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Rapport | Doc. 13366 | 10 décembre 2013

La diversification de l'énergie en tant que contribution fondamentale au développement durable

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Doris BARNETT, Allemagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12495, Doc. 12552, Doc. 12514 et Doc. 12600, Renvoi 3747 du 11 mars 2011. 2014 - Première partie de session

Résumé

Une énergie propre, sûre et abordable est la clé d’un développement durable et de la qualité de vie. L’Europe est en transition vers un modèle de développement plus équilibré qui respecte mieux les capacités de notre planète. Pour atteindre ce but, tous les acteurs – les pouvoirs publics, les entreprises et les consommateurs – doivent contribuer à l’optimisation de la production, de la distribution et de l’utilisation de l’énergie.

Il faut dissocier la consommation d’énergie de la croissance économique et démographique et modérer les besoins énergétiques par le biais de l’efficience énergétique. Les sources d’énergie les plus propres et abondantes – notamment les sources renouvelables – doivent être utilisées davantage.

Des mesures fortes doivent aussi être prises pour protéger la santé publique et l’environnement lors de toute exploration ou exploitation de gaz et d’huile de schiste. Les recherches sur des alternatives plus propres que la fracturation hydraulique devraient être intensifiées. De plus, des politiques de sécurité plus strictes et des solutions à long terme pour la gestion des déchets nucléaires sont nécessaires. Enfin, le rapport propose des actions à mener pour éradiquer la pauvreté énergétique, pour améliorer la taxation, la réglementation des marchés et la coordination des réseaux, et pour promouvoir des bonnes pratiques dans le domaine des technologies de l’énergie.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 12 novembre
2013.

(open)
1. Une énergie propre, sûre et abordable est indispensable pour le développement durable et la qualité de vie. Elle s’inscrit dans une ambition plus large de la société d’adopter un modèle de développement plus équilibré qui respecte davantage les capacités et ressources de notre planète. A la lumière des engagements pris au Sommet Rio+20 sur le développement durable et du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la transition vers un avenir énergétique plus durable offre aux pays européens d’immenses perspectives, mais également de multiples défis.
2. En vue de préserver et renforcer la prospérité nationale dans un contexte mondial, les pouvoirs publics, les entreprises et les consommateurs en Europe doivent unir leurs efforts pour optimiser la production, la distribution et l’utilisation de l’énergie. Bien qu’une vision européenne commune pour un avenir énergétique propre semble encore hors de portée, l’Assemblée parlementaire observe un consensus politique grandissant sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la pollution et les risques divers liés au secteur de l’énergie et, parallèlement, d’accroître la compétitivité et de mieux exploiter les ressources existantes.
3. Par conséquent, l’Assemblée soutient fermement les objectifs de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie d’ici 2020, à savoir réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 1990, couvrir 20 % de ses besoins énergétiques à partir de sources renouvelables et diminuer sa consommation d’énergie de 20 %. Elle estime que les Etats non membres de l’Union européenne devraient se fixer des objectifs semblables, voire plus ambitieux, lorsqu’ils définissent leurs choix énergétiques nationaux.
4. En outre, l’Assemblée est convaincue que la société européenne doit dissocier sa consommation d’énergie de la croissance économique et démographique et devrait modérer ses besoins énergétiques en investissant dans l’efficience énergétique et les économies d’énergie. Cette nécessité est particulièrement pressante en ce qui concerne le chauffage, le refroidissement et les transports, dans l’industrie comme dans les ménages, secteurs dans lesquels la diversification des sources d’énergie, des technologies et des modes de consommation peut permettre de gagner considérablement en efficience et de créer des emplois.
5. L’Assemblée se félicite de la place de plus en plus importante accordée à l’utilisation des sources d’énergie les plus propres dans toute l’Europe. A condition qu’ils soient produits de manière durable, le gaz naturel et les sources d’énergie renouvelables revêtent une dimension stratégique à cet égard. Toutefois, exploiter le plein potentiel de l’énergie propre nécessite une volonté politique forte pour garantir un investissement adapté, une coordination régionale des réseaux et un marché européen de l’énergie plus intégré.
6. L’Assemblée note que l’exploration et l’exploitation de combustibles fossiles non conventionnels, en particulier le gaz et l’huile de schiste, suscitent une large variété de positions nationales et l’inquiétude de l’opinion publique partout en Europe. Elle partage cette préoccupation quant aux risques pour l’environnement, la santé publique et les risques sismiques inhérents à l’utilisation de la technique de fracturation hydraulique. D’importantes précautions s’imposent pour protéger les ressources hydriques en surface et en sous-sol, ainsi que l’air et le paysage. Il est donc nécessaire de développer des technologies plus propres pour l’exploitation commerciale du gaz et de l’huile de schiste.
7. Les avantages et les inconvénients de l’énergie nucléaire continuent à diviser les décideurs politiques en Europe. Si l’énergie nucléaire est perçue par beaucoup comme propre et peu coûteuse, elle est une source d’inquiétude pour d’autres du fait des problèmes de sécurité et de stockage des déchets à long terme. L’Assemblée considère que l’énergie nucléaire restera inscrite dans le paysage énergétique européen pour des raisons de sécurité d’approvisionnement, de compétitivité, de faibles émissions de carbone, ainsi que de potentiel de croissance au niveau mondial, mais qu’elle nécessite la mise en place de politiques de sécurité plus strictes et de solutions à long terme pour la gestion des déchets nucléaires.
8. L’Assemblée est profondément préoccupée par le problème de la pauvreté énergétique: au moins 1,5 milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’électricité et jusqu’à 32 % de la population dans différents pays européens vit dans un dénuement énergétique plus ou moins grand. Dans ce contexte, l’Assemblée souligne qu’il incombe aux gouvernements d’apporter une assistance ciblée pour aider les pays les plus pauvres à passer à un modèle de développement plus dynamique, mais également plus durable, et protéger les populations les plus vulnérables.
9. A la lumière des considérations ci-dessus, l’Assemblée adresse les recommandations suivantes aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.1. en matière de coopération régionale, paneuropéenne et internationale en faveur de l’énergie durable:
9.1.1. renforcer le Système européen d’échange de quotas d’émissions et s’efforcer de l’étendre aux pays non membres de l’Union européenne;
9.1.2. améliorer les cadres commerciaux et réglementaires pour les investissements transfrontaliers dans les énergies propres (réseaux et technologies) et la sûreté nucléaire;
9.1.3. encourager la consolidation des marchés régionaux de l’énergie et une concurrence loyale entre tous les acteurs sur le marché;
9.1.4. développer les capacités transfrontalières de transport, d’interconnexion et de stockage d’électricité, y compris le développement du plan solaire méditerranéen;
9.1.5. œuvrer pour la désindexation progressive du prix du gaz naturel par rapport à celui du pétrole pour les contrats d’approvisionnement afin de bénéficier de prix plus bas sur le marché international;
9.1.6. exploiter les possibilités de regrouper les moyens nationaux de production d’énergie (incluant les infrastructures, les importations, les capacités de secours et la gestion de l’offre et de la demande) et de renforcer la coordination des réseaux de transport au niveau régional afin de mieux exploiter le potentiel du marché européen;
9.1.7. informer, consulter et associer suffisamment les citoyens lors de l’élaboration de projets d’énergie propre;
9.1.8. promouvoir l’échange de bonnes pratiques dans le domaine des technologies, de la recherche, de la législation et de la réglementation relatifs à l’énergie;
9.2. en matière de politiques macroéconomiques nationales et européennes pour soutenir la transition vers un avenir énergétique plus durable:
9.2.1. s’employer à mettre en place des changements structurels propres à promouvoir un développement économique, environnemental et social équilibré et utilisant moins d’énergie issue de combustibles fossiles;
9.2.2. donner la priorité à une meilleure exploitation des sources d’énergie les plus abondantes, propres, efficientes et locales, en particulier des sources d’énergie renouvelables telles que la biomasse;
9.2.3. encourager les investissements pour renforcer l’efficacité énergétique dans différents secteurs, notamment le bâtiment, les transports et l’industrie, y compris en durcissant la réglementation en matière d’émissions et de certification;
9.2.4. utiliser la transition vers une énergie plus propre et plus efficiente pour créer et préserver des emplois;
9.2.5. mettre en place des cadres législatifs spécifiques et cohérents, des incitations fiscales et des signaux-prix pour encourager l’investissement dans les énergies propres;
9.2.6. pénaliser les gaspilleurs et les pollueurs énergétiques au moyen de taxes carbone ou environnementales et offrir une aide ciblée aux consommateurs d’énergie les plus vulnérables;
9.2.7. supprimer les subventions aux combustibles fossiles, mais envisager un soutien financier provisoire pour la transition vers les technologies les plus propres, la modernisation des infrastructures énergétiques et les efforts visant à réduire l’intensité énergétique;
9.2.8. appliquer les normes environnementales, juridiques et technologiques les plus élevées et mettre en place des mesures vigoureuses pour protéger la santé publique et l’environnement en cas d’exploration ou d’exploitation de combustibles fossiles non conventionnels (en particulier gaz et huile de schiste) et intensifier les recherches sur des alternatives plus propres que la fracturation hydraulique;
9.2.9. poursuivre l’intégration des marchés locaux de la production électrique et thermique;
9.2.10. soutenir activement le déploiement de réseaux de distribution d’électricité intelligents, de technologies de valorisation énergétique des déchets et d’installations de stockage des combustibles, ainsi que l’utilisation des sources d’énergie solaire, éolienne et de biomasse, des technologies de «charbon propre» et de stockage du carbone, et les développements innovants tels que des réseaux de stations-service pour les véhicules alternatifs;
9.2.11. continuer à diversifier les canaux et sources d’approvisionnement et les fournisseurs d’énergie afin de réduire la dépendance aux importations et de minimiser les perturbations et les coûts.

B. Exposé des motifs, par Mme Barnett, rapporteure

(open)

1. Introduction: la problématique énergétique et l’apport de l’Europe à «l’avenir que nous voulons»

1. L’approvisionnement énergétique est au cœur du développement durable et de la qualité de vie. La manière dont nous produisons, distribuons, partageons et utilisons l’énergie a de multiples incidences sociales, économiques, politiques et environnementales, qui ont toutes d’étroites répercussions les unes sur les autres et déterminent si notre développement «répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs» 
			(2) 
			Cette définition emblématique
du développement durable proposée par la Commission Brundtland (Commission mondiale
sur l’environnement et le développement) en 1987 met l’accent sur
les besoins humains essentiels et l’appréhension des limites de
la croissance quantitative.. L’année 2012 – déclarée par les Nations Unies «Année internationale de l’énergie durable pour tous» et marquée par la déclaration historique intitulée «L’avenir que nous voulons», adoptée au Sommet de Rio sur le développement durable (Rio+20) – a placé les questions énergétiques au centre des politiques de développement équilibré.
2. L’Assemblée parlementaire a insisté à de multiples reprises sur l’importance de la coopération énergétique dans toute l’Europe, y compris pour ce qui est de la diversification en tant qu’intérêt stratégique majeur. Elle l’a encore réaffirmé plus récemment, à la lumière des engagements environnementaux ambitieux souscrits par l’Europe dans le cadre du Protocole de Kyoto. La persistance de la crise économique a quelque peu affaibli l’enthousiasme ou la capacité de nombreux pays européens à tenir le rythme de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de plus en plus perçue comme un handicap compétitif à l’échelle mondiale. La crise a aussi accentué la précarité socio-économique de nombreux Européens, qui voient leur facture énergétique augmenter alors que leurs revenus diminuent et sont donc moins pressés de payer plus pour soutenir le développement de sources d’énergie renouvelables.
3. Parallèlement, les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont élaboré une Stratégie de croissance verte qui fait explicitement siennes les réflexions récentes sur le passage à un modèle de développement plus vert et les nouvelles approches d’un avenir durable sur le plan énergétique. Cette stratégie découle de la prise de conscience de l’augmentation inexorable de la demande mondiale d’énergie, elle-même alimentée par une croissance démographique rapide et l’évolution des besoins des consommateurs, compte tenu de la prospérité qui exige toujours plus d’énergie, et une énergie plus diversifiée.
4. De son côté, l’Union européenne a résolu d’atteindre d’ici à 2020 trois objectifs en matière de climat et d’énergie: réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 1990; couvrir 20 % de ses besoins énergétiques à partir de sources renouvelables; et, enfin, de diminuer sa consommation d’énergie de 20 % par une meilleure efficacité énergétique. Dans sa feuille de route pour l’énergie à l’horizon 2050, adoptée en 2011, l’Union européenne s’engage à encore réduire les émissions de 80 % à 95 % en dessous des niveaux de 1990. De fait, comme environ deux tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde (et quelque 80 % dans les pays développés) proviennent du secteur de l’énergie – principalement de l’utilisation d’énergies fossiles –, des changements radicaux s’imposent pour inverser la tendance et pour arrêter la surchauffe de notre planète. Le défi d’une énergie propre s’inscrit donc dans une évolution plus large vers une économie verte où les activités de l’homme laisseront une empreinte écologique bien moindre.
5. Dans ce contexte, l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima, en 2011, a eu de profondes répercussions sur les stratégies et le mix énergétique en Europe pour l’avenir. Alors que les perspectives mondiales d’expansion de l’industrie nucléaire semblaient s’éclaircir avant cet accident, notamment en raison des efforts entrepris pour atténuer le changement climatique, elles semblent aujourd’hui plus incertaines, voire fort négatives dans certains pays (dont le mien). Il en résulte une pression accrue en vue d’une meilleure exploitation du potentiel des sources d’énergie alternatives, qui ne doit pas pour autant pénaliser le développement.
6. Ce rapport prend donc en compte plusieurs propositions déposées par des membres des anciennes commissions des questions économiques et de l’environnement («La diversification de l’énergie, un intérêt économique commun à toute l’Europe», Doc.12514; «Investir dans un modèle économique à faibles émissions de carbone pour la croissance et le développement», Doc. 12495; «L’éolien offshore: une opportunité économique et écologique pour l’Europe», Doc. 12552; et «Pour une nouvelle stratégie énergétique en Europe», Doc.12600). Il s’appuie sur les contributions d’experts 
			(3) 
			Par exemple, l’échange
de vues que la commission a tenu avec le professeur Samuele Furfari
le 23 mars 2012. et présente une synthèse transsectorielle de la problématique de la diversification énergétique dans le contexte de l’engagement européen en faveur du développement durable. Il formule ensuite des propositions d’actions adressées aux Etats membres du Conseil de l’Europe et à leurs partenaires institutionnels au niveau international.
7. Outre les informations recueillies par moi-même, la commission a tenu un échange de vues sur le lien énergie/environnement avec le président de la Fondation Vernadsky 
			(4) 
			M. Vladimir Grachev,
qui est également un ancien membre de l’Assemblée. au cours de sa réunion qui a lieu à Moscou (Fédération de Russie) le 20 novembre 2012. Une audition a également été tenue à l’occasion de sa réunion à Berlin (Allemagne), le 15 mars 2013, à laquelle ont participé des représentants de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et des experts allemands 
			(5) 
			Les principaux orateurs
comprenaient: M. Didier Houssin, Directeur des Politiques et des
technologies de l’énergie durable (AIE); Dr Patrick Graichen, Directeur
adjoint de Agora Energiewende («croissance
énergétique»); et M. Andreas Jung, Directeur général de l’Agence
allemande de l’énergie [Deutsche Energie-Agentur
GmbH (Dena)]. Voir le document AS/Soc (2013) PV 02 add2
pour le procès-verbal de cette réunion..

2. Le défi énergétique de l’Europe pour un développement plus écologique, plus intelligent et plus équilibré

2.1. Garantir une croissance et une compétitivité efficientes sur le plan énergétique

8. Le développement humain et économique de ces 150 dernières années a rendu le monde esclave de la consommation d’énergie. Celle-ci augmente au taux régulier moyen de 2,3 % par an pour tous les types de sources d’énergie primaire. L’AIE estime que la demande mondiale en énergie primaire pourrait encore s’accroître de plus de 30 % d’ici à 2035, l’approvisionnement énergétique autrefois destiné à l’Europe étant progressivement redirigé vers les pays en développement. La hausse prévue de la consommation d’électricité (de 20 % aujourd’hui à 40 % en 2050) pèsera lourdement dans la balance pour les pays européens.
9. Ces projections ne sont pas nécessairement de mauvais augure pour l’Europe, qui ambitionne une croissance plus verte et éco-énergétique. Il est cependant évident d’un point de vue stratégique qu’il nous faut réduire notre consommation et nos coûts énergétiques tout en préservant notre capacité de développement, en garantissant l’emploi et l’approvisionnement en énergie, et en stimulant la compétitivité dans un contexte mondial. Comme l’a déclaré le Commissaire européen à l’Energie, «Une utilisation plus efficace de l’énergie est essentielle pour débloquer de vastes avantages économiques et environnementaux, ainsi que pour réduire la facture énergétique annuelle de l’Europe d’environ 200 milliards d’euros. Il pourrait également en résulter la création de deux millions d’emplois d’ici 2020 (…) et la sécurité accrue de notre approvisionnement énergétique 
			(6) 
			«Les défis énergétiques
de l’Europe», discours prononcé par Günther Oettinger, Commissaire
européen à l’Energie, le 10 février 2011 à Londres.».
10. L’Europe dispose de sources d’énergie variées – qu’elles soient nationales ou importées. Elle utilise essentiellement des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon), l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables (hydraulique, éolienne, solaire, géothermique, de biomasse et marémotrice), les bouquets énergétiques variant d’un pays à l’autre. L’utilisation du pétrole est largement dominante dans le secteur des transports (qui représente 70 % de la consommation de pétrole). Cette énergie reste difficile à remplacer faute d’investissements conséquents pour multiplier les véhicules électriques.
11. Jusqu’à 50 % de l’énergie consommée dans les pays industrialisés sont utilisés pour le chauffage et le refroidissement, dans l’industrie comme dans les ménages: c’est un domaine clé où il importe de réaliser des économies d’énergie, notamment grâce à la diversification des sources, des technologies et des modes de consommation. Ce défi est particulièrement difficile à relever dans plusieurs pays de l’Europe de l’Est, région dans laquelle les systèmes de chauffage urbains centralisés gaspillent beaucoup d’énergie. D’énormes possibilités s’ouvrent à nous grâce à l’utilisation de matériaux de construction modernes (pour des bâtiments «passifs»), une meilleure isolation (rénovation massive de constructions anciennes et infrastructures de transmission thermique), la production d’énergie locale (afin de réduire les pertes énergétiques dans les réseaux de transmission et d’optimiser les coûts) et aux appareils électroménagers, installations industrielles et véhicules économes en énergie.
12. La consommation en électricité ayant jusqu’à présent progressé de pair avec la production industrielle, le bien-être économique, le niveau de vie et les besoins nouveaux (dus en particulier à des technologies de l’information avides d’énergie), les besoins en électricité ne cessent de croître. En Europe, toutes les sources d’énergie primaire sont utilisées pour produire de l’électricité et une place de plus en plus importante est accordée au gaz naturel et aux sources d’énergie renouvelables. Pourtant, la déperdition de l’énergie primaire pendant la transformation continue d’avoisiner 60 % sous forme de chaleur. Il faut donc davantage investir dans la production combinée (produire de l’électricité et récupérer de la chaleur) et poursuivre les recherches sur les technologies de tri-génération (consistant à générer de l’électricité, de la chaleur et du froid).
13. Le développement des énergies renouvelables est souvent inégal d’un pays européen à l’autre et nécessite des efforts redoublés pour compenser des inconvénients tels que l’intermittence et le besoin occasionnel d’une capacité de réserve, un prix relativement élevé (par rapport à des sources énergétiques plus conventionnelles) et des difficultés de gestion des réseaux de transmission lors des pics de production excédentaire.

2.2. Intégrer les ambitions environnementales

14. L’appétit de l’Europe en énergie n’est pas sans conséquence pour l’environnement. Il est prouvé que la production et la consommation énergétiques augmentent la pollution de l’air et de l’eau, les émissions de gaz à effet de serre 
			(7) 
			Ceux-ci
incluent non seulement le dioxyde de carbone (CO2),
mais aussi le méthane, l’oxyde d’azote, l’hexafluorure de soufre,
les hydrofluorocarbones et les hydrocarbures perfluorés, comme le
spécifie le protocole de Kyoto. Selon l’Agence européenne de l’environnement,
les émissions de gaz à effet de serre liées au secteur de l’énergie
restent prédominantes et représentent 80 % du volume total des émissions,
le principal secteur émetteur étant la production d’électricité
et de chaleur, suivi du transport., les risques pour la biodiversité et la raréfaction des ressources naturelles, avec des répercussions toxiques à long terme sur la santé humaine 
			(8) 
			Dont notamment des
pathologies liées à l’environnement, telles que des maladies respiratoires
et cardiovasculaires, des types de cancer particuliers, des pathologies
chroniques et émergentes, dont des atteintes du système immunitaire, des
maladies neurologiques et neurodégénératives, ainsi que des perturbations
du système hormonal et de reproduction (voir Recommandation 1863 (2009) de l’Assemblée «Environnement et santé: mieux prévenir
les risques sanitaires liés à l’environnement»). et les habitats naturels 
			(9) 
			Voir Résolution 1682 (2009) et Recommandation
1883 (2009) sur les défis posés par le changement climatique et Recommandation 1823 (2008) sur le réchauffement climatique et les catastrophes
écologiques., ainsi que des effets boomerang sur les acteurs économiques, lorsque le principe du «pollueur-payeur» est pleinement appliqué 
			(10) 
			Voir Recommandation 1879 (2009) sur les énergies renouvelables et l’environnement et Résolution 1679 (2009) sur l’énergie nucléaire et le développement durable; Résolution 1588 (2007) sur les déchets radioactifs et la protection de l’environnement;
et Résolution 1629 (2008) sur l’OCDE et l’économie mondiale.. Pourtant, l’Europe a été l’une des premières à sonner l’alarme face à un mode de développement non durable, en soulignant qu’il n’existait pas de «planète B» susceptible d’accueillir la vie humaine et en préconisant une voie de développement plus équilibrée, qui privilégie la qualité et respecte la nature. L’Europe s’est faite l’ardente avocate de la réduction des émissions au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), du protocole de Kyoto et du processus post-Kyoto.
15. Bien que l’objectif d’un développement propre soit louable, il faut prendre soin d’éviter les décisions politiques hâtives ou contre-productives aux conséquences indésirables, comme dans le cas de la production de biocarburants, pour laquelle les visées étaient trop ambitieuses. Cette production est rapidement entrée en compétition avec les cultures destinées à l’alimentation; dans certains pays, elle est en partie responsable de la déforestation (en raison de l’extraction d’huile de palme) et fait finalement polémique du point de vue de l’équilibre énergétique (en raison du volume total des émissions résultant de la production, de la transformation et du transport des agro-carburants de première génération). De nouvelles recherches sont nécessaires pour développer une seconde génération d’agro-carburants plus fiables en termes d’exploitation des ressources, d’impact environnemental et d’émissions de gaz à effet de serre. Il faut en outre que la planification politique adopte systématiquement une approche transsectorielle 
			(11) 
			Voir Résolution 1667 (2009) «Produire des denrées alimentaires et du carburant»..
16. La question de l’exploitation de gaz et d’huile de schiste est un autre grand dilemme pour l’Europe. Si le gaz naturel ainsi produit semble être une solution plus propre que d’autres combustibles fossiles, les techniques existantes utilisées pour son exploitation soulèvent plusieurs problèmes d’environnement et de santé publique et en font un combustible bien moins propre que le gaz conventionnel (gazoduc ou GNL 
			(12) 
			Gaz
naturel liquéfié.):
  • pollution des nappes phréatiques due aux produits chimiques employés dans la fracturation hydraulique et aux fuites de substances dangereuses (métaux lourds et éléments radioactifs) du sous-sol à la surface;
  • maladies respiratoires liées à l’emploi de sable de silice (provoquant la silicose, même à petites doses) pendant la phase de forage;
  • risques sismiques;
  • paysages dévastés.
17. Cependant, malgré la controverse entourant le ratio risques/avantages de la fracturation hydraulique, certains pays d’Europe de l’Est ont commencé à exploiter le gaz de schiste (Pologne et Ukraine), en espérant s’affranchir de leur dépendance envers les importations de gaz naturel en provenance de Russie. En Europe, il ne faut pas exclure l’exploitation à grande échelle de gaz ou d’huile de schiste, mais remplacer la fracturation hydraulique actuellement utilisée par des technologies plus propres et plus sûres, actuellement en cours de développement (comme les techniques de fracturation électrique, thermique, ou au propane). Les travaux de recherche technologique dans ce domaine doivent s’intensifier. Par ailleurs, les progrès accomplis dans la recherche et le développement des techniques de captage et de stockage du carbone afin de réduire les émissions de CO2, sont une innovation bienvenue qui pourrait déboucher sur une production et une consommation énergétiques moins polluantes.
18. D’autres possibilités – telle la valorisation énergétique des déchets – devraient être mieux exploitées en Europe. Le recyclage d’une partie des déchets et l’incinération du reste pour produire chaleur et électricité est une solution qui s’impose de plus en plus pour gérer à la fois les déchets et la consommation d’énergie. Dans l’Union européenne, en moyenne, 22 % des déchets sont convertis en chaleur ou en électricité. Par exemple, en brûlant 49 % de ses déchets actuellement non recyclables, la Suède assure le chauffage pour environ 20 % de sa population urbaine et l’alimentation électrique de près de 5 % des ménages, tout en respectant des normes environnementales élevées de filtrage des polluants au cours du processus d’incinération. La Suède, ainsi que plusieurs municipalités en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suisse et dans d’autres pays européens, réussissent aussi très bien à fabriquer des biogaz à partir de déchets organiques pour les utiliser dans les transports locaux. Cela permet de réduire les émissions de CO2 (de 75 %-100 %) et d’autres polluants par rapport aux combustibles fossiles.

2.3. Lutter contre la pauvreté et la vulnérabilité énergétiques

19. Selon l’Agence internationale de l’énergie, 1 milliard et demi d’êtres humains n’ont actuellement pas accès à l’électricité et ce chiffre pourrait encore atteindre 1,3 milliard en 2030. La pauvreté énergétique est une préoccupation majeure sur un plan éthique; en effet, aussi longtemps que ces personnes n’auront accès qu’à de rares sources d’énergie locale (comme la biomasse), leur niveau de vie, leur éducation et leur développement économique ne pourront pas progresser comme dans les pays industrialisés. Une coopération au développement plus ciblée sera nécessaire pour réduire les écarts, notamment afin d’assurer une transition sans heurts des pays pauvres vers un modèle de développement plus dynamique, tout en les aidant à intégrer des considérations environnementales afin de lutter contre le changement climatique et de limiter les émissions de gaz à effet de serre.
20. Un autre genre de pauvreté énergétique touche une partie de la population européenne. Dans ce contexte, la pauvreté énergétique fait référence à l’impossibilité pour certaines familles d’avoir accès – socialement et/ou matériellement – à un niveau suffisant de services énergétiques (par exemple pour payer leurs factures d’électricité, de gaz naturel et de chauffage). Les principales causes de la pauvreté énergétique (qui peuvent se cumuler) sont les faibles revenus des ménages, la mauvaise isolation des immeubles et l’organisation du système d’approvisionnement énergétique d’un pays donné. Si la pauvreté énergétique est préjudiciable à la qualité de vie et à la réussite sociale des personnes concernées, elle l’est également – et gravement – pour leur santé.
21. Des études menées à l’échelle de l’Union européenne montrent qu’en moyenne, entre 13 % et 32 % de la population (soit entre 50 et 125 millions de foyers) de différents pays vivent dans un dénuement énergétique plus ou moins grave. C’est dans les pays d’Europe de l’Est et du Sud, région dans laquelle certains groupes de populations, tels les retraités et chômeurs, sont particulièrement vulnérables, que l’on trouve les plus forts taux de pauvreté énergétique. Des enquêtes montrent que la pauvreté énergétique est un problème croissant dans toute l’Europe et qu’il ne fera que s’aggraver dans les prochaines années en raison des hausses attendues du prix de l’énergie et de la stagnation quasi généralisée des revenus des ménages 
			(13) 
			Voir une étude sur «Energy poverty in the EU: a review of the
evidence» du Dr Stefan Bouzarovski-Buzar, Université de
Birmingham.. Les responsables politiques doivent donc porter plus d’attention à cette question pour améliorer la situation. Il faut agir dans tous les domaines politiques, notamment en matière de bien-être social, de protection du consommateur, d’imposition, de prix et de tarifs de l’énergie et d’efficacité énergétique intérieure, en mettant l’accent sur l’amélioration des systèmes de chauffage et d’isolation.

2.4. Stratégies nationales concernant le gaz de schiste, l’énergie nucléaire et le financement des coûts liés à la modification de l’équilibre énergétique

22. De nombreux observateurs et analystes de la situation énergétique s’accordent à dire que l’Europe doit aujourd’hui relever de nombreux et ambitieux défis, à la fois politiques, économiques et environnementaux. Alors qu’il nous faudrait en ces temps incertains un marché européen énergétique plus intégré et une direction politique forte, les avis sont assez divisés quant à l’orientation européenne commune qu’il conviendrait d’adopter en matière d’énergie; en effet, certains pays privilégient des politiques qu’ils croient vitales dans l’intérêt national. Aussi, bien que nous ayons impérativement besoin d’une approche plus européenne et plus unie, notamment pour investir à long terme dans des infrastructures énergétiques transfrontalières, les stratégies énergétiques nationales demeurent un moteur et un facteur essentiel de l’accélération des progrès «sur le terrain».

2.4.1. Exploiter ou ne pas exploiter les combustibles fossiles non conventionnels, y compris l’huile et le gaz de schiste

23. Dans sa feuille de route pour l’énergie à l’horizon 2050, l’Union européenne souligne que les combustibles fossiles non conventionnels, comme l’huile et le gaz de schiste, pourraient devenir une nouvelle source d’approvisionnement énergétique et contribuer à un modèle économique à faibles émissions de carbone. En effet, la production de gaz conventionnel en Europe décline et les importations augmentent. A court ou moyen terme, le gaz devrait remplacer de plus en plus le charbon et le pétrole afin de permettre une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre. En outre, il devrait permettre de garantir des capacités de secours fiables et flexibles pour les sources d’énergie renouvelable intermittentes. L’exploitation des combustibles fossiles non conventionnels pourrait également être envisagée comme une chance pour le développement économique de certaines régions.
24. Concernant l’exploration et l’extraction du gaz de schiste, les entreprises européennes accusent un net retard par rapport aux puissantes multinationales de l’énergie basées aux Etats-Unis. La ruée vers le gaz de schiste qui a eu lieu ces dernières années aux Etats-Unis a radicalement transformé le marché local de l’énergie, fait baisser le prix du gaz, stimulé la création d’emplois et suscité l’espoir d’une renaissance industrielle, en dépit de problèmes environnementaux fréquents, importants et à ce jour non résolus. Cependant, malgré des prévisions audacieuses affirmant que les Etats-Unis 
			(14) 
			HIS, une société internationale
d’information et d’analyse, estime qu’en 2012 les ressources nationales
de combustible non conventionnel ont permis de réduire le déficit
commercial des Etats-Unis d’environ 70 milliards de dollars (soit
quelque 10 %) et que, ensemble, le pétrole et le gaz ont généré
quelque 238 milliards de dollars en termes d’activité économique,
ont permis la création de 1,7 million d’emplois et ont été à l’origine
de 62 milliards de dollars de recettes fiscales. Pour de plus amples
informations, voir le rapport spécial sur la compétitivité de l’Amérique
dans The Economist du 16 mars
2013. pourraient devenir l’un des principaux producteurs de gaz et de pétrole – sur un pied d’égalité avec la Russie et l’Arabie saoudite – d’ici à 2017, certains experts soutiennent que le phénomène du gaz et de l’huile de schiste, bien que spectaculaire, risque fort de n’être qu’un feu de paille.
25. En effet, un cycle de vie typique d’un puits de gaz/d’huile de schiste dépasse rarement les cinq ou sept ans, la production déclinant rapidement dès les premières années d’exploitation. D’après la compagnie énergétique française Total, extraire du gaz et de l’huile de schiste nécessite le forage en profondeur de 10 à 100 fois plus de puits que pour le pétrole et le gaz conventionnels, ce qui requiert des réinvestissements constants et coûteux. La logique économique d’une telle entreprise suscite de sérieux doutes. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer le phénomène. Le progrès pour développer des alternatives techniques de fracturation sera la clé pour une exploitation des ressources en gaz ou pétrole de schiste de manière sûre et rentable. Les risques pour l’environnement, la protection de la santé humaine et la gestion des risques doivent aussi être dûment pris en compte dans l’adaptation des cadres juridiques nationaux 
			(15) 
			Les rapports du Parlement
européen sur les aspects industriels, énergétiques et autres liés
au gaz et au pétrole de schiste (document 2011/2309 (INI); rapporteur:
Niki Tzavella) et sur les incidences sur l’environnement des activités d’extraction
de gaz et d’huile de schiste (document 2011/2308 (INI); rapporteur:
Boguslaw Sonik), adoptés le 21 novembre 2012, appellent à une amélioration
permanente des technologies et à la recherche d’alternatives pour
un développement plus sûr et plus durable des ressources énergétiques
du schiste. et des plans d’affaires des entreprises.
26. L’Autriche et d’autres pays ont quant à eux développé une technique prometteuse dans laquelle le mélange chimique du fluide de fracturation est remplacé par de l’eau, du sable et de l’amidon de maïs. D’autres améliorations en matière d’utilisation de l’eau – notamment le recyclage de l’eau sur site en circuit fermé et des réservoirs de stockage en acier pour les eaux usées – permettent de minimiser les volumes d’eau, les déversements en surface ainsi que le trafic lié au transport des eaux usées. Cela dit, les risques sismiques et les émissions fugitives de méthane 
			(16) 
			Le méthane est un gaz
à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2.
Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration, les taux
de fuite de méthane aux Etats-Unis pendant le processus de fracturation
hydraulique représentent environ 2 % à 17 % de la production annuelle
de gaz et de pétrole., ainsi que le paysage et la pollution atmosphérique, demeurent des préoccupations majeures. Il est donc essentiel d’appliquer systématiquement les principes de précaution et de «pollueur-payeur».
27. Dans presque tous les pays d’Europe de l’Ouest, l’intérêt pour le gaz/pétrole de schiste se manifeste actuellement par de prudentes expérimentations (comme au Royaume-Uni) tentant de définir quelles sont les ressources éventuellement récupérables. Certains pays, tels le Danemark, la Hongrie et la Lituanie, prévoient des explorations ou ont entrepris des forages (par exemple, la Pologne, la Suède et l’Ukraine). Les prévisions – au départ, optimistes – ont dû être revues à la baisse. De plus, les investissements dans le gaz de schiste amoindrissent l’investissement dans d’autres sources d’énergie envisagées à travers l’Europe, notamment renouvelables, encore peu développées. Il en va de même des autres types de gaz non conventionnel, y compris le gaz de réservoir compact et le gaz de houille, dont les ressources sont relativement abondantes et de plus en plus accessibles.

2.4.2. Les enjeux de l’énergie nucléaire

28. Pour ce qui est de l’énergie nucléaire (qui représente 28 % de la production d’électricité dans l’Union européenne), elle a longtemps polarisé l’opinion publique et divers pays européens ont adopté des stratégies diamétralement opposées. Les accidents nucléaires de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011) ont eu des répercussions très importantes. La sécurité des centrales nucléaires en activité a dû être revue sous un nouveau jour, la planification de nouvelles centrales a été réexaminée, et le déclassement des plus anciennes a été accéléré. Ainsi, après Fukushima, l’Allemagne – la plus grande puissance économique européenne – a décidé de renoncer à l’énergie nucléaire d’ici à 2022 
			(17) 
			L’Allemagne
a fermé huit de ses plus anciennes centrales nucléaires en 2011,
et en fermera neuf autres en 2015, 2017, 2019, 2021 et 2022. Malgré
cette décision, le pays reste un gros exportateur d’électricité.; la Belgique et la Suisse prévoient de démanteler leurs centrales nucléaires, respectivement d’ici à 2025 et 2034; l’Espagne ne construira pas de nouveaux réacteurs et l’Italie ne retournera pas à l’énergie nucléaire dans un avenir proche.
29. D’autres pays, tels la Russie, la France, la Finlande, l’Ukraine, la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Slovaquie et le Royaume-Uni, continuent de considérer l’énergie nucléaire comme un pilier de leur stratégie nationale d’approvisionnement énergétique. Et cela, malgré le fait qu’il n’existe toujours pas de solutions suffisamment bonnes pour le traitement et le stockage sûrs et à long terme des déchets nucléaires. Les mesures actuelles d’élimination des déchets ne font que faire peser sur les générations futures la responsabilité de trouver une solution définitive.
30. Quel que soit le choix national, l’énergie nucléaire restera inscrite dans le paysage énergétique européen. Malgré les inquiétudes qui persistent quant à la sécurité à long terme, la gestion des déchets radioactifs (enlèvement, traitement, transport et stockage), les besoins de financement, les normes juridiques et la responsabilité en cas d’accident, le nucléaire possède aussi des atouts tels que la sécurité d’approvisionnement, la compétitivité, les faibles émissions de carbone, ainsi que l’emploi et un potentiel de croissance au niveau mondial. Il nous faut rappeler dans ce contexte les propositions avancées par des membres de cette Assemblée prônant la prise de précautions et de mesures plus adaptées pour gérer les risques sismiques en Europe, que l’on retrouve dans une proposition de recommandation sur les tremblements de terre et la sécurité nucléaire 
			(18) 
			Voir Doc. 12928, déposé par M. Latchezar Toshev et autres..

2.4.3. Considérations tarifaires pour le changement du mix énergétique

31. Il faut développer davantage les alternatives à l’énergie nucléaire pour assurer un approvisionnement en énergie régulier, propre et abordable. Il ne fait aucun doute que cette option est coûteuse pour les producteurs comme pour les consommateurs, en particulier si elle s’accompagne d’une modification de l’équilibre énergétique en faveur des énergies renouvelables. En effet, comme le montrent les estimations de l’OCDE, l’électricité nucléaire est généralement meilleur marché que celle produite à partir du charbon, des énergies renouvelables et du gaz (sauf quand le gaz est facilement accessible).
32. Aujourd’hui, adopter des «objectifs verts» en matière d’énergie exige un soutien financier supplémentaire qui se traduit par des coûts plus élevés. En Allemagne, par exemple, le passage aux énergies renouvelables a ajouté à peu près 18 % à la facture d’électricité des ménages, alors même que les prix du marché de gros sont restés stables voire ont baissé depuis 2008 
			(19) 
			Selon
le groupe énergétique EWE, le programme de soutien aux énergies
renouvelables représente 18 % du prix de l’électricité en Allemagne
(dont une contribution de 0,8 % pour l’énergie éolienne offshore).
Les frais de réseau représentent 23,5 % et les autres taxes totalisent
27,4 %, tandis que l’achat d’énergie physique ne pèse que 20 % dans
le prix de l’électricité.. Les différences de prix reflètent la volonté de maintenir une industrie compétitive et d’inciter les ménages à des économies d’énergie. Une comparaison effectuée à l’échelle mondiale par l’AIE montre également qu’en 2011, les consommateurs d’énergie américains ont payé leur gaz à un tiers du prix du gaz allemand et un quart du prix du gaz sud-coréen, et qu’un gaz bon marché se traduit par une électricité bon marché aux Etats-Unis. Un autre exemple est celui de l’Espagne où les généreuses subventions publiques octroyées pour promouvoir l’énergie solaire ont tellement augmenté (montant multiplié par 40 sur la période 2007-2012) qu’elles ont dû être réduites de façon drastique pour alléger le poids sur le budget national.
33. Il convient de réfléchir à la manière dont les systèmes actuels d’échange de quotas d’émissions et de taxation pourraient être adaptés pour aider à répartir équitablement une partie de la charge économique à tous les niveaux de la société, afin que l’ensemble des parties prenantes – l’Etat, les entreprises et les consommateurs – puissent assumer leur part de ces coûts. Par exemple, lorsque certains pays européens mettent en place un impôt sur les transactions financières, les revenus supplémentaires pourraient alimenter en partie l’investissement dans l’énergie verte et la création d’emplois dans ce domaine. Les diverses formes de taxes carbone ou environnementales qui font payer les pollueurs sont une autre précieuse source de revenus. Parallèlement, pour mettre les différentes sources d’énergie sur un pied d’égalité, il faut supprimer les subventions responsables de distorsions du marché 
			(20) 
			Selon l’AIE,
les subventions mondiales en faveur des énergies fossiles se sont
élevées en 2011 à $US 523 milliards. C’est six fois plus que les
subventions octroyées pour les énergies renouvelables. et accordées aux sources d’énergie les plus polluantes (c’est-à-dire les combustibles fossiles).
34. A des fins incitatives et pour s’adapter au climat économique fluctuant, l’Union européenne examine actuellement des moyens de réformer son Système d’Echange de Quotas d’Emissions pour que les prix des autorisations d’émission – lesquels atteignent aujourd’hui des niveaux historiquement bas (jusqu’à 3 à 5 euros par tonne, contre environ 25 euros en 2008) – renforcent l’élan de technologies plus propres et obligent les pollueurs à contribuer davantage à la transition vers une énergie non seulement plus verte, mais aussi plus accessible à tous les usagers. Le paradoxe des prix est tel que, depuis quelques années, de grands fournisseurs européens d’électricité ont cessé d’utiliser le gaz pour brûler du charbon moins cher mais plus polluant vu les prix d’autorisations d’émissions bon marché et l’afflux des exportations de charbon des Etats-Unis. Si rien n’est fait pour stopper la croissance des prix du gaz et pour pénaliser l’utilisation du charbon, ce phénomène pourrait s’installer et saperait les objectifs environnementaux.

3. La voie de la diversification énergétique: sources, fournisseurs, technologies, modes de consommation et politiques d’investissement

3.1. Tendances actuelles et nouvelles perspectives

35. Comme l’indique l’AIE dans son World Energy Outlook 2012 (document consacré aux perspectives énergétiques mondiales), la carte mondiale de l’énergie évolue avec la résurgence de la production de pétrole et de gaz aux Etats-Unis, la progression de l’extraction de gaz non conventionnel ailleurs dans le monde, l’expansion du commerce du GNL, le recul de l’énergie nucléaire dans certains grands pays et la croissance rapide de l’utilisation des technologies solaire et éolienne. Les pays développés se détournent progressivement du charbon et du pétrole en faveur du gaz naturel et des énergies renouvelables. Aucun pays n’apparaît à l’abri des tendances mondiales et d’une interaction grandissante entre les marchés nationaux ou régionaux de l’énergie et les principaux consommateurs mondiaux (comme les Etats-Unis, la Chine, le Japon, etc.).
36. Le pétrole reste le combustible le plus consommé dans le monde (33 % de l’énergie primaire totale), suivi du charbon (30 %), du gaz naturel (24 %), de l’énergie hydroélectrique (6 %), du nucléaire (5 %) et d’autres énergies renouvelables (2 %) 
			(21) 
			Voir diverses études
statistiques de BP sur l’énergie mondiale.. La production mondiale d’électricité augmente rapidement et provient essentiellement des combustibles fossiles (charbon 40 %, gaz naturel 21 % et pétrole 5 %), alors que le secteur nucléaire en fournit près de 13 % et les sources d’énergie renouvelables environ 20 %. Selon les estimations d’experts américains 
			(22) 
			Source:
Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), sur la base
de données de Advanced Resources International, Inc. concernant les réserves de gaz non conventionnel, la planète dispose de 456 milliards de m3, dont 180 milliards sont techniquement récupérables et 18 milliards se trouvent en Europe.
37. Le mix énergétique de la plupart des pays européens reste dominé par le pétrole, suivi du gaz, du charbon, de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables, quoique les deux dernières sources soient prépondérantes dans certains pays. Ainsi la Belgique, la France et la Slovaquie dépendent-elles énormément de l’énergie nucléaire; en Albanie, Autriche, Géorgie, Islande, Lettonie et Norvège, le secteur des énergies renouvelables (en particulier, l’énergie hydraulique) est très fort, tandis que pour la Slovénie, la Suède et la Suisse, les secteurs de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables occupent une place importante. Seule une poignée de pays sont actuellement autosuffisants en énergie grâce à des ressources intérieures en combustibles fossiles; reste que tous possèdent des sources plus ou moins abondantes d’énergie renouvelable qui ne demandent qu’à être exploitées. L’Union européenne, dans son ensemble, doit importer environ 82 % du pétrole, 57 % du gaz naturel et 97 % de l’uranium dont elle a besoin.
38. Après le choc causé par la catastrophe de Fukushima, le Japon a commencé à dérouter du GNL auparavant destiné à l’Europe. Il a également augmenté ses importations de charbon en provenance des Etats-Unis, ceux-ci utilisant dorénavant davantage de gaz et d’huile de schiste nationaux pour leurs propres besoins. Dans un contexte de réchauffement climatique mondial, les espoirs se tournent également vers la récupération de ressources énergétiques hauturières dans la région arctique qui est censée détenir des réserves massives de pétrole et de gaz (équivalant respectivement à près de 13 % et 30 % des ressources mondiales potentielles non découvertes). Les Etats-Unis, le Canada, le Groenland, la Norvège, l’Islande et la Russie sont les principaux concurrents de cette course à l’énergie.
39. Les sources d’énergie renouvelables sont généralement considérées comme un moteur du progrès économique et technologique. Elles sont de plus en plus employées pour remplacer les infrastructures vieillissantes de la production d’énergie – même dans des pays comme la Chine et la Russie – et sont aujourd’hui des piliers du développement durable. L’OCDE et l’AIE prônent une révolution des technologies de l’énergie (utilisant des technologies existantes et nouvelles), afin de se tourner vers un avenir énergétique durable et une économie verte. Il faudra pour réaliser cette avancée investir massivement dans l’amélioration du rendement énergétique, un recours équilibré au captage et au stockage de carbone, un déploiement accru des énergies renouvelables et redoubler d’efforts pour passer à des combustibles moins polluants 
			(23) 
			Voir
Etudes de l’OCDE/AIE sur la croissance verte – Energie, 2011. Le
Comité britannique pour le changement climatique souligne que la
technique de captage et de stockage du carbone produit, au cours
de sa durée de vie, des émissions supérieures à l’énergie nucléaire
et aux énergies renouvelables et que, de ce fait, elle ne doit être
utilisée que parmi d’autres technologies, de préférence sur des
centrales électriques au gaz plutôt qu’au charbon..
40. Les énergies renouvelables représentant une part importante et croissante de l’approvisionnement énergétique en Europe (environ 23 % en 2012, contre 13 % en 2002) 
			(24) 
			L’Allemagne, par exemple,
prévoit d’augmenter la part des sources renouvelables dans sa consommation
d’énergie jusqu’à 35 % en 2020, 50 % en 2030, 65 % en 2040 et 80 %
en 2050, tout en réduisant sa consommation d’énergie globale d’à
peu près 10 % vers 2020 et 25 % vers 2050 par rapport à 2008. Ceci
permettrait au pays d’atteindre une économie neutre en carbone vers
2050., il est important pour tous les investisseurs potentiels que la Commission européenne assure la sécurité de planification (des investissements) en mettant en place les conditions politiques générales nécessaires à la promotion de ces énergies depuis un stade précoce. L’ambition d’une politique en faveur de l’énergie renouvelable jusqu’en 2030 doit être de fixer aux Etats membres de nouveaux objectifs obligatoires pour élargir le secteur des énergies renouvelables et améliorer la coordination des stratégies nationales en ce sens. Dans une perspective à plus long terme, il conviendra de développer plus avant des mécanismes nationaux de soutien et de mieux les intégrer dans un système européen.
41. Le point de référence permettant de déterminer des prix adéquats pourrait être les coûts d’évitement des gaz à effet de serre, si tant est que le nombre de certificats CO2 délivrés soit dûment contrôlé grâce au Système européen d’échanges de quotas d’émissions. La proposition récente de la Commission européenne de geler les ventes de certificats CO2 doit être saluée de manière générale; cependant, à long terme, elle ne pourra que décevoir les attentes, que ce soit concernant la réalisation des objectifs de réduction des émissions ou la garantie d’une situation économique viable pour les entreprises concernées. Une hausse progressive du coût des certificats d’émission paraît nécessaire, un prix bas n’incitant guère les entreprises à investir de leur plein gré dans la protection du climat. En principe, il serait souhaitable de contrôler les échanges de quotas d’émission et la gestion des certificats CO2 par l’intermédiaire d’un organisme central s’inspirant d’une banque centrale. Ceci aurait également des répercussions sur les prix applicables.

3.2. Questions géopolitiques et coopération européenne

42. Comme l’a fait remarquer le représentant de l’AIE lors de l’audition de la commission, le 15 mars 2013, l’utilisation énergétique va croissant dans les pays en développement à grandes économies en expansion. Limiter une hausse globale de la température à seulement deux degrés exige une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre dans le monde entier et une utilisation plus durable des ressources existantes. En conséquence, un effort collectif doit viser à stabiliser les besoins énergétiques, à élargir la part des sources d’énergie les plus propres et à dissocier progressivement la consommation énergétique de la croissance économique et démographique. Envisager un système énergétique durable pour les besoins futurs passe nécessairement par une coopération multipartite et par une action à long terme menée sur de multiples fronts, notamment en ce qui concerne la sécurité de l’approvisionnement, un équilibre coût/avantage rationnel, les emplois, les économies d’énergie, des interconnexions en réseau et la recherche technologique.
43. Les progrès dépendront largement de notre capacité à innover et à expérimenter de nouvelles solutions rentables. Elles sont absolument nécessaires pour améliorer le rendement énergétique, les techniques de stockage de l’électricité générée par des énergies renouvelables et l’utilisation énergétique dans le secteur des transports. Ces solutions pourraient se réaliser en investissant davantage dans les véhicules économes en énergie et dans des combustibles «plus verts», mais aussi par les prometteuses techniques de captage et de stockage du carbone pour l’industrie; certes, ces techniques ne sont pas encore suffisamment au point, mais elles pourraient se révéler utiles dans une perspective de diversification technologique de la production énergétique. En outre, l’avènement des réacteurs d’énergie nucléaire de troisième et quatrième générations –bénéficiant de dispositifs de sécurité optimisés, d’une plus petite taille et d’une plus longue espérance de vie 
			(25) 
			60 ans contre environ
30 ans pour les réacteurs existants. – pourrait donner un nouvel élan au renouvellement du parc nucléaire vieillissant dans un certain nombre de pays. Davantage de progrès est nécessaire pour assurer un traitement et un stockage sûrs des déchets nucléaires.
44. A côté des types d’énergie actuellement utilisés, y compris la fission nucléaire, l’expérimentation de la fusion nucléaire – source d’énergie propre et abondante – est une option énergétique très prometteuse pour l’avenir. Depuis 2006, plusieurs pays (Chine, Union européenne, Inde, Japon, Russie, Corée du Sud et Etats-Unis) coopèrent activement à ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), projet international de réacteur thermonucléaire expérimental. Si les résultats des tests ITER menés sur le site de Cadarache, en France, se révèlent concluants, des applications commerciales de grande envergure pourraient suivre bientôt.
45. Etant donné le recours croissant aux énergies renouvelables, les coûts diminuent, tandis que l’énergie nucléaire devient plus onéreuse en raison d’investissements supplémentaires dans la sécurité après l’accident de Fukushima. Bien que les préférences et les options nationales puissent différer, diverses sources énergétiques sont complémentaires. L’expérience allemande montre que les énergies éolienne et solaire (photovoltaïque) sont très intéressantes: au départ coûteuses à installer, elles n’entraînent pratiquement pas de frais d’exploitation et, d’ici à 2015, pourraient produire de l’électricité aux mêmes prix ou à des prix plus bas que les centrales au gaz et au charbon. Reste que l’énergie hydraulique et géothermique conviendra parfois mieux dans d’autres pays.
46. Pour l’Europe, une tâche importante consiste à ajuster la tarification des émissions industrielles et les coûts énergétiques des ménages de manière à encourager l’adoption de technologies, de sources d’énergie et de comportements intelligents face au climat. Cette démarche renforcerait aussi la position de l’Europe dans les négociations mondiales sur l’accord post- Kyoto. Une plus grande utilisation du gaz naturel – avec certaines précautions environnementales – au lieu du pétrole et du charbon peut contribuer à réduire à la fois les émissions et la pollution durant la transition vers des alternatives énergétiques plus propres. En ce qui concerne le problème du gaz non conventionnel, l’AIE promeut actuellement un ensemble de sept «règles d’or» à l’intention des parties intéressées. Finalement, l’efficacité énergétique reste une opportunité considérable dans tous les pays 
			(26) 
			Principalement
dans le bâtiment, la production d’électricité, les transports et
l’industrie, où le potentiel d’efficacité énergétique non réalisé
atteint entre 80 % et 60 %. et doit venir en tête des priorités stratégiques.
47. Lors de l’audition, des experts en énergie ont souligné la nécessité d’une plus grande concertation et coordination sur les choix énergétiques à différents niveaux de gouvernance à travers l’Europe. De plus en plus, se font jour des solutions optimales combinant capacités et objectifs sur une base régionale et cherchant à utiliser pleinement le potentiel du marché intérieur de l’Union européenne. Du point de vue de l’élaboration des politiques, il est urgent de résoudre le problème des subventions afin de réduire les distorsions de marché et de faciliter le développement de sources d’énergie renouvelables. En outre, avec l’exploitation croissante de l’énergie éolienne dans le nord et de l’énergie solaire dans le sud, y compris dans son voisinage méditerranéen, il faut que l’Europe et ses plus proches partenaires améliorent les interconnexions, les réseaux de transmission et la gestion multipartite afin de minimiser les perturbations et les coûts.
48. Quelles sont donc les principaux enjeux? Financer des projets à infrastructure de grande envergure, gérer l’intermittence (de la production d’électricité provenant des énergies renouvelables), les importations (de l’énergie primaire, des combustibles transformés et de l’électricité) et les pics de demande en énergie, assurer des capacités de remplacement suffisantes (provenant de combustibles fossiles, de biomasse, etc., et également de systèmes de stockage) pour une utilisation occasionnelle et, enfin, améliorer la flexibilité des marchés et des réseaux nationaux d’énergie. Dans cette perspective, il semble nécessaire de développer et de déployer des réseaux de distribution d’électricité intelligents, les «smart grids»: ce concept, apparu vers 2005, s’appuie sur l’utilisation de technologies de l’information; elle permet de collecter et d’analyser automatiquement des données sur les comportements des fournisseurs et des usagers afin d’améliorer l’efficacité, la fiabilité, les coûts et la durabilité de la production et de la distribution d’électricité 
			(27) 
			Voir les conclusions
du Sommet du Conseil de l’Union européenne du 22 mai 2013..
49. Sur le marché de l’énergie, il est un élément qui mérite une plus grande attention des décideurs politiques: l’indexation du prix du gaz naturel sur celui du pétrole dans les contrats à long terme, laquelle empêche beaucoup d’usagers européens de bénéficier de prix plus avantageux sur le marché du gaz international (la «tarification spot» ou en temps réel) 
			(28) 
			Grâce
à un approvisionnement massif en gaz non conventionnel sur les marchés
internationaux et au rapide essor de sources d’énergie alternatives
(énergies renouvelables, par exemple), les prix du gaz aux Etats
Unis sont tombés à environ $US 2 à 4 par million d’unités thermiques
britanniques, contre $US 9 à 10  en Europe.. En Europe, en effet, près des deux tiers de l’approvisionnement en gaz sont encore dominés par des prix indexés sur le pétrole. Vue par certains analystes comme un accident historique, cette aberration remonte aux années 1960, lorsque le gaz naturel était considéré comme un dérivé de l’extraction du pétrole. De nos jours, la situation est très différente et les principaux importateurs de gaz en Europe font pression pour dissocier les prix du pétrole et du gaz dans les contrats à long terme – malgré la résistance de grands fournisseurs en Russie et en Afrique du Nord. En attendant, la Norvège a déjà accepté de vendre la moitié de son gaz à l’Europe à des prix «spot»; ce qui montre qu’un partenariat plus équilibré et moderne entre vendeurs et acheteurs est possible sans nuire à l’approvisionnement à long terme, à la sécurité des investissements ni à la concurrence sur les marchés de l’énergie. De plus, dissocier le prix du gaz de celui du pétrole permettrait de réduire le prix moyen du gaz par rapport au charbon et donc faciliter l’utilisation du gaz en tant que combustible de transition vers une production d’électricité plus propre.

3.3. Choix macroéconomiques et responsabilités réglementaires

50. Sans perdre de vue les objectifs climatiques, les besoins sociaux et l’ambition de «verdir» l’économie, des efforts considérables seront nécessaires pour assurer une production et une utilisation plus durables de l’énergie. D’une part, les infrastructures (énergie, habitat, transport, installations industrielles, etc.) doivent faire l’objet d’un profond remaniement pour les adapter à des performances plus efficaces. Ainsi les fruits de la recherche et de l’innovation devront-ils être résolument intégrés dans les systèmes afin de faciliter ce bond qualitatif vers un développement moins gourmand en énergie. D’autre part, des directives réglementaires plus structurées et l’intérêt à long terme de la société doivent orienter les parties prenantes et accompagner le changement; ce qui implique une responsabilité partagée entre secteur privé, pouvoirs publics et société civile pour favoriser la transition.
51. Pour un avenir énergétique plus propre, la voie la plus simple est évidente: efficacité énergétique et économies d’énergie. Il y a trop d’énergie gaspillée dans la production et la transmission sous forme de pertes thermiques et de pollution. Selon l’AIE, la mise en œuvre de mesures de rendement énergétique permettrait de réduire les émissions mondiales dues à l’activité humaine d’environ 30 %; et encore de 10 % en supprimant progressivement les subventions accordées à la consommation de combustibles fossiles. Des comparaisons de l’intensité énergétique au niveau national montrent que l’Europe a beaucoup à faire: l’énergie utilisée pour produire $US 1 000 du produit intérieur brut (PIB) varie de 100-150 kilogrammes d’équivalent pétrole dans les pays d’Europe occidentale à plus de 200 dans la majorité des pays d’Europe centrale et orientale – atteignant plus de 400 au Bélarus, en Fédération de Russie, en République de Moldova et en Azerbaïdjan, et plus de 600 en Ukraine.
52. Des investissements ciblés permettraient d’améliorer la situation: la Banque mondiale estime que pour chaque dollar US investi en efficacité énergétique, les besoins et les investissements en production d’énergie se trouvent réduits d’environ $US 2 – sans compter la création d’emplois et une baisse des coûts à moyen terme. Des mesures réglementaires doivent stimuler les investissements dans l’efficacité énergétique et pénaliser les gaspilleurs et pollueurs.
53. Une modernisation est nécessaire tout particulièrement dans le secteur du logement (bâtiments résidentiels, publics et commerciaux), qui consomme à lui seul environ un tiers de toute l’énergie utilisée en Europe. A cette fin, des plans d’action nationaux doivent prévoir des politiques d’approvisionnement respectueuses de l’environnement, une efficacité énergétique et la rénovation des bâtiments anciens (systèmes d’isolation, d’éclairage, de chauffage et de ventilation), ainsi que des incitations à l’installation de systèmes de chauffage «verts» (pompes à chaleur, cycles combinés force et chaleur), des exigences de certification, un étiquetage et des instruments d’information (campagnes, par exemple).
54. Par ailleurs, des pays tels que l’Allemagne utilisent des programmes de rénovation économes en énergie dans le cadre du plan de relance économique visant à surmonter la crise et à créer ou maintenir des emplois. L’on estime que chaque milliard d’euros investi dans des bâtiments économes en énergie génère quelque 25 000 emplois. Des gains équivalents sont prévus dans d’autres pays, par exemple en Hongrie, où une étude montre qu’une rénovation de l’habitat centrée sur l’efficacité énergétique offre le plus grand potentiel de création d’emplois par rapport à d’autres types de mesures d’atténuation du changement climatique.
55. L’efficacité énergétique dans le secteur des transports offre un énorme potentiel non seulement en termes d’équilibre énergétique, mais aussi pour réduire les polluants, le bruit et les encombrements. Investissements dans l’infrastructure, innovation technologique, taxation (des véhicules, des routes, des combustibles, etc.) et aménagement intégré du territoire (rural et urbain), tels sont les principaux axes d’action pour que mobilité et énergie durables aillent de pair. Des choix stratégiques s’imposent d’urgence quant à la production en série de véhicules alternatifs (électriques, hybrides, utilisant des biocarburants ou du gaz comprimé et, même, de l’hydrogène) et au déploiement de réseaux de stations-service.
56. Enfin, des réglementations adéquates sont nécessaires pour éviter une pure et simple délocalisation des activités industrielles consommatrices d’énergie – et des emplois – hors d’Europe. Ce que l’Europe doit exporter, ce n’est pas de la pollution mais des technologies propres et efficaces sur le plan énergétique. Pour réduire les coûts et pour optimiser l’utilisation de l’énergie, elle doit aussi promouvoir une modernisation des «vieilles» industries et de l’infrastructure énergétique.
57. Dans toute l’Europe et au-delà, un consensus et un soutien politique s’affirment en faveur du développement d’énergies renouvelables qui devront être au cœur du mix énergétique. Pour réaliser des économies d’échelle en matière d’énergies renouvelables et, donc, pour en réduire les coûts, il est nécessaire de renforcer l’intégration des marchés – en combinant le niveau local, national et international – et de rationaliser les modèles d’entreprise 
			(29) 
			«Greening
the economy: mainstreaming the environment into economic development»,
CEENU (Commission économique pour l’Europe des Nations Unies), septembre
2011.. Il faut que les gouvernements envoient des messages forts au secteur privé, censé fournir environ 80 % des capitaux pour la transition verte. Dans le souci de mieux équilibrer le partage des risques et de regrouper les capacités, il serait bon de recourir plus souvent aux partenariats public-privé pour des projets présentant le plus fort potentiel d’impact.

4. Conclusions et recommandations sur les stratégies pour l’avenir

58. Un nouveau paysage énergétique se fait jour en Europe et au-delà. Il s’inscrit dans une ambition plus large de la société d’adopter un modèle de développement vert, notamment à la lumière des engagements pris au Sommet Rio+20 sur le développement durable et du Protocole de Kyoto. La transition vers un avenir énergétique plus durable offre une richesse d’opportunités aux entreprises, aux ménages et aux pouvoirs publics européens. Reste qu’elle exige aussi un regain d’efforts en termes d’investissements et d’innovation, de compromis et de patience de la part de tous les acteurs, ainsi qu’un soutien public explicite. Si les objectifs contraignants en matière d’énergie propre pour l’Union européenne sont fixés dans une série de documents (feuilles de route, stratégies et directives), il n’empêche que les Etats membres et non membres de l’Union européenne jouissent d’une grande latitude – et responsabilité – quant aux choix énergétiques nationaux.
59. Faute de vision européenne commune pour un avenir énergétique propre, il existe un consensus politique grandissant sur la nécessité de réduire les émissions et de mieux exploiter les ressources existantes. Il faut optimiser nos besoins énergétiques, étendre la part des sources d’énergie propre et progressivement dissocier la consommation d’énergie de la croissance économique et démographique. Comme souligné tout au long du présent rapport, le potentiel énergétique durable de l’Europe réside dans une efficacité énergétique, une utilisation croissante des énergies renouvelables et une approche intégrée de la diversification énergétique, notamment pour le secteur du logement, des transports et de l’industrie. Tout doit tendre à réduire les émissions, la pollution et la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles, mais aussi à améliorer notre compétitivité, la création d’emplois et le bien-être.
60. Il est absolument indispensable d’instaurer un dialogue et une coopération entre les pays membres et non membres de l’Union européenne, au niveau régional et avec des partenaires de l’Europe dans le monde entier. Cette démarche devrait contribuer à mettre en place des synergies et des interconnexions, à regrouper les ressources et les capacités, à partager les bonnes pratiques et à déployer des technologies de pointe. Il faut activer des mécanismes de solidarité ciblés afin d’éradiquer la pauvreté énergétique, de permettre aux usagers de prendre des décisions mieux informées et de disposer les citoyens en faveur de stratégies énergétiques propres.
61. Ainsi l’Assemblée devrait adresser aux Etats membres les principales recommandations suivantes:
  • Rechercher les changements structurels pouvant promouvoir un développement économique, environnemental et social équilibré moyennant moins d’énergie issue de combustibles fossiles;
  • Donner la priorité à une meilleure exploitation des sources d’énergies les plus abondantes, propres, rentables et localement présentes – c’est-à-dire les énergies renouvelables;
  • Renforcer l’efficacité et les économies énergétiques dans différents secteurs – notamment le bâtiment, les transports et l’industrie;
  • Utiliser la transition vers une énergie plus propre et plus efficace pour créer et préserver des emplois;
  • Mettre en place des incitations à une juste tarification de l’énergie propre;
  • Améliorer les cadres commerciaux et réglementaires pour les investissements en énergie propre (réseaux et technologies) et pour la sécurité nucléaire;
  • Renforcer le Système européen d’échanges de quotas d’émissions et essayer de l’étendre aux pays non membres de l’Union européenne;
  • Pénaliser les gaspilleurs d’énergie et les pollueurs au moyen de dispositifs de taxation appropriés, et fournir une aide ciblée aux consommateurs d’énergie les plus vulnérables;
  • Supprimer les subventions aux combustibles fossiles, mais envisager un soutien financier temporaire pour la transition vers les technologies plus propres, la modernisation de l’infrastructure énergétique et les efforts visant à réduire l’intensité énergétique;
  • Encourager la coopération sur les marchés régionaux de l’énergie et la compétitivité parmi les acteurs de ce marché;
  • Prendre les précautions nécessaires pour explorer et exploiter des ressources en gaz non conventionnel;
  • Poursuivre l’intégration des marchés de la production électrique et thermique;
  • Développer les capacités de transmission, d’interconnexion et de stockage au niveau national et régional;
  • Soutenir activement le déploiement de réseaux de distribution d’électricité intelligents, de technologies de valorisation énergétique des déchets, d’installations de stockage et de réseaux de stations-service pour les véhicules alternatifs;
  • Durcir la réglementation en matière d’émissions et de certification;
  • Diversifier les canaux d’approvisionnement et les fournisseurs;
  • Informer, consulter et impliquer dûment les citoyens durant la préparation de projets d’énergie propre.