1. Introduction
1. Tous les jours, dans le monde entier, des millions
d’enfants sont retenus faute de disposer des bons documents d’immigration.
La rétention des mineurs migrants est un phénomène croissant également
dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Le recours à la rétention
se développe depuis vingt ans, car les pouvoirs publics essaient
de contrôler l’entrée et le séjour de migrants.
2. Les enfants quittent leur région pour diverses raisons. Certains
partent avec leur famille, mais d’autres fuient seuls en raison
d’un conflit armé dans leur pays, de violations de leurs droits
fondamentaux ou simplement parce qu’ils sont en quête d’une vie
meilleure. Tous les enfants, accompagnés ou non, qui voyagent sans
papiers, qu’ils cherchent à trouver asile ou qu’ils aient la qualité
de réfugiés ou de migrants en situation irrégulière risquent d’être
retenus.
3. Si la législation et la pratique d’un certain nombre de pays
européens se sont améliorées, des centaines d’enfants migrants finissent
toujours en rétention. Il est difficile d’obtenir des statistiques
précises, notamment sur la rétention de mineurs, mais la tendance
à la hausse est confirmée par les organismes des Nations Unies ainsi
que par des organisations non gouvernementales (ONG) comme l’International
Detention Coalition (IDC), l’une des principales organisations dans
ce domaine
.
4. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a invité
les Etats à mettre rapidement et définitivement fin à la rétention
des enfants sur la base de leur statut d’immigré
, car la rétention est une violation
des droits de l’enfant. Il a aussi instamment invité les Etats à
trouver des solutions de rechange à la rétention qui correspondent
à l’intérêt supérieur de l’enfant
. Malgré ces appels sans ambiguïté,
la rétention d’enfants migrants demeure une préoccupation réelle
et grave dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.
5. Dans le présent rapport, je soutiens l’idée selon laquelle
les enfants sont avant tout des enfants et ne devraient jamais être
retenus à des fins d’immigration. La rétention est une négation
du droit fondamental de l’enfant à la liberté. Tout en s’opposant
à la rétention d’enfants du point de vue des droits de l'homme,
j’essaie de faire mieux comprendre les coûts-avantages des mesures
pouvant remplacer la rétention en en mettant certaines en évidence
afin de promouvoir et de faciliter leur usage dans tous les Etats
membres du Conseil de l'Europe.
1.1. Statistiques disponibles
6. Comme il est indiqué dans la communication de la
PICUM (Plate‑forme pour la coopération internationale sur les sans‑papiers)
au Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous
les travailleurs migrants et des membres de leur famille, les données
sur les enfants migrants sans-papiers demeurent rares. Cette rareté
s’explique en partie pour ce qui est des enfants migrants à charge
par le fait que leurs déplacements sont rarement dissociés de ceux
de leurs parents
. La Division de la population du Département
des affaires économiques et sociales des Nations Unies indique qu’au
niveau mondial, 16 % des migrants ont moins de 20 ans
. En Europe, il ressort des chiffres
d’Eurostat que 41 455 migrants appréhendés en Europe en 2011 étaient
des enfants. Ce chiffre se décompose comme suit : 16 250 enfants
de moins de 14 ans et 25 205 enfants âgés de 14 à 17 ans
.
7. L’Assemblée parlementaire a aussi mis en évidence la difficulté
d’obtenir des statistiques sur le nombre d’enfants retenus. En 2011,
M. Pedro Agramunt, rapporteur de la commission des migrations, des
réfugiés et de la population, indiquait dans son rapport être «incapable
d’estimer le nombre d’enfants migrants sans-papiers en Europe»
. Certaines estimations
nationales du nombre d’enfants sans-papiers en Europe illustrent cependant
l’ampleur du phénomène. D’après les estimations du projet Clandestino,
entre 44 000 et 144 000 enfants sans-papiers sont nés au Royaume-Uni
sur un total de 417 000-863 000 migrants sans-papiers. Dans la suite
des données réunies par Clandestino, le projet de recherche COMPAS
de l’Université d’Oxford a relevé une estimation de 120 000 enfants
sans-papiers au Royaume‑Uni en 2011 dont plus de 85 000 seraient
nés au Royaume‑Uni
. D’après une étude
de l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers, les
enfants représentent au moins 10 % des migrants sans-papiers en
Suisse
.
1.2. Conséquences négatives
de la rétention pour les enfants
8. La rétention a de graves effets négatifs, à court
et à long termes, sur la santé physique et mentale des enfants et
est toujours contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il
est défini dans la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant. Si la rétention est, d’une manière générale, une expérience traumatisante,
les enfants sont particulièrement mal armés face à ses effets négatifs
et peuvent être très traumatisés. Il ressort de recherches que des
périodes de rétention même courtes sont préjudiciables au développement
cognitif et affectif de l’enfant; ces conséquences désastreuses
peuvent être à l’origine d’un traumatisme à vie et de troubles du
développement chez l’enfant. Les enfants retenus risquent aussi
de faire l’objet de différentes formes de violence et/ou d’être
privés du droit d’accès à l’éducation et à la santé.
1.3. Protection juridique
des migrants contre la rétention à l’échelle internationale et européenne
9. Dans sa Résolution 63/184, l’Assemblée générale des
Nations Unies prie les Etats de «respecter les droits de l'homme
et la dignité intrinsèque des migrants et de mettre un terme aux
arrestations et détentions arbitraires». Elle préconise l’adoption
de mesures autres que la rétention et le réexamen des durées de rétention.
Elle se félicite aussi des pratiques des Etats visant à réduire
la rétention des migrants en situation irrégulière. Elle a adopté,
en 2010, une Résolution sur la protection des migrants dans laquelle
elle appelait de nouveau à réduire la durée de rétention des migrants
en situation irrégulière. En octobre 2013, elle a tenu le deuxième
dialogue à haut niveau sur les migrations internationales et le
développement au cours duquel le Secrétaire Général a déclaré qu’il
fallait créer davantage de canaux pour des migrations sûres et ordonnées et
trouver d’autres solutions à la rétention administrative des migrants
.
10. En 2009, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies
a consacré une discussion spéciale aux droits de l'homme des migrants
en rétention en raison des inquiétudes que suscitent le recours
à la rétention de migrants et la durée et les conditions de rétention
sous l’angle des droits de l'homme. Il a en outre reconnu le problème
de la rétention des migrants dans la résolution sur les droits de
l'homme des migrants dans laquelle les Etats sont priés «de mettre
un terme aux arrestations et à la détention arbitraires et ... lorsque
c’est possible, d’adopter des mesures autres que la rétention»
.
11. En septembre 2009, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme
des Nations Unies a fait observer que le sort des migrants, et en
particulier des migrants en situation irrégulière, était l’un des
principaux défis actuels en matière de droits de l'homme. Plus récemment,
elle a invité les Etats à étudier des solutions de remplacement
efficaces à la rétention des migrants, en particulier des enfants
et d’autres groupes vulnérables de migrants.
12. L’Assemblée parlementaire a condamné la rétention des migrants
mineurs, en particulier des mineurs non accompagnés. Elle indique
clairement dans sa
Résolution 1707 (2010) «Rétention administrative des demandeurs d’asile et
des migrants en situation irrégulière en Europe» que «les mineurs
non accompagnés ne sont jamais retenus». La Cour européenne des
droits de l'homme a aussi rendu un certain nombre d’arrêts dans lesquels
elle insiste sur le caractère inadmissible de la rétention de mineurs
et
préconise d’autres modes de prise en charge pour respecter l’intérêt
supérieur de l’enfant. Le Comité européen pour la prévention de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) estime que tout devrait être fait pour éviter de recourir
à la privation de liberté d’un étranger en situation irrégulière
qui est mineur
.
1.4. Raisons pour lesquelles
les enfants en sont les victimes
13. Si d’autres modalités de placement existent dans
la plupart des Etats membres, en particulier pour les enfants migrants
non accompagnés, les Etats membres ont toujours recours à la rétention
dans des cas trop nombreux. Les enfants sont retenus pour être soumis
à un examen de santé et à un contrôle de sécurité, être identifiés
et pour que leur statut soit déterminé. Certains enfants sont placés
dans des établissements réservés aux mineurs exclusivement, mais
d’autres sont placés avec des adultes avec lesquels ils n’ont aucun
lien. Dans certains Etats membres, les mineurs finissent dans des
établissements pénitentiaires tout à fait inadaptés à leurs besoins.
14. Il arrive que des Etats retiennent des enfants par erreur,
en raison des difficultés qu’ils ont à connaître leur âge. Trop
souvent, les procédures de détermination de l’âge servent cependant
de justification à l’Etat. Bien qu’il existe une norme imposant
que les personnes qui affirment être mineures soient traitées en
tant que telles jusqu’à preuve du contraire, à moins que cette affirmation
ne soit manifestement infondée, plusieurs Etats les placent encore
en rétention dans des institutions pour adultes. La procédure d’évaluation
de l’âge, qui devrait être appliquée en dernier recours, est souvent
retardée pour des raisons illégitimes.
15. Il existe aussi un risque important que la procédure d’évaluation
de l’âge porte atteinte à la dignité de la personne qui y est soumise,
à moins qu’elle soit conduite selon des méthodes pluridisciplinaires
(c’est-à-dire pas uniquement médicales) respectueuses de la dignité
de la personne et qu’elle repose sur le consentement éclairé de
l’intéressé. Les méthodes et les actes des personnes procédant à
cette évaluation doivent être adaptés à l’âge, au sexe et à la culture
des intéressés.
2. Alternatives
à la rétention: politique, législation et pratique
16. Les Etats ont recours à toute une série de raisons
pour justifier la rétention de migrants en situation irrégulière.
Parallèlement, ils ont l’obligation d’établir le principe du maintien
en liberté et de trouver d’autres solutions, en appliquant des mesures
non privatives de liberté et moins restrictives.
2.1. Politique
17. Malgré l’essor des politiques de limitation et de
contrôle, les pouvoirs publics sont depuis peu davantage intéressés
par des mesures de substitution à la rétention. Ces dernières sont
considérées comme un moyen de gérer efficacement les migrations
tout en protégeant les droits et la dignité des migrants. Un nombre croissant
de gouvernements prennent des mesures pour étudier et appliquer
d’autres solutions allant d’études préliminaires et de projets pilotes
à petite échelle à des mesures et des changements systémiques
.
2.2. Législation
18. Les alternatives à la rétention que prévoit désormais
la législation des Etats membres du Conseil de l'Europe et l’adoption
de nouvelles politiques illustrent les efforts déployés pour réduire
la rétention des enfants en Europe.
19. Plusieurs Etats membres ont modifié leur législation en 2012.
Plus précisément, la Croatie a adopté plusieurs mesures légales
pouvant remplacer la rétention, à savoir l’obligation de remise
des documents, le versement de cautions, la nécessité d’avoir une
résidence fixe et de se signaler régulièrement
. A la fin de 2011, Chypre a aussi ajouté
dans sa législation la possibilité d’appliquer d’autres mesures
que la rétention sans toutefois les définir
.
La nouvelle loi slovaque sur le séjour des étrangers, entrée en
vigueur en janvier 2012, prévoit aussi des mesures autres que la
rétention, à savoir l’assignation à résidence et la possibilité
de garanties financières
.
2.3. Pratique
20. Malte est le dernier Etat membre de l’Union européenne
qui ne permet l’application d’autres solutions que lorsqu’une la
libération est envisagée
.
La non‑application, dans la pratique, de mesures de remplacement
demeure un grave motif d’inquiétude, car de nombreux Etats ont plus
souvent recours à la rétention qu’aux différentes solutions possibles.
21. Les pays européens et non-européens ont des pratiques différentes
qui autorisent les enfants migrants en situation irrégulière à rester
dans le pays en jouissant d’une certaine liberté de circulation.
Cette période dure tant que leur statut n’a pas été défini ou tant
qu’ils n’ont pas été éloignés. Les mesures de remplacement de la
rétention, qui réduisent l’application de mesures privatives de
liberté, sont nombreuses: obligation de se présenter régulièrement
à la police, restrictions en matière de résidence et accompagnement,
obligation de remettre ses papiers, garanties financières/cautions,
surveillance électronique.
22.
- Certains Etats ont choisi
des modèles différents mis au point par les principales organisations
œuvrant dans ce domaine, comme l’IDC, plus précisément le modèle
d’évaluation et de placement dans la communauté (CAP). Ce modèle
repose sur quelques principes que les autorités doivent appliquer:
- présomption de l’inutilité de la rétention;
- examen et évaluation au cas par cas;
- évaluation du cadre local;
- imposition, au besoin, de conditions de séjour dans la
collectivité;
- rétention uniquement en dernier recours, dans des circonstances
exceptionnelles.
23. Quelques Etats, dont l’Argentine, l’Australie, le Canada,
l’Espagne, les Etats-Unis, Hong-Kong, la Hongrie, la Nouvelle-Zélande,
les Philippines, le Royaume-Uni, la Suède et le Venezuela, ont commencé
à appliquer certains de ces principes, ce qui a entraîné une baisse
du taux de rétention de migrants.
24. Malgré des changements importants dans la législation et des
tentatives pour modifier les pratiques, le fait que des enfants
migrants continuent d’être placés en rétention dans la majorité
des Etats membres reste une source de graves préoccupations. Si
quelques Etats considèrent la rétention comme une mesure de dernier
recours et optent, dans la plupart des cas, pour d’autres solutions,
dans d’autres elle continue d’être appliquée comme une mesure de
routine, ce qui fait que des enfants se retrouvent derrière les
barreaux dans différents types d’institutions, notamment dans des
locaux de police et des centres spéciaux, qui ne se préoccupent
pas du tout de leurs besoins et portent atteinte à leurs droits
fondamentaux.
3. Quelles solutions
de rechange?
25. Les recherches commanditées par l’ONG
International Detention Coalition (IDC) ont
permis de recenser les quelques avantages retirés par les autorités
qui recourent à des solutions de rechange permettant d’éviter la
rétention.
- assurer un niveau
élevé de respect des mesures imposées aux demandeurs d’asile;
- coûter moins cher que la rétention;
- réduire les cas de placement en rétention à tort et les
recours;
- réduire la surpopulation carcérale;
- protéger et promouvoir les droits de l’homme;
- améliorer l’état de santé et le bien-être des intéressés.
- Augmenter le nombre de rapatriements et de départs volontaires.
3.1. Absence d’effet
dissuasif réel de la rétention
26. Le problème des migrations illégales est assurément
une question que les autorités doivent suivre au quotidien. Les
éléments disponibles et les déclarations des autorités montrent
une fois encore qu’une politique de rétention n’est pas dissuasive
pour les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants en situation irrégulière.
En dépit du durcissement incessant des politiques de rétention observé
ces vingt dernières années, le nombre d’arrivées clandestines n’a
pas diminué
.
27. Plusieurs études ont été réalisées pour déterminer les facteurs
qui influencent le plus la destination choisie par les demandeurs
d’asile et les migrants en situation irrégulière. Selon de nombreux
travaux réalisés dans ce domaine, les demandeurs d’asile et les
réfugiés cherchent avant tout à trouver un lieu où ils soient en sécurité
. Avant d’arriver, les demandeurs
d’asile n’ont qu’une vague idée des politiques menées par les pays de
destination en matière de migration. Ils s’en remettent souvent
aux passeurs pour choisir leur destination. Au lieu d’être influencés
avant tout par des mesures de traitement des migrations comme la
rétention, la plupart des réfugiés optent pour des destinations
où ils retrouveront des proches ou des amis ou encore des pays qu’ils
considèrent comme sûrs, tolérants et démocratiques.
3.2. Réduction des coûts
28. Il est incontestable que grâce à des lois et des
politiques efficaces, à des systèmes clairs et à une bonne mise
en œuvre, la gestion des demandeurs d’asile, des réfugiés et des
migrants en situation irrégulière peut se faire dans la plupart
des cas au sein de la société. Pour peu qu’elles apprennent à trier
et à évaluer les différentes personnes placées en rétention ou susceptibles
de l’être et qu’elles mettent en place les aides et les conditions
appropriées pour vivre comme il convient au sein de la société,
les autorités peuvent apprendre à gérer dans la plupart des cas
ces personnes au sein de la société sans supporter le coût humain
et financier lié au maintien en rétention.
29. Le coût de la rétention et le nombre de migrants susceptibles
d’être placés en rétention sont trop importants. Les recherches
commanditées par IDC montrent que des solutions de rechange à la
rétention fiables et économiques sont employées actuellement dans
une série de cadres et semblent avoir été utiles à tout un éventail
de parties prenantes concernées
.
30. Quelques pays ont réussi à faire baisser considérablement
les coûts des migrations par des changements de politique et de
pratique. Une réduction notable du nombre de rétentions, l’adoption
d’outils de gestion individuelle des dossiers et le placement au
sein de la société ont permis aux Etats-Unis, au Canada et à l’Australie
de réduire de 60 % à 90 % leur budget dans ce domaine par rapport
au budget nécessaire pour des migrants placés en rétention.
3.3. Degré élevé de
respect des mesures
31. Les avantages que procure le recours à des solutions
de rechange à la rétention ne se limitent pas aux économies réalisées.
Selon les données disponibles, le taux de respect des mesures décidées
est lui aussi élevé. Seul un faible pourcentage de migrants et de
demandeurs d’asile ne les respectent pas. Une étude récente portant
sur le bilan de 13 programmes a montré que le taux de respect des
mesures allait de 80 % à 99,9 %. Ainsi, Hong Kong parvient à un
taux de 97 % avec les demandeurs d’asile ou les victimes de la torture autorisés
à rester au sein de la société. En Belgique, un programme pilote
applicable à des familles susceptibles d’être éloignées a obtenu
un taux de 82 % de respect des mesures. Les recherches menées par l’IDC
ont montré que les demandeurs d’asile et les migrants en situation
irrégulière s’enfuient rarement pendant qu’ils attendent le résultat
de l’examen de leur demande ou d’un autre processus judiciaire.
Ils s’adaptent mieux à une situation de liberté ou de remise en
liberté conditionnelle, ou à une décision finale négative s’ils
peuvent satisfaire leurs besoins de base au sein de la société,
s’ils sont passés par un processus d’examen équitable et efficace
au cours duquel ils ont bénéficié d’une assistance juridictionnelle
et s’ils ont reçu des avis juridiques et autres conseils sur toutes
les solutions qui leur permettraient de rester légalement dans le
pays et, le cas échéant, si on leur offre une assistance pour envisager
des formules de départ durables
.
3.4. Amélioration des
conditions de protection sanitaire et sociale
32. Le troisième avantage est la protection de la santé
et du bien-être des migrants, enfants et adultes. Il y a plusieurs
raisons de croire que les solutions de rechange à la rétention favorisent
davantage la santé et le bien-être que la rétention au titre de
l’immigration. Il est évident que tous ceux qui attendent le résultat
d’une procédure liée à l’immigration peuvent éprouver du stress
et de l’angoisse face à un avenir incertain
,
mais l’état de santé physique et mentale des personnes retenues
est bien plus mauvais que celui des personnes qui n’ont jamais été
mises en rétention
.
3.5. Avantages combinés
des solutions de rechange
33. Il est évident que pour que les Etats arrivent à
gérer les migrations, à réduire les risques au minimum et à abaisser
véritablement les coûts en économisant des ressources, il faut qu’ils
optent pour des solutions de rechange et qu’ils arrêtent de recourir
à la rétention des migrants. Il apparaît que quand on évite la rétention, le
risque que les migrants s’enfuient est plutôt faible, et qu’inversement
ils ont beaucoup plus de chances de rester en bonne santé et de
connaître un certain bien-être. De plus, les autorités parviennent
ainsi à mieux se conformer à leurs obligations internationales et
internes en matière de droits de l’homme, à éviter la critique de l’opinion
publique et à donner à d’autres Etats un exemple de bonnes pratiques.
34. En dépit des nombreuses études et recommandations faites par
des organisations internationales, des groupes de défense des droits
de l’homme et des rapporteurs spéciaux, il reste énormément à faire
pour parvenir au but et faire diminuer le nombre d’enfants placés
en rétention. Il est évident qu’il faut faire beaucoup plus pour
persuader les gouvernements des avantages des solutions alternatives
et des effets négatifs produits par toute forme de rétention. Des
ressources beaucoup plus importantes sont nécessaires pour promouvoir
des réformes et former les fonctionnaires concernés aux meilleures
pratiques quant à la manière de gérer les problèmes relatifs aux
migrations. Ces formations devraient s’adresser aux personnels des services
des migrations, à la police, aux autorités judiciaires et de poursuite,
ainsi qu’aux services sociaux qui ont affaire à cette question.
4. Politique et pratique
des Etats membres
4.1. Pratiques positives
35. Certains Etats membres ont cessé de placer en rétention
les enfants, y compris les mineurs non accompagnés. Soit les mineurs
ne sont pas placés en rétention, soit une disposition légale ou
la pratique entraînent leur remise en liberté (Belgique, Danemark,
France, Hongrie, Irlande, Italie, Pays-Bas et Royaume Uni)
.
36. L’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume
Uni et la Slovénie ont également opté pour le principe d’exclure
a priori la rétention en droit ou
en pratique. Ce principe est appliqué quand il repose sur une base
légale. Il a d’autant plus de force que des solutions de rechange
à la rétention sont prévues par la loi. L’efficacité de la loi dépend
de leur bonne application. La législation peut aussi prévoir des
mécanismes pour vérifier le recours aux solutions de rechange et
veiller à éviter les restrictions superflues
.
37. Plusieurs Etats prennent des mesures déterminantes pour éviter
la rétention en ouvrant des foyers spéciaux ou en lançant des projets
spéciaux ciblés afin de mettre en œuvre des solutions de rechange.
Ils définissent des normes appropriées et encouragent les bonnes
pratiques dans la région. Leur approche est loin d’être homogène,
car les modèles ont tous des avantages et des inconvénients. Ils
présentent pourtant des éléments communs :
- la rétention est évitée;
- les coûts sont considérablement réduits;
- les migrants sont en meilleure santé et leur bien-être
est assuré;
- le taux de respect des mesures imposées reste élevé.
38. La Hongrie a interdit la rétention de migrants mineurs
et avec l’aide d’ONG locales,
les autorités ont ouvert un foyer pour mineurs non accompagnés.
Les Pays-Bas expérimentent quatre solutions de rechange à la rétention.
L’un des programmes porte sur les migrants qui sont contraints de
quitter le pays
. En Suède, les
demandeurs d’asile sont enregistrés à leur arrivée et après avoir
reçu une pièce d’identité et avoir passé une semaine dans un centre
de transit, ils entament un programme d’accueil. Les autorités assurent l’hébergement
de ceux qui ne peuvent couvrir eux-mêmes leurs frais de logement.
En général, ils sont logés dans un appartement privé loué à leur
intention par les autorités. Les enfants bénéficient des mêmes soins médicaux
que les petits Suédois. Le dossier des migrants est confié à un
responsable précis. Les migrants bénéficient d’une aide juridictionnelle
gratuite et participent à des cours spéciaux de suédois. Ils touchent
une allocation journalière et dans certains cas, ils sont même autorisés
à travailler
.
La Belgique a élaboré des mesures pour ne pas placer les enfants
en rétention. Le projet, qui intéresse directement les familles
de migrants, permet d’assurer leur hébergement dans un immeuble
d’habitation qui leur est réservé. En Espagne, les migrants qui
engagent la procédure d’attribution du statut de réfugié ne peuvent
être hébergés dans un centre d’accueil ouvert que s’ils n’ont pas
les moyens de louer un logement à titre privé. Certains centres ouverts
sont gérés par les autorités, d’autres dépendent d’organisations
non gouvernementales. La capacité de ces centres est relativement
limitée, si bien que la priorité est donnée aux personnes vulnérables,
y compris les familles avec enfants. Les résidents sont confiés
à un travailleur social qui les aide à traiter leur dossier et leur
facilite l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres
systèmes sociaux du pays
.
4.2. Sources de préoccupation
39. Malheureusement, il ne suffit pas de déterminer légalement
des solutions de rechange à la rétention pour appliquer ces solutions.
Comme indiqué auparavant, la plupart des Etats membres n’établissent
pas de statistiques appropriées sur les solutions de rechange à
la rétention. Il est donc difficile d’en évaluer la mise en œuvre.
40. Selon les statistiques disponibles de neuf Etats membres,
certains Etats recourent régulièrement à des solutions de rechange
(Autriche, Roumanie et République tchèque), tandis qu’il ne semble
que ce soit le cas en Bulgarie, en Croatie, en Lettonie, en Lituanie,
en Slovénie et en Slovaquie
. Dans ces pays, les autorités optent dans
la plupart des cas pour la rétention des migrants.
41. La loi italienne n’interdit pas la rétention des enfants accompagnés
de leurs parents dans les centres de rétention pour migrants, mais
le placement de mineurs non accompagnés dans ces centres est interdit
. En Pologne,
les enfants sont retenus avec leurs parents, d’ordinaire dans des
locaux familiaux distincts aménagés dans le centre de rétention
.
En Lituanie, la loi sur les étrangers prévoit qu’un étranger âgé
de moins de 18 ans peut être retenu uniquement dans des cas extrêmes,
compte tenu de son intérêt supérieur
. La loi dresse une
liste de solutions de rechange qui peuvent s’appliquer quand l’identité
de l’étranger a été établie et que celui-ci ne constitue pas une
menace pour la sécurité nationale ou pour une politique publique,
et qu’il collabore avec la justice pour la détermination de son
statut en Lituanie
.
42. Le Gouvernement du Royaume-Uni s’est engagé à mettre fin à
la rétention des enfants au titre de l’immigration avant mai 2011.
Cependant, une demande formulée au titre de la
Freedom of Information Act par la
Children’s Society a permis de découvrir
qu’en quatre mois, de mai à août 2011, près de 700 enfants ont été retenus
au Royaume Uni. La
Children’s Society a
aussi établi que le ministère de l’Intérieur du Royaume Uni ne suit
guère la question, car il ne collecte pas d’informations sur la
durée de la rétention de ces enfants ni sur les motifs justifiant
en premier lieu leur placement en rétention
.
43. De plus, les autorités ont proposé de remplacer la rétention
par un «hébergement avant éloignement» (
pre-deportation
accommodation), qui demeure aussi très contestée. Les
familles qui refusent de quitter le Royaume-Uni peuvent être retenues
jusqu’à 72 heures, ou dans des «cas exceptionnels», jusqu’à une semaine,
dans un «centre de pré-départ» (
pre-departure
accommodation). Les autorités ont affirmé que le centre,
une ancienne école spéciale proche de Gatwick, serait adapté aux
besoins des familles et ne servirait qu’en dernier ressort, ainsi
que l’a recommandé un comité indépendant sur l’éloignement des familles,
pour tenir compte du bien-être des enfants. Cependant, les familles
ne pourront aller et venir et le centre sera surveillé 24 heures
sur 24 et entouré d’une clôture de 2,3 mètres de haut. Le centre
de pré-départ conserve donc bien des caractéristiques de la rétention
et la PICUM et beaucoup d’organisations de la société civile sont préoccupées
à l’idée qu’il puisse avoir des effets néfastes notables sur les
enfants
.
44. La Grèce accueille toujours un grand nombre de migrants chaque
année, mais le système d’accueil est mal organisé. Bien que la rétention
ne doive être utilisée qu’en dernier ressort, l’ensemble des migrants,
y compris les mineurs accompagnés et non accompagnés appréhendés
par la police grecque, sont toujours placés systématiquement en
rétention pendant une durée pouvant aller jusqu’à plusieurs mois
.
45. Dans beaucoup de d’Etats membres, la loi permet à l’évidence
d’appliquer d’autres solutions mais, pour diverses raisons, la rétention
est toujours pratiquée et reste, dans certains Etats, la solution
la plus fréquente. Il ne sera pas possible de parvenir à des résultats
positifs sans un changement dans les esprits et l’affectation des
ressources et sans un personnel formé à cet effet. Les Etats devraient
mettre en place des systèmes efficaces reposant sur d’autres solutions,
commencer à établir de vraies statistiques nationales sur la question et
former leurs agents à l’application d’alternatives à la rétention.
Les fonctionnaires concernés devraient être encouragés à appliquer
des solutions alternatives et à éviter le placement d’enfants en
rétention.
5. Observations
et recommandations finales
46. Des éléments probants indiquent que la rétention
des enfants au titre de l’immigration nuit à leur santé physique
et mentale. La rétention des mineurs est une atteinte à leurs droits,
elle les prive de l’accès à l’enseignement général et à des soins
de santé appropriés. La rétention produit les mêmes effets sur les enfants
que sur les adultes. Cependant, en raison de la vulnérabilité particulière
des enfants, elle peut entraîner des problèmes supplémentaires pour
leur développement et leur santé physique. Le milieu fermé de la
rétention lui-même est dommageable pour l’état de santé et le développement
psychosocial des enfants. L’environnement de type pénitentiaire,
le manque de liberté, la surveillance permanente et les contrôles incessants
ont des effets déstabilisants
.
47. Les données montrent que la situation diffère d’un pays à
l’autre et qu’aucune approche uniforme n’a été élaborée jusqu’ici.
Alors que peu d’Etats prennent des mesures pour éviter la rétention
superflue de mineurs et optent pour des solutions de rechange, la
plupart des pays recourent toujours à la rétention tout en mettant
en œuvre diverses mesures et en faisant appel à des institutions
spécialisées.
48. La législation de la plupart des Etats membres interdit la
rétention de mineurs et prévoit la possibilité de recourir à des
solutions de rechange. En pratique toutefois, la plupart des Etats
ne recourent pas à ces mesures ou ils ne le font que rarement. Dans
certains Etats, les lacunes législatives sont aggravées par des politiques
et des pratiques erronées. Il faudrait que les autorités mènent
une action concertée pour mettre fin à la rétention des enfants
migrants et qu’elles entreprennent d’élaborer des modèles efficaces
d’application des solutions de rechange à la rétention en se fondant
sur les bonnes pratiques décrites dans le présent rapport.