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Addendum au rapport | Doc. 13588 Add. | 30 septembre 2014

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Michael Aastrup JENSEN, Danemark, ADLE

Corapporteur : M. Boriss CILEVIČS, Lettonie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). Addendum au rapport approuvé par la commission le 29 septembre 2014. 2014 - Quatrième partie de session

1. Introduction

1. Le rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie a été adopté par la commission de suivi le 24 juin 2014. Au cours du débat au sein de la commission, nous avons annoncé que nous présenterons, le cas échéant, un addendum au rapport lors de l’ouverture de la partie de session d’automne 2014, afin de nous assurer que toute évolution significative dans le pays sera mentionnée dans le rapport et dans la résolution à adopter par l’Assemblée.
2. Un certain nombre d’événements intéressant l’Assemblée ont eu lieu depuis l’adoption du rapport, dont notamment le second tour des élections des maires et gamgebeli, qui s’est déroulé le 12 juillet 2014, ainsi que les poursuites pénales en cours contre d’anciens membres du gouvernement. Nous exposerons brièvement ci-après l’évolution de la situation concernant ces deux questions et, plus généralement, le contexte politique.

2. Evolutions générales

3. Le 7 juillet 2014, Eduard Shevardnadze, ancien Président de la Géorgie et dernier ministre des Affaires étrangères de l’Union soviétique, considéré par beaucoup comme l’un des auteurs de la politique de perestroïka et de glasnost, est mort à Tbilissi à l’âge de 86 ans. Il a eu droit à des funérailles nationales en présence de membres du gouvernement et de plusieurs dignitaires étrangers.
4. Le 26 juillet 2014, après un vif échange entre la majorité au pouvoir et l’opposition, un gouvernement remanié dirigé par le Premier ministre Garibachvili a été confirmé dans ses fonctions par le Parlement géorgien. Cinq nouveaux ministres ont été désignés et deux ministres se sont vu attribuer de nouvelles responsabilités. En particulier, l’ancien Défenseur public (Médiateur), Sozar Subari, a troqué son ministère des Services pénitentiaires contre celui des Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et du logement. Les fonctions de ministre des Services pénitentiaires, poste sensible en raison du scandale des sévices infligés aux détenus révélé en 2012, ont été attribuées à Giorgi Mgebrichvili, précédemment dirigeant du Comité pour la sécurité de l’Etat. Les principaux ministères – Défense, Justice, Intérieur et Affaires étrangères – n’ont pas été touchés par le remaniement ministériel.
5. Ces derniers mois, les relations entre le Premier ministre Garibachvili et le Président Margvelachvili se sont détériorées et ce, au vu et au su de l’opinion. Le Premier ministre et le Président se sont publiquement opposés sur qui devait signer l’accord d’association avec l’Union européenne et qui devait représenter le pays à New York lors du Sommet des Nations Unies sur le climat. En outre, le Premier ministre a publiquement critiqué le Président à propos du retard, selon lui inutile, pris dans la déclassification des documents relatifs aux dépenses budgétaires de l’ancien Président Saakachvili, et refusé de participer à la réunion du Conseil de sécurité organisée à l’initiative du Président.
6. Au début du mois de juillet, Thomas Hammarberg, Conseiller spécial de l’Union européenne sur la réforme constitutionnelle et juridique et les droits de l’homme en Géorgie, a publié un rapport sur son ultime mission en Géorgie, qui a eu lieu du 4 au 9 juin 2014. Ses observations et conclusions coïncident avec nombre de constatations figurant dans notre rapport. M. Hammarberg s’est quant à lui félicité de l’adoption d’une stratégie nationale pour la protection des droits de l'homme et d’un plan d'action, du renforcement de l’indépendance de la justice et de la séparation des intérêts du parti et de ceux de l’Etat dans le processus électoral. Il s’est néanmoins dit inquiet de la perméabilité aux ingérences du système judiciaire, ainsi que de l’absence de chaîne de responsabilités du – et de contrôle institutionnel sur le – bureau du procureur général. Il a en outre noté qu’un contrôle des structures répressives demeurait difficile et a souligné à cet égard la nécessité de la création d'un mécanisme de recours indépendant.
7. En juillet 2014, le Médiateur (Ombudsman) a publié son rapport annuel sur les droits de l’homme. Le 1er août, après un débat passionné, le parlement a adopté une résolution appelant à la mise en œuvre des recommandations contenues dans ledit rapport. Le Défenseur public y insistait notamment sur la nécessité d’un mécanisme de recours indépendant en relation avec les structures répressives et demandait à ce que les affaires de mauvais traitements et de décès en milieu pénitentiaire fassent l’objet d’enquêtes approfondies. Il a de plus appelé le ministère de l’Intérieur à enquêter pleinement et de manière totalement transparente sur tous les signalements de cas de violences à motivation religieuse envers des minorités.
8. Le 10 septembre 2014, une tête de porc a été clouée sur la porte d’une école musulmane à Kobouleti, en Adjarie. Les autorités ont fermement condamné cette action. Tout en saluant la rapidité de la condamnation, nous souhaitons souligner que cet incident est révélateur de la nécessité pour les autorités de continuer de protéger les droits des minorités religieuses et de préconiser leur acceptation et leur intégration sans réserve au sein de la société géorgienne.
9. Le groupe parlementaire Rêve géorgien–Géorgie démocratique, premier parti de la coalition majoritaire au pouvoir, a révoqué son vice-Président du Parlement national, M. Murman Dumbadze, pour son implication dans les tentatives de membres de Rêve géorgien–Géorgie démocratique siégeant au Parlement adjare de destitution du chef du Gouvernement de l’Adjarie. Ces tentatives n’auraient ni été avalisées par la direction nationale de la coalition, ni soutenues par aucun autre des partis la composant.
10. Le 27 juin 2014, la Géorgie a signé un accord d’association, incluant un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’Union européenne. Cet accord a été ratifié le 18 juillet 2014 lors d’une session extraordinaire du Parlement géorgien.

3. Deuxième tour des élections municipales

11. Le 15 juin 2014, des élections locales se sont déroulées en Géorgie. Dans notre rapport, nous avons déjà évoqué le contexte préélectoral tendu et la succession d’allégations selon lesquelles des candidats de l’opposition subissaient des pressions pour retirer leur candidature. Lors du premier tour, des candidats proposés par la coalition Rêve géorgien ont remporté les sièges de maires et de chefs de l’exécutif de villes (gamgebeli) 
			(1) 
			Chefs du pouvoir exécutif
local. dans quatre villes autonomes et 46 municipalités. Ces élections ont été observées par une délégation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, qui s’est félicitée de l’amélioration du climat électoral et de la manière calme et pacifique dont avaient été menées ces élections. Elle s’est en revanche dite préoccupée par la propension des déclarations très dures, voire la violence, de la campagne préélectorale, ainsi que par des allégations faisant état de tentatives de pressions et d’intimidation exercées sur des candidats de l’opposition.
12. Le second tour des élections de maires dans huit villes autonomes et de gamgebeli dans 12 municipalités a eu lieu le 12 juillet 2014. Ces élections ont toutes été remportées, avec une confortable majorité, par des candidats proposés par la coalition Rêve géorgien. A l’issue du second tour, la majorité en place détenait les postes de maires et de gamgebeli dans l’ensemble des 71 municipalités et était majoritaire au sein du conseil municipal dans 66 d’entre elles, consolidant ainsi sa position dominante dans la politique géorgienne.
13. Ni le Conseil de l’Europe ni l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) n’ont observé ces élections. Cependant, les ambassades des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni et des Pays-Bas, qui ont dépêché une mission d’observation pour le second tour des élections municipales, ont publié une déclaration concluant que seules quelques irrégularités mineures avaient été constatées, que le climat électoral avait été calme, et que les résultats du scrutin témoignaient du caractère concurrentiel du paysage politique géorgien. Les ambassades ont également noté que les poursuites judiciaires engagées à l’encontre de Gigi Ugulava, ancien maire de Tbilissi et dirigeant important du Mouvement national uni (MNU), avaient contribué aux tensions préélectorales.
14. L’un des principaux évêques de l’Eglise orthodoxe géorgienne aurait au cours d’un sermon appelé les électeurs à ne pas voter pour les candidats du MNU, en contradiction avec la loi électorale qui interdit explicitement aux groupes religieux de faire campagne.
15. Le 2 juillet 2014, le tribunal de Tbilissi a rejeté une demande du parquet sollicitant la saisie du passeport de Gigi Ugulava, ancien maire de Tbilissi, mis en examen pour mauvaise utilisation et détournement de fonds publics. Cependant, le 3 juillet 2014, la police a arrêté M. Ugulava à l’aéroport, alors qu’il quittait le pays pour se rendre à une réunion en Ukraine, sur de nouvelles accusations de blanchiment d’argent. Son arrestation a eu lieu en dépit du moratoire sur les poursuites judiciaires contre des membres de l’ancien gouvernement, annoncé par le Premier ministre Garibachvili le 14 avril 2014. L’arrestation de M. Ugulava, qui était également le principal directeur de campagne du Mouvement national uni pour les élections locales, a considérablement accru les tensions dans le contexte préélectoral. Nous déplorons amèrement l’arrestation de M. Ugulava malgré le moratoire, ainsi que le moment où elle a eu lieu. Sans vouloir juger cette affaire au fond, son arrestation apparaît d’autant plus inutile que M. Ugulava, inculpé une première fois en décembre 2013, a quitté le pays à plusieurs occasions mais y est toujours revenu.

4. Poursuites à l'encontre de membres de l'ancien gouvernement

16. Le 11 août 2014, la Cour d’appel a confirmé la condamnation de l’ancien Premier ministre et ministre de l’Intérieur Vano Merabichvili pour avoir outrepassé ses pouvoirs officiels lors de la dispersion de manifestations de protestation à Tbilissi, le 26 mai 2011. Outre sa mise en examen en liaison avec le meurtre de Sandro Girvliani, il a également été inculpé, avec l’ancien Président Saakachvili, pour avoir agressé le député Valeri Gelachvili – alors dans l’opposition – et outrepassé ses fonctions officielles lors de la dispersion des manifestations antigouvernementales et de la saisie des biens et de la licence d’IMEDI-TV en 2007.
17. Le 29 août 2014, l’ancien Président du Parlement, Davit Bakradze, a été entendu par l’accusation à propos d’éventuels avoirs financiers non déclarés, après la publication sur internet de copies de ses relevés bancaires. M. Bakradze a expliqué qu’il n’était pas tenu de déclarer ces comptes, bloqués à l’usage de ses enfants. Nous avons quelques questions quant à la nécessité d’assigner M. Bakradze concernant ce point qui aurait pu être facilement clarifié par d’autres moyens. Nous demandons en outre instamment aux autorités de mener une enquête approfondie sur la manière dont des relevés bancaires appartenant à M. Bakradze et à sa famille se sont retrouvés publiés sur internet, en violation manifeste de leur droit à la vie privée.
18. Dans un rebondissement qui fait polémique, le procureur général a annoncé, le 28 juillet 2014, qu’il avait engagé des poursuites pénales contre l’ancien Président Saakachvili pour avoir outrepassé ses pouvoirs officiels lors de la dispersion en novembre 2007 de manifestations de protestation antigouvernementales, ainsi que pour avoir fait saisir les biens et la licence de la chaîne de télévision IMEDI. Les mêmes accusations ont été portées contre l’ancien Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Vano Merabichvili, l’ancien procureur général et ministre de la Justice, Zurab Adeichvili, l’ancien ministre de la Défense, Davit Kezerachvili, et l’ancien maire de Tbilissi, Gigi Ugulava. Le 2 août 2014, sur requête du parquet, le tribunal a ordonné la détention provisoire in absentia de M. Saakachvili, qui réside actuellement aux Etats-Unis. Le 5 août 2014, de nouvelles poursuites pénales ont été engagées contre l’ancien Président Saakachvili, en lien avec l’agression commise contre le député Valeri Gelachvili – alors membre de l’opposition. Plusieurs partenaires internationaux de la Géorgie se sont dits inquiets des accusations pesant sur l’ancien Président Saakachvili et ont pressé les autorités de s’assurer que les poursuites à son encontre et son procès se dérouleraient dans la transparence et l’impartialité, sans qu'il soit possible de rendre de décision biaisée par des motivations politiques. Ceci fait écho à nos déclarations répétées, figurant également dans le projet de résolution et demandant à ce que toute action en justice contre des membres de l’ancien gouvernement soit menée de manière impartiale et transparente, et dans le plein respect des principes relatifs à un procès équitable, consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) 
			(2) 
			Paragraphe 10.2 du
projet de résolution.. Les accusations portées contre l’ancien Président Saakachvili sont graves et personne, y compris un ancien Président, ne doit être au-dessus des lois. Toutefois, sans vouloir porter de jugement sur le bien-fondé de ces accusations, nous souhaitons souligner que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour garantir que des poursuites judiciaires à l’encontre d’un ancien Président, incluant des demandes de mise en détention provisoire, ne seront pas influencées par des facteurs politiques, en particulier dans un climat aussi tendu que celui de la Géorgie.
19. Le 2 juillet 2014, de nouvelles accusations ont été portées contre l’ancien ministre de la Défense, Bacho Akhalaia, pour avoir prétendument ordonné la torture de plusieurs détenus. En octobre 2013, M. Akhalaia a été déclaré coupable et condamné à une peine d’emprisonnement pour des infractions analogues, mais a été gracié par le Président de l’époque, Mikheil Saakachvili. Dans le même temps, il a été disculpé par les tribunaux de plusieurs autres accusations formulées par le ministère public. Le 5 juillet 2014, le tribunal a fait suite à la demande de garder M. Akhalaia en détention provisoire sur la base de ces nouvelles accusations. En prenant la décision d’accorder la détention provisoire, le tribunal a involontairement autorisé que celle-ci dépasse légalement la limite de neuf mois prescrits par la législation géorgienne. De fait, l’avocat de M. Akhalaia a allégué que c’était là l’unique but des nouvelles accusations portées contre son client. Nous avons déjà exprimé notre inquiétude concernant le recours excessif et généralisé à la détention provisoire en Géorgie et sommes donc extrêmement préoccupés par la procédure qui a permis que M. Akhalaia demeure en détention provisoire au-delà de la limite de neuf mois, laquelle est pourtant clairement conforme à l’esprit de la loi. Nous demandons instamment aux autorités géorgiennes de remplacer sa détention provisoire par une autre mesure de précaution non carcérale à disposition des tribunaux et de l’action publique.

5. Propositions d’amendements au projet de résolution sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie

20. Après le paragraphe 10, insérer le paragraphe suivant:
«L’Assemblée se félicite de la manière calme et pacifique dont ont été menées les élections locales des 15 juin et 12 juillet 2014, qui se sont déroulées dans un climat électoral plus détendu. Elle se dit en revanche préoccupée par des incidents violents isolés qui ont émaillé la campagne et par des allégations persistantes de tentatives de pressions et d’intimidation exercées sur des candidats de l’opposition afin qu’ils retirent leur candidature, lesquels ont créé un climat électoral passionné et conflictuel. Elle appelle les autorités à mener, dans la plus grande transparence, une enquête approfondie sur les tentatives de pressions et d’intimidation qu’auraient subies des candidats pour se désister et, si des violations étaient constatées, à poursuivre leurs auteurs en justice, conformément à la législation géorgienne.»
21. Après le paragraphe 10.2, insérer l’alinéa suivant:
«prend note des accusations portées contre l’ancien Président Saakachvili et, tout en soulignant que nul n’est au-dessus des lois, demande instamment aux autorités de s’assurer qu’eu égard au climat politique tendu, les poursuites judiciaires engagées contre lui, dont les demandes de placement en détention provisoire, ne soient pas influencées par des considérations politiques;»
22. Après le paragraphe 10.5, ajouter l’alinéa suivant:
«exprime sa préoccupation concernant la durée de la détention provisoire de l’ancien ministre de la Défense, Bacho Akhalaia, et demande aux autorités d’utiliser tout moyen prévu par la loi pour remplacer sa détention provisoire par une autre mesure de précaution non carcérale.»
23. Au paragraphe 18, à la fin de la phrase, ajouter les mots suivants: «, ainsi que celles contenues dans son rapport de suivi.»