1. Introduction
2. Depuis 2010, nous pouvons nous féliciter de la libération
du soldat israélien Shalit et de celles de plus d’un millier de
prisonniers palestiniens. Il est toutefois regrettable que le processus
de paix entre Israéliens et Palestiniens n’ait pas progressé, que
la réconciliation palestinienne plusieurs fois annoncée n’a pas
eu lieu, et que la construction de colonies israéliennes en Cisjordanie
et du «mur de séparation» s’est poursuivie, tout comme les tirs
de roquettes depuis la bande de Gaza vers Israël.
3. Plusieurs événements ont cependant eu un impact sur la situation:
le «Printemps arabe»; la guerre civile en Syrie; la poursuite du
développement du programme nucléaire de l’Iran; la reconnaissance
d’un Etat palestinien par l’Assemblée générale des Nations Unies;
et les dernières élections en Israël. En ce qui concerne l’Assemblée,
un événement marquant a été l’octroi du statut de partenaire pour
la démocratie au Conseil national palestinien en octobre 2011
.
4. Nommé rapporteur en novembre 2011, j’ai eu la possibilité
de me rendre dans la région à l’occasion des réunions de la sous-commission
sur le Proche-Orient de la commission des questions politiques et
de la démocratie, en Jordanie et en Palestine du 6 au 9 avril 2013
et en Israël du 28 avril au 1er mai 2013,
où j’ai recueilli la plupart des informations pour le présent rapport.
5. Nous avons à de multiples reprises précisé que le Conseil
de l’Europe n’était ni l’Union européenne, ni les Nations Unies.
L’Assemblée parlementaire a parfaitement conscience que sa mission
ne consiste pas à résoudre des questions telles que le statut de
Jérusalem, le retour des réfugiés, les frontières entre Israël et
la Palestine ou les colonies israéliennes.
6. L’Assemblée avait cependant créé un forum tripartite avec
la Knesset et le Conseil législatif palestinien pour examiner, au
niveau parlementaire, des questions susceptibles d’améliorer la
vie quotidienne des populations concernées. Le temps a passé et,
malgré la tenue de nombreuses discussions, même cette stratégie
a échoué.
7. La sous-commission sur le Proche-Orient, à laquelle participent
à la fois la délégation d’observateurs israéliens de la Knesset
et la délégation de partenaire pour la démocratie du Conseil national
palestinien, reste néanmoins une voie ouverte dont les deux délégations
peuvent disposer lorsqu’elles l’estiment nécessaire.
8. A mon sens, l’Assemblée devrait, pour sa part, tout en encourageant
et en soutenant toute initiative susceptible de mettre un terme
au conflit, se concentrer sur la mission principale du Conseil de
l’Europe, et tenter d’évaluer l’état de la démocratie, la protection
des droits de l’homme et le fonctionnement de l’Etat de droit au
lieu de se limiter aux aspects politiques du processus de paix.
2. Le Printemps
arabe
9. En octobre 2011, l’Assemblée a adopté la
Résolution 1831 (2011) sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et les
démocraties émergentes dans le monde arabe. Elle se félicite de
l’émergence de régimes démocratiques dans cette région, y souscrit
sans réserve, et reconnaît que «l’Europe doit contribuer à une transition
pacifique vers la démocratie et vers le respect des droits de l’homme
dans les pays arabes concernés, dont certains font partie de son
voisinage immédiat, dans un esprit d’humilité et de respect mutuel, et
empêcher que des régimes militaires ou théocratiques ne se mettent
en place ou qu’une absence prolongée d’autorité ne dégénère en chaos».
10. Dans cette résolution, l’Assemblée estime que «la stabilité
du monde arabe aspirant à la démocratie serait facilitée si une
issue était trouvée aux principaux conflits qui perdurent dans la
région; elle appelle notamment les Israéliens et les Palestiniens
à profiter de l’opportunité créée par les révolutions arabes pour relancer
les négociations de paix, sur la base des principes qu’elle a déjà
énoncés dans sa
Résolution 1700 (2010) sur la situation au Proche-Orient».
12. En outre, elle a tenu six débats selon la procédure d’urgence
sur des questions connexes: le regain de tension au Proche-Orient
en juin 2010, la situation en Tunisie et les violences récentes
à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient en janvier 2011,
la situation en Syrie en avril 2012, la crise de la démocratie en
Egypte en juin 2012 et la réponse européenne face à la crise humanitaire
en Syrie en octobre 2012. A la suite de notre visite dans le camp
de réfugiés syriens à Za’atri (Jordanie), l’Assemblée a tenu en
avril 2013 un débat d’actualité sur les réfugiés syriens en Jordanie,
en Turquie, au Liban et en Irak: comment organiser et soutenir l’aide
internationale.
13. Il convient de souligner qu’aucun drapeau d’Israël ou des
Etats-Unis n’a été brûlé lors des manifestations qui ont marqué
le début du Printemps arabe, celles-ci revendiquant davantage de
démocratie et de respect des droits de l’homme dans les pays concernés.
Aujourd’hui, mi-2013, le moins que l’on puisse dire est que l’optimisme
et les aspirations de la première heure se sont largement atténués.
En Egypte et en Tunisie, des élections démocratiques ont porté au
pouvoir des majorités fondées sur des partis islamiques, au sein
desquelles se livre une confrontation permanente entre des positions
démocratiques et modérées d’une part, et des opinions conservatrices
et traditionnelles d’autre part. En Libye, un conflit armé a chassé
du pouvoir l’ancien dictateur, mais la situation reste instable,
des combats continuant d’éclater occasionnellement entre factions
rivales. Des protestations se sont élevées dans beaucoup d’autres
pays arabes. Tandis que des réformes ont été menées pacifiquement
au Maroc et en Jordanie, la guerre civile en Syrie a fait près de 100 000 morts
et entraîné la fuite de 1,2 million de réfugiés et le déplacement
de plusieurs millions de personnes à l’intérieur du pays.
14. Incontestablement, c’est un chemin long et difficile que celui
ouvert par les grandes mobilisations de masse dans tant de pays
arabes. C’est le rapport entre l’Islam et la démocratie qui est
mis à l’épreuve dans une confrontation qui est importante non seulement
pour la région mais aussi pour l’ensemble de la communauté internationale.
15. Certains de nos collègues ont déploré que dans les pays où
le Printemps arabe a commencé, à savoir en Tunisie et en Egypte,
la situation des femmes et le respect des droits des minorités se
sont détériorés. Un aspect s’est sans aucun doute dégradé, c’est
leur situation économique, en conséquence de la crise qui ravage
l’Europe, mais aussi d’un net recul de la confiance des investisseurs
et du secteur du tourisme compte tenu de l’instabilité sociale et
politique. J’ai appris que le salaire moyen en Egypte était passé
d’environ $US 60 par mois à approximativement $US 35 .
16. Le «Printemps arabe» était inévitable, et il a été un événement
positif en soi, comme nous l’a également indiqué le président de
la Knesset. Il est vrai que le chemin vers la démocratie est long
et parfois difficile, mais il n’est pas question de revenir à une
situation dans laquelle la stabilité est «garantie» par des dictateurs.
Le Conseil de l’Europe – et son Assemblée parlementaire – en tant
que plateforme de dialogue sur la démocratie, les droits de l’homme
et l’Etat de droit, devraient continuer à aider les pays arabes
qui le souhaitent dans leur processus de réforme.
3. Autres développements
récents
17. L’Assemblée parlementaire a décidé d’octroyer le
statut de partenaire pour la démocratie au Conseil national palestinien
(CNP) en octobre 2011. Depuis, la délégation du CNP a participé
très activement aux travaux de la commission des questions politiques
et de la démocratie et de l’Assemblée dans son ensemble.
18. En octobre 2011 également, la Conférence générale a admis
la Palestine comme membre de l’Unesco par 107 voix pour, 14 contre
et 52 abstentions. Enfin, en novembre 2012, l’Assemblée générale
des Nations Unies a accordé à la Palestine le statut d’Etat observateur
non membre par une écrasante majorité de 138 voix pour, 9 contre,
et 41 abstentions.
19. Ces décisions ne modifient pas la situation sur le terrain,
ni ne créent un Etat palestinien là où il n’existe pas encore. Elles
sont toutefois révélatrices de l’important soutien de la communauté
internationale en faveur d’un Etat palestinien indépendant, et de
la reconnaissance des efforts déployés par le Président Abbas et
son équipe.
20. A la suite de sa nomination le 1er février
2013 au poste de Secrétaire d’Etat par le Président Obama, John
Kerry a entrepris de nouvelles initiatives de médiation entre Israéliens
et Palestiniens. Le Président Obama lui-même s’est rendu dans la
région en mars 2013. Lorsque nous avons rencontré le Président Abbas le
7 avril dernier, il s’apprêtait à recevoir le Secrétaire d’Etat
américain un peu plus tard dans la même journée. Pendant que nous
nous entretenions avec Mme Tzipi Livni le 1er mai,
elle a reçu un appel téléphonique de M. Kerry. Cette coïncidence
semble indiquer que l’Administration des Etats-Unis est résolu à
faire avancer la situation, ce qu’a confirmé M. Kerry lui-même en
déclarant espérer relancer à court terme les pourparlers entre Israéliens
et Palestiniens. Le 26 mai 2013, un plan économique conséquent pour
la Cisjordanie a été annoncé par M. Kerry et a été accueilli avec
satisfaction par le Président Abbas et le Président Perez.
21. Dans le même temps, après le voyage de Barack Obama en Israël,
en Palestine et en Jordanie, une série d’importantes initiatives
diplomatiques ont été prises: le rétablissement des relations entre
Israël et la Turquie, sous les auspices du Président Obama; la déclaration
conjointe de John Kerry et de Sergeï Lavrov, Ministre russe des
Affaires étrangères, en faveur de l’organisation d’une conférence
internationale sur la crise syrienne; la réunion à Washington des
ministres des Affaires étrangères des pays arabes; les visites simultanées,
bien que séparées, de Mahmoud Abbas et de Benyamin Netanyahu à Pékin;
la rencontre à Rome de John Kerry avec Tzipi Livni et le ministre
jordanien des Affaires étrangères; et la nouvelle visite de John Kerry
au Proche-Orient pour rencontrer Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahu,
les 21 et 22 mai.
22. Naturellement, l’important n’est pas seulement que les pourparlers
reprennent mais qu’ils aboutissent à des résultats positifs. A ce
propos, les observateurs les plus attentifs signalent de possibles
résultats partiels susceptibles d’indiquer une inversion de tendance
par rapport à ces dernières années et une évolution positive de
la situation. Ces résultats pourraient inclure la fixation de méthodes
de gestion du conflit qui, en l’absence d’une solution définitive
dans cette phase, empêcheraient, néanmoins, le déclenchement de
nouvelles crises majeures – d’ailleurs, lors de sa rencontre avec
la sous-commission, le Président Abbas avait exprimé la crainte
que ne se produise une nouvelle intifada, présentant cette perspective
comme un risque à éviter – ainsi que la création des conditions
nécessaires à l’élaboration d’une nouvelle résolution du Conseil
de sécurité des Nations Unies donnant des lignes directrices détaillées
pour un éventuel accord.
23. Le grand politologue israélien, Shlomo Avineri, a affirmé
qu’il n’y avait aujourd’hui aucune possibilité de conclure un accord
permanent et que, par conséquent, les efforts diplomatiques devaient
se concentrer sur d’autres solutions comme des accords intérimaires,
des mesures pour instaurer la confiance, des démarches même unilatérales
(mais acceptées par les deux parties) et une coopération constante
sur le terrain. Face à la tentative avortée de parvenir à une solution
globale, il faut gérer le conflit en appliquant une politique des
petits pas, tout en maintenant fermement la perspective diplomatique
d’une solution instaurant «deux Etats pour deux peuples». Dans ce
cadre, d’importantes mesures propres à apaiser les tensions peuvent
être définies, comme la libération des prisonniers de longue date,
la réduction des obstacles à la circulation des personnes et des
biens en Cisjordanie et entre la Palestine et Israël, l’octroi d’un
nombre accru de permis de travail en Israël, le réexamen des possibilités
de regroupement familial et une révision de la législation sur le
mariage, la coopération en matière de sécurité et le transfert à
l’Autorité Nationale Palestinienne de certaines parties de la zone C
de Cisjordanie entièrement sous contrôle israélien.
4. Les visites dans
la région
24. Mon prédécesseur, M. Konstantinos Vrettos, a essayé
d’organiser une visite en Israël et en Palestine au printemps 2012
mais cela s’est avéré impossible en raison des changements au Gouvernement
israélien.
25. La sous-commission ne s’était pas réunie dans la région depuis
mars 2001, et elle a entamé en juin 2012 les préparatifs en vue
d’une réunion en Israël et en Palestine. Une première date a été
proposée pour fin novembre mais elle a dû être reportée en raison
de la dissolution de la Knesset et de l’organisation d’élections
législatives en Israël en janvier 2013. Une date a ensuite été fixée
à début avril mais la visite a dû être effectuée en deux temps puisque
la Knesset était à cette occasion en vacances parlementaires.
26. Les deux parties de la visite ont été extrêmement informatives,
et je souhaite remercier toutes les autorités concernées pour leur
coopération
.
4.1. Jordanie et Palestine
(6-9 avril 2013)
4.1.1. Jordanie
27. La visite effectuée dans le camp de réfugiés syriens
de Za’atri nous a tous beaucoup marqués. Environ 140 000 personnes,
pour la plupart des femmes et des enfants, s’y trouvaient lors de
notre visite. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) et les autorités jordaniennes font un excellent travail et
devraient recevoir davantage de soutien de la part de la communauté
internationale. L’unique solution à cette situation serait la fin
de la guerre en Syrie, mais malheureusement rien n’indique qu’elle
puisse intervenir dans un futur proche.
28. Trouver une solution juste et équitable au conflit israélo-palestinien
est un enjeu qui a été qualifié de très important par le président
de la Chambre des représentants de la Jordanie et par la plupart
de nos interlocuteurs jordaniens. Une telle solution devrait accroître
les perspectives de paix et de stabilité dans la région et permettre
le retour des réfugiés palestiniens qui sont allés en Jordanie en
1948, et à nouveau en 1967.
29. Dans ce contexte, la Jordanie est favorable à l’Initiative
de paix arabe initialement proposée en 2002 au sommet de la Ligue
arabe à Beyrouth. Le président de la commission des affaires arabes
et internationales de la Chambre des représentants du Parlement
jordanien a dit espérer que l’Europe agisse également en faveur d’une
solution à deux Etats. Le ministre des Affaires étrangères était
aussi d’avis que l’Europe avait un rôle important à jouer.
30. La Jordanie est, bien entendu, extrêmement attentive à la
situation en Syrie et déplore que la communauté internationale soit
dans l’incapacité de parvenir à un consensus. Malgré l’accord des parlementaires
jordaniens que nous avons rencontrés sur le fait que la Jordanie
devrait continuer à aider les réfugiés syriens, leurs opinions divergent
sur l’attitude à adopter face au conflit. Certains ont déploré le
fait que l’opposition syrienne ne soit pas représentative et ont
exprimé leur crainte de voir des Salafistes s’emparer du pouvoir,
ce qu’ils considèrent comme néfaste pour l’ensemble de la région.
31. En ce qui concerne la situation en Jordanie, des membres du
parlement reconnaissent que la réforme politique a été modeste jusqu’à
présent, tandis que les membres de l’opposition non parlementaire
ont avancé qu’elle était de pure forme et que, pour que le pays
devienne une véritable démocratie, la Constitution devrait être
modifiée.
32. Je voudrais signaler que la sous-commission a obtenu une audience
privée avec Sa Majesté le Roi Abdullah II, audience qui a été très
instructive.
33. Lors de notre réunion avec la commission des affaires arabes
et internationales de la Chambre des représentants, nous avons évoqué
le statut de partenaire pour la démocratie et nous avons laissé
aux membres la documentation pertinente. Je suis heureux d’annoncer
que, à la suite de notre visite, le Président de la Chambre des
Représentants de la Jordanie a manifesté son intérêt pour obtenir
le statut.
4.1.2. Palestine
34. Le Président Abbas a réaffirmé la volonté palestinienne
de parvenir à un accord de paix avec Israël en faveur d’une solution
à deux Etats sur la base des frontières de 1967 avec des échanges
de territoires mutuellement acceptés. Si ce point de départ était
validé par Israël, une conclusion positive pourrait être atteinte.
La même volonté a été exprimée par de nombreux autres interlocuteurs.
35. Tous nos interlocuteurs palestiniens ont accusé l’occupation
de leur territoire par Israël et sa colonisation d’être à l’origine
de l’ensemble des autres problèmes. Tandis que l’occupation de la
Cisjordanie remonte à 1967 et n’avait pas beaucoup changé depuis,
les colonies s’y sont multipliées et plus de 400 000 civils israéliens
(y compris quelques membres du gouvernement actuel) y vivent aujourd’hui.
36. Ces dernières années, du reste, le nombre croissant d’implantations
israéliennes, le vaste réseau de routes et de tunnels établi pour
desservir ces implantations et les relier à Israël et l’avancement
même de la construction du mur ont engendré une configuration de
l’espace véritablement nouvelle qui rend problématique la référence
aux frontières de 1967. C’est aussi pour faire face à cette situation
que, parlant au nom de tous les Etats arabes et espérant une reprise
rapide des négociations, le ministre des Affaires étrangères du
Qatar a évoqué récemment à Washington la possibilité d’un échange
limité de territoires, tout en maintenant fermement les frontières
de 1967.
37. D’après Amnesty International, «l’impact du blocus militaire
israélien de la bande de Gaza, qui est maintenant dans sa sixième
année, sur les infrastructures de base, notamment l'eau, l'assainissement
et l’accès à l’énergie, reste très important»
.
38. Des élections en Palestine sont depuis longtemps nécessaires
mais elles n’ont pas encore été organisées en raison de l’opposition
du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza. Plusieurs accords entre
le Hamas et le Fatah, qui contrôle la Cisjordanie, ont été annoncés
ces dernières années, souvent négociés par l’Egypte, mais ils ne
se sont pas encore concrétisés.
39. La fracture entre le Fatah et le Hamas est également considérée
par Israël comme l’une des raisons qui empêche la tenue de négociations,
ce à quoi les Palestiniens rétorquent que l’instance qui les représente
dans de telles négociations est l’Organisation de libération de
la Palestine (OLP), qui n’est pas concernée formellement par cette
division. Cependant le Hamas n’est pas représenté dans l’OLP.
40. La réconciliation entre le Fatah et le Hamas pourrait garantir,
dans les négociations avec Israël, la présence d’un interlocuteur
palestinien plus influent et fiable, capable, d’une part, de dialoguer
ainsi que de demander et d’assumer des engagements au nom de tous
les Palestiniens et avec l’aval de l’ensemble des pays arabes et,
d’autre part, d’assurer le respect des accords à partir de ceux
conclus jusqu’ici; un interlocuteur qui, tout en revendiquant le
droit du peuple palestinien de fonder son propre Etat, devrait reconnaître
le droit de l’Etat d’Israël de vivre en toute sécurité. C’est pourquoi
il importe que l’accord avec le Hamas, qui n’a pas encore reconnu
ce droit, soit conclu sur des bases transparentes et que son contenu
soit rendu public de manière à ce que chacun, qu’il s’agisse du
peuple palestinien, des Israéliens ou de la communauté internationale,
puisse en mesurer la valeur et la signification par rapport aux
points litigieux qui, depuis longtemps, sont au centre des discussions
et de l’attention internationale.
41. Parmi les autres questions soulevées par les Palestiniens
figuraient la situation des détenus palestiniens dans les prisons
israéliennes, y compris les femmes et les enfants, le recours à
la torture, les détentions administratives, l’absence de contrôle
sur leurs ressources naturelles – en particulier sur l’eau, les
restrictions importantes de leur liberté de circulation à l’intérieur
de leur propre territoire, les villages coupés de leurs champs par
le mur de séparation, et la situation à Gaza. Nous avons également
été informés que les recettes du tourisme étaient bien inférieures
au niveau qu’elles pourraient atteindre si les tour-opérateurs israéliens cessaient
de conseiller aux touristes de ne pas séjourner en Palestine.
42. D’après Amnesty International, «plusieurs centaines de Palestiniens,
dont de très nombreux enfants, ont été arrêtés par l’armée israélienne
dans les Territoires palestiniens occupés. Beaucoup ont été détenus
au secret pendant de longues périodes. La majorité d’entre eux ont
été remis en liberté sans que des poursuites soient engagées, mais
plusieurs centaines ont été inculpées d’infractions liées à la sécurité
et déférés devant des tribunaux militaires qui, bien souvent, appliquent
une procédure ne respectant pas les normes d’équité internationalement
reconnues. Presque tous les détenus palestiniens étaient emprisonnés
en Israël, en violation du droit international humanitaire qui prohibe
le transfert de détenus vers le territoire de la puissance occupante.
Il leur était dans la pratique difficile, voire impossible, de recevoir
la visite de leur famille».
43. Pendant sa visite en Palestine, la sous-commission a interpelé
les autorités israéliennes à propos de la situation de M. Isawi,
détenu palestinien en Israël, qui avait entamé une grève de la faim
et risquait la mort. Son cas a été résolu de manière satisfaisante.
Nous avons également appris que Mme Jarrar, membre de la délégation
palestinienne auprès de l’Assemblée, se trouvait dans l’impossibilité
de voyager afin d’assister aux réunions. Les autorités israéliennes
ont déclaré que cette interdiction se fondait sur le fait que Mme Jarrar
est membre du Front populaire palestinien – qu’elles considèrent
comme une organisation terroriste – et qu’en conséquence son «déplacement
en dehors de la région constituait une menace pour la sécurité publique».
44. Lorsque nous avons demandé à nos interlocuteurs comment les
parlementaires d’Europe pouvaient agir, ils nous ont répondu que
nous devrions veiller à ce que nos gouvernements respectifs reconnaissent
le gouvernement palestinien qui serait élu aux prochaines élections,
même s’il comprenait des membres du Hamas. Selon eux, l’Europe devrait
également interdire les produits fabriqués dans les colonies israéliennes en
Cisjordanie et faire pression sur Israël pour qu’il respecte ses
obligations.
45. Nous avons tenu un échange de vues intéressant avec M. Ahmed
Qurei, qui a joué un rôle clé dans le processus d’Oslo. Il a déploré
la réticence d’Israël à parvenir à un accord. A propos de la flexibilité palestinienne,
il a répondu que les Palestiniens étaient disposés à reconnaître
Israël sur la base des frontières de 1967, à n’accepter que 22 %
de la Palestine historique, à consentir à des échanges limités de
territoires de part et d’autre de ces frontières et à examiner certains
aspects relatifs à Jérusalem et à ses lieux saints, mais qu’ils
n’étaient pas prêts à débattre le fait que Jérusalem-Est devrait
être la capitale de la Palestine.
4.2. Israël (28 avril-1er mai
2013)
46. Avant les réunions de la sous-commission sur le Proche-Orient
les 30 avril et 1er mai, j’ai rencontré séparément
plusieurs personnalités israéliennes et représentants d’organisations
non gouvernementales (ONG) les 28 et 29 avril
. Mes observations se fondent sur
ces entrevues et sur les réunions de la sous-commission.
47. La sous-commission s’est entretenue de manière fructueuse
avec M. Yoel Edelstein, Président de la Knesset, et avec Mme Tzipi
Livni, Ministre de la Justice et responsable des négociations du
processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Elle a assisté
à un dîner intéressant donné par M. Yaakov Peri, Ministre des Sciences
et des Technologies et ancien chef des services secrets israéliens.
Elle a tenu un échange de vues très instructif avec M. Christophe
Bigot, Ambassadeur de France en Israël, a rencontré M. Zeev Elkin,
Vice-ministre des Affaires étrangères adjoint et a tenu des réunions
d’information au ministère des Affaires étrangères et à l’Institut
des études stratégiques nationales. Enfin, elle s’est rendue au
Centre médical Hadassah et au Mémorial de Yad VaShem et son musée
historique de l’Holocauste.
48. L’une des premières observations a été que la question palestinienne
ne semblait pas être prioritaire, que ce soit pour la classe politique
(elle était absente de la campagne électorale) ou pour les Israéliens
en général. Les Palestiniens n’étaient plus considérés comme une
menace pour l’existence de l’Etat d’Israël et la barrière de séparation
était envisagée comme une protection efficace contre les attentats
suicides.
49. Cette absence de priorité explique la divergence d’opinions
sur la question parmi les membres du gouvernement actuel. M. Edelstein,
Mme Livni et M. Peri se sont déclarés très favorables à une solution
à deux Etats, tandis que M. Elkin, qui est un colon, y est semble-t-il
opposé, comme M. Bennett, le Premier ministre adjoint, qui l’a également
fait savoir publiquement. Le Premier Ministre, M. Netanyahu, s’était
déclaré favorable à une solution à deux Etats mais personne n’a
pu expliquer quel était exactement son point de vue sur le sujet. Le
gouvernement actuel a été formé sur la base de la politique intérieure,
non extérieure.
50. Les autres membres de la Knesset que nous avons rencontrés
– deux issus du gouvernement (Yesh Atid) et deux de l’opposition
(Meretz et Parti travailliste) – ont également exprimé leur soutien
à une solution à deux Etats. Nous avons appris qu’entre 60 % et
70 % des Israéliens approuveraient un accord de paix avec les Palestiniens
proposé par le gouvernement. Les Israéliens se méfient toutefois
beaucoup du Hamas, et craignent que cette organisation ne remporte
de futures élections en Cisjordanie. C’est pourquoi ils ont demandé
à ce que tout retrait d’Israël de la Cisjordanie soit accompagné
de garanties de sécurité.
51. Les Arabes sont aussi nombreux que les Juifs entre la Méditerranée
et le fleuve Jourdain, et ils devraient pouvoir vivre en paix les
uns avec les autres. La démographie est toutefois favorable aux
Arabes, ce qui explique pourquoi le statu quo ne peut pas être maintenu.
Les autorités israéliennes subissent alors des pressions pour passer
à l’action. D’un autre côté, la démographie est un processus à long
terme, et certains estiment encore qu’il n’y a pas d’urgence.
52. La visite effectuée à l’unité de cardiologie pédiatrique du
Dr Rein au Centre médical Hadassah de Jérusalem, et l’échange de
vues avec les Docteurs Gavri Sagui et Muriel Haïm, illustrent bien
comment les Israéliens et les Palestiniens peuvent coopérer très
efficacement à différents niveaux, dans l’intérêt d’enfants palestiniens
souffrant de graves pathologies cardiaques qui ont pu être opérés
en Israël.
53. Plusieurs de nos interlocuteurs ont exprimé leur préoccupation
concernant le développement du programme nucléaire de l’Iran, en
particulier le programme d’enrichissement de l’uranium. Des efforts diplomatiques
pour empêcher que ce programme n’aboutisse à l’arme nucléaire semblent
être la meilleure option. Cependant, à défaut, une action militaire
israélienne de prévention serait préférée plutôt que de laisser l’Iran
construire une bombe nucléaire. Le Premier ministre israélien Netanyahu
a fixé, à cet effet, une «ligne rouge» de la capacité nucléaire
de l’Iran.
5. Démocratie, droits
de l’homme et Etat de droit
5.1. Concernant Israël
54. L’une des questions les plus délicates est celle
de la définition et de la demande de reconnaissance d’Israël en
tant qu’Etat juif. Qu’Israël soit «l’Etat national du peuple juif»
apparaît comme un point qui ne souffre aucune remise en question.
C’est là son origine historique et le sens de la résolution qui,
approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 29 novembre 1947,
établissait le droit du peuple juif à fonder son propre Etat. Or,
malgré la violence des conflits qui ont précédé et accompagné sa
création, cet Etat a été conçu comme un Etat démocratique, gouverné
par un parlement librement élu et garantissant aux diverses minorités la
possibilité de vivre ensemble en jouissant des mêmes droits. La
question est de savoir si les affirmations concernant le caractère
juif de l’Etat d’Israël, que les autorités israéliennes ont répétées
avec de plus en plus d’insistance ces dernières années, tendent
à modifier ce principe fondamental. Ce n’est pas là une question abstraite;
il s’agit de savoir si les contradictions que la perpétuation et
l’évolution du conflit ont engendrées en matière de droits de l’homme,
de démocratie et de primauté du droit sont considérées comme des
éléments auxquels il faut remédier ou si elles indiquent une nouvelle
tendance et, au bout du compte, un changement de nature de l’Etat.
55. C’est pourquoi la question de la minorité arabo‑israélienne,
qui constitue environ 20 % de la population d’Israël, est cruciale.
Nombre de ses membres se plaignent d’être soupçonnés de faire le
lit du terrorisme homicide, voire d’en être les complices. Et lorsque
ce ne sont pas les bombes proprement dites qui font peur, c’est
la «bombe démographique» qui est perçue comme une menace pour l’existence
d’Israël. Tout cela a des conséquences sur le plan de l’égalité
des citoyens qui est le fondement même de l’Etat de droit. Quelques
pas positifs importants ont été accomplis comme celui relatif à
la possibilité de faire un service civil donnant ainsi accès à ceux
qui le font aux mêmes avantages que la loi octroie à ceux qui font
un service militaire. Cependant, d’autres démarches devraient être
examinées en ce qui concerne le respect de l’égalité des droits
individuels (tels que la liberté de circulation, la possibilité
de regroupement familial, la législation sur le mariage), ou encore la
reconnaissance des droits des minorités.
56. Une certaine contradiction existe aussi entre le «droit au
retour» accordé à tous les Juifs dans le monde qui souhaitent aller
en Israël et le refus d’un «droit de retour» à ceux des Palestiniens
qui souhaitent revenir là où ils ont vécu jadis.
57. Il semble que l’allocation des ressources financières ne soit
pas équitable. Les Arabes, qui se situent au bas de l’échelle sociale,
ne bénéficient que de 10 % du budget social. Ils représentent 9 %
des membres de la Knesset, 8 % des policiers et 7 % des fonctionnaires.
L’accès des Arabes à la terre est également inégal par rapport aux
Israéliens. Quant à l’accès à l’eau, nous avons été informés que
les colons israéliens utilisaient dix fois plus d’eau que les villages
palestiniens voisins. Cependant, le vice-ministre des Affaires étrangères
nous a informés que des mesures ont été prises pour que les fonctionnaires
arabes progressent dans leur carrière plus rapidement que leurs
collègues juifs de manière à corriger les inégalités. L’OCDE, dans
sa Revue des progrès et développements récents dans le marché du
travail et la politique sociale en Israël, mentionne également des
mesures de discrimination positive dans le domaine de l’éducation.
58. D’après Amnesty International, «plus de 500 checkpoints et
barrages israéliens en Cisjordanie, ainsi que le mur/barrière, entravent
les déplacements des Palestiniens, en particulier dans Jérusalem-Est,
une partie d’Hébron, la vallée du Jourdain et les zones proches
des colonies. Les Palestiniens sont censés obtenir des permis des
autorités israéliennes alors que les Israéliens, y compris les colons,
bénéficient d’une liberté de déplacement dans ces zones. Il y a
des rapports répétés de harcèlement et d'abus de Palestiniens aux checkpoints
par le personnel israélien. Les restrictions de déplacement empêchent
aussi l'accès des Palestiniens aux soins médicaux, à l'eau et aux
terres agricoles.
» Les Israéliens ont tendance à convenir
que ce mur de séparation est discriminatoire vis-à-vis des Palestiniens
et porte préjudice à l’économie palestinienne, tout en affirmant
qu’il est malgré tout nécessaire pour des raisons de sécurité. Les
autorités israéliennes soulignent que sa construction a commencé
en 2003, suite à la deuxième Intifada.
59. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, les forces israéliennes
avaient détruit un grand nombre d’habitations palestiniennes, expulsant
de force les familles et laissant des centaines de personnes sans
abri. Les logements visés ne possédaient pas de permis de construire,
lesquels étant systématiquement refusés aux Palestiniens.
60. D’après Human Rights Watch, «les autorités israéliennes ont
détruit des habitations et des biens par l’application de politiques
discriminatoires dans le Néguev israélien et en Cisjordanie, ont
harcelé des manifestants non violents et ont construit des colonies
illégales en territoire occupé»
.
5.2. Concernant la Palestine
61. L’Assemblée parlementaire est en train d’évaluer
le statut de partenaire pour la démocratie du Conseil national palestinien
et je ne souhaite pas interférer avec le rapport en cours d’élaboration
par mon collègue M. Tiny Kox (Pays-Bas, GUE). Cela étant dit, je
dois examiner certains aspects de la démocratie, des droits de l’homme
et de l’Etat de droit en Palestine.
62. D’emblée, il faut distinguer la situation en Cisjordanie,
où la corruption est combattue par les autorités et où le statut
des femmes est protégé, et celle dans la bande de Gaza, où les droits
de l’homme sont bafoués par le Hamas.
63. Le fait d’inclure les auteurs d’attentats suicides parmi les
martyrs palestiniens, et donc de les présenter comme des exemples,
nuit à la culture de la paix et devrait être évité. Nous avons rencontré
une femme qui, malgré sa douleur, semblait fière que ces cinq fils
aient été soit tués par Israël, soit emprisonnés pour purger des
peines de réclusion à perpétuité pour terrorisme.
64. D’après Human Rights Watch, «en Cisjordanie, l’Autorité palestinienne
menée par le Fatah a procédé à des détentions arbitraires et aurait
torturé des détenus. A Gaza, le Hamas s’est livré à des violations analogues,
ainsi qu’à des exécutions à la suite de procès inéquitables. Des
groupes armés à Gaza ont effectué des tirs non ciblés de roquettes
en Israël, tuant des civils, et ont sommairement exécuté des Palestiniens accusés
d’espionnage pour le compte d’Israël»
.
En novembre 2012, des hommes armés ont tué sept détenus palestiniens
accusés de collaboration avec Israël. Une vidéo a été diffusée montrant
l’un des corps traîné par une moto. Le gouvernement de Gaza n’a
apparemment même pas ouvert l’enquête promise sur ces événements.
65. Des plaintes ont été émises concernant l’arrestation et la
condamnation de blogueurs et de journalistes en Cisjordanie pour
avoir critiqué l’Autorité palestinienne ou son Président, M. Abbas
.
66. Pour de nombreux Palestiniens, l’occupation est à l’origine
de tous leurs maux. Il convient cependant de dire que la fin de
l’occupation ne transformerait pas tous les maux en bienfaits. Elle
marquerait le début d’un long chemin pour les Palestiniens, comme
c’est le cas aujourd’hui pour un si grand nombre d’autres pays arabes.
6. Conclusions
et recommandations
67. Les négociations de paix entre Israël et la Palestine
n’ont manifestement pas progressé ces dernières années. La situation
aurait même plutôt empiré depuis que l’Assemblée a, pour la dernière
fois, examiné un rapport sur la situation au Proche-Orient, en janvier
2010.
68. Nombreux étaient les membres de la sous-commission à ne pas
être optimistes à l’issue de nos visites. Le blocage des négociations
et l’aggravation de la situation sur le terrain ont amené plusieurs
groupes, tant israéliens que palestiniens, à juger impossible la
solution reposant sur le principe «deux peuples, deux Etats» et
à demander l’abandon de l’orientation fondée sur la séparation.
Je pense, au contraire, que cette solution «deux peuples, deux Etats»
reste la seule possible pour parvenir à un accord de paix et mettre
fin au conflit.
69. J’estime, cependant, qu’il faut écouter et prendre en considération
les arguments de ceux qui critiquent cette option. Ils témoignent
d’une profonde défiance qui ôte aux perspectives de paix leur crédibilité
et leur dynamisme. Il est certain que cette position est influencée
par les problèmes concrets que l’extension des colonies et la construction
du mur ont eus comme impact sur le concept de continuité territoriale
qui est l’une des conditions de l’existence d’un Etat. Par ailleurs,
la critique du principe de la «partition» exprime aussi la conscience
du fait que les Juifs et les Palestiniens continueront de vivre
ensemble sur le minuscule territoire de la Palestine historique.
70. Les vies, les droits et les cultures des Palestiniens et des
Juifs sur ce territoire sont, en effet, profondément imbriqués et
pratiquement indissociables. Paradoxalement, le développement des implantations
a rendu cette réalité encore plus tangible, créant une nouvelle
géographie. A l’avenir, il sera difficile, voire impossible, de
faire réellement la distinction entre les Palestiniens qui seront
citoyens du nouvel Etat palestinien et ceux qui ont choisi de rester
citoyens israéliens et de revendiquer, à ce titre, leurs propres droits
individuels et collectifs. Il est possible aussi d’entrevoir un
phénomène analogue à l’avenir pour la minorité juive qui, de la
même manière, continuera de vivre dans un Etat palestinien. On ne
pourra éviter, à ce stade, d’affronter, outre les problèmes que
pose le statut, ceux qui sont liés aux normes, c’est-à-dire à la nécessité
de garantir à tous, Arabes ou Juifs, citoyens israéliens ou palestiniens,
la jouissance de ces biens essentiels que l’on appelle le respect
des droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit.
71. C’est pourquoi à l’expression «deux peuples, deux Etats»,
il convient d’ajouter «deux Etats démocratiques et pluralistes».
72. C’est précisément dans ce domaine que le Conseil de l'Europe
et son Assemblée parlementaire peuvent apporter leur contribution
spécifique en favorisant le dialogue et le débat, en premier lieu
entre les représentants des parlements respectifs, et en mettant
à leur disposition l’expérience et les compétences qui sont les
leurs. Il s’agit d’une contribution qui peut intervenir avant qu’un
accord de paix ne soit conclu afin de rétablir cette confiance qui
est nécessaire à la réussite de toute négociation. Mais il s’agit
aussi d’une contribution qui pourra se prolonger au-delà, étant
entendu que l’accord de paix pour la conclusion duquel nous voulons
tous nous mobiliser ne sera que le commencement d’un long processus
de réconciliation et d’assainissement d’un territoire contaminé
par tant de haine distillée durant des décennies de conflits et d’opposition.
73. Alors que les Israéliens déclarent être prêts à entamer des
négociations sans conditions préalables, les Palestiniens refusent
cette idée qu’ils considèrent comme une perte de temps et demandent
à Israël de geler la construction de colonies en Cisjordanie pour
prouver ses bonnes intentions. Les signaux envoyés par Israël à
ce sujet sont très difficiles à interpréter: le 7 mai 2013, M. Netanyahu
a donné l’ordre au ministre du Logement de ne pas donner suite aux
appels d’offre pour 3 000 nouvelles habitations en Cisjordanie;
deux jours plus tard, un permis a été accordé pour construire près
de 300 nouveaux logements dans une colonie à proximité de Ramallah,
et le 16 mai 2013, le gouvernement a pris des mesures pour autoriser
quatre nouvelles colonies juives en Cisjordanie.
74. Il reste, à mon sens, des raisons d’être optimistes. Je pense
également que l’Europe devrait renforcer son rôle dans la région.
75. L’Assemblée parlementaire, pour sa part, devrait continuer
à promouvoir le dialogue et la confiance entre les représentants
de la Knesset et du Conseil national palestinien, en particulier
dans le cadre de la sous-commission sur le Proche-Orient de sa commission
des questions politiques et de la démocratie, mettre à la disposition
des deux instances représentatives sa propre expérience dans le
domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de
droit, et poursuivre ses efforts visant à établir des contacts avec
d’autres parlements dans la région, notamment en Egypte et en Jordanie,
en vue d’examiner l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie
à ces parlements.