1. Introduction
1. En juin 2011, l’Assemblée parlementaire a décidé
certaines réformes de ses structures et une nouvelle répartition
des tâches. Ainsi, le nouveau mandat de la commission des questions
politiques et de la démocratie indique que «la commission établit
des rapports sur les activités de l'Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) et de la Banque européenne
pour la reconstruction et le développement (BERD). En vue de la
préparation des rapports et des débats à l'Assemblée, la commission
entretient des relations avec l'OCDE et la BERD…».
2. Avant ces réformes, c’est la commission des questions économiques
et du développement qui était chargée de préparer ces rapports sur
une base annuelle puis biennale. J’ai été nommé rapporteur de cette commission
et j’ai conservé cette fonction au sein de la commission des questions
politiques et de la démocratie. Un schéma de rapport a été préparé
en novembre 2011. Cependant, étant donné la charge de travail de
cette commission, il n’a pas été possible de préparer le rapport
pour débat par l’Assemblée en 2012 et j’ai donné mon accord pour
qu’il soit débattu en 2013. Comme dans le passé, le débat de l’Assemblée
sur ce sujet devrait suivre une présentation du Président de la
BERD.
3. Dans le débat sur la réforme de l'Assemblée, certains membres
de la commission des questions économiques et du développement ont
proposé que les rapports sur les activités de l’OCDE et de la BERD soient
établis par la commission des questions sociales, de la santé et
du développement durable (qui a hérité d’autres compétences de cette
commission) et non pas par la commission des questions politiques
et de la démocratie, proposition à laquelle M. Walter a répondu:
«La logique de confier cette tâche à la commission des questions
politiques, c'est que le travail de ces deux institutions est fondamentalement
politique. C’est de l'examen de ces institutions que nous parlons
(…) et cela correspond très logiquement à la commission des questions
politiques.»
4. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai assisté
à la réunion annuelle de la BERD ainsi qu’à son Forum des affaires,
les 18 et 19 mai 2012 à Londres. J’ai, en particulier, assisté aux
sessions du Conseil des Gouverneurs de la banque, à la discussion
sur «La transition sous pression: changements en pleine turbulence
économique» et participé à plusieurs autres activités en réseau.
J’ai également eu des échanges de vues avec MM. Oleg Levitin et
Stefano Bertozzi, membres du personnel de la BERD, ainsi qu’avec
plusieurs représentants de la société civile. Dans ce contexte,
je souhaite également remercier M. Luca Marcolin
,
qui m’a aidé à préparer les aspects plus techniques de ce rapport.
5. Le Conseil des Gouverneurs de la BERD a élu à la Présidence
de la banque Sir Suma Chakrabarti, un haut-fonctionnaire du Royaume-Uni,
qui succède à M. Thomas Mirow. L’une des questions les plus discutées a
été l’élargissement des activités de la banque au Sud et à l’Est
de la Méditerranée (la région du SEMED) à la suite du Printemps
arabe. L’Egypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie sont déjà actionnaires
de la BERD.
6. Ainsi que mentionné par l’Economiste en chef de la BERD lors
d’un des ateliers débat, la BERD est la seule institution financière
comportant le mot démocratie dans son mandat. En effet, l’article
1 de l’Accord de constitution de la banque dispose que la BERD a
pour vocation de ne venir en aide qu’aux pays qui «s’engagent à
respecter et mettent en pratique les principes de la démocratie
pluraliste [et] du pluralisme». Il est donc surprenant de trouver,
parmi les pays de la région d’opérations de la banque, des pays
tels que le Bélarus ou le Turkménistan. En revanche, il ne semble
pas nécessaire qu’un pays soit démocratique pour qu’il devienne
actionnaire de la BERD, ce qui explique pourquoi l’Egypte et le
Maroc étaient au nombre de ses pays fondateurs en 1991.
7. Le 5 septembre 2012, une sous-commission ad hoc sur les Relations
avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
(BERD) (de la commission des questions politiques et de la démocratie) s’est
réunie au siège de la BERD à Londres où elle a eu des échanges de
vues avec: Sir Suma Chakrabarti, Président de la BERD, sur la vision
stratégique de la banque; Mme Piroska Nagy, Bureau de l’Economiste
en chef de la BERD, sur les tendances économiques globales et l’impact
de la situation de la zone euro sur les pays d’opérations; M. Hans
Peter Lankes, Directeur exécutif de la Stratégie institutionnelle
et Vice-président de la BERD, Politiques opérationnelles, sur l’élargissement
de la BERD vers le Sud et l’Est de la Méditerranée (SEMED); M. Joseph
Eichenberger, Evaluateur en chef de la BERD, sur l’évaluation des
progrès et l’impact sur les projets de la BERD; et M. Joachim Schwarzer,
Vice-président du Conseil directeur de la BERD, sur le rôle du Conseil
d’administration de la BERD dans la gouvernance de l’institution.
8. Le Président de la banque a confirmé l’importance de la coopération
avec l’Assemblée parlementaire et a accepté de prendre part au débat
de l’Assemblée sur les activités de la BERD qui aura lieu durant
la partie de session de janvier 2013.
2. Contexte
9. Le Conseil de l'Europe et la BERD ont signé un accord
de coopération en 1992 en vertu duquel les deux organisations sont
convenues d’échanger des informations, en particulier concernant
le suivi et l’appréciation du développement de la démocratie en
Europe centrale et orientale. Depuis lors, l'Assemblée parlementaire sert
de forum permettant à des parlementaires de différents pays européens
de suivre les activités de la BERD dans le cadre de son soutien
à la transition sur la voie d'une économie de marché, de la démocratie
et de l’Etat de droit.
10. La BERD compte 65 actionnaires, à savoir 63 pays et deux institutions
européennes (l’Union européenne et la Banque européenne d’investissement).
Elle est le premier investisseur par la taille dans la région en
transition couvrant l’Europe centrale et orientale et l’Asie centrale,
puisqu’en septembre 2012, elle opérait officiellement dans 29 pays.
Quatre pays supplémentaires (l’Egypte, la Jordanie, le Maroc et
la Tunisie) devraient bientôt devenir des pays d’opérations, bien
que la coopération technique ait démarré dès 2012. Si l’Egypte et
le Maroc comptaient au nombre des pays fondateurs de la banque en
1991, ce n’est qu’en 2011 que la Jordanie et la Tunisie ont demandé
et obtenu la possibilité de rentrer dans l’actionnariat de la banque. Le
16 novembre 2012, il a été annoncé que le Kosovo
allait devenir membre de la BERD en
tant que pays bénéficiaire.
11. Au cours des vingt dernières années, la mission de la BERD
en Europe centrale et orientale a été largement menée à bien, cette
région ayant achevé avec plus ou moins de succès une transition
vers une démocratie pluripartite et une économie basée sur les règles
du marché, une progression pour laquelle les activités et la coopération
technique de la BERD ont joué un rôle substantiel. En réponse aux
bons résultats obtenus en Europe orientale et en Asie centrale,
la banque développe actuellement des politiques de «graduation»
et «d’après-graduation» pour se désengager progressivement des pays
qui ont le plus progressé dans cette transition. Conformément à
la stratégie à moyen terme du Troisième Bilan de la BERD sur les ressources
capitalistiques
, les
huit pays qui ont rejoint l'Union européenne en mai 2004 devaient
sortir du champ d'intervention de la banque d'ici 2010, ce qui a
alimenté la discussion sur l'intérêt à long terme suscité par ses
opérations. Les événements qui se sont produits entre 2008 et 2012
ont mis un terme à la discussion: la crise économique a fortement
touché les économies de la région en transition, restreignant la
disponibilité de financement pour l’investissement, réduisant les
échanges et la croissance et faisant augmenter le chômage. Sur les
huit pays susmentionnés, seule la République tchèque a accompli
avec succès sa séparation d'avec la banque en 2007, les sept pays
restants ayant bénéficié d'un soutien renforcé de cette dernière
pour réduire l'impact de la crise économique. L’échéance pour le
désengagement a été repoussée à 2015, et la banque a conservé un
rôle central dans la promotion du secteur privé dans la région en
transition.
12. En outre, le mandat géographique des opérations de la BERD
a été élargi en 2011 pour couvrir les pays du SEMED (Sud et de l’Est
de la Méditerranée: l'Egypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie).
A la suite du Printemps arabe, le Partenariat de Deauville a appelé
la BERD à intervenir dans cette région, au vu des succès qu’elle
a déjà enregistrés avec les pays en transition sur la voie de la
démocratie et d'une économie orientée selon les lois du marché.
Le Partenariat a reconnu que la puissance financière de la banque
et son expertise dans la promotion des investissements du secteur
privé seraient fondamentales pour améliorer le climat des affaires
dans la région et, à plus long terme, les perspectives de croissance.
La BERD, tout en prenant acte des défis posés par la nouvelle portée
de ses activités, a démarré ses opérations dès le deuxième semestre de
2012 en utilisant un fonds d'investissement dédié d'un milliard
d'euros. Elle ne peut pas utiliser ses propres ressources tant que
tous ses actionnaires n’auront pas ratifié les articles 1 et 18
amendés de l'Accord de constitution de la BERD.
13. Les interventions de la BERD se sont concentrées en particulier
sur trois secteurs: i) le secteur financier, afin de réduire les
contraintes sur le crédit et les sorties de capitaux frappant la
région du fait de l'effondrement financier de 2008 et de la crise
de l'euro de 2010 à 2012; ii) le secteur des infrastructures, dont
le champ d'intervention est vaste, tout comme l'effet multiplicateur
d'infrastructures efficientes et durables sur d'autres secteurs
de l'économie de ces pays; iii) l'agroalimentaire, en réponse à
la crise alimentaire et aux pics des cours du soja et des céréales
enregistrés en 2008, 2010 et 2012. Dans plusieurs cas, la BERD est
intervenue avec d'autres institutions financières internationales
(IFI) ainsi qu'avec la Commission européenne dans les domaines présentant
un intérêt commun. La BERD contribue à ces initiatives coordonnées
grâce à sa longue expertise de soutien du secteur privé pour en
maximiser l’efficience, la compétitivité et la pérennité.
14. Dans le même temps, la crise a eu des répercussions sur la
perception de la démocratie et de la liberté des marchés par les
populations de la région en transition. Dans les pays où la crise
a été la plus dure, le soutien public aux changements institutionnels
s’est nettement amoindri, ce qui a, du coup, tendu à ralentir le rythme
des réformes. Dans certains des pays d'opérations de la banque,
l'accès à des médias libres, la participation politique et la concurrence
dans les affaires ont été davantage limités. La BERD a relevé ces
défis en adaptant sa méthodologie d'évaluation de l'impact de ses
projets sur la transition. Dans la nouvelle grille d’évaluation
de la transition, les changements institutionnels imputables à l'activité
de la BERD sont maintenant aussi importants que la performance financière.
La nouvelle grille donne une image plus claire des changements institutionnels
intervenus dans les pays et durant les périodes de référence, car
la BERD est convaincue qu'une économie de marché libre ne peut fonctionner
convenablement sans des institutions de soutien appropriées.
3. Développement économique
et politique entre 2010 et 2012
3.1. La deuxième vague
de la crise économique
15. La période couverte par le présent rapport sur les
activités de la BERD (2010 à 2012) a été caractérisée par l'arrivée
de la deuxième vague de la crise économique, qui a frappé durement
l'Europe et le monde.
16. La première vague de la crise (2008-2009) a laissé dans son
sillage une Europe frappée par un chômage à deux chiffres dans plusieurs
pays, avec un secteur public fortement endetté (plus de 80 % du produit
intérieur brut (PIB) en moyenne pour la zone euro). De graves préoccupations
se sont fait jour sur la possibilité de soutenir un tel niveau de
dette dans un scénario d'économies en stagnation, où il est très improbable
de voir les déséquilibres budgétaires et compétitifs corrigés. Depuis
2010, les Etats membres de l'Union européenne se sont attelés à
élaborer des paquets de sauvetage pour soutenir la Grèce, l'Irlande
et le Portugal, alors que l'Espagne et l'Italie suscitent des craintes
de plus en plus vives. Pour restaurer la confiance des marchés financiers
dans les fondamentaux économiques de ces pays sur la sellette, des
programmes d'austérité ont été mis en œuvre depuis 2010. Ces mesures
incluaient le «Pacte Euro Plus» composé d'un paquet de réformes
politiques destinées à améliorer la performance budgétaire et compétitive
des pays, ainsi que le Pacte des 6 et son volet complémentaire «le
paquet budgétaire», au titre duquel les Etats membres se voyaient
demander, entre autres dispositions, d'inscrire dans leur Constitution
un amendement sur l'équilibre budgétaire.
17. En conséquence, l’effet déflationniste de la contraction budgétaire
sur les dépenses publiques et privées a pénalisé l'investissement
privé du fait d'une incertitude croissante pesant sur les perspectives
macro-économiques de la zone euro. La politique monétaire expansionniste
de la Banque centrale européenne (BCE) n'est pour l'instant toujours
pas suffisante pour soutenir une expansion du crédit et la croissance.
Les bilans des banques de l'Union européenne souffrent encore du
brutal dégonflement de la valeur de leurs actifs et investissements.
Les prévisions économiques modérément optimistes pour l'économie
européenne en 2009 ont donc été balayées par l'arrivée de la deuxième
vague de la crise, ce que l'on a appelé la «crise de la dette souveraine
européenne».
18. Le ralentissement dans la zone euro et en Europe de l’Ouest
en général a eu des répercussions aussi sur les pays de la région
en transition, comme la première vague de la crise
. Les pays d'opération
de la BERD ont connu un début de reprise en 2008 et 2009, effacé
à partir de 2010. De plus, même s’il semble qu'un mécanisme de résolution
pour les déséquilibres budgétaires de la zone euro a été mis en
place, les perspectives économiques demeurent moroses, l'incertitude
restant grande, encore aujourd’hui, ce qui explique que les opérations
de la BERD s'appuient sur une approche consistant à «avancer à tâtons».
La probabilité d'un deuxième choc sur la région en transition demeure
élevée, du fait des évolutions négatives de la crise de la zone
euro
.
3.2. Les évolutions
économiques dans les pays d'Europe de l’Est de 2010 à 2012
19. Les pays d'opérations de la BERD ont commencé à récupérer
en ordre dispersé en 2009, même si la croissance est demeurée presque
partout inférieure au niveau qu'elle avait connu entre 2005 et 2008.
Selon l’analyse de la BERD, trois facteurs ont contribué à la reprise:
le rebond de la demande étrangère, en particulier d'Europe de l'Ouest,
pour des produits locaux, grâce à une amélioration des conditions
économiques mondiales; l'élimination progressive des sorties de
capitaux émanant de la région en transition dues à des besoins en
liquidités moins pressants de la part des banques occidentales investissant
dans la région; le suivi attentif des politiques budgétaires et
monétaires dans les pays en transition
. Une contraction du PIB en termes
réels a en revanche été affichée en Bulgarie, en Croatie et en Roumanie
(pour l’Europe du Sud-Est) jusqu'à la mi-2010, ainsi qu'au Kirghizistan,
en Ukraine et en Lituanie. La récession plus profonde qui a touché l'Europe
du Sud-Est et une reprise très lente dans les Pays baltes se sont
traduites par des niveaux élevés de chômage persistant et une croissance
atone de la demande intérieure.
20. En fait, l’un des grands changements économiques entraînés
par la crise a été le passage d'une demande intérieure à une demande
extérieure comme moteur de l'économie. Avant la crise, les changements économiques
structurels accompagnant la transition avaient entraîné des réévaluations
substantielles des prix de l’immobilier et une augmentation considérable
du pouvoir d'achat des consommateurs, ainsi que des arrivées de
capitaux étrangers. La crise a mis un terme à ces évolutions, faisant
augmenter le chômage et réduisant les arrivées de capitaux en particulier
.
Les exportations, au contraire, ont redémarré une fois de plus à
partir de 2009 après le grand effondrement des échanges en 2008
et la remarquable performance enregistrée entre 2000 et 2007 (la
part de la région dans les exportations mondiales a doublé sur cette
période, passant de 5 % à 10 %). Selon le rapport 2010 de la BERD
sur la transition, ce passage à un nouveau modèle de croissance
s'est appuyé sur trois grands déterminants: a) l'augmentation des
importations en termes réels des partenaires commerciaux (qui ont
doublé dans la presque totalité des pays de l’Europe centrale et
orientale et de la Communauté des Etats indépendants (CEI); b) l’abaissement
moyen des droits de douane sur les échanges, en particulier dans
certains secteurs, grâce à l'adhésion de certains pays en transition
à l'Union européenne entre 2004 et 2007, et à la signature d'accords
de libre-échange entre l’Union et plusieurs pays d'Europe du Sud-Est
et du SEMED (Sud et Est de la Méditerranée); c) le faible coût unitaire
du travail dans la région en transition, du moins au début du XXIe siècle.
21. A partir du deuxième trimestre de 2011, la presque totalité
des pays de la région en transition avait renoué avec une croissance
positive et une production, en termes réels, revenue au niveau d'avant
la crise, même si l'Amérique latine et la partie émergente des pays
asiatiques étaient encore en sous-performance. Si les pays de la
région ont suivi des trajectoires différentes en matière de croissance,
en moyenne, celle-ci a été tirée par la demande extérieure jusqu'à
mi-2010, tandis que les prix élevés des matières premières et une reprise
de la croissance du crédit grâce à des politiques monétaires expansionnistes
dans la région alimentaient la demande intérieure en 2011
. Toutefois,
le modèle de libre-échange qui avait aidé la région à tirer profit
de facteurs extérieurs moteurs a eu un effet boomerang lorsque le
principal partenaire commercial de la région, la zone euro, a commencé
à traverser une nouvelle phase d’incertitude à propos de sa stabilité macro-économique,
sapant les espoirs de croissance dans la région et dans le monde.
En conséquence, la demande d'exportation émanant de la région en
transition et les cours des matières premières ont reculé substantiellement,
ces derniers réduisant par là-même les recettes tirées des exportations
de certains des pays où la BERD opère (Azerbaïdjan, Kazakhstan,
Russie, Ouzbékistan, Mongolie en particulier). Les effets bénéfiques
de la réduction exceptionnelle des barrières tarifaires obtenue
grâce aux accords de libre-échange devraient également s'atténuer
avec le temps, tandis que les avantages dus à des coûts compétitifs
ont déjà atteint leurs limites, en particulier dans les pays d’Europe
centrale et orientale et les Pays baltes.
22. En même temps, la consolidation budgétaire par les gouvernements,
la persistance de fort taux de chômage, une chute brutale des salaires
et un recul des flux de transfert d'argent vers les pays d'origine
des migrants se sont conjugués pour contraindre encore plus la demande
intérieure, notamment pour le SEMED, où un chômage élevé, que ce
soit pour les jeunes ou de manière générale, devrait persister.
Le désengagement transfrontalier des banques en particulier, qui
persiste dans les régions d'Europe du Sud-Est et de la région ECB,
ainsi que la stagnation de la croissance du crédit émanant d'Europe
de l'Ouest, ont en outre limité la demande intérieure dans la région.
23. Les projections de croissance semblent indiquer que celle-ci
devrait passer de 4,6 % en 2011 à 2,7 % en 2012 pour l'ensemble
des pays d'opérations
. Bien entendu, ces chiffres
cachent des disparités substantielles d'une région à l'autre: un
ralentissement est attendu dans les pays d'Europe de l’Est en conséquence
du ralentissement des exportations vers l'Europe de l’Ouest, en
particulier en Croatie et en Hongrie, deux pays qui, selon les projections,
devraient entrer en récession. Les Pays baltes, la Pologne et la République
slovaque, au contraire, font figure d'exception, avec une croissance
annuelle dépassant les 2,5 % grâce à la résistance de leur secteur
manufacturier face aux cycles économiques négatifs qui touchent l’Europe
de l’Ouest. On s'attend également à ce que la croissance de l'Asie
centrale ralentisse quelque peu, essentiellement du fait du recul
des prix des matières premières, même si elle restera fermement
ancrée en positif. Les prévisions pour le SEMED faisaient état de
taux de croissance légèrement positifs (de 1,8 % à 2,7 %) pour 2012,
mais une forte incertitude politique a sapé la confiance des investisseurs.
Pour ce qui est du tourisme, le recul des investissements directs
étrangers (IDE) et des échanges devrait peser encore plus sur l'emploi
(-2,5 % en Egypte et -5 % en Tunisie depuis la mi-2010 par rapport
aux moyennes entre 2004 et 2007). Les prévisions pour la performance
de l’économie mondiale, et en particulier de la zone euro, se sont détériorées
depuis la publication de ces chiffres par la BERD. Il est donc probable
que la plupart des chiffres soient encore trop optimistes.
24. Le scénario de base pour ces projections pointe vers une lente
résolution de la crise de la dette souveraine dans la zone euro,
ce qui suppose une contraction budgétaire durable et une faible
croissance du crédit. Il n’est donc pas à exclure qu'une aggravation
de la crise de la dette souveraine, conjuguée aux difficultés économiques
persistantes dans la zone euro (vieillissement, migration, passage
à une économie plus verte) aurait des conséquences négatives plus
lourdes sur la région en transition.
3.3. Les conséquences
politiques de la crise: rythme de la réforme et démocratisation
25. L'article 1 du mandat de la BERD dispose que celle-ci
ne peut soutenir le processus de transition que dans des pays engagés
à instaurer un système politique démocratique et pluraliste, ainsi
qu’à s'engager sur la voie d'une économie de marché ouverte. En
conséquence, l'évolution de la réalité politique dans les pays d'opérations
est suivie en permanence par la BERD, et l'évaluation pays par pays
se fait tous les trois ans. Le rapporteur ne voit pas clairement
dans quelle mesure cette évaluation confirme (ou non) que ces pays progressent
effectivement sur la voie de la démocratie.
26. Par rapport à la précédente vague d'études, qui avait été
menée en 2006, il ressort de l'analyse des données collectées par
la BERD dans l'étude pour 2010 sur la transition que les difficultés
économiques rencontrées dans la région en transition ont modifié
de manière significative la perception que les populations des pays
de référence se font d'une économie de marché et de la démocratie.
Les ménages se sont vus poser plusieurs questions sur l’impact de
la crise dans leurs vies et sur leur perception de la démocratie
et, en particulier: i) si, d’après eux, l’économie et le système
politique étaient en meilleure posture qu’avant la crise; ii) s’ils
avaient voté aux dernières élections; iii) dans quelle mesure ils
avaient confiance dans leur présidence et les divers niveaux de
gouvernement; et iv) de choisir si, dans certains circonstances,
une économie planifiée peut être préférable à une économie de marché
ou si cela n’a pas d’importance, et si un régime autoritaire peut être
préférable à la démocratie dans certaines circonstances ou si cela
n’a pas non plus d’importance. L’enquête portait également sur le
degré de l’impact de la crise sur les ménages et par quel biais
(perte d’emploi, perte d’emploi du partenaire, réduction du temps
de travail, faillite de l’entreprise familiale, etc.).
27. Dans cette étude, pratiquement comme pour la précédente, l'Albanie,
la Mongolie, le Monténégro, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et la
Turquie se sont révélés très favorables à la démocratie, alors que
l’Arménie, le Bélarus, la Géorgie et le Kazakhstan sont ceux qui
ont vu l’attrait de la démocratie augmenter le plus. La plus forte
hausse dans la région en transition a été enregistrée en Arménie,
avec des niveaux de soutien à la démocratie comparables au pays
occidental moyen. Le soutien a décliné substantiellement dans tous
les nouveaux membres de l’Union européenne hormis la Bulgarie, même
si, en 2006, ce pays avait déjà enregistré un faible niveau pour
ce critère. Le résultat est particulièrement net pour la Hongrie,
la République slovaque et la Slovénie, qui étaient d’importants
partisans de la démocratie dans la précédente étude. En revanche,
dans certains pays de la CEI, les réponses marquant l’adhésion ont
augmenté. Le niveau général de confiance dans les institutions gouvernementales
dans la région en transition était très contrasté d’un pays à l’autre,
et dans deux pays seulement (Ouzbékistan et Tadjikistan), les sondés
ont indiqué une amélioration du climat politique sur la période
2006-2010. Dans la plupart des autres pays de la région, les réponses
ont fait ressortir la perception d’une détérioration de la situation
politique, en particulier en Croatie et en Roumanie.
28. L'analyse statistique plus approfondie de ce constat a montré
que la performance économique est corrélée positivement avec les
changements de perception à l'égard des institutions du marché et
de la démocratie qui sont intervenus entre 2006 et 2010. En particulier,
cette analyse a prouvé que le fait d'avoir subi la crise de plein
fouet a fait reculer de 10 % la probabilité de préférer la démocratie
et les marchés à toute autre alternative. Un deuxième résultat suggère
que le soutien à des institutions politiques et économiques est
plus fort si les conditions étaient pires avant la crise dans le
pays. En d'autres termes, ce qui semblait également important pour
soutenir la démocratie et les institutions des marchés était le
changement relatif imposé à la population par la crise par rapport
à la situation d’avant la crise. Ceci pourrait expliquer pourquoi
le soutien n'a pas diminué substantiellement dans les pays de la
CEI, où les conséquences de la crise pourraient avoir été ressenties
comme mineures par rapport aux difficultés imposées par le processus
de transition pour sortir du système soviétique.
29. La perspective mitigée mais quelque peu négative concernant
les réformes démocratiques et orientées selon les lois du marché,
qui a été relevée dans l'Etude sur la transition, s'est également
reflétée dans les indicateurs de la BERD concernant la réforme pour
l’instauration d’une économie de marché, à la fois en 2010 et en
2011. Des reculs majeurs ont été évités concernant la réforme, mais
les conditions économiques plus dures et la mise en œuvre des programmes
d'austérité ont ravivé les tensions sociales dans les pays d'opérations.
D'un côté, cela a donné le «Printemps arabe». De l'autre, la détérioration
des conditions de vie dans la région en transition a abouti à la
montée en puissance, dans plusieurs pays, de gouvernements plus nationalistes
et plus autoritaires. La BERD a suivi avec une attention particulière
les évolutions en Hongrie, en Russie et en Ukraine, et aucune amélioration
nette n'a été enregistrée dans les pays du Caucase du Sud et d'Asie
centrale, qui restent caractérisés par des présidences fortes et
des parlements faibles. La corruption s'est aggravée dans pratiquement
tous les pays d'opérations, tandis que le bilan des changements
intervenus en matière de liberté des médias est quelque peu mitigé,
les médias sociaux étant plus facilement accessibles, mais des contrôles
plus stricts ont été en revanche instaurés sur ces médias, de même
que sur le journalisme dans certains pays de la région.
4. La réponse de la
BERD: relever les défis
4.1. Davantage de ressources
et de nouveaux mécanismes
30. Le but ultime de la BERD est d’instaurer la prospérité
et la stabilité dans ses pays d'opérations. Pour cela, elle facilite
la transition vers l'économie de marché, promeut l'initiative privée
et entrepreneuriale et appuie la réforme institutionnelle tant au
niveau économique que politique. Les conséquences dramatiques de
la crise mondiale, ainsi que le Printemps arabe et la crise alimentaire,
ont fourni à la BERD à la fois une demande et des opportunités d’activités
nouvelles. Le tableau ci-après présente une ventilation de ses investissements.
|
2009
|
2010
|
2011
|
Investissement annuel
Prévisions
2013-2015 (moyenne)
|
7,86 milliards
|
9,00 milliards
|
9,05 milliards
8,5
milliards
|
Cofinancement complémentaire
|
10,35 milliards
|
13,17 milliards
|
20,8 milliards
|
Nombre d’opérations
|
311
|
386
|
380
|
Part entreprises privées
(% du total)
|
83 %
|
74 %
|
77 %
|
Capital disponible
|
20 milliards
|
20 milliards
|
30 milliards
|
Investissement
annuel par secteur:
|
Secteur financier
|
3,1 milliard
|
3 milliards
|
2,9 milliards
|
Industrie, commerce,
agroalimentaire
|
1,56 milliard
|
2,3 milliards
|
2,7 milliards
|
Ressources naturelles
|
671 millions
|
693 millions
|
571 millions
|
Infrastructures
|
479 millions
|
486 millions
|
596 millions
|
Transport
|
1,2 milliard
|
1,3 milliard
|
1 milliard
|
Electricité et énergie
|
836 millions
|
1,2 milliard
|
1,2 milliard
|
31. 2010 en particulier a été caractérisée par une augmentation
importante des nouveaux projets financés, tant en nombre (de 311
à 386) qu’en valeur (de 7,8 milliards d'euros en 2009 à 9 milliards
en 2010). Cet effort remarquable suit la rapide augmentation de
50 % du financement disponible, dégagée entre 2008 et 2009. Les chiffres
de l'investissement annuel sont restés globalement inchangés jusqu'à
2011, même si leur effet multiplicateur sur un financement complémentaire
privé a augmenté substantiellement: pour chaque euro investi par
la BERD dans de nouveaux projets, 2,3 euros étaient apportés par
des donateurs extérieurs en 2011, contre 1,3 euro au maximum en
2009. Ces chiffres laissent à penser que les opérations de la BERD
se sont améliorées à la fois sur le plan qualitatif et quantitatif
pour ce qui est du capital investi. Afin de surmonter les défis
imposés par la crise économique en Europe orientale et en Asie centrale,
ainsi que d'étendre les opérations de la BERD au SEMED, ses actionnaires
ont approuvé une demande d'augmentation de capital de 20 milliards
d’euros à 30 milliards d’euros en mai 2010. Ceci devrait lui permettre
de procéder entre 2013 et 2015 à des engagements annuels moyens
de 8,5 milliards d'euros dans de nouveaux projets d'affaires.
32. L'augmentation des nouveaux investissements chaque année a
été particulièrement concentrée sur quatre domaines où la BERD dispose
d'une grande expertise: le secteur financier, les infrastructures,
les transports et la production énergétique. Ces choix sont cohérents
avec sa stratégie visant à développer «l’épine dorsale» du secteur
productif, afin de faciliter la poursuite du développement autonome
d'initiatives entrepreneuriales privées dans les pays. Les investissements
dans ces secteurs répondent à certaines contraintes imposées par
la crise.
33. En premier lieu, le décalage entre le financement interne
et le financement externe. La région en transition a connu des sorties
massives de capitaux autres que des IDE dans la première phase de
la crise, dues à l'incertitude accrue au sujet des perspectives
économiques de la région et à la raréfaction des liquidités mondiales
qui a suivi la faillite de Lehman Brothers
. La majeure partie des développements
macro-économiques intervenus dans la zone euro ont entraîné une
vague de désengagements bancaires transfrontaliers en 2011 et 2012,
qui ont touché la région en transition. Face à des contraintes de
liquidités dans leurs pays d'opérations principaux, et du fait qu'il
fallait mobiliser davantage de capitaux pour être plus crédibles
vis-à-vis des marchés, les banques occidentales ont retiré des volumes
substantiels de capitaux de leurs filiales locales dans la région
en transition. Les régions de la BCE et d'Europe du Sud-Est ont
été particulièrement touchées, car la part de participations étrangères
aux capitaux y était importante. Pour contrer ce phénomène, en 2009,
la BERD s'est associée à l'initiative de coordination des banques
européennes (initiative dite «de Vienne») à laquelle participent
des institutions financières internationales, la BCE, la Commission
européenne, des autorités de régulation des pays dans lesquels les
grands groupes bancaires ont leur siège et des établissements de
ces mêmes groupes bancaires. La première phase de l'initiative,
qui s’est achevée début 2011, est parvenue à alimenter en capitaux
et liquidités les filiales des groupes bancaires occidentaux dans
la région en transition
.
La prolongation de l'initiative («Vienne 2.0») a reconcentré les interventions,
axées jusque-là vers l'arrêt du désengagement des établissements
des banques occidentales dans la région, pour s'assurer que ce processus
ne pénalise pas les économies locales. L'initiative vise également
à promouvoir des politiques de supervision bancaire en Europe de
l'Ouest et dans les pays en transition, afin de limiter les conséquences
systémiques des chocs économiques et financiers dans ces régions.
34. En deuxième lieu, les emprunts en monnaies locales. Durant
la période considérée, la BERD a lancé l'initiative pour le développement
des monnaies locales et des marchés de capitaux locaux, en coordination avec
d'autres institutions financières internationales. Elle a pour but
de développer le financement d'activités dans la monnaie du pays
d'opérations, afin d'éviter que les bénéficiaires ne subissent le
risque de taux de change associé aux prêts en devises fortes. Le
prêt en monnaie locale contribue à la transparence du projet et,
en définitive, stimule le développement d'un marché financier local.
La BERD a mis sur pied une facilité de prêt en monnaie locale, en
2011, avec laquelle elle a financé 18 prêts en faveur d'intermédiaires
financiers en Arménie, en Géorgie, au Kirghizistan, en République
de Moldova et au Tadjikistan, ainsi que 30 prêts au secteur productif
libellés en devises russe, kazakh, turque et polonaise.
35. En troisième lieu, l’efficience énergétique et les infrastructures.
L’essor des partenariats public-privé dans la région de référence
est parvenu à drainer des ressources considérables vers la région
en transition pour le développement du secteur des infrastructures.
La BERD a doublé son volume d'investissement par rapport aux années
de l'avant-crise en investissant plus de 3,3 milliards en infrastructures
et transports entre 2010 et 2011; les projets se sont concentrés
spécifiquement sur l'adduction d'eau, le traitement des eaux usées,
le traitement des déchets solides et le développement de réseaux
ferrés. Une attention particulière a été consacrée à l'efficacité
énergétique et à la lutte contre le changement climatique, tout
en promouvant la compétitivité du secteur productif dans la région
en transition. La BERD a ainsi mis en place l'initiative pour une
énergie durable en vue de réduire les émissions de CO2 jusqu’à
35 millions de tonnes par an par le biais d'investissements directs
dans le secteur énergétique et, indirectement, par un soutien aux
banques partenaires locales participant à des projets liés à l'énergie.
2,1 milliards ont été investis en 2010 et 2,6 milliards en 2011
grâce à cette initiative. En outre, en 2010, la BERD a lancé sa
première émission d'obligations pour la durabilité environnementale.
Ces obligations étaient conçues pour financer des projets environnementaux et
en définitive réduire les émissions de CO2 dans
les pays d'opérations: les fonds collectés ont été investis exclusivement
dans des projets de promotion de technologies propres pour l'amélioration
de l'efficacité énergétique et la distribution d'eau, les services
environnementaux, les transports publics et la gestion des déchets.
36. Dans cette perspective sectorielle des investissements de
la BERD, n’oublions pas les ressources consacrées à la lutte contre
la volatilité des prix des denrées alimentaires, en particulier
grâce au soutien à l'industrie agroalimentaire. Un paragraphe lui
est consacré dans la Partie 5 du présent rapport.
4.2. Une nouvelle perspective
pour les institutions et la transition
37. Une analyse plus poussée des conséquences de la crise
dans les pays d'opérations de la BERD a fait ressortir un désenchantement
de la population à l’égard des institutions de la démocratie et
du marché. Les résultats des réformes dans la région en transition
ont été mitigés sur le plan géographique, mais ont fait ressortir
un ralentissement généralisé du processus de réforme. La crise a
donc révélé une faiblesse du cadre institutionnel et un désengagement
politique à l’égard de la démocratie et du marché libre dans les
pays de la BERD. Celle-ci s'est efforcée de surmonter ces obstacles
en améliorant l'évaluation de l'impact de ses projets sur la transition,
et en intensifiant sa collaboration avec d'autres institutions internationales.
4.2.1. Une nouvelle grille
d’évaluation
38. Le rapport 2010 de la BERD sur la transition présente
une nouvelle méthodologie pour évaluer les progrès des pays vers
une économie de marché et la mise en place d’institutions démocratiques.
Les indicateurs traditionnels de la BERD en matière de transition,
qui ont été introduits en 1994 et modifiés plusieurs fois depuis,
se sont révélés un excellent outil pour ce qui est du pôle universitaire
et des décideurs politiques, mais se sont avérés insuffisants pour
évaluer la pérennité des projets et des réformes après la crise. A
certaines occasions, l’évaluation de la solidité financière prévue
dans l'indicateur sur la transition s'est révélée complètement erronée
à la lumière des événements. De plus, telles qu'elles étaient auparavant conçues,
les grilles d’évaluation posaient l'hypothèse implicite qu'il était
possible d'obtenir une meilleure note au critère de la transition
en supprimant le soutien public à l'économie en faveur du développement
de l'initiative privée et des marchés. Dans l'ancienne grille d’évaluation,
l’importance attachée au processus de privatisation et aux flux
entrants de capitaux privés pour l'investissement dans les pays
de référence exagérait les progrès de ces derniers sur la voie d'une
économie de marché libre. En particulier, elle réduisait l'importance
des aspects réglementaires et d'application de la loi pour l'instauration
d'un environnement des affaires compétitif et efficient.
39. La nouvelle grille d’évaluation sur la transition assigne
une pondération quasiment identique aux informations basées sur
le marché et à la qualité des institutions dans le pays. De plus,
ces pondérations sont maintenant tirées de manière plus transparente
des données publiques et caractéristiques de marché et institutionnelles
du pays. Troisièmement, le score est attribué sur la base d’indicateurs
de résultats (les changements à la structure du marché ou aux institutions
consolidant le marché dans la période considérée) et non plus simplement
sur la base de variables liées aux intrants (montant de capitaux
nécessaire). Enfin, alors que la grille d’évaluation comptait à
l'origine cinq indicateurs pour les infrastructures et deux indicateurs pour
le secteur financier, elle en compte désormais 16 regroupés par
secteur (entreprises, énergie, infrastructures, finance). La classification
du secteur financier fait la distinction désormais entre les activités bancaires
et non bancaires (existantes), l'assurance, les capitaux privés,
les marchés des capitaux, le financement pour les très petites,
petites et moyennes entreprises et les autres services financiers.
A la suite de ces changements, l'évaluation de l'impact de la transition
sur le secteur financier a changé avec la nouvelle méthodologie.
En outre, l'image que l'on se fait du pays à partir de la grille
d’évaluation est désormais plus cohérente et les décideurs peuvent
se fier davantage à la capacité de la grille d’évaluation à s'adapter
à la réalité du pays.
4.2.2. Une coopération
institutionnelle renforcée
40. En 2011, la BERD a signé un nouveau Mémorandum d’accord
avec la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement
(BEI), en remplacement de l'ancien Mémorandum remontant à 2006.
Ce nouvel instrument souligne la nécessité d'une collaboration encore
plus étroite entre les institutions signataires, basée sur l'intérêt
commun qu’elles ont à accompagner les pays d'opérations dans leur
transition sur la voie d'une économie basée sur les règles du marché.
Les institutions ont en commun un certain nombre de secteurs dans
lesquels la coopération peut être renforcée: consolidation du marché
et des réformes démocratiques, mise à niveau en termes d’efficacité
énergétique et de technologies vertes, développement des infrastructures, et
soutien aux petites et moyennes entreprises (PME). Dans les projets
dans lesquels interviennent à la fois la BERD et la BEI, chacune
d'entre elles utilise les travaux de l'autre tout en réalisant une
évaluation indépendante des crédits et du projet. La coopération
entre la BERD, la BEI et la Commission européenne s'est concrétisée
en particulier dans les secteurs du développement financier et des
entreprises. On citera le récent établissement de la Facilité pour
le développement et l’innovation des entreprises dans les Balkans occidentaux,
qui devrait recueillir 141,2 millions d'euros en capital auprès
des trois institutions et être en mesure de prêter environ 300 millions
d'euros aux PME des Balkans occidentaux sur la période 2011 à 2015. La
Facilité a été créée dans le Cadre d'investissement pour les Balkans
occidentaux, qui a été mis en place en 2009 par les trois institutions
pour servir l'investissement dans l'énergie, l'environnement, le
transport, les infrastructures sociales et le secteur privé.
41. En 2009, la BERD a également travaillé en partenariat avec
la BEI et la Banque mondiale pour créer le Plan d'action conjoint
d'institutions financières internationales destiné à soutenir les
intermédiaires financiers en Europe orientale durant la deuxième
vague de la crise. Les trois institutions ont apporté 33 milliards
d'euros (alors qu'au départ seuls 25 milliards étaient prévus) de
financement au secteur financier et à celui des entreprises. Ils
ont ainsi contribué à restaurer la confiance des marchés dans la
région et veillé à ce que d'importantes institutions financières
privées occidentales ne se désengagent pas de la région malgré les conditions
difficiles sur le front des liquidités.
42. Un partenariat entre la BERD et d'autres institutions financières
internationales (Banque africaine de développement, Banque asiatique
de développement, Banque interaméricaine de développement, Banque mondiale)
a été mis en place pour soutenir la lutte contre le réchauffement
climatique. En particulier, dans le cadre de ce partenariat, les
institutions financières internationales se sont engagées à investir
8,4 milliards d'euros chaque année pour soutenir les villes dans
leurs efforts d'adaptation aux changements climatiques et pour en
limiter les effets.
5. Problèmes spécifiques
dans le cadre des activités de la BERD
5.1. L’extension des
opérations de la BERD au SEMED
43. Le soulèvement démocratique en Afrique du Nord et
au Proche-Orient, connu sous le nom de «Printemps arabe », a reçu
son premier soutien par le G8 par le biais de la Déclaration de
Deauville en mai 2011, qui a marqué le coup d'envoi du Partenariat
multilatéral de Deauville visant à soutenir la transition démocratique
et économique dans les pays du Printemps arabe. La Déclaration a
également appelé à l'extension de la portée géographique du mandat
de la BERD, afin de soutenir la transition dans les pays de la région
qui adhèrent à la démocratie pluripartite, au pluralisme politique
et à l'économie de marché, au vu des parallélismes entre le déroulement
de la transition dans les pays d'Europe orientale et d'Asie centrale
et de celle des pays d'Afrique du Nord, et les années d'expérience
cumulées par la BERD dans le développement du secteur privé et de
l'entreprenariat.
44. La BERD a donc été invitée à intervenir grâce à ses capacités
avérées à apporter un appui aux pays en transition sur la voie de
la démocratie et du renforcement de l’économie de marché. La BERD
sera une cheville ouvrière essentielle pour mobiliser rapidement
des ressources financières à la fois directement et indirectement,
en apportant un financement et une expertise à des intermédiaires
financiers ayant des problèmes de liquidités, ainsi que des garanties
à d'autres sociétés occidentales qui souhaitent investir dans la
région. Les secteurs prioritaires pour l'investissement sont la
production de l'énergie, les services municipaux pour le traitement
et l'adduction d'eau, les infrastructures et le soutien aux PME.
45. La BERD a entamé ses opérations en Egypte, au Maroc, en Jordanie
et en Tunisie en 2012. Les deux premiers de ces pays étaient déjà
actionnaires de la banque et ont fait part de leur intérêt à intégrer
son groupe des pays d’opérations. La Jordanie et la Tunisie ont
demandé à la fois l’adhésion et l’intégration au groupe des pays
d’opérations. Les amendements au Statut de la BERD (articles 1 et
18) permettant à la banque d’étendre son mandat ont été approuvés
en septembre 2011 par le Conseil des Gouverneurs de la BERD, mais
la pleine capacité opérationnelle n’a été accordée qu’en septembre
2012. Dans l’intervalle, la banque a entamé une coopération technique
avec les pays du SEMED grâce à la Facilité transactionnelle de 59
millions instaurée à Deauville avec la contribution de l’Australie,
de la Finlande, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas,
de la Norvège, de la Suède et du Royaume-Uni. Des ressources supplémentaires
de 1 milliard d’euros ont été obtenues en mettant à profit, en mai
2012, le résultat net de la banque pour 2011. A pleine capacité, la
banque devrait engager 2,5 milliards d’euros par an dans la seule
région du SEMED, ce qui représente potentiellement un financement
de 7 à 8 milliards d’euros par an grâce à des contributions d’investisseurs privés.
46. La banque apporte en plus un soutien au processus de transition
en Afrique du Nord grâce à son initiative T2T, un cadre d’échange
de connaissances entre anciens et nouveaux pays d’opérations, ainsi
que par son partenariat avec d’autres institutions financières internationales
dans la région. La BERD a signé un Mémorandum d’accord avec la Banque
africaine de développement et la Banque islamique de développement en
septembre 2011. Le Mémorandum reconnaît l’expertise de la BERD dans
le financement des échanges, le soutien aux PME, les programmes
de privatisation, la gestion et l’évaluation des projets. Les Banques
africaine et islamique de développement contribueront au partenariat
en mettant en commun leurs réseaux de relations avec des institutions
locales et leur connaissance des pays d’opérations. Les institutions
coordonneront l’investissement et les mesures liées aux diligences
raisonnables, afin d’éviter les doublons.
47. En Tunisie et en Egypte, la transition d’une dictature à une
démocratie, et le passage de systèmes économiques marqués par un
fort interventionnisme d’Etat à des économies de marché, pose de
nombreux défis, au premier rang desquels figure la capacité de ces
pays à impliquer le secteur privé dans l’économie alors que les
pouvoirs publics s’en retirent, tout en veillant à ce que le système
économique continue de fonctionner. Ceci est particulièrement difficile
du fait des lourdes incertitudes qui pèsent sur la stabilité économique
et politique. Dans les pays où le secteur privé joue un rôle marginal
dans le développement économique, l’une des priorités de la BERD
a été de consolider les capacités pour les PME (compétences en comptabilité
et en gestion, contacts avec des entreprises, partenariats d’affaires,
etc.). Dans le même temps, la banque a fait porter son attention
sur l’amélioration des institutions économiques favorisant la concurrence intérieure
et internationale ainsi que sur un processus de privatisation transparent,
afin d’éviter la création de centres de pouvoir économique marqués
par la collusion et l’inefficacité (ou de contribuer à les démanteler).
48. En matière de focalisation de la BERD sur la privatisation,
la prudence s’impose. Dès 2003, l’ancien Economiste en chef de la
banque, Willem Buiter, avait déjà relevé des difficultés de nature
réglementaire dues aux privatisations en Europe de l’Est, où pour
l’essentiel, contrairement à l’Europe de l’Ouest, il n’y avait pas d’organismes
de régulation avant la privatisation
. De manière plus générale, la politique
de privatisation est très critiquée actuellement, tant du point
de vue scientifique que dans une perspective sociétale. Des organisations
de la société civile, telles que des ONG et des syndicats, sont
plutôt sceptiques du fait des injustices sociales entraînées par
des privatisations brutales
, en particulier pour des secteurs
tels que l’eau, l’accès à l’eau étant un droit fondamental. En Egypte,
des organisations de la société civile ont exprimé des craintes
plus générales suscitées par l’impression que les valeurs fondatrices
de la BERD sont moins importantes que les incitations de la banque
en faveur de la libéralisation et de la privatisation des services publics,
par exemple la fourniture d’eau potable et d’énergie
.
49. S’il est vrai que les similarités sont nombreuses entre le
processus de transition dans le SEMED, d’une part, et celui qui
est à l’œuvre en Europe orientale et dans la CEI, d’autre part,
la BERD a néanmoins reconnu qu’au vu des spécificités dans les institutions
et le développement économique, social et politique, elle devra mobiliser
toute son expertise pour ses interventions dans le SEMED. En particulier,
les entreprises privées présentes dans la région représentent environ
un tiers de la part de ce type d’entreprises implantées dans les pays
d’opérations de la BERD en 1991. Elles ne sont pas concentrées dans
l’industrie lourde et les secteurs à moyenne technologie qui ont
aidé les pays de l’ex-bloc soviétique à s’intégrer aux chaînes d’approvisionnement
mondiales relativement rapidement après le démarrage du processus
de transition. Le fait que l’écart culturel soit plus grand entre
l’Europe de l’Ouest et l’Afrique du Nord qu’il ne l’était avec l’Europe orientale,
et qu’en moyenne le niveau du capital humain soit moins élevé dans
la région du SEMED, n’incitera pas non plus l’Europe de l’Ouest
à délocaliser, ce qui pourrait ralentir la transition vers une croissance économique
durable dans la région. Des obstacles non tarifaires subsistent
encore dans la région, dont la réduction exposera son secteur productif
à des difficultés supplémentaires. Les Evaluations de l’impact durable
de l’Accord de libre-échange que l’Union européenne envisage de
conclure avec des pays de la région montrent que des pans économiques
entiers risquent d’être balayés. Dans le secteur de l’alimentaire,
des boissons et du tabac, selon les prévisions, la production devrait
chuter de 96,9 % en Egypte, de 98,5 % au Maroc et de 94,1 % en Tunisie.
Dans celui du textile, des vêtements, du cuir et de la chaussure,
le recul est vertigineux, avec une chute de 99,7 % en Egypte ainsi
qu’en Tunisie
.
50. Enfin, le contexte économique mondial d’aujourd’hui est différent
de celui du début des années 1990. La longue crise économique dont
nous ne sommes pas encore sortis a limité les possibilités de financement par
des pays donateurs indépendants, en particulier de la zone euro,
et le secteur des entreprises est moins enclin à prendre des risques.
En outre, dans les populations, l’intérêt pour l’économie de marché
s’est beaucoup émoussé par rapport à il y a vingt ans, risquant
ainsi d’alimenter la réticence des populations du SEMED à assumer
les coûts inévitables imposés par la transition. La BERD devra prendre
en considération toutes ces différences lorsqu’elle concevra sa
stratégie d’investissement pour le SEMED. Elle devrait intensifier
son dialogue et sa collaboration avec les syndicats et des organisations
de la société civile afin de rendre justice aux aspirations du Printemps
arabe. Pour mettre à profit la synergie du soutien européen aux démocraties
émergentes du monde arabe, il faudrait intensifier la coordination
entre la BERD, l’Assemblée parlementaire (en tenant compte de son
statut de Partenaire pour la démocratie), la Commission de Venise, mais
aussi l’OCDE et d’autres organismes pertinents.
5.2. La crise alimentaire
et l’investissement de la BERD dans le secteur agroalimentaire
51. Les prix des exportations alimentaires avait déjà
pratiquement doublé entre le début de 2007 et mi-2008, en ce qui
concerne les céréales, les matières grasses et les huiles notamment,
un pic historique des cours qui a cependant été atteint et dépassé
en 2011 et 2012. Bien que les prix aient reflué durant l’hiver,
les cours mondiaux sont demeurés volatils
.
La dynamique des cours durant la période 2010-2012 suggère qu’une réplique
de la crise alimentaire de 2008-2009 n’est pas à exclure, et que
la volatilité des prix va durer encore un certain temps. La demande
en hausse permanente de produits agricoles, en particulier les protéines animales
et les biocarburants, conjuguée aux faibles niveaux des stocks alimentaires,
crée une vive inquiétude au niveau planétaire. On citera aussi le
changement climatique et la disponibilité de terres arables parmi
les contraintes supplémentaires pesant sur la capacité d’exportation,
ainsi que l’absence d’infrastructures de transport efficaces dans
bon nombre de pays producteurs. C’est pourquoi le Rapporteur spécial
des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter,
conclut que les denrées alimentaires et d’autres produits de base
ne devraient pas être abandonnés à la merci des cycles économiques
. Selon les projections, la production
agricole mondiale devra augmenter de près de 70 % au cours des 40
prochaines années pour répondre aux modes de consommation actuels
. Il
serait peut-être utile ici de faire remarquer qu’il faut de nouvelles
règles et mécanismes de coordination pour la production et la distribution
des produits alimentaires.
52. La BERD a placé le phénomène en priorité sur son ordre du
jour car ses pays d'opérations ont été touchés par la crise alimentaire
à la fois au niveau de la consommation et de la production. Dans
bon nombre d’entre eux, les denrées alimentaires représentent 40
% voire plus du panier moyen du consommateur, de sorte que si les
prix continuent d'augmenter, cela peut entraîner de l'inflation
et peser lourdement sur les dépenses contraintes de subsistance.
Les gouvernements des pays d'opérations sont déjà revenus à des interdictions
d'exporter et à un plafonnement des prix pour maîtriser la hausse
des cours des denrées alimentaires ces dernières années. Dans le
même temps, la crise alimentaire pourrait constituer une grande opportunité
pour certains des pays en transition. La Russie et l’Ukraine produisent
aujourd'hui 18 % des céréales exportées dans le monde, et pouvant
potentiellement représenter 50 % des exportations mondiales
.
53. La BERD peut les aider à y parvenir en mettant à leur disposition
son expertise technique dans le secteur et dans le dialogue public-privé,
ainsi que sa capacité à mobiliser des fonds pour le soutien au secteur privé.
Les secteurs prioritaires d'investissement sont les infrastructures,
l'efficacité énergétique et le développement des PME afin d'améliorer
la logistique commerciale des produits agricoles et la gestion du risque
dans ce secteur. En conséquence, elle a intensifié son intervention
dans le secteur agroalimentaire entre 2010 et 2012, et pour la seule
année 2011, elle a ainsi mobilisé 945 millions d'euros. Dans la
même année, elle a également créé une Facilité pour l'investissement
durable dans l'agroalimentaire afin d’améliorer l'efficacité énergétique
dans le secteur et de soutenir des projets durables sur le plan
social et environnemental. Grâce à cette Facilité, elle a investi
200 millions d'euros supplémentaires dans le secteur. Enfin, elle
a lancé l'initiative secteur privé pour la sécurité alimentaire,
avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO), en 2011. Les deux organisations se sont entendues pour partager leurs
connaissances dans le domaine de la recherche et leurs contacts
avec le secteur agroalimentaire afin de répondre à la crise alimentaire
par une plus grande implication du secteur privé, qui est le domaine
d'expertise clé de la BERD. Toutefois, qui dit implication accrue
du secteur privé dit aussi risque de perte de l’autorité des pouvoirs
publics sur son territoire
. Une approche équilibrée est donc
nécessaire.
6. Conclusions
54. La région en transition a connu un ajustement économique
considérable entre 2010 et 2012. La reprise économique soutenue,
alimentée par une hausse des exportations en direction de l’Union
européenne n'a pas duré. L'aggravation de la crise de la zone euro
a éteint les espoirs en matière de croissance et limité la disponibilité
de capitaux en provenance d'Europe de l’Ouest. De plus, les effets
à long terme de la crise (et des programmes d'austérité qui ont
été mis en place à la suite de celle-ci) sur le chômage et le bien-être
des populations des pays d'opérations ont en moyenne sapé l'intérêt
pour la démocratie et la liberté des marchés. Dans le même temps,
le rythme des réformes sur la voie de l'ajustement des institutions
s’est également ralenti. Il serait sage de revoir ces réformes à
la lumière de la nouvelle situation politique et économique.
55. La BERD a réagi aux effets de la crise en augmentant son capital
de 50 %, pour le porter à 30 milliards, et en maintenant un niveau
élevé d'investissement dans ses pays d'opérations, en particulier
dans le secteur financier, les infrastructures et l'énergie. L'expertise
précieuse de cette dernière en matière de financement et pour le
développement du secteur privé dans un contexte de transition a
été reconnue par l'appel à étendre son mandat géographique à la
région du SEMED, lancé par le G8 et le Partenariat de Deauville.
Le défi principal que la BERD aura à relever dans un proche avenir
sera très vraisemblablement d'adapter sa stratégie d'investissement
à ce nouveau contexte caractérisé par d'importantes incertitudes
politiques, sociales et économiques qui ne correspondent pas nécessairement
à l'expérience de la BERD lors de ses investissements en Europe
orientale et en Asie centrale.
56. La lutte contre la crise alimentaire constitue également un
nouveau défi pour la BERD: même si l'investissement dans l'agroalimentaire
a toujours représenté un pan du portefeuille de la banque, son soutien a
atteint des records historiques, faisant de la BERD le premier investisseur
du secteur dans la région en transition. Dans ce nouveau rôle, elle
investira dans l'amélioration de l'ensemble de la chaîne d’approvisionnement,
et en particulier dans les infrastructures de stockage et de transport,
afin de faciliter une plus grande participation de la région aux
échanges mondiaux de denrées alimentaires. Dans le même temps, la
BERD doit encore incorporer la critique du Rapporteur spécial des
Nations Unies sur le droit à l’alimentation.
57. La BERD devra s'assurer que ses opérations permettent à la
région de progresser dans le processus de transition vers plus de
démocratie, de prospérité et de stabilité. Dans le cadre de la nouvelle
grille d’évaluation sur les exigences en matière de transition dans
les pays d’opérations, il conviendrait de s'attacher davantage aux
évolutions institutionnelles liées aux projets financés. En particulier,
la banque devra soutenir une croissance plus inclusive et contrebalancer
les reculs enregistrés durant la crise dans certains de ses pays d'opération
en matière de lutte contre la corruption, de liberté des médias
et de liberté politique.
58. En décembre 2012, la BERD a adopté une nouvelle méthodologie
pour évaluer la conformité de ses pays d’opérations avec les aspects
politiques du mandat de la banque. Les rapports du Conseil de l’Europe, ainsi
que ceux des Nations Unies et de l’OSCE, sont mentionnés en tant
que références pour les évaluations de la banque. Les quatre critères
pour l’évaluation politique sont: gouvernement représentatif responsable; société
civile, médias et participation; Etat de droit et accès à la justice;
droits civils et politiques. La mise en œuvre effective de cette
nouvelle méthodologie – dont nous devrions nous féliciter – conduira
à une prise de mesures concrètes en ce qui concerne les pays qui
n’appliquent pas les principes de la démocratie et de la primauté
du droit. Le Conseil de l’Europe – et en particulier l’Assemblée
– devrait être prêt à coopérer avec la BERD dans l’élaboration et
le suivi de ses évaluations.