1. Introduction
1. L’enseignement et la formation professionnels (EFP),
y compris la formation professionnelle technique, sont une étape
clé dans l’accès à l’emploi. Aujourd’hui, cependant, la faible reconnaissance
sociale de la formation professionnelle dans de nombreux pays n’incite
pas les jeunes à choisir ce type d’enseignement. En outre, la faible
qualité de l’enseignement professionnel a de graves répercussions
sur la capacité des étudiants à trouver et à conserver un emploi
et à prévenir le chômage futur. Etant donné que, souvent, l’enseignement et
la formation professionnels ne répondent pas aux besoins du marché
du travail, la compétitivité des économies nationales (et européennes)
s’en trouve entravée et cela contribue à augmenter le chômage alors que
certains secteurs du marché du travail ont des difficultés importantes
pour recruter des personnes qualifiées. Cela nécessite une analyse
approfondie des politiques nationales actuelles dans ce domaine
ainsi qu’une meilleure utilisation des ressources investies dans
le domaine de l’enseignement et de la formation professionnels dans
le cadre des stratégies nationales visant à renforcer la main-d’œuvre
pour le 21e siècle.
2. C’est pour cette raison que, le 6 juillet 2012, j’ai déposé
une proposition de recommandation intitulée «Elever le statut de
la formation professionnelle technique» avec 20 autres membres de
l’Assemblée parlementaire (
Doc.
13005). J’ai souligné la nécessité d’envisager des mesures
pour améliorer la situation actuelle. Le 24 avril 2013 à Strasbourg,
la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des
médias a décidé de modifier le titre du rapport et de l’intituler
«Elever le statut de l’enseignement et de la formation professionnels».
3. Lors de l’élaboration du présent rapport, j’ai tenu compte
du rapport de fond établi par M. Reiner Siebert, chef de département,
Bfz-Essen GmbH (Allemagne). Je tiens également à remercier les experts
qui ont contribué aux travaux de notre commission en prenant part
à l’échange de vues tenu le 24 avril 2013
. J’ai assisté, les
26 et 27 mars 2014 à Athènes, à la Conférence «Remédier à l’inadéquation
des compétences par l’apprentissage en entreprise et l’enseignement
et la formation professionnels», organisée sous la présidence grecque
du Conseil de l’Union européenne
. J’ai également participé
au 5e Forum annuel sur l’assurance de la
qualité dans l’enseignement et la formation professionnels (EQAVET),
où j’ai eu la possibilité de discuter des points soulevés dans le
présent rapport avec un grand nombre d’experts
.
4. Les bénéfices marchands et non marchands qu’offre l’EFP, en
tant qu’instrument de politique publique, sont reconnus. L’EFP est
considéré comme un moyen d’intégrer les jeunes et les personnes
défavorisées sur le marché du travail et de promouvoir l’inclusion
sociale d’une manière générale en améliorant les perspectives d’emploi
des individus. Dans le contexte de la mondialisation, «l’avantage
compétitif de l’Europe dépend tout autant des compétences de sa
main-d’œuvre que de l’utilisation de celles-ci dans la pratique».
L’EFP a un rôle crucial à jouer dans les deux cas. En conséquence,
il devrait être considéré comme un instrument d’excellence et comme
un investissement stratégique essentiel dans les individus, les
compétences et l’environnement professionnel au service de la production
efficiente de biens et de services de qualité
.
2. Qu’entend-on
par «formation et enseignement professionnels»?
5. Lorsqu’on parle d’enseignement et de formation professionnels
(EFP), il faut garder à l’esprit qu’il n’y a rien de nouveau dans
le fait d’apprendre pour travailler. Le processus de préparation
à l’accomplissement d’une tâche remonte à l’époque où l’homme a
dû développer des compétences pour assurer sa survie et améliorer
ses conditions de vie. Depuis lors, les compétences et le savoir-faire
n’ont cessé de se perfectionner, au fil de leur transmission de
génération en génération. Bien avant l’avènement des sociétés industrielles,
il fallait être très spécialisé pour fabriquer des outils et des
armes, ou pour exploiter les ressources naturelles au moyen d’activités
agricoles ou minières. Tous ces métiers exigeaient énormément de
savoir et de savoir-faire pour être capable d’assurer une production
et une offre de qualité.
2.1. Définition
6. L’EFP se définit comme le processus de préparation
à une «activité» professionnelle, une tâche ou un rôle particuliers
dans la production ou l’offre de biens ou la fourniture de services
à des fins économiques. Lorsque ce processus est entrepris pour
la première fois (dans le domaine concerné), on parle d’enseignement et
de formation professionnels initiaux (EFPI), correspondant généralement
à l’enseignement et/ou à la formation dispensés aux élèves à l’issue
de la scolarité obligatoire, dans la plupart des pays à la fin du secondaire,
c’est-à-dire à l’âge de 15-16 ans.
7. Cela étant, les mesures en lien avec l’évolution du marché
du travail jouent un rôle toujours plus important dans le système
éducatif, en particulier pour lutter contre le chômage structurel.
L’enseignement et la formation professionnels, qu’ils soient initiaux
ou continus, ne se limitent donc pas aux moins de 25 ans et ne cessent
de gagner du terrain dans la formation des adultes.
8. Contrairement à l’EFPI, la formation professionnelle continue
(ou perfectionnement professionnel) désigne le processus d’apprentissage
à un stade ultérieur de la carrière professionnelle, visant l’acquisition
ou le renforcement de compétences ou de connaissances liées à un
travail spécifique ou s’inscrivant dans le développement des compétences
– c’est-à-dire qu’elle capitalise sur la formation initiale et consiste
(souvent) en l’obtention de crédits ou de diplômes supplémentaires.
2.2. Importance de l’enseignement
et de la formation professionnels
9. Les sociétés industrielles et, à plus forte raison,
les sociétés post-industrielles, dont l’économie s’intègre dans
un réseau d’interdépendances mondialisées, se fient à leur capacité
à promouvoir et à utiliser le progrès technologique et sont toujours
plus dépendantes de procédures et de systèmes complexes d’information
et de communication déployés à l’échelle planétaire. Pour comprendre
et utiliser ces systèmes au niveau professionnel, il faut un niveau
élevé de compétences et de connaissances adaptables à différentes
tâches et différents cadres de travail. Les exigences d’économies
mondialisées et fondées sur les TIC ont donc amené à revoir à la
hausse les connaissances et les compétences nécessaires pour mener
à bien des activités professionnelles de tout type ou presque, même
dans un contexte local ou dans des emplois encore largement manuels.
10. L’enseignement général n’a pas pour objet d’inculquer des
connaissances spécifiques, ni n’est conçu pour cela. Pour ne citer
qu’un exemple d’activité professionnelle encore largement épargnée
par la concurrence internationale, un futur coiffeur ne sera pas
formé à encaisser des paiements par carte de crédit, à passer des
commandes en ligne ou à utiliser des simulateurs de coiffure (sans
parler de l’utilisation d’une paire de ciseaux). Pour ce qui est
des employés de banque, des mécaniciens automobile (aussi appelés «mécatroniciens»
de nos jours) ou des administrateurs de réseau, par exemple, il
ne fait pas de doute que la compréhension et l’utilisation d’informations
sur les taux de change et les indices boursiers, les performances des
piles à combustible ou les normes d’encodage nécessitent beaucoup
plus que de simplement appliquer des compétences particulières ou
des connaissances générales.
11. Toutefois, cela ne suffit à expliquer la nécessité d’inclure
une structure globale d’EFP dans le système éducatif. La promotion
de la compétitivité par la gestion des ressources humaines pourrait
être considérée, en effet, comme relevant exclusivement du secteur
privé, plutôt que de l’Etat.
12. Or, le fait de laisser l’EFP au secteur privé pourrait conduire
à affaiblir un peu plus les petites et moyennes entreprises dont
les possibilités et capacités de développement des ressources humaines
sont déjà limitées. En revanche, les grandes sociétés et les multinationales
disposent généralement de dispositifs et d’infrastructures internes
au service de stratégies de développement des ressources humaines
taillées sur mesure, qui articulent l’EFP autour des besoins qui
leur sont propres.
13. Au même titre que l’énergie, les transports et la communication,
les systèmes d’EFP font partie de l’infrastructure indispensable
au bon développement et à la prospérité de la société dans un environnement mondial
en rapide mutation, fondé sur le savoir et l’information. L’EFP
fournit la main-d’œuvre qualifiée nécessaire. Cela devient particulièrement
important lorsque des changements rapides ou profonds, notamment
démographiques ou technologiques, entraînent des pénuries de main-d’œuvre
et de compétences appelant des solutions stratégiques pour préserver
l’assise économique. Pourtant, l’argument décisif en faveur de l’intégration
de l’EFP dans les systèmes éducatifs des sociétés démocratiques
est sa capacité à offrir des chances égales à tous les individus
en phase de transition vers un travail nouveau ou différent.
14. Dès lors, l’accès à l’EFP et ses référentiels concernent les
élèves qui quittent le système scolaire, les demandeurs d’emploi
(au chômage) et les migrants d’une manière similaire mais à des
degrés susceptibles de varier considérablement. Alors qu’un accès
bien établi à l’EFPI (comme alternative intéressante à l’enseignement
supérieur) permet de prévenir ou de réduire considérablement le
chômage des jeunes, la mise en place d’un système de crédits approfondi
et reconnu pour l’EFP favorisera l’accès des migrants et des demandeurs
d’emploi au marché du travail.
15. Enfin, et c’est peut-être le plus important, les systèmes
d’EFP doivent assurer la mobilité à tous les égards. En effet, la
mise en place de niveaux de compétence analogues à ceux de l’enseignement
supérieur facilite l’ascension sociale par l’éducation. L’instauration
de programmes d’études et de référentiels de qualifications professionnelles
indépendantes de besoins propres à telle ou telle entreprise permet
une mobilité géographique, interentreprises et intersectorielle.
16. Pour résumer, l’EFP peut contribuer largement à relever une
partie des plus grands défis qui se posent pour les sociétés européennes,
à savoir:
- assurer le développement
économique et le bien-être par l’offre d’une main d’œuvre qualifiée
et par la prévention des pénuries de compétences;
- lutter contre le chômage chez les jeunes et les adultes;
- garantir l’inclusion et l’intégration des groupes minoritaires
défavorisés;
- favoriser l’égalité des chances et la mobilité sur le
marché du travail;
- améliorer la confiance et l’estime de soi chez les jeunes
qui ont quitté prématurément le système scolaire;
- permettre une participation égale pour tous à la vie de
la société.
2.3. Acteurs
17. L’EFP étant une passerelle entre le monde de l’enseignement
général et celui du travail, il associe un plus grand nombre d’acteurs
que le système éducatif, d’une part, et le milieu professionnel,
d’autre part. Les obligations et les responsabilités de chacun varient
selon que l’EFP met l’accent sur le front éducatif, le front professionnel,
ou les deux. A l’échelon national/étatique, l’EFP fait généralement
intervenir les ministères et organes subsidiaires (ou niveaux dans
les systèmes fédéraux) chargés de l’éducation, de l’emploi et de l’économie.
De plus, les partenaires sociaux (syndicats, fédérations d’employeurs,
etc.) se voient généralement confier, au minimum, un rôle consultatif
dans le processus administratif d’EFP.
18. Dans certains pays, des institutions semi-publiques telles
que les chambres de commerce et d’industrie jouent un rôle crucial
dans la mise en œuvre de l’EFP. A l’échelon local, les acteurs clés
de l’EFP sont généralement les écoles et les collèges techniques,
les employeurs, les syndicats, les chambres de commerce et d’industrie,
les agences pour l’emploi, les pouvoirs locaux et les représentants
d’élèves et de parents.
19. La création de conseils locaux d’enseignement et de formation
professionnels, dotés de pouvoirs opérationnels dans un cadre national
ou fédéral d’EFP et chargés de définir des programmes d’études et
des référentiels comparables à ceux de l’enseignement général ou
supérieur, pourrait s’avérer utile à la mise en œuvre d’un enseignement
et d’une formation professionnels adaptés aux besoins à l’échelon
local. Ces conseils devraient faire intervenir, à tout le moins,
des représentants des établissements d’enseignement (général et
technique/professionnel), les partenaires sociaux, les chambres
de commerce et d’industrie, les agences pour l’emploi et les pouvoirs
locaux.
2.4. Structures et systèmes
20. Lorsqu’on parle de structures et de systèmes d’EFP
au niveau supranational, il faut tenir compte du fait que les pays
européens ont conçu des systèmes très diversifiés d’enseignement
général et professionnel en fonction de leurs systèmes politiques
respectifs, mais aussi de leur histoire, de leurs traditions et
de leurs institutions. Pour comprendre les différences, il est utile
d’avoir conscience de ce que les pays européens ont en commun. La
mondialisation, le progrès technologique et l’évolution démographique
comptent parmi les défis les plus répandus dans toute l’Europe.
Un solide consensus se dégage sur le fait que l’EFP doit être renforcé.
Même si, jusqu’à présent, «la mise en œuvre de référentiels et de
définitions européennes a été variable (…), tous les pays avancent
dans la même direction»
.
21. L’EFPI est mis en œuvre à divers niveaux d’enseignement, du
début du secondaire (12 ans et plus) au début de l’enseignement
supérieur (18 ans et plus), mais principalement au niveau supérieur
du secondaire (15-16 ans et plus). La filière professionnelle est
l’une des deux filières d’enseignement, avec la filière générale
. Sur tout le continent, l’enseignement
théorique en établissement scolaire domine plus ou moins dans ces
deux filières, associé à beaucoup, peu ou pas d’éléments pratiques.
Il ressort d’études récentes que l’importance accordée à l’apprentissage
axé sur le travail, tourné vers la pratique et motivé par la demande dans
les cadres nationaux d’EFPI est souvent cruciale pour répondre à
des problèmes fondamentaux, liés notamment aux taux de scolarisation
post-obligatoire, au chômage des jeunes ou à l’égalité des chances.
22. «Les jeunes de pays dotés de solides systèmes d’EFP, associant
étroitement la formation scolaire et la formation en milieu professionnel,
ont beaucoup plus de chances que leurs pairs des filières générales
de trouver un emploi et d’intégrer rapidement le marché du travail.
A l’inverse, les jeunes adultes de pays où la composante de l’EFP
en milieu professionnel est moins développée retirent un avantage
moindre (mais néanmoins présent en règle générale) de l’EFP en termes
de perspectives d’emploi et ont plus de mal à intégrer le marché
du travail
.»
Cependant, il peut être contreproductif de se contenter de copier
les bonnes pratiques sans les adapter au système concerné. Autrement
dit, ce qui convient à tel système ne convient pas forcément à tel
autre.
23. «Dans les pays où il est possible de faire ce type de distinction
[à noter que l’Estonie, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne,
le Portugal et la République slovaque n’ont pas fait état de distinction
entre les différents types d’EFP], l’EFP se répartit comme suit:
- EFP dispensé principalement
en milieu scolaire: au moins 75 % des heures de formation sont passées en
établissement d’enseignement secondaire, institut technique/professionnel
ou centre de formation, et le reste du temps est passé en milieu
professionnel (entreprise ou autre);
- EFP dispensé principalement en milieu professionnel: au
moins 75 % des heures de formation sont passées en entreprise ou
autre, et le reste du temps est passé en milieu scolaire (établissement d’enseignement
secondaire, institut technique/professionnel ou centre de formation);
- combinaison d’EFP dispensé en milieu scolaire et en milieu
professionnel (double système, programmes d’alternance, etc.): moins
de 75 % des heures de formation sont passées en établissement d’enseignement
secondaire, institut technique/professionnel ou centre de formation,
et le reste du temps est passé en entreprise ou autre» .
3. Principaux enjeux
des politiques publiques
24. L’enseignement et la formation professionnels associent
trois grands domaines d’action des pouvoirs publics – l’éducation,
l’économie et l’emploi – ayant des incidences directes ou indirectes
sur d’autres éléments majeurs, tels que les politiques sociales
et les finances. Ces relations d’interdépendance nécessitent des approches
interdisciplinaires, ce qui, dans bien des cas, représente à la
fois une chance et un défi. En même temps, des questions stratégiques
se posent au niveau local, régional, national et international.
Du fait de ces relations à la fois horizontales et verticales entre
les différents cadres et politiques et leur mise en œuvre, il est souvent
bien difficile de trouver les bonnes réponses aux problèmes recensés
et de traduire ces réponses en mesures concrètes.
25. Cela étant, la perspective continentale et mondiale requiert
une stratégie globale, qui a déjà été définie par l’Union européenne.
Cette stratégie est sans cesse perfectionnée et adaptée au niveau
européen et poursuivie (à des cadences et intensités différentes
cependant) par tous les pays européens. La stratégie européenne
demeure donc essentielle pour toutes les initiatives et stratégies
nationales et locales.
3.1. Répondre à la demande
du marché du travail
26. L’inadéquation entre l’offre et la demande est l’un
des problèmes majeurs auxquels se heurtent les marchés et les sociétés
dynamiques lorsque la demande et l’offre divergent dans le temps
et dans l’espace. Les entités de formation, c’est-à-dire les établissements
d’enseignement secondaire et technique ou professionnel, et les
employeurs, doivent en fait prévoir les besoins futurs du marché
de l’emploi. Plus la durée de l’enseignement et de la formation
est longue, plus il est difficile de prévoir si l’offre et la demande
seront en adéquation à la fois dans le temps et dans l’espace.
27. De même, l’EFP étant de plus en plus fréquemment dispensé
en établissement scolaire, les entités de formation doivent jouer
un rôle plus important dans la prévision des besoins futurs des
entreprises. Dans la plupart des systèmes d’EFP, les établissements
n’en sont pas capables ou n’y sont pas préparés, alors que la formation
sur le lieu de travail est plus étroitement liée au développement
professionnel, ce qui permet de mieux anticiper la demande.
28. Enfin, les exigences de mobilité et de flexibilité pour les
individus et les entreprises donnent lieu à des disparités régionales
toujours plus marquées. Des pénuries de compétences surviennent
dans certaines régions alors qu’il existe une offre de compétences
dans d’autres régions, tant à l’intérieur des frontières qu’au niveau
transnational. Même dans un pays comme l’Allemagne, où l’économie
se porte bien, le système d’EFP, aussi bien établi soit-il, ne permet
pas de combler l’écart significatif entre les Länder du nord et
les Länder du sud.
29. Les taux de chômage élevés qui frappent actuellement les jeunes
hautement qualifiés en Europe du Sud montrent que même les prévisions
du marché du travail à l’échelle nationale ou européenne ne sont
pas suffisamment précises pour prendre les mesures préventives qui
s’imposent au sein des systèmes éducatifs. Il ne suffit pas d’analyser
les indicateurs reçus du marché post
factum: de nouveaux outils sont nécessaires pour anticiper
les besoins du marché.
3.2. Faire correspondre
les référentiels d’emploi et les référentiels de formation
30. Lorsqu’on évoque la question de l’adéquation entre
les compétences acquises et les besoins des entreprises, ces dernières
se plaignent souvent du fait que les jeunes qui sortent de l’école
ou de l’université sont mal préparés. La vérité se situe quelque
part entre les exigences propres à un lieu de travail donné et un référentiel
éducatif relativement généraliste, même dans le cadre de la formation
professionnelle.
31. Les systèmes d’EFP ne peuvent ni ne doivent fournir des compétences
sur mesure pour tel ou tel poste; ils doivent plutôt permettre une
certaine mobilité dans et à travers un contexte professionnel et
sectoriel plus vaste. En outre, ils doivent être suffisamment attrayants
pour les apprenants et pour les entreprises en quête d’expérience
professionnelle, mais aussi créer des référentiels reconnus, et
garantir impérativement la stabilité tout en laissant une marge
d’adaptabilité. Cela n’est possible que dans les systèmes fondés
sur l’évaluation continue et sur la négociation permanente entre
les acteurs clés, les partenaires sociaux et l’Etat.
3.3. Assurer l’égalité
des chances d’accès au système d’enseignement et de formation professionnels
32. Tandis que les systèmes d’EFP axés sur le milieu
professionnel, tels que l’apprentissage, promettent de mieux faire
correspondre l’offre à la demande, les systèmes (plus ou moins)
régis par le marché nuisent potentiellement à l’égalité des chances.
De leur côté, les systèmes axés sur l’enseignement en établissement, assortis
de référentiels clairs en matière de formation et de perméabilité,
sont plus facilement gérables lorsqu’il s’agit, par exemple, d’accroître
la représentation féminine dans des professions essentiellement
masculines ou l’accès des minorités ethniques à des professions
à statut plus élevé. L’adoption de quotas de représentation féminine
et masculine, par exemple, contredit le principe de liberté d’action
des employeurs, selon lequel ces derniers ne peuvent être guère
contraints de choisir des apprentis hommes ou femmes, migrants ou
nationaux.
33. Cependant, il ressort des enquêtes PISA de l’OCDE sur la performance
scolaire que même les systèmes éducatifs fondés sur l’enseignement
et la formation en établissement scolaire public peuvent être très
sélectifs. Les systèmes éducatifs, professionnels et généraux, doivent
donc en permanence faire l’objet d’un suivi, d’une évaluation et
de comparaisons, au regard de leur perméabilité et de l’égalité
des chances qu’ils offrent; le cas échéant, il y aura lieu de prévoir
la mise en place de mesures d’incitation.
3.4. Combler le fossé
entre l’enseignement et la formation professionnels et l’enseignement supérieur
34. L’attrait de l’EFP dépend fortement des possibilités
offertes aux élèves à tout moment. L’EFP doit proposer des référentiels
et des crédits utilisables dans d’autres filières.
35. Depuis l’apparition du chômage de masse, les jeunes générations,
dans toutes les sociétés postindustrielles, s’attendent de moins
en moins à suivre un parcours éducatif qui les prépare à un métier
pour la vie. Ce point est particulièrement important pour les pays
ayant une forte tradition d’EFP qui s’articule autour de ce principe
de constance professionnelle tout au long de la vie active. Pour
être fiables et pour tenir leurs promesses, les systèmes d’EFP doivent
donc absolument proposer des options attrayantes visibles dès le début
du parcours professionnel. Cela vaut pour les niveaux de compétence,
les crédits et les qualifications, comme pour l’expérience professionnelle.
3.5. Assurer la reconnaissance
sociale pour les enseignants comme pour les apprenants dans le système
d’enseignement et de formation professionnels
36. La reconnaissance sociale repose sur la perception
au sein de la société. Les élèves de l’EFP jouissent de la reconnaissance
sociale tant que leur formation promet mais fournit également des
résultats reconnaissables tels qu’un certificat ou un diplôme de
fins d’études et offre des possibilités d’occuper un emploi salarié
ou indépendant répondant à des attentes, tant pour ce qui est des
conditions de travail que des revenus. C’est pour cette raison que
la qualité de l’enseignement est essentielle.
37. Les enseignants et formateurs de l’EFP devraient jouir de
la même reconnaissance sociale que les enseignants généralistes.
Cela impliquerait un statut, des conditions de travail et une rémunération
similaires à ceux des autres enseignants.
3.6. Assurer un financement
adéquat et encourager les initiatives privées
38. Dans beaucoup de pays, le financement de l’EFP suit
le modèle du financement de l’enseignement général. Dans tous les
pays européens, des conceptions politiques postulent que le financement
des établissements d’enseignement général, technique et professionnel
ne diffère pas foncièrement de la construction et de l’entretien
d’autres infrastructures, par exemple routières ou énergétiques.
Ces principes ont donné lieu à une grande diversité de structures
et cadres de financement dans l’éducation, allant d’un budget entièrement
public à une structure de financement faisant la part belle aux
fonds privés et parfois tributaire de ces fonds.
39. Cela étant, il n’existe pas de système dans lequel l’éducation
est entièrement privatisée. Le degré d’initiative privée, tant financièrement
que structurellement, s’élève à mesure que l’on gravit les échelons
du système éducatif. L’EFP ne fait pas exception, sachant que la
proximité avec le monde du travail suggère une forte participation
du secteur privé. Les systèmes d’EFP qui accordent une place importante
au monde du travail et une place moindre à l’enseignement (public)
se fondent généralement sur des initiatives et sur un investissement
du secteur privé beaucoup plus conséquents pour ce qui est des coûts
d’enseignement et de formation mais aussi des moyens de subsistance
des apprenants. Par exemple, la formation en apprentissage, qui
repose généralement sur des contrats entre l’employeur et l’apprenti,
et où la formation en situation de travail occupe une place centrale,
fait souvent l’objet de conventions collectives.
40. L’initiative privée et l’esprit d’entreprise sont souvent
nécessaires, voire fondamentaux, pour faire progresser et encourager
l’innovation, elle-même nécessaire au processus d’adaptation de
l’EFP aux défis du monde moderne. Dès lors, il convient de favoriser
l’initiative et l’investissement privés au sein du système existant
d’EFP, sous réserve que ce dernier garantisse dans l’ensemble:
- un équilibre constant entre
les intérêts des parties prenantes du secteur privé et celles du
secteur public;
- l’égalité des chances dans l’accès à l’enseignement et
la formation et la promotion au sein de ce cadre;
- la conformité avec les référentiels éducatifs fixés au
niveau national ou supranational.
3.7. Reconnaissance
mutuelle de l’EFP en Europe
41. «Le système européen de crédit d'apprentissages
pour l'enseignement et la formation professionnels (ECVET) est l’un
des instruments européens conçus pour rendre les systèmes d’enseignement
et de formation professionnels (EFP) plus transparents. ECVET vise
à permettre aux étudiants d’EFP de passer plus facilement d’un établissement
de formation à un autre, dans le même pays ou à l’étranger. Le système
ECVET, qui concerne les certifications à tous les niveaux du cadre
européen des certifications (CEC) permet le transfert d’unités d’acquis
d’apprentissage; il s’appuie sur des partenariats entre les établissements
et supprime la nécessité d’évaluer une seconde fois les étudiants
passant d’un établissement à un autre
.»
42. Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, les marchés
mondiaux et la communication transfrontalière requièrent des mesures
supranationales pour assurer l’égalité des chances et la mobilité
des individus mais aussi pour prévenir les pénuries de compétences
et les taux élevés d’exclusion pour les sociétés. L’Union européenne
a pris des mesures fermes pour la préparation et la mise en place
de référentiels et de cadres transnationaux en vue d’atteindre les
buts fixés. Le Conseil de l’Europe a tout intérêt à recommander
à ses membres ne faisant pas partie de l’Union européenne de prendre
part à ce processus.
4. Solutions stratégiques
aux problèmes qui se posent
4.1. Initiatives destinées
à soutenir l’EFP au niveau européen
4.1.1. Conseil de l’Europe
43. Le Conseil de l’Europe a un rôle crucial à jouer
pour faire en sorte que les politiques d’enseignement professionnel
et la pratique en la matière soient conformes aux engagements souscrits
par les Etats membres au titre de la Charte sociale européenne,
en particulier au titre des articles 9 et 10 de la Charte sociale européenne
(révisée) (STE n° 163)
.
44. L’article 9 dispose que les Parties s’engagent «à procurer
ou promouvoir, en tant que de besoin, un service qui aidera toutes
les personnes (…) à résoudre les problèmes relatifs aux choix d’une
profession ou à l’avancement professionnel» et insiste sur le fait
que «cette aide devra être fournie, gratuitement, tant aux jeunes,
y compris les enfants d’âge scolaire, qu’aux adultes».
45. Le droit à l’orientation professionnelle constitue un instrument
clé des politiques nationales pour lutter contre le chômage et accroître
la compétitivité et la performance économique. Ce droit doit être
garanti dans le système scolaire (informations sur la formation
et accès à la formation) et sur le marché du travail (informations
sur la formation et la rééducation professionnelles, planification
de carrière). L’orientation professionnelle doit notamment s’adresser
aux élèves qui quittent le système scolaire, aux demandeurs d’emploi
et aux chômeurs. Les intéressés doivent pouvoir faire des choix
avisés et les pouvoirs publics devraient donc s’assurer que des
services sont en place pour les orienter et les aider à faire ces
choix.
46. L’article 10.1. dispose que les Parties s’engagent «à assurer
ou à favoriser, en tant que de besoin, la formation technique et
professionnelle de toutes les personnes (…) et à accorder des moyens
permettant l’accès à l’enseignement technique supérieur et à l’enseignement
universitaire»; dans les paragraphes qui suivent, les Parties s’engagent
plus spécifiquement à assurer ou à favoriser «un système d’apprentissage
(…); des mesures appropriées et facilement accessibles en vue de
la formation des travailleurs adultes; des mesures spéciales en
vue de la rééducation professionnelle des travailleurs adultes,
rendue nécessaire par l’évolution technique ou par une orientation
nouvelle du marché du travail; et (…) des mesures particulières
de recyclage et de réinsertion des chômeurs de longue durée».
47. Par conséquent, l’article 10 vise la formation initiale (enseignement
secondaire professionnel et général), l’enseignement supérieur universitaire
et non universitaire et la formation professionnelle organisée par
d’autres acteurs publics ou privés, y compris la formation «continue».
La formation professionnelle est considérée ici comme étant essentielle,
non seulement pour intégrer les jeunes dans la vie active, mais également
pour renforcer le développement personnel et l’intégration sociale.
Le droit à la formation professionnelle doit être garanti pour tous,
sans discrimination, selon les aptitudes de chacun. L’égalité de traitement
en ce qui concerne l’accès à la formation professionnelle doit être
garantie aux non‑ressortissants. Pour ce qui est de la reconversion
et de la réinsertion des chômeurs de longue durée, il convient d’accorder de
l’attention aux mesures de formation et de réinsertion destinées
aux groupes les plus gravement touchés par une dégradation de leur
situation au regard de l’emploi (jeunes, chômeurs de longue durée,
personnes handicapées).
48. L’Assemblée devrait donc inviter les Etats membres à ratifier
la Charte, acceptant ainsi les dispositions des articles 9 et 10
comme des dispositions contraignantes et permettant aux pays de
rendre compte de la mise en œuvre de ces articles, et également
à ratifier le Protocole additionnel prévoyant un système de réclamations
collectives (STE n° 158)
.
4.1.2. Union européenne
49. La Déclaration de Copenhague de 2002
a engagé un processus de coopération
dans le domaine de l’enseignement et de la formation professionnels
(EFP) en Europe entre les pouvoirs publics, les partenaires sociaux
et les institutions de l’Union européenne. Des Etats membres de
l’Union européenne, la Norvège et des pays candidats y participent.
Depuis 2004, le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle
(CEDEFOP) rend compte des progrès réalisés par les pays pour atteindre
les objectifs politiques convenus d’un commun accord pour l’EFP.
Alors que les communiqués précédents étaient axés sur les objectifs
généraux à court terme de l’EFP (communiqués de Maastricht
,
d’Helsinki
,
et de Bordeaux
), en 2010 une vision à long terme
pour l’EFP en 2020 a été convenue, avec l’engagement de mettre en
œuvre une série de mesures d’ici à 2014
.
4.2. Initiatives destinées
à soutenir l’EFP au niveau national
50. Le processus politique dans la promotion de l’EFP
aux différents niveaux (local, régional, national et européen) devrait
être considéré comme un moyen de s’adapter aux stratégies et aux
défis globaux. Les réponses stratégiques locales, ni même nationales,
ne font pas le poids face aux défis de la mondialisation; elles
doivent s’inscrire dans une stratégie globale qui, en retour, constitue
la clé du problème au niveau supranational.
51. Au niveau national et infranational, les solutions qu’apportent
les politiques publiques devraient conduire à une interprétation
et à une adaptation des traditions, des cadres et des systèmes à
la stratégie européenne au lieu de retenir l’une ou l’autre bonne
pratique et de l’appliquer dans un cadre juridique et opérationnel
auquel elle ne correspond pas nécessairement.
52. Dans beaucoup de pays, en Europe comme ailleurs, les systèmes
bien établis et opérationnels, à l’image du double système allemand
de formation professionnelle (ou seulement de composantes de ce système),
font figure de modèles pour la mise en place ou la réforme de l’EFP
. Il est toutefois nécessaire de modifier
les bonnes pratiques ou, à tout le moins, de les adapter aux systèmes
locaux, régionaux ou nationaux.
53. Par exemple, la formation en apprentissage ne fonctionnera
pas dans un processus descendant ou d’intervention des politiques
publiques si les employeurs ne sont pas traditionnellement impliquées
(financière ou structurelle) dans le parcours éducatif. Dès lors,
les exemples de bonnes pratiques cités ci-après dans ce document
doivent être pris comme des suggestions plutôt que comme des propositions
de politiques publiques.
54. Les systèmes et cadres d’EFP doivent comprendre ou prévoir
(au minimum):
- un dispositif
d’information sur les besoins en compétences ;
- un cadre de référentiels d’emploi, de cursus et de formation,
précisant notamment les conditions d’accès et les modalités examen,
ainsi qu’un cadre de programmes d’études et de qualifications, et
des listes de spécialisations;
- des stratégies d’orientation et des politiques de communication
sur les possibilités d’EFP ;
- la formation des enseignants ;
- des éléments et un dosage d’apprentissage en établissement
et en milieu professionnel (apprentissage entre pairs; formation
d’apprentis);
- un cadre d’obligations, de responsabilités et de droits
pour les apprenants, les entreprises et les autres parties prenantes
à l’EFP au niveau national, régional et local;
- un système de financement, qui détermine les modalités
de financement de la formation (personnel et équipement), des entités
concernées (établissements d’enseignement, jurys d’examen, etc.)
ainsi que les moyens de subsistance des apprenants ;
- la définition et la mise en œuvre des admissions consécutives,
du transfert vers et depuis l’EFP pour les adultes (personnes au
chômage, migrantes, non qualifiées, etc.);
- un système de suivi et d’évaluation sur les référentiels
de formation et l’égalité des chances.
55. Chacun de ces éléments d’EFP exige des «réponses stratégiques»
lorsqu’il fait défaut ou n’obtient pas les résultats escomptés aux
différents niveaux.
56. A titre facultatif, la formation à l’entrepreneuriat, les
partenariats public-public et public-privé, les mesures d’incitation
à l’apprentissage continu et tout au long de la vie, les programmes
de mentorat,les méthodes
d’apprentissage à distance/mixtes, etc. se sont révélés utiles et
innovants dans divers pays, projets et initiatives pour les systèmes
d’EFP existants. Toutefois, les solutions que proposent les politiques
publiques devraient plutôt donner la priorité aux mesures d’incitation
et favoriser l’échange et la coopération entre les parties prenantes
au niveau transrégional et transnational en vue d’un processus de
développement et d’innovation viable dans l’EFP.
57. Comme nous l’avons vu, les initiatives, buts et objectifs
d’un cadre commun d’EFP élaborés et entrepris par l’Union européenne
et par ses membres méritent d’être étendus au cadre plus vaste du
Conseil de l’Europe en vue du partage et de la consolidation des
référentiels établis.
58. Plusieurs initiatives et projets lancés dans l’Union européenne
et au-delà ont déjà débouché sur une coopération transfrontalière
et transnationale qui a fortement contribué à promouvoir l’enseignement
et la formation professionnels, mais aussi encouragé et amélioré
la coopération et la compréhension aux niveaux opérationnels
.
Les initiatives et projets en réseau devraient être continuellement
financés et étendus, même si le fait de permettre à un nombre restreint
d’initiatives non gouvernementales d’approfondir leur coopération et
leurs liens contribueraient à l’obtention de résultats et à l’établissement
de liens durables.
5. Mesures pour élever
le statut et l’attractivité de l’EFP
59. Le concept d’attractivité est complexe et difficile
à définir. Selon certains spécialistes, l’attractivité de l’EFP
suppose que cette filière suscite l’intérêt des individus: ils en
ont connaissance, considèrent qu’elle fait partie du paysage éducatif
et ont une bonne opinion d’elle et des diplômes auxquels elle mène.
Plus généralement, les personnes ont tendance à considérer la voie
professionnelle comme un moyen d’atteindre leurs objectifs personnels,
et les employeurs la considèrent comme un vivier de recrues potentielles
.
60. Pour d’autres, l’attractivité dépend de l’opinion des parties
prenantes. Le concept d’attractivité suppose d’avoir pris en compte
les avis et priorités des diverses parties prenantes et de les avoir
intégrés dans la politique de l’EFP et dans la conception des programmes.
L’amélioration de la qualité, de la transparence et de l’accessibilité
de l’offre en matière d’éducation et de formation permettra de renforcer
l’attractivité, à condition que ces mesures répondent aux besoins
des acteurs concernés. Cette définition associe le caractère subjectif
de l’attractivité et les facteurs ou mesures permettant de la rehausser
.
61. Dans sa récente étude sur l’attractivité de l’EFP
,
axée plus particulièrement sur l’enseignement et la formation professionnels
initiaux (EFPI), le CEDEFOP met en lumière l’influence probable
des points de vue et perceptions concernant l’EFP sur cette attractivité.
L’avis des jeunes n’est pas le seul à entrer en ligne de compte:
les familles, les enseignants, les acteurs du monde du travail et
internet/les médias sociaux exercent tous une influence considérable
sur les décisions des étudiants, d’où l’importance de leurs perceptions.
62. L’analyse démontre l’importance de situer l’EFPI dans l’éventail
des autres filières éducatives disponibles, notamment l’enseignement
secondaire supérieur général, lorsqu’il s’agit d’en examiner la perception.
Dans un contexte non comparatif, la qualité et la pertinence au
regard du marché du travail sont bien notées dans l’étude Eurobaromètre.
Cependant, certains laissent entrevoir que la qualité de l’EFPI
ne tient pas la comparaison avec l’enseignement secondaire supérieur
général, même si par rapport à ce dernier, son adéquation au marché
de l’emploi semble forte.
63. Toujours selon l’étude du CEDEFOP, les perceptions concernant
les probabilités de trouver un emploi après l’EFPI sont corrélées
à l’estime de soi. Tant l’étude du projet que celle d’Eurobaromètre
sur l’enseignement professionnel (2011) parviennent à la conclusion,
étayée par des preuves, qu’outre l’intérêt personnel, les perspectives
d’emploi futur constituent un critère déterminant pour les étudiants
lorsqu’ils analysent les diverses voies éducatives proposées.
64. L’étude du CEDEFOP souligne une série d’initiatives politiques
susceptibles de rehausser le statut et l’attrait de l’EFP, notamment
les actions suivantes.
– Améliorer la perméabilité
des filières éducatives et faciliter l’accès à d’autres possibilités
d’éducation et de formation
65. Les mesures facilitant la perméabilité contribuent à répondre
aux besoins des individus; elles peuvent servir à attirer les plus
qualifiés grâce à la mise en place de passerelles entre l’EFP et
l’enseignement supérieur, ou à mieux prendre en compte les candidats
défavorisés ou moins qualifiés, en établissant par exemple de plus
petites unités cumulables d’apprentissage par modularisation.
66. Parmi les mesures concrètes visant à renforcer la perméabilité,
citons: les filières assurant une double qualification; les systèmes
d’examens ouverts à tous les élèves du secondaire; les cours préparatoires complémentaires
ou les examens pour les étudiants de l’EFP (programmes passerelles);
la reconnaissance de qualifications professionnelles équivalentes
pour des cours universitaires (accords de transfert de crédit); l’introduction
de cours spécialisés à vocation professionnelle au niveau tertiaire.
Il est fondamental d’offrir aux meilleurs étudiants de l’EFP la
possibilité concrète d’intégrer des établissements d’enseignement
supérieur (par exemple les Fachhochschulen en
Allemagne) après avoir satisfait aux conditions d’entrée.
– Accroître les possibilités
et lever les barrières
67. Les actions visant à accroître les possibilités et à lever
les obstacles renforcent l’attractivité de l’EFP mais aussi son
rôle dans la promotion de l’inclusion sociale et la pleine participation
à la société. Les autorités nationales devraient promouvoir l’apprentissage
en milieu professionnel pour attirer les étudiants qui privilégient
les formations plus pratiques ou la possibilité d’apprendre un métier
tout en travaillant. Elles devraient également améliorer l’accès
de groupes spéciaux, y compris les personnes peu qualifiées, les handicapés
et les jeunes socialement ou économiquement moins favorisés, les
étudiants non traditionnels plus âgés, les minorités ethniques et
les migrants, afin de faciliter leur employabilité. Les programmes
destinés aux groupes spéciaux pourraient être moins exigeants (fixés
par exemple au niveau CITE 2).
68. Dans la même veine, la reconnaissance et la validation de
l’apprentissage non-formel et informel, en évaluant les connaissances,
les aptitudes et les compétences acquises, peuvent contribuer à
l’accessibilité à de nouvelles qualifications ou à des qualifications
de niveau plus élevé et ouvrir de nouvelles opportunités d’apprentissage
formel pour des personnes qui ne seraient autrement pas admises
à certains programmes particuliers.
– Améliorer la qualité de l’EFP
69. A cet égard, les autorités nationales devraient développer
et mettre en œuvre au plan national des cadres et procédures d’assurance
qualité à des fins d’évaluation de cette dernière, en y impliquant
toutes les parties prenantes.
70. Les enseignants et formateurs de l’EFP sont confrontés à une
difficulté particulière, en l’occurrence combiner des aptitudes
et connaissances pédagogiques à des connaissances techniques et
une expérience pratique (savoir-faire). Pour inculquer ce savoir-faire,
des représentants de l’industrie sont souvent invités à dispenser
la formation, mais ils manquent parfois de méthodes pédagogiques
et d’évaluation. Pour cela, il convient de les former de manière
adéquate afin d’améliorer la transmission des connaissances. Par
ailleurs, il est conseillé aux enseignants de l’EFP n’ayant pas
ou plus de contact avec le milieu industriel, de s’immerger dans
des entreprises modernes et d’effectuer des visites dans des usines
employant des technologies de pointe afin d’actualiser leurs connaissances.
71. Le renforcement de la transparence des qualifications et des
programmes, par l’intermédiaire de mesures telles que le développement
de cadres nationaux de qualifications (CNQ) et l’adoption de cadres européens
tels que le Système européen de crédits d’apprentissage pour l’enseignement
et la formation professionnels (ECVET) contribuera grandement à
améliorer la qualité de l’EFP.
– Offrir des incitations financières
72. Les incitations financières sont de plus en plus nécessaires
pour promouvoir l’engagement dans l’EFP en temps de crise. Ces incitations
financières peuvent cibler un programme complet, les employeurs
ou les étudiants. L’Angleterre a augmenté le budget général consacré
au programme d’apprentissage – renforçant ainsi la participation
– et a octroyé entre février 2012 et mars 2013 une aide aux petites
entreprises qui recrutaient des apprentis. Parmi les autres exemples
d’incitations financières, citons:
- la délivrance de bourses dans des domaines de formation
généralement peu demandés (une stratégie mise en œuvre en République
tchèque par certaines autorités régionales et qui s’est avérée fructueuse);
- l’allocation de subventions aux entreprises, sous réserve
qu’elles embauchent uniquement des étudiants issus de l’EFP, arrivés
au terme de l’enseignement secondaire supérieur (une stratégie mise en
œuvre en Islande, destinée à encourager les étudiants à mener à
terme leurs études secondaires supérieures).
73. Parmi les autres initiatives visant à renforcer la visibilité
et l’image de marque de l’EFP, les autorités nationales pourraient:
- sensibiliser à l’EFP grâce à
des campagnes d’information sur les programmes d’EFP et les perspectives du
marché de l’emploi, par l’intermédiaire d’internet, de la télévision
ou d’autres médias;
- améliorer le système d’orientation et de conseil afin
que les étudiants disposent des informations adéquates, fiables
et à jour avant de faire leurs choix entre l’enseignement général
et l’EFP et concernant les programmes d’EFP;
- insister sur le développement des compétences au sein
de l’EFP par des moyens tels que l’organisation de concours de compétences
et de cérémonies de remise de prix; les concours nationaux ou internationaux
de compétences contribuent également à promouvoir l’internationalité
de l’EFPI ainsi que la mobilité.
6. Conclusions
74. L’EFP pourrait aider à améliorer la croissance économique
et l’inclusion sociale. Son potentiel reste cependant insuffisamment
exploité
.
75. Ce rapport souligne que le fait de fournir une main-d’œuvre
qualifiée, de prévenir les pénuries de compétences, de lutter contre
le chômage des jeunes et des adultes, d’œuvrer pour l’inclusion
et l’intégration des groupes minoritaires défavorisés, de promouvoir
l’égalité des chances et la mobilité sur le marché du travail, d’améliorer
la confiance et l’estime de soi parmi ceux qui ont quitté prématurément
l’école constitue un objectif central face aux grands enjeux stratégiques
de l’EFP.
76. Pour mettre à disposition une main-d’œuvre qualifiée et pour
prévenir les pénuries de compétences, des prévisions fiables des
demandes futures sont nécessaires, tout comme un engagement plus
fort de la part des parties prenantes, en particulier des employeurs
et des syndicats, pour prendre des mesures préventives dans l’investissement
du développement des ressources humaines. De la même manière, l’investissement
dans une action continue d’enseignement et de formation, mais aussi
la garantie de l’expérience et de l’expertise des seniors de la
population active (les plus de 50 ans) doivent être considérés comme
des éléments importants pour des besoins opérationnels futurs qui
nécessitent, en retour, des stratégies sur le moyen et long terme,
au lieu de donner la priorité aux valeurs actionnariales trimestrielles.
77. La lutte contre le chômage des jeunes et des adultes, l’inclusion
et l’intégration des groupes minoritaires défavorisés, la promotion
de l’égalité des chances et de la mobilité sur le marché du travail posent, en outre, de nouveaux
problèmes et de nouveaux défis pour l’EFP. Il apparaît nécessaire
de se concentrer davantage sur l’EFP dans la formation destinée
aux adultes et d’accroître
l’investissement dans ce domaine pour empêcher l’exclusion à vie
du marché du travail et pour favoriser une participation égale à
la vie publique. En effet, les demandeurs d’emploi adultes ayant
subi des échecs dans leur formation générale ou professionnelle ou
ayant dû interrompre leur formation en raison de difficultés d’apprentissage,
de problèmes sociaux ou de santé, de changements structurels ou
liés à la migration, doivent avoir la possibilité de revenir sur
la voie du travail qualifié. La perméabilité, l’accès à la formation
supérieure et/ou professionnelle et les crédits d’expérience professionnelle
comptent autant pour les adultes que pour les jeunes si l’on veut
éviter toute dépendance durable aux systèmes d’aide financés par
l’Etat. Les populations de pays touchés par un taux élevé de chômage
systémique, qui subissent de rapides changements structurels ou
affichent des taux élevés d’immigration sont particulièrement exposés
à cela, leur main-d’œuvre étant particulièrement sous-qualifiée
et mal équipée pour répondre aux demandes de compétences actuelles
et futures.
78. L’avantage compétitif de l’Europe dépend tout autant des compétences
de sa main-d’œuvre que de l’utilisation de celles-ci dans la pratique,
ce qui, dans les sociétés mondialisées fondées sur le savoir et
les technologies de l’information et de la communication, nécessite
une formation et un apprentissage approfondis tout au long de la
vie pour une partie toujours plus importante de la population. La
main-d’œuvre doit être adaptable et mobile, ce qui, en Europe, suppose
des solutions et des stratégies supranationales.
79. Au niveau européen, les pays du Conseil de l’Europe non membres
de l’Union européenne ont tout intérêt à suivre également les lignes
directrices et stratégies globales, à l’instar du système de crédits
d’EFP (ECVET) et du cadre européen des certifications (CEC), qui
s’inscrivent dans le droit fil de la stratégie Europe 2020
de l’Union européenne. Il convient
de renforcer au niveau européen et national les initiatives et les mesures
d’incitation qui accompagnent la stratégie globale et encouragent
les échanges transnationaux et la coopération dans l’EFP. La ratification
de la Charte sociale européenne renforcera la protection des droits inscrits
dans la Charte s’agissant de l’EFP.
80. Au niveau national, les politiques publiques devraient viser
à adapter progressivement au cadre européen les systèmes d’EFP fondés
sur la culture, les traditions et l’histoire des différents pays.
L’EFP devrait reposer sur un dosage équilibré de formation en milieu
scolaire et en milieu professionnel, et être soutenu par des politiques
et des mesures nationales cohérentes visant à en améliorer l’attractivité
et à traiter les problèmes structurels à l’origine de sa sous-utilisation,
par exemple la fragmentation du marché et les obstacles à la mobilité
au sein de l’éducation et sur les marchés du travail.
81. Dans la conception et la mise en œuvre des politiques d’EFP,
il est essentiel d’impliquer les employeurs et les partenaires sociaux,
afin de mieux évaluer, et si possible d’anticiper, les besoins du
marché, et de proposer en partenariat avec ces derniers des possibilités
d’apprentissage pertinentes en milieu professionnel, y compris la
formation d’apprentis.