1. Introduction
1. Le racisme, la haine et l’intolérance sont des problèmes
de longue date en Europe. Au cours des dix dernières années, néanmoins,
un ensemble de circonstances a conduit à une recrudescence de ces phénomènes
et amplifié leur portée.
2. Les manifestations physiques et verbales de racisme, de haine
et d’intolérance à l’encontre de personnes appartenant à certains
groupes augmentent, tant en gravité qu’en nombre. Elles deviennent
de plus en plus répandues dans toutes les couches de la société,
y compris la police et les pouvoirs publics.
3. Je suis convaincu qu’il est urgent de s’attaquer à cette situation
par le biais d’une approche stratégique plutôt qu’au cas par cas.
L’urgence devient d’autant plus impérieuse que le racisme, la haine
et l’intolérance ont des effets dépassant largement les individus
directement visés: ils touchent des groupes entiers, ce qui conduit
à une victimisation collective; ils créent des clivages au sein
de la société, ce qui nuit à l’égalité et à la cohésion sociale;
et, enfin, ils sapent encore davantage la confiance de chacun dans
les pouvoirs publics et l’Etat de droit.
4. Mon intention n’est pas de refaire le travail de suivi, de
signalement et de collecte de données sur le racisme, la haine et
l’intolérance réalisé par des organes tels que la Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (ECRI)
, le Comité pour l’élimination de
la discrimination raciale (CERD)
, le Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE/BIDDH)
et l’Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne (FRA)
. Je préfère m’appuyer sur ces sources
fiables pour mettre en lumière les principaux sujets de préoccupation
sous un angle politique.
5. Ce rapport est l’occasion de rappeler que les responsables
politiques ont pour mission de rejeter le racisme, la haine et l’intolérance,
ainsi que de promouvoir, à travers leur comportement et leur discours,
l’égale dignité de tous les êtres humains. Il est aussi un appel
lancé au Conseil de l’Europe: il doit montrer l’exemple en la matière
par une action systématique et cohérente conçue pour aider les Etats
membres à faire face à ces phénomènes.
6. Le présent rapport a une portée générale. Il couvre toutes
les formes d’intolérance, de haine et d’hostilité, quels qu’en soient
les motifs – race, religion, situation d’immigré, handicap, orientation
sexuelle, identité de genre ou autre. J’ai conservé l’intitulé de
la proposition originale car il parle à tout le monde. En réalité,
le présent rapport concerne la prévention de la haine et la lutte
contre la haine, quels qu’en soient les motifs et les formes sous
lesquelles elle se manifeste.
2. Terminologie
de base et aspects juridiques
2.1. Discours de haine
7. En Europe, la liberté d’expression n’est pas un droit
absolu. Ainsi que l’a clairement dit la Cour européenne des droits
de l’homme («la Cour»): «(...) la tolérance et le respect de l’égale
dignité de tous les êtres humains constituent le fondement d’une
société démocratique et pluraliste. Il en résulte qu’en principe, on
peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner,
voire de prévenir, toutes les formes d’expression qui propagent,
incitent à, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance»
.
8. Il n’existe pas de définition universellement acceptée de
l’expression «discours de haine».
9. En ce qui concerne le Conseil de l’Europe, le Comité des Ministres
a adopté sur cette question, en 1997, la Recommandation N° R (97)
20, précisant qu’elle couvrait «toutes les formes d’expression qui
propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale,
la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées
sur l’intolérance, y compris l’intolérance qui s’exprime sous forme
de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination
et d’hostilité à l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues
de l’immigration»
.
10. En 2008, le Conseil de l’Europe a publié un
«Manuel sur le discours de haine» afin
de clarifier ce concept en s’appuyant sur la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme
. Même si la Cour n’a pas donné de
définition du discours de haine, elle a bien précisé qu’il n’était
pas protégé par les articles 10 (liberté d’expression) et 11 (liberté
d’association et de réunion) de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE n° 5). De ce fait, les manifestations du discours
de haine peuvent se voir limitées par la législation nationale des
Etats, soit parce que ceux-ci nient les valeurs fondamentales de
la Convention (sur la base de l’article 17), soit parce que des
restrictions s’imposent pour servir les intérêts de la nation – sûreté
nationale, sécurité publique, défense de l’ordre et prévention du
crime, protection de la santé ou de la morale, et protection des
droits et des libertés d’autrui (sur la base du paragraphe 2 des
articles 10 et 11)
.
11. Les organes du Conseil de l’Europe recommandent de proscrire
le discours de haine dans le cadre de la législation nationale.
Si le Comité des Ministres s’est contenté de déclarer que ce type
de discours devait être interdit par le biais du droit civil, pénal
ou administratif
, dans sa
Recommandation 1805 (2007) «Blasphème, insultes à caractère religieux et discours
de haine contre des personnes au motif de leur religion», l’Assemblée
parlementaire a recommandé d’ériger en infraction pénale «les déclarations
qui appellent à la haine, à la discrimination ou à la violence envers
une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance
religieuse ou pour tout autre motif».
12. L’ECRI a également recommandé de sanctionner pénalement les
expressions pouvant être considérées comme du discours de haine,
notamment lorsqu’elles incitent intentionnellement et publiquement
à la violence, à la haine ou à la discrimination pour des motifs
fondés sur la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité
ou l’origine nationale ou ethnique
.
13. Les Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas tous adopté
la même approche: dans certains pays, les insultes visant certains
groupes sont criminalisées; d’autres restrictions à la liberté de
parole sont l’interdiction de négation de l’Holocauste et la glorification
de l’idéologie nazie. Cependant, l’incitation à la violence est
toujours érigée en infraction.
14. Cette disparité parmi les Etats membres de l’Union européenne
est conforme à la Décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre
2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme
et de xénophobie au moyen du droit pénal. Selon ce texte, les Etats
membres de l’Union européenne sont tenus de criminaliser le discours
de haine mais sous la forme de leur choix
.
15. Je dois dire que, sans pour autant désapprouver la criminalisation
du discours de haine, elle ne me paraît pas être la solution définitive
au problème. Il me semble qu’il faut encore davantage mettre l’accent
sur la prévention, la sensibilisation, l’éducation, la formation
aux droits de l’homme et le respect de l’égalité et de la diversité.
Il est à craindre que des restrictions légitimes à la liberté d’expression
appliquées par le biais du droit pénal ne passent pour des tentatives
de «censure» et que, s’il ne rencontre aucune opposition en dehors des
tribunaux, le discours de haine risque de s’installer et de prospérer
là où il est plus difficile à repérer – dans le cyberespace, par
exemple, comme c’est déjà le cas.
16. Aujourd’hui, en Europe, le discours de haine est bien établi
dans l’espace public, notamment sur internet et dans la sphère politique.
S’attaquer au discours de haine au cas par cas par des moyens judiciaires
est indispensable pour éviter l’impunité des auteurs et pour accroître
la confiance dans les autorités. Pour autant, même si elle est nécessaire,
cette ligne de conduite n’est pas suffisante car elle ne traite
pas les causes profondes du problème. En outre, étant donné l’étendue
du non-signalement, cela ne touchera que la partie visible de l’iceberg.
2.2. Infraction motivée
par la haine
17. L’infraction motivée par la haine n’est pas une définition
juridique. Il s’agit plutôt d’un concept décrivant une infraction
pénale inspirée par une hostilité ou un préjugé à l’encontre d’un
certain groupe et fondée sur certains mobiles. Tout discours de
haine comporte donc deux éléments:
- l’acte commis constitue une infraction au regard du droit
pénal (l’infraction principale): par exemple, acte d’intimidation,
menace, dommage matériel, agression, meurtre;
- l’auteur de l’infraction a choisi intentionnellement une
cible en raison de sa caractéristique (le mobile discriminatoire),
qui peut être réelle ou supposée.
18. Un incident à caractère haineux est un acte commis pour un
motif discriminatoire mais qui n’atteint pas le seuil de gravité
d’un crime ou, tout au moins, n’est pas avéré en tant que tel.
19. Le discours de haine est à distinguer de l’infraction motivée
par la haine car, bien que reposant sur un mobile discriminatoire,
il ne comporte pas d’infraction de base (en soi, le discours n’est
pas une infraction). Le discours qui incite à commettre des actes
criminels peut être une infraction motivée par la haine s’il a un
mobile discriminatoire, car ce type de discours est en soi une infraction
pénale.
20. Les infractions motivées par la haine diffèrent des infractions
ordinaires non seulement en raison du mobile discriminatoire de
leur auteur, mais aussi à cause de leur effet sur la victime. Comme
l’explique très bien le Guide pratique de l’OSCE/BIDDH sur les «Lois
sur les crimes de haine», «celle-ci [la victime] est choisie pour
son appartenance à un groupe, ce qui suggère l’idée d’interchangeabilité
entre les membres de ce groupe. Les victimes d’un crime de haine
sont donc sélectionnées en fonction de critères d’appartenance plutôt que
sur la base de critères personnels. Le message est alors adressé
non pas à la victime en tant qu’individu, mais à l’ensemble de la
communauté dont elle fait partie»
.
21. Au cours de la dernière décennie, les Etats membres du Conseil
de l’Europe ont renforcé leur cadre juridique contre les infractions
motivées par la haine, même s’ils ont abordé le problème de manière
différente. La solution la plus courante passe par un renforcement
des peines (souvent désignées «circonstances aggravantes»), qui
peuvent être générales (applicables à toutes les infractions, comme
en Andorre et au Royaume-Uni) ou spécifiques (applicables à des
infractions spécifiques, comme en Belgique et en Bosnie-Herzégovine).
Il arrive aussi que le degré de renforcement de la peine soit établi
par la loi. Certains pays exigent aussi des tribunaux qu’ils mentionnent
explicitement les raisons de l’application ou de la non-application
du renforcement de la peine. D’autres ont mis en place des procureurs
spéciaux pour les infractions motivées par la haine (Grèce et Espagne).
2.3. Mobiles discriminatoires
22. En introduction au présent rapport, j’ai dit qu’il
était l’heure d’abandonner l’approche au cas par cas en matière
de racisme, de haine et d’intolérance. Cela vaut également, me semble-t-il,
pour les motifs qui inspirent le discours de haine et les infractions
motivées par la haine.
23. Les instruments législatifs nationaux et internationaux se
réfèrent à un nombre restreint de mobiles discriminatoires. Ainsi,
la Décision-cadre du Conseil de l’Union européenne 2008/913/JHA
du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations
de racisme et de xénophobie se limite à la race, à la couleur, à
la religion, à l’ascendance ou à l’origine nationale ou ethnique.
Reste que bon nombre d’Etats membres de l’Union européenne ont décidé
d’inclure d’autres mobiles discriminatoires, s’inspirant de leur
liste nationale des motifs de discrimination interdits. Cette liste
varie d’un pays à l’autre.
24. A l’heure actuelle, tous les Etats membres du Conseil de l’Europe
comptent la race parmi les mobiles discriminatoires; beaucoup incluent
la religion, parfois avec des réserves; ils sont moins nombreux
à prendre en considération le genre, le handicap, l’orientation
sexuelle et l’identité de genre.
25. A mon avis, pour dépasser une simple approche au cas par cas,
il faut étendre la liste des mobiles discriminatoires aussi largement
que possible. Elle doit comprendre, tout au moins, les mobiles couverts
par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme
(concernant l’interdiction de la discrimination), tels qu’interprétés
par la Cour dans l’évolution de sa jurisprudence.
26. D’autre part, me semble-t-il, la mention explicite du plus
grand nombre possible de mobiles discriminatoires – notamment genre,
handicap, orientation sexuelle, identité de genre et autres – offre
un triple avantage:
- elle fait
ressortir la vulnérabilité des personnes appartenant à ces groupes,
et elle est un signe d’intérêt et de prise de conscience de la part
des autorités;
- elle influera sur les processus de classification et de
collecte des données, d’enquête et de poursuites, et les rendra
plus cohérents et systématiques;
- elle montre clairement que tous les motifs ont un poids
égal, empêchant ainsi que les personnes issues de tel ou tel groupe
soient traitées différemment des autres.
27. En ce qui concerne ce dernier point, n’oublions pas que, dans
sa récente
Résolution
1948 (2013) «Lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle et sur l’identité de genre», l’Assemblée a demandé aux
Etats membres d’«introduire des lignes directrices contraignantes
pour les agents chargés du respect de la loi afin de garantir que
tout prétendu motif de haine associé avec un crime, y compris les
motifs de haine fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité
de genre, fait l’objet d’une enquête approfondie, rapide, impartiale et
effective, et qu’il est pris en compte dans les poursuites et les
condamnations de ces crimes».
28. A maintes reprises, la Cour européenne des droits de l’homme
a rappelé que les Etats ont une obligation positive d’enquêter sur
la motivation des infractions. Dans sa décision sur l’affaire
Nachova et autres c. Bulgarie , la Cour a condamné la Bulgarie,
jugeant que l’absence d’enquête par les pouvoirs publics sur de possibles
motifs racistes à l’origine d’actes de violence constituait une
violation de l’article 14 de la Convention.
29. Dans son arrêt
Šečić c. Croatie,
la Cour a affirmé que le devoir d’enquête de l’Etat s’appliquait
de la même manière en cas d’infractions racistes commises par des
particuliers: «(…) lorsqu’elles enquêtent sur des incidents violents,
les autorités de l’Etat ont de surcroît l’obligation de prendre
toutes les mesures raisonnables pour découvrir s’il existait une
motivation raciste et pour établir si des sentiments de haine ou
des préjugés fondés sur l’origine ethnique ont joué un rôle dans
les événements. (…) Traiter la violence et les brutalités à motivation
raciste sur un pied d’égalité avec les affaires sans connotation
raciste équivaudrait à fermer les yeux sur la nature spécifique
d’actes particulièrement destructeurs des droits fondamentaux.
»
3. La réalité sur
le terrain
3.1. Collecte des données
30. Il n’est pas possible de présenter une vue d’ensemble
complète du racisme, de la haine et de l’intolérance en Europe d’un
point de vue statistique, essentiellement du fait que les Etats
n’appliquent pas aux données les mêmes systèmes de classification
(mobiles discriminatoires, types d’infractions et d’incidents) et de
collecte (instances impliquées, recoupement des données, périodicité).
En outre, tous ne sont pas aussi systématiques dans la publication
de ces informations.
31. L’Agence des droits fondamentaux divise les Etats membres
de l’Union européenne en trois catégories
:
- la
Finlande, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni recourent à des
mécanismes très complets, couvrant un vaste éventail de mobiles
discriminatoires, de types d’infractions et d’incidents; les données sont
régulièrement publiées ;
- l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, le Danemark,
la France, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la République
tchèque utilisent de bons mécanismes, qui enregistrent toute une
série de mobiles discriminatoires; les données sont généralement
publiées;
- la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie,
l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, le Portugal,
la Roumanie et la Slovénie recourent à des mécanismes limités, qui
n’enregistrent que quelques incidents et mobiles discriminatoires;
les données ne sont pas toujours publiées.
32. Parmi les autres sources d’information utiles, citons:
- les enquêtes publiées par l’Agence
des droits fondamentaux, fondées sur des informations recueillies par
voie de questionnaires;
- les rapports annuels publiés par l’OSCE/BIDDH, institution
chargée depuis 2006 de centraliser la collecte des informations
et des statistiques sur les crimes de haine ;
elle opère par voie de questionnaires envoyés aux Etats participants.
33. Les rapports décrivant et analysant la situation pays par
pays sont aussi particulièrement importants, notamment ceux de l’ECRI,
du CERD et, parmi les organisations non gouvernementales (ONG),
de Human Rights Watch, du Réseau européen contre le racisme (ENAR)
et de Human Rights First. Récemment, le bureau du Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Grèce a commencé à
suivre et à collecter des informations sur les infractions à caractère
raciste et xénophobe commis contre des demandeurs d’asile dans le
pays. Tous ces rapports indiquent une montée dans la gravité des
incidents et des infractions motivés par la haine.
3.2. Principales caractéristiques
3.2.1. Les données
35. Dans mon pays, la Suède, d’après les statistiques officielles
, les services de police ont enregistré 5 518 procès-verbaux
d’infraction présentant un mobile haineux avéré en 2012. En fonction
du mobile, ces signalements se répartissaient ainsi:
- 72 % (près de 3 980 procès-verbaux)
pour xénophobie/racisme (dont 940 à l’encontre de personnes d’origine
africaine et presque 220 à l’encontre de Roms);
- 13 % (plus de 710 procès-verbaux) pour homophobie, biphobie
et hétérophobie;
- 6 % (près de 310 procès-verbaux) pour islamophobie;
- 5 % (près de 260 procès-verbaux) pour christianophobie
ou haine d’une autre religion;
- 4 % (un peu plus de 220 procès-verbaux) pour antisémitisme;
- 1 % (un peu plus de 40 procès-verbaux) pour transphobie.
3.2.2. Le non-signalement
36. Les enquêtes menées par la FRA révèlent également
l’étendue et les raisons du «non-signalement»
:
- entre 57 % et 74 % des cas d’agression
ou des menaces subis par les membres issus d’une minorité ou de
l’immigration dans l’Union européenne n’ont pas été signalés à la
police par les victimes;
- entre 75 % et 90 % des cas de harcèlement grave n’ont
pas été signalés à la police;
- huit personnes LGBT sur dix dans l’Union européenne ayant
été victimes d’infractions à caractère discriminatoire ou motivées
par des préjugés ne l’ont pas signalé à la police;
- les trois quarts des personnes juives ayant déclaré avoir
été victimes de harcèlement antisémite ne l’ont pas signalé à la
police ni à une autre instance.
37. «Les motifs principaux pour lesquels les Juifs, les Roms,
les personnes d’origine africaine ou les LGBT n’ont pas signalé
ces crimes sont notamment que “rien ne changerait” à la suite du
signalement, que “ces incidents se produisent tout le temps” ou
qu’ils “ne font pas confiance à la police”»
.
38. Pour rendre le système de justice pénale vraiment efficace,
les victimes doivent être encouragées à signaler les discours et
les infractions motivées par la haine à la police, et à coopérer
ensuite avec les instances judiciaires. Malheureusement, comme le
décrit parfaitement M. David Davies dans son rapport sur «La lutte contre
le racisme dans la police» (
Doc.
13384), trop souvent, la police ferme les yeux sur ces infractions
– pas d’enquête ou pas d’identification des mobiles discriminatoires –
et, parfois, elle est même directement responsable de discours de
haine et de violence.
39. Une stratégie globale contre le racisme, la haine et l’intolérance
doit donc prévoir, parmi ses priorités absolues, les mesures suivantes:
la formation de la police aux droits de l’homme et à la diversité;
la garantie que les procédures policières sont dépourvues de toute
trace de racisme, de partialité ou de discrimination; la mise en
place de mécanismes établissant les responsabilités individuelles
des fonctionnaires de police auteurs de discours de haine et/ou
d’infractions motivées par la haine; et, enfin, la sanction effective
desdits auteurs.
40. Il est également important d’introduire des politiques et
des pratiques facilitant le signalement des discours de haine et
de la violence, par exemple en créant des dispositifs aisément accessibles
sur internet, en supprimant tout frais de signalement ou de dépôt
de plainte et, enfin, en garantissant aux personnes immigrées coopérant
avec les autorités dans le cadre de poursuites judiciaires qu’elles
ne peuvent pas être expulsées.
3.2.3. La haine au quotidien
41. Il se passe rarement un jour sans qu’un acte de racisme,
de haine et d’intolérance ne soit signalé dans les médias. Pis encore,
il se passe rarement un jour sans que de tels actes ne soient perpétrés.
Toutes ces manifestations de haine n’atteignent pas la gravité d’un
crime motivé par la haine; pour autant, l’impact psychologique sur
le groupe pris pour cible est énorme: les personnes ont peur de
sortir – la majorité des agressions se produisent dans l’espace
public –, elles ont peur des gens ordinaires – ce sont eux qui commettent
la majorité des agressions, non pas des groupes extrémistes organisés.
Il est urgent d’inverser cette dangereuse tendance à la banalisation
de la haine.
3.3. Recommandations
de l’ECRI aux pays
42. Dans les rapports pays par pays qu’elle a publiés
lors de son quatrième cycle de monitoring, l’ECRI a fait des recommandations
en matière de discours de haine et d’infractions motivées par la
haine à plusieurs Etats, notamment l’Andorre, la Croatie, le Danemark,
l’Irlande, le Liechtenstein et la Suède. Il est de toute première
importance que, pour son prochain cycle de monitoring, qui a débuté
en 2013 et durera cinq ans, l’ECRI se concentre sur les discours
de haine et les infractions motivées par la haine, entre autres préoccupations,
notamment ceux ayant l’orientation sexuelle et l’identité de genre
pour mobiles discriminatoires.
43. A mon avis, bien que l’Assemblée soit représentée au sein
de l’ECRI en qualité d’observateur, il y a lieu de renforcer la
coopération et les échanges d’information. Même si les réunions
de l’ECRI ont lieu à huis clos et que la confidentialité est une
condition essentielle de la procédure de monitoring, il serait souhaitable
de multiplier les interactions entre la commission sur l’égalité
et la non-discrimination et l’ECRI, ainsi que de veiller à ce que
ses visites de monitoring incluent toujours un échange avec la délégation
à l’Assemblée parlementaire du pays concerné. Les membres de la
commission devraient également contribuer à faire connaître les
rapports de l’ECRI et informer la commission sur le suivi apporté.
4. Internet
44. Internet et les médias sociaux ont conféré au racisme,
à la haine et à l’intolérance une nouvelle dimension. C’est ce que
souligne le rapport final de la Conférence
«Combattre
le discours de haine: vivre ensemble sur le web», organisé
par le Conseil de l’Europe en 2012: selon Frank La Rue, rapporteur
spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression,
«bien qu’en principe, il n’y ait aucune différence entre le discours
de haine en ligne et hors ligne, internet permet au discours de
haine d’aller plus vite et plus loin. La mondialisation, facilitée
par internet, permet d’agir à distance; le fait que la victime du
discours de haine ne partage pas le même espace physique que l’auteur
– lequel peut, en outre, rester anonyme – favorise la déshumanisation
du premier par le dernier»
. (traduction non officielle)
45. A ces importantes considérations, il convient d’ajouter ce
qui suit:
- il est pratiquement
impossible de contrôler ce qui circule sur internet, d’où la prolifération
sauvage des discours de haine, des commentaires intolérants et des
incitations à la haine et à la violence;
- le réseau internet jouit d’une capacité de rayonnement
sans précédent comparativement à d’autres formes de communication;
- le réseau internet attire tout particulièrement les jeunes,
principaux usagers des médias sociaux.
46. Le Conseil de l’Europe est resté en phase avec cette évolution.
En 2000, l’ECRI a adopté la Recommandation de politique générale
n° 6 intitulée «La lutte contre la diffusion de matériels racistes, xénophobes
et antisémites par l’internet»
. En 2003, le Protocole additionnel
à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination
d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes
informatiques (STE n°189) a été ouvert à la signature
. Il est entré en vigueur trois ans
après. A ce jour, il est ratifié par 20 Etats membres du Conseil
de l’Europe
.
47. Le protocole additionnel étend la portée de la Convention
sur la cybercriminalité de manière à également couvrir les délits
de propagande raciste ou xénophobe. Il s’applique à la diffusion
par le biais d’un système informatique de «tout matériel écrit,
toute image ou toute autre représentation d’idées ou de théories
qui préconise ou encourage la haine, la discrimination ou la violence,
contre une personne ou un groupe de personnes, en raison de la race,
de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique,
ou de la religion, dans la mesure où cette dernière sert de prétexte
à l’un ou l’autre de ces éléments, ou qui incite à de tels actes»
.
Il s’applique également à la diffusion d’insultes à caractère raciste
ou xénophobe, ainsi qu’à la négation, à la minimisation grossière,
à l’approbation ou à la justification du génocide ou des crimes
contre l’humanité.
48. L’Assemblée a plusieurs fois appelé les Etats membres du Conseil
de l’Europe à signer et à ratifier ce protocole
. J’apporte
mon soutien à cet appel, d’autant que la coopération internationale
est indispensable pour réellement influer sur les infractions motivées
par la haine commises dans le cyberespace.
49. Internet n’est pas seulement un véhicule pour le discours
de haine et l’incitation à la violence. Il peut aussi constituer
un précieux outil pour promouvoir les droits de l’homme et le respect
de la diversité et de l’égalité. Aussi l’initiative de la campagne
du Mouvement contre le discours de haine me paraît-elle extrêmement
intéressante; son potentiel mériterait un examen plus approfondi
.
50. Comme l’explique son secrétariat
, la campagne
s’inscrit dans un projet plus vaste intitulé «Les jeunes contre
les discours de haine en ligne», projet qui vise à lutter contre
le racisme et la discrimination sur la toile. La campagne, lancée
le 22 mars 2013, durera jusqu’en avril 2014. A ce jour, 34 campagnes
nationales sont mises en place. La campagne a été conçue pour se
dérouler grâce aux jeunes et avec les jeunes. Les jeunes de 13 à 30 ans
y jouent un rôle de premier plan en participant à des activités
en ligne et hors ligne. La campagne vise plusieurs objectifs: sensibiliser
l’opinion publique au discours de haine et à ses risques pour la démocratie;
mobiliser les jeunes militants des droits de l’homme, les former
et les fédérer en ligne; élaborer des politiques et des instruments
pour apporter des solutions constructives au discours de haine.
51. A la suite d’un échange de vues avec Mme Snežana Samardžić-Marković,
Directrice générale de la Démocratie au Conseil de l’Europe, en
octobre 2013, la commission sur l’égalité et la non-discrimination
a adopté une déclaration condamnant le racisme et la xénophobie,
et appelant les parlementaires nationaux à se joindre aux campagnes
nationales du Mouvement contre le discours de haine
.
52. A mon avis, il serait non seulement souhaitable que la campagne
du Mouvement contre le discours de haine se poursuive après avril
2014, mais qu’elle s’élargisse en une vaste campagne du Conseil
de l’Europe à laquelle participeraient tous les secteurs de l’Organisation.
Par ailleurs, il me semble que les membres de l’Assemblée auraient
un rôle important à jouer et, en particulier, ceux de la commission
sur l’égalité et la non-discrimination, qui pourraient participer
à des activités de campagne et de sensibilisation dans leurs pays respectifs.
Grâce à leur double mandat, les membres de l’Assemblée sont on ne
peut mieux placés pour promouvoir des changements législatifs en
matière de discours de haine et pour encourager à la ratification du
Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité.
53. A l’heure actuelle en Europe, le racisme, la haine et l’intolérance
sont devenus des problèmes si répandus et si urgents que le Conseil
de l’Europe doit concevoir une stratégie globale sur cette question,
un plan d’action axé sur:
- la
prévention (par le biais d’un processus de sensibilisation, d’éducation
et de formation);
- des conseils juridiques sur la législation relative aux
discours et aux infractions motivées par la haine;
- la promotion des instruments du Conseil de l’Europe;
- le suivi (par le biais de l’ECRI mais aussi d’autres instances
et institutions, notamment le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe).
5. La crise économique
54. La crise économique intensifie la pauvreté, la frustration
et les tensions sociales.
55. Parallèlement, elle a une incidence négative sur l’efficacité
des mesures de lutte contre la discrimination et les inégalités.
Les réductions horizontales appliquées aux dépenses publiques ont
touché les groupes parmi les plus dépendants de l’aide et des prestations
sociales, dont certains subissent de plein fouet les discours de
haine et les infractions motivées par la haine. En outre, ces réductions
ont affecté des organes de promotion de l’égalité qui, dans plusieurs
Etats membres du Conseil de l’Europe, ont été fusionnés avec d’autres structures
(en Irlande, par exemple)
, tandis que de nouvelles mesures
anti-discrimination ont été reportées pour des raisons budgétaires
(c’est le cas aux Pays-Bas et en Espagne).
56. En un mot, la crise économique a amplifié le racisme, la haine
et l’intolérance tout en amenuisant la capacité des victimes à demander
aide et réparation.
6. L’échec des politiques
de migration et d’intégration
57. En Europe, migration et intégration demeurent des
défis non résolus. Des années durant, en particulier dans certains
Etats membres du Conseil de l’Europe, ces problèmes ont été traités
comme des urgences ou, dans le pire des cas, comme une invasion
ou une menace à la sécurité. Je m’interroge: comment des questions figurant
à l’ordre du jour depuis des décennies peuvent-elles constituer
des urgences à traiter par une succession de mesures parcellaires
qui durent le temps d’une législature? Il s’agit, au contraire,
de questions politiques cruciales à traiter sérieusement, sur le
long terme et en tenant compte du contexte général. Sans compter
que c’est seulement ainsi que l’on peut faire face à des urgences
réelles et imprévues, telles que l’afflux résultant du printemps
arabe et la tragédie humanitaire des personnes fuyant le conflit
syrien.
58. L’échec de nombreux gouvernements à trouver des solutions
politiques satisfaisantes aux questions de migration et d’intégration
compte parmi les principales causes de la recrudescence de l’intolérance
dont l’Europe est aujourd’hui témoin.
59. A cela s’ajoute un problème de communication de la part des
responsables politiques, à plusieurs niveaux:
- la diabolisation de la migration à des fins politiques,
ainsi que le souligne l’Assemblée dans sa Résolution 1889 (2012) sur l’image des migrants et des réfugiés véhiculée pendant
les campagnes électorales ;
- l’absence de distinction entre personnes ayant besoin
d’une protection internationale et celles qui migrent pour améliorer
leur situation économique – ou, simplement, pour avoir des chances
de survivre;
- l’incapacité à faire comprendre que le respect des droits
de l’homme et de la dignité ne dépend pas du statut juridique des
personnes concernées, soient-elles citoyennes, étrangères, réfugiées
ou immigrées sans permis de séjour en règle.
60. Ce type de fausse déclaration délibérée ou, tout au moins,
d’erreur de communication, crée un terrain fertile pour que prospèrent
racisme, haine et intolérance, non seulement à l’encontre des immigrés
mais aussi d’autres groupes.
7. Le facteur de haine
dans le discours politique
61. Dans le paysage politique européen actuel, plusieurs
partis et groupes politiques mettent en avant des idées qui, si
elles ne peuvent être taxées de racisme, génèrent tout au moins
un climat d’intolérance à l’égard de certains groupes.
62. Le cas d’Aube dorée, en Grèce, est particulièrement inquiétant
car il s’agit d’un parti néo-nazi, dont les membres sont engagés
dans des actions violentes contre les personnes issues de minorités
et qui compte 18 représentants élus au parlement national à la suite
d’un vote démocratique.
63. En septembre 2013, le meurtre du rappeur Pavlos Fyssas est
la dernière d’une série d’attaques violentes menées par des membres
ou des sympathisants d’Aube dorée. Cette affaire est remontée dans
les médias internationaux, mais bien d’autres n’ont pas eu cette
chance. Le meurtre a conduit à l’arrestation de plusieurs membres
d’Aube dorée, notamment des membres du parlement, en raison de leur
appartenance à une «organisation criminelle»
.
64. Durant ces événements, en octobre 2013, la commission sur
l’égalité et la non-discrimination a examiné la viabilité juridique
et politique d’interdire les partis politiques qui encouragent la
haine et l’hostilité à l’encontre de certains groupes. M. Thomas
Markert, Directeur et Secrétaire de la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise), a indiqué que
tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ne prévoyaient pas
la possibilité d’interdiction
. De plus, lorsqu’elle existe, il
s’agit d’une mesure de dernier ressort exclusivement appliquée dans
des circonstances très exceptionnelles. Cela n’exclut pas la responsabilité
pénale des membres de partis qui recourent au discours de haine
ou commettent des infractions motivées par la haine.
65. J’ai poursuivi cette discussion à l’occasion d’une réunion
bilatérale avec M. Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme.
Il juge la situation de la Grèce tellement grave que, à son avis,
il faut revoir la loi pour permettre l’interdiction de partis politiques,
ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle
.
66. La situation en Grèce a en effet atteint un niveau de gravité
sans précédent quant à la recrudescence du racisme, de la haine
et de l’intolérance, et l’élection au parlement d’un parti politique
utilisant des symboles inspirés du nazisme et dont les membres parlent
de la supériorité et de l’infériorité d’un peuple, est extrêmement
inquiétante
. Pour autant, il convient selon
moi de garder à l’esprit une question simple: pourquoi les électeurs
ont-ils voté pour l’Aube dorée? Ce qui importe réellement est de
s’attaquer aux causes profondes qui alimentent le racisme et de
contester ces idéologies ouvertement et avec détermination.
67. Les responsables politiques ont pour mission particulière
de faire preuve de vigilance face à ces phénomènes et de rejeter
résolument le racisme, la haine et la violence. Malheureusement,
trop souvent, les responsables politiques se complaisent dans un
discours populiste et intolérant, même s’ils appartiennent à des
partis dominants. Bien entendu, rien ne les empêche de tenir des
avis divergents quant aux politiques de migration et d’intégration,
mais ils doivent éviter de stigmatiser les personnes.
68. Ce fut une véritable stupéfaction pour beaucoup d’entre nous
d’apprendre que, depuis sa prise de fonction en avril 2013, la ministre
italienne de l’Intégration, Mme Cécile Kyenge, est en butte à des
insultes et à des attaques verbales racistes, y compris de la part
d’autres responsables politiques. Cette situation a conduit 17 ministres
des Etats membres de l’Union européenne à réagir, en adoptant une
déclaration réaffirmant la responsabilité particulière des politiciens
à lutter contre le racisme
. J’estime que l’Assemblée doit soutenir
cette déclaration. D’autre part, je pense que la commission sur
l’égalité et la non-discrimination doit renforcer ses travaux en
créant un mandat de rapporteur général contre le racisme, la haine
et l’intolérance. Il est de toute première importance que la commission
puisse parler d’une seule voix dès lors qu’il s’agit de ces questions,
d’avoir un point central pouvant servir d’interlocuteur avec les
organes du Conseil de l’Europe et les organes externes et, enfin,
de savoir que quelqu’un suit la question de manière systématique.
69. En tant qu’organe reflétant la composition des parlements
nationaux, l’Assemblée est directement concernée par la question
de la représentation politique des partis qui stigmatisent certains
groupes. En janvier 2013, les pouvoirs de deux membres de l’Assemblée,
Mme Eleni Zaroulia et M. Tamás Gaudi Nagy, ont été contestés au
motif de leur appartenance respectivement aux partis Aube dorée
et Jobbik, et en raison de propos qu’ils ont tenus dans leurs pays
respectifs. Mme Fiamma Nirenstein, qui a lancé la contestation des pouvoirs,
a déclaré: «Nous considérons que les propos antisémites tenus par
ces deux personnes violent l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe.
Nous devons tous accepter les principes de la primauté du droit
et le respect des droits et des libertés fondamentales. Ces deux
membres de notre Assemblée ont tenu des propos qui sont incompatibles
avec ces valeurs»
.
70. De surcroît, l’appartenance de Mme Zaroulia et de M. Gaudi
Nagy à des commissions a également été contestée.
71. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles a été chargée d’examiner la contestation des pouvoirs.
La commission a précisé que, selon le Règlement de l’Assemblée parlementaire, les
pouvoirs de membres individuels ne peuvent être contestés que pour
des raisons formelles. Toutes les procédures ayant été respectées
dans les deux cas, les pouvoirs devaient être ratifiés. S’agissant
de l’appartenance à des commissions, la qualité de membre de M. Gaudi
Nagy a été confirmée par la délégation hongroise, puis approuvée
par l’Assemblée, tandis que la délégation grecque a décidé de retirer
la demande de Mme Zaroulia.
72. Ce qui s’est produit à cette occasion doit, me semble-t-il,
inciter l’Assemblée à s’interroger: les garanties mises en place
contre le racisme et l’intolérance sont-elles suffisantes? Je le
répète, je ne suis pas favorable à l’interdiction de partis politiques.
De même, je ne crois pas que l’Assemblée doive introduire un filtre
contre certains partis politiques: du moment qu’ils sont représentés
dans des parlements nationaux, ils doivent aussi l’être à l’Assemblée,
conformément à l’article 6.2.
a du
Règlement. Toutefois, il devrait être possible de sanctionner le
non respect de l’engagement figurant dans la déclaration écrite
prévue à l’article 6.2.
b,
que les membres sont tenus de signer:
«Je soussigné(e) (...) affirme et déclare par la présente
que j’adhère aux objectifs et aux principes fondamentaux du Conseil
de l’Europe, mentionnés au préambule, à l’article 1.a et à l’article 3
du Statut du Conseil de l’Europe.»
73. J’invite la commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles à se pencher sur cette question et suggère
à la commission sur l’égalité et la non-discrimination de participer
à un échange de vues.
8. Conclusions
74. Le racisme, la haine et l’intolérance vont à l’encontre
des valeurs du Conseil de l’Europe et nient l’égalité des êtres
humains. Ces comportements sont une grave menace à la démocratie
et aux droits de l’homme, quels que soient les groupes qu’ils prennent
pour cible. Et pourtant, malgré leur caractère odieux, leur omniprésence
dans l’Europe d’aujourd’hui les a rendus banals, en a fait une réalité
quotidienne.
75. Introduire un cadre juridique général pour s’attaquer au racisme,
à la haine et à l’intolérance, voilà qui est essentiel, à condition
que soient déployés tous les efforts garantissant sa mise en œuvre
effective, notamment en remédiant au non-signalement, en formant
les services de répression et en combattant l’impunité.
76. Reste que les lois ne sont qu’une partie de la solution. Une
stratégie globale faite pour lutter contre le racisme, la haine
et l’intolérance doit mettre l’accent sur la prévention, la sensibilisation
et l’éducation aux droits de l’homme. Elle doit s’appuyer sur de
précieux alliés, internet et les médias sociaux, pour toucher un
public plus large.
77. Les responsables politiques doivent conduire les efforts visant
à éliminer le racisme, la haine et l’intolérance avec détermination
et en montrant l’exemple, en contestant, rejetant et condamnant
publiquement les manifestations de haine, d’où qu’elles viennent.
Ils doivent également éviter de priver les personnes issues de groupes
particulièrement vulnérables à l’intolérance, de leurs possibilités
de trouver aide et réparation. En même temps, les responsables politiques
doivent concevoir des politiques de migration et d’intégration viables et
communiquer de manière responsable sur ces politiques.
78. De mon point de vue, le Conseil de l’Europe n’a pas un rôle
à jouer pour s’attaquer au racisme, à la haine et à l’intolérance;
il a une mission statutaire. Il est nécessaire que le Conseil de
l’Europe ait un rôle moteur dans ce domaine, et qu’il contribue
à aider ses Etats membres à «promouvoir les idéaux et les principes
qui sont leur patrimoine commun»
.