Rapport | Doc. 13087 | 07 janvier 2013
Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg: les insuffisances structurelles dans les Etats Parties
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Résumé
Ce sont «en premier lieu» les Etats Parties qui doivent veiller à ce que la Convention européenne des droits de l’homme soit appliquée effectivement au niveau national, parallèlement à la Cour européenne des droits de l’homme et au Comité des Ministres.
La commission des questions juridiques et des droits de l’homme déplore le fait que la Cour «reste surchargée d’affaires répétitives qui révèlent d’importants dysfonctionnements dans les systèmes juridiques nationaux». Elle dresse la liste de neuf Etats (Bulgarie, Grèce, Italie, République de Moldova, Pologne, Roumanie, Fédération de Russie, Turquie et Ukraine) qui continuent de connaître de «graves problèmes structurels» – ajoutant que les Etats qui représentent un grand nombre de requêtes par rapport à leur population devraient aussi faire l’objet d’un examen approfondi.
La commission appelle les Etats Parties à la Convention à mettre en place des stratégies et des plans d’action pour résoudre leurs problèmes structurels, et à modifier leur législation conformément à la jurisprudence de la Cour. Les Etats Parties devraient aussi envisager l’instauration d’un organisme national uniquement chargé de l’exécution des arrêts de la Cour. En outre, les parlements nationaux devraient prendre une part active à l’exécution de ces arrêts, et notamment à l’exécution de ceux qui révèlent des dysfonctionnements structurels.
Les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe sont également invités «à accentuer les pressions et à prendre des mesures plus fermes» lorsqu’un Etat Partie tarde à appliquer un arrêt de la Cour ou persiste à ne pas l’appliquer.
A. Projet de résolution
(open)B. Projet de recommandation
(open)C. Exposé des motifs, par M. Kivalov, rapporteur
(open)1. Introduction
1.1. Mandat du rapporteur
1.2. Travaux antérieurs de la commission
1.3. Objectif du présent rapport
2. Définitions
2.1. Problème structurel/systémique et procédure de l’arrêt pilote
2.2. Affaires de référence et affaires répétitives
3. Aperçu des insuffisances structurelles/systémiques majeures
3.1. Identification des Etats concernés
3.2. Présentation
3.2.1. Durée excessive des procédures judiciaires
- créer des recours visant spécifiquement à accélérer les procédures pénales;
- appliquer le «principe de concentration», qui consiste à rassembler les preuves à l’étape de la procédure de première instance (Bulgarie , Ukraine);
- modifier la procédure de deuxième instance pour en faire non plus une «première instance bis», mais une véritable procédure d’appel;
- limiter les motifs pour lesquels un nouvel appel peut être déposé devant la Cour suprême;
- simplifier les modalités de convocation en créant la possibilité de déposer la convocation dans la boîte aux lettres de l’intéressé ou de l’apposer sur sa porte (Bulgarie );
- modifier et réduire le champ de la procédure de révision extraordinaire et résoudre le problème d’impartialité qui s’y attache (Russie, Ukraine);
- instaurer un montant minimal de frais de justice, mesure administrative à effet dissuasif contre les requêtes manifestement infondées;
- simplifier les procédures spécifiques, notamment au civil, pour se limiter à trois modèles de procédures civiles (Italie );
- rationaliser et accélérer les procédures devant les tribunaux administratifs et harmoniser les dispositions (Grèce);
- créer des «procédures participatives», c’est-à-dire l’obligation de nommer un représentant lorsque le nombre de parties à une affaire atteint un certain niveau (20 par exemple).
- mettre en place des mécanismes d’évaluation et de suivi, en particulier à travers la collecte et l’analyse de données statistiques (Bulgarie);
- réduire la durée des procès et instaurer des procédures simplifiées de contrôle juridictionnel;
- informatiser les dossiers pour en rendre la consultation plus facile et plus rapide (Italie et Turquie );
- instaurer une méthode uniforme de gestion des dossiers civils en appel (Italie, fin mars 2011 );
- diffuser largement les bonnes pratiques;
- augmenter le nombre de juges .
3.2.2. Non-application chronique des décisions judiciaires internes
- des lacunes dans la législation et dans les pratiques administratives;
- des retards dans les réformes législatives;
- l’inefficacité du système des huissiers;
- le manque de coordination entre les organes exécutifs;
- l’incapacité des tribunaux à identifier clairement le débiteur.
- Le gouvernement moldave a pris des mesures concrètes en adoptant, en juillet 2011, une législation spéciale concernant la non-exécution des jugements internes définitifs et la durée excessive des procédures . Malgré tout, la non-exécution reste une réalité dans le pays s’agissant du système des huissiers .
- Les autorités roumaines ont également adopté quelques mesures positives dans ce domaine. En octobre et novembre 2011 , elles ont soumis deux plans d’action révisés présentant les réformes menées à bien en réponse aux arrêts de la Cour de Strasbourg. Ces textes indiquent, en particulier, qu’un groupe interministériel a préparé un projet de loi visant à améliorer l’efficacité du processus de restitution et de compensation; ils prévoient également un calendrier pour l’adoption du projet de loi. A ce jour, cependant, le calendrier ne précise pas si les mesures prévues peuvent être mises en place avant expiration du délai de 18 mois fixé par l’arrêt pilote. Concernant les progrès des processus de restitution et de compensation, les données soumises ne donnent pas un aperçu clair du nombre total de demandes qu’il reste à traiter, puisqu’elles ne portent que sur une partie de la législation en matière de restitution qui régissait jusqu’ici ces questions. Depuis le rapport de M. Pourgourides de décembre 2010 précité, le fonds immobilier mis en place par la Roumanie pour indemniser les propriétaires de biens nationalisés (fonds Proprietatea) n’est toujours pas introduit en bourse (ce qui aurait dû être fait en 2005, d’après la loi roumaine n° 247/2005). Toutefois, depuis 2007, le fonds Proprietatea verse des dividendes à ses actionnaires et depuis mars 2008, la vente des actions du fonds est autorisée sous forme de transactions directes contrôlées par l’autorité de régulation boursière .
- Le Comité des Ministres a reconnu comme une mesure tardive, mais positive et bien réelle l’adoption par la Fédération de Russie de deux lois fédérales offrant un nouveau recours interne en cas de durée excessive des procédures judiciaires et de retard dans la mise en œuvre des arrêts internes rendus contre l’Etat («loi de compensation»), ainsi que la mise en œuvre par les autorités russes (en particulier la Cour suprême fédérale, la Cour commerciale suprême, le ministère des Finances et le Trésor fédéral) de mesures visant à garantir l’efficacité du nouveau recours en compensation au niveau national. En outre, le Comité des Ministres a salué les mesures complètes prises par la Fédération de Russie pour répondre aux requêtes individuelles de même type déposées avant l’arrêt pilote Bourdov c. Fédération du Russie (n° 2), qui ont permis à la Cour de rayer 800 affaires de son rôle. Le Comité des Ministres a néanmoins rappelé que la Fédération de Russie restait tenue d’adopter d’autres mesures générales, compte tenu des conclusions de la Cour dans son arrêt pilote, afin de répondre pleinement au problème de la non-exécution des décisions de justice examinées dans le contexte du groupe d’affaires Timofeyev, auquel a été jointe l’affaire Bourdov n° 2 .
- La loi «sur les garanties apportées par l’Etat en matière d’exécution des décisions judiciaires», adoptée par le Parlement ukrainien le 5 juin 2012 et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013, prévoit une nouvelle procédure de mise en œuvre des décisions de justice rendues contre l’Etat. Selon cette procédure, si le débiteur – Etat, pouvoir local ou entreprise – manque pour quelque raison que ce soit de se conformer à l’arrêt, l’Etat s’engage à appliquer l’arrêt sur son propre budget. En cas de nouveau retard, une compensation est automatiquement due. Lors de sa 1144 e réunion «droits de l’homme» (juin 2012), le Comité des Ministres a salué l’adoption de cette loi et encouragé les autorités ukrainiennes à poursuivre leurs efforts pour résoudre le problème de la non-exécution des décisions judiciaires internes .
3.2.3. Décès et mauvais traitements dus aux forces l’ordre et absence d’enquête effective à cet effet
- durée excessive des enquêtes contre les fonctionnaires concernés;
- manque d’indépendance des autorités chargées de l’enquête;
- impossibilité pour les requérants d’avoir accès au dossier d’enquête;
- impossibilité pour les requérants d’interroger les témoins et les fonctionnaires mis en cause;
- impunité résultant de l’application des règles sur la prescription des délits et de lois d’amnistie;
- décisions de report du jugement ou de suspension de l’exécution des peines prononcées contre les fonctionnaires mis en cause;
- maintien des fonctionnaires à leur poste malgré l’existence de poursuites contre eux pour abus;
- manque d’expertise médicale établie dans des délais satisfaisants;
- légèreté des peines prononcées contre les policiers;
- révocation conditionnelle pour les fonctionnaires condamnés pour abus .
- Le Comité des Ministres a recommandé au gouvernement bulgare de prendre des mesures supplémentaires pour enquêter correctement sur certaines affaires individuelles, mettre en place des garanties procédurales lors des gardes à vue et établir des mécanismes de suivi par la société civile. La Bulgarie a aussi été invitée à fournir des informations supplémentaires sur la teneur des mesures de formation et de sensibilisation aux normes des droits de l’homme destinées aux membres des forces de l’ordre . Certains décrets et autres textes législatifs récemment adoptés ou modifiés ont été considérés comme non conformes aux normes de la Convention , et des informations plus détaillées ont été demandées concernant les mesures envisagées ou déjà adoptées pour garantir l’efficacité des enquêtes . Le Comité pour la prévention de la torture a souligné la persistance du problème des mauvais traitements infligés par des policiers et recommandé au ministre de l’Intérieur bulgare de transmettre à tous les membres de la police un message ferme de «tolérance zéro» face aux mauvais traitements, appuyé par des programmes de formation appropriés . D’après la délégation parlementaire bulgare , le ministère de l’Intérieur est en train d’adopter plusieurs mesures de sensibilisation aux normes des droits de l’homme, en particulier par le biais de son Académie, qui forme le personnel du ministère en matière de protection de la sécurité et de l’ordre public.
- Les autorités moldaves ont adopté plusieurs mesures, notamment en réponse aux préoccupations exprimées par le CPT. Des modifications ont été apportées au Code pénal et, en 2006, un Code de déontologie de la police a été approuvé par le gouvernement .
- La nouvelle loi russe sur la police est entrée en vigueur en mars 2011. Dans sa dernière décision spécifique de décembre 2010, le Comité des Ministres a encouragé les autorités russes à saisir pleinement l’occasion offerte par la grande réforme en cours dans le pays pour veiller à ce que le cadre juridique et réglementaire de l’action policière comprenne toutes les garanties nécessaires contre les abus et actes arbitraires au sein de la police, comme ceux constatés par la Cour européenne des droits de l’homme. Le nouveau système mis en place est en cours d’examen par le Comité des Ministres.
- Le ministère turc de la Justice a organisé en novembre 2011 «une Conférence à haut niveau et un atelier sur les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme – problèmes et solutions». Lors de ce rassemblement, la Turquie a annoncé aux participants que les questions concernant l’efficacité des enquêtes et des poursuites seraient réexaminées dans le cadre de programmes de formation professionnelle pour les juges et les procureurs, en collaboration avec le Haut Conseil des juges et des procureurs et l’Académie de justice. Les autorités ont également signalé que les dispositions du nouveau Code pénal avaient considérablement allongé le délai de prescription pour différents crimes liés aux mauvais traitements et à la torture . Cependant, le groupe d’affaires Batý c. Turquie démontre le problème d’impunité des membres des forces de l’ordre.
- Les autorités ukrainiennes ont elles aussi adopté plusieurs mesures visant à empêcher de nouvelles violations du même type. Le 12 janvier 2005, plusieurs modifications ont été apportées à la loi sur la Militia. L’Ukraine attend également des améliorations de l’adoption récente du nouveau Code de procédure pénale, dont les nouveaux articles 176-179, 181, 203, 204, 207, 211, 212 et 214 visent spécifiquement «la pratique des mises en détention non déclarées par la police» et «le recours à la détention administrative à des fins d’investigations criminelles» . En outre, des mesures ont été prises pour renforcer la formation professionnelle et continue des policiers en matière de droits de l’homme: l’étude des exigences de la Convention et de la jurisprudence sur l’article 3 est désormais au programme des établissements d’enseignement dépendant du ministère de l’Intérieur et de l’Académie nationale du parquet. Les problèmes de mauvais traitements ont également été abordés au cours de formations organisées par le Bureau du représentant du gouvernement et par des ONG à l’attention des juges et des forces de l’ordre.
3.2.4. Détention illégale et durée excessive des détentions provisoires
- la mentalité dominante, les pratiques professionnelles dans le milieu de la justice et l’absence de motivation;
- l’incapacité des juridictions internes à motiver de façon «pertinente et suffisante» leurs décisions de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention;
- le fait que les juridictions internes rendent des arrêts sans tenir compte des exigences de la Convention;
- la pratique policière très répandue de détention non déclarée;
- l’incapacité à présenter rapidement la personne arrêtée devant un juge;
- l’incapacité à envisager des mesures préventives alternatives;
- les lacunes de la législation interne;
- l’absence de procédure claire permettant de vérifier rapidement la légalité d’un placement en détention provisoire;
- l’absence d’un recours interne permettant aux intéressés de contester la légalité de ce placement;
- l’absence de droit à indemnisation en cas de placement illégal en détention provisoire.
- Les autorités polonaises ont apporté d’importantes modifications au système juridique du pays pour clarifier les règles concernant la décision de placement en détention et sa prolongation et pour introduire et promouvoir des mesures alternatives. Par exemple, le Code de procédure pénale a été réformé en 1997, 2000 et 2007. En 2011, outre leur suivi régulier de la situation générale en matière de détention, les autorités ont instauré un contrôle plus étroit des motifs des placements en détention et de leur durée ainsi que de la bonne exécution des procédures pénales applicables .
- Le Code de procédure pénale entré en vigueur le 1 er juin 2005 en Turquie (loi n° 5271) prévoit des garanties visant à éviter des violations du même type à l’avenir.
- Le 9 novembre 2011, les autorités ukrainiennes ont présenté un plan d’action comprenant une stratégie d’adoption de mesures législatives et administratives destinées à modifier les pratiques en matière de détention. L’accent était mis sur l’adoption en 2012 d’un nouveau Code de procédure pénale qui, selon les autorités, devrait supprimer les lacunes législatives à l’origine des violations récurrentes de l’article 5, paragraphes 1, 3 et 4 de la Convention. Le nouveau Code de procédure pénale a été adopté en avril 2012.
- Les autorités russes ont elles aussi présenté un plan d’action, le 9 février 2012 . De leur côté, la Cour constitutionnelle et la Cour suprême ont adopté plusieurs décisions s’efforçant de remédier au flou qui entoure actuellement les dispositions juridiques applicables à la détention avant extradition . Elles ont fourni aux juridictions inférieures des directives et des précisions sur la manière d’appliquer les dispositions générales aux suspects, aux accusés en détention provisoire et aux personnes détenues dans l’attente d’une extradition. A partir de 2008, ces décisions ont été complétées par des instructions publiées par le Parquet général. Le Parquet général a également précisé comment les procureurs, au moment d’émettre un ordre d’extradition, devaient évaluer le risque qu’un détenu ne subisse de mauvais traitements dans le pays demandeur. Enfin, les autorités russes examinent actuellement la nécessité de modifications législatives visant à mettre le Code de procédure pénale en conformité avec les exigences de la Convention.
- En Turquie par exemple, le magistrat chargé de décider du prolongation de la détention doit indiquer l’existence de «raisons pertinentes et suffisantes», c’est-à-dire expliquer en quoi la libération de l’intéressé représenterait toujours un risque après un certain délai, en particulier aux phases ultérieures de la procédure judiciaire .
- Les décisions de la Cour suprême de justice de la République de Moldova confirmant la nécessité que les décisions de justice soient rendues à la lumière des conclusions de la Cour de Strasbourg sont à saluer. Elles montrent que la communauté judiciaire moldave s’intéresse de plus en plus à la résolution de ce problème important. Cependant, davantage d’efforts sont nécessaires pour véritablement modifier la pratique judiciaire quotidienne , et il est encore difficile de savoir si les orientations données par la Cour suprême de justice dans ses décisions s’imposent aux juridictions inférieures. Il serait utile de préciser ce point. Par conséquent, la République de Moldova a été invitée à présenter au Comité des Ministres un plan d’action sur la mise en œuvre des arrêts pertinents de la Cour – ce qu’elle n’a pas encore fait.
- Lors de sa 1136e réunion droits de l’homme, en mars 2012, le Comité des Ministres a noté avec satisfaction les progrès accomplis par les autorités polonaises . Les statistiques récentes sur la détention révèlent une tendance positive et les tribunaux polonais semblent recourir de plus en plus aux mesures alternatives à la détention. Le Comité des Ministres a également salué l’engagement des autorités en faveur du règlement de ce problème, dont témoignent le suivi régulier de la durée et des motifs de détention provisoire et les formations organisées pour les juges et les procureurs. Le Comité des Ministres a invité les autorités à poursuivre les initiatives prises en faveur des mesures de formation et de sensibilisation, notamment pour promouvoir les mesures alternatives à la détention et réduire encore le recours à la détention de moyenne et longue durée. Au vu des progrès significatifs accomplis et de l’engagement des autorités polonaises, il a été décidé que la surveillance de l’exécution du groupe d’arrêts portant sur la détention se poursuivrait selon la procédure ordinaire . En outre, les autorités polonaises ont pris des mesures pour que les acteurs de la justice connaissent mieux les arrêts de la Cour de Strasbourg concernant la durée excessive des détentions provisoires . Le ministère de la Justice a contacté tous les présidents de cours d’appel pour leur fournir une analyse de la jurisprudence de la Cour à propos de la motivation du placement en détention provisoire.
- Selon les informations les plus récentes concernant l’exécution de l’arrêt Kharchenko c. Ukraine , communiquées à notre commission par le ministère ukrainien de la Justice le 26 avril 2012, le gouvernement ukrainien a fait traduire l’arrêt, l’a publié et en a envoyé des copies à la Cour suprême, à la Haute Cour spéciale pour les affaires civiles et pénales et à toutes les cours d’appel. Il a également organisé des tables rondes sur ce sujet avec les juges chargés des décisions en matière de détention provisoire.
3.3. Contrôle parlementaire
- En Roumanie, une sous-commission parlementaire spécialisée a été créée en 2005 au sein de la commission des questions juridiques, de la discipline et des immunités de la chambre basse du Parlement; elle est chargée de surveiller l’exécution des arrêts défavorables de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette sous-commission étudie les solutions législatives lors d’auditions avec la commission gouvernementale chargée d’appliquer l’arrêt pilote Atanasiu et autres c. Roumanie précité, surveille la mise en œuvre d’autres arrêts constatant des violations de la Convention par la Roumanie et encourage et accompagne les réformes législatives. Depuis 2011, le gouvernement a l’obligation légale de proposer un projet de loi dans les trois mois en cas d’arrêt de la Cour de Strasbourg demandant un changement de législation, et d’accompagner d’explications tous les projets de loi présentés au Parlement susceptibles d’avoir des conséquences sur les droits de l’homme.
- L’Italie dispose d’une «commission permanente commune» réunissant les pouvoirs législatif et exécutif, mise en place en 2009 et chargée d’orienter le parlement dans son travail législatif, de l’informer des exigences spécifiques de la Convention et des arrêts pertinents de la Cour de Strasbourg et de le conseiller sur la nécessité d’adopter ou de modifier certaines lois pour se conformer à la Convention telle qu’interprétée par la Cour. Le gouvernement est légalement tenu d’informer constamment le parlement des arrêts de la Cour de Strasbourg constatant des violations de la Convention par l’Italie et, d’autre part, de transmettre au parlement un rapport annuel sur l’état de la mise en œuvre de ces arrêts. Des commissions parlementaires spécialisées sont chargées d’examiner ces informations.
- Depuis 2006, le Parlement ukrainien examine les projets de lois rectificatives présentés par le gouvernement et les suggestions de lois à rédiger par le parlement lui-même. Le Médiateur parlementaire est également informé des arrêts défavorables de la Cour européenne des droits de l’homme. En outre, en s’appuyant sur l’expérience tirée de deux projets de lois qui visaient à donner au parlement des pouvoirs complets de contrôle de l’application des lois, un mémorandum d’accord a été signé en 2009, entre la Commission de la Justice du Parlement ukrainien et le rapporteur du moment de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée, M. Christos Pourgourides, créant un mécanisme expérimental de contrôle parlementaire partiel concernant la mise en œuvre des arrêts de la Cour de Strasbourg. Ce mécanisme devait prendre la forme de réunions entre les membres de la Commission de la Justice, l’agent du gouvernement auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et des représentants du ministère de la Justice, en vue de rédiger des lois rectificatives et des amendements fondés sur les informations et recommandations fournies par les participants aux réunions. En outre, le projet de loi «portant modification de la loi ukrainienne sur l’exécution des arrêts et l’application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme » est en attente de deuxième lecture. Il introduira une nouvelle clause prévoyant que la Verkhovna Rada exerce un contrôle parlementaire sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour. Les personnes chargées de représenter l’Ukraine à la Cour de Strasbourg et de coordonner la mise en œuvre de ses arrêts devront présenter un rapport annuel à la Verkhovna Rada, au plus tard pour le 1er mars, concernant l’état de la mise en œuvre des arrêts de la Cour. Elles devront également présenter des propositions de mesures générales, en particulier des réformes législatives. L’adoption de ce projet de loi créera des procédures conformes aux normes du Conseil de l’Europe.
- En Bulgarie, un projet de loi proposé par un groupe de députés («Initiative de promotion des droits de l’Institut de politique moderne») impose des obligations similaires à l’Assemblée bulgare . Il sera donc utile de suivre de près cette initiative positive.
4. Conclusion et propositions
4.1. Mesures à prendre lors de l’évaluation de la recevabilité d’une requête devant la Cour
- mettre en place, avec l’aide d’organisations non gouvernementales de droits de l’homme et en étroite coopération avec le greffe de la Cour, des centres d’analyse des requêtes (mieux équipés que le projet «Warsaw lawyer» ), qui contacteraient les autorités nationales telles que les commissions parlementaires, les médiateurs et les agents du gouvernement pour traiter les questions soulevées dans les requêtes, offriraient une analyse gratuite de la recevabilité des requêtes devant la Cour et familiariseraient les requérants avec les critères et les procédures de la Cour;
- ouvrir des bureaux du Conseil de l’Europe dans tous les Etats Parties présentant des problèmes structurels/systémiques majeurs et/ou un grand nombre de requêtes devant la Cour de Strasbourg;
- organiser des réunions avec la société civile, les barreaux, les représentants de la communauté académique, les délégations auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et les anciens et/ou actuels juges de la Cour européenne des droits de l’homme.
4.2. Mesures à prendre en cours de procédure devant la Cour
4.3. Mesures à prendre au stade de l’exécution des arrêts de la Cour
«Les problèmes mis au jour par les arrêts de la Cour sont vastes et complexes par nature. Leur règlement peut parfois aller au-delà de l'exécution d'une décision particulière, ce qui ne peut être obtenu que par la mise en place d'une stratégie globale coordonnée au plus haut niveau politique. Tout retard dans la mise en place d'une telle stratégie devrait faire l'objet d'un contrôle étroit du parlement qui devrait disposer de moyens appropriés pour obliger le gouvernement à résoudre ces problèmes en priorité.»
- disposer des pouvoirs nécessaires pour systématiser et généraliser la jurisprudence de la Cour de Strasbourg;
- soutenir la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour par les autorités compétentes, en particulier à travers un contrôle parlementaire;
- analyser et vérifier les causes à l’origine des violations de la Convention constatées dans les arrêts de la Cour;
- mettre en œuvre des mesures individuelles et générales, y compris en élaborant des projets de lois visant à mettre la législation nationale en conformité avec la Convention et avec la jurisprudence de la Cour.
- offrir des opportunités de formation appropriées;
- étudier les rapports transmis par les délégations nationales sur l’efficacité des mesures prises par les Etats Parties pour remédier aux insuffisances structurelles et la mise en œuvre de la Convention en droit et en pratique;
- fournir des conseils sur les dispositions législatives instaurant les mécanismes nationaux de contrôle parlementaire chargés de superviser la mise en œuvre des arrêts de la Cour de Strasbourg et d’éliminer les insuffisances structurelles/systémiques, sur la base des bonnes pratiques reconnues issues de l’expérience d’autres Etats Parties.
4.4. Mesures visant l’élimination des insuffisances structurelles/systémiques dans les Etats Parties
Annexe 1 – Nombre total de nouvelles requêtes attribuées à une formation judiciaire
(open)
Rang |
Etat |
Requêtes attribuées à une formation judiciaire en 2011 |
Requêtes attribuées en 2011/habitants (10 000) |
1 |
Fédération de Russie |
12 465 |
0,88 |
2 |
Turquie |
8 702 |
1,18 |
3 |
Roumanie |
5 207 |
2,43 |
4 |
Pologne |
5 035 |
1,32 |
5 |
Italie |
4 733 |
0,78 |
6 |
Ukraine |
4 621 |
1,01 |
7 |
Serbie |
3 730 |
5,10 |
8 |
Suède |
1 899 |
2,02 |
9 |
Allemagne |
1 754 |
0,21 |
10 |
France |
1 600 |
0,25 |
Nombre total de nouvelles requêtes |
64 547 |
- |
Annexe 2 – Liste des 29 arrêts pilotes rendus par la Cour (au 12 novembre 2012)
(open)
N° de requête |
Intitulé |
Etat |
Organe de décision |
Etat de la procédure |
Sujet |
Date de l’arrêt |
---|---|---|---|---|---|---|
31443/96 |
BRONIOWSKI c. Pologne |
POL |
Grande Chambre |
terminée |
compensation pour les propriétés délaissées au-delà du Boug |
22/06/2004 |
23032/02 |
LUKENDA c. Slovénie |
SVN |
Chambre |
terminée |
durée des procédures civiles |
06/10/2005 |
35014/97 |
HUTTEN-CZAPSKA c. Pologne |
POL |
Grande Chambre |
terminée |
contrôle des loyers par l’Etat |
19/06/2006 |
33509/04 |
BOURDOV c. Russie (n° 2) |
RUS |
Chambre |
terminée |
non-application |
15/01/2009 |
45219/06 |
KAUCZOR c. Pologne |
POL |
Chambre |
terminée |
durée de détention provisoire |
03/02/2009 |
13136/07 |
RACU c. Moldova |
MDA |
Chambre |
terminée |
non-application |
28/07/2009 |
17911/08 |
LUNGU c. Moldova |
MDA |
Chambre |
terminée |
non-application |
28/07/2009 |
22539/05 |
GUSAN c. Moldova |
MDA |
Chambre |
terminée |
non-application |
28/07/2009 |
476/07 |
OLARU c. Moldova |
MDA |
Chambre |
terminée |
non-application |
28/07/2009 |
40450/04 |
YURIY NIKOLAYEVICH IVANOV c. Ukraine |
UKR |
Chambre |
terminée |
non-application |
15/10/2009 |
17885/04 |
ORCHOWSKI c. Pologne |
POL |
Chambre |
terminée |
conditions de détention |
22/10/2009 |
27912/02 |
SULJAGIC c. Bosnie-Herzégovine |
B-H |
Chambre |
terminée |
épargne en B-H |
03/11/2009 |
46344/06 |
RUMPF c. Allemagne |
ALL |
Chambre |
terminée |
durée des procédures civiles |
02/09/2010 |
30767/05 |
ATANASIU et POENARU c. Roumanie |
ROM |
Chambre |
terminée |
demandes de restitution |
12/10/2010 |
33800/06 |
SOLON c. Roumanie |
ROM |
Chambre |
terminée |
non-versement des compensations dues, lois de restitution |
12/10/2010 |
60041/08 |
GREENS c. Royaume-Uni |
R-U |
Chambre |
terminée |
droit de vote des détenus |
23/11/2010 |
60054/08 |
M.T. c. Royaume-Uni |
R-U |
Chambre |
terminée |
droit de vote des détenus |
23/11/2010 |
50973/08 |
VASSILIOS ATHANASIOU et autres c. Grèce |
GRC |
Chambre |
terminée |
durée des procédures administratives |
21/12/2010 |
2708/09 |
HAMANOV c. Bulgarie |
BGR |
Chambre |
terminée |
durée des procédures pénales |
10/05/2011 |
48059/06 |
DIMITROV c. Bulgarie |
BGR |
Chambre |
terminée |
durée des procédures pénales |
10/05/2011 |
37346/05 |
FINGER c. Bulgarie |
BGR |
Chambre |
terminée |
durée des procédures civiles |
10/05/2011 |
42525/07 |
ANANYEV et autres c. Russie |
RUS |
Chambre |
terminée |
conditions de détention |
10/01/2012 |
60800/08 |
BASHIROV et BASHIROVA c. Russie |
RUS |
Chambre |
terminée |
conditions de détention |
10/01/2012 |
24240/07 |
UMMUHAN KAPLAN c. Turquie |
TUR |
Chambre |
attente de demande de renvoi |
durée des procédures civiles |
20/03/2012 |
54447/10 |
MICHELIOUDAKIS c. Grèce |
GRC |
Chambre |
attente de demande de renvoi |
durée des procédures civiles |
03/04/2012 |
26828/06 |
KURIC et autres c. Slovénie |
SVN |
Grande Chambre |
terminée |
personnes effacées des registres d’état civil |
26/06/2012 |
604/07 |
MANUSHAQUE PUTO et autres c. Albanie |
ALB |
Chambre |
attente de demande de renvoi |
non-exécution des décisions administratives accordant des dommages-intérêts pour les propriétés confisquées |
31/07/2012 |
40150/09 |
GLYKANTZI c. Grèce |
GRC |
Chambre |
attente de demande de renvoi |
durée des procédures civiles |
30/12/2012 |
60642/08 |
ALISIC et autres c. Bosnie-Herzégovine, Croatie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Serbie et Slovénie |
BIH |
Chambre |
attente de demande de renvoi |
épargne en devises |
06/10/2012 |