1. Introduction
1. La République de Moldova est devenue membre du Conseil
de l’Europe le 13 juillet 1995 et est sous procédure de suivi depuis
1996. Plusieurs résolutions ont été adoptées par l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe depuis lors, en particulier la
Résolution 1572 (2007) sur le respect des obligations et des engagements de
la Moldova. Les corapporteurs ont effectué plusieurs visites d’information
en 2009 et 2010 (menant à l’adoption de la
Résolution 1666 (2009) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
et de la
Résolution 1692
(2009) sur le fonctionnement des institutions démocratiques:
mise en œuvre de la
Résolution
1666 (2009). Les résolutions de 2009 portaient essentiellement sur
les événements d’avril 2009 et l’impasse constitutionnelle résultant
de l’incapacité du parlement à élire le Président de la République.
2. Après une première visite à Chişinău et à Comrat en mars 2011
, nous avons effectué une seconde visite
d’information en République de Moldova du 28 novembre au 1er décembre
2011
, puis une troisième visite
du 15 au 19 octobre 2012, au cours de laquelle nous nous sommes
rendus en République de Moldova, y compris dans sa région transnistrienne.
Notre objectif était de nous concentrer sur la mise en œuvre des
Résolutions 1572 (2007),
1666 (2009) et
1692 (2009), la situation concernant l’élection du Président de
la République et d’autres sujets d’actualité, tels que la réforme
de la justice, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée,
la législation et autres mesures visant à combattre la discrimination
et, enfin, les derniers développements dans la région transnistrienne
de la République de Moldova
.
3. Nous souhaiterions exprimer nos remerciements à la délégation
moldave auprès de l’Assemblée parlementaire et aux autorités moldaves
pour leur excellente coopération et leur chaleureuse hospitalité.
Au cours de nos visites, nous avons eu l’occasion de tenir des réunions
à haut niveau, y compris avec M. Nicolae Timofti, Président de la
République, M. Marian Lupu, alors Président du Parlement, M. Vladimir
Filat, alors Premier ministre, M. Iuri Leanca, ministre des Affaires
étrangères et européennes de l’époque, M. Vlad Plahotniuc, alors
Premier Vice-président du Parlement, les représentants des partis
politiques, ou encore avec des représentants de haut niveau de la
justice et des organes chargés de faire respecter la loi, le Conseil
de coordination de l’audiovisuel, ainsi que les Médiateurs de Chişinău
et Tiraspol, des représentants des médias et d’organisations non
gouvernementales (ONG). Le soutien de M. Akhundlu, Chef du Bureau
du Conseil de l’Europe à Chişinău, a été très appréciable dans la
mesure où il a facilité nos rencontres.
4. Nos contacts avec les Ambassadeurs d’Allemagne, de Pologne,
de Roumanie, de Russie, de Suède et d’Ukraine ainsi qu’avec la délégation
de l’Union européenne, la mission de l’Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE) à Chişinău et le Programme des
Nations Unies pour le développement (PNUD) ont été également très
utiles à la compréhension de la situation politique actuelle en
République de Moldova.
5. Le présent rapport – le premier rapport de suivi complet depuis
2007 – examine les progrès réalisés par la République de Moldova
et identifie les questions qui restent à traiter par les autorités.
Dans ce contexte, nous aimerions souligner la coopération sans faille
de l’ensemble des autorités et leur volonté de respecter les normes
du Conseil de l’Europe. L’adoption par le Parlement, en juillet
2012, d’un «Plan d’action sur le respect, par la République de Moldova,
de ses engagements vis-à-vis du Conseil de l’Europe»
marquait une étape importante pour
la définition de repères et d’orientations d’actions futures. Elle
reflète la détermination des autorités à aller de l’avant dans ce
processus.
2. Coopération
internationale
6. La République de Moldova, qui compte 3,6 millions
d’habitants, reste l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Selon
l’indice 2013 de liberté économique, qui couvre 183 pays, la République
de Moldova arrive en 115e position –
traduisant une légère amélioration depuis 2011, date à laquelle
le pays occupait la 120e place. La note
de la République de Moldova en termes de liberté économique est
de 55,5 (55,7 en 2011). L’indice de développement humain du PNUD
classe la République de Moldova en 113e position
sur 187 pays aux données comparables
.
7. L’Alliance pour l’intégration européenne, arrivée au pouvoir
en 2009, est déterminée à accélérer le processus d’intégration européenne,
l’un des objectifs fondamentaux de sa politique. La République de Moldova
participe au volet du partenariat oriental de la politique de voisinage
de l’Union européenne; l’aide financière accordée par l’Union européenne
a été considérablement augmentée entre 2006 (25 millions d’euros)
et 2012 (122 millions euros), le pays bénéficiant du soutien le
plus élevé de tout le voisinage de l’Europe (41 euros par habitant).
Selon le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, l’augmentation
de l’assistance bilatérale de l’Union européenne de 30 % en 2012
témoignait de la reconnaissance des progrès importants accomplis
par le pays sur la voie des réformes
. Le 14 juin 2013, l’Union européenne
a octroyé à la République de Moldova une aide financière pour la
réforme judiciaire (60 millions d’euros) et la mise en œuvre de
l’accord qui la lie à l’Union européenne (30 millions d’euros).
8. En mars 2013, la République de Moldova est parvenue au terme
des négociations d’un accord d’association, comprenant notamment
des dispositions sur la création d’une zone de libre-échange approfondi et
complet avec l’Union européenne. La deuxième phase du plan de libéralisation
des visas devrait être mise en œuvre en 2013
.
La libéralisation du régime des visas aura un impact direct sur
la vie quotidienne des citoyens, notamment dans un pays où les transferts
de fonds des migrants, vivant principalement en Russie et en Italie,
représentaient 23,2 % du PIB en 2010 (et jusqu’à 36 % en 2007) et
ont des effets positifs considérables sur la stabilité économique
en République de Moldova
.
9. Dans le même temps, le pays a renforcé ses liens économiques
en direction de l’Est. Le 27 septembre 2012, le Parlement a ratifié
l’accord de libre-échange au sein de la Communauté des Etats indépendants
(CEI), prévoyant une exemption de taxes pour les importations et
les exportations de plusieurs produits entre les Etats membres de
la CEI.
10. Le groupe communiste au Parlement de la République de Moldova
a souhaité l’adoption d’une loi sur la création de l’Union économique
eurasienne et l’organisation éventuelle d’un référendum sur l’adhésion
de la République de Moldova à l’union douanière regroupant la Russie,
le Bélarus et le Kazakhstan. En 2012, le parti social démocratique
de la République de Moldova a réuni plus de 231 000 signatures de
citoyens moldaves en faveur d’un tel référendum, le nombre minimum
de signatures requis étant de 200 000. Cependant, la Commission
électorale centrale a invalidé 197 954 signatures sur 231 978.
11. Le 27 août 2013, la République de Moldova avait ratifié 81
traités du Conseil de l’Europe et avait procédé à la signature de
15 autres sans ratification. Depuis 2009, la République de Moldova
a ratifié, entre autres:
- la
Convention sur la cybercriminalité (STE n° 185) le 12 mai 2009;
- la Convention sur l'information et la coopération juridique
concernant les «Services de la Société de l'Information» (STE n°
180) le 19 mars 2010;
- le Protocole additionnel à la Convention pour la protection
des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère
personnel, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières
de données (STE n° 181) le 28 septembre 2011;
- la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle
en matière fiscale (STE n° 127) le 24 novembre 2011;
- la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201,
«Convention de Lanzarote») le 12 mars 2012;
- le deuxième Protocole à la Convention européenne d’entraide
judiciaire en matière pénale (STE n° 182) le 26 décembre 2012.
12. Nous tenons à féliciter la République de Moldova pour ces
réalisations, ainsi que pour sa participation active au réseau parlementaire
«Un sur cinq»
qui promeut la ratification et la
mise en œuvre de la Convention de Lanzarote.
3. Fonctionnement
de la démocratie
3.1. Résultats des élections
législatives anticipées de 2009
13. Le 5 avril 2009, des élections législatives se sont
déroulées (elles ont été suivies de violents incidents les 7 et
8 avril 2009)
. En raison de l’incapacité du Parlement
à élire le Président de la République (qui suppose une majorité
des trois cinquièmes) le 20 mai et le 3 juin 2009, de nouvelles
élections législatives ont été organisées le 29 juillet 2009. Une
fois encore, le parlement n’a pas été en mesure d’élire le Président
de la République le 10 novembre 2009 et le 7 décembre 2009. La proposition
du Parti des communistes de la République de Moldova (PCRM) d’amender
la Constitution pour élire le Président au Parlement en trois tours (avec
61, 57 et 52 voix) a été rejetée par le parlement. L’initiative
de l’Alliance pour l’intégration européenne d’organiser des élections
présidentielles au suffrage direct à l’échelle du pays a été soumise
à référendum le 5 septembre 2010. Ce référendum s’est toutefois
lui aussi soldé par un échec en raison d’un taux de participation
insuffisant (30,29 %, au lieu des 33 % requis). Le 29 septembre
2010, M. Mihai Ghimpu, Président par intérim de la République de
Moldova, a dissous le parlement et signé un décret appelant la tenue d’élections
législatives anticipées le 28 novembre 2010.
14. La Mission internationale d’observation des élections (MIOE),
incluant une délégation de l’Assemblée
forte de 24
membres, a conclu que les élections législatives anticipées du 28
novembre 2010 «ont respecté la plupart des engagements pris vis-à-vis
de l’OSCE et du Conseil de l'Europe … elles [ont] été gérées de manière
transparente et impartiale et la diversité des candidats [a] permis
aux électeurs de faire un véritable choix. Cependant, l’instauration
d’un nouveau système de répartition des sièges – peu avant les élections
(5 mois avant) et sans concertation publique – a posé problème.
La qualité des listes électorales est restée un point faible et
a eu un effet préjudiciable sur la confiance de l’opinion publique.
Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements
qui subsistent et renforcer la confiance de l’opinion publique».
15. Quatre partis ont franchi le seuil des 4 %, en l’occurrence:
- le Parti des communistes de
la République de Moldova (PCRM): 39,3 % des voix (42 sièges)
- le Parti libéral démocrate de la République de Moldova
(PLDM): 29,4 % des voix (32 sièges)
- le Parti démocrate de la République de Moldova (PDM):
12,7 % des voix (15 sièges)
- le Parti libéral de la République de Moldova (PLM): 10 %
des voix (12 sièges)
16. Par la suite, un gouvernement pro-européen formé par l’Alliance
pour l’intégration européenne (AIE) (et comprenant le PLDM, le PDM
et le PLM) a été créé. L’AIE (forte de 59 membres au parlement)
ne dispose toutefois pas de la majorité qualifiée requise pour l’élection
du Président.
3.2. Election du Président
de la République: la fin d’un blocage de trois ans
17. Dans nos précédentes notes d’information, nous avons
exposé dans le détail les développements concernant l’élection du
Président de la République depuis 2009
. Pour résumer brièvement
les derniers faits importants, nous mentionnerons que, sur la base
du «Mémoire
amicus curiae sur
trois questions concernant l’article 78 de la Constitution de la
République de Moldova et l’élection du Président»
adopté par
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) en juin 2011, la Cour constitutionnelle a établi le 20
septembre 2011 que les dispositions de la Constitution concernant
l’élection du Président ne pouvaient être modifiées par une loi
organique. Dès lors, la Cour constitutionnelle a stipulé que le
Président de la République devait être élu par 61 voix au minimum,
dans le cadre d’un scrutin à deux tours. A défaut, le parlement
serait dissous et de nouvelles élections législatives auraient lieu.
18. L’élection du Président par le Parlement a ensuite été planifiée
en novembre 2011. A cette époque, trois parlementaires communistes
– dont M. Igor Dodon, qui créera par la suite le Groupe socialiste
– avaient décidé de quitter leur groupe parlementaire, ouvrant ainsi
la possibilité d’atteindre la majorité requise mais l’élection présidentielle
n’a pu avoir lieu faute de candidats. Un autre vote a été organisé
en décembre 2011. M. Marian Lupu, seul candidat, n’a obtenu que
58 voix au premier tour. La Cour constitutionnelle a toutefois conclu
le 12 janvier 2012 à une violation du secret électoral (des parlementaires
ayant montré ostensiblement leur bulletin de vote) et décrété l’inconstitutionnalité
de ce scrutin.
19. Au printemps 2012, la coalition a envisagé la tenue d’un référendum
en vue de modifier la Constitution et de simplifier la procédure
d’élection du Président. Le Parti des communistes a cependant estimé
que la Constitution ne pouvait être modifiée par référendum, organisé
des manifestations hebdomadaires de protestation et lancé une campagne
contre le référendum constitutionnel proposé. Finalement, après l’abandon,
par la coalition au pouvoir, du projet de référendum, le Parti des
communistes a affirmé qu’étant donné ses échecs successifs en matière
d’élection présidentielle, le parlement devait être déclaré «illégitime»; les
communistes ont alors décidé de boycotter les sessions plénières
du parlement et demandé un processus accéléré d’organisation des
élections.
20. Le 24 février 2012, M. Vlad Filat, Premier ministre, a annoncé
que le Parti libéral démocrate, le Parti démocrate et trois socialistes
soutiendraient la candidature de Mme Veronica Bacalu, ex-Vice-Gouverneur
de la Banque centrale de la République de Moldova et actuellement
Chef de division adjointe au Département «Moyen-Orient et Asie centrale»
au Fonds monétaire international (FMI). Cependant, M. Ghimpu, chef
du Parti libéral, n’a pas soutenu cette proposition. M. Ghimpu a
déclaré ne pas être au courant de contacts entre l’Alliance pour
l’intégration européenne (AIE) et le «groupe Dodon»; il a ajouté
qu’il se sentait trahi et qu’il ne pouvait pas soutenir une candidate
inconnue de la société. Cela a conduit le parlement à différer,
une fois de plus, la date de l’élection présidentielle. M. Lupu
a menacé de demander à la Cour constitutionnelle de se prononcer
sur l’éventualité d’une dissolution du parlement si ce dernier ne
parvenait pas à fixer la date de l’élection dans un proche avenir.
Le 7 mars 2012, le parlement a décidé de fixer la date d'une nouvelle
élection présidentielle au 16 mars 2012.
21. Le 16 mars 2012, M. Nicolae Timofti, ex-Président du Conseil
supérieur de la magistrature, a été élu Président de la République
avec 62 voix. Nous félicitons le parlement moldave pour cette élection,
car nous avions souligné à maintes reprises son importance pour
garantir la séparation des pouvoirs, éviter des élections législatives
anticipées à répétition et poursuivre le processus de réforme si
indispensable.
3.3. Conséquences politiques
de «l’accident de chasse» du 23 décembre 2012
22. La vie politique a été marquée dernièrement par les
conséquences de l’affaire
de
«l’accident de chasse», survenu le 23 décembre 2012. Un homme d’affaires
a été abattu accidentellement dans la réserve naturelle Padurea
Domneasca, dans le district de Falesti. Plusieurs hauts responsables
de l’Etat (dont le Procureur général, M. Valeriu Zubko), des juges
et des membres des services secrets moldaves participaient à cette
partie de chasse. Toutefois, ce n’est que le 6 janvier 2013 que
l’accident est rendu public par le Directeur du Mouvement anti-mafia,
M. Sergiu Mocanu, alimentant de nombreuses spéculations sur le fait
de savoir si l’information a été cachée par le parquet, si la victime
a eu accès à des soins médicaux appropriés, etc. Cet événement a
mis au jour des dysfonctionnements au sein de certaines institutions
de l’Etat et provoqué de graves tensions politiques parmi les partis
de la coalition au pouvoir. Ses principales conséquences sont résumées
ci-après:
22.1. Une fois divulguée
l’information sur l’accident, une commission
d’enquête parlementaire a été créée
qui conclut, dans son rapport rendu le 14 février 2013, que la partie
de chasse était illégale et déclare que «les défaillances des organes
chargés de faire respecter la loi, qui ont contribué à couvrir le
crime, témoignent clairement du mauvais fonctionnement des institutions
démocratiques en Moldova, (…) L’affaire a révélé de graves dysfonctionnements
du dispositif de poursuite public mettant en jeu son indépendance
fonctionnelle (au sein du système) et institutionnelle (à l’égard
de facteurs extérieurs, y compris politiques) (…). La façon dont
les organes de l’Etat ont tenté de couvrir l’accident survenu à Padurea
Domneasca prouve que les institutions publiques ont servi l’intérêt
de certains dirigeants politiques au détriment de l’intérêt général».
La commission a recommandé «le limogeage de tous les dirigeants
publics impliqués dans l’accident ou l’organisation illégale de
la partie de chasse»; «l’adoption, par le ministère public et le
Conseil supérieur de la magistrature, de mesures appropriées, et
la modification du cadre juridique relatif à plusieurs ministères
et organes chargés de faire appliquer la loi, ainsi qu’au parquet»
.
22.2. La crise a entraîné le remaniement du gouvernement: le
13 février 2013, le Parti libéral démocrate de M. Filat annonce
son départ de la coalition au pouvoir ou la renégociation des termes
de l’alliance. Le 5 mars 2013, une motion de défiance est votée
avec le soutien des Communistes, de certains membres du Parti démocrate
et de parlementaires indépendants, provoquant la démission du gouvernement.
Le 7 avril, à l’issue de difficiles négociations entre les membres
de l’alliance, le Président Timofti propose la candidature de M.
Filat au poste de Premier ministre. En tant que chef de file des libéraux,
M. Ghimpu fait savoir qu’il ne votera pas pour M. Filat; sept députés
libéraux (sur 12) décident de former un comité de réforme du parti
libéral pour en renouveler la direction et apportent leur appui
à la candidature de M. Filat. Le 10 avril 2013, le Président propose
ce dernier comme Premier ministre. Toutefois, le 22 avril, la Cour
constitutionnelle annule le décret présidentiel, faisant valoir
que, lorsqu’un gouvernement est relevé de ses fonctions par une
motion de défiance sur des allégations de corruption, la Constitution
fait obligation au Président de la République de nommer un Premier
ministre par intérim parmi les membres du gouvernement dont l’intégrité
n’a pas été mise en cause.
22.3. La loi sur les attributions du Premier ministre et du
gouvernement en exercice est adoptée le 3 mai et promulguée le 9
mai 2013. Le 18 mai, la Cour constitutionnelle décide qu’il est
contraire à la Constitution d’élargir les responsabilités du Premier
ministre et du gouvernement en exercice, avant de déclarer que le
décret présidentiel révoquant le Vice-Premier ministre, M. Mihai
Moldovanu, le ministre des Transports et de l’Infrastructure routière,
M. Anatol Salaru, et le chef de l’agence publique Moldsilva, M.
Ion Cebanu – tous nommés par le parti libéral – est illégal.
22.4. Au niveau du parlement, le 14 février 2013, le ministre
de l’Intérieur (PLDM) annonce, après maintes spéculations, que le
premier vice-président, M. Vlad Plahotniuc (DP), figure ou a figuré
sur la liste des personnes à surveiller par Interpol. Par la suite,
le 18 février 2013, le parlement supprime le poste de premier vice-président
(créé en 2009) par 73 voix (de parlementaires PLDM, PCRM et indépendants).
Le 26 avril 2013, M. Marian Lupu (DP) est démis de ses fonctions
de Président du Parlement et M. Igor Corman élu à sa succession.
22.5. Après que M. Zubko a finalement démissionné de ses fonctions
le 18 janvier 2013, un nouveau procureur, M. Corneliu Gurin, est
élu en avril 2013. Son élection est cependant contestée pour raison de
forme. La commission d’enquête ad hoc mise en place à l’initiative
du PCRM et du PLDM, constate que la nomination de M. Gurin en tant
que Procureur général est entachée de vices de procédure, notamment
un nombre insuffisant de voix (49 au lieu des 51 obligatoires).
Il est aussi établi que M. Gurin ne remplit pas les conditions requises
pour devenir Procureur général (à savoir 15 ans d’expérience professionnelle
dans des activités liées au ministère public). De ce fait, le 3
mai 2013, ce dernier est démis de ses fonctions par 65 votes (du
PCRM, PLDM et de groupes socialistes). Pourtant, le 20 mai, la Cour
constitutionnelle valide l’élection, considérant que les députés
présents formaient une majorité suffisante (49 députés sur 95 étaient
présents lors du vote). La Cour annule la décision du parlement
de révoquer le procureur nouvellement nommé et réintègre M. Gurin
dans ses fonctions. Contre toute attente, la Cour déclare aussi
que le parlement a violé l’article 2.2 de la Constitution (qui interdit d’usurper
les pouvoirs de l’Etat) en décidant d’invalider la nomination de
M. Gurin
.
22.6. Mi-février 2013, le Centre national contre la corruption
ouvre toute une série d’enquêtes, notamment contre trois ministres
PDLM (les ministres des Finances, de la Culture et de la Santé)
et le chef de l’Inspection des impôts, M. Nicolae Vicol, appartenant
aussi au Parti libéral démocrate. Le 3 mai 2013, le parlement adopte
des amendements à la loi n° 106 relative au Centre national contre
la corruption, dont il transfère le contrôle, qui relevait
du parlement, au gouvernement – annulant la précédente réforme qui
avait renforcé l’autonomie et l’indépendance institutionnelles du
Centre, et était considérée comme un progrès.
22.7. Par ailleurs, au cours de cette crise politique, des lois
fondamentales ont été examinées de façon précipitée pour satisfaire
visiblement les intérêts particuliers de certains partis. A la mi-avril
2013, le parlement décide une révision hâtive du Code électoral
afin d’instaurer, sans large concertation ni consultation de la
Commission de Venise, un système électoral mixte (selon lequel 50 %
des membres du parlement seraient élus au scrutin de liste). La
procédure d’adoption accélérée du Code électoral a soulevé un certain
nombre de questions. Une commission parlementaire ad hoc a évalué
les effets de cette législation (qui aurait notamment empêché le
vote des citoyens habitant la région de Transnistrie de la République
de Moldova), amenant le parlement à annuler, le 3 mai 2013, sa décision
précédente, sauf la disposition concernant le relèvement du seuil
électoral
.
22.8. Le parlement a aussi cherché à modifier la loi relative
à la Cour constitutionnelle de manière à permettre le licenciement
de tout juge qui ne jouirait plus de sa confiance. Adoptée le 3
mai, cette loi a suscité de vives réactions de la part du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, du Président de l’Assemblée parlementaire,
du Président de la Commission de Venise et de l’Union européenne.
Le Président de la République, M. Timofti, a décidé de ne pas la
promulguer et de la renvoyer au parlement.
22.9. Le 30 mai 2013, le Président Timofti nomme M. Leanca,
ancien ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration européenne,
Premier ministre, mettant fin à une crise politique de cinq mois
et évitant ainsi des élections parlementaires anticipées.
23. Pour conclure, nous ne pouvons que noter que l’affaire de
«l’accident de chasse» a non seulement provoqué une crise politique
et la révision des termes de l’accord entre les partenaires de la
coalition, mais aussi mis au jour les dysfonctionnements des institutions
de l’Etat, leur proximité avec des partis politiques et/ou des personnalités
politiques de premier plan, et l’utilisation de la procédure législative
comme instrument de négociation politique entre les membres de la
coalition, au détriment de la qualité du processus de décision. Elle
a entraîné l’annulation, le rejet ou la non-promulgation d’un certain
nombre de lois. Il est regrettable qu’une telle crise ébranle une
nouvelle fois la bonne gestion des affaires publiques et la confiance
des citoyens dans les institutions de l’Etat.
3.4. Révision de la
Constitution
24. Dans le contexte politique actuel, aucun parti politique
ne peut espérer réunir seul la majorité parlementaire des trois
cinquièmes nécessaire pour élire le Président. Même au sein de la
coalition au pouvoir, les avis divergent et plusieurs fortes personnalités
sont en concurrence. En conséquence, et conformément à l’Avis de
la Commission de Venise
et à l’arrêt de la Cour constitutionnelle
du 20 septembre 2012, des modifications des dispositions pertinentes
de la Constitution, reposant sur un large consensus, s’avèrent indispensables
pour éviter à l’avenir une autre impasse constitutionnelle. Il convient
de les adopter rapidement de manière à pouvoir les mettre en œuvre
après les prochaines élections législatives régulières. Nous avons par
conséquent encouragé les autorités moldaves à prendre les mesures
nécessaires pour préparer la révision de la Constitution, avec l’assistance
de la Commission de Venise.
25. Nous avons compris de nos réunions avec les dirigeants du
groupe politique que la révision de la Constitution ou l’élaboration
d’une nouvelle constitution n’étaient pas envisageables. Nous avons
cependant insisté pour que les parlementaires, dont les mandats
arrivent à expiration en 2014, révisent dès à présent l’article
78 de la Constitution afin d’éviter une nouvelle impasse. Il sera
toutefois difficile de parvenir à un consensus, les partis politiques,
y compris au sein de la coalition au pouvoir, ne partageant pas
les mêmes vues sur les compétences du Président ou les modalités
de son élection. Alors que le dirigeant du parti libéral démocrate
et Premier ministre Vlad Filat estimait que le Président devait
être élu par les citoyens au suffrage direct, et que le régime devait
être présidentiel
, le dirigeant du parti libéral,
partenaire mineur de la coalition, Mihai Ghimpu déclarait qu’il
ne soutiendrait pas la transformation de la République de Moldova
en une république présidentielle
.
26. Nous demandons à tous les partis politiques d’examiner cette
question et de trouver une solution à la fois légale et légitime
– sur la base d’un large consensus, dans l’intérêt du pays. Nous
voulons souligner, une nouvelle fois, que l’impossibilité d’élire
le Président de la République était incompatible avec la nécessaire séparation
des pouvoirs entre le Chef de l’Etat et le Président du Parlement;
en effet, jusqu’à l’élection du Président, le Président du Parlement
assure les fonctions de Chef de l’Etat par intérim. Cette situation
se soldait par une concentration de tous les pouvoirs entre les
mains d’une seule personne – ce qui n’est pas conforme aux normes
démocratiques.
3.5. Loi électorale
27. Le 1er avril 2011, le
parlement a amendé le Code électoral comme suit: la mise en œuvre
du registre électoral électronique a été repoussée à 2015; les élections
locales se tiendront quatre ans après la date des dernières élections
locales (et non pas après la validation des mandats); aucun temps
d’antenne gratuit à la télévision et à la radio publiques ne sera
octroyé durant les élections locales. Tout un ensemble de changements
récents visent à améliorer les procédures électorales: abaissement
des seuils électoraux
, assouplissement
des restrictions au droit de vote et d’éligibilité, prévention de
l’utilisation abusive de ressources administratives, amélioration
de la procédure d’examen des litiges électoraux, mesures facilitant
le vote des personnes âgées et des personnes handicapées, etc
. L’opposition s’est opposée en permanence au
système d’attribution des sièges qui favorise les petits partis
.
28. Dans son rapport de la mission d’évaluation des besoins avant
les élections locales du 5 juin 2011, publié le 5 avril 2011, l’OSCE/BIDDH
a souligné certains problèmes qui restaient en suspens, notamment
le report de la production d’un registre électoral centralisé électronique;
la révision des dispositions pour l’allocation de temps d’antenne
gratuits aux candidats; et la révision des règles pour le vote des
étudiants.
29. Nous soulignons qu’une attention spéciale devrait être portée
aux problèmes en suspens identifiés lors des dernières élections
législatives anticipées, en l’occurrence l’exactitude des listes
électorales et l’existence de listes complémentaires ou spéciales,
visant à permettre au plus grand nombre de citoyens de prendre part au
scrutin. Ce système ne repose cependant sur aucune procédure juridique
garantissant l’exactitude des listes et prévenant les risques de
duplication, certains groupes spécifiques tels que les étudiants
et les citoyens vivant à l’étranger pouvant aisément se retrouver
simultanément sur les listes ordinaires et les listes complémentaires.
30. Nous avons été heureux d’apprendre l’élaboration d’un plan
de développement stratégique 2012-2015 de la Commission électorale
centrale (CEC). Ce plan vise notamment à améliorer et informatiser
le registre électoral. Nous comptons sur les autorités moldaves
pour travailler avec le Conseil de l’Europe en vue de faciliter
la mise en œuvre de ce plan. Le 11 septembre 2012, le gouvernement
a également approuvé un projet de loi qui devrait permettre aux
ressortissants moldaves travaillant et résidant à l’étranger de
voter par correspondance. Nous avons appris que la Commission électorale
centrale, en vue des élections 2009-2010, a adopté tout un ensemble
de mesures pour améliorer la qualité des listes, définir les règles
de préinscription et de vote des ressortissants moldaves résidant
à l’étranger, renforcer la coopération entre la Commission électorale
centrale et les autorités publiques locales pour mettre à jour les
listes électorales, et lancé une campagne d’information auprès des
électeurs sur la nécessité de procéder à leur examen, etc. Un nouveau modèle
de listes électorales a été adopté afin d’accroître la responsabilité
des administrateurs d’élections et de protéger les données qu’elles
contiennent. Du fait de ces mesures, le nombre d’électeurs inscrits
sur des listes électorales complémentaires a diminué, passant de
5 % à 3,4 %
.
31. Un projet de loi portant modification à la Loi sur les partis
politiques a fait l’objet d’un débat en février 2012, imposant aux
partis politiques de présenter des rapports financiers précisant
leurs revenus, y compris les dons de particuliers et de personnes
morales. Ces rapports sont à soumettre à la Commission électorale centrale
qui informera le ministère de la Justice en cas d’erreur ou d’utilisation
abusive de fonds. Le ministère peut ensuite engager une procédure
de dissolution du parti concerné. Ce projet de loi a été approuvé
par le gouvernement le 19 juin 2013 et transmis au parlement.
32. Sur proposition des communistes, le parlement a également
adopté le 26 décembre 2012 des amendements permettant à la Commission
électorale centrale (et non plus aux conseils locaux) de révoquer le
mandat de conseillers locaux en cas d’incompatibilité de fonctions,
de démission ou de décès d’un conseiller. Les parlementaires du
PCRM n’ont toutefois pas voté en faveur de ces amendements, car
la majorité de l’Alliance pour l’intégration européenne a refusé
d’introduire dans ce document des amendements essentiels. Les amendements
devraient entrer en vigueur mi-2015 seulement
.
33. La Commission de Venise a adopté en mars 2013 trois avis requis
par les autorités moldaves, liés au projet de loi portant modification
et complétant des dispositions législatives, au projet de loi concernant
le financement des partis politiques et des campagnes électorales
et au code électoral (tel qu’au 17 janvier 2012)
. Nous attendons
du parlement et de toutes les autorités compétentes qu’ils prennent
en considération les recommandations de la Commission de Venise
et veillent à l’amélioration de la liste électorale, qui a été une
source de préoccupation à chaque scrutin. Les processus électoraux
sont une pomme de discorde permanente entre la majorité et l’opposition.
L’achèvement des réformes électorales devrait par conséquent être
une priorité pour les autorités.
3.6. Fonctionnement
du parlement
34. Le fonctionnement du parlement est marqué par une
concurrence féroce entre la coalition au pouvoir et l’opposition.
Le 12 octobre 2012, un groupe de députés dirigé par M. Vladimir
Misin et M. Igor Dodon a annoncé son intention de créer un nouveau
groupe parlementaire au sein du parlement de la République de Moldova, qui
inclurait sept anciens membres du Parti des communistes, parti d’opposition.
Cependant, des dispositions légales devaient interdire la formation
de groupes parlementaires au-delà d’une période de dix jours après
la mise en place du parlement, une démarche saluée par le Parti
des communistes. Les projets d’amendements au règlement
ont
été adoptés en première lecture le 26 octobre 2012. Nous jugeons
ces dispositions assez surprenantes dans la mesure où elles ne sont
pas conformes aux pratiques de la plupart des parlements. Les représentants
élus sont responsables
ad personam. Ils
ne sont liés à aucun mandat impératif. Il ne semblerait pas très
démocratique de leur interdire d’adhérer à des groupes politiques
au sein du parlement ou d’en former.
35. Au cours de la préparation de l’élection présidentielle, nous
étions assez inquiets de la déclaration de M. Vladimir Voronine,
président du Parti des communistes (PCRM), qui a réaffirmé que le
PCRM jugeait l'actuel parlement illégitime et que son parti ne prendrait
par conséquent pas part à l'élection présidentielle du 16 mars prochain
et ne reconnaîtrait pas, s'il était élu, le Président. M. Voronine
a par ailleurs déclaré que le parlement devait être dissous et que
des élections législatives anticipées devaient être organisées.
La révocation du député communiste Artur Reşetnicov de son poste
de vice-président du Parlement
a encore exacerbé les tensions
entre l'opposition et la coalition au pouvoir. Nous invitons vivement
l'ensemble des partis politiques à ne pas contester la légitimité
démocratique des institutions démocratiques et à reconnaître la légitimité
d'un Président élu conformément aux exigences constitutionnelles.
Il est à présent grand temps pour le législateur de réviser la Constitution,
en se fondant sur des consultations publiques associant toutes les parties
concernées et sur un large consensus.
36. Le boycott du parlement est souvent employé par l’opposition
comme outil politique pour faire obstacle aux travaux parlementaires.
Le 1er mars 2012, le parlement a adopté
des amendements à la Loi sur le statut des membres du parlement
et au Règlement du parlement. Ils prévoient la perte d’une partie
du salaire et d’autres indemnités d’un parlementaire en cas d’absences
répétées non autorisées aux sessions plénières du parlement ou aux
réunions de la commission permanente à laquelle il siège. Ces dispositions
ont été mises en cause par la Cour constitutionnelle qui a décidé
que la privation d’une partie du salaire d’un parlementaire pour de
telles absences non autorisées ne constituait pas une sanction politique
mais s’inscrivait dans le cadre des relations de travail; qu’il
convenait d’établir une distinction entre des absences injustifiées
et des manifestations de protestation de la part d’un membre du
parlement; que les absences à motivation politique ne devaient pas autoriser
la majorité à priver un député de son mandat, sans que cela signifie
que de telles absences ne peuvent donner lieu à des ajustements
des salaires des membres du parlement, proportionnels au temps réellement
consacré à des activités législatives
. Le 14 juin 2012, le
groupe parlementaire du PCRM a décidé de participer à nouveau aux
réunions plénières du parlement.
3.7. Interdiction des
symboles totalitaires
37. Le 12 juillet 2012, le parlement a adopté des amendements
à la loi n° 294-XVI datée du 21 décembre 2007 sur les partis politiques,
au Code des contraventions de la République de Moldova n° 218-XVI
du 24 octobre 2008 et à la loi n° 64 du 23 avril 2010 sur la liberté
d’expression, spécifiant que:
- «Les
partis politiques ont interdiction d’utiliser les symboles du régime
communiste totalitaire (le marteau et la faucille et tout autre
support portant ces symboles) et de promouvoir des idéologies totalitaires;
- La diffusion et/ou l’emploi de symboles du régime communiste
totalitaire (le marteau et la faucille et tout autre support portant
ces symboles) sur le territoire de la République de Moldova à des
fins politiques ou de propagande, ainsi que la promotion d’idéologies
totalitaires sont passibles d’une amende de 100 à 150 unités conventionnelles
pour une personne physique, et de 300 à 500 unités conventionnelles pour
une personne occupant un poste à responsabilité ou une personne
morale.»
38. Nous avons été informés que ces amendements étaient motivés
par la volonté de réparer les souffrances endurées par des milliers
de Moldaves victimes de la politique du Parti des communistes de
la République soviétique socialiste de la République de Moldova
– qui était à l’époque une branche du Parti communiste de l’Union
soviétique. Selon la note d’information de la loi précitée, ce parti
a usurpé le pouvoir et remplacé les institutions de l’Etat, organisé
la répression et des déportations de masse, procédé à une collectivisation
forcée, planifié la famine, dévalorisant et détruisant ainsi méthodiquement
et systématiquement la culture nationale, les traditions et coutumes
populaires, l’histoire du peuple et la langue de ses ancêtres. La loi
fait également référence aux textes internationaux sur la condamnation
des crimes des régimes totalitaires.
39. La
Résolution 1481
(2006) de l’Assemblée traite de la question de la «nécessité
d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes
totalitaires» et nous souhaitons en rappeler certaines dispositions:
6. En conséquence, le grand public
est très peu conscient des crimes commis par les régimes communistes
totalitaires. Les partis communistes sont légaux et encore actifs
dans certains pays, alors qu’ils n’ont parfois même pas pris leurs
distances par rapport aux crimes commis dans le passé par des régimes
communistes totalitaires.
7. L’Assemblée est convaincue qu’une prise de conscience
de l’Histoire est l’une des conditions à remplir pour éviter que
des crimes similaires se reproduisent à l’avenir. En outre, le jugement
moral et la condamnation des crimes commis jouent un rôle important
dans l’éducation des jeunes générations. Une position claire de
la communauté internationale quant à ce passé peut leur servir de
référence pour leur action future.
12. En conséquence, l’Assemblée condamne avec vigueur
les violations massives des droits de l’homme commises par les régimes
communistes totalitaires, et exprime aux victimes de ces crimes
sa compassion et sa compréhension et reconnaît leurs souffrances.
13. En outre, elle invite tous les partis communistes
ou postcommunistes de ses Etats membres qui ne l’ont pas encore
fait à reconsidérer l’histoire du communisme et leur propre passé,
à prendre clairement leurs distances par rapport aux crimes commis
par les régimes communistes totalitaires et à les condamner sans
ambiguïté.
40. La
Résolution
1481 (2006) ne fait par conséquent pas spécifiquement référence
à des symboles, mais place un accent fort sur l’éducation, la prise
de conscience de l’histoire et une distanciation claire par rapport aux
crimes commis par les régimes communistes totalitaires – ce que
nous attendons aujourd’hui du Parti des communistes en République
de Moldova.
41. Rappelons également l’affaire
Vajnai
c. Hongrie (appelée «arrêt de l’étoile rouge»)
dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a conclu
à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention»), M.
Vajnai a été déclaré coupable en 2004 d’avoir porté sur sa veste
une étoile rouge au cours d’une manifestation et condamné au titre
d’une loi interdisant le port en public d’un emblème du totalitarisme.
La Hongrie a évoqué les dangers du communisme en tant que forme
de gouvernement totalitaire. La Cour a cependant jugé que vingt
ans après la chute du communisme en Hongrie, rien ne laisse penser
qu’il y ait un «risque actuel et réel qu’un quelconque mouvement
ou parti politique y rétablisse la dictature communiste» et conclu
que cette ingérence n’était pas «nécessaire, dans une société démocratique».
Il est à noter que la portée de la législation moldave était plus restreinte,
l’interdiction des symboles totalitaires concernant les partis politiques
lorsqu’ils sont utilisés à des fins politiques ou de propagande.
42. Nous notons que quelques mesures ont été prises récemment
pour analyser l’histoire de la République de Moldova, par exemple
la création d’une Commission d’étude et d’évaluation du régime communiste totalitaire
de la République de Moldova (décret présidentiel n° 165-V du 14
janvier 2010), qui a présenté une étude et un rapport analytique
concernant une évaluation historique, politique et juridique du
régime communiste totalitaire. Le 12 juillet 2012, le parlement
a adopté la Décision n°191 sur «l’évaluation historique, politique
et juridique du régime communiste totalitaire»
.
43. Le parlement a par ailleurs décidé, le 10 octobre 2012, de
créer une commission d’enquête chargée d’examiner la situation des
archives administrées par le Comité pour la Sécurité de l'Etat (KGB)
de la République soviétique socialiste de la République de Moldova.
Cette commission devrait présenter un rapport au parlement mentionnant
le nombre et les niveaux de classification des dossiers du KGB,
qui sont entreposés dans les archives du Service de renseignement
et de sécurité, du ministère de l’Intérieur et aux Archives nationales.
La commission sera composée de 11 membres et présidée par un parlementaire
libéral.
44. Nous avons conscience que la question est extrêmement sensible,
notamment pour ceux qui ont souffert sous le régime soviétique.
Cependant, nous avions exprimé des doutes quant à la mise en œuvre juridique
et pratique d’une telle loi et avons souligné que cela mènerait
à l’interdiction des symboles politiques utilisés depuis 20 ans
en République de Moldova par le Parti des communistes, principal
parti d’opposition, qui avait recueilli près de 40 % des voix lors
des dernières élections, et serait, de fait, visé par ces mesures.
45. Le mémoire
amicus curiae adopté
par la Commission de Venise les 8-9 mars 2013 concernant l’interdiction
des symboles totalitaires a confirmé nos craintes. La Commission
de Venise rappelle que «les Etats ne sont pas empêchés d’interdire,
voire d’incriminer, l’utilisation de certains symboles et la diffusion
de certaines idéologies. Pourtant, cette interdiction ou cette incrimination
doivent répondre à plusieurs exigences de manière à satisfaire les
normes européennes relatives à la protection de la liberté d’expression
et de la liberté d’association, telles qu’elles ont été élaborées
dans le cadre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme, ainsi que des travaux de la Commission de Venise et
de l’OSCE/BIDDH.» (paragraphe 124). Elle précise que ces interdictions
doivent être énoncées avec «suffisamment de précision», «exclusivement
poursuivre les buts légitimes énumérés aux articles 10 et 11 de
la CEDH», être «nécessaires» dans une société démocratique, répondre
à «un besoin social impérieux» et être proportionnées aux buts légitimes
poursuivis. La Commission de Venise conclut que la loi n° 192 du
12 juillet 2012 ne semble pas satisfaire à ces exigences à plusieurs
titres. Elle est d’avis que «[s]i l’utilisation de la faucille et
du marteau par le parti communiste moldave n’était plus acceptable,
ce parti devrait se voir offrir une chance raisonnable de se conformer
aux changements requis et, dans l’intervalle, ses candidats devraient
être autorisés à se présenter aux élections avec le symbole officiel».
46. Compte tenu de la position de la Commission de Venise, la
Cour constitutionnelle moldave décide, le 4 juin 2013, que la loi
sur l’interdiction des symboles du régime communiste totalitaire
et de la promotion des idéologies totalitaires est inconstitutionnelle,
soulignant que les dispositions contestées, même si elles poursuivent
un objectif légitime, ne satisfont pas pleinement aux exigences
de clarté et de prévisibilité
.
3.8. Autonomie locale
et décentralisation
47. La République de Moldova est composée de communes,
villages, villes, raions (districts) et de l’unité territoriale
autonome de Gagaouzie (Gagaouze-Yeri). On compte au total 32 raions,
trois municipalités, l’unité territoriale autonome de Gagaouzie
et la région de Transnistrie.
48. La République de Moldova a besoin d’une réforme de l’autonomie
locale afin de mettre ses normes en conformité avec la Charte européenne
de l’autonomie locale (STE n° 122) et de permettre son intégration européenne.
Le gouvernement de la République de Moldova a établi une commission
mixte chargée de guider et de superviser le processus de décentralisation.
M. Bodiu, Secrétaire général du gouvernement (en charge des pouvoirs
locaux) a indiqué en mars 2011 que la Commission de la parité réunit,
sur un pied d’égalité, des représentants du gouvernement central
et des pouvoirs locaux. Il a présenté la stratégie de décentralisation de
la République de Moldova élaborée avec le soutien du PNUD et du
Conseil de l’Europe. Cette stratégie traite les problèmes suivants:
décentralisation des services et des compétences; décentralisation
financière; décentralisation du patrimoine; développement local;
capacité administrative; capacité institutionnelle; démocratie;
éthique; droits de l’homme; et égalité des genres. M. Bodiu a souligné
que la séparation des pouvoirs et la décentralisation fiscale devraient
être menées à bien d’ici 2016. La réforme visera la création d’unités
locales fonctionnelles (capables de mettre en œuvre le programme
de gouvernance au plan local) et de pouvoirs locaux autonomes. Dans
cette perspective, une réorganisation territoriale pourrait éventuellement intervenir
dans le futur, M. Bodiu soulignant que 30 % des villages comptent
moins de 1 500 habitants. Pour garantir une large participation
au processus d’élaboration de la stratégie, des débats et consultations
publics ont été organisés avec des représentants de la société civile,
les partenaires sociaux et de développement, des universitaires
et des scientifiques ainsi que toutes les parties prenantes concernées
.
49. Le processus de décentralisation se poursuit. Une stratégie
nationale de décentralisation, comprenant un plan d’action, a été
adoptée le 5 avril 2012. Cependant il semblerait qu’il faille encore
en assurer les financements. D’autres consultations en vue du lancement
d’une réforme territoriale sont indispensables et il conviendrait
de renforcer les capacités des collectivités locales.
50. Le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de
l’Europe a également adopté le 22 mars 2012 sa Recommandation 322
(2012) sur la démocratie locale et régionale en République de Moldova (rapporteur:
Francis Lec (SOC, France)) mettant en lumière les progrès et les
lacunes, dont:
- la stratégie
nationale de décentralisation élaborée par le gouvernement de la
République de Moldova montre la volonté de ce pays de réformer profondément
l’administration publique locale;
- le Congrès a appelé les autorités moldaves à allouer aux
autorités locales des ressources proportionnelles à leurs compétences,
mais aussi à adopter une nouvelle loi sur le statut de la municipalité
de Chişinău;
- de nombreux aspects positifs ont été relevés, dont une
coopération transfrontalière accrue et un meilleur accès des femmes
à la fonction publique locale;
- néanmoins, le Congrès a estimé que les collectivités locales
sont encore loin de disposer des moyens dont elles auraient besoin
pour assurer toutes leurs missions, et que leur autonomie financière
et fiscale reste trop limitée. De même, les compétences des différents
niveaux de pouvoir demeurent mal définies;
- le rapport a également souligné les problèmes rencontrés
par les habitants de la zone de sécurité et du voisinage de la région
transnistrienne de la République de Moldova, notamment en matière
de déplacements et de transports. Les autorités de Tiraspol n’ont
pas souhaité rencontrer la délégation du Congrès.
51. Nous encourageons les autorités moldaves à mettre en œuvre
les recommandations du Congrès ainsi que la stratégie nationale
de décentralisation, en consultation avec les ONG et les associations
de collectivités locales concernées. La réforme de l’organisation
territoriale et la décentralisation fiscale sont des éléments clés
du succès de la décentralisation. A cet égard, nous avons été informés
que le parlement a adopté le 15 juin 2013, en première lecture,
un projet de loi sur les finances publiques. Le financement des
collectivités locales représente un enjeu essentiel pour mener à
bien la décentralisation. Nous espérons par conséquent que cette
loi permettra de leur affecter des ressources budgétaires équitables.
Le Conseil de l’Europe pourrait apporter un concours technique utile
en matière de stratégies de décentralisation, de réorganisation
territoriale et de financement des collectivités locales.
3.9. Unité territoriale
autonome de Gagaouzie
52. Au cours de notre visite en mars 2011, nous nous
sommes rendus dans l’unité territoriale autonome de Gagaouzie (Gagauz-Yeri).
Cette région a aspiré à l’indépendance en décembre 1991. Une solution
pacifique a ensuite été négociée et mise en place pendant deux ans
et a conduit le parlement moldave à adopter la loi de la République
de Moldova sur le statut spécial de la Gagaouzie n° 344-XIII du
23 décembre 1994.
53. La Gagaouzie couvre trois districts principaux et une superficie
d’environ 85 km2, sa population est de 155
000 habitants (dont 82 % se déclarent gagaouzes), soit 4,5 % de
la population de la République de Moldova. En ce qui concerne la
structure juridique de la Gagaouzie, c’est la Constitution moldave
qui prime; suivie par la loi sur le Statut spécial de la Gagaouzie,
le Code légal de la Gagaouzie, et, enfin, les lois propres à la
région et adoptées par l’Assemblée populaire de Gagaouzie.
54. La Gagaouzie peut être qualifiée de bon modèle de coexistence
pacifique de différentes communautés nationales. Les représentants
des ONG que nous avons rencontrés se sont toutefois plaints de la discrimination
dont ils sont victimes en République de Moldova, principalement
pour leur manque de maîtrise de la langue d'Etat lorsqu’ils souhaitent
s’inscrire à l’université de Chişinău ou postuler à un emploi.
55. Dans sa
Résolution
1572 (2007), l’Assemblée invitait les autorités moldaves à collaborer
avec le Conseil de l’Europe pour harmoniser la législation de l’entité
territoriale autonome de Gagaouzie avec la Constitution moldave
et la législation nationale. Les autorités locales et régionales
que nous avons rencontrées ont expressément demandé une clarification
de la répartition des compétences entre la région autonome et les autorités
centrales. Ils se plaignaient du fait que les lois adoptées par
l’Assemblée populaire puissent être annulées par la Cour suprême
moldave. Les autorités ont par conséquent hâte de reprendre les
négociations avec Chişinău afin de garantir que la loi de 1994 sur
le statut spécial de la Gagaouzie devienne bien une loi organique
tel qu’évoqué dans la Constitution moldave. Les élus régionaux réclament
également une représentation de la région de Gagaouzie au Parlement
moldave.
56. Nos discussions avec le Gouverneur, les représentants du Comité
exécutif et de l’Assemblée populaire ont également mis en lumière
les requêtes suivantes:
- la
nécessité de bénéficier de financements pour l’enseignement de la
langue d’Etat et la préservation de la langue et de la culture gagaouzes;
- la création d’une «Cour suprême de Gagaouzie» (car il
n’existe pas de branche législative dans cette région);
- l’octroi d’une part proportionnelle des contributions
indirectes et de la TVA, ainsi que des financements et subventions
alloués par la communauté internationale;
- un meilleur accès des minorités au système de justice.
57. Il est assez surprenant que les compétences de l’unité autonome
de Gagaouzie en liaison avec la Constitution moldave n’aient toujours
pas été totalement clarifiées depuis 1994. Nous invitons les autorités moldaves
à tirer profit de l’expérience et des connaissances juridiques que
le Conseil de l’Europe (c’est-à-dire la Commission de Venise et
le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux) est en mesure d’offrir
pour améliorer le cadre législatif et la viabilité de la région.
58. La République de Moldova a accordé à la région de Gagaouzie
une large autonomie qui peut être considérée comme un modèle de
relations interethniques en Europe. Cette expérience sera également déterminante
pour le processus de réintégration de la Transnistrie. A cet égard,
le Bashkan (gouverneur) a adressé un message très clair aux corapporteurs:
«Le statut de la Gagaouzie ne saurait être inférieur à celui de
la région transnistrienne. A défaut, nous ne pourrons garantir la
stabilité politique dans la région». Cette déclaration qui ne peut
qu’entraver le processus de démocratisation de la République de
Moldova est assez préoccupante et nous laisse perplexes. En conséquence,
nous invitons instamment les autorités gagaouzes à engager un dialogue
constructif avec Chişinău et à contribuer, par des voies pacifiques
et démocratiques, à donner forme à la future structure politique
de la République de Moldova si cela devait faire l’objet de débats dans
le pays.
59. L’élection du Bashkan (gouverneur) de Gagaouzie s’est déroulée
les 11 et 26 décembre 2010. Le Bashkan sortant de Gagaouzie, Mikhail
Formuzal, a obtenu 51,4 % des voix, contre 48,6 % pour son adversaire,
Nikolai Dudoglo, maire de la ville de Comrat (capitale de la Gagaouzie)
et leader du mouvement «Nouvelle Gagaouzie».
60. Les élections à l’Assemblée populaire se sont déroulées le
23 septembre 2012. La Cour d’appel de Comrat a finalement validé
le 12 octobre 2012 les résultats du scrutin. 35 membres de l’Assemblée
populaire ont été élus: 25 députés indépendants, 7 représentants
du Parti des communistes moldave, 2 représentants du Parti libéral
démocrate et 1 représentant du Parti socialiste. Ce scrutin a été
marqué par une perte d’influence des communistes qui détenaient
18 sièges dans la législature précédente
.
61. Depuis le second tour des élections le 23 septembre 2012,
les mouvements Nouvelle Gagaouzie (Nikolai Dudoglo) et Gagaouzie
Unie (Mikhail Formuzal) ont engagé une féroce guerre de position,
chacun tentant de former une majorité. Il semble que cette rivalité
vieille de plusieurs années ait tourné en faveur de Nikolai Dudoglo,
puisque le maire de Comrat et son équipe sont parvenus à préserver
une majorité qualifiée, pour laquelle il est nécessaire de disposer
de 19 députés à l’Assemblée populaire qui en compte 35: le mouvement
socio-politique Nouvelle Gagaouzie dirigé par le maire de Comrat,
Nikolai Dudoglo, a formé une faction majoritaire de 22 membres grâce
aux députés indépendants et aux députés communistes.
62. Nous avons été informés que les autorités de l’unité autonome
de Gagaouzie avaient récemment lancé, ou projetaient de lancer,
plusieurs initiatives législatives pour réformer le Code électoral,
la loi sur l’audiovisuel, le projet de loi sur une Cour constitutionnelle
gagaouze, etc. Nous espérons qu’elles adopteront une législation conforme
au droit interne. En outre, le Conseil de l’Europe pourrait apporter
son expertise pour assurer la conformité de la législation gagaouze
avec les normes internationales et éviter les divergences avec le
droit interne. Dans ce contexte, nous nourrissons l’espoir que les
discussions engagées en juillet 2013 par les présidents du Parlement,
M. Igor Corman, et de l’Assemblée du Peuple de Gagaouzie, M. Dmitry Konstantinov,
se traduiront par un renforcement de la coopération et des mesures
juridiques pour harmoniser les statuts et la législation de l’unité
autonome de Gagaouzie avec les normes nationales et internationales,
ce que l’Assemblée parlementaire demande depuis longtemps.
4. Etat de droit
4.1. Réforme du judiciaire
63. Dans son Plan d’action 2011-2014, le gouvernement
prévoit de réformer l’appareil judiciaire, notamment le Conseil
supérieur de la magistrature et la Cour suprême de Justice, le ministère
public, et l’administration des fonds et ressources du judiciaire.
En mars 2011, nous avons rencontré M. Tanase, alors ministre de
la Justice, devenu en octobre 2011 Président de la Cour constitutionnelle.
Il a présenté certaines composantes de cette réforme qui devrait
apporter les modifications suivantes: le rôle de la Cour de Cassation
– qui n’interviendrait qu’en dernier ressort et est chargée d’examiner
le fondement juridique des affaires – la mise en place d’un nombre
réduit de juges mieux qualifiés, la suppression des tribunaux spécialisés
et militaires. Les deux tribunaux économiques devraient être remplacés
par des unités économiques placées sous l’égide des Cours d’appel
régionales en vue d’éliminer la corruption.
64. M. Zubco, Procureur général de l’époque, rappelant l’adoption
de la Loi sur le ministère public du 25 décembre 2008, a expliqué
que le ministère public (Prokuratura) est indépendant des branches
exécutive et législative. Il a déploré le manque de moyens (équipement
obsolète, absence d’outils d’investigation), qui entrave le travail
du Bureau du Procureur général, lequel actuellement élabore un projet
de loi visant à réformer le ministère public en coopération avec
l’OSCE. Le projet de loi prévoit une modification du mandat du Procureur
général (celui-ci étant porté à sept ans au lieu d’un mandat de
cinq ans renouvelable), un changement de composition du Conseil
supérieur des procureurs, la suppression des tribunaux territoriaux
et spécialisés, etc. Le succès d’une réforme de cette envergure
est néanmoins tributaire de la volonté politique. M. Tanase, ministre
de la Justice, a ajouté que cette réforme complexe nécessitait l’adoption
d’une approche multidimensionnelle afin de clarifier notamment les
compétences et le statut du Procureur général ou les possibilités
de recours contre les décisions de ce dernier.
65. Nous avons souligné la nécessité pour les autorités moldaves
de mener à bien la réforme du ministère public et d’élaborer une
loi complète conforme aux normes du Conseil de l’Europe énoncées
en particulier dans la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des
Ministres sur le rôle du ministère public dans le système de justice
pénale et la
Recommandation
1604 (2003) de l'Assemblée sur le rôle du ministère public dans
une société démocratique régie par le principe de la primauté du
droit.
66. M. Muruianu, Président de la Cour suprême de Justice, a déploré
l’absence d’autonomie financière du Président de cette Cour, la
procédure de nomination des juges d’appel et des membres du Conseil
supérieur de la magistrature (par le Président de la République),
la pénurie de spécialistes bien formés (conduisant à l’adoption
de décisions divergentes dans des affaires similaires) et a fait
part de ses préoccupations quant aux motifs de sanction d’un juge.
67. M. Timofti, alors Président du Conseil suprême de la magistrature,
et qui a été élu Président de la République en mars 2012, a exprimé
ses craintes de voir restreindre l’indépendance des juges en raison
de la détérioration des conditions sociales et matérielles, du soutien
financier insuffisant accordé au système de justice suite aux négociations
budgétaires engagées entre le Gouvernement et le parlement, du manque d’assistance
octroyée aux juges (dont bénéficie désormais la Cour suprême de
Justice). Il a également souligné le manque d’expérience des étudiants
récemment diplômés de l’Institut national de la justice qui deviennent
automatiquement juges une fois leur diplôme obtenu. Le ministre,
M. Tanase, a convenu du problème et confirmé sa prise en considération
dans la prochaine réforme sur la formation des juges qui rendra obligatoire
une période initiale de stage pour les diplômés de l’institut.
68. Nous avons discuté avec M. Tanase, ministre de la Justice
de l’époque, des suites données à la
Résolution 1787 (2011) de l’Assemblée sur la mise en œuvre des arrêts de la
Cour européenne des droits de l'homme, dans laquelle l’Assemblée
note avec une grande préoccupation «la persistance de déficiences systémiques
majeures qui sont à l’origine de beaucoup de constats répétitifs
de violations de la Convention et qui mettent gravement en danger
la prééminence du droit dans les Etats concernés» (paragraphe 5.3). L’Assemblée
demandait à la République de Moldova de «prendre rapidement des
mesures pour garantir l’exécution de décisions de justice internes
définitives, en particulier dans les «affaires de logements sociaux» (arrêt
pilote
Olaru et autres c. la République
de Moldova de la Cour). De plus, elle devrait intensifier
ses efforts pour éviter d’autres cas de mauvais traitements en garde
à vue et assurer des enquêtes effectives sur de tels abus. Des mesures
complémentaires devraient aussi être prises pour améliorer les conditions
de détention dans les établissements pénitentiaires et pour combler
les lacunes des procédures concernant l’arrestation et la détention
provisoire, révélées par les arrêts de la Cour. Enfin, il est essentiel
qu’une voie de recours interne effective soit instaurée en réponse
à l’arrêt pilote Olaru et autres» (paragraphe 7.4). Nous avons appris
ensuite avec satisfaction qu’un programme de coopération, financé
par le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme du Conseil de
l’Europe, devait être lancé en 2013, pour soutenir la mise en œuvre
homogène de la Convention européenne des droits de l’homme dans
le pays.
69. M. Tanase a expliqué que le pays devait faire face à des contraintes
budgétaires résultant de l’exécution de l’arrêt Olaru
et autres. Selon M. Tanase, les 30 millions d’euros nécessaires
pour assurer la fourniture de logements pourraient être couverts
par la Banque de Développement du Conseil de l’Europe et les autorités locales.
70. M. Tanase a par ailleurs confirmé l’ouverture d’un recours
en cas de défaut d’exécution des arrêts de la Cour dans un délai
raisonnable. Les autorités moldaves ont ajouté que le parlement
avait déjà adopté, le 21 avril 2011, la loi n° 87 – visant à mettre
en place un recours interne en cas de durée excessive des procédures judiciaires
et d’exécution – entrée en vigueur au 1er juillet
2011.
71. Dans le cadre de nos entretiens, l’opposition et des représentants
d’ONG ont déploré les liens entre la politique et le pouvoir judiciaire.
D’après nos interlocuteurs, cela s’est traduit par plusieurs tentatives
de révocation du Président de la Cour suprême de Justice (processus
invalidés par la Cour constitutionnelle
), par le remplacement du Président de la
Cour constitutionnelle par le ministre de la Justice, ou encore
par le remplacement du Président de la Cour d’appel par un membre
d’un petit parti ayant rejoint la coalition au pouvoir. Cette perception
a été également alimentée par des allégations (non étayées, toutefois)
selon lesquelles un protocole secret aurait été signé par l’alliance
au pouvoir, dans le but de confier les postes les plus importants
de l’appareil judiciaire à des membres de la coalition. De toute
évidence, de telles pratiques ne pouvaient que porter atteinte à
la confiance que le peuple pouvait encore avoir vis-à-vis du système
judiciaire.
72. Le 25 novembre 2011, le parlement moldave adoptait une stratégie
globale de réforme du système judiciaire. Un plan d’action était
ensuite adopté le 16 février 2012, ainsi qu’une estimation budgétaire
(quelque 124 millions d’euros); cela constituait en fait une innovation
très positive. Un conseil national de réforme de la justice a été
mis en place. L’adoption de la stratégie en question avait son importance
pour l’amélioration des normes juridiques du pays. C’est également
une condition préalable à l’obtention de fonds de l’Union européenne.
Ce train de mesures de réforme de la justice vise les tribunaux,
la police et le parquet. La stratégie judiciaire repose sur sept
piliers pour «
renforcer l’indépendance,
la responsabilisation, l’impartialité, l’efficacité et la transparence
du système judiciaire». Elle a notamment pour but d’harmoniser les
fonctions de procureur avec les normes européennes; de garantir
un véritable accès à la justice (aide judiciaire efficace, instruction des
affaires et exécution des décisions de justice dans des délais raisonnables,
revalorisation du statut de certaines professions juridiques liées
au système judiciaire); de réduire la corruption; de contribuer
à instaurer des conditions favorables à un développement économique
durable; d’accroître le respect des droits de l’homme
.
73. La stratégie judiciaire a eu pour résultat l'adoption d'un
certain nombre de lois, notamment la loi n° 160 du 5 juillet 2012
; le Code
de procédure pénale et le Code de procédure civile ont été modifiés
par la loi n°66 du 5 avril 2012 et la loi n° 155 du 5 juillet 2012;
la loi sur le recrutement, la nomination et l'évaluation des performances
des juges a été adoptée le 5 juillet 2012. Afin de préciser le rôle
et le champ d’action de l'enquête judiciaire et des autorités chargées
de son exécution, le Code de procédure pénale a été modifié
. Une nouvelle
loi sur l'organisation de la profession de notaire se trouve dans
la phase de rédaction finale et devrait être soumise à consultation
publique en temps utile. Le décret présidentiel n° 219 du 6 août
2012 approuve la nouvelle composition du Conseil national de réforme
des forces de l'ordre. Le gouvernement a aussi adopté, le 3 octobre
2012, la décision n° 736 sur l'organisation et le fonctionnement
du ministère de la Justice.
74. Dans le cadre de cette réforme de la justice, il était prévu
de supprimer les tribunaux économiques – comme cela avait déjà été
annoncé lors de notre précédente visite. La loi relative à la suppression
des tribunaux spécialisés a été adoptée le 22 juillet 2011. Mais,
suite à une requête des députés communistes, la Cour constitutionnelle
a établi, en février 2012, que le processus de suppression des tribunaux
économiques était anticonstitutionnel, du fait que l’activité des
tribunaux spécialisés était régie par la Constitution, et que, par conséquent,
il était impossible d’abroger cette disposition constitutionnelle
par l’adoption d’une simple loi organique
.
Le 6 mars 2012, le parlement a approuvé la loi n° 29 liquidant les
tribunaux de commerce et modifiant les compétences des tribunaux
judiciaires de commerce.
75. Le ministre de la Justice de la République de Moldova nous
a déclaré que la construction, en 2012, de nouveaux centres de détention
devrait faciliter de fait le transfert de compétences du ministère
de l’Intérieur au ministère de la Justice en ce qui concernait la
direction de ces centres de détention provisoire – conformément
à la requête de l’Assemblée dans sa
Résolution 1666 (2009). Ceci reste cependant à faire.
76. Le Bureau du Procureur général fait également l’objet d’une
réforme. Un projet de loi modifiant et complétant la loi sur les
poursuites n° 294-XVI du décembre 2008, est toujours en cours d’examen
par un groupe de travail; la loi modifiant et complétant le Code
de procédure civile limite les pouvoirs du procureur dans le cas
de poursuites non pénales
.
77. Nous avons été informés que le Procureur général avait formé,
le 7 juillet 2012, des groupes de travail chargés de définir des
points de repère pour la mise en œuvre du plan d’action de la stratégie
de réforme judiciaire (2011-2016). Le 12 avril 2012, le Conseil
supérieur des procureurs approuvait le programme de développement
stratégique des parquets pour 2012-2014, qui fournit une analyse
des besoins actuels, les objectifs prioritaires en relation avec
les documents directifs nationaux et internationaux, les priorités
à moyen terme, l’évaluation des performances, les moyens institutionnels,
etc.
.
78. Le Procureur général a rédigé des amendements à la loi relative
au ministère public. Cette réforme concerne principalement la nomination
des procureurs, le rôle du Procureur général dans le processus judiciaire,
son indépendance, son autonomie financière, la démilitarisation
de ses services, et le statut des procureurs. Il s’agit d’une réforme
essentielle, notamment au regard de l’affaire de «l’accident de
chasse» survenu en décembre 2012. Il est grand temps de s’occuper
sérieusement de cette question, de restaurer la confiance de la
population dans le système judiciaire et de veiller à ce que le
nouveau cadre juridique soit conforme aux normes européennes (voir
ci-dessus). Dans ce contexte, nous prenons note de la décision jointe prise
le 11 juillet 2013 par le ministre de la Justice et le Procureur
général d’établir un groupe de travail interinstitutionnel pour
réformer le parquet, avec la participation d’experts internationaux
et de représentants de la société civile.
79. La réforme du secteur judiciaire doit encore se poursuivre
bien qu’un certain nombre de lois et stratégies importantes aient
été adoptées depuis 2009. Garantir la primauté du droit en République
de Moldova revêt une importance primordiale. Lors de sa visite dans
le pays, en mars 2013, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, M. Nils Muižnieks, a souligné l’importance de renforcer
l’indépendance, l’intégrité et l’impartialité des juges, tout en
plaçant les droits de l’homme au premier plan des réformes en cours.
Nous mentionnerons aussi les conclusions du rapport détaillé sur
les réformes judiciaires en République de Moldova publié, le 21
février 2013, par la Commission internationale des juristes et la
Fondation Soros
.
4.2. Lutte contre la
corruption et le crime organisé
80. En République de Moldova, la corruption demeure un
problème sérieux qui sape gravement la confiance des citoyens dans
leurs institutions. Selon une étude réalisée en 2012 par Transparency
International, les ménages interrogés ont le sentiment que la corruption
touche particulièrement la police, les employeurs, les institutions
sanitaires et éducatives, les douanes, les procureurs et les juges,
les ménages comme les professionnels considérant que le secteur
judiciaire est la plus corrompue des branches de pouvoir
.
81. Ce problème a été reconnu par les autorités rencontrées lors
de nos visites d’information. En 2011, la corruption demeure un
problème sérieux qui a été reconnu par les autorités que nous avons
rencontrées dès 2011. M. Viorel Chetraru, Directeur du Centre de
lutte contre la criminalité économique et la corruption de l’époque,
a confirmé que la corruption est un phénomène profondément ancré
dans les institutions de l’Etat. Il a déploré le manque de moyens
dont disposent les institutions gouvernementales censées faire appliquer
la loi, l’absence de disposition juridique encadrant la conduite
de «tests d’intégrité», l’absence de mécanismes d’Etat permettant
de saisir les biens – dont, aux termes de l’article 46 de la Constitution,
le caractère licite de l'acquisition est présumé – en cas de corruption
d’agents publics. Il a souligné les liens entre l’économie souterraine
et la criminalité économique, déploré les ingérences politiques
dans le Centre (placé sous l’autorité du gouvernement) qui ont un
impact négatif sur son travail. Il a par ailleurs insisté sur la
nécessité de dépolitiser l’institution, de supprimer sa subordination
au gouvernement, de placer le Centre sous la responsabilité du parlement
(afin de renforcer le contrôle public) et de fournir des garanties
aux membres du personnel afin de promouvoir leur stabilité et leur
intégrité. M. Chetraru a souligné la nécessité de mettre en place
des mécanismes en vue de se conformer à la Convention des Nations
Unies contre la corruption ratifiée par la République de Moldova
le 1er octobre 2007.
82. Le 6 avril 2011, le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO)
a publié son rapport d’évaluation du troisième cycle sur la République
de Moldova. Il reconnaît les améliorations apportées à sa législation
portant sur la lutte contre la corruption et la régulation du financement
des partis politiques mais conclut que des progrès sont nécessaires
pour combattre la corruption et demande une supervision plus stricte
et davantage de transparence en matière de financement des partis
politiques. Plusieurs lacunes restent à combler: le concept de «personne
exerçant une fonction à responsabilités» utilisé dans les dispositions
pertinentes relatives à la corruption ne couvre pas tous les fonctionnaires
et employés publics et n’assure pas la couverture des agents publics
étrangers et internationaux ou des jurés étrangers et des arbitres;
la définition des infractions de corruption active ou passive dans
le secteur public manque de cohérence et de clarté et la corruption
dans le secteur privé ainsi que le trafic d’influence ne sont pas
totalement couverts dans la législation nationale. Si le GRECO reconnaît
que la République de Moldova a progressivement introduit une législation
sur le financement politique, il subsiste toujours des lacunes dans
la législation, et avant tout dans la pratique, liées au manque
de supervision approfondie, proactive et de l’éventail très restrictif
des sanctions – rarement appliquées à ce jour – pour des infractions
aux règles de financement politique. Le GRECO appelle les autorités
moldaves à renforcer les obligations de publication d’informations
financières liées au financement ordinaires des partis et à étendre
la supervision du financement des partis aux services en nature et
aux entités liées à un parti politique ou sous son contrôle. Le
GRECO se félicite également du projet visant à introduire une aide
de l’Etat pour le financement des partis politiques.
83. Sur cette dernière question, le GRECO a publié, le 5 avril
2013, son rapport de conformité du 3e cycle sur
la République de Moldova relatif à la transparence du financement
des partis politiques
. Le GRECO note que les dispositions
sur la corruption dans les secteurs public et privé et sur le trafic
d’influence ont été mises en conformité avec les normes de la Convention
pénale sur la corruption (STE n° 173). Les autorités ont mis en
place des actions ciblées de formation et de sensibilisation à l’intention
des autorités chargées de faire appliquer la loi. Elles devraient
à présent faire en sorte que les dispositions du droit pénal relatives
aux infractions de corruption et de trafic d’influence soient pleinement
appliquées dans la pratique. En ce qui concerne la transparence
du financement des partis politiques, le GRECO note que le projet
de loi n’a pas encore été adopté par le parlement. Il invite les
autorités à vérifier que le «mécanisme de supervision – qui sera
concentré, d’après le projet de loi, dans les mains de la Commission
électorale centrale – soit doté des ressources nécessaires pour
contrôler d’une manière substantielle et proactive le financement
des campagnes électorales et des partis politiques en général»
.
84. Il convient aussi de mentionner que la Commission de Venise
a adopté, les 8-9 mars 2013, un avis conjoint relatif aux deux projets
de loi (soumis par la Commission électorale centrale et le parlement)
sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales
.
85. Nous avons été informés du fait que les autorités moldaves
avaient pris un certain nombre d’initiatives pour lutter contre
la corruption et réformer la police et le parquet. Il faut noter
toutefois que la réforme du «Centre de lutte contre la criminalité
économique et la corruption» a fait débat, et suscité bon nombre d’attentes
et de préoccupations. L’un des problèmes majeurs est de déterminer
qui doit nommer le directeur de ce centre et quelle personne ou
instance doit contrôler ce dernier. Il s’agissait, de toute évidence,
d’une réforme très «sensible» – dont le processus dure depuis deux
ans. Alors qu’il avait été convenu, dans le cadre des négociations
du plan de libéralisation des visas entre la Moldova et l’Union
européenne, de finalement confier la supervision du centre – devenu
le «Centre national anticorruption» – au parlement, le gouvernement a
fini par en récupérer la tutelle au lendemain de la crise politique
survenue au début de 2013. Nous attendons à présent des autorités
qu’elles veillent à ce que le Centre national anticorruption, bien
que placé sous l’autorité du gouvernement, soit en mesure de travailler
en toute indépendance, sans ingérence politique.
86. Le Centre de lutte contre la criminalité économique et la
corruption est devenu en 2012 le Centre national anticorruption
(NAC). Les enquêtes sur des infractions économiques ont été transférées
au ministère de l’Intérieur et au service des douanes. Viorel Chetraru,
directeur du Centre de lutte contre la criminalité économique et
la corruption, a été nommé directeur du Centre national anticorruption.
87. Le directeur du NAC a indiqué que l’année 2012 a été marquée
par une augmentation du nombre d’affaires de corruption mises à
jour (près de 400), et un éventail beaucoup plus diversifié de cas comparativement
aux années précédentes. Près de 240 affaires de corruption ont été
portées devant les tribunaux en 2012, impliquant diverses catégories
d’auteurs, dont des fonctionnaires de haut rang des services fiscaux
et des chefs de subdivisions territoriales. A noter également l’arrestation
d’agents de la police de la circulation, la mise en cause d’une
vingtaine d’avocats ayant joué le rôle d’intermédiaire dans des
affaires de corruption et l’inculpation de quatre procureurs pour
des faits de corruption. M. Chetraru s’est félicité des 13 condamnations
à des peines de prison pour acte de corruption prononcées en 2012,
contrairement aux années passées où les tribunaux avaient principalement
prononcé des peines de probation et imposé des amendes
.
88. Le 17 février 2012, le parlement a approuvé un plan pour la
mise en œuvre de la stratégie nationale anti-corruption 2012-2013,
qui inclut quatre volets: enquêtes, législation, communication institutionnelle
et communication publique. Elle devrait contribuer à l’application
des recommandations du GRECO.
89. Au titre du quatrième pilier de la stratégie de réforme judiciaire,
a été adoptée la Loi n° 180 du 19 décembre 2011 relative à la Commission
nationale pour l’intégrité. Un nouveau dispositif de vérification
des déclarations de patrimoine et de revenu et un mécanisme de règlement
des conflits d’intérêts ont été établis, ainsi que le contrôle de
l’application du régime d’incompatibilité auquel sont soumis les
responsables publics tels que les juges, procureurs, fonctionnaires
et personnes occupant des fonctions de haut niveau.
90. Les autorités nous ont aussi signalé la préparation d’un projet
de loi pour, notamment: interdire de communiquer sur les affaires
hors de l’enceinte des tribunaux; soumettre obligatoirement au détecteur
de mensonges les candidats postulant à des fonctions de juge et
de procureur; modifier le Code pénal en ajoutant une disposition
sur la «confiscation élargie»; réexaminer les sanctions pénales
en cas d’infractions de corruption; introduire une nouvelle infraction
d’«enrichissement illicite», etc. Conformément au nouveau projet, la
loi sur le statut des juges, la loi sur le Conseil supérieur de
la magistrature, le Code pénal, la loi sur l’utilisation du détecteur
de mensonges et celle sur les poursuites pénales devraient être
modifiées. Un projet de loi sur le traitement des juges a été élaboré,
en vue d’augmenter sensiblement les rémunérations des personnes travaillant
dans le secteur judiciaire et de simplifier les critères de calcul
des traitements
.
91. La Commission nationale pour l’intégrité a été créée afin
de vérifier les patrimoines et les conflits d’intérêt des responsables
publics tels que les juges, les procureurs, les fonctionnaires et
autres personnes en position d’autorité. Ses cinq membres (3 pour
la majorité, 1 pour l’opposition, 1 pour la société civile) ont
été élus le 22 juin 2012 par le parlement pour un mandat de cinq
ans. Le poste de délégué à la commission dévolu à la société civile
est resté vacant après que l’ancienne déléguée, Cristina Cojocaru,
eut présenté sa démission en raison de ses doutes quant au fondement
juridique de l’institution. Cependant la candidature soumise par la
société civile, en l’occurrence celle de Galinia Bostan, ex-directrice
du Centre d’analyse et de prévention de la corruption, a été rejetée
par le parlement le 27 décembre 2012, Mme Bostan n’obtenant que
45 voix (les groupes communiste et libéral ne lui ayant pas apporté
leur soutien). Par décision n° 17 du 28 février 2013, le parlement
a ensuite nommé M. Victor Stratila membre de la Commission nationale
pour l’intégrité représentant la société civile.
92. Des questions ont également été soulevées à propos des mesures
de lutte anti-corruption dans le système judiciaire. Les experts
du Centre d’analyse et de prévention de la corruption (CAPC) ont
fait part de leurs préoccupations devant le projet de loi sur la
responsabilité disciplinaire des juges, élaboré par le ministère de
la Justice qui, selon eux, devrait être amélioré afin de créer un
système efficace et transparent de responsabilité disciplinaire.
93. Le Président de la République a soumis au parlement un projet
de loi prévoyant une augmentation progressive des salaires des juges
jusqu’en 2015. Ce texte devrait contribuer à améliorer fondamentalement la
justice, renforcer l’indépendance des juges, lutter contre la corruption
et garantir l’Etat de droit, les personnes corrompues étant renvoyées
du système judiciaire
.
94. La corruption dans la magistrature est une question fréquemment
soulevée au cours de nos discussions. Le 21 juin 2012, le parlement
a adopté en première lecture le train de mesures législatives visant à
lever l’immunité des juges en cas de corruption active et passive.
Cette loi a cependant fait l’objet de controverses. Le Président
de la Cour constitutionnelle de la République de Moldova a demandé
un avis
amicus curiae de la
Commission de Venise sur la constitutionnalité de certaines dispositions
juridiques concernant l’immunité des juges. La question a été soulevée
à l’égard de la loi n° 153 du 5 juillet 2012 modifiant et complétant
certains textes législatifs, qui introduit une série de modifications
au cadre législatif qui régit le fonctionnement du système judiciaire,
y compris la loi sur le statut des juges (n° 544-XIII, 20 juillet
1995). Dans son mémoire
amicus curiae du 8-9 mars 2013, la Commission de
Venise conclut que la législation moldave ne semble pas contraire
aux normes internationales: «Si des garanties fonctionnelles sont
nécessaires pour protéger l’indépendance des juges contre toute
influence extérieure indue, une immunité générale n’est pas indispensable.
L’indépendance des juges n’est pas subordonnée à une immunité générale
et les juges devraient répondre de toute infraction alléguée, en
partant du principe que les procédures normales de défense et de
recours et les autres composantes de la prééminence du droit sont
à leur entière disposition.»
95. En ce qui concerne les mesures de lutte contre le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme en République de Moldova,
le Comité d'experts du Conseil de l’Europe sur l'évaluation des
mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme (MONEYVAL) conclut, en février 2013, que des progrès
ont été accomplis, surtout après l’entrée en vigueur, en 2011, de
la loi contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme,
bien que d’autres améliorations soient nécessaires. En particulier,
«l’exigence de l’autorité judiciaire qu’une condamnation pour l’infraction
principale soit une condition préalable à la poursuite de l’infraction
de blanchiment de capitaux, reste un défaut majeur du système.»
Les mesures provisoires et le régime de confiscation devraient également
être renforcés. Les autorités n’utilisent pas suffisamment les pouvoirs
que leur confère la législation en vigueur pour saisir et confisquer
les biens, et des insuffisances subsistent dans le régime de gel
des actifs terroristes en application des résolutions du Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nations unies
.
96. Les autorités font observer qu’elles appliquent les meilleures
pratiques de l’Union européenne relevant du concept de répression
fondée sur le renseignement, et qu’une unité spécialisée a été créée.
Dans le même contexte, un Conseil national de coordination des activités
de prévention et de lutte contre le crime organisé a été créé sous
l’autorité du Premier ministre. Par ailleurs, le parquet général
a mis en place un Conseil de coordination des activités d’investigation
spéciales
.
5. Droits de l’homme
97. Demeurant déterminée à promouvoir les droits de l’homme,
la République de Moldova a lancé plusieurs stratégies et plans d’action
depuis 2007. Les autorités sont encouragées à mettre en œuvre le
Plan d’action national concernant les droits de l’homme (2011-2014),
adopté en février 2012, en le réexaminant à la lumière des recommandations
de l’Examen périodique universel des Nations Unies
et des questions relatives à l’interdiction
de la discrimination soulevées par l’Assemblée et le Commissaire
aux droits de l’homme.
98. Les autorités nous font savoir que, depuis 2010, le ministre
de l’Intérieur a pris plusieurs dispositions en vue de réformer
la police et les carabiniers, et se conformer aux normes en matière
de droits de l’homme. Au nombre de ces mesures, la création, en
2012, d’un centre pour la planification et la réalisation des objectifs
de la réforme; la mise en œuvre d’un plan de développement stratégique
du ministère de l’Intérieur pour 2012 – 2014
; des changements d’ordre organisationnel
et opérationnel séparant les structures de la police de celles du
ministère de l’Intérieur; l’amélioration de la transparence et de
la communication avec la société civile, les ONG et les médias ainsi
que des autres services à la disposition des citoyens, notamment
les services en ligne; l’installation de systèmes de vidéosurveillance
dans tous les locaux de la police et les cellules de détention provisoire;
la démilitarisation des personnels de police ne participant pas
directement aux actions de maintien de l’ordre; le lancement d’enquêtes
sur le site du ministère de l’intérieur, etc.
.
99. Nous notons cependant que le transfert de la responsabilité
des centres de détention provisoire, qui relève du ministère de
l’Intérieur, au ministère de la Justice, comme le demande l’Assemblée
dans sa
Résolution 1666
(2009), n’est pas encore réalisé.
5.1. Torture et mauvais
traitements
100. Le Comité de prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe (CPT)
a publié, le 12 janvier 2012, un rapport sur sa dernière visite
en République de Moldova en juin 2011.
101. Dans son rapport, le CPT note qu’une proportion significative
de personnes détenues rencontrées par sa délégation se sont plaintes
de mauvais traitements par la police au cours des mois qui ont précédé
la visite. Par conséquent, le CPT recommande aux autorités moldaves
de continuer à faire preuve de détermination dans la mise en œuvre
des mesures de lutte contre la torture.
102. Le CPT recommande également de renforcer les mécanismes d’enquête
portant sur les mauvais traitements allégués. Il fait une évaluation
globalement positive des conditions de rétention dans le centre
de placement temporaire pour étrangers à Chişinău, mais recommande
aux autorités moldaves de poursuivre sans relâche la mise en œuvre
du programme national de rénovation des locaux de détention provisoire
de la police.
103. En ce qui concerne les prisons, à la lumière des allégations
recueillies par sa délégation, le CPT recommande aux autorités moldaves
d’exercer une vigilance accrue vis-à-vis du comportement du personnel, dans
les établissements pénitentiaires n° 11 de Bălţi et n° 17 de Rezina,
envers les détenus mis à l’écart pour leur propre sécurité. Les
passages à tabac allégués de détenus par d’autres détenus appartenant
à une hiérarchie informelle au sein de la population carcérale constituent
un autre sujet de préoccupation, et le CPT recommande d’intensifier
les efforts de lutte contre la violence et l’intimidation entre
détenus. S’agissant des conditions de détention, le CPT relève avec
satisfaction que, à la lumière des observations préliminaires formulées
par la délégation en fin de visite, un plan d’action a été immédiatement
élaboré en vue de lutter contre le surpeuplement et améliorer les
conditions matérielles en prison.
104. Il convient de noter ici que le parlement a adopté, en octobre
2012, des amendements au Code pénal et au Code de procédure pénale
pour supprimer les divergences existantes relatives à la qualification
de certains actes en tant qu’actes de torture, traitements inhumains
ou dégradants, et relever le niveau des peines applicables aux actes
de torture en fonction de leur gravité
.
105. Nous avons aussi appris que, au titre du 6e pilier
de la stratégie de réforme judiciaire pour 2011-2016, les experts
du ministère de la Justice étaient en train de finaliser un projet
de loi modifiant et complétant la loi de 1997 sur les défenseurs
parlementaires (médiateurs) pour renforcer l’action du Centre pour
les droits de l’homme et augmenter l’efficacité des mécanismes nationaux
de prévention de la torture
.
5.2. Suites données
aux événements d’avril 2009
106. Par ailleurs, nous nous sommes enquis de l’enquête
relative aux événements d’avril 2009
. Il nous a été expliqué que ce processus
était toujours en cours. Nous avons rencontré le ministre adjoint
de l’Intérieur, qui nous a indiqué qu’une commission spéciale avait
été mise en place et que plusieurs affaires pénales étaient actuellement
examinées par les services du ministère public. «Pro memoria», Commission
d’enquête parlementaire ad hoc, avait présenté ses conclusions au
parlement en mai 2010 – notamment l’inefficacité des forces de l’ordre
en termes de coordination, ou encore les pratiques abusives et un
usage excessif de la force par la police, dans le cadre des procédures
d’arrestation et de détention. En avril 2010, le gouvernement moldave
a créé une «commission chargée d’identifier les personnes ayant
subi des préjudices lors des événements du 7 avril 2009». La commission
gouvernementale a examiné et accepté les 116 demandes déposées par
les victimes des événements d’avril 2009, dont 73 civils et 43 agents
de la force publique. Par une décision similaire, le 15 octobre
2010, le gouvernement a octroyé 222 700 lei à 18 victimes pour la
prise en charge de leurs préjudices
.
107. En octobre 2011, M. Thomas Hammarberg, alors Commissaire aux
droits de l’homme, a effectué une visite en République de Moldova,
afin d’examiner les suites données à son rapport de 2009. Ce rapport
avait notamment insisté sur le traitement des personnes détenues
à la suite des manifestations postélectorales de cette période;
le rapport de M. Hammarberg avait recommandé l’adoption et la mise
en œuvre effective d’une politique de «tolérance zéro» en ce qui
concernait les mauvais traitements dans l’ensemble du système judiciaire
pénal; le rapport avait également demandé une enquête exhaustive
sur les événements des 6 et 7 avril 2009
.
108. Dans sa réponse à la lettre du Commissaire aux droits de l’homme,
M. Filat, Premier ministre moldave, a reconnu «la nécessité de poursuivre
cette enquête globale et, en parallèle, d’appliquer les normes juridiques susceptibles
de garantir l’efficacité du processus». M. Filat a également annoncé
la création d’une commission de suivi de l’application du Plan d’action
national concernant les droits de l’homme, sous l’égide du Premier ministre
adjoint
. Nous nous sommes félicités de ce
que la commission gouvernementale – composée de représentants de
haut niveau des ministères de la Justice, de l’Intérieur, de la
Santé, des Finances, de l’Education et du Travail, de la Protection
sociale et de la Famille, et de représentants d’organisations non gouvernementales
– ait repris ses travaux en février 2012
. Avec le Commissaire aux droits de l’homme,
nous encourageons les autorités moldaves à traiter très sérieusement
les problèmes en suspens concernant les événements d’avril 2009,
et de veiller à l’indemnisation de toutes les victimes, ainsi qu’à
la poursuite en justice de tous les auteurs de mauvais traitements.
109. Amnesty International a publié en avril 2012 un rapport intitulé:
«Unfinished Business: Combatting Torture and Ill-treatment in Moldova»,
dans lequel l’ONG exprimait ses préoccupations devant le peu de progrès
enregistrés s’agissant de déférer en justice les fonctionnaires
de police responsables de tortures et de mauvais traitements au
cours des événements postélectoraux d’avril 2009. Amnesty International
déclare que seules 58 des 108 plaintes reçues par le Bureau du Procureur
général ont été portées devant les tribunaux; dans 29 de ces 58
affaires, les policiers ont été inculpés au titre de l’article 309/1
pour torture, 19 au titre de l’article 328 (abus de pouvoir ou de
fonctions officielles), et 10 pour d’autres infractions, telles
que l’article 309 (témoignages forcés), et 308 (arrestation illégale).
A ce jour, 19 acquittements ont été prononcés. Amnesty international
a également souligné le faible nombre de poursuites engagées, les
peines insuffisantes et les délais excessifs.
110. Nous ne pouvons que réitérer les demandes de l’Assemblée pour
qu’une enquête exhaustive soit menée sur les événements d’avril
2009, les auteurs poursuivis et la justice rendue sans plus tarder.
5.3. Liberté des médias
111. Actuellement, le pays compte 17 agences de presse,
50 stations de radio, 63 chaînes de télévision et environ 140 prestataires
de télévision par câble, et 260 journaux et magazines. En 2010,
de nouveaux organes de presse concurrentiels ont vu le jour.
112. En 2013, Freedom House a classé la République de Moldova au
117e rang sur 197 pour ce qui concerne la
liberté de la presse (avec un score de 3)
, et dans le classement mondial 2013
de Reporters sans frontières, la République de Moldova est passée
de la 98e, place (en 2011), puis 55e place
à la 53e place sur 179.
113. Nous avons été informés qu’un certain nombre de mesures avaient
été prises pour améliorer le cadre juridique:
- En juin 2010, les règles régissant la manière de rendre
compte dans les médias des campagnes électorales ont été modifiées
de façon à permettre aux journalistes de travailler sans contrainte
lors des campagnes électorales. Lors des dernières élections, il
a été constaté que la campagne se déroulait dans le respect des
directives de l’OSCE et du Conseil de l’Europe.
- En octobre 2010, la Loi n° 64-XVII du 23 avril 2010 sur
la liberté d’expression, qui transpose la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme en droit interne, est entrée en
vigueur .
- En février 2011, la loi sur la désétatisation est également
entrée en vigueur. Acquis important des organes de presse nationaux,
cette loi requiert des pouvoirs publics qu’ils privatisent les journaux financés
par des fonds publics, afin d’encourager la concurrence loyale au
sein des organes de presse écrite.
- En avril 2011, un nouveau Code déontologique des journalistes,
élaboré par le Conseil de la presse, est entré en vigueur et a été
adopté par 84 mass médias, dans le cadre du programme de soutien
à la démocratie du Conseil de l’Europe. Le Conseil de la presse
devrait être un organisme autonome et indépendant de médias de masse
moldaves. Gardien de la déontologie journalistique, il régit le comportement
professionnel et les activités des journalistes.
- En 2012, des amendements au Code de l’audiovisuel de la
République de Moldova ont été approuvés conformément
à la directive de l’Union européenne sur les services des médias
audiovisuels du 10 mars 2010.
- Un groupe de travail a également été créée en 2012 pour
travailler sur la transparence de la propriété dans le domaine de
l’audiovisuel. Il a élaboré un projet de loi pour amender le Code
de l’audiovisuel, qui a ensuite été soumis au gouvernement.
114. Le gouvernement a lancé une page web pour promouvoir les initiatives
et services d’administration électroniques en République de Moldova.
Il a également décidé de créer des services d’information et de communication
pour les médias de masse dans les 24 administrations publiques centrales.
Ces deux mesures visent à renforcer la transparence dans la gouvernance
et à faciliter l’accès des médias aux institutions.
115. Nous avons également abordé la situation des médias – notamment
en ce qui concerne le temps d’antenne accordé aux minorités, comme
la communauté russophone; celle-ci a critiqué les nouveaux créneaux
horaires attribués aux émissions en langue russe; il faut savoir
qu’en octobre 2011, le Conseil de surveillance de la Radiotélévision
publique «Teleradio-Moldova» a adopté une nouvelle stratégie et
décidé de diffuser des informations en langue russe quatre fois
par jour (sous forme de bulletins de 10 minutes) – c’est-à-dire
à 9 heures du matin, puis à 17 heures, 23 heures et 2 heures du
matin; cela remplaçait l’émission d’information quotidienne de 30
minutes «Mesager», programmée à 19 heures; celle-ci était désormais remplacée
par une émission d’information en langue roumaine
. Le 18 octobre 2011, le Conseil
de Coordination de l’Audiovisuel a recommandé la diffusion, par
la chaîne de télévision publique Moldova 1, d’un programme en langue
russe aux heures de grande écoute de la soirée («prime time»). Finalement,
le 6 février 2012, la chaîne de télévision publique Moldova 1 a
décidé de modifier sa programmation dans ce domaine, en proposant
le bulletin d’informations en langue russe à 22 heures – au lieu
de 23 heures
.
Le 28 décembre 2012, le Conseil de coordination de la radiodiffusion
a décidé qu’à compter du 1er avril 2013,
toutes les chaînes de télévision et stations de radio de la République
de Moldova auraient obligation de diffuser au minimum 30% de leurs
propres émissions dans la langue nationale. Toutefois, cette décision
contestée par 14 organismes de radiodiffusion privés qui considéraient
que la décision du Conseil enfreignait le Code de l’audiovisuel,
a été annulée en juin 2013 par la Cour d’appel.
116. La fermeture de la chaîne de télévision
New
TV Ideas (NIT), un média diffusant partiellement en langue russe
et souvent considéré comme critique à l’égard du gouvernement, a
suscité bien des préoccupations: le 5 avril 2012, le Conseil de
coordination de la radiodiffusion de la République de Moldova a
décidé de retirer la licence accordée à NIT. Selon des informations
communiquées par le Conseil, cette décision fait suite à des violations
répétées de plusieurs dispositions du Code de la radiodiffusion,
notamment le non-respect du pluralisme d’opinions dans les bulletins
d’information. L'autorité de régulation des médias
a
également souligné que NIT appelait à l’agitation sociale et à la
haine interethnique, couvrait les travaux du gouvernement de manière
négative et faisait la promotion des messages politiques du Parti
des communistes.
117. Nous avons été informés qu’au cours de la période 2009-2012,
le Conseil de coordination de la radiodiffusion avait prononcé 13
sanctions et formulé deux recommandations à l’égard de la chaîne
NIT. En 2010, trois de ces sanctions avaient été annulées sur décision
de justice pour des motifs procéduraux. En 2011, deux des cinq sanctions
imposées par le Conseil ont fait l’objet d’un recours; aucune n’a
cependant été annulée par les tribunaux. Pour éviter d’en arriver
à de telles extrémités, le Conseil a pris des décisions assorties
d’un délai permettant à la chaîne de se mettre en conformité avec
la législation. Après l’application progressive des peines prévues
à l’article 38 du Code de la Radiodiffusion, le Conseil de coordination
de la radiodiffusion a révoqué la licence accordée à la chaîne NIT.
Le 10 mai 2012, la Cour suprême de Justice a rejeté l’appel de NIT
et sa demande de suspension de la décision du Conseil. Par la suite,
la chaîne NIT a été interdite d’émettre jusqu’au rendu de la décision
définitive du tribunal mais elle diffuse toutefois des programmes
sur Internet depuis le 14 mai 2012.
118. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland,
a exprimé ses préoccupations devant la décision du Conseil de coordination
de la radiodiffusion de la République de Moldova. «Le Conseil de
l’Europe a appelé à maintes reprises et réitère son appel en faveur
du pluralisme des opinions dans les médias de ses Etats membres.
Nous sommes fermement convaincus que la liberté des médias est une composante
à part entière d’une société démocratique. Nous avons appris que
la chaîne de télévision NIT a contesté devant les tribunaux la décision
du Conseil de coordination de la radiodiffusion et que d’autres
affaires relatives à des sanctions précédemment appliquées sont
en instance devant les tribunaux. Nous espérons que ce procès respectera
pleinement les normes de la Convention européenne des droits de
l’homme et en particulier l’article 10 de la CEDH».
119. La chaîne NIT a fait appel de la décision du Conseil de coordination
de la radiodiffusion devant la Cour d’appel de Chişinău. La première
audience de la Cour d’appel sur l’affaire NIT, prévue le 2 juillet
2012, a été reportée au 24 septembre 2012 en raison de l’absence
des représentants du Conseil. Les audiences suivantes se sont déroulées
le 8 octobre et le 12 novembre 2012. Une nouvelle audience s’est
tenue le 10 janvier 2013.
120. Beaucoup d’interlocuteurs que nous avons rencontrés ont reconnu
que le ton employé par la chaîne NIT était souvent inapproprié;
cependant, le retrait de la licence, suspendant le droit d’émission
de NIT dans l’attente de la décision de la Cour, est une question
extrêmement sensible – notamment en République de Moldova, où le
sort de ce média diffusant partiellement en russe est devenu une
question politique pour le Parti des Communistes. Nous estimons
que la fermeture d’une chaîne de télévision devrait être l’ultime
recours et que de ces sanctions progressives, notamment des mesures
financières et administratives dissuasives, devraient être appliquées
pour garantir le respect plein et entier de la loi sur les médias
et du Code déontologique des journalistes.
121. Le 11 février 2013, la Cour d’appel de Moldova confirme la
décision du Conseil de coordination de l’audiovisuel d’interrompre
la chaîne de télévision NIT. Dans l’ensemble, les conditions de
retrait de la licence ainsi que la longueur de la procédure judiciaire
suscitent des inquiétudes.
5.4. Lutte contre la
traite des êtres humains
122. La République de Moldova a été le premier Etat membre
à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains le 19 mai 2006. Elle est entrée en vigueur
le 1er février 2008. Il s’agit d’un développement
positif qui renforcera la protection des victimes de la traite et
facilitera les poursuites à l’encontre des auteurs. Nous nous félicitons
à cet égard de l’adoption d’une législation anti-traite spécifique et
de la création d’un système national d’orientation pour l’assistance
et la protection des victimes et victimes potentielles de la traite.
123. Le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres
humains (GRETA) a publié son rapport du premier cycle d’évaluation
pour la République de Moldova le 22 février 2012
, sur la base duquel le Comité des
Parties à la Convention a adopté le 11 juin 2012 des recommandations
adressées au gouvernement de la République de Moldova
.
124. Selon les autorités moldaves, la République de Moldova est
principalement un pays d’origine et, dans une certaine mesure, de
transit des victimes de la traite. Les statistiques fournies par
le ministère de l’Intérieur indiquent que 158 victimes de la traite
ont été identifiées en 2008, 159 en 2009 et 181 en 2010 (dont 105 femmes).
La quasi-totalité de ces personnes étaient de nationalité moldave
(une seule victime d’origine étrangère a été identifiée). L’objectif
principal de la traite est l’exploitation sexuelle (111 victimes
en 2008, 90 en 2009, 108 en 2010). La République de Moldova est
un pays d’origine des victimes de la traite où agissent d’importants
facteurs de répulsion tels qu’une situation économique difficile,
un taux de chômage élevé (notamment en région rurale) et le problème
de la violence à l’égard des femmes. Les principales destinations des
victimes de la traite aux fins d’exploitation sexuelle sont Chypre,
la Turquie, l’Ukraine, le Royaume-Uni et les Emirats arabes unis
.
Les autorités s’attendent cependant à ce que les chiffres réels
soient plus élevés.
125. Le GRETA souligne l’action exemplaire de la République de
Moldova, qui a mis en place des équipes multidisciplinaires pour
procéder à l’identification des victimes de la traite des êtres
humains. Il a parallèlement encouragé notamment les autorités moldaves
à concevoir et mettre en œuvre de nouvelles mesures pour identifier
les victimes et les victimes potentielles de la traite, à porter
une attention particulière aux groupes vulnérables à la traite,
y compris aux femmes provenant de familles socialement désavantagées,
aux femmes victimes de violence domestique, aux enfants privés de
soins parentaux ou placés dans des institutions publiques, à allouer
davantage de ressources humaines et financières aux agences fournissant
une assistance aux victimes, à créer un dispositif d’indemnisation
par l’Etat accessible aux victimes de la traite, à renforcer les enquêtes
dans les affaires de traite et à veiller à ce qu’elles conduisent
à des sanctions proportionnées et dissuasives.
126. Le plan national 2012-2013 de prévention et de lutte contre
la traite des êtres humains est adopté par la décision gouvernementale
n° 559 du 31 juillet 2012. La mise en œuvre de ce plan prend en
compte les recommandations formulées par le GRETA, l’OSCE, le Département
d’Etat américain, les priorités de la Stratégie de l’Union européenne
2012-2016 en vue de l’éradication de la traite des êtres humains,
les autres engagements de la République de Moldova tendant à assurer
des migrations sûres et respecter les droits de l’homme et l’égalité
entre les hommes et les femmes, ainsi que la stratégie européenne
anti-traite
.
127. Nous encourageons les autorités moldaves à se conformer aux
recommandations formulées par le Comité des Parties et à renforcer
son action dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres
humains.
5.5. Loi anti-discrimination
128. Dans sa Résolution CM/ResCMN(2010)6, le Comité des
Ministres invitait la République de Moldova à adopter en priorité
une législation anti-discrimination complète et à assurer une surveillance
régulière de la discrimination ainsi que des actes à caractère raciste
ou antisémite, à prendre des mesures plus vigoureuses pour combattre
toutes les formes d’intolérance, y compris dans les médias et la
vie politique, à mener des enquêtes effectives sur toutes les formes
de comportements répréhensibles de la part des forces de police
et prendre des sanctions à cet égard, à prendre des mesures plus
vigoureuses et à affecter des ressources adéquates afin que le plan
d’action pour les Roms aboutisse à une amélioration substantielle
et durable de leur situation dans tous les domaines.
129. Dans son dernier rapport adopté le 14 décembre 2009, la Commission
européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a également
recommandé l’adoption d’une loi anti-discrimination, recommandation
faite également par d’autres organes pertinents des Nations Unies,
de l’Union européenne et de l’OSCE.
130. Le Médiateur a mis l’accent sur un certain nombre d’évolutions
positives en matière de droits civils et politiques – notamment,
chez les citoyens, une meilleure connaissance de leurs droits. Il
faut noter cependant que les droits économiques et sociaux sont
menacés – par la réduction des allocations sociales et des retraites,
la hausse des prix et la crise économique qui va affecter la République
de Moldova cette année. Dans ce contexte, nous avons eu des réunions
intéressantes avec des ONG, au sujet des personnes handicapées. En
2010, la République de Moldova a ratifié la Convention des Nations
Unies relative aux droits des personnes handicapées (CRPD). La loi
sur l’insertion sociale des personnes handicapées est adoptée en
août 2012. Le 23 janvier 2013, le gouvernement approuve l’organisation
et le règlement du Conseil national pour la détermination des handicaps
et la capacité de travail
. Malgré ces initiatives positives, il semble
que la conditions de vie de ces personnes reste difficile.
131. L’adoption d’une loi générale de lutte contre les discriminations
bien nécessaire a été un processus long et difficile. La soumission
du projet de loi, en préparation depuis 2008, fait toutefois l’objet
de nombreuses controverses dans le pays. En particulier, certaines
ONG, des membres du clergé, les cinq églises orthodoxes ainsi que
d’éminents hommes politiques ont exprimé leur hostilité et leur
opposition à l’insertion des termes «orientation sexuelle» dans
le projet. Nous déplorons l’utilisation de ce langage homophobe,
que nous jugeons inacceptable. Le 30 mars 2011, le gouvernement
a décidé de retirer le projet de loi anti-discrimination à l’étude devant
le parlement afin de disposer de plus de temps pour mener des consultations
publiques.
132. L’adoption d’une législation anti-discrimination est essentielle
pour la mise en œuvre du Plan d’action sur la libéralisation du
système de visas avec l’Union européenne, approuvé par le gouvernement
le 22 février 2012. Les autorités moldaves ont annoncé le lancement,
à partir du 30 avril 2012, d’une campagne nationale de sensibilisation
de la population moldave à ce projet de loi et à la question de
la non discrimination en général
, car ce texte est à l’origine d’un vaste
débat, de préoccupations et de malentendus au sein de la société
moldave.
133. Nous exprimons notre surprise et notre inquiétude devant la
présentation par le ministre de la Justice d’un projet de loi de
compromis sur «l’égalité des chances», limitant la discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle au seul domaine de l’emploi, plutôt
qu’une loi anti-discrimination à part entière. Nous attendons des autorités
moldaves qu’elles fassent preuve de courage politique, envoient
un message fort et sans équivoque et veillent à l’adoption d’une
législation complète, prévenant et combattant efficacement la discrimination
quel qu’en soit le motif – y compris l’orientation sexuelle – dans
toutes les sphères de la vie, et ceci au bénéfice de tous les groupes
et notamment des plus vulnérables et défavorisés.
134. De plus, nous étions particulièrement préoccupés par une série
de décisions manifestement discriminatoires, qui ont été adoptées
en 2012 par les autorités locales et régionales: le 23 février 2012,
le Conseil municipal de Balti a décidé d’interdire «la propagande
agressive des minorités sexuelles au sein de la commune» – décision
accueillie avec satisfaction par les représentants de la «Jeunesse
orthodoxe», mais condamnée par les organisations de défense des
droits de l’homme et jugée dépourvue de fondement légal par les
conseillers du Parti libéral-démocrate
. Le 1er mars
2012, le Conseil régional d’Anenii Noi a décidé de faire de la région
«un espace interdit aux manifestations homosexuelles», décision
avalisée par 22 des 23 représentants de tous les partis politiques
présents lors de cette réunion
. Les villages de
Chetriş et Hiliuţi ont interdit la construction de bâtiments ou
d'abris provisoires liés à la promotion de «l'homosexualité» ou
pour la pratique de l'islam, portant ainsi atteinte au droit à la
liberté de religion ou de croyance des musulmans qui vivent dans
ces communes. Ces décisions doivent encore être enregistrées par
les autorités nationales et peuvent être contestées devant les tribunaux
.
135. A propos de cette question, nous notons que la Cour européenne
des droits de l’homme a jugé le 12 juin 2012 que l’interdiction
d’une manifestation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles
et transgenres (LGBT) en mai 2005 en République de Moldova constituait
une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales. En mai 2005, les autorités de la
ville de Chişinău ont refusé d’autoriser une manifestation pacifique
organisée par GENDERDOC-M, une organisation LGBT en République de
Moldova. Elle devait se tenir le 27 mai 2005 devant le parlement
afin d’encourager l’adoption de lois visant à protéger les minorités
sexuelles contre la discrimination. La Cour a déclaré que cette
décision constituait une violation de leurs droits à la liberté
de réunion et d’association et à ne pas être victimes de discrimination
.
136. Amnesty International a publié en septembre 2012 un rapport
«Towards Equality: Discrimination in Moldova», qui propose des modifications
de la loi anti-discrimination (dite «loi pour garantir l'égalité»)
entrée en vigueur le 1er janvier 2013.
Ces amendements interdiraient la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle,
l’identité de genre ou l’état de santé. L’organisation appelle également
à l’adjonction au Code pénal de la République de Moldova des crimes
de haine motivés par l’orientation sexuelle, l’identité de genre
ou le handicap.
137. Amnesty International regrette profondément que la loi n'apporte
pas une protection complète contre les discriminations motivées
par l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Si les discriminations
liées à d'autres motifs tels que la race, le groupe ethnique, la
religion ou les convictions et le handicap sont interdites d'une manière
générale et dans tous les domaines, les discriminations fondées
sur l'orientation sexuelle ne sont proscrites expressément que dans
le domaine de l'emploi (article 7-1) et celles liées à l'identité
de genre ne sont prohibées de façon explicite dans aucun domaine.
Amnesty International est également préoccupée par le fait que,
d'après la loi, l'interdiction de la discrimination ne peut aller
à l'encontre de la définition de la famille reposant sur l'union
entre un homme et une femme; une telle restriction peut limiter
considérablement la portée effective de la législation
.
138. A une date plus récente, le 14 juin 2013, la Commission de
Venise a adopté un avis sur la question de la propagande de l’homosexualité
à la lumière de la législation récente de certains Etats membres
du Conseil de l’Europe, notamment la Moldova, la Fédération de Russie
et l’Ukraine, soulignant que les mesures en question semblent «incompatibles
avec les valeurs sous-jacentes [à la Convention européenne des droits
de l’homme] outre le fait qu’elles ne satisfont pas aux conditions
prévues aux articles 10, 11 et 14 de la Convention»
. L’Assemblée parlementaire a adopté,
quant à elle, la
Résolution
1948 (2013) «Lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle et sur l’identité de genre», sur la base du rapport de
M. Håkon Haugli, et demande en particulier aux «autorités compétentes
de la République de Moldova d’exécuter pleinement l’arrêt de la
Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire
Genderdoc-M c. Moldova; de se conformer
aux décisions de justice qui ont invalidé la législation interdisant
la «propagande homosexuelle» et de l’abroger si cela n’a pas encore
été fait» (paragraphe 10.3).
139. Au cours de notre dernière visite en novembre 2012, nous avons
compris que même la loi anti-discrimination faisait toujours l’objet
d’un débat virulent
. Nous avons fait
part aux autorités moldaves de nos préoccupations mais également
de notre espoir que la mise en œuvre pleine et entière et effective
de cette loi permette de couvrir l’ensemble des groupes de la société
et garantisse le respect par la République de Moldova des normes
internationales qui s'imposent au pays.
140. Nous avons appris que, suite à l’adoption de la loi sur l’égalité
des chances, le gouvernement avait approuvé le 6 décembre 2012 une
version révisée du Plan d’action national en faveur des droits de
l’homme, qui inclut désormais un chapitre distinct sur la prévention
et la lutte contre la discrimination. Le ministère de la Justice,
avec le soutien de la société civile et après consultations publiques,
a élaboré un projet de loi sur les activités du Conseil pour la
prévention des discriminations et la lutte contre celles-ci et la
promotion de l’égalité (adoptée le 21 décembre 2012) ainsi qu’un
projet de loi portant amendement de certains textes législatifs (Code
pénal, Code des contraventions, Code de procédure civile, Loi sur
les salaires dans le secteur public, loi sur le service civil et
le statut des fonctionnaires, loi sur le statut des détenteurs d’un
mandat public, etc.). Le processus de sélection des membres du Conseil
pour la prévention des discriminations et la lutte contre celles-ci
et la promotion de l’égalité a été lancé au parlement le 29 novembre
2012. Une commission parlementaire a été créée afin d’élaborer les
règles du concours qui a été annoncé
pour le 20 décembre 2012. La procédure
de sélection des membres du Conseil a été achevée en 2013. Mme Oxana
Gumenaia a été élue présidente. Le Conseil a élaboré une stratégie
pour ses futures activités.
141. Le 21 décembre 2012, le parlement a adopté une Déclaration
conformément à l’article 14 de la Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR), reconnaissant
la compétence du Comité de la CEDR pour recevoir et examiner des
communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant
de sa juridiction qui se plaignent d'être victimes d'une violation
par la République de Moldova de droits énoncés dans cette convention.
Cette loi est entrée en vigueur
le 13 mai 2013.
142. Certaines décisions de justice encourageantes rendues en 2012
en matière de lutte contre la discrimination sont à mentionner:
- Le 1er novembre
2012, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt concernant la constitutionnalité
de l’article 32, paragraphe 4, de la loi sur le statut du personnel
militaire. La Cour a déclaré inconstitutionnelle l’exclusion des
militaires de sexe masculin du droit au congé parental.
- Le 2 novembre 2012, la Cour suprême de Justice a publié
une Recommandation (n° 16) sur la procédure d’examen des plaintes
relatives à la rectification des actes d’état civil suite à un changement
de sexe. Le document explique que, selon la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme, l’identité de genre, le nom
et l’orientation sexuelle ainsi que la vie sexuelle font partie
de la vie privée et sont à ce titre protégés par l’article 8 de
la Convention européenne des droits de l’homme.
- Le tribunal de Riscani, un district de Chişinău, a obligé
la Société soutenant les initiatives sociales «Action civique»,
qui administre le site web mdn.md, à retirer de son site la liste
noire des responsables publics et défenseurs des droits de l’homme
assurant la promotion des droits LGBT.
- S’agissant de l’adoption de décisions discriminatoires
par certains conseils locaux, la Chancellerie d’Etat a notifié aux
autorités locales concernées le caractère illégal de ces actes administratifs
et engagé des procédures juridiques contre ces décisions. Actuellement,
huit décisions, y compris des municipalités de Balti et Cahu, ont
été annulées par les autorités de délivrance. Deux décisions, dont
celle du village de Hiliuti, ont été déclarées illégales par un
arrêt du tribunal de Falesti le 24 avril 2012. Un arrêt similaire
a été rendu concernant la décision de la municipalité de Cahul par
le tribunal de cette ville le 11 juillet 2012. Les décisions de
ces municipalités ont été finalement soit annulées par ces municipalités,
soit déclarées illégales par les juridictions compétentes.
143. Une série d’actions de sensibilisation ont été entreprises
pour promouvoir la nouvelle loi sur les programmes de télévision,
prévoyant des formations (par exemple la formation de plus de 260
juges et 50 procureurs en novembre et décembre 2012) par l’Institut
national de justice sur «Interprétation et application de la Loi
pour garantir l'égalité» ou le lancement d’un programme intitulé
«les employeurs en faveur de la lutte contre la discrimination»
visant 15 sociétés privées.
144. Nous nous félicitons de toutes ces initiatives et soulignons
une fois encore le fait que la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle doit également être couverte.
145. Le gouvernement prépare par ailleurs un projet de loi visant
à sanctionner les pratiques discriminatoires par des amendes de
8 000 à 12 000 lei ou une peine d’emprisonnement de deux ans maximum.
La promotion ou le soutien de pratiques discriminatoires par les
médias seront passibles d’une amende de 12 000 à 16 000 lei. Pour
les personnes morales, ces amendes seront de 20 000 à 60 000 lei
.
146. La loi sur l’égalité des chances est entrée en vigueur le
1er janvier 2013 et nous attendons sa
mise en œuvre pleine et entière. Les citoyens doivent avoir parfaitement
connaissance de leurs droits pour se sentir en confiance lorsqu’ils
portent plainte pour violation de ces droits. Nous tenons cependant
à souligner une fois encore l’importance de mettre en place une
législation exhaustive qui couvre l’ensemble des types de discrimination,
y compris l’orientation sexuelle.
147. Nous insistons également sur le fait que les hommes politiques
portent une responsabilité très particulière s’agissant de garantir
les droits de l’ensemble des citoyens. C’est pourquoi nous les invitons instamment
à s’abstenir de toute déclaration susceptible de porter atteinte
à la dignité humaine.
148. Nous saluons la tenue, le 19 mai 2013, du premier défilé LGBT
jamais organisé à Chişinău («Les LGBT pour la défense des valeurs
traditionnelles»), manifestation en faveur de la tolérance appelée
à faire date – malgré l’opposition de l’Eglise et avec un parcours
modifié par la municipalité pour des raisons de sécurité. En revanche,
nous sommes consternés par l’adoption, le 23 mai 2013, de la loi
modifiant l’article 90.1 du Code des infractions administratives,
approuvée par le Parlement moldave et entrée en vigueur le 12 juillet
2013. Cette loi interdit «la diffusion d’informations publiques
et/ou la commission d’actes visant à propager la prostitution, la
pédophilie, la pornographie
ou toutes
relations autres que maritales ou familiales au sens de la Constitution
et du Code de la famille » (sans italiques dans l’original)
[traduction non officielle]. La formule «relations autres que maritales
ou familiales au sens de la Constitution et du Code de la famille»
cible clairement l’orientation sexuelle et n’est pas compatible
avec les normes européennes
.
149. Nous saluons les mesures prises par le gouvernement en juillet
2013 pour clarifier l'ambiguïté de l'article 90 et en limiter la
portée. Avant son adoption, le gouvernement avait déjà émis un avis
négatif sur le projet d'amendement contesté, car il ne respectait
pas les critères de concision, de clarté et d’absence d’équivoque. Le
médiateur a pour sa part publié un rapport explicatif le 30 juillet
2013, signalant au parlement la nécessité d'engager la procédure
de révision et de modification de la loi susmentionnée, en particulier
la disposition concernant «d'autres relations». Le Médiateur a créé
un groupe de travail
ad hoc,
avec la participation du ministère de l'Intérieur et du ministère
de la Justice, pour élaborer une recommandation sur la mise en œuvre de
l'article 90, conformément à la Constitution et à d'autres lois
connexes. Le 26 juillet 2013, le ministère de l'Intérieur a publié
une recommandation à toutes ses autorités administratives et institutions
sur «l'application correcte et uniforme de l'article 90 du Code
de la contravention», en précisant que l'article 90 doit être appliqué strictement
en conformité avec la Loi n° 30 du 7 Mars 2013 sur la protection
des mineurs contre les effets négatifs de l'information
, qui ne fait pas référence à des
relations de même sexe ou de toute autre question concernant les
personnes LGBT. L'organisation LGBT moldave GENDERDOC-M s'est félicitée
de ces mesures, tout en invitant les autorités à introduire des
mesures plus proactives assurant l'égalité des personnes LGBT
. Nous attendons maintenant que
les autorités abrogent cette disposition controversée, afin de lever
toute ambiguïté potentielle.
5.6. Droits des minorités
150. D'après le recensement de la population d'octobre
2004, sur les 3 383 332 habitants que compte la République de Moldova,
les Ukrainiens représentaient 8,3 % des minorités reconnues, les
Russes 5,9 %, les Gagaouzes 4,4 %, les Roumains 2,2 %, les Bulgares
1,9 % et les autres groupes ethniques (Roms, Biélorusses, Juifs,
Polonais, Arméniens, Allemands et non déclarés) 1 %. Le recensement
ne donnait pas d'informations sur la région de Transnistrie.
151. La République de Moldova a ratifié la Convention-cadre pour
la protection des minorités nationales (STE n° 157) en 1996. Le
Comité consultatif de la Convention-cadre a adopté son troisième
Avis sur la République de Moldova le 26 juin 2009 et le gouvernement
a transmis ses commentaires le 11 décembre 2009. Le Comité des Ministres
a par la suite adopté la Résolution CM/ResCMN(2010)6 sur la mise
en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales lors de sa 1 084e réunion
le 5 mai 2010. Le Comité des Ministres a salué le soutien continu
aux activités de préservation et de développement du patrimoine
culturel des minorités nationales mais a pointé du doigt certaines
défaillances dont notamment l’absence de recueil systématique de
données sur les cas de discrimination, les différences linguistiques
parfois exploitées pour attiser les divisions dans la société, la
baisse du soutien apporté au Bureau des relations interethniques
et aux autres organes s’occupant des questions intéressant les minorités,
la non reconnaissance officielle de l’Islam comme religion en République
de Moldova, en dépit de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur
les confessions religieuses en 2008, empêchant les musulmans d’exercer
effectivement leur droit de manifester leur religion et de créer
des institutions, des organisations et des associations religieuses,
l’offre insuffisante d’enseignement de la langue d’Etat adapté aux
personnes appartenant à des minorités nationales, et la discrimination
persistante dont souffrent les Roms qui vivent à l’écart dans des
conditions de logement déplorables et dans une situation d’extrême
pauvreté.
152. Nous nous réjouissons des faits nouveaux constatés depuis
l’adoption, en 2010, de la Résolution du Comité des Ministres:
- En ce qui concerne la question
des Roms, un plan d’action 2011–2015 en soutien à la communauté
rom a été adopté par le gouvernement le 8 juillet 2011, puis modifié
le 31 janvier 2012 dans le cadre du plan d’action national pour
les droits de l’homme. Ce plan prévoit la mise en place de 47 médiateurs communautaires
dans les principales régions d’implantation de la population rom;
le PNUD Moldova devrait cartographier les communautés roms importantes,
estimer leurs effectifs et identifier les problèmes auxquels ce
groupe ethnique est confronté. Depuis juillet 2011, une formation
est assurée dans le cadre du programme conjoint du Conseil de l’Europe
et de l’Union européenne intitulé «Médiation interculturelle pour
les communautés roms» (programme ROMED). Le ministère de l’Education
a lancé tout un ensemble de mesures, notamment l’élaboration d’un
programme sur le thème «Histoire, culture et traditions des Roms
de Moldova» qui a été inclus en tant que matière facultative dans
les programmes d’enseignement secondaire .
- En mars 2011, le ministère de la Justice a enregistré
la Ligue islamique de la République de Moldova, incluant de ce fait
le culte islamique dans le registre national des religions qui peuvent
être officiellement pratiquées dans le pays .
153. Nous saluons le travail effectué par le Bureau des relations
interethniques qui consulte et coordonne les actions des ONG en
vue de mettre en œuvre la Convention-cadre du Conseil de l’Europe.
Mme Beleacova, Directrice du Bureau, a évoqué la nécessité de renforcer
la sensibilisation aux droits des minorités nationales, la préparation
d’un nouveau plan d’action visant à soutenir la communauté rom,
ainsi que le lancement d’un plan gouvernemental pour l’enseignement
de la langue d’Etat aux adultes. Elle a également annoncé, en juin 2011,
l’organisation d’une table ronde consacrée à la ratification de
la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE
n° 148).
154. La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
constitue, avec la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales, les normes européennes en matière de protection des
minorités, auxquelles il est fait référence dans les Critères de
Copenhague de l’Union européenne. Lors de son adhésion au Conseil
de l’Europe en 1995, la République de Moldova s’est engagée «à signer
et ratifier, dans un délai d’un an à partir de son adhésion, la
Charte européenne de l'autonomie locale, et d’étudier, en vue de
leur ratification, la Charte sociale et la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe»
.
155. La République de Moldova a signé la Charte le 11 juillet 2002
et pris au cours des dix dernières années, en coopération avec le
Conseil de l’Europe, des mesures pour préparer minutieusement la
ratification de cet instrument. L’Union européenne, l’OSCE et l’OTAN
ont invité instamment la République de Moldova à ratifier la Charte
au cours de la dernière décennie.
156. En octobre 2011, le Bureau des relations interethniques a
créé un groupe de travail comprenant des représentants des ministères
et des minorités nationales afin d’élaborer un projet d’instrument
de ratification, en coopération avec le Conseil de l’Europe.
157. Depuis lors, les travaux préparatoires semblent s’être ralentis.
Les autorités ont indiqué se concentrer à présent sur l’évaluation
des besoins des minorités et l’identification de mécanismes appropriés
en vue de la mise en œuvre des dispositions de la Charte
. Au cours de notre dernière visite en novembre
2012, le ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration européenne
s’est montré très prudent et a exprimé ses préoccupations devant
les derniers développements dans les pays voisins s’agissant de
l’emploi des langues minoritaires. La République de Moldova peut
compter sur la compétence du Conseil de l’Europe pour reconsidérer
sa position et prendre les mesures requises pour envisager la ratification
de la Charte, ce qui serait une confirmation forte de l’engagement
du pays en faveur de la protection des droits des minorités et de l’intégration
européenne.
5.7. Société civile
158. Le 28 septembre 2012, le parlement a approuvé la
Stratégie de développement de la société civile pour 2012-2015 ainsi
que le plan d’action pour sa mise en œuvre. Cette stratégie devrait
garantir un environnement propice au développement d’une société
civile active, consolider la participation de la société civile
dans l’exécution et le contrôle des politiques publiques et promouvoir
et conforter la pérennité financière des organisations de la société
civile.
159. La mise en œuvre de la stratégie, et notamment le plan d’action,
sera coordonnée par le Service en charge de la coopération avec
la société civile, composé de représentants du gouvernement et de
la société civile. La procédure de suivi et d’évaluation des résultats
sera achevée quatre ans après l’adoption du plan d’action, par un
groupe de travail mis en place par le Président du Parlement, l’organisation
d’auditions et de discussions et un débat annuel au parlement.
6. Derniers développements
dans la région transnistrienne de la République de Moldova
160. Dans sa
Résolution
1572 (2007), l’Assemblée a réitéré sa conviction que «le règlement
du conflit transnistrien doit reposer sur le principe intangible
du respect plein et entier de l’intégrité territoriale et de la souveraineté
de la République de Moldova. Toute option de règlement proposée
doit être soigneusement examinée et discutée avec l’ensemble des
parties prenantes nationales et internationales et notamment les responsables
politiques de la majorité et de l'opposition de la République de
Moldova, ainsi qu’avec les médiateurs et observateurs internationaux.
Il convient de tirer profit de l’expertise acquise, en particulier
par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) dans le domaine du droit constitutionnel comparé» (paragraphe
15). Par ailleurs, dans sa
Résolution
1666 (2009), l’Assemblée a appelé «la République de Moldova et ses
voisins et partenaires, notamment la Roumanie, l’Ukraine et la Russie,
qui sont par ailleurs membres du Conseil de l’Europe, à jouer un
rôle constructif afin d’apaiser les tensions et favoriser un dialogue
entre tous les acteurs politiques, tout en respectant la souveraineté
et l’intégrité territoriale du pays» (paragraphe 9).
161. Dans sa
Résolution
1896 (2012) sur le respect des obligations et engagements de la
Fédération de Russie, adoptée le 2 octobre 2012, l’Assemblée appelait
les autorités russes à achever le retrait des forces militaires
russes et de leur matériel du territoire de la République de Moldova
sans plus attendre (paragraphe 25.34); à dénoncer comme erronée
la notion de deux catégories distinctes de pays étrangers, qui revient
à en traiter certains comme une zone d'influence spéciale appelée
«l'étranger proche», et à s'abstenir de véhiculer la doctrine géographique
des zones «d'intérêts privilégiés» (paragraphe 25.35).
162. La période récente a été marquée par des développements importants
dans le conflit en Transnistrie. Après une suspension de près de
6 ans, les discussions au format 5+2 sur la Transnistrie ont repris.
Elles se sont déroulées à Vilnius du 30 novembre au 1er décembre
2011, à Dublin le 28 février et le 1er mars
2012, à Vienne les 12-13 septembre 2012 et à Dublin en novembre
2012, à Lviv en février 2013 et à Vienne les 16-17 juillet
2013. Ces réunions étaient axées sur des questions concrètes telles
que la liberté de circulation des personnes et des véhicules, les
transports ferroviaires, l’éducation, l’environnement
,
mais également le respect des droits de l’homme, la prévention du
crime et la lutte contre la criminalité, les problèmes de fonctionnement
des écoles moldaves dans la région de Transnistrie (rive gauche
de la rivière Dniestr/Nistru) où l’enseignement est dispensé en
alphabet latin, etc. Ce processus s’est poursuivi sous la Présidence ukrainienne
de l’OSCE, qui a démarré en janvier 2013.
163. Cette déclaration
a été saluée par l’OSCE, l’Ambassade des Etats-Unis à Chisinau,
l’Ukraine ainsi que par la Haute Représentante de l'Union européenne
pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine
Ashton, qui l’a qualifiée de contribution à l’instauration d’un
climat de confiance et au succès des discussions selon le schéma
«5+2».
164. L’ONG Promo Lex a exprimé ses préoccupations quant au point
faisant état de la coopération des organes constitutionnels d’application
de la loi avec les organes illégaux de Transnistrie, ce qu’interdisent
la Constitution et la législation nationale de la République de
Moldova.
165. L’élection du Président de fait s’est tenue le 11 décembre
2011 en Transnistrie. M. Smirnov était candidat à un cinquième mandat
mais n’a plus bénéficié du soutien de la Russie.
166. M. Smirnov, qui dirigeait la région depuis 20 ans, a été battu
par M. Sevchuk, dont l’élection en tant que Président de fait a
été confirmée le 26 décembre 2011.
167. Le 1er janvier 2012 a été marqué
par le meurtre d’un jeune homme de 18 ans par un fonctionnaire russe, au
poste de contrôle de Vadul lui Voda. Le gouvernement moldave a réitéré
son appel pour que la mission de maintien de la paix (menée par
trois contingents militaires, représentant respectivement la République
de Moldova, la Russie et la République autoproclamée de Transnistrie
– soit, au total, 1 500 soldats) devienne une mission civile sous
mandat international. Les autorités russes ont ultérieurement relaxé
le militaire qui était accusé et classé la procédure pénale. Nous
lançons un appel à toutes les autorités concernées afin qu’elles procèdent
à une enquête exhaustive et qu’elles tirent les leçons de ce tragique
incident.
168. Le 13 juin 2012, un nouveau président du Soviet suprême de
fait (l’organe législatif) de la région transnistrienne a été élu.
Mikhail Burla, qui occupait jusqu’à ce jour le poste de Vice-président,
succède à l’ancien Président, M. Kaminski.
169. Le 13 septembre 2012, lors des discussions de Vienne au format
5+2, Chisinau et Tiraspol ont proposé de créer une plateforme conjointe
avec la participation de la société civile et d’organisations internationales dans
le but d’assurer la défense des droits de l’homme et de contrôler
leur respect dans la région transnistrienne de la République de
Moldova.
170. Le 14 septembre 2012, le ministère moldave de l’Education
a réaffirmé que rien n’empêchait les titulaires de diplômes décernés
dans la région transnistrienne de poursuivre leurs études en République
de Moldova et d’y trouver un emploi, à l’exception des diplômes
concernant les domaines médical, militaire, de la protection de
l’ordre public ou de la sécurité gouvernementale, qui sont régis
par des réglementations spécifiques et soumis à des processus de
reconnaissance particuliers partout dans le monde. Leurs titulaires sont
en mesure de poursuivre leurs études et de trouver un emploi.
171. Des discussions sont en cours en vue de garantir la liberté
de circulation des populations des deux rives du Nistru/Dniestr,
de régler les questions de trafic ferroviaire et notamment de fixer
les horaires, et abordent également d’autres points d’intérêt commun.
172. Le 27 septembre 2012, le Conseil de l’Union européenne a décidé
de lever l'interdiction de pénétrer sur le territoire de l'Union
européenne décrétée à l'encontre des anciens dirigeants politiques
de fait de la région transnistrienne de la République de Moldova.
Ce faisant, il reconnaît les progrès réalisés par la nouvelle équipe dirigeante
dans la négociation de certains aspects d'un règlement du conflit
en Transnistrie selon le schéma «5+2». Dans le même temps, le Conseil
a fait en sorte que l'interdiction puisse à nouveau être imposée
à l'encontre de toute personne qui empêcherait que des progrès soient
accomplis dans le règlement des problèmes qui subsistent en ce qui
concerne les écoles moldaves opérant dans la région transnistrienne
où l'enseignement est dispensé en alphabet latin. Les dispositions
correspondantes n'ont pas été supprimées, mais elles ne ciblent
plus des personnes précises.
173. Cependant, le 26 septembre 2012, les autorités de fait ont
introduit de nouveaux droits de douane sur les marchandises moldaves,
alors même que le Premier ministre Vlad Filat et le dirigeant transnistrien Yevgeniy
Shevchuk discutaient de diverses questions liées aux modalités de
mise en œuvre des mécanismes permettant le rétablissement complet
du transport ferroviaire des convois de marchandises dans la région transnistrienne,
afin de garantir la libre circulation des personnes, des biens et
des services et d’autres mesures susceptibles de renforcer la confiance
entre les deux rives du Dniestr.
174. Le respect des droits de l’homme reste un domaine de vives
préoccupations. Nous nous sommes rendus dans la région transnistrienne
lors de notre visite effectuée en octobre 2012. Malheureusement,
nous n’avons pas été en mesure de rencontrer les autorités de fait
(à l’exception du Médiateur) et d’aborder les problèmes en matière
de droits de l’homme.
175. Au cours de notre visite, nous avons été informés de la situation
d’Alexandru Bejan, 18 ans, élève dans le secondaire, et avons fait
part de nos inquiétudes devant l’enquête et les poursuites dont
il fait l’objet en Transnistrie pour «menace d’acte terroriste».
La procédure juridique suscite de nombreuses questions. Nous avons
appelé les autorités de fait à veiller à ce qu’Alexandru Bejan bénéficie
d’un procès équitable et d’une protection juridique adéquate, conformément
à la Convention européenne des droits de l'homme, qui s’applique
à la Transnistrie. Nous avons également évoqué le cas de cet élève
et d’autres affaires du domaine des droits de l’homme avec le Médiateur
de fait de la Transnistrie, M. Kalko, visité l’école de M. Bejan,
qui utilise l’alphabet latin, et rencontré des représentants d’ONG.
Depuis notre visite, nous avons été informés que la procédure à
l’encontre d’Alexandru Bejan reste ouverte. Il n’y a toujours pas
de décision judiciaire finale. M. Bejan toutefois ne vit plus dans
la région de Transnistrie; les autorités moldaves ont pris des mesures
pour faciliter son intégration sociale.
176. Le 19 octobre 2012, alors que nous étions en République de
Moldova, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu son arrêt
relatif à l’affaire Catan et autres c. République de Moldova et
Russie
.
Elle a conclu, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 2
du Protocole n° 1 (droit à l’instruction) à la Convention européenne
des droits de l’homme en ce qui concerne la République de Moldova,
et par 16 voix contre une, à la violation de l’article 2 du Protocole
n° 1 en ce qui concerne la Fédération de Russie. L’affaire concernait le
grief formulé par des enfants et des parents appartenant à la communauté
moldave de Transnistrie relativement aux effets d’une politique
linguistique adoptée en 1992 et en 1994 par le régime séparatiste
et interdisant l’usage de l’alphabet latin dans les écoles, ainsi
qu’aux mesures prises consécutivement pour appliquer cette politique.
Ainsi, des élèves et des enseignants avaient été expulsés de force
hors d’écoles de langue moldave/roumaine et ces écoles avaient été
contraintes de fermer leurs portes avant de pouvoir rouvrir dans
d’autres locaux. La Cour a estimé que le régime séparatiste n’aurait
pu continuer à exister sans l’appui militaire, économique et politique
de la Russie et que, dès lors, la fermeture des écoles relevait
de la juridiction de la Russie au sens de la Convention. La République
de Moldova, en revanche, s’est abstenue de soutenir le régime et
a de plus déployé des efforts considérables pour aider les requérants
eux-mêmes en payant le loyer et la rénovation de nouveaux locaux,
de même que l’ensemble de l’équipement, les salaires des enseignants
et les frais de transport. Nous avons exprimé l’espoir que les autorités
de fait de la Transnistrie et les autorités russes exécuteront sans
tarder l’arrêt par lequel la Cour européenne des droits de l’homme
a constaté, le 19 octobre 2012, une violation du droit à l’instruction
dans les écoles de la région transnistrienne où les cours sont dispensés
en moldave/roumain.
177. Nous avons salué la première visite de Thomas Hammarberg,
alors Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
dans la région transnistrienne de la République de Moldova en janvier
2012; lors de cette visite, il a pu avoir des entretiens avec les
autorités de fait de la région et des organisations de la société civile.
Un certain nombre de problèmes ont été abordés, notamment le fonctionnement
des tribunaux locaux, de la police et des établissements pénitentiaires;
ou encore la nécessité d’améliorer les conditions de détention,
et la question de l’assistance internationale demandée par les autorités
de Transnistrie en vue de prévenir la propagation des épidémies
de tuberculose et de sida au sein de la population carcérale; ont
été également abordées la nécessité de réviser et modifier les règles
régissant les médias, l’importance d’un dialogue authentique avec
les organisations non gouvernementales, le fonctionnement des établissements scolaires
utilisant l’alphabet latin, et, enfin, la reprise de la coopération
avec le CPT
.
178. Thomas Hammarberg a par la suite été nommé expert en droits
de l’homme des Nations Unies dans la région transnistrienne de la
République de Moldova et chargé de formuler des recommandations
afin de consolider la protection des droits de l’homme dans la région.
A l’issue de sa deuxième visite d’information en Transnistrie du
16 au 25 septembre 2012, il a recommandé la révision du système
de justice pénale dans la région et souligné divers points: surpeuplement
dans les prisons de la région, lourdeur des peines purgées par la
grande majorité des personnes détenues et rareté des acquittements.
Il a par ailleurs mis en avant les conditions de vie déplorables
dans les prisons, à l’origine de problèmes de santé graves chez
certains détenus (tuberculose, VIH/sida, etc.). Publié en février
2013, le rapport de Thomas Hammarberg adresse un certain nombre
de recommandations aux autorités concernant le respect du droit
international des droits de l’homme, le secteur judiciaire, la torture
et les mauvais traitements, les enquêtes et poursuites pénales,
le système pénitentiaire, l’accès aux droits au logement, au soins
de santé et à l’éducation, la pandémie de tuberculose et de VIH/sida,
la traite des êtres humains, les personnes handicapées, etc. Malgré
le règlement du conflit transnistrien, nous partageons le point
de vue selon lequel il convient de se préoccuper davantage de la protection
des droits fondamentaux des populations vivant dans la région de
Transnistrie, en raison des incidences sur leur quotidien. Nous
espérons que les autorités de fait examineront favorablement les recommandations
formulées par M. Hammarberg et qu’elles engageront un processus
de réforme.
179. Nous voudrions aussi encourager les autorités de fait, ainsi
que les autorités de la République de Moldova, à poursuivre leur
coopération en ce qui concerne les mesures de confiance sur les
deux rives du fleuve Nistru/Dniestr lancées par le Conseil de l’Europe,
qui visent à intensifier les relations entre les populations.
180. Les développements intervenus en 2012 dans la région transnistrienne
étaient, semble-t-il, assez prometteurs: les nouveaux dirigeants
– salués par le gouvernement moldave – pourraient bien apporter
un nouvel élan à cette région, et le dialogue entre Chisinau et
Tiraspol s’est, de toute évidence, amélioré, comme en a témoigné
la rencontre à Odessa, le 27 janvier 2012 de M. Filat, Premier ministre
moldave, et de M. Evgueni Chevtchouk, nouveau dirigeant de la Transnistrie.
D’autre part, l’action du Conseil de l’Europe depuis 2011 en vue
de renforcer la confiance entre les deux rives du fleuve Nistru/Dniestr,
devrait être également encouragée.
181. En 2013, les négociations menées dans le cadre des discussions
5 +2 en février, mai et juillet ont porté sur la liberté de circulation,
les transports, l'éducation et des projets concrets. Il y avait
peu de progrès réalisés sur les questions majeures. En mai 2013,
toutes les parties ont toutefois réussi à s'entendre pour démanteler, sous
les auspices de l'OSCE, un téléphérique non fonctionnel à travers
la rivière Nistru/Dniestr près des villes de Rybnitsa et Rezina.
En juillet 2013, les parties ont coordonné l'approbation d'un plan
d'action sur la coopération dans le domaine de la protection de
l'écologie et de l'environnement, avec une attention particulière
portée à la rivière Nistru/Dniestr
.
182. Cependant, nous notons avec préoccupation que les autorités
de fait ont pris plusieurs dispositions unilatérales, comme le décret
signé le 10 juin 2013 par M. Chevtchouk, délimitant la frontière
de l’Etat autoproclamé, qui pourrait compromettre le processus de
dialogue. Nous nous félicitons de la déclaration adoptée à l’unanimité
par le Parlement moldave, le 21 juin 2013, qui appelle les parties
impliquées dans le conflit transnistrien et les pays garants à s’asseoir
à la table des négociations pour prendre les décisions dans une
atmosphère sereine. Nous ne doutons pas que toutes les parties prenantes
redonneront un élan politique aux discussions «5+2» pour traiter
ces questions et continuer à travailler dans l’intérêt de tous les
peuples.
183. Nous espérons que la tendance positive observée dans la région
transnistrienne se poursuivra et nous tenons à réaffirmer que l’Assemblée
est disposée à aider toutes les parties en présence à favoriser
un règlement pacifique du conflit. A cet égard, nous saluons l’initiative
prise par le Président de l’Assemblée, Jean-Claude Mignon, à l’issue
de sa visite en République de Moldova en décembre 2012. Il a en
effet proposé l’Assemblée parlementaire comme plateforme pour relancer
le dialogue entre les représentants du Parlement moldave et du Soviet
Suprême transnistrien et nous encourageons l’ensemble des parties
prenantes concernées à y participer activement.
7. Conclusions
184. Nous restons convaincus de la volonté des autorités
moldaves de poursuivre le processus de respect de leurs engagements
et obligations. A cet égard, nous saluons l’adoption par le Parlement
moldave d’un «Plan d’action sur le respect, par la République de
la Moldova, de ses engagements vis-à-vis du Conseil de l’Europe».
185. Nous félicitons le parlement pour l’élection du Président
de la République, qui devait être conforme à la Constitution, garantir
la séparation des pouvoirs et accélérer les processus de réforme
indispensables. Il incombe maintenant aux parlementaires de consolider
le cadre juridique et de réviser la Constitution s’agissant de l’élection
du Président de la République. Il est également de leur responsabilité
politique d’assurer la stabilité des institutions et de la renforcer
pour l’avenir.
186. A la lumière de la récente crise politique consécutive à «l’accident
de chasse», il convient de souligner la nécessité de s’attacher
davantage à promouvoir une culture politique axée sur la séparation
des pouvoirs, le respect de leur équilibre et la dépolitisation
des institutions de l’Etat et des organes d’application de la loi.
187. Nous pensons donc que la communauté internationale, notamment
le Conseil de l’Europe et ses Etats membres, devraient continuer
à soutenir les efforts de démocratisation de la République de Moldova
et sa volonté de se conformer pleinement aux normes européennes
et de relever les nombreux défis auxquels elle est confrontée en
matière politique et sociale. Nous espérons que le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe envisagera de poursuivre et de renforcer
les programmes de coopération sur les questions les plus urgentes à
traiter par la République de Moldova, notamment les réformes constitutionnelles,
électorales et judiciaires, la lutte contre la corruption et la
promotion d’une bonne gouvernance à tous les niveaux de décision.
Les autorités moldaves sont invitées à continuer de faire appel
à l’expertise de l’Organisation et de sa Commission de Venise, avec
laquelle elles ont déjà établi une coopération fructueuse.
188. En raison de son passé, la République de Moldova est une société
tournée à la fois vers l’est et l’ouest. Politiquement parlant,
cette situation se traduit par d’importants clivages entre la majorité
et l’opposition qui proposent chacune des options différentes pour
la future intégration régionale de la République de Moldova. Il
appartient aux citoyens moldaves de faire leurs propres choix pour
l’avenir. L’ensemble des dirigeants politiques devrait être encouragé
à promouvoir une société intégrante, non discriminatoire et multiculturelle,
à stimuler les réformes politiques et économiques, attirer les investisseurs
étrangers et améliorer le niveau de vie, pour le bien-être des citoyens
moldaves et dans le respect plein et entier de leur diversité culturelle.
189. Dans ce contexte, le pays doit encore engager et mettre en
œuvre des réformes essentielles afin d’assurer l’Etat de droit,
la démocratie et les droits de l’homme. Nous estimons en particulier
indispensables la réforme du ministère public et du ministère de
l’Intérieur ainsi que la mise en œuvre de la stratégie sur le système
de justice. La lutte contre la corruption et le renforcement des
capacités et de l’indépendance du judiciaire devraient rester prioritaires.
190. Nous avons conscience que des réformes d’une telle envergure
demandent du temps. Il est d’une importance cruciale que ce processus
inclut de vastes consultations de l’ensemble des parties prenantes
(y compris des ONG) et qu’il s’appuie sur l’expertise des institutions
internationales pour garantir la conformité de la législation avec
les normes internationales pertinentes. Nous réaffirmons que le
Conseil de l’Europe est prêt à aider la République de Moldova à
mener à bien ce processus et nous encourageons les autorités à poursuivre
leur coopération avec l’Organisation.
191. Au vu des constatations qui précèdent, nous recommandons à
l’Assemblée de décider de poursuivre sa procédure de suivi du respect
des obligations et engagements de la République de Moldova.