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Addendum au rapport | Doc. 13588 Add. | 30 septembre 2014
Le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie
Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)
1. Introduction
1. Le rapport sur le fonctionnement des institutions
démocratiques en Géorgie a été adopté par la commission de suivi
le 24 juin 2014. Au cours du débat au sein de la commission, nous
avons annoncé que nous présenterons, le cas échéant, un addendum
au rapport lors de l’ouverture de la partie de session d’automne
2014, afin de nous assurer que toute évolution significative dans
le pays sera mentionnée dans le rapport et dans la résolution à
adopter par l’Assemblée.
2. Un certain nombre d’événements intéressant l’Assemblée ont
eu lieu depuis l’adoption du rapport, dont notamment le second tour
des élections des maires et gamgebeli, qui
s’est déroulé le 12 juillet 2014, ainsi que les poursuites pénales
en cours contre d’anciens membres du gouvernement. Nous exposerons
brièvement ci-après l’évolution de la situation concernant ces deux
questions et, plus généralement, le contexte politique.
2. Evolutions générales
3. Le 7 juillet 2014, Eduard Shevardnadze, ancien Président
de la Géorgie et dernier ministre des Affaires étrangères de l’Union
soviétique, considéré par beaucoup comme l’un des auteurs de la
politique de perestroïka et de glasnost, est mort à Tbilissi à l’âge
de 86 ans. Il a eu droit à des funérailles nationales en présence
de membres du gouvernement et de plusieurs dignitaires étrangers.
4. Le 26 juillet 2014, après un vif échange entre la majorité
au pouvoir et l’opposition, un gouvernement remanié dirigé par le
Premier ministre Garibachvili a été confirmé dans ses fonctions
par le Parlement géorgien. Cinq nouveaux ministres ont été désignés
et deux ministres se sont vu attribuer de nouvelles responsabilités.
En particulier, l’ancien Défenseur public (Médiateur), Sozar Subari,
a troqué son ministère des Services pénitentiaires contre celui
des Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et du
logement. Les fonctions de ministre des Services pénitentiaires,
poste sensible en raison du scandale des sévices infligés aux détenus
révélé en 2012, ont été attribuées à Giorgi Mgebrichvili, précédemment
dirigeant du Comité pour la sécurité de l’Etat. Les principaux ministères
– Défense, Justice, Intérieur et Affaires étrangères – n’ont pas été
touchés par le remaniement ministériel.
5. Ces derniers mois, les relations entre le Premier ministre
Garibachvili et le Président Margvelachvili se sont détériorées
et ce, au vu et au su de l’opinion. Le Premier ministre et le Président
se sont publiquement opposés sur qui devait signer l’accord d’association
avec l’Union européenne et qui devait représenter le pays à New
York lors du Sommet des Nations Unies sur le climat. En outre, le
Premier ministre a publiquement critiqué le Président à propos du
retard, selon lui inutile, pris dans la déclassification des documents
relatifs aux dépenses budgétaires de l’ancien Président Saakachvili,
et refusé de participer à la réunion du Conseil de sécurité organisée
à l’initiative du Président.
6. Au début du mois de juillet, Thomas Hammarberg, Conseiller
spécial de l’Union européenne sur la réforme constitutionnelle et
juridique et les droits de l’homme en Géorgie, a publié un rapport
sur son ultime mission en Géorgie, qui a eu lieu du 4 au 9 juin
2014. Ses observations et conclusions coïncident avec nombre de
constatations figurant dans notre rapport. M. Hammarberg s’est quant
à lui félicité de l’adoption d’une stratégie nationale pour la protection
des droits de l'homme et d’un plan d'action, du renforcement de l’indépendance
de la justice et de la séparation des intérêts du parti et de ceux
de l’Etat dans le processus électoral. Il s’est néanmoins dit inquiet
de la perméabilité aux ingérences du système judiciaire, ainsi que
de l’absence de chaîne de responsabilités du – et de contrôle institutionnel
sur le – bureau du procureur général. Il a en outre noté qu’un contrôle
des structures répressives demeurait difficile et a souligné à cet
égard la nécessité de la création d'un mécanisme de recours indépendant.
7. En juillet 2014, le Médiateur (Ombudsman) a publié son rapport
annuel sur les droits de l’homme. Le 1er août,
après un débat passionné, le parlement a adopté une résolution appelant
à la mise en œuvre des recommandations contenues dans ledit rapport.
Le Défenseur public y insistait notamment sur la nécessité d’un
mécanisme de recours indépendant en relation avec les structures
répressives et demandait à ce que les affaires de mauvais traitements
et de décès en milieu pénitentiaire fassent l’objet d’enquêtes approfondies.
Il a de plus appelé le ministère de l’Intérieur à enquêter pleinement
et de manière totalement transparente sur tous les signalements
de cas de violences à motivation religieuse envers des minorités.
8. Le 10 septembre 2014, une tête de porc a été clouée sur la
porte d’une école musulmane à Kobouleti, en Adjarie. Les autorités
ont fermement condamné cette action. Tout en saluant la rapidité
de la condamnation, nous souhaitons souligner que cet incident est
révélateur de la nécessité pour les autorités de continuer de protéger
les droits des minorités religieuses et de préconiser leur acceptation
et leur intégration sans réserve au sein de la société géorgienne.
9. Le groupe parlementaire Rêve géorgien–Géorgie démocratique,
premier parti de la coalition majoritaire au pouvoir, a révoqué
son vice-Président du Parlement national, M. Murman Dumbadze, pour
son implication dans les tentatives de membres de Rêve géorgien–Géorgie
démocratique siégeant au Parlement adjare de destitution du chef
du Gouvernement de l’Adjarie. Ces tentatives n’auraient ni été avalisées
par la direction nationale de la coalition, ni soutenues par aucun
autre des partis la composant.
10. Le 27 juin 2014, la Géorgie a signé un accord d’association,
incluant un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA)
avec l’Union européenne. Cet accord a été ratifié le 18 juillet
2014 lors d’une session extraordinaire du Parlement géorgien.
3. Deuxième tour des élections municipales
11. Le 15 juin 2014, des élections locales se sont déroulées
en Géorgie. Dans notre rapport, nous avons déjà évoqué le contexte
préélectoral tendu et la succession d’allégations selon lesquelles
des candidats de l’opposition subissaient des pressions pour retirer
leur candidature. Lors du premier tour, des candidats proposés par
la coalition Rêve géorgien ont remporté les sièges de maires et
de chefs de l’exécutif de villes (gamgebeli) dans quatre villes autonomes et 46 municipalités.
Ces élections ont été observées par une délégation du Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, qui s’est félicitée
de l’amélioration du climat électoral et de la manière calme et
pacifique dont avaient été menées ces élections. Elle s’est en revanche
dite préoccupée par la propension des déclarations très dures, voire
la violence, de la campagne préélectorale, ainsi que par des allégations
faisant état de tentatives de pressions et d’intimidation exercées
sur des candidats de l’opposition.
12. Le second tour des élections de maires dans huit villes autonomes
et de gamgebeli dans 12 municipalités a eu
lieu le 12 juillet 2014. Ces élections ont toutes été remportées,
avec une confortable majorité, par des candidats proposés par la
coalition Rêve géorgien. A l’issue du second tour, la majorité en place
détenait les postes de maires et de gamgebeli dans
l’ensemble des 71 municipalités et était majoritaire au sein du
conseil municipal dans 66 d’entre elles, consolidant ainsi sa position
dominante dans la politique géorgienne.
13. Ni le Conseil de l’Europe ni l’Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE) n’ont observé ces élections.
Cependant, les ambassades des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni
et des Pays-Bas, qui ont dépêché une mission d’observation pour
le second tour des élections municipales, ont publié une déclaration
concluant que seules quelques irrégularités mineures avaient été
constatées, que le climat électoral avait été calme, et que les
résultats du scrutin témoignaient du caractère concurrentiel du
paysage politique géorgien. Les ambassades ont également noté que
les poursuites judiciaires engagées à l’encontre de Gigi Ugulava,
ancien maire de Tbilissi et dirigeant important du Mouvement national
uni (MNU), avaient contribué aux tensions préélectorales.
14. L’un des principaux évêques de l’Eglise orthodoxe géorgienne
aurait au cours d’un sermon appelé les électeurs à ne pas voter
pour les candidats du MNU, en contradiction avec la loi électorale
qui interdit explicitement aux groupes religieux de faire campagne.
15. Le 2 juillet 2014, le tribunal de Tbilissi a rejeté une demande
du parquet sollicitant la saisie du passeport de Gigi Ugulava, ancien
maire de Tbilissi, mis en examen pour mauvaise utilisation et détournement
de fonds publics. Cependant, le 3 juillet 2014, la police a arrêté
M. Ugulava à l’aéroport, alors qu’il quittait le pays pour se rendre
à une réunion en Ukraine, sur de nouvelles accusations de blanchiment
d’argent. Son arrestation a eu lieu en dépit du moratoire sur les
poursuites judiciaires contre des membres de l’ancien gouvernement, annoncé
par le Premier ministre Garibachvili le 14 avril 2014. L’arrestation
de M. Ugulava, qui était également le principal directeur de campagne
du Mouvement national uni pour les élections locales, a considérablement accru
les tensions dans le contexte préélectoral. Nous déplorons amèrement
l’arrestation de M. Ugulava malgré le moratoire, ainsi que le moment
où elle a eu lieu. Sans vouloir juger cette affaire au fond, son arrestation
apparaît d’autant plus inutile que M. Ugulava, inculpé une première
fois en décembre 2013, a quitté le pays à plusieurs occasions mais
y est toujours revenu.
4. Poursuites à l'encontre de membres de l'ancien gouvernement
16. Le 11 août 2014, la Cour d’appel a confirmé la condamnation
de l’ancien Premier ministre et ministre de l’Intérieur Vano Merabichvili
pour avoir outrepassé ses pouvoirs officiels lors de la dispersion
de manifestations de protestation à Tbilissi, le 26 mai 2011. Outre
sa mise en examen en liaison avec le meurtre de Sandro Girvliani,
il a également été inculpé, avec l’ancien Président Saakachvili,
pour avoir agressé le député Valeri Gelachvili – alors dans l’opposition
– et outrepassé ses fonctions officielles lors de la dispersion
des manifestations antigouvernementales et de la saisie des biens
et de la licence d’IMEDI-TV en 2007.
17. Le 29 août 2014, l’ancien Président du Parlement, Davit Bakradze,
a été entendu par l’accusation à propos d’éventuels avoirs financiers
non déclarés, après la publication sur internet de copies de ses
relevés bancaires. M. Bakradze a expliqué qu’il n’était pas tenu
de déclarer ces comptes, bloqués à l’usage de ses enfants. Nous
avons quelques questions quant à la nécessité d’assigner M. Bakradze
concernant ce point qui aurait pu être facilement clarifié par d’autres
moyens. Nous demandons en outre instamment aux autorités de mener
une enquête approfondie sur la manière dont des relevés bancaires
appartenant à M. Bakradze et à sa famille se sont retrouvés publiés
sur internet, en violation manifeste de leur droit à la vie privée.
18. Dans un rebondissement qui fait polémique, le procureur général
a annoncé, le 28 juillet 2014, qu’il avait engagé des poursuites
pénales contre l’ancien Président Saakachvili pour avoir outrepassé
ses pouvoirs officiels lors de la dispersion en novembre 2007 de
manifestations de protestation antigouvernementales, ainsi que pour
avoir fait saisir les biens et la licence de la chaîne de télévision
IMEDI. Les mêmes accusations ont été portées contre l’ancien Premier
ministre et ministre de l’Intérieur, Vano Merabichvili, l’ancien
procureur général et ministre de la Justice, Zurab Adeichvili, l’ancien
ministre de la Défense, Davit Kezerachvili, et l’ancien maire de
Tbilissi, Gigi Ugulava. Le 2 août 2014, sur requête du parquet,
le tribunal a ordonné la détention provisoire in
absentia de M. Saakachvili, qui réside actuellement aux
Etats-Unis. Le 5 août 2014, de nouvelles poursuites pénales ont
été engagées contre l’ancien Président Saakachvili, en lien avec
l’agression commise contre le député Valeri Gelachvili – alors membre
de l’opposition. Plusieurs partenaires internationaux de la Géorgie
se sont dits inquiets des accusations pesant sur l’ancien Président
Saakachvili et ont pressé les autorités de s’assurer que les poursuites
à son encontre et son procès se dérouleraient dans la transparence
et l’impartialité, sans qu'il soit possible de rendre de décision
biaisée par des motivations politiques. Ceci fait écho à nos déclarations
répétées, figurant également dans le projet de résolution et demandant
à ce que toute action en justice contre des membres de l’ancien
gouvernement soit menée de manière impartiale et transparente, et
dans le plein respect des principes relatifs à un procès équitable, consacrés
par la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) . Les accusations portées
contre l’ancien Président Saakachvili sont graves et personne, y
compris un ancien Président, ne doit être au-dessus des lois. Toutefois,
sans vouloir porter de jugement sur le bien-fondé de ces accusations,
nous souhaitons souligner que toutes les mesures nécessaires doivent
être prises pour garantir que des poursuites judiciaires à l’encontre
d’un ancien Président, incluant des demandes de mise en détention
provisoire, ne seront pas influencées par des facteurs politiques,
en particulier dans un climat aussi tendu que celui de la Géorgie.
19. Le 2 juillet 2014, de nouvelles accusations ont été portées
contre l’ancien ministre de la Défense, Bacho Akhalaia, pour avoir
prétendument ordonné la torture de plusieurs détenus. En octobre
2013, M. Akhalaia a été déclaré coupable et condamné à une peine
d’emprisonnement pour des infractions analogues, mais a été gracié
par le Président de l’époque, Mikheil Saakachvili. Dans le même
temps, il a été disculpé par les tribunaux de plusieurs autres accusations
formulées par le ministère public. Le 5 juillet 2014, le tribunal
a fait suite à la demande de garder M. Akhalaia en détention provisoire
sur la base de ces nouvelles accusations. En prenant la décision
d’accorder la détention provisoire, le tribunal a involontairement
autorisé que celle-ci dépasse légalement la limite de neuf mois
prescrits par la législation géorgienne. De fait, l’avocat de M. Akhalaia
a allégué que c’était là l’unique but des nouvelles accusations
portées contre son client. Nous avons déjà exprimé notre inquiétude
concernant le recours excessif et généralisé à la détention provisoire
en Géorgie et sommes donc extrêmement préoccupés par la procédure
qui a permis que M. Akhalaia demeure en détention provisoire au-delà
de la limite de neuf mois, laquelle est pourtant clairement conforme
à l’esprit de la loi. Nous demandons instamment aux autorités géorgiennes
de remplacer sa détention provisoire par une autre mesure de précaution
non carcérale à disposition des tribunaux et de l’action publique.
5. Propositions d’amendements au projet de résolution sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie
20. Après le paragraphe 10, insérer le paragraphe suivant:
«L’Assemblée se félicite de la manière calme et pacifique dont ont été menées les élections locales des 15 juin et 12 juillet 2014, qui se sont déroulées dans un climat électoral plus détendu. Elle se dit en revanche préoccupée par des incidents violents isolés qui ont émaillé la campagne et par des allégations persistantes de tentatives de pressions et d’intimidation exercées sur des candidats de l’opposition afin qu’ils retirent leur candidature, lesquels ont créé un climat électoral passionné et conflictuel. Elle appelle les autorités à mener, dans la plus grande transparence, une enquête approfondie sur les tentatives de pressions et d’intimidation qu’auraient subies des candidats pour se désister et, si des violations étaient constatées, à poursuivre leurs auteurs en justice, conformément à la législation géorgienne.»
21. Après le paragraphe 10.2, insérer l’alinéa suivant:
«prend note des accusations portées contre l’ancien Président Saakachvili et, tout en soulignant que nul n’est au-dessus des lois, demande instamment aux autorités de s’assurer qu’eu égard au climat politique tendu, les poursuites judiciaires engagées contre lui, dont les demandes de placement en détention provisoire, ne soient pas influencées par des considérations politiques;»
22. Après le paragraphe 10.5, ajouter l’alinéa suivant:
«exprime sa préoccupation concernant la durée de la détention provisoire de l’ancien ministre de la Défense, Bacho Akhalaia, et demande aux autorités d’utiliser tout moyen prévu par la loi pour remplacer sa détention provisoire par une autre mesure de précaution non carcérale.»
23. Au paragraphe 18, à la fin de la phrase, ajouter les mots
suivants: «, ainsi que celles contenues dans son rapport de suivi.»