance des
médias
123. Selon les évaluations menées par des organisations
internationales telles que Reporters sans frontières et Freedom
House, la liberté des médias bulgares n'a cessé de se réduire ces
dernières années. En 2010, le pays occupait la 70e place
et, un an après, la 80e place du classement
mondial de la liberté de la presse, publié chaque année par Reporters
sans frontières, après l'Arménie (77e place)
ou la Bosnie-Herzégovine (58e place).
124. Bien que les marchés de la presse et des médias électroniques
ne soient pas les mêmes, leur problème commun est la centralisation
des médias, lesquels sont contrôlés par quelques centres de pouvoir.
La baisse des revenus publicitaires, amorcée à la fin des années
2000 en raison du ralentissement économique général qui a touché
la Bulgarie en 2009, a aussi contribué à la consolidation du marché
des médias, notamment dans le secteur de la presse écrite, ainsi
qu'à la récente vague de retraits de certains investisseurs étrangers
.
125. Le cas le plus frappant est celui du Nouveau groupe bulgare
des médias, qui contrôle plusieurs quotidiens et hebdomadaires,
ainsi que des chaînes de télévision par câble. Les relations du
groupe avec les mondes de la politique et de la finance n'ont rien
de transparent. Selon certaines allégations, des entreprises publiques
ou sous contrôle de l'Etat ont effectué de très gros versements
à la banque contrôlée par le groupe. A ma demande, les autorités
m'ont fait part de leur position vis-à-vis de ces allégations. Selon
elles, il n'existe pas de preuves d'un lien quelconque entre l'argent
versé et le groupe.
126. Les campagnes électorales – parlementaire en 2009 et présidentielle
en 2011 – ont mis en lumière des défauts structurels dans la liberté
des médias en Bulgarie, qu'illustrent parfaitement les «informations
sur commande», fournies sans indication pertinente, un pluralisme
des plus restreints et le manque de transparence de la couverture
médiatique des campagnes. Ces conclusions figuraient dans les rapports
des commissions ad hoc chargées d'observer les élections et dans
le rapport de l'OSCE accompagné des recommandations
.
127. En octobre 2010, le Parlement a adopté un nouveau projet de
loi obligeant les médias de la presse écrite à divulguer l'identité
de leurs véritables propriétaires. En revanche, il n'existe pas
de semblable disposition pour les médias audiovisuels.
128. Malgré l'absence en Bulgarie d'un système officiel de subventions
à la presse, le subventionnement indirect via la publicité d'Etat
est généralement considéré comme préjudiciable à l'indépendance
des médias.
129. La radiodiffusion du service public est davantage assimilée
à une «télévision d'Etat» qu'à une «télévision publique»; principalement
parce qu'elle est directement financée par le budget de l'Etat,
et non par un système de redevance. La disposition pertinente de
la loi sur la radio et la télévision (1998), qui prévoit clairement l'instauration
d'une redevance, n'a jamais été appliquée. L'indépendance éditoriale
de la radiodiffusion est sujette à caution, bien qu'on ne puisse
comparer la situation actuelle à celle du début des années 1990,
lorsque le changement de directeur de la télévision nationale bulgare
et de son équipe coïncidait avec le changement de gouvernement.
130. La nomination des membres d'une autorité de régulation du
secteur de la radiodiffusion commerciale et publique, c'est-à-dire
le Conseil des médias électroniques, qui est notamment chargé de
la délivrance des redevances, est purement politique et se décide
entre le parlement et le Président.
131. L'actuel Code pénal érige en infractions la diffamation et
l'injure. La loi prévoit uniquement des sanctions pécuniaires et
exclut l'emprisonnement. Cependant, la sanction donne lieu à l'ouverture
d'un casier judiciaire, ce qui peut avoir des conséquences importantes
sur la vie professionnelle et privée des personnes concernées.
132. Dans de récents arrêts – Kasabova
c. Bulgarie (Requête n° 22385/03) et Bozhkov c. Bulgarie (Requête n°
3316/04) (jugés coupables de diffamation et contraints à verser
d'énormes indemnités pour leurs déclarations publiées dans la presse
bulgare visant quatre experts administratifs impliqués dans la procédure d'admission
d'écoles secondaires spécialisées à Burgas) – la Cour a pu constater
une violation de l'article 10 (liberté d’expression et d’information)
par la Bulgarie.
133. La recommandation des
Résolutions
1211 (2000) et
1730 (2010) était la suivante: «les sanctions contre les journalistes
devraient être décriminalisées et les dédommagements limités à un
montant raisonnable, étant entendu que les journalistes devraient
s’en tenir au principe du respect de la vie privée, conformément
à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme».
L'Assemblée appelait par conséquent les autorités bulgares à modifier
les articles 146 à 148 du Code pénal pour dépénaliser la diffamation
et l’injure. Je suis convaincu que le nouveau code pénal qui est
en cours d'élaboration en coopération avec les experts juridiques
du Conseil de l'Europe respectera les normes européennes en la matière.
3.6. Droits des populations
appartenant à des minorités
134. Selon le recensement réalisé en 2011, la Bulgarie
comptait 7,3 millions d’habitants, dont 5,6 millions de Bulgares
(84,8 % de la population), 588 000 Turcs (8,8 %) et 325 000 Roms
(4,6 %), le reste de la population se composant de Russes, d'Arméniens,
de Valaques, de Macédoniens, de Grecs, d'Ukrainiens, de Juifs et autres
(soit 49 000 personnes, c'est-à-dire 0,7 % de la population). D'après
des sources non gouvernementales, il y aurait quelque 700 000 Roms
en Bulgarie. Selon les autorités, ce large écart avec les résultats
du recensement est dû au fait que de nombreux Roms se considèrent
comme des Bulgares ou des Turcs.
135. La Bulgarie a ratifié la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales en 1999 et, depuis lors, elle est comme
tous les autres signataires soumise au mécanisme de suivi de la
convention. Le rapport le plus récent sur la mise en œuvre de la
convention a été publié en janvier 2012
.
Il a constaté plusieurs évolutions positives en matière de protection
des minorités, tout en pointant plusieurs écueils persistants. Globalement,
la situation paraît satisfaisante.
136. Le cadre juridique et institutionnel de la protection des
minorités a été établi par l'adoption, en 2004, de la loi relative
à la protection contre la discrimination et par la création, en
2005, d'une commission pour la protection contre les discriminations,
chargée de la mise en œuvre de la loi.
137. La commission recueille les plaintes des particuliers, prend
des décisions sur les violations constatées, publie des instructions
contraignantes sur la mise en œuvre de la législation anti-discrimination,
énonce les mesures à prendre pour mettre fin aux violations répétées
et inflige des amendes pécuniaires. Dans son rapport de 2010 sur
la Bulgarie
, le commissaire aux droits
de l'homme du Conseil de l'Europe a salué le travail de la commission
qui, selon son appréciation, s'acquitte dûment de son rôle de protection,
et a observé que la société civile bulgare considérait la mise en
œuvre de la loi relative à la protection contre la discrimination
comme un succès.
138. Le Conseil national de coopération sur les questions ethniques
et démographiques, placé sous l’autorité du Conseil des ministres,
est le principal organe national de consultation et de coordination
pour les politiques étatiques relatives aux membres des minorités
ethniques, religieuses et linguistiques. De nombreuses ONG et associations
minoritaires y sont représentées. Là encore, dans son rapport de
2010 sur la Bulgarie, le commissaire aux droits de l'homme s'est
félicité du travail accompli par le Conseil. Il a toutefois recommandé aux
autorités de réfléchir plus avant à la composition et à la structure
du Conseil, pour permettre à toutes les minorités d'y être représentées,
et aux ONG d'être sélectionnées sur la base de critères précis,
conformément aux bonnes pratiques administratives. Alors qu’en 2010
l’on comptait 28 ONG représentées au Conseil, elles étaient 44 en
2012. Jusqu'à présent, malheureusement, les Bulgares d'origine macédonienne
et les musulmans bulgarophones (Pomaks) ne sont toujours pas représentés
au Conseil. Selon les informations reçues des autorités, ils n’ont
pas déposé de demande de représentation.
139. La coopération entre les autorités et les organisations représentant
des minorités nationales, notamment par l'intermédiaire du Conseil
national, s'est considérablement développée au cours des dernières années.
140. Des membres de minorités nationales continuent de prendre
une part active à la vie politique bulgare (Mouvement des droits
et libertés).
141. Ces dernières années, les autorités ont conçu plusieurs programmes
et stratégies visant à assurer la mise en œuvre du Plan d'action
national 2005-2015 sur l'intégration des Roms.
142. En dépit de ces efforts et succès indéniables, certaines préoccupations
subsistent. On peut ainsi constater des difficultés dans la mise
en œuvre de certaines dispositions de la convention-cadre, concernant notamment
le champ d'application personnel de la convention-cadre, en raison
de la non-reconnaissance de l'existence des minorités pomake et
macédonienne en Bulgarie. Toutefois, la reconnaissance par l'Etat
du statut de minorité n'est pas indispensable pour bénéficier de
la protection de la Convention-cadre. C'est pourquoi les autorités
doivent être instamment invitées à engager le dialogue avec les
personnes appartenant à des groupes intéressés par la protection
qu'offre la Convention-cadre.
143. Dans leurs commentaires, les autorités ont attiré mon attention
sur la Résolution CM/ResCMN(2012)2 sur la mise en œuvre de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales par la Bulgarie, qui reconnaît
que les autorités bulgares ont adopté une approche inclusive en
ce qui concerne le champ d’application personnel de la Convention-cadre.
144. En outre, malgré les nombreux programmes visant à améliorer
le statut socio-économique et l'intégration sociale des Roms, la
population rom demeure en butte à des discriminations et ses membres
sont fréquemment victimes de d'infractions à caractère raciste.
J'ai déjà mentionné ci-dessus
de regrettables actes
de violence commis à leur encontre en 2011.
145. Dans son dernier rapport sur la Bulgarie, le commissaire aux
droits de l'homme évoque certaines préoccupations quant aux droits
humains des Roms. L'accès à un logement correct n'est pas facile
pour les Roms, qui vivent dans des conditions déplorables. Les expulsions
forcées demeurent un problème. De même, l'accès aux droits sociaux
– dont les soins de santé et l'emploi – reste plus difficile pour
les Roms que pour les autres groupes de la population. Dans ce contexte,
l'éducation est d'une importance capitale.
146. Les familles roms demeurent victimes de campagnes organisées
non seulement par des particuliers, mais aussi par les autorités.
Dans la ville de Maglizh par exemple, 30 maisons de familles roms
ont été rasées par d’énormes véhicules de chantier sans préavis.
A Katuniza, une campagne de haine avec pour slogan «les Roms hors
de la ville», à laquelle se sont ajoutés des incendies criminels,
a été menée par des extrémistes de droite et des hooligans. Dans
ces deux cas, les autorités n’ont guère réagi. De plus, les services
de police n’ont pas toujours été très actifs, comme en témoigne
par exemple l’absence de cordon sanitaire pour prévenir une campagne
publique agressive d’un parti politique exigeant la peine de mort
pour les Roms et les Sintis. L’administration et les services de
police doivent montrer clairement qu’ils luttent contre toute forme
de racisme face à une large minorité rom qu’ils doivent protéger
conformément aux normes et aux conventions européennes.
147. Dans la dernière résolution sur la Bulgarie, l'Assemblée a
demandé aux autorités de condamner publiquement le discours de haine
de certains responsables politiques à l’encontre des minorités et
de prendre des mesures concrètes pour favoriser la tolérance et
le respect mutuel, encourager les responsables politiques à adopter
un comportement exemplaire à cet égard et bannir les propos ouvertement
racistes.
148. J'ai évoqué plus haut l'agression déplorable de musulmans
rassemblés pour prier, commise devant la principale mosquée de Sofia
en mai 2011. Il nous faut saluer la réaction des instances politiques,
dont le Premier ministre et le parlement, qui ont unanimement condamné
ces violences.
149. Il convient également de noter que les modifications du Code
pénal adoptées en avril 2011 ont établi la possibilité d'une peine
d'incarcération d'un à quatre ans pour les écrivains et journalistes
qui incitent à la haine, à la discrimination et à la violence. En
2011, un mémorandum d'entente a été signé entre le ministère de l'Intérieur
et l'OSCE/BIDDH sur les problèmes et délits provoqués par la haine.
Des formations et programmes de coopération spécialisés en la matière
ont été lancés.
150. Le nombre insuffisant de programmes télévision et radio actuellement
diffusés dans les langues des minorités est un autre écueil. En
outre, d'après le deuxième avis du Comité consultatif de la Convention-cadre pour
la protection des minorités nationales sur la Bulgarie, l’usage
des langues minoritaires – dans les indications topographiques comme
dans les rapports avec les autorités administratives – n'a pas évolué
dans ce pays depuis le premier cycle de suivi, en 2004
.
151. Je souhaiterais rappeler ici que dans sa dernière résolution
sur la Bulgarie, l'Assemblée a appelé les autorités à signer et
ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
(STE n° 148). La Bulgarie ne s'est pas encore exécutée mais, durant
ma dernière visite, j'ai soulevé la question avec plusieurs interlocuteurs,
notamment au ministère des Affaires étrangères; à ma grande satisfaction,
j'ai appris que des discussions étaient en cours entre le ministère
et le secrétariat de la Convention, en vue de définir des modalités
qui permettraient à la Bulgarie de signer et ratifier la Charte
sans plus attendre.
152. L'un des engagements contractés par la Bulgarie au moment
de l'adhésion était d'examiner les plaintes des anciens détenus
de l’île de Béléné, conformément à la loi bulgare relative à la
réhabilitation politique et civique des victimes de la répression
pendant le régime totalitaire. Pendant de nombreuses années, les membres
de la minorité musulmane ayant été internés de force dans le camp
de l'île de Béléné ont tenté d'obtenir des dommages et intérêts.
Le 11 janvier 2012, le Parlement bulgare a adopté une déclaration condamnant
le processus d'assimilation imposé à la minorité musulmane, y compris
ce qu'il est convenu d'appeler le «processus de régénération», et
enjoint le procureur général et les autorités judiciaires de veiller à
ce que les actions judiciaires intentées contre les cerveaux présumés
de la campagne soient enfin menées à leur terme. Voici qui devrait
permettre de progresser sur les questions relatives aux victimes
de ces pratiques. Les membres de cette minorité qui ont été internés
dans le camp de l'île de Béléné demandent toujours réparation.
153. Lors de l'adhésion, les autorités bulgares se sont engagées
à trouver rapidement, en coopération avec les autorités turques,
une solution aux problèmes en suspens concernant les pensions des
personnes qui ont été forcées à émigrer en Turquie en 1989. L'accord,
signé en 1999 entre la Bulgarie et la Turquie, est le texte sur
lequel repose le versement de pensions. J'ai reçu des informations
détaillées sur la mise en œuvre de cet accord. Pourtant, la question
des droits à pension des personnes d'origine turque vivant en Turquie
du fait du «processus de régénération» n'est dans de nombreux cas
toujours pas résolue, les primes versées et le temps passé en Bulgarie
n'étant toujours pas pris en compte. De nombreuses victimes étant
aujourd'hui âgées, il est urgent de trouver une solution.
3.7. Code électoral
154. La
Résolution
1730 (2010) appelait les autorités bulgares à se concerter avec
la Commission de Venise dans l'optique de réviser le Code électoral.
La mission d'observation de l'Assemblée ayant couvert les élections législatives
de 2009 a conclu à certaines lacunes juridiques dans la législation
électorale – notamment concernant le financement des partis, l'utilisation
des moyens publics, la divulgation des données financières dans
le cadre de la campagne électorale – et à la nécessité de mettre
en place des mécanismes d'application efficaces, de constituer une
commission électorale centrale permanente et d'améliorer l'accès
aux médias. De plus, dans son dernier rapport sur la Bulgarie, publié
en 2010, le GRECO a formulé plusieurs recommandations relatives
à la réglementation juridique du financement des partis et à l'utilisation
de moyens publics pendant les campagnes électorales.
155. La plupart de ces recommandations ont été prises en compte
dans un nouveau Code électoral adopté par le parlement le 19 janvier
2011. Ont notamment été incluses des recommandations du GRECO portant
sur la nécessité de règles précises pour la collecte de fonds, les
dons, l'utilisation des moyens publics, la transparence et le renforcement
de la responsabilisation, l'établissement de rapports, les contrôles
et les sanctions éventuelles.
156. La Commission de Venise, qui a rendu son avis juridique sur
le Code électoral
,
a fait l'éloge de ses bases juridiques solides et de sa grande qualité.
Elle a néanmoins relevé la possibilité d'autres améliorations dans
des domaines où la confiance de la population est plus que nécessaire,
les sensibilités pouvant être exacerbées. Ceci vaut particulièrement
pour les éventuelles procédures de contestation des décisions et actions
des commissions électorales et les résultats des élections. La Commission
de Venise a en outre suggéré des améliorations des modalités juridiques
dans des domaines touchant aux minorités (comme l'utilisation de
la langue maternelle pendant la campagne), des dispositions régissant
la couverture des campagnes dans les médias, de la possibilité de
recompter les bulletins de vote, ainsi que de la définition des droits
et responsabilités des observateurs.
157. Les élections présidentielles d'octobre 2011 se sont déroulées
selon le nouveau Code électoral. Les observateurs internationaux
ont reconnu que c'était là un net pas en avant. Ils ont toutefois
encore identifié certains obstacles à surmonter avant de parvenir
à l'égalité d'accès aux médias pour tous les candidats, à l'instauration
de conditions égalitaires pour tous les concernés, à une différentiation
plus nette des médias entre publicité éditoriale et publicité politique
payante, à une plus grande transparence des travaux de la commission
électorale centrale, et à l'amélioration des dispositifs de vote
depuis l'étranger.
158. J'invite les autorités bulgares à remédier à ces problèmes
à temps pour les prochaines élections qui auront lieu à l'été 2013.
3.8. Démocratie locale
et régionale
159. La Bulgarie a signé et ratifié la Charte européenne
de l’autonomie locale (STE n° 122) en 1995 et depuis, comme tous
les autres signataires, elle est soumise à la procédure de suivi
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe
pour ce qui concerne sa mise en œuvre. Le dernier rapport du Congrès
a été présenté en septembre 2011
.
160. Le Congrès a noté avec satisfaction que la Bulgarie respecte
globalement les dispositions telles qu'énoncées dans la charte,
et que la démocratie locale a fait de grands progrès depuis le précédent
rapport du Congrès, rédigé en 1998. Le Congrès a estimé que les
juridictions nationales bulgares avaient réservé à la charte un
accueil satisfaisant.
161. Dans sa
Résolution
1211(2000), l'Assemblée a émis l'opinion que les 28 districts nouvellement
créés devraient être dotés de conseils directement élus, dans l’esprit
de la charte. Ceci n'a pas été fait: les 28 districts ou régions
(
oblasts) comme les appelle
le Congrès dans son rapport, n'ont toujours pas de conseils directement
élus.
162. Quoiqu'il en soit, le rapport conclut qu'il est envisagé de
créer un niveau régional. S'il est vrai que les lois en vigueur
respectent les principes de la Charte européenne de l’autonomie
locale, les autorités ont engagé un dialogue avec le Congrès sur
la clarification des stratégies régionales du Gouvernement bulgare.
4. Conclusions
163. Dans le présent rapport, j’ai essayé d’évaluer la
situation en Bulgarie et les principaux faits nouveaux concernant
le respect des obligations et engagements de ce pays; je me suis
aussi employé à faire une analyse et un bilan global des progrès
réalisés depuis l’ouverture du dialogue post-suivi, en 2000, et notamment
depuis la présentation du dernier rapport sur ce pays, en 2010.
164. Je me réjouis des progrès accomplis par la Bulgarie en ce
qui concerne la mise en œuvre des recommandations de l’Assemblée
et, plus généralement, l’intégration réussie de normes démocratiques
dans la législation interne. Il convient notamment de saluer la
mise en place d’un cadre juridique pour le système judiciaire et
l’élaboration d’outils de lutte contre la corruption et contre le
crime organisé. Une administration et un système judiciaire impartiaux,
indépendants, efficaces et libérés de la corruption sont indispensables
au bon fonctionnement des institutions démocratiques et de l’ensemble
des processus démocratiques.
165. Il convient aussi de noter les progrès accomplis dans d’autres
domaines fondamentaux, tels que l’éradication des atteintes commises
par les forces de l’ordre ou la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne
des droits de l'homme.
166. Toutefois, la Bulgarie doit encore relever plusieurs défis
importants. La mise en œuvre doit se poursuivre. Il est nécessaire
de pérenniser les améliorations apportées à l’ordre juridique et
au système judiciaire. Cela suppose la participation active et coordonnée
de tous les acteurs concernés, ainsi qu’un large soutien et une
véritable volonté politiques.
167. Le Gouvernement bulgare a montré sa détermination et son engagement
à poursuivre le processus de réforme. Il faut reconnaître que, aux
moments clés, les autorités bulgares ont manifesté une ferme volonté politique
de persévérer dans la voie de la démocratisation afin d’inscrire
les réformes dans la durée. Cette volonté politique inflexible et
sans équivoque est nécessaire pour mener le processus à son terme
avec succès. Je tiens aussi à souligner que les autorités entretiennent
de très bonnes relations de coopération avec le Conseil de l'Europe
et sa Commission de Venise, notamment dans le cadre du dialogue
postsuivi. Cela peut aussi se traduire par un large soutien apporté
en Bulgarie à la poursuite de la stratégie de réforme.
168. Mon évaluation de la situation a été confirmée lors de ma
visite à la Commission européenne, à Bruxelles, où je me suis entretenu
avec des responsables du mécanisme de coopération et de vérification (MCV).
Ils sont entièrement d’accord avec moi pour considérer que l’enjeu
est maintenant d’assurer la pérennité et l'irréversibilité des réformes,
et que les autorités bulgares manifestent la ferme volonté politique d’atteindre
ces objectifs. La Commission européenne suit l’évolution de la situation
dans le cadre du MCV et soumettra son rapport à la fin de 2013.
169. Je suis sûr que la Bulgarie suivra le bon chemin. En conclusion,
je souhaite donc présenter une proposition visant à mettre fin au
dialogue postsuivi avec ce pays. Mon mandat de rapporteur sur la
Bulgarie ne s’achève que dans un an. D’ici là, je continuerai à
observer de près les faits nouveaux qui interviendront dans le pays
et ferai rapport à la commission de suivi si nécessaire.