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Rapport | Doc. 13531 | 09 juin 2014
L’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes
Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
Résumé
L’Europe doit faire face à des arrivées de plus en plus nombreuses de flux migratoires mixtes sur ses côtes méridionales et les difficultés à la frontière italienne ne sont pas près de s’atténuer.
Des efforts louables ont permis aux autorités italiennes et à leurs partenaires de répondre aux urgences, mais de nombreux problèmes d’ordre structurel subsistent dans la politique italienne de migration et des mesures s’imposent pour adapter le système aux besoins.
Il est temps pour l’Europe de prendre un tournant et d’apporter des réponses plus structurées et globales à ces problèmes.
A. Projet de résolution
(open)1. Les arrivées de plus en plus nombreuses de flux migratoires
mixtes sur les rivages italiens ont exercé des pressions considérables
sur la politique de migration de l’Europe en général, et de l’Italie
en particulier, et Il demeure nécessaire de mettre au point des
approches globales pour répondre aux nouvelles tendances en matière
de protection internationale et de droits fondamentaux de nombreux
enfants, femmes et hommes.
2. En 2013, 42 925 migrants irréguliers, dont environ 27 800
demandeurs d’asile, sont arrivés en Italie par la Méditerranée.
Des centaines d’autres ont péri en mer. Pour l’année 2014, au 12
mai, ils étaient déjà 36 627 à être arrivés dans le pays.
3. Le 3 octobre 2013, la disparition sans précédent de 368 migrants
à l’occasion d’un seul naufrage près des côtes de Lampedusa a provoqué
une onde de choc mondiale et marqué un tournant décisif.
4. L’Assemblée parlementaire salue l’intensification des efforts
des autorités italiennes pour faire face aux situations d’urgence,
notamment par le biais de l’opération Mare
Nostrum. Cependant, des problèmes structurels continuent
de peser sur les mesures à prendre au plus vite pour adapter les
systèmes italien et européen aux besoins. D’une part, des capacités
d’accueil adéquates, l’identification conforme des personnes et
le contrôle ultérieur de leurs déplacements ainsi qu’un traitement
rapide et transparent des flux migratoires mixtes sont quelques-uns
des impératifs auxquels les autorités italiennes doivent pleinement
satisfaire. D’autre part, les autorités européennes doivent redéfinir
leurs politiques et leurs réglementations relatives à l’immigration
ainsi que les soutenir par des moyens financiers et opérationnels
appropriés.
5. De nombreux migrants ne veulent pas rester en Italie puisqu’ils
souhaitent rejoindre leur famille ou trouver de meilleures opportunités
de travail dans d’autres pays européens. Cela engendre des déplacements irréguliers
vers d’autres parties de l’Europe, qui sapent la confiance dans
l’ordre juridique européen et souligne la nécessité de réviser le
règlement de Dublin et sa mise en œuvre.
6. L’Assemblée rappelle sa Résolution
1820 (2011) «Demandeurs d’asile et réfugiés: pour un partage des responsabilités
en Europe» et recommande à tous les Etats membres du Conseil de
l’Europe et à l’Union européenne de faire preuve d’une plus grande
solidarité avec l’Italie et les autres pays européens actuellement les
plus exposés à des arrivées de migrants des pays du sud de la Méditerranée.
En retour, l’Italie et les autres pays européens en première ligne
doivent donner à leurs partenaires européens l’assurance qu’ils
prendront toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que
les personnes entrées sur leur territoire par des voies irrégulières
ne poursuivent pas leur voyage vers d’autres Etats membres du Conseil
de l’Europe. Cette résolution appelle également l’Union européenne
à «modifier le système Dublin, (…) en vue d’assurer à la fois un
traitement équitable et des garanties suffisantes aux demandeurs
d’asile et aux bénéficiaires de la protection internationale, mais
aussi d’aider les Etats membres à faire face à d’éventuelles situations
de tension exceptionnelle».
7. C’est pourquoi l’Assemblée appelle les autorités italiennes
à mettre en œuvre un train complet de mesures pour traiter les arrivées
de flux migratoires mixtes en Italie, notamment:
7.1. concernant la gestion des arrivées
de flux migratoires mixtes:
7.1.1. à
poursuivre ses opérations de recherche et de sauvetage, en étroite
coopération avec les opérations des autres Etats membres et les
opérations conjointes de l’Agence européenne pour la gestion de
la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats
membres de l’Union européenne (Frontex);
7.1.2. à intensifier ses efforts pour arrêter les trafiquants
et les passeurs et à veiller à ce que les personnes arrêtées soient
traduites en justice; les coupables doivent faire l’objet de sanctions dissuasives
et largement médiatisées;
7.1.3. à mettre en place un système fiable, équitable et transparent
pour identifier les migrants immédiatement après leur arrivée sur
les côtes et déterminer rapidement ceux qui sont habilités à bénéficier
de l’asile et d’une protection internationale, afin de protéger
les véritables réfugiés et demandeurs d’asile;
7.1.4. à garantir le respect des principes et des dispositions
du règlement de Dublin, s’agissant des responsabilités qui incombent
au premier pays d’accueil;
7.2. concernant les capacités d’accueil et de rétention:
7.2.1. à garantir des conditions de
réception et une assistance médicale adéquates et conformes aux
normes des droits de l’homme et humanitaires pertinentes;
7.2.2. à mettre en place un organe de contrôle indépendant chargé
de vérifier la conformité avec les normes internationales des conditions
et normes en vigueur dans les installations d’accueil et de rétention;
7.2.3. à réduire la période maximale de 18 mois durant laquelle
des ressortissants étrangers sans titre de séjour peuvent être placés
en détention;
7.2.4. à intensifier les échanges de bonnes pratiques en matière
de gouvernance et à assurer des formations pour le personnel opérant
dans le domaine des migrations;
7.2.5. à faciliter l’accès des organisations internationales
et non gouvernementales aux centres;
7.2.6. à informer de manière adéquate les migrants en situation
irrégulière, les demandeurs d’asile et les réfugiés de leurs droits
et obligations.
8. L’Assemblée se félicite de l’annonce par les autorités italiennes
de la priorité accordée au développement d’une réponse européenne
commune aux arrivées de flux migratoires mixtes sur les rivages d’Europe
méridionale au cours de la prochaine Présidence italienne du Conseil
de l’Union européenne (juillet-décembre 2014), et appelle à des
solutions concrètes.
9. L'Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.1. à apporter une assistance financière
et opérationnelle à l’opération Mare
Nostrum afin d’en assurer le succès durable;
9.2. à promouvoir des modifications dans les règlements Eurodac,
de façon à faciliter l’identification des migrants et des demandeurs
d’asile grâce à des tests ADN en complément des empreintes digitales;
9.3. à mettre en œuvre des mesures pour renforcer l’efficacité
des contrôles aux frontières;
9.4. à répondre positivement à la suggestion du ministre italien
de l’Intérieur et d’autres d’installer des camps dans les pays d’Afrique
du Nord afin de traiter les demandes d’asile et de protection internationale,
dans le but d’intercepter les migrants avant qu’ils ne prennent
la mer; une réflexion devrait être menée sur la possibilité d’établir
des centres auxquels le Haut Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés aurait accès afin de protéger les droits de l’homme;
9.5. à prendre des mesures pour identifier, arrêter et traduire
en justice les trafiquants;
9.6. à répondre positivement à l’appel des garde-côtes libyens
pour un soutien financier et autre de l’Union européenne afin de
renforcer les moyens des garde-côtes.
B. Projet de recommandation
(open)1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution
... (2014) sur l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur
les côtes italiennes.
2. Elle considère que le Conseil de l’Europe a un rôle important
à jouer en aidant l’Italie et les autres Etats membres à relever
les défis en matière de droits de l’homme posés par les flux migratoires
mixtes qui traversent la Méditerranée, y compris le respect du principe
de non-refoulement, ainsi qu’elle l’a souligné tout récemment dans
sa Recommandation 2010
(2013) «Migrations et asile: montée des tensions en Méditerranée orientale».
3. Les récentes tragédies près des côtes de Lampedusa, en particulier
la disparition en mer, en octobre 2013, de plus de 350 personnes
alors que la côte était en vue et d’autres incidents en avril-mai
2014, ont mis en lumière la nécessité urgente de redoubler d’efforts
pour empêcher ces tragédies humanitaires.
4. L’Assemblée recommande de ce fait au Comité des Ministres
de recourir à l’expertise du Conseil de l’Europe pour aider à relever
les défis posés aux droits de l’homme par ces flux migratoires mixtes.
A cet égard, elle recommande au Comité des Ministres en particulier:
4.1. de lancer une réflexion sur
le meilleur moyen de définir un nouveau crime international, assimilé ou
non à un crime contre l’humanité, lorsqu’un individu perçoit un
avantage financier direct ou indirect pour transporter des personnes
dans une embarcation dangereuse et susceptible de mettre des vies
en danger ou d’exposer des personnes au risque d’être blessé ou
de mourir en mer;
4.2. d’ouvrir des négociations pour garantir que les migrants
interceptés dans les eaux territoriales d’un pays non membre de
l’Union européenne puissent être renvoyés automatiquement dans ce
pays;
4.3. d’encourager les autorités des pays concernés à ouvrir
des négociations sur les modalités et les conditions de retour vers
les pays d’embarquement des migrants interceptés dans les eaux internationales;
4.4. d’accorder au cours de l’année prochaine une priorité
absolue à la recherche de solutions aux problèmes soulevés par l’arrêt
de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Hirsi Jamaa et autres c. Italie (arrêt
du 23 février 2011, Requête n° 27765/09) et en assurer la compatibilité
avec le principe établi selon lequel chaque Etat membre du Conseil
de l’Europe est habilité à exercer le contrôle sur ses propres frontières
et à accorder l’asile ou une forme moindre de protection internationale
à ceux qui répondent aux conditions requises;
4.5. d’étudier la nécessité d’une révision approfondie du règlement
de Dublin et de sa mise en œuvre.
C. Exposé des motifs, par M. Chope, rapporteur
(open)1. Introduction
1. L’arrivée croissante de flux migratoires mixtes sur
les rivages du sud de l’Europe retient l’attention de l’Assemblée
parlementaire depuis plus d’une décennie . L’Assemblée a notamment
tenu un débat d’urgence en avril 2011 et adopté la Résolution 1805 (2011) sur l’arrivée massive de migrants en situation irrégulière,
de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rivages du sud de l’Europe.
2. Le nombre croissant de migrants en situation irrégulière,
de demandeurs d’asile et de réfugiés prêts à risquer leur vie pour
traverser la Méditerranée sur des canots gonflables en dépit des
conditions hivernales et des flots agités est un phénomène extrêmement
alarmant. Les récents événements ont prouvé que cette tendance et
la pression sur les frontières des Etats membres ne diminueront
pas et qu’elles prennent au contraire une dimension encore plus
inquiétante.
3. Le présent rapport traite plus particulièrement des défis
spécifiques auxquels est confrontée l’Italie. Le naufrage le plus
tragique a eu lieu le 3 octobre 2013 près des côtes de l’île italienne
de Lampedusa, le territoire le plus méridional de l’Europe. Trois
cent soixante-six personnes ont disparu dans les flots et 155 ont
pu être sauvées, dont 40 mineurs. Ce drame a été suivi quelques
jours plus tard, le 11 octobre 2013, par un autre naufrage au cours
duquel au moins 38 personnes ont perdu la vie .
Ces événements ont provoqué une véritable onde de choc au plan mondial.
4. Je m’étais déjà rendu à Lampedusa avec les membres d’une sous-commission
ad hoc de l’Assemblée les 23 et 24 mai 2011, au moment du pic des
arrivées . Je me suis également rendu à Rome
et en Sicile du 9 au 11 octobre 2012. Au lendemain de la tragédie
d’octobre 2013, la délégation parlementaire italienne auprès du
Conseil de l’Europe avait souhaité que je constate dans la pratique
les politiques de migration révisées adoptées subséquemment par
l’Italie. Je remercie vivement M. Sandro Gozi, ancien président
de la délégation italienne, ainsi que ses collègues, pour l’aide
qu’ils m’ont apportée dans l’organisation de cette visite hautement
productive et informative entre le 9 et le 13 février 2014, à Rome,
Lampedusa et en Sicile. Je tiens à remercier également les autorités
italiennes et tous mes interlocuteurs pour les informations qu’ils
m’ont fournies au cours de ces visites.
5. Il convient de reconnaître les efforts louables entrepris
par l’Italie au cours des dernières années mais aussi récemment
afin de sauver des vies humaines en mer. En dépit de quelques succès,
les réponses italiennes à l’urgence se sont cependant avérées insuffisantes
pour répondre à long terme aux besoins en matière d’accueil et de
protection. Quelques jours après ma visite en février 2014, l’Italie
s’est dotée d’un nouveau Premier ministre et d’un nouveau gouvernement
qui s’est engagé, je le crois, à effectuer des réformes. C’est maintenant,
plus que jamais, qu’il convient d’encourager l’Italie à planifier
et à adopter une approche structurée en matière de migrations.
2. Arrivées sur les côtes italiennes et réaction de type «situation d’urgence» de l’Italie
6. La situation géographique de l’Italie favorise l’arrivée
de flux mixtes de migrants irréguliers, de demandeurs d’asile et
de réfugiés. La gravité, la complexité et l’ampleur des problèmes
soulevés par ces arrivées en Italie ont atteint désormais des proportions
de crise. Il s’agit d’une situation d’urgence qui nécessite une
réponse d’urgence en plus de changements politiques à plus long
terme.
2.1. Les faits: les arrivées mixtes en Italie prennent une nouvelle dimension
7. En 2011, 62 692 non-ressortissants au total ont réussi
à traverser la Méditerranée, principalement depuis la Tunisie et
la Libye à la suite des conflits armés affectant les pays du sud
de la Méditerranée, et sont arrivés sur le littoral italien. En
2012, quelque 12 000 personnes sont arrivées en Italie par bateau.
En 2013, 42 925 migrants ont accostés en Italie, dont 8 336 mineurs
et 5 477 femmes. Au cours du second semestre de l’année, 34 000
personnes ont atteint les côtes italiennes. A mi-février 2014, l’Italie
a enregistré un pic inhabituel, avec un nombre d’arrivants dix fois
plus élevé qu’au début de l’année 2013 . Cette augmentation s’est poursuivie
sans faiblir en 2014 et s’est même accélérée pour atteindre des
sommets sans précédent. Selon le ministère de l’Intérieur, au 12
mai, 36 627 migrants étaient déjà arrivés sur la côte méridionale
de l’Italie.
8. Juste avant ma venue en Italie, le 5 février 2014, les autorités
italiennes ont secouru plus de 1 100 migrants dérivant sur huit
canots gonflables. A nouveau, entre le 19 et le 21 mars 2014, 4 457
migrants et demandeurs d’asile, un nombre sans précédent, sont parvenus
sains et saufs en Sicile grâce aux secours italiens. De telles opérations
de sauvetage de grande envergure sont encore en cours.
9. Parmi les arrivants, selon le Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR), les populations les plus nombreuses
sont originaires de Syrie (11 307), d’Erythrée (9 834), de Somalie
(3 263), d’Egypte (2 728), du Nigeria (2 680), de Gambie (2 619),
du Pakistan (1 753), du Mali (1 674), du Sénégal (1 314), ou de
Palestine (1 075). Ils partent principalement de la Libye.
2.2. La réponse de l’Italie aux arrivées: de «l’état d’urgence Afrique du Nord» à l’opération Mare Nostrum
10. En 2011, l’Italie a été confrontée à de graves difficultés
pour faire face à l’augmentation des arrivées. Dès l’arrivée des
premiers bateaux sur les côtes italiennes, le 12 février 2011, le
gouvernement a pris un décret pour déclarer l’état d’urgence humanitaire.
Dans ce cadre, le gouvernement a adopté des mesures d’urgence, recourant
à des crédits extraordinaires et coopérant avec l’Agence européenne
pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières
extérieures des Etats membres de l’Union européenne (Frontex), pour
faire face aux arrivées massives. Cette situation, appelée «état
d’urgence Afrique du Nord», s’est prolongée jusqu’au 31 décembre
2012.
11. Selon le HCR, une stratégie de désengagement progressif du
plan d’accueil d’urgence n’a été mise en place qu’en septembre 2012,
avec l’octroi aux demandeurs d’asile déboutés, quelle que soit la
durée de leur présence continue dans le système d’accueil d’urgence,
d’un permis de résidence d’un an pour raison humanitaire, assorti
d’un examen par des commissions territoriales.
12. En réponse aux tragédies d’octobre, le gouvernement italien
a lancé le 18 octobre 2013 Mare Nostrum, une
patrouille navale de recherche et de sauvetage appuyée par un dispositif
aérien, qui opère en Méditerranée entre l’Italie et l’Afrique du
Nord .
13. Sa mission déclarée est de veiller à ce que plus aucun migrant
ne se noie en Méditerranée, et pour l’heure elle a été couronnée
de succès. L’énorme succès humanitaire de Mare
Nostrum ne doit pas être terni par les nouveaux rapports
faisant état de naufrages d’embarcations et de pertes de vies humaines
en avril et mai 2014 .
14. En 2013, au total, 281 bateaux transportant 30 682 personnes
ont été secourus par des moyens militaires italiens, principalement
dans la région de recherche et de sauvetage (RRS) italienne, mais
aussi dans les RRS libyenne (66 bateaux) et maltaise (79 bateaux) .
15. Depuis octobre 2013, le contrôle aux frontières de la plupart
des migrants se fait en mer, avant leur transfert vers des centres
en Sicile. Le centre d’accueil de Lampedusa, où les survivants de
la tragédie d’octobre ont été hébergés jusqu’après Noël, est devenu
sans objet.
2.3. Les contrecoups de l’opération Mare Nostrum
16. Sans conteste, l’opération italienne Mare Nostrum permet de sauver des
milliers de vies. Entre octobre 2013 et mi-mai 2014, cette opération
a secouru près de 27 790 migrants, dont 3 034 mineurs. Elle a également permis
l’arrestation d’individus impliqués dans le trafic d’êtres humains
(207 auraient été condamnés mi-mai) . Des sanctions
dissuasives et largement médiatisées prononcées à l’encontre des
coupables devraient suivre.
17. Ironie du sort, Mare Nostrum semble
aussi avoir contribué à l’intensification de l’afflux de migrants
qui quittent l’Afrique du Nord par la mer pour se rendre en Italie.
Leur nombre, qui a été dix fois plus élevé en janvier 2014 qu’en
janvier 2013, serait lié au fait que les candidats au départ sont
aujourd’hui plus confiants de parvenir vivants à destination. La
marine italienne m’a affirmé que des vaisseaux mères partent désormais d’Alexandrie,
en Egypte, avec de très nombreux migrants à leur bord, et les font
embarquer dans de petits canots pneumatiques juste avant les eaux
territoriales italiennes, où ils sont pratiquement certains d’être sauvés
par les garde-côtes italiens. Beaucoup d’embarcations de ces émigrants
sont équipées d’un téléphone mobile où le numéro d’appel direct
des garde-côtes italiens est préenregistré.
18. Le crime organisé est très impliqué dans les manœuvres visant
à faciliter cette immigration, dont le volume a fortement augmenté.
Transporter et faciliter les déplacements des migrants en Europe
est une activité criminelle internationale hautement lucrative.
Des personnes déplacées par le conflit syrien, la guerre civile
en Erythrée et les problèmes politiques au Soudan, auxquelles s’ajoutent
des gens originaires d’autres régions d’Afrique et désireux de chercher
une vie meilleure en Europe, parviennent ainsi à franchir la Méditerranée
en payant de $ 1 500 à 5 000 par personne, le dollar étant la devise
préférée des passeurs. Il est donc permis d’estimer que les passagers
de l’embarcation qui a sombré au large de Lampedusa en octobre 2013
ont rapporté bien plus d’un million de dollars aux passeurs. Les
Etats doivent prendre conscience qu’ils sont confrontés à des activités
criminelles générant bien plus de $ 100 millions par an.
19. Autre phénomène dont l’Assemblée devrait s’inquiéter: il y
aurait 800 000 personnes près des côtes libyennes qui attendent
pour rejoindre l’Europe .
Bon nombre d’entre elles ont un niveau d’éducation raisonnablement
élevé et des moyens suffisants pour acheter un accès privilégié
à l’Europe en passant par la Méditerranée. De tels flux de migrants
irréguliers n’étaient pas possibles quand la Libye avait un gouvernement efficace.
Le pays est aujourd’hui aux mains d’une troupe disparate de seigneurs
de guerre et de milices, qui cherchent uniquement à exploiter ceux
qui veulent partir pour l’Europe. Le travail forcé et l’exploitation
sexuelle sont monnaie courante, et quand les autorités libyennes
interceptent des embarcations qui quittent la Libye, les passagers
qui ont payé leur traversée se retrouvent enfermés dans des camps
dont ils ne peuvent sortir sans l’aide financière de leurs proches.
Comme les perspectives de stabilité politique en Libye sont inexistantes,
du moins dans un avenir proche, le trafic d’êtres humains continuera
inévitablement d’être florissant.
20. Il reste à vérifier si l’accord signé le 3 avril 2012 par
les ministres de l’Intérieur italien et libyen, en vertu duquel
l’Italie confirme son soutien au renforcement des capacités normatives
et institutionnelles de la Libye pour assurer le contrôle des frontières
et la sauvegarde des droits de l’homme des ressortissants de pays
tiers, aura un impact durable sur cette situation chaotique. J’ai
appris de l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Mme Emma
Bonino, que l’Italie s’est engagée à fournir à la Libye des moyens
et des équipements techniques, en l’occurrence des drones, pour
améliorer la surveillance de ses frontières et qu’elle a invité
la Libye à signer la Convention de Genève de 1951 relative au statut
des réfugiés.
3. La politique italienne face aux arrivées mixtes: entre combat résolu et laissez-faire
21. Les mesures de contrôle des frontières et de lutte
contre l’immigration irrégulière font partie des prérogatives légitimes
de l’Etat. Elles sont un aspect essentiel du système de gestion
efficace des migrations. Ces mesures doivent cependant être appliquées
dans le plein respect des normes internationales relatives aux droits
de l’homme et aux réfugiés et, en particulier, du principe de non‑refoulement.
3.1. Les efforts de l’Italie pour limiter la politique de renvoi et dépénaliser les migrations irrégulières
22. Depuis plusieurs années, l’Italie était critiquée
parce qu’elle luttait contre les migrations irrégulières à ses frontières
en pratiquant une politique de renvoi et en érigeant ces migrations
en infraction pénale, en violation du droit international relatif
aux droits de l’homme et aux réfugiés.
23. L’Italie a fini par être condamnée par la Cour européenne
des droits de l’homme pour ses pratiques visant à intercepter les
bateaux de migrants en haute mer et à les renvoyer en Libye .
Depuis cet arrêt de la Cour, le Gouvernement italien a fait savoir
qu’il n’avait plus entrepris d’opérations de renvoi, celles-ci ayant
pris fin à la signature de la convention susmentionnée, en avril
2012. Cela étant, il reste au Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe, chargé de superviser l’exécution de l’arrêt, à examiner
un plan d’action italien concret, global et consolidé.
24. D’autre part, les incidents inquiétants du Salamis et de l’Adakent d’août 2013, décrits dans
le rapport «Le “bateau cercueil”: actions et réactions» de la rapporteure
Tineke Strik (Doc.
13532) ont à nouveau placé les renvois sous le feu des projecteurs.
Cette question exige une attention toute particulière et des garanties.
25. Par ailleurs, la pénalisation des migrations était également
considérée comme un moyen de dissuader les migrations irrégulières . Des pêcheurs
ont aussi été poursuivis pour avoir fait passer des migrants irréguliers
en Italie. Cependant, devant le nombre croissant d’arrivées, il
est apparu que des sanctions pénales ne pourraient à elles seules
constituer une réponse adéquate au problème. Le 21 janvier 2014,
le Sénat italien a voté l’abrogation de l’ancienne législation qui
avait érigé les migrations irrégulières en infractions pénales.
Il reste à la chambre basse du parlement à se prononcer sur la modification
pour que celle-ci entre en vigueur.
3.2. Politique italienne de retour
26. Selon le ministère italien de l’Intérieur, 28 000
ordonnances d’expulsion ont été promulguées en Italie en 2013, dont
7 000 ont mené à des reconduites à la frontière .
La capacité à exécuter effectivement les expulsions dépend en grande
partie de la coopération des pays d’origine, qui s’est parfois avérée
difficile.
27. Depuis le début des arrivées migratoires de 2011, l’Italie
a signé des accords avec les nouveaux gouvernements d’Afrique du
Nord . Ces accords de coopération et de
réadmission étaient axés sur le renforcement des contrôles aux frontières,
la prévention des migrations irrégulières et la lutte contre la
traite de personnes et le trafic illicite de migrants. Ils facilitaient
également le retour et la réadmission des personnes ayant traversé
la Méditerranée.
28. Ces récents accords de réadmission ont toutefois été critiqués
au cours de ma visite par les organisations non gouvernementales
(ONG) locales et internationales, car ils prévoient une procédure
de retour simplifiée pour les nouveaux arrivants et permettent des
rapatriements directs. Si un traitement rapide des migrants irréguliers
est un moyen efficace pour éviter de longues périodes de détention,
des procédures accélérées peuvent aussi s’apparenter à des refoulements
collectifs sommaires si elles ne
sont pas menées conformément aux garanties procédurales établies
dans la Directive Retour de l’Union européenne, la Convention européenne
des droits de l’homme (STE n° 5) et le Code frontières Schengen.
Si les intéressés ne bénéficient pas d’un délai suffisant pour déposer
une demande d’asile, ces procédures peuvent aussi être une source
de préoccupations au regard du droit d’asile.
29. Par ailleurs, selon le HCR, l’accord d’avril 2012 signé avec
la Libye n’inclut pas de garantie de protection spécifique pour
les demandeurs d’asile et les réfugiés. Dans la pratique, il convient
d’assurer une mise en œuvre adéquate des clauses relatives aux droits
de l’homme inscrites dans les accords bilatéraux. Le Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe a adopté en mai 2005 les «Vingt
principes directeurs sur le retour forcé», qui peuvent servir de
référence à cet effet. Il a également invité les Etats membres méditerranéens
qui accueillent des flux mixtes de migrants irréguliers, de réfugiés
et de demandeurs d’asile à «promouvoir le recours aux programmes
de retour volontaire assisté, avec le soutien de l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM)» .
30. Force est de reconnaître les efforts déployés par les autorités
italiennes pour augmenter le nombre de retours volontaires. Les
autorités soutiennent en particulier le réseau italien pour le retour
volontaire assisté (RIRVA). Depuis 2009, 38 000 cas de retours volontaires
ont été rapportés et depuis 2013 le programme a alloué à chaque
bénéficiaire une somme de 2 100 euros, en plus de mesures de réinsertion
sociale et professionnelle dans le pays d’origine .
3.3. Politique de laissez-faire: les défauts de l’Italie à identifier adéquatement les arrivées mixtes
31. Lors de ma réunion avec l’ancienne ministre des Affaires
étrangères à Rome, en février 2014, Mme Bonino m’a fait part de
ses inquiétudes concernant la grave menace que les récents afflux
de personnes en provenance d’Afrique du Nord constituent pour la
sécurité internationale et européenne. Elle a la conviction que
des agents dormant d’Al-Qaïda figurent au nombre de ceux faisant
ce passage illégal vers l’Europe.
32. La menace pour la sécurité de l’Europe est d’autant plus grave
que les autorités italiennes ne parviennent pas à identifier bon
nombre des personnes qui arrivent dans le cadre de ces trafics.
Si Mare Nostrum a fortement
réduit le nombre de migrants entrant sans être détectés sur le territoire
de l’Italie, les autorités se heurtent encore au fait que beaucoup
d’immigrés refusent de révéler leur identité, voire même de laisser
prendre leurs empreintes digitales.
33. J’ai longuement discuté de cet aspect avec les autorités italiennes,
notamment préoccupé par le fait qu’aucun des survivants de la tragédie
de Lampedusa n’avait laissé les autorités prendre ses empreintes digitales
pendant son séjour dans le centre d’accueil. Après leur transfert
sur le continent italien, juste après Noël, ils ont été hébergés
dans des centres d’accueil ouverts dont ils ont, pour la plupart,
disparu sans laisser de traces de leur identité. Cela signifie qu’ils
peuvent circuler librement et sans contrôle à l’intérieur de la
zone Schengen et demander l’asile dans le pays de leur choix, sans
rien qui révèle leur séjour en Italie.
34. La vulnérabilité à l’exploitation que ce défaut d’identification
facilite reste très inquiétante, tout comme le fait qu’un si grand
nombre de personnes entrent en Europe sans autorisation et sans
que les autorités européennes ne conservent la moindre trace de
leur présence, ni d’informations sur leur identité. Le sort éventuel
des mineurs de plus de 14 ans exposés à l’exploitation par leur
refus de se laisser identifier devrait aussi être un grave sujet
de préoccupation pour l’Assemblée.
35. La législation de l’Union européenne exige clairement que
les Etats membres de l’Union et les autres pays qui ont signé le
règlement de Dublin, c’est-à-dire l’Islande, la Norvège et la Suisse,
se conforment au système Eurodac . Le
Chapitre III du règlement de 2000 traite des «étrangers appréhendés
à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure».
L’article 8 exige que «chaque Etat membre, dans le respect des dispositions
de sauvegarde établies dans la Convention européenne des droits
de l'homme et de la Convention des Nations unies relatives aux droits
de l'enfant, relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les
doigts de chaque étranger, âgé de 14 ans au moins, qui, à l'occasion
du franchissement irrégulier de sa frontière terrestre, maritime
ou aérienne en provenance d'un pays tiers, a été appréhendé par
les autorités de contrôle compétentes et qui n'a pas été refoulé.»
L’article exige ensuite que l’Etat membre concerné transmette «sans
tarder à l’unité centrale (…) les données relatives à tout étranger,
y compris le lieu et la date de l’interpellation, ses empreintes
digitales et la date à laquelle les données ont été transmises à
l’unité centrale».
36. Le fait pour les migrants, notamment ceux en provenance d’Erythrée,
de savoir qu’ils peuvent faire étape en Italie sans être identifiés
n’a fait que renforcer le pouvoir d’attraction de l’Italie comme
destination.
37. J’ai interrogé les autorités italiennes sur leur non-respect
de la législation communautaire mise en place pour protéger les
frontières de l’Union européenne. Elles m’ont répondu qu’en droit
italien, elles n’ont pas la possibilité de prendre les empreintes
digitales d’une personne sans son consentement. Cela me paraît surprenant,
surtout s’agissant de personnes qui, de prime abord, sont entrées
de façon illicite sur le territoire italien. Par ailleurs, dans
la pratique, le défaut d’identification rapide des étrangers appréhendés
à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure
et leur placement en détention, souvent pendant plusieurs mois,
revient à leur appliquer une double peine, puisqu’ils sont de toute
manière transférés ensuite dans un centre d’identification et d’expulsion
(CIE). Lorsque je me suis rendu au CIE Contrada
Milo (Trapani), la moitié des 156 personnes qui s’y trouvaient
venait directement de prison.
3.4. L’obligation faite aux demandeurs d’asile de coopérer
38. Je trouve également curieux que les personnes fuyant
les conflits de Syrie ou de diverses régions d’Afrique refusent
de coopérer avec les autorités italiennes alors même qu’elles cherchent
à se mettre à l’abri de leurs persécuteurs. La législation britannique
insiste sur l’importance du principe de l’équité, dont un élément
essentiel est qu’une personne qui sollicite la protection de la
loi est dans l’obligation de coopérer. Il semblerait que les immigrés
originaires de Syrie et d’Erythrée ne souhaitent pas demander l’asile
en Italie, préférant la Suède, la Suisse ou l’Allemagne, par exemple,
pays où ils peuvent retrouver des proches et bénéficier de meilleures
conditions d’accueil et perspectives d’intégration. Mais c’est justement
pour éviter que les gens «fassent leur marché» que le règlement
de Dublin a été mis en place. Le regroupement avec la famille ou
la diaspora doit se faire en toute transparence et de manière légale.
39. Comme beaucoup de migrants qui parviennent au final en Italie
ne souhaitent pas rester dans le pays et préfèrent pratiquer une
recherche opportuniste de juridiction, un aspect de la solution
pourrait être pour l’Italie, en tant que mesure d’urgence, d’empêcher
l’accès au reste de l’espace Schengen. Les candidats migrants sauraient
ainsi qu’ils ne pourront plus se rendre au-delà de l’Italie et y
réfléchiraient à deux fois avant d’entreprendre leur périple.
40. Le journal The Guardian rapporte,
dans son édition du 22 mars 2014, l’histoire poignante de Fanus,
une demandeuse d'asile qui a survécu à la tragédie de Lampedusa . Il explique qu’elle ne
voulait pas prendre son nouveau départ dans la vie en Italie en
raison du taux de chômage élevé, de la sécurité sociale peu favorable, et
des maigres possibilités d’éducation et de formation pour les réfugiés.
Pour éviter d’être enregistrée comme demandeuse d’asile en Italie,
elle a essayé de défigurer le bout de ses doigts en les brûlant
sur du plastique en ébullition. Elle est ensuite partie d’un centre
d’accueil en Sicile pour un centre contrôlé par des passeurs, à Rome,
qui lui ont demandé $ 850 pour un faux passeport et un billet d’avion
pour Stockholm. Elle a choisi de se rendre en train à Milan, puis
en avion à Stockholm via Barcelone. Arrivée à Stockholm, elle a
demandé l’asile. L’article du Guardian confirme
que sur les 155 survivants de la catastrophe de Lampedusa, qui étaient originaires
d’Erythrée, tous sauf deux ont aujourd’hui quitté l’Italie pour
d’autres pays d’Europe.
41. L‘article du Guardian vient
confirmer d’autres histoires que j’ai entendues au cours de ma mission,
qui remettent directement en cause les déclarations des autorités
italiennes qui prétendaient avoir plus ou moins résolu le problème
du défaut d’identification des immigrés. Une des possibilités pour
surmonter tout problème d’empreintes digitales serait d’autoriser
le prélèvement de données ADN, ce qui peut être réalisé de manière moins
intrusive. Malheureusement, cette possibilité est aujourd’hui spécifiquement
exclue par le règlement Eurodac, et même par le règlement actualisé
qui entrera en vigueur en 2015. Il s’agit d’une lacune juridique qui
peut, et devrait, être comblée sans attendre.
42. Au cours de ma mission, j’ai été interviewé par des journalistes
de la télévision suédoise qui m’ont fait part des inquiétudes, à
Stockholm, autour du très grand nombre de demandeurs d'asile qui
semblent avoir transité par l’Italie sans y avoir été enregistrés.
Sur les 42 925 personnes arrivées en 2013 en Italie, un nombre croissant
a potentiellement droit à une protection internationale. Près de
27 800 demandes d’asile ont été enregistrés en 2013 en Italie .
43. L’Italie affirme que les personnes les plus réticentes à
donner leurs empreintes digitales sont les Syriens et les Erythréens .
C’est ce que confirment les statistiques, 4 844 Erythréens ont demandé
l’asile en Suède, contre 2 216 en Italie. Il en va de même pour
les Syriens, dont à peine 695 ont demandé l’asile en Italie alors que
16317 ont opté pour la Suède.
44. D’autres données du HCR démontrent que le cas de l’Italie
n’est pas aussi particulier que de nombreux politiciens et personnalités
italiens ont tenté de me le faire croire. Dans le classement du
nombre de demandeurs d’asile par 1 000 habitants en 2013, l’Italie
vient après 22 autres pays européens . Le taux de demandes d’asile
par 1 000 habitants était seulement de 0,3 en Italie contre 4,6
en Suède et 4,8 à Malte. Les demandeurs d’asile sont plus nombreux
en Suède, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, et ils y représentent
un pourcentage plus élevé par rapport à la population totale. Quand
l’Italie lance un appel à une plus grande solidarité dans l’Union
européenne, elle devrait aussi admettre qu’elle doit contribuer
de manière proportionnelle à traiter la hausse des demandes d’asile.
45. Les chiffres pour 2014 montreront probablement une augmentation
des demandes d’asile en Italie, principalement en raison de la proportion
beaucoup plus élevée d’arrivants obligés de s’enregistrer en Italie
et donc incités à déposer leur demande d’asile dans ce pays. Ceci
aidera l’Italie à plaider sa cause pour davantage de solidarité
et de partage des responsabilités pour lutter contre cette crise.
4. Rétention, accueil et intégration: la route à suivre pour une solution pérenne
46. L’augmentation soudaine du nombre de personnes arrivant
d’Afrique du Nord a mis les capacités d’accueil de l’Italie à rude
épreuve et révélé les défauts structurels d’une approche fondée
sur l’urgence pour la gestion des flux migratoires mixtes.
4.1. Conditions de détention des migrants
47. Plus de 6 000 migrants en situation irrégulière,
dont près de 600 femmes, ont été détenus en 2013 . En vertu du droit italien,
un ressortissant étranger sans titre de séjour peut être placé en
rétention administrative dans un Centre d’identification et d’expulsion
(CIE) pour une période de 30 jours, renouvelable jusqu’à une durée
maximum de 18 mois, à la fois dans un but d’identification et en
attente d’éloignement. L’OIM a recommandé la réduction de cette
période au «strict nécessaire pour l’identification et la remise
en liberté des migrants lorsque l’identification est impossible
pour des raisons qui ne peuvent être attribuées au migrant».
48. Actuellement, seuls cinq des 13 CIE sont opérationnels en
Italie, ramenant la capacité totale de 1 551 places à 668 places.
Les huit autres établissements sont fermés temporairement suite
à des dommages causés aux infrastructures, des émeutes ou des problèmes
de gestion. En Italie, les conditions de détention diffèrent grandement
d’un CIE à l’autre, et les normes ne sont satisfaisantes que dans
quelques rares centres.
49. Les nombreuses émeutes et évasions, ainsi que les récents
incidents d’automutilation et tentatives de suicide dans les rangs
des migrants sont le signe de leur frustration et de leur désespoir.
Plus de 900 détenus ont réussi à s’échapper des CIE en 2013 . Quinze jours avant
ma visite en Italie en février 2014, un groupe de migrants du CIE
de Ponte Galeria s’est cousu les lèvres en signe de protestation
contre leurs conditions déplorables et le silence qui fait suite
à leurs demandes d’asile.
50. Il convient de renforcer la protection contre l’automutilation
et les comportements violents dans les rangs des détenus. Les méthodes
d’identification des personnes vulnérables placées en détention,
notamment les procédures de détermination de l’âge, doivent être
sérieusement améliorées. Le HCR et d’autres ONG ont fait état des
difficultés rencontrées par les demandeurs d’asile dans l’accès
à la procédure d’asile durant la détention, même lorsque l’intention
de demander l’asile a été exprimée avant le transfert au CIE.
51. De plus, certains centres de premiers secours et d’accueil
(CSPA) ont aussi été utilisés pour détenir des migrants en situation
irrégulière à leur arrivée. Tel était le cas, par exemple, du principal
centre d’accueil de Lampedusa qui, à certains moments, a fonctionné
en pratique comme un centre de rétention de migrants sans offrir
les garanties applicables aux personnes en rétention .
52. Les tragédies d’octobre 2013 ont encore renforcé les pressions
sur la petite île de Lampedusa, et le 17 décembre 2013 une vidéo
témoignant des conditions humiliantes des migrants dans le centre
de l’île a été diffusée dans le monde entier, suscitant de vives
polémiques à propos des mauvais traitements récurrents infligés
aux détenus et de l’absence de système efficace de contrôle. Je
me suis rendu dans ce centre d’accueil, désormais en cours de reconstruction
et de modernisation avant sa réouverture plus tard ce printemps,
avec une nouvelle annexe permettant d’accueillir 800 personnes.
La communauté de Lampedusa, sous la houlette de son maire, Mme Nicolini,
s’est engagée à faire de l’île un port sûr. Les autorités italiennes doivent
prendre en compte cet engagement en assurant le bon fonctionnement
des installations d’accueil, lorsqu’elles auront ré-ouvert au printemps.
53. L’accès aux procédures d’asile et le suivi des conditions
d’accueil dans l’ensemble des centres nationaux ont été améliorés.
L’Italie doit continuer de faire en sorte que la législation nationale
définisse des normes minimales pour les centres de détention et
que des procédures indépendantes de suivi permettent des visites
régulières des lieux de rétention.
4.2. Le système d’accueil des demandeurs d’asile en Italie (SPRAR):
54. Je salue l’intention des autorités italiennes, affirmée
dans le décret du 17 septembre 2013, d’augmenter la capacité d’accueil
du système SPRAR (système de protection des demandeurs d’asile et
des réfugiés), géré par l’Association nationale des communes d’Italie
(ANCI), grâce à un plan triennal (2014-2016) visant à passer de
8 000 places à 16 000 places.
55. Même si beaucoup de demandeurs d’asile sont bien accueillis
par leurs communautés présentes en Italie, il est clair que les
capacités d’accueil italiennes existantes sont insuffisantes pour
répondre aux besoins croissants. La qualité des conditions d’accueil,
notamment pour les enfants, a d’ailleurs été récemment mise en cause
par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Tarakhel c. Suisse .
56. Des rapports, confirmés lors de mes discussions avec l’ONG Medici per i Diritti Umani (MEDU),
de migrants auxquels auraient été administrées de fortes doses de
sédatifs dans des CARA (centres d’accueil pour demandeurs d’asile)
et des CIE, et ayant mené prétendument à des suicides, sont inquiétants
et doivent faire l’objet d’une attention toute particulière de la
part des autorités italiennes .
57. Une attention spéciale doit également être portée à la situation
des personnes vulnérables, dont les femmes vulnérables, les enfants
migrants non accompagnés, les personnes handicapées et les personnes âgées.
J’encourage les autorités italiennes à mettre en œuvre la Directive
Retour de l’Union européenne qui prévoit la possibilité d’octroyer
un permis de résidence temporaire aux migrants vulnérables .
58. Les rapports faisant état d’une surpopulation inquiétante
dans les centres restent monnaie courante, s’agissant notamment
des centres d’accueil de Sicile et plus particulièrement celui de
Mineo, près de Catane. La situation était particulièrement inquiétante
à Rome, où se rendent bon nombre des demandeurs d’asile. En février
2014, près de 3 000 personnes – ayant obtenu un permis de séjour
et originaires majoritairement d’Afghanistan, du Soudan, d’Ethiopie,
de Somalie et d’Erythrée – vivaient dans de grands bâtiments inoccupés,
des squats improvisés appelés «hot spots» ou même dans la rue dans
des conditions sordides. Le Commissaire aux droits de l’homme du
Conseil de l’Europe a critiqué la «situation intolérable» des réfugiés
et d’autres personnes bénéficiant de la protection internationale
qui étaient contraints de vivre dans «un grand dénuement», qu’il
jugeait «inacceptable dans un pays comme l’Italie» .
59. Lorsque je me suis rendu dans le centre de Trapani (Sicile)
à la mi-février 2014, le président de la commission territoriale
pour la reconnaissance de la protection internationale (Commissioni territoriali per il riconoscimento
della protezione internazionale – CTRPI) m’a informé
de la mise en place d’une nouvelle CTRPI à Palerme pour faire face
à l’augmentation des arrivées en Sicile. Le HCR a également salué le
travail des CTRPI et leur respect des directives relatives aux critères
à appliquer, en l’occurrence la Directive «qualification» de l’Union
européenne .
Il reste à mettre en pratique un mécanisme de contrôle systématique de
la qualité, destiné à garantir une approche harmonisée dans toutes
les CTRPI et l’application de normes minimum de qualité.
60. Les autorités italiennes doivent garantir une gouvernance
forte et renforcer la planification. Au cours de ma visite en Sicile,
j’ai aussi pu apprécier de visu la gestion du centre d’accueil pour
demandeurs d’asile (CARA) «Salina Grande» à Trapani. Ces pratiques
devraient être plus largement partagées.
4.3. Après l’urgence: quelle solution durable?
61. Il convient de saluer les récents efforts déployés
par les autorités italiennes pour améliorer le système d’accueil,
mais le manque de soutien à l’intégration des réfugiés et autres
bénéficiaires de la protection internationale est devenu encore
plus criant et problématique.
62. L’approche fondée sur l’urgence a sérieusement entravé les
perspectives d’intégration des bénéficiaires de la protection internationale.
Je reste convaincu que le fait de donner aux demandeurs d’asile
et aux réfugiés l’opportunité de travailler est une mesure bénéfique
tant pour les personnes concernées que pour la société hôte.
63. Au cours de ma visite en février 2014, j’ai pu rencontrer
l’ancienne ministre de l’Intégration (sans portefeuille), Mme Cécile
Kyenge, qui a plaidé en faveur d’un surcroît d’attention et de crédits
pour la politique italienne d’intégration. J’encourage le nouveau
gouvernement à faire de l’intégration une clé pour trouver des solutions
durables.
5. Dimension européenne: une réponse insuffisante de l’Europe face aux arrivées de migrants
64. J’ai décrit précédemment les efforts et les difficultés
auxquelles l’Italie reste confrontée face aux nouvelles arrivées.
Les autorités italiennes ont cependant fait rapidement appel à l’assistance
de l’Union européenne et de ses Etats membres.
5.1. L’assistance opérationnelle et financière fournie à l’Italie
65. Dans le contexte de «l’état d’urgence Afrique du
Nord», l’Union européenne a répondu à l’appel de l’Italie en débloquant
25 millions d’euros à titre de fonds d’urgence supplémentaires,
outre les 75 millions d’euros que l’Italie avait déjà à sa disposition
en 2011 par le biais des quatre fonds concernant les migrations de
la Commission européenne pour 2007-2013.
66. Une assistance opérationnelle a été offerte par le biais de
Frontex, qui a renforcé ses opérations maritimes et sa surveillance
en réaction aux arrivées.
67. Le 4 juin 2013, l’Italie et le Bureau européen d’appui en
matière d’asile (BEA) ont signé un plan spécial de soutien par lequel
le Bureau appuie l’Italie jusqu’à la fin de l’année 2014 dans un
certain nombre de domaines prioritaires, tels que la collecte et
l’analyse des données, les informations sur le pays d’origine, le système
de Dublin, les capacités du système d’accueil et d’urgence, ainsi
que la formation d’une magistrature indépendante.
68. Pour 2014-2020, des programmes simplifiés de financement ont
été mis en place dans le contexte d’un Fonds «Asile, migration et
intégration» (AMF) et d’un Fonds pour la sécurité intérieure (FSI),
d’un montant de 3,1 milliards d’euros et 2,8 milliards d’euros respectivement,
soit un peu plus de 0,5 % du budget global de l’Union européenne
jusqu’en 2020 . La Commission
a mis en réserve des crédits (y compris des fonds d’urgence) de
près de 30 millions d’euros pour soutenir l’Italie, y compris pour
les opérations de surveillance aux frontières dans le cadre de Frontex .
5.2. Une opportunité pour la solidarité intra-européenne
69. L’Italie a longtemps plaidé en faveur d’une approche
européenne commune des migrations afin de garantir une gestion effective
des flux migratoires et de l’accès à la protection. Il est regrettable
que cette opportunité d’une plus grande solidarité européenne n’ait
pas encore été saisie.
70. Cependant, la réponse politique de l’Italie, en l’occurrence
sa décision d’accorder des titres de séjour temporaires aux migrants
irréguliers sans toutefois être capable de les identifier , leur permettant en pratique de
se déplacer librement à l’intérieur de la zone Schengen, ainsi que
l’opération Mare Nostrum,
qui aurait prétendument suscité encore plus d’immigrations irrégulières,
n’ont guère contribué à convaincre les autres Etats membres de l’Union
européenne de l’opportunité d’un partage des responsabilités. Beaucoup
d’entre eux ont jugé ces mesures contre-productives – et celles-ci,
en définitive, n’ont fait que compromettre les efforts potentiels
en faveur d’une plus grande solidarité et d’un plus grand partage
des responsabilités. L’incapacité à solutionner les problèmes de
migration s’est finalement traduite par une perte de confiance des
citoyens dans les gouvernements et les institutions dans l’Union
européenne et ses Etats membres. Les récents sondages Eurobaromètre
montrent que dans beaucoup de pays, les deux tiers des citoyens
n’accordent aucune confiance à l’Union européenne.
71. Une «Task-force Méditerranée» a été mise en place par la Commission
européenne au lendemain des naufrages d’octobre 2013. Elle a identifié
cinq domaines d’action prioritaires pour prévenir les disparitions
en mer et mieux répondre à l’afflux de migrants, de réfugiés et
de demandeurs d’asile . Une évaluation des progrès accomplis
sur la voie des 38 objectifs à court terme et des discussions sur
les solutions à long terme devraient intervenir en juin 2014, dans
le contexte des discussions du programme post-Stockholm .
72. Frontex devrait se voir confier un rôle plus important dans
l’appui de l’initiative Mare Nostrum afin
de faire la preuve de la solidarité européenne avec l’Italie.
73. En examinant Mare Nostrum en
conjonction avec l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans
l’affaire Hirsi en 2011, il
apparait que les migrants, dès lors qu’ils parviennent dans les
eaux internationales en partant de l’Afrique du Nord, peuvent utiliser
le téléphone mobile qui leur est invariablement fourni pour appeler
les garde-côtes italiens et être secourus par Mare
Nostrum. Avant l’arrêt Hirsi,
ces migrants pouvaient être renvoyés dans le pays de transit ou
leur pays d’origine, solution aujourd’hui illégale en raison de
la décision d’appliquer une interprétation extra territoriale de
l’article 4 du Protocole n° 4 à la Convention européenne des droits
de l’homme (STE n° 46) relatif aux expulsions collectives d’étrangers.
En vertu des règles de non-refoulement, dès qu’un migrant atteint
les eaux internationales de la Méditerranée, il est assuré de pouvoir
rester en Europe, même si ce n’est qu’avec une protection limitée.
74. S’adressant à la Cour dans l’affaire Hirsi,
le Gouvernement italien a déclaré que le Pacte européen sur l’immigration
et l’asile prévoit des limites aux flux migratoires, la nécessité
de lutter contre l’immigration illégale en assurant le retour dans
leur pays d’origine ou dans un pays de transit des migrants en situation
irrégulière, la nécessité de renforcer l’efficacité des contrôles
aux frontières et de nouer des partenariats avec les pays d’origine
et de transit. Force est malheureusement de constater un défaut
collectif de mise en œuvre de ce pacte. Nous devons faire en sorte
que le principe de contrôles efficaces aux frontières de l’Union
européenne devienne une réalité.
75. Les éléments constitutifs pour des systèmes de protection
plus efficaces en Europe existent, mais il reste à prendre quelques
mesures parfaitement réalistes pour renforcer le cadre juridique
et politique existant dans l’ensemble des Etats membres du Conseil
de l’Europe . J’encourage les
Etats membres à assurer, par l’intermédiaire du Régime d’asile européen
commun (RAEC), le fonctionnement effectif d’une politique commune
en matière d’asile et de protection internationale. Il appartient
à chaque Etat membre de transposer de manière adéquate les instruments
de l’Union européenne dans sa législation nationale et de mettre pleinement
en œuvre le règlement de Dublin, en tenant compte de l’ensemble
des critères de responsabilité. Un dialogue devrait être engagé
entre les administrations et les tribunaux, au sein des Etats membres
et entre eux, sur l’interprétation des dispositions juridiques et
les conséquences des décisions pour les personnes concernées.
76. Je salue l’objectif fixé par la Commission européenne au Bureau
européen d’appui en matière d’asile de mettre sur pied un nouveau
projet consacré à l’aide au traitement des demandes d’asile, par
lequel des agents des Etats membres de l’Union européenne viendront
prêter assistance aux pays en première ligne dans le traitement
des demandes d’asile.
5.3. Une solidarité au-delà de l’Europe
77. Soumis à la pression d’une telle augmentation du
nombre des arrivées de migrants irréguliers, de réfugiés et de demandeurs
d’asile, le ministre italien de l’Intérieur, M. Angelino Alfano,
a suggéré que l’Europe intercepte les migrants en Libye en y installant
des camps et en offrant des aides .
La suggestion de M. Alfano a été reprise dans un article à la une
du The Independent , déclarant
que, mois après mois, il devient plus difficile pour les responsables
de l’Union européenne d’ignorer la situation de crise déclenchée
par ces arrivées massives sur les côtes méridionales du continent…
L’Union européenne devrait intercepter ces migrants avant qu’ils
ne prennent la mer... Il n’indique toutefois pas comment y parvenir
tout en restant compatible avec l’état actuel du droit communautaire.
Ces commentaires illustrent cependant l’apparente impuissance des gouvernements
des pays de l’Europe, tant individuellement que collectivement,
face à cette nouvelle urgence qui, de par son ampleur et sa portée,
dépasse les autorités.
78. Dans l’intervalle, en mai, le ministre libyen de l’Intérieur,
M. Salah Mazek, a averti le monde – et en particulier l’Europe –
que s’ils n’assumaient pas leurs responsabilités, la Libye pourrait
faciliter le transit de ces flux .
79. J’encourage les initiatives visant à soutenir le renforcement
des capacités institutionnelles et normatives des pays tiers. Comme
l’a proposé la Commissaire aux Affaires intérieures, Mme Cecilia
Malmström, le BEAA pourrait aussi coopérer avec les pays tiers en
vue de renforcer les capacités d’accueil et d’asile ainsi que les programmes
de protection régionaux .
Des crédits de l’Union européenne sont également disponibles dans le
cadre du nouveau Fonds «Asile et migration» (2014-2020) pour financer
davantage de mesures de réinstallation ou d'admission pour motifs
humanitaires. Certes, ces résultats ne sont pas faciles à atteindre, mais
les actions entreprises sont des mesures positives sur la voie de
la promotion de la protection internationale et du respect des droits
fondamentaux, contribuant à ce titre au bon fonctionnement des systèmes
de gestion des frontières et des migrations et à l’efficacité des
politiques de retour.
80. La traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants,
dont l’intérêt lucratif n’est plus à démontrer, devraient être considérés
comme un nouveau crime international, défini ou non comme crime
contre l’humanité, dès lors qu’un individu perçoit un avantage financier
direct ou indirect pour transporter des personnes dans une embarcation
dangereuse à cette fin, surpeuplée, surchargée ou dépourvue des équipements
de sécurité de base pour les passagers, par exemple des gilets de
sauvetage. Il conviendrait de redoubler d’efforts pour promouvoir
un crime international couvrant la situation où une personne met
des vies en danger ou provoque des morts et des blessés en mer du
fait de transporter des personnes dans une embarcation dangereuse.
L’Europe et ses Etats membres doivent tout mettre en œuvre pour
lutter contre ces crimes.
81. EUROPOL devrait jouer un rôle plus fort et concret dans ce
domaine et il conviendrait de multiplier les liens en vue d’échanger
des informations opérationnelles, dans le contexte de systèmes d’alerte
précoce, à propos des personnes et organisations impliquées dans
le trafic de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés ou dans
la traite des êtres humains. Le programme de surveillance maritime
«Seahorse Mediterraneo», entre
les Etats membres méditerranéens de l’Union européenne et les pays
d’Afrique du Nord, devrait être mis en place en 2015 et permettre
aux pays d’échanger directement des informations sur les incidents
et les patrouilles via des communications par satellite.
82. J’encourage la mise en œuvre d’autres programmes de sensibilisation,
par les médias, les associations locales, les diasporas et dans
les pays d’origine et de transit, sur les conditions en Europe et
les dangers des voyages irréguliers. A cet effet, les Etats membres
devraient exercer des pressions politiques sur ces pays, afin de
faciliter le travail des organisations internationales et des ONG
et l’accès des migrants à ces structures. Ce besoin est particulièrement
criant en Libye. Ils devraient aussi être encouragés, s’ils ne l’ont
déjà fait, à ratifier la Convention de Genève de 1951 relative au
statut des réfugiés.
6. Conclusions
83. L’arrivée massive de migrants sur les rivages de
l’Italie suite au «Printemps arabe», à la crise syrienne, à l’effondrement
des institutions nationales, aux persécutions et à l’absence de
perspectives économiques n’est pas un phénomène exceptionnel, il
s’agit d’un mouvement continu. L’Italie est devenue une destination de
transit pour des dizaines de milliers de migrants irréguliers, de
demandeurs d’asile et de réfugiés.
84. L’Italie a pris conscience de la nécessité d’élaborer une
stratégie intégrée et structurelle accompagnée de mécanismes efficaces
d’identification, de gestion et d’accueil de flux migratoires mixtes
de plus en plus nombreux, tout en préservant les droits fondamentaux
des personnes prises dans ces flux.
85. Les autorités italiennes doivent veiller à ce que le train
de mesures en matière d’asile actuellement en cours de discussion
assure une transposition adéquate des directives européennes remaniées
et garantisse un système fiable de protection des personnes vulnérables
et le retour de ceux qui n’ont pas besoin de protection.
86. Les autorités italiennes devraient prendre les mesures juridiques
et autres nécessaires pour mettre pleinement en œuvre le règlement
de Dublin, notamment en ce qui concerne le système dit Eurodac et
la protection effective des frontières de l’Union européenne.
87. J’espère que durant la présidence italienne de l’Union européenne
(juillet-décembre 2014), les autorités italiennes tiendront leur
promesse de placer la gestion des flux migratoires mixtes en tête
de leurs priorités en tant que problème global, économique, politique
et humanitaire.