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Rapport | Doc. 13663 | 09 janvier 2015

Protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Andrej HUNKO, Allemagne, GUE

Origine - Renvoi en commission: Doc.13043, Renvoi 3913 du 5 octobre 2012. 2015 - Première partie de session

Résumé

En Europe, le droit syndical des employés, le droit de négociation collective avec des employeurs et le droit de grève font depuis longtemps partie du contrat social du continent, consacré par la Convention européenne des droits de l’homme et par la Charte sociale européenne.

Cependant, ces droits fondamentaux sont aujourd’hui menacés du fait de la crise économique et financière prolongée qui sévit en Europe et des politiques d’austérité continues dans certains Etats. Cela a entraîné une montée des inégalités, une tendance à la baisse des salaires et une dégradation des conditions de travail. En l’absence de moyens suffisants pour défendre les droits sociaux à l’heure de la mondialisation, les perspectives d’avenir de générations entières pourraient être compromises. L’exclusion de certains groupes du développement économique et du partage des richesses pourrait finir par porter atteinte à la démocratie elle-même.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient protéger et renforcer le droit syndical, le droit de négociation collective et le droit de grève, en révisant leur Code du travail le cas échéant (conformément à la Charte sociale européenne (révisée)) et en renforçant les inspections de travail chargées de veiller à l’application de ses dispositions. Les syndicats et d’autres acteurs devraient avoir la possibilité d’exercer un «recours collectif» si les entreprises ne respectent pas la loi. Enfin, les Etats devraient mettre fin aux politiques d’austérité et mettre davantage l’accent sur des politiques volontaristes d’investissement.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 2 décembre
2014.

(open)
1. Le dialogue social, c’est-à-dire le dialogue régulier et institutionnalisé entre les représentants des employeurs et des salariés, fait partie intégrante des processus socio-économiques européens depuis des décennies. Le droit syndical, le droit de négociation collective et le droit de grève – autant d’éléments essentiels de ce dialogue – ne sont pas seulement des principes démocratiques sous-tendant les processus économiques modernes, mais aussi des droits fondamentaux inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et dans la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163).
2. Pourtant, ces droits fondamentaux sont menacés dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe depuis quelques années, dans le contexte de la crise économique et des mesures d’austérité. Dans certains pays, le droit syndical a été restreint, des conventions collectives ont été révoquées, la négociation collective remise en cause et le droit de grève limité. En conséquence, dans les pays touchés, les inégalités se sont creusées, les salaires connaissent une baisse tendancielle persistante, et on observe des effets négatifs sur les conditions de travail et d’emploi.
3. L’Assemblée parlementaire est très préoccupée par ces tendances et par leurs conséquences pour les valeurs, les institutions et les résultats de la gouvernance économique. Sans égalité des chances pour tous en matière d’accès à un emploi décent, sans moyens suffisants de défendre les droits sociaux dans un contexte économique mondialisé, ce sont l’intégration, l’épanouissement et les perspectives d’avenir de générations entières qui seront compromis. A moyen terme, l’exclusion de certains groupes du développement économique, du partage des richesses et de la prise de décisions risque d’être très préjudiciable aux économies européennes et à la démocratie elle-même.
4. Investir dans les droits sociaux, c’est investir dans l’avenir. Pour bâtir et préserver des systèmes socio-économiques solides et durables en Europe, il est nécessaire de protéger et promouvoir les droits sociaux.
5. En particulier le droit de négociation collective et le droit de grève sont primordiaux afin d’assurer que les travailleurs et leurs organisations puissent participer au processus socio-économique de manière effective, pour promouvoir leurs intérêts en matière de salaires, de conditions de travail et de droits sociaux. Il faudrait prendre les «partenaires sociaux» pour ce qu’ils sont: des «partenaires» qui s’associent pour obtenir de bons résultats économiques, et parfois des opposants ayant pour vocation à parvenir à un accord entre leurs intérêts concernant la répartition des pouvoirs et des ressources qui se raréfient.
6. Un changement de mentalité doit s’opérer en Europe et au-delà si nous voulons surmonter la crise actuelle et entrer dans une nouvelle ère économique au XXIe siècle.
7. En conséquence, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre les mesures suivantes pour faire respecter les normes les plus élevées en matière de démocratie et de bonne gouvernance dans le domaine socio-économique:
7.1. Protéger et renforcer le droit syndical, le droit de négociation collective et le droit de grève:
7.1.1. en ratifiant et en mettant en œuvre la Charte sociale européenne (révisée), si cela n’a pas encore été fait;
7.1.2. en développant ou en révisant leur législation du travail pour la rendre complète et solide en ce qui concerne ces droits spécifiques;
7.1.3. en rétablissant ces droits partout où des institutions et des processus ont déjà été remis en cause par de récents changements législatifs ou réglementaires;
7.2. Rendre les acteurs économiques responsables du respect du droit syndical, du droit de négociation collective et du droit de grève:
7.2.1. en ratifiant et en mettant en œuvre le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE n° 158), si cela n’a pas encore été fait;
7.2.2. en favorisant l’utilisation, au moyen de la législation du travail, d’instruments collectifs comme le «recours collectif» (en particulier pour les syndicats), destinés à la prévention des pratiques commerciales illégales;
7.2.3. en créant ou en maintenant une inspection du travail efficace, dotée de ressources suffisantes;
7.3. Changer l’orientation des politiques actuelles, en mettant fin aux politiques financières et économiques d’austérité et en mettant l’accent sur des mesures d’investissement proactives, telles que des niveaux d’investissement minimums coordonnés, un renforcement de la participation des partenaires sociaux et la promotion d’un travail décent pour tous;
7.4. S’efforcer d’assurer la plus grande cohérence possible entre les décisions prises dans différents contextes institutionnels et judiciaires, y compris dans le cadre de l’Union européenne, au niveau national et au niveau du Conseil de l’Europe, de manière à garantir l’efficacité des mécanismes existants de protection des droits sociaux.

B. Exposé des motifs, par M. Hunko, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’Assemblée parlementaire a souligné à maintes reprises l’importance de protéger et de défendre les droits sociaux en tant que partie intégrante et indivisible des droits humains, notamment dans la Résolution 1884 (2012) «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux». Les crises économiques et politiques en cours en Europe représentent une menace pour les droits sociaux et démocratiques. Le droit à la liberté de réunion et d’association – y compris le droit de fonder des syndicats et d’y adhérer pour défendre ses intérêts, le droit de négociation collective et le droit de grève – constitue un droit fondamental garanti par la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») et la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163).
2. Cependant, ces droits sont aujourd’hui menacés. Dans un contexte marqué par la crise économique et sociale et l’augmentation du taux de chômage dans de nombreux pays, ils sont souvent remis en cause comme des éléments contribuant à la rigidité excessive du marché du travail et ont, par conséquent, été gravement affaiblis sous l’effet de diverses mesures législatives ou exécutives. Si certaines mesures – envisagées individuellement – sont susceptibles de modifier les systèmes de négociation collective sans nuire aux droits sociaux et économiques fondamentaux, d’autres restreignent indûment ces droits. L’effet global – individuel et combiné – des mesures devrait donc faire l’objet d’une étroite surveillance.
3. Dans le présent rapport, je souhaite examiner l’impact concret des réformes récentes et des développements en cours sur les relations du travail et, en dernier ressort, sur la qualité de l’emploi, en m’appuyant sur plusieurs études de cas nationaux. La précédence accordée aux droits économiques sur les droits fondamentaux à l’intérieur de l’Union européenne fera également l’objet d’un examen critique. L’objectif est de formuler des recommandations pour les politiques européennes et nationales visant à protéger et à promouvoir le droit de négociation collective, en y incluant les conflits du travail et le «dialogue social», en tant qu’aspect essentiel du modèle social européen et valeur fondamentale des économies de marché européennes.

2. Normes européennes et internationales de protection du droit fondamental à la négociation collective et pratiques nationales actuelles

4. Le droit à la liberté de réunion et d’association – y compris le droit de fonder des syndicats et d’y adhérer pour défendre ses intérêts – constitue un droit fondamental garanti à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») a statué à l’unanimité que l’article 11 englobe le droit de négociation collective et le droit de grève pour les syndicats 
			(2) 
			La décision unanime
de la Grande Chambre dans l’affaire Demir
et Baykara c. Turquie (Requête n° 34504/97, arrêt du
12 novembre 2008) a révoqué explicitement la jurisprudence antérieure,
en modifiant fondamentalement l’interprétation de la liberté d’association
au titre de l’article 11. Dans les affaires suivantes (à commencer par Enerji Yapı-Yol Sen c. Turquie,
Requête n° 68959/01, arrêt du 21 avril 2009), cette ligne d’interprétation
a été développée de telle façon que le droit de négociation collective
et le droit de grève sont maintenant considérés comme des éléments
à part entière de la liberté d’association au titre de l’article
11 de la Convention. . En outre, le droit syndical et le droit de négociation collective dans le contexte du travail et le droit de grève sont garantis respectivement aux articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne (révisée). Il convient aussi de citer dans ce contexte le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE n° 158) en vertu duquel certaines organisations non gouvernementales nationales et internationales peuvent «faire des réclamations alléguant une application non satisfaisante de la Charte». Ce mécanisme est régulièrement utilisé par les syndicats nationaux 
			(3) 
			Voir le site de la
Charte sociale européenne – page sur le mécanisme de réclamations
collectives: <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/complaints/complaints_FR.asp'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/complaints/complaints_FR.asp</a>..
5. Au niveau de l’Union européenne, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit à son article 28 le droit de négociation et d’actions collectives. Il est envisagé depuis un certain temps d’élaborer une approche européenne cohérente de recours collectif visant à prévenir les pratiques illégales en droit du travail, mais jusqu’ici, la réflexion en ce sens n’a conduit qu’à des recommandations non contraignantes au niveau de l’Union européenne 
			(4) 
			La Commission européenne
recommande aux Etats membres d’avoir des mécanismes de recours collectif
en place afin de garantir un accès à la justice, <a href='http://ec.europa.eu/justice/newsroom/civil/news/130611_en.htm'>http://ec.europa.eu/justice/newsroom/civil/news/130611_en.htm</a> (disponible seulement en anglais)..
6. Pour le Bureau international du travail 
			(5) 
			Le Bureau international
du travail est le secrétariat permanent de l’Organisation internationale
du Travail (OIT), voir: <a href='http://ilo.org/global/about-the-ilo/who-we-are/international-labour-office/lang--en/index.htm'>http://ilo.org/global/about-the-ilo/who-we-are/international-labour-office/lang--en/index.htm</a>. , la négociation collective est l’un des piliers principaux du modèle social européen 
			(6) 
			Vaughan-Whitehead Daniel
(éd.), The European Social Model in times of economic crisis and
austerity policies, Bureau international du travail, Genève, février
2014; voir le résumé synthétique en ligne: <a href='http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---europe/---ro-geneva/---ilo-brussels/documents/publication/wcms_236720.pdf'>www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---europe/---ro-geneva/---ilo-brussels/documents/publication/wcms_236720.pdf</a>. , qui fait actuellement l’objet d’un examen plus détaillé dans un autre rapport préparé par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable 
			(7) 
			«Vers un nouveau modèle
social européen» (rapporteure: Mme Maria
de Bélem Roseira, Portugal, SOC), qui devrait être débattu en 2015.. La négociation collective est un droit fondamental inscrit dans la Constitution de l’OIT, affirmé dans les conventions nos 98, 151 et 154 et réaffirmé en tant que tel en 1998 dans la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail. L’OIT définit la négociation collective comme «un moyen essentiel grâce auquel les employeurs, leurs organisations et les syndicats peuvent établir des salaires et des conditions de travail équitables. Elle est au fondement de relations du travail saines». Dans la pratique, les questions qui figurent en général à l’ordre du jour de négociations concernent les salaires, le temps de travail, la formation, la santé et la sécurité professionnelle, l’égalité de traitement et autres conditions d’emploi et de travail. Renforcer le caractère inclusif de la négociation collective et des conventions collectives est généralement perçu comme un moyen clé de réduire l’inégalité et d’étendre les protections du travail 
			(8) 
			ILO
Topics, Collective bargaining and labour relations: <a href='http://ilo.org/global/topics/collective-bargaining-labour-relations/lang--en/index.htm'>http://ilo.org/global/topics/collective-bargaining-labour-relations/lang--en/index.htm</a>..
7. Au niveau national, selon les données disponibles de l’Union européenne (portant sur les 28 Etats de l’Union européenne et la Norvège), le pourcentage de salariés couverts par la négociation collective – principal indicateur de ce droit – varie de 15 % à nettement plus de 90 %. Les pays figurant en tête du tableau ci‑après ont un taux de syndicalisation élevé, comme cela est le cas dans les pays nordiques, ou bien sont dotés de structures légales assurant une portée étendue aux conventions collectives. Dans les pays figurant en bas de liste, la négociation au niveau de l’entreprise prédomine. Dans certains pays comme la Belgique, l’Italie ou la Suède, des liens existent entre les différents niveaux de négociation, mais dans d’autres comme le Luxembourg ou Chypre, les divers niveaux coexistent simplement. Globalement, la tendance semble aller dans le sens d’une plus grande décentralisation et le développement de sociétés transnationales, et la crise a manifestement accéléré ces tendances 
			(9) 
			Institut
syndical européen (European Trade Union Institute (ETUI)), Collective
bargaining: <a href='http://www.worker-participation.eu/National-Industrial-Relations/Across-Europe/Collective-Bargaining2'>www.worker-participation.eu/National-Industrial-Relations/Across-Europe/Collective-Bargaining2</a>..

Tableau 1 
			(10) 
			Ibid.

Pays

Salariés couverts par la négociation collective (%)

Niveau clé de la négociation collective

France

98 %

Secteur d’activité et entreprise

Belgique

96 %

Echelon national (fixe le cadre)

Autriche

95 %

Secteur d’activité

Portugal

92 %

Secteur d’activité

Finlande

91 %

Secteur d’activité – mais un rôle important est laissé aux négociations au niveau de l’entreprise

Slovénie

90 %

Secteur d’activité

Suède

88 %

Secteur d’activité – mais un rôle important est laissé aux négociations au niveau de l’entreprise

Pays-Bas

81 %

Secteur d’activité (avec aussi certaines négociations au niveau de l’entreprise)

Danemark

80 %

Secteur d’activité – mais un rôle important est laissé aux négociations au niveau de l’entreprise

Italie

80 %

Secteur d’activité

Norvège

70 %

Echelon national et secteur d’activité

Espagne

70 %

Secteur d’activité – mais la nouvelle législation donne la précédence aux conventions d’entreprise

Grèce

65 %

Secteur d’activité – mais, avec la crise, les négociations au niveau de l’entreprise jouent maintenant un rôle plus important

Croatie

61 %

Secteur d’activité et entreprise

Malte

61 %

Entreprise

Allemagne

59 %

Secteur d’activité

Chypre

52 %

Secteur d’activité et entreprise

Luxembourg

50 %

Secteur d’activité ou entreprise (varie selon les secteurs)

Irlande

44 %

Entreprise

République tchèque

38 %

Entreprise

Roumanie

36 %

Secteur d’activité et entreprise

République slovaque

35 %

Secteur d’activité et entreprise

Lettonie

34 %

Entreprise

Estonie

33 %

Entreprise

Hongrie

33 %

Entreprise

Bulgarie

30 %

Entreprise

Royaume‑Uni

29 %

Entreprise

Pologne

25 %

Entreprise

Lituanie

15 %

Entreprise

 

 

 

Moyenne de l’Union européenne

62 %

 

Moyenne, Norvège incluse

62 %

 

3. Menaces pesant actuellement sur le droit de négociation collective, y compris le droit de grève

8. Pour examiner les menaces dues à la crise économique, mais aussi à la dynamique de la mondialisation, il est nécessaire de distinguer l’impact sur le dialogue social en tant que tel et ses conséquences pour l’emploi et les conditions de travail, telles qu’éprouvées par les individus. C’est pourquoi je souhaite examiner les tendances structurelles dans le domaine des relations du travail à différents niveaux, notamment celui de: 1) la législation et les politiques liées aux processus de négociation collective et aux conventions collectives en tant que telles (comme éléments structurant le «dialogue social»); 2) leurs résultats effectifs et potentiels pour la population active, par exemple du point de vue des salaires et du maintien de conditions de travail sûres et saines. Plusieurs pays serviront à illustrer certains des développements récents ou en cours.

3.1. Interférence dans les relations du travail en réponse à la crise

9. La crise financière et économique a provoqué une forte augmentation du chômage. Le point de vue qui prédomine parmi les gouvernements européens et d’autres acteurs comme les employeurs est que ce chômage est dû, dans une large mesure, à la rigidité des cadres institutionnels du marché de l’emploi. C’est pourquoi de nombreux pays membres du Conseil de l’Europe ont pris des mesures au niveau législatif et exécutif pour introduire des dispositifs plus flexibles – en les justifiant souvent par le concept nouveau mais controversé de «flexicurité» 
			(11) 
			Voir les définitions
et les activités intéressantes de la Fondation européenne pour l’amélioration
des conditions de vie et de travail (Eurofound), un organe tripartite
de l’Union européenne basé à Dublin (Irlande): <a href='http://www.eurofound.europa.eu/areas/industrialrelations/dictionary/definitions/flexicurity.htm'>www.eurofound.europa.eu/areas/industrialrelations/dictionary/definitions/flexicurity.htm</a>. . L’aggravation du chômage, mais aussi la précarisation, par exemple les salariés voyant leur statut modifier en «travailleurs indépendants», et l’externalisation ont affecté l’exercice des droits collectifs. A mon avis, les politiques d’austérité renforcent les tendances négatives existant actuellement sur le marché de l’emploi au lieu d’y remédier de manière efficace. L’Assemblée a exprimé un point de vue similaire dans sa Résolution 1884 (2012) «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux».
10. Certaines réformes de la réglementation et des pratiques en vigueur sur le marché de l’emploi ont aussi eu des incidences directes sur le droit de négociation collective. Entre autres choses, ces mesures favorisent ou provoquent continûment une décentralisation des systèmes de négociation collective, un affaiblissement de ces systèmes, une réduction du rôle des syndicats, des interventions directes dans les systèmes de négociation collective et l’interdiction de faire grève 
			(12) 
			Arbeiterkammer
Wien, Die Finanzkrise und ihre Auswirkungen
auf Sozialstaaten (Chambre du travail de Vienne, La crise
financière et ses effets sur les Etats‑providence), Infobrief EU und International,
Ausgabe 5, décembre 2012, <a href='http://media.arbeiterkammer.at/PDF/EU_Infobrief_5_2012.pdf'>http://media.arbeiterkammer.at/PDF/EU_Infobrief_5_2012.pdf</a> (p. 4, tableau 5).. On peut illustrer ces tendances à l’aide d’exemples qui montrent comment les systèmes existants de négociation collective ont évolué dans différents contextes.

3.1.1. Grèce 
			(13) 
			L’ensemble des informations
présentées dans ce chapitre sont tirées de: ILO Working Paper n°
38, Social dialogue and collective bargaining in times of crisis:
The case of Greece, Eleni Patra, Genève, 2012.

11. Le système de négociation collective de la Grèce a été récemment, comme dans certains autres pays, démantelé et remplacé en grande partie par des conventions au niveau de l’entreprise, en affaiblissant ainsi ou en mettant un terme à la représentation collective permanente à ce niveau. Les négociations pour le renouvellement des conventions collectives ont pratiquement cessé et les syndicats ne jouent presque plus aucun rôle. Il y a déjà plus d’un an, Guy Ryder, Directeur général de l’OIT, déclarait que «les interventions de la Troïka dans les programmes des pays de l’Union européenne ont mis gravement en danger la négociation collective et le dialogue social et, dans certains des pays les plus durement touchés comme la Grèce, le dialogue social a même cessé» 
			(14) 
			Guy Ryder, «Social
dialogue is and must be part of the solution to the crisis», note
d’information publiée le 19 avril 2013, site de l’OIT: <a href='http://www.ilo.org/'>www.ilo.org</a>. .
12. Pour répondre à la crise, la Grèce a introduit des changements majeurs dans la législation concernant la négociation collective. Les textes de loi qui garantissaient auparavant certaines normes en matière de conditions de travail, de salaires et de négociation des conventions collectives ont notamment été modifiés sous l’impact du mémorandum d’accord signé entre la Grèce et la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI)), dont l’un des premiers effets a été la suspension des conventions collectives.
13. La législation ultérieure adoptée dans le pays a conduit également à l’interdiction des augmentations de salaire et à la réduction des prestations et indemnités, d’abord dans la fonction publique, puis aussi dans le secteur privé 
			(15) 
			Notamment les lois
nos 3833/2010 et 3871/2010.. Après 2011, les augmentations salariales n’ont été autorisées qu’à la condition d’être couvertes par la «convention collective générale nationale» (EGSSE). A partir de 2012, toujours dans le cadre du programme d’austérité, une nouvelle législation a encore modifié de façon importante les conventions collectives en limitant leur période de validité 
			(16) 
			Notamment
la loi n° 4046/2012, qui inclut un «accord de facilité financière»..
14. Un autre élément montrant comment le système de négociation collective a été modifié par la nouvelle législation est le renforcement d’autres formes de représentation que les syndicats et les conseils de travailleurs, notamment les «associations de personnes». Ce mode de représentation avait été créé à l’origine pour assurer la participation des salariés des petites et moyennes entreprises où n’existait pas de syndicat. Cette fonction a été remise en cause par la nouvelle législation, qui étend maintenant la possibilité de créer une association de ce type à toutes les entreprises petites et moyennes, même celles où existe un syndicat. La création d’une telle association peut être décidée à la majorité des trois cinquièmes des salariés, ce qui ouvre la voie à l’exercice de pressions par les employeurs pour la conclusion de conventions défavorables aux salariés 
			(17) 
			Sous l’effet de la
loi n° 1264/1982, complétée ensuite par la loi n° 4024/2011..
15. En outre, en 2010, a été introduite la notion d’«accords spéciaux d’entreprise» permettant la mise en place de normes salariales et de conditions d’emploi non conformes aux conventions sectorielles 
			(18) 
			Voir loi n° 3899/2010,
article 13.. Près de 50 % des conventions collectives négociées chaque année, c’est‑à‑dire les conventions concernant 4 000 entreprises et environ 700 000 salariés, sont aujourd’hui des «accords spéciaux d’entreprise», dont la plupart ont été conclus avec une «association de personnes».

3.1.2. Portugal

16. La tendance au démantèlement de l’ensemble du système de négociation collective s’observe aussi au Portugal: selon la Confédération européenne des syndicats (CES), les 116 conventions négociées en 2010 n’étaient plus que 9 en 2013 et le nombre de salariés couverts a diminué pendant la même période de 1,5 million à 300 000 (en 2012) 
			(19) 
			Informations
fournies par Mme Veronica Nilsson, Secrétaire
confédéral, Confédération européenne des syndicats (CES), lors d’un
échange de vues avec la commission le 24 juin 2014 à Strasbourg,
sur le thème «Droits sociaux et dialogue social en temps de crise».. Le programme d’ajustement de la Troïka a mis fin à l’extension automatique des conventions collectives sectorielles et a subordonné l’extension à de sévères critères de représentativité. En pratique, le ministère du Travail et de la Solidarité sociale n’a pas étendu de conventions collectives depuis juin 2011.
17. Le décret-loi 19/2013 publié en février 2013 a été adopté sans consultation préalable des partenaires sociaux. Il a imposé aux salariés du secteur bancaire la suspension des conventions collectives qui étaient en vigueur. Le Sindicato dos Bancários do Sul e Ilhas a déposé plainte à l’OIT contre cette violation de ses droits 
			(20) 
			International Trade
Union Confederation (ITUC), Global Rights
Index 2014 – Portugal, 19 mai 2014: <a href='http://www.refworld.org/docid/53bcf98f8.html'>www.refworld.org/docid/53bcf98f8.html</a>. . En ce qui concerne la limitation du droit de grève, la liste excessivement longue de «services d’utilité publique» dont le fonctionnement opérationnel peut être imposé en cas de grève, comprend un large éventail de secteurs: production et distribution alimentaire, transports publics, production pharmaceutique, chantiers navals, banque et secteur militaro-industriel.

3.1.3. Roumanie

18. Afin d’introduire des mesures d’austérité, le Gouvernement roumain a adopté une nouvelle législation qui a eu un impact direct sur les conventions collectives 
			(21) 
			Notamment les lois
nos 40/2011 et 62/2011 (amendant le code
du travail roumain).. Cette législation, qui était, entre autres, le résultat d’une table ronde organisée avec la participation des mandants tripartites roumains, du FMI, de la Banque mondiale, de la Commission européenne et de l’OIT, a introduit pour la première fois en vingt ans des changements importants 
			(22) 
			L’ensemble des informations
présentées dans ce chapitre sont tirées de: The impact of legislative
reforms on industrial relations in Romania, Luminita Chivu, Constantin
Ciutacu, Raluca Dimitriu et Tiberiu Ticlea, OIT, 2013.. Elle a notamment limité la durée des conventions collectives à 12 mois minimum et 24 mois maximum (alors qu’il n’existait auparavant aucune durée maximum) et supprimé toute forme de convention collective et de négociation au niveau national. Pour créer un syndicat, il est maintenant nécessaire de réunir au moins 15 salariés d’une même unité (entreprise), alors que, dans la législation antérieure, il suffisait de 15 salariés d’une même branche ou profession. Comme environ 90 % des entreprises roumaines emploient moins de dix salariés, il devient par conséquent impossible pour la plupart des travailleurs de s’organiser et de défendre leurs droits.
19. Pour l’OIT, la nouvelle approche roumaine représente clairement une interférence indue dans le système de négociation collective, tel que garanti par les normes internationales fondamentales du travail 
			(23) 
			En particulier
aux termes de l’article 4 de la Convention n° 98 de l’OIT (ratifiée
par la Roumanie).. Depuis 2011, les conventions collectives peuvent être négociées au niveau de l’entreprise, du groupe d’entreprises et de la branche d’activité. La suppression des conventions collectives au niveau national peut, en particulier, être considérée comme une violation du principe de négociation collective libre et volontaire.

3.1.4. Espagne

20. En Espagne, plusieurs révisions législatives affectant le système de négociation collective ont récemment été adoptées, certainement aussi sous l’effet des politiques d’austérité et de la recherche de dispositifs plus flexibles. Le «principe de faveur» a été inversé et les conventions établies au niveau de l’entreprise ont maintenant la précédence sur les conventions de niveau plus élevé. Ce changement déjà en lui‑même très important a été amplifié en autorisant les groupes non‑syndicaux de salariés à conclure des conventions collectives. Le rôle des syndicats s’en est trouvé par conséquent nettement réduit et la négociation de conventions collectives est de plus en plus décentralisée au niveau de l’entreprise.
21. Un troisième changement majeur dans l’équilibre des pouvoirs entre partenaires sociaux a consisté à limiter l’effet rémanent des conventions collectives: auparavant, une convention demeurait valide jusqu’à la signature d’une nouvelle convention, alors qu’avec la nouvelle législation, toute convention cesse dorénavant d’être effective au bout d’un an. Ce nouveau mode de fonctionnement retire non seulement aux salariés le bénéfice des mesures convenues pour protéger leurs intérêts, mais affaiblit aussi la position de leurs représentants dans le processus de négociation. Il diminuera l’intérêt des employeurs pour conclure des conventions collectives résultant ainsi dans une couverture moindre par des accords collectifs. Par ailleurs, les entreprises peuvent dorénavant choisir de ne pas appliquer des conventions collectives non seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons techniques, organisationnelles ou liées aux processus. Au début de la crise, le gouvernement s’était concentré sur la négociation de sa politique avec les représentants des entreprises et des travailleurs, et, seulement après l’échec du dialogue social, avait commencé à mettre en œuvre des décrets urgents. Cependant, le nouveau gouvernement se caractérise par une approche unilatérale qui a même écrasé des conventions collectives existantes 
			(24) 
			Arbeiterkammer Wien,
Infobrief EU und International, Ausgabe 4, décembre 2014, p. 19, <a href='http://media.arbeiterkammer.at/wien/EU_Infobrief_2014_4.pdf'>http://media.arbeiterkammer.at/wien/EU_Infobrief_2014_4.pdf</a>..
22. D’une manière générale, les organisations de salariés espagnoles sont confrontées à des pressions judiciaires accrues contre l’action collective. Le «manifeste pour la défense du droit de grève et des libertés syndicales» déclare qu’après 35 ans de droits garantis par la Constitution, les autorités publiques remettent en cause ces droits, comme l’indiquent les 200 cas de poursuites judiciaires engagées contre les membres de syndicats pour appel à la grève et organisation de grèves légitimes 
			(25) 
			Confederación Sindical
de Comisiones Obreras (CCOO) et Unión General de Trabajadores (UGT),
Manifiesto en defensa del derecho de huelga y de la libertad sindical,
juin 2014, <a href='http://www.huelganoesdelito.org/'>www.huelganoesdelito.org</a>. .

3.2. Remise en cause du dialogue social pour différents motifs

23. Dans certains contextes nationaux, les systèmes de négociation collective sont soumis à des pressions dont l’origine n’est pas directement liée aux programmes d’austérité lancés au niveau européen, bien qu’elles reflètent parfois la conjoncture économique actuelle et expriment la volonté de réaliser des économies à différents niveaux ou d’améliorer les conditions (notamment en matière d’investissement) pour les employeurs. Dans certains cas, comme dans mon pays l’Allemagne, le dialogue social a besoin d’être modernisé en modifiant certaines normes traditionnelles comme la restriction du droit de grève des fonctionnaires 
			(26) 
			En Allemagne, l’interdiction
de faire grève pour les fonctionnaires est justifiée par le devoir
de loyauté à l’égard de l’Etat et par les nombreux privilèges dont
bénéficient les fonctionnaires comme, par exemple, la permanence
de l’emploi et le principe de subsistance; voir Widmaier Ulrich
et Alber Siegbert, «Menschenrecht auf Streik auch für deutsche Beamte?»
[Le droit de grève: un droit fondamental aussi pour les fonctionnaires
allemands?], Zeitschrift für europarechtliche
Studien (ZEuS), n° 4/2012.. L’Allemagne et la Turquie peuvent donc servir à illustrer la prévalence des divers dangers ou obstacles auxquels sont confrontés les systèmes de négociation collective.

3.2.1. Allemagne

24. Le droit de grève a été établi en Allemagne par un certain nombre de décisions judiciaires, car ce droit n’est pas explicitement reconnu dans la Constitution fédérale (Grundgesetz) – mais les constitutions de plusieurs des Etats fédérés (Länder) incluent des dispositions à ce sujet. En l’absence de législation spécifique, les décisions des tribunaux se fondent généralement sur la liberté d’association, qui est garantie dans la Grundgesetz.
25. Le droit de négociation collective et le droit de grève ne sont évidemment pas interprétés de la même façon au niveau des organes liés à la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne, d’une part, et à l’échelon national, d’autre part. Le Comité européen des Droits sociaux a conclu, par exemple, que la situation en Allemagne n’est pas conforme à l’article 6.4 de la Charte sociale européenne aux motifs que: 1) les grèves ne visant pas à obtenir une convention collective sont interdites (impossibilité de faire grève pour assurer l’application de la réglementation en matière de sécurité et de santé sur le lieu de travail ou en réponse à des licenciements); et 2) les conditions que doit remplir un groupe de salariés pour créer un syndicat et appeler à la grève constituent une restriction indue du droit de grève 
			(27) 
			Voir Comité européen
des Droits sociaux, Conclusions on Germany, décembre 2010, p. 14, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/conclusions/State/GermanyXIX3_fr.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/conclusions/State/GermanyXIX3_fr.pdf</a>..
26. La Cour européenne des droits de l’homme a également jugé clairement dans plusieurs arrêts que l’interdiction du droit de grève des fonctionnaires constitue une violation de l’article 11 de la Convention, car seules certaines catégories spécifiques, définies sur la base de critères fonctionnels, peuvent être exclues du droit de négociation collective, y compris le droit de grève. L’article 33.5 de la Constitution allemande n’établit pas une interdiction générale de faire grève pour les fonctionnaires, mais peut restreindre en pratique les droits de ces derniers 
			(28) 
			Dans une affaire concernant
un enseignant de la fonction publique qui avait participé à une
grève, le tribunal administratif a suspendu la sanction disciplinaire
imposée par le gouvernement régional, conformément aux arrêts de
la Cour européenne des droits de l’homme. Cependant, deux tribunaux
ont rejeté la plainte de l’enseignant en appel; la Cour constitutionnelle
n’a pas encore rendu sa décision sur ce point (y compris pour d’autres
affaires).. La législation et les tribunaux allemands devraient donc mieux prendre en compte les dispositions du droit international garantissant le droit de grève et accorder une plus forte priorité à la mise en conformité du droit allemand avec les obligations internationales. Je rappellerai à cet égard la jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande au regard de l’article 46.1 de la Convention, qui oblige l’Allemagne à suivre les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme en principe aussi quand ils visent d’autres Etats Parties 
			(29) 
			Patrick Fütterer, Europäische Zeitschrift für Arbeitsrecht (EuZA),
Volume 4/2011, S.505-520 (BVerfG, 19 septembre 2006 – 2 BvR 2115/01
et autres). .
27. L’évolution actuelle, cependant, va plutôt dans le sens opposé: le Gouvernement allemand a annoncé récemment un nouveau texte de loi en vue de l’établissement de conventions collectives uniques pour les salariés d’une même entreprise. Cette loi sur l’«unité de négociation» (Tarifeinheit) vise à interdire l’extension de l’action revendicative au‑delà des parties contractantes à une convention collective, par exemple à d’autres syndicats et leurs membres. Même si l’objectif politique de parvenir à une plus grande unité dans la représentation des salariés peut être considéré comme légitime, la volonté de décréter cette unité au moyen de la loi est difficilement compatible avec le droit de négociation collective et le droit de grève découlant de l’article 11 de la Convention. Plusieurs syndicats allemands sont évidemment très fortement opposés à ce projet de loi 
			(30) 
			Voir Fédération allemande
des syndicats (Deutscher Gewerkschaftsbund,
DGB), Einblick – DGB-Bundeskongress: Kurs gesetzt, mai
2014, <a href='http://einblick.dgb.de/++co++f3147faa-e288-11e3-b34b-52540023ef1a'>http://einblick.dgb.de/++co++f3147faa-e288-11e3-b34b-52540023ef1a</a>. .
28. L’Allemagne est aussi actuellement le lieu d’un conflit du travail qui semble assez symptomatique à l’ère de la mondialisation: depuis plus d’un an, les employés d’Amazon en Allemagne se sont mis à plusieurs reprises en grève pour défendre leur droit à la négociation d’une convention collective, tel que garanti par la législation allemande 
			(31) 
			<a href='http://www.dw.de/amazon-workers-in-germany-strike-again/a-17938866'>www.dw.de/amazon-workers-in-germany-strike-again/a-17938866</a>. . La législation nationale à ce sujet peut être considérée comme conforme aux normes internationales mais certains obstacles s’opposent à son application dans une entreprise internationale. A mon avis, il faudrait notamment une action concertée au niveau européen pour aider les travailleurs concernés à faire face à leurs employeurs transnationaux.

3.2.2. Turquie

29. La Turquie n’a pas ratifié les articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne et de nombreuses affaires concernant ce pays ont été portées devant la Cour européenne des droits de l’homme dans le domaine du droit de négociation collective. L’amendement à la constitution de 2010, qui devrait permettre l’amélioration des droits syndicaux des fonctionnaires et des employés du secteur public, a été accueilli comme un signe prometteur. Cependant, en 2012, les syndicats ont déclaré que leurs objections n’avaient pas été suffisamment prises en compte dans le processus d’élaboration de la nouvelle législation 
			(32) 
			Voir
loi sur les syndicats et les conventions collectives n° 6356; Confédération
internationale des syndicats, Survey of violations of Trade Union
rights – Freedom of association, collective bargaining, strike, <a href='http://survey.ituc-csi.org/Turkey.html?lang=en'>http://survey.ituc-csi.org/Turkey.html?lang=en</a>, à consulter également pour les autres informations
sur la Turquie..
30. Le Comité consultatif mixte UE-Turquie a régulièrement souligné que le gouvernement ne peut invoquer l’absence de consensus lors des consultations pour continuer à s’abstenir de mettre la législation turque en conformité avec les normes internationales et noté que la loi nouvellement amendée limite le régime de négociation collective 
			(33) 
			Comité consultatif
mixte UE‑Turquie, Preliminary update of the report on Trade Union
rights situation in Turkey, juin 2012,<a href='http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.events-and-activities-30th-eu-turkey-jcc-documents.24638'> www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.events-and-activities-30th-eu-turkey-jcc-documents.24638</a>; 33e réunion du 20 juin 2014,
déclaration conjointe: «Le CCM rappelle que le gouvernement turc
doit appliquer pleinement les conventions de l’OIT concernant les
fonctionnaires et harmoniser avec ces instruments sa législation
sur la liberté d’association, la négociation collective des fonctionnaires
et la structure du Comité d’arbitrage», paragraphe 10, <a href='http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/eu-turkey-jcc_33rd-meeting_joint-declaration_final.pdf'>www.eesc.europa.eu/resources/docs/eu-turkey-jcc_33rd-meeting_joint-declaration_final.pdf</a>. . On relèvera que le comité fait état dans son rapport 2013 de plusieurs améliorations instaurées par la nouvelle législation. Il évoque néanmoins des préoccupations qui subsistent dans plusieurs domaines, notamment l’absence de protection des travailleurs des petites entreprises contre les actes de discrimination antisyndicale, les obstacles à l’acquisition de compétences en matière de négociation collective et les restrictions au droit de grève 
			(34) 
			Comité consultatif
mixte UE-Turquie, Trade Union Rights Situation in Turkey, p. 9 f, 
			(34) 
			<a href='http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/joint-report-on-trade-union-rights_final.doc'>www.eesc.europa.eu/resources/docs/joint-report-on-trade-union-rights_final.doc</a>.. En tout état de cause, il convient néanmoins de se féliciter de l’abrogation de l’interdiction des grèves dans le secteur aérien.
31. En dépit des attentes suscitées par l’amendement constitutionnel de 2010, les modifications effectives de la législation sont décevantes et n’ont pas encore établi les droits syndicaux de tous les fonctionnaires. La législation actuelle empêche toujours un certain nombre de salariés d’adhérer à un syndicat, notamment les employés civils et les fonctionnaires du ministère de la Défense nationale, des forces armées turques et de la police, ainsi qu’un certain nombre d’autres professions 
			(35) 
			Sont inclus les juges
et les procureurs (voir le rapport du Comité de la liberté syndicale
de l’OIT dans l’affaire n° 2892: «Le comité prie le gouvernement
d’intensifier ses efforts, en consultation avec les partenaires
sociaux, pour mettre la loi n° 4688 en conformité avec la convention
n° 87 afin de garantir aux magistrats et aux procureurs le droit
de constituer des syndicats en vue de défendre leurs intérêts professionnels»,
rapport n° 371, mars 2014, paragraphe 936.a, <a href='http://www.ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=1000:50002:0::NO::P50002_COMPLAINT_TEXT_ID,P50002_LANG_CODE:3171920,fr:NO'>www.ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=1000:50002:0::NO::P50002_COMPLAINT_TEXT_ID,P50002_LANG_CODE:3171920,fr:NO#</a>), les auditeurs financiers, les employés des établissements
pénitentiaires, le personnel spécial de sécurité, les employés publics occupant
un «poste de confiance», les présidents d’université et les directeurs
des hautes écoles. . La Cour constitutionnelle a toutefois contesté certaines de ces dispositions, notamment en ce qui concerne ces dernières catégories (fonctionnaires du ministère de la Défense nationale, membres des forces armées turques et de la police). Dans le secteur public, le droit à la négociation collective demeure indûment restreint et le droit de grève n’est toujours pas reconnu.
32. La législation turque prévoit en outre toujours une gamme étendue de restrictions au droit des syndicats à organiser leur gestion, à élire des représentants et à s’auto‑administrer complètement, en particulier:
  • le ministère du Travail et de la Sécurité sociale peut demander la suppression des organes exécutifs d’un syndicat en cas de non‑respect des normes relatives aux réunions et aux décisions des assemblés générales 
			(36) 
			Aux termes de l’article
10(8) de la loi n° 6289 sur les syndicats de fonctionnaires et les
conventions collectives de la fonction publique.;
  • la composition et le fonctionnement interne des syndicats (comme le nombre de membres du conseil exécutif ou le quorum requis pour l’adoption des décisions) sont soumis à des règles strictes 
			(37) 
			Voir la nouvelle loi
sur les syndicats et les conventions collectives du travail (n° 6356).;
  • en cas de violation grave de la législation régissant ses activités, un syndicat peut être contraint à suspendre ses activités ou à engager une procédure de liquidation sur ordre d’un tribunal du travail et (tout comme dans la législation antérieure) le mandat d’un représentant syndical est automatiquement interrompu en cas d’élection au parlement;
  • un vote à la majorité absolue des membres présents de l’assemblée générale (et, dans tous les cas, au moins un quart du nombre total des membres) est requis pour prendre des décisions;
  • l’élection des dirigeants des syndicats est soumise à une procédure stricte supervisée par les autorités judiciaires;
  • les aides ou dons de partis politiques et d’autres institutions ou organisations publics sont interdits.
33. Le droit de grève est soumis aux restrictions suivantes dans la législation turque la plus récente:
  • les grèves ne sont autorisées qu’en cas de conflit au cours des négociations en vue d’une convention collective;
  • l’appel à la grève est interdit dans les secteurs suivants: activités funéraires et mortuaires, pétrole et gaz naturel, activités pétrochimiques, productions à base de naphte ou de gaz naturel;
  • le Conseil des ministres peut suspendre par décret un appel à la grève, une grève en cours ou un lock-out licites pendant une période de 60 jours si ceux‑ci sont préjudiciables à la santé publique et à la sécurité nationale. S’il n’est pas possible de trouver un accord pendant cette période, le conflit peut être soumis à un arbitrage obligatoire 
			(38) 
			Voir
articles 58, 62 et 63 de la nouvelle loi sur les syndicats et les
conventions collectives du travail (n° 6356)..
34. Certaines de ces règles vont manifestement à l’encontre du droit de grève, tel que défini par la Charte sociale européenne 
			(39) 
			Comité européen des
Droits sociaux, Digest de jurisprudence, septembre 2008, p. 56, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/digest/DigestSept2008_fr.pdf'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/digest/DigestSept2008_fr.pdf</a>.. Les possibilités prévues d’interrompre une grève peuvent donner lieu à des abus. Le Conseil des ministres, par exemple, a décidé de faire cesser une grande grève dans l’industrie du verre en invoquant des raisons peu crédibles de «santé publique et de sécurité nationale». Dans leur lettre de réclamation au BIT, les syndicats déplorent le fait que «le gouvernement turc a invoqué systématiquement et de manière abusive la disposition en matière de suspension de la législation du travail pour saper la liberté d’association et le droit de grève» 
			(40) 
			Syndicat
des travailleurs du verre, du ciment et de la terre de Turquie,
Lettre à au directeur-général du BIT, juillet 2014, 
			(40) 
			<a href='http://www.industriall-union.org/sites/default/files/uploads/documents/Jyrki_Letters/kristal_is_ilo_complaint_2014_final52.pdf'>www.industriall-union.org/sites/default/files/uploads/documents/Jyrki_Letters/kristal_is_ilo_complaint_2014_final52.pdf.</a>. Pour se conformer aux normes internationales, le Gouvernement et les tribunaux turcs devraient donc respecter strictement les limitations de la restriction du droit de grève prévues à l’article 11.2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Plus récemment, la nécessité de se conformer aux normes internationales a été confirmée par le rapport d’avancement 2014 de l’Union européenne sur la Turquie 
			(41) 
			Commission européenne
(DG élargissement), rapport d’avancement sur la Turquie, octobre
2014: «Le droit de s’organiser, d’entamer des négociations collectives
et de faire grève des salariés du secteur privé et des fonctionnaires doit
être aligné sur l’acquis de l’Union européenne et sur les normes
internationales», p. 16, <a href='http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/key_documents/2014/20141008-turkey-progress-report_en.pdf'>http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/key_documents/2014/20141008-turkey-progress-report_en.pdf#page=1&zoom=auto,-178,842</a>. .

3.3. Raisons du démantèlement du dialogue social et conséquences pour le marché de l’emploi

35. Les quelques exemples nationaux présentés ci‑dessus montrent que le droit de négociation collective et le droit de grève sont confrontés à divers obstacles, pressions et menaces dans les économies actuelles. Certains sont dus aux mesures communes adoptées au niveau européen en réponse à la crise économique et financière ou aux programmes d’austérité imposés à certains pays par la Troïka et d’autres acteurs. D’autres, par contre, sont liés à un contexte national particulier dans lequel les partenaires sociaux ont des difficultés à dépasser un modèle traditionnel (par exemple en Allemagne) ou dans lequel l’économie est aussi marquée par une tendance globale au renforcement du rôle et de l’intervention de l’Etat (par exemple en Turquie).
36. Quelques-uns de ces défis actuels sont clairement liés aux tendances à la globalisation. Face aux divers marchés de travail nationaux, les sociétés transnationales sont de plus en plus en position de négocier les conditions de travail de leurs salariés «vers le bas», en menaçant de délocaliser leurs activités vers un autre pays où les conditions sont plus favorables pour les employeurs. Dans ce contexte, des entreprises plus petites ne peuvent pas concurrencer les grandes, et suivent souvent des tendances similaires de démantèlement des droits sociaux. Je rappellerai la résolution du Parlement européen sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational 
			(42) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0386+0+DOC+XML+V0//FR'>www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0386+0+DOC+XML+V0//FR</a>. , qui porte sur l’absence de cadre juridique pour les accords transnationaux entre syndicats et employeurs. Je pense moi aussi comme le dit ce document que «l’adoption du principe de la clause la plus favorable et de la clause de non-régression est nécessaire pour éviter le risque que des accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen portent atteinte ou nuisent à des conventions collectives nationales ou à des accords d’entreprise nationaux». Cependant, même sans cadre juridique spécial, l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantit le droit de négocier des conventions collectives au niveau approprié et de mener des actions collectives – même sans limitation à des niveaux appropriés. Je rappellerai également que la question des multinationales a déjà été explorée par l’Assemblée dans le cadre de ses activités menant à la Résolution 1993 (2014) sur un travail décent pour tous, dans laquelle elle appelle à la garantie «[d’]une mise en œuvre cohérente des normes fondamentales du travail au niveau mondial, ainsi que des dispositions pertinentes de la Charte sociale européenne, en particulier celles relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective, à une rémunération équitable et à une couverture sociale, à la non-discrimination et aux services de l’emploi, à la protection des mineurs et à un environnement professionnel sain et sûr».
37. En outre, les normes internationales n’ont pas le même statut dans les différents Etats membres du Conseil de l’Europe. Certains d’entre eux n’ont pas encore pleinement ratifié des instruments essentiels en matière de droits sociaux comme la Charte sociale européenne, tandis que d’autres l’ont fait mais ils n’en acceptent pas l’ensemble des articles et/ou ils ne mettent pas effectivement en œuvre les articles pertinents. Etant donné les conséquences à court et à long terme du démantèlement des systèmes de négociation collective, il est de la plus haute importance que les pays respectent la signification des normes internationales auxquelles ils ont déjà souscrit ou aspirent à le faire via leur appartenance à des institutions européennes comme le Conseil de l’Europe.
38. Il est clair que, dans un contexte socio-économique qui évolue, les relations du travail et les conditions d’emploi évoluent elles aussi constamment en réponse à des défis nouveaux. Néanmoins, alors que certaines des mesures décrites plus haut, envisagées individuellement, peuvent modifier les systèmes de négociation collective sans outrepasser les limites des droits fondamentaux, d’autres représentent manifestement une restriction indue de ces droits. Les restrictions du droit de négociation collective, y compris le droit de grève, ne sont compatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne que si elles «constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui» 
			(43) 
			Article
11.2 de la Convention; voir également l’article G de la Charte sociale
européenne..
39. La Confédération européenne des syndicats (CES) considère que certaines des mesures requises par la Troïka dans les pays d’intervention sont mal fondées et de portée trop étendue: le rythme d’assainissement budgétaire est trop ambitieux, les programmes sont trop fortement axés sur la réduction des dépenses publiques, le dialogue social n’est pas respecté et les systèmes de protection sociale et de négociation collective sont en fait démantelés. Dans certains pays, les mesures d’austérité ont été imposées sans consultation adéquate des partenaires sociaux (à Chypre, par exemple, de nombreuses réunions ont été organisées avec les employeurs mais deux seulement avec les syndicats) ou les accords négociés n’ont pas été respectés (au Portugal, l’«accord tripartite pour la croissance, la compétitivité et l’emploi» de 2012 a été annulé par la recommandation de la Troïka de restreindre la portée légale des conventions collectives). Le montant du salaire minimum a été abaissé bien au‑dessous d’un niveau acceptable et les partenaires sociaux n’ont plus la possibilité de faire entendre leur point de vue (par exemple en Grèce où le montant du salaire minimum a été réduit de 22 % en général et de 32 % pour les jeunes salariés de moins de 24 ans et au Portugal où les augmentations du salaire minimum décidées d’un commun accord ont été gelées).
40. Selon la CES, cependant, certaines des évolutions actuelles qui conduisent à un affaiblissement du modèle social européen ne sont pas entièrement justifiées par la crise. Elles résultent de décisions politiques qui ont été prises bien avant la crise financière et économique, alors que les mesures continuent d’être présentées au public comme une réponse inévitable à la situation actuelle. D’autres acteurs, comme les fédérations européennes des employeurs, tout en affirmant leur conviction que le principal défi des économies européennes est aujourd’hui de favoriser la compétitivité, la croissance et l’emploi, estiment néanmoins que certains des problèmes actuels ne sont pas fondamentalement liés à la crise (qui n’a fait que les exacerber), mais tiennent à des faiblesses structurelles présentes de longue date dans les marchés du travail européens et qu’il importe de surmonter. Parmi les mesures à appliquer, ils envisagent la réduction des coûts de main-d’œuvre non salariaux et certaines adaptations du système des relations industrielles, qui pourrait bénéficier des tendances à la décentralisation au niveau national 
			(44) 
			Point de vue exposé
par M. Maxime Cerutti, directeur du département affaires sociales
de Business Europe (Fédération des employeurs européens), lors d’un
échange de vue avec la commission le 2 décembre 2014 sur le thème «Droits
sociaux et dialogue social en temps de crise».. En tant que rapporteur du présent rapport, j’admets certes que les relations industrielles doivent certainement évoluer, mais je suis convaincu que la compétitivité globale ne doit pas servir d’argument pour justifier le démantèlement des normes en matière de droits sociaux en Europe. Le modèle social européen reste une valeur qui mérite d’être protégée et qui pourrait donner des exemples de bonnes pratiques et des orientations à d’autres régions du monde.
41. Je partage par ailleurs le point de vue de la CES selon lequel le dialogue social et la négociation collective constituent des droits acquis de longue date par les travailleurs et doivent être protégés en tant que pierres angulaires de la démocratie 
			(45) 
			Informations fournies
par Mme Veronica Nilsson, Secrétaire
confédéral, CES, lors d’un échange de vues avec la commission le
24 juin 2014 à Strasbourg, sur le thème «Droits sociaux et dialogue
social en temps de crise».. Je rappelle à cet égard la Résolution 1884 (2012) de l’Assemblée «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux» dans laquelle nous appelons les gouvernements nationaux à «empêcher de porter atteinte aux normes démocratiques existantes lors de la prise de décisions liées à la “crise de la dette souveraine” et lors d’éventuelles actions communes européennes, en laissant la latitude maximale possible aux gouvernements nationaux et autres institutions nationales démocratiquement légitimées, en particulier aux parlements». Outre les gouvernements et les parlements, les institutions démocratiquement légitimées comprennent aussi évidemment les syndicats, qui sont l’expression de l’auto‑organisation des salariés et de leur droit à participer aux processus de décision.
42. En tant qu’observateur régulier de l’évolution socioéconomique dans l’ensemble de l’Europe, je pense que l’affaiblissement des systèmes nationaux de négociation collective affectera de manière significative un certain nombre de droits sociaux qui ont été obtenus au bout de nombreuses années, après des décennies de dialogue social. La réduction plus ou moins grande de la portée des négociations collectives devrait aussi avoir des effets significatifs sur la proportion de salariés touchant des bas salaires 
			(46) 
			European Trade Union
Institute (ETUI), Benchmarking Working Europe 2014 (p. 78, voir
figure 5.9), <a href='http://www.etui.org/Publications2/Books/Benchmarking-Working-Europe-2014'>www.etui.org/Publications2/Books/Benchmarking-Working-Europe-2014</a>.. Il n’est pas encore possible, à mon avis, d’estimer pleinement l’impact de cette évolution sur les salaires et la qualité des conditions de travail, et les autres conséquences ultérieures qui pourront en résulter sur le niveau des revenus, le bien‑être des individus et la cohésion sociale dans nos sociétés.

4. Des réponses européennes contradictoires: législation européenne et gestion de la crise par l’Union européenne contre obligations nationales et européennes

43. S’attaquer à la négociation collective c’est remettre en cause le dialogue social traditionnel en tant que pilier majeur du modèle social européen et modifier en profondeur les rapports de force entre les employeurs – qui sont de plus en plus des acteurs mondiaux – et les salariés – qui restent des acteurs très localisés. Toute évolution négative dans un sens non démocratique devrait être arrêtée dès maintenant et les droits sociaux fondamentaux être protégés et promus le plus possible. A cette fin, les normes et l’action européennes devraient être harmonisées et garanties à un niveau élevé afin de réagir de manière cohérente aux défis européens et mondiaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

4.1. Législation et jurisprudence de l’Union européenne et obligations internationales

44. La Charte des droits fondamentaux reconnaît le droit de grève à l’article 28.3. La Charte stipule aussi à l’article 52.3: «Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.» De plus, l’article 53 qui définit le degré de protection, renvoie non seulement à la Convention européenne des droits de l’homme, mais aussi à des accords internationaux auxquels l’ensemble des Etats membres sont Parties. Ainsi, le Pacte des Nations Unies relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, les huit conventions-clés de l’OIT sur la liberté d’association, l’interdiction du travail forcé, du travail des enfants et la discrimination, et l’inspection du travail et, au niveau du Conseil de l’Europe, la Charte sociale européenne (que ce soit dans sa version originale de 1961 ou dans celle, «révisée», de 1996). De plus, le préambule du Traité de l’Union européenne (TUE) et l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) mentionnent expressément les «droits sociaux fondamentaux», tels que la Charte sociale européenne les définit.
45. En outre, l’Union européenne s’est engagée dans le mémorandum d’accord avec le Conseil de l’Europe à veiller à la cohérence du droit de l’Union européenne avec les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe. Néanmoins, en mai 2014, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, dans le rapport intitulé «Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe», a signalé une nouvelle fois que les «contradictions entre le droit de l’Union européenne et les principes de la Charte sociale européenne» demeurent l’un des principaux défis dans le domaine des droits sociaux 
			(47) 
			Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe, Situation de la démocratie, des droits de
l’homme et de l’Etat de droit en Europe, mai 2014 (p. 66): 
			(47) 
			<a href='http://hub.coe.int/c/document_library/get_file?uuid=5df90407-7663-4361-b5fb-1bbcc84c9fa0&groupId=10227'>http://hub.coe.int/c/document_library/get_file?uuid=5df90407-7663-4361-b5fb-1bbcc84c9fa0&groupId=10227</a>..
46. En ce qui concerne le droit de grève, des différences existent entre les systèmes juridiques de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe: la relation entre la négociation collective et le droit de grève, d’une part, et les libertés qui prévalent sur le marché intérieur de l’Union européenne, d’autre part, a été remise en cause par la Cour de justice de l’Union européenne dans ses arrêts dans les affaires Viking et Laval, qui ont donné lieu à d’amples discussions. Bien que mentionnant les conventions internationales pertinentes, la Cour de justice ne tient compte dans ses décisions ni de leur champ d’application, ni des conditions exigées pour restreindre le droit de grève, telles qu’énoncées dans la Charte sociale européenne et la Convention. Basant son raisonnement sur la priorité des libertés du marché intérieur sur les droits sociaux, la Cour de justice néglige d’expliquer comment ces libertés peuvent justifier des restrictions conformément à l’article 11.2 de la Convention, pour autant que, dans une société démocratique, de telles restrictions soient nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. La Cour de justice devrait – ainsi que cela s’est produit autrefois et que la Charte des droits fondamentaux (juridiquement contraignante depuis 2009) l’exige – adapter ses décisions aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
47. Dans l’optique de la Convention et de la Charte sociale européenne, et compte tenu aussi du fait que ce droit est garanti dans l’Union européenne (par la Charte des droits fondamentaux), il est clair que le droit de grève n’est pas reconnu uniquement à l’échelon national. Le droit de faire grève au niveau transnational européen ne peut être restreint que sur la base des conditions définies dans la Convention, telles que développées par la Cour européenne des droits de l’homme qui n’a reconnu en aucun cas la légitimité d’introduire des restrictions au droit de grève pour protéger l’activité économique transfrontalière. Aucun motif ne peut justifier une telle protection de l’activité économique dans une société démocratique au sens de l’article 11 de la Convention. Clarifier la situation en ce domaine et renforcer le droit de grève au niveau européen devrait donc constituer une priorité pour le Conseil de l’Europe, ses Etats membres et les organes de l’Union européenne.
48. Le développement de la législation de l’Union européenne et son application devraient être suivis avec plus d’attention par les organes du Conseil de l’Europe chaque fois que cela peut avoir un effet sur le droit de négociation collective et de grève. Ainsi, «le Règlement Monti II» de la Commission destiné à réglementer le droit d’action collective dans le contexte de la liberté d’établissement s’est achevé par une plainte subsidiaire de 12 parlements nationaux fondée sur l’argument selon lequel le règlement porterait atteinte au droit constitutionnel national, surtout pour ce qui est du droit de grève. Un autre exemple est l’état d’urgence et ses rapports avec le principe de solidarité de l’article 222 du TFUE, s’il est appliqué à la grève. De même, le projet de «Paquet portuaire III» ajourné et le «Paquet ferroviaire révisé» comprennent des dispositions qui pourraient avoir des effets sur le droit de grève. Enfin, il faudrait suivre de près les effets éventuels du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement sur la protection des droits collectifs. Les Etats membres devraient s’efforcer de faire en sorte que l’Union européenne défende le droit de grève et limite ses restrictions conformément aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

4.2. Gestion de la crise par l’Union européenne et obligations nationales et internationales

49. Au vu des premiers éléments présentés ci‑dessus, il apparaît clairement que les réponses à la situation économique actuelle au niveau européen sont dans bien des cas contradictoires et que certains des décideurs n’ont pas la légitimité démocratique requise. La Troïka n’a aucune existence juridique mais la Commission européenne et la Banque centrale européenne sont toujours liées par les traités assurant la protection des droits fondamentaux (articles 51 de la Charte des droits fondamentaux et 13 TUE), ainsi que par l’obligation de promouvoir le rôle des partenaires sociaux, de faciliter le dialogue social et l’autonomie des partenaires sociaux (en vertu notamment de l’article 152 TUE) 
			(48) 
			Ces
éléments d’évaluation ainsi que les suivants s’appuient, une fois
encore, sur les informations fournies par Mme Veronica
Nilsson, Secrétaire confédéral de la CES, lors d’un échange de vues
avec la commission le 24 juin 2014; voir plus haut note 20.. Bien que la tendance à remettre en cause le droit de négociation collective semble se manifester dans tous les Etats membres, certains contextes particuliers doivent être pris en compte dans divers pays. Le FMI, par exemple, tout comme la Troïka de l’Union européenne, exige régulièrement l’introduction de réformes du marché de l’emploi dans ses mémorandums d’accord avec les Etats qui sollicitent son aide financière. L’Union européenne n’a aucune compétence en matière de politiques de fixation des salaires et de négociation collective, mais on observe actuellement un changement de paradigme et le remplacement du soutien de droit (ou, tout au moins, de l’acceptation) d’une libre négociation collective en particulier en vertu de l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux et de l’article 153.5 du TFUE par l’intervention politique directe dans les processus nationaux de négociation collective 
			(49) 
			Institut
syndical européen, Benchmarking Working Europe 2013 (p. 43, figure 3.2), <a href='http://www.etui.org/content/download/8852/82473/file/13++Benchmarking+WEB+version+2013.pdf'>www.etui.org/content/download/8852/82473/file/13++Benchmarking+WEB+version+2013.pdf</a>..
50. Avec la nouvelle réglementation «six-pack» de l’Union européenne 
			(50) 
			«Le Pacte de stabilité
et de croissance (PSC) renforcé est entré en vigueur le 13 décembre
2011, instituant un nouvel ensemble de règles en matière économique
et budgétaire. Ces nouvelles mesures, appelées “six-pack”, se composent
de cinq règlements et d’une directive proposés par la Commission
européenne et approuvés par les 27 Etats membres et le Parlement
européen en octobre dernier. Ce changement représente le renforcement
le plus compréhensif de la gouvernance économique dans l’Union européenne
et la zone euro depuis le lancement de l’Union économique et monétaire
il y a presque deux décennies», EU Press Releases Database, 12 décembre
2011, 
			(50) 
			<a href='http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-11-898_en.htm?locale=FR'>http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-11-898_en.htm?locale=FR;</a> voir aussi: <a href='http://www.citizensinformation.ie/en/government_in_ireland/european_government/fiscal_stability_treaty/stability_growth_pact_legislation.html'>www.citizensinformation.ie/en/government_in_ireland/european_government/fiscal_stability_treaty/stability_growth_pact_legislation.html</a>. , la Commission a acquis de nouveaux moyens d’exercer des pressions sur les Etats membres de la zone euro. Le pacte budgétaire européen a encore renforcé cette situation en augmentant les compétences des décideurs de l’Union européenne pour obliger les pays visés par une «procédure pour déficit excessif» à soumettre leurs programmes de réforme économique et structurelle – qui englobent potentiellement le domaine des salaires et de la négociation collective – à l’approbation et au contrôle de l’Union européenne 
			(51) 
			Institut
syndical européen, Benchmarking Working Europe 2013 (p. 43, figure 3.2), op. cit.. L’instrument de convergence et de compétitivité proposé pour l’Union européenne, anciennement appelé «pacte de compétitivité», pourrait contribuer à intensifier cette évolution: la Confédération européenne des syndicats a critiqué ce pacte comme une «attaque contre la négociation collective» menant l’Europe à une «impasse» 
			(52) 
			The
Guardian, «Workers’ rights are under threat across the
world», 4 avril 2011, 
			(52) 
			<a href='http://www.theguardian.com/commentisfree/2011/apr/04/workers-rights-collective-bargaining'>www.theguardian.com/commentisfree/2011/apr/04/workers-rights-collective-bargaining</a>..
51. Outre qu’elles représentent un danger pour l’exercice effectif du droit de négociation collective, ces formes de gouvernance manquent de légitimité démocratique. C’est ce que montre, par exemple, le point de vue de la Direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne, qui a acquis une influence croissante au cours des dernières années. Son rapport sur «Labour Market Developments in Europe 2012» contient une sous‑section sur le «cadre de négociation des salaires» qui appelle les responsables en ce domaine à: abaisser le montant du salaire minimum légal ou contractuel; réduire le champ d’application du système de négociation; réduire l’extension (automatique) des conventions collectives; réformer le système de négociation dans le sens d’une plus grande décentralisation, par exemple en supprimant le «principe de faveur» ou en limitant son application; introduire/étendre la possibilité de déroger aux conventions négociées à un échelon plus élevé ou de négocier des accords d’entreprise; et promouvoir des mesures permettant de «réduire globalement le rôle des syndicats dans la fixation des salaires» 
			(53) 
			Commission européenne,
«Labour Market Developments in Europe 2012», septembre 2012 (p.
103-104), <a href='http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/european_economy/2012/pdf/ee-2012-5_en.pdf'>http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/european_economy/2012/pdf/ee-2012-5_en.pdf</a>..
52. On observe par conséquent en Europe le développement d’une approche qui considère que les syndicats et les processus de négociation collective font partie des obstacles à la résolution de la crise actuelle. Le cas du Portugal a suscité à maintes reprises des critiques virulentes, la Cour constitutionnelle de ce pays ayant défendu la Constitution contre la mise en œuvre de plusieurs mesures envisagées dans le cadre des programmes d’ajustement 
			(54) 
			Jornal
de Negócios, «Portugal’s highest court torpedoes reforms»,
27 septembre 2013, <a href='http://www.eurotopics.net/en/home/presseschau/archiv/article/ARTICLE130904-Portugal-s-highest-court-torpedoes-reforms'>www.eurotopics.net/en/home/presseschau/archiv/article/ARTICLE130904-Portugal-s-highest-court-torpedoes-reforms</a>. .

5. Conclusions et recommandations: comment protéger le droit de négociation collective

53. Au vu des obstacles et des menaces qui pèsent sur certaines formes traditionnelles de relations du travail et de l’insuffisance des mesures adoptées récemment en réponse à la crise, tels que décrits plus haut, je voudrais souligner notamment l’importance de la protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève. J’invoquerai pour ce faire un argument régulièrement mis en avant par l’économiste américain Paul Krugman qui déclare: «En principe, tous les citoyens ont également leur mot à dire dans le processus politique. En pratique, évidemment, certains d’entre nous sont plus égaux que les autres. (…) Dans ces conditions, il est important de disposer d’institutions pouvant faire contrepoids au pouvoir des gros capitaux. Les syndicats sont parmi les plus importantes de ces institutions» 
			(55) 
			Paul Krugman, «Wisconsin
Power Play», The New York Times, The
Opinion Pages, 20 février 2011, <a href='http://www.nytimes.com/2011/02/21/opinion/21krugman.html?_r=0'>www.nytimes.com/2011/02/21/opinion/21krugman.html?_r=0</a>. .
54. Pour préserver le modèle social européen et ses éléments fondamentaux, en particulier le dialogue social et le droit de négociation collective et de grève, les politiques économiques actuelles devraient mettre l’accent non pas sur l’austérité mais sur l’investissement. Le dialogue social et les systèmes de négociation collective, qui ont déjà été en grande partie démantelés ou affaiblis dans toute l’Europe pendant les dernières années, devraient être rétablis. Il faudrait prendre les «partenaires sociaux» pour ce qu’ils sont: des «partenaires» qui s’associent pour obtenir de bons résultats économiques et répartir équitablement les richesses, et parfois comme des opposants qui se disputent le pouvoir et des ressources qui se raréfient. Les économies modernes qui s’attachent à une répartition équitable des richesses devraient fonder leurs décisions sur les principes de bonne gouvernance et de démocratie, que ce soit dans le domaine public ou privé. Investir dans les droits sociaux, c’est investir dans l’avenir.
55. Les organes de l’Union européenne et les Etats membres devraient se conformer à leurs obligations au titre de la Charte européenne des droits fondamentaux et des traités de l’Union européenne de protéger le droit de négociation collective et le droit de grève du moins au niveau de protection reconnue par la Convention européenne des droits de l’homme. L’Union européenne devrait surmonter les derniers obstacles à l’accession à la Convention, en assurant ainsi une protection juridique individuelle contre les mesures adoptées par l’Union européenne. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient, s’ils ne l’ont pas encore fait, ratifier pleinement la Charte sociale européenne (révisée) et poursuivre – dans un souci d’effectivité plus grande – la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la Convention (article 11) et de la Charte sociale européenne (articles 5 et 6). Il faudrait aussi qu’ils soutiennent pleinement le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives pour donner aux syndicats un instrument pour porter plainte dans des affaires de non-respect de la Charte sociale européenne.
56. En ce qui concerne d’autres mesures, des participants majeurs à ce débat ont formulé récemment des recommandations importantes. Par exemple, en novembre 2013, la Confédération européenne des syndicats a présenté un plan d’investissement pour l’Europe comme solution de rechange aux politiques d’austérité, proposant notamment les points suivants:
  • des investissements de 2 % de plus par an dans le PIB de l’Union européenne sur dix ans;
  • une coopération renforcée entre les Etats membres et un contrôle démocratique de l’orientation stratégique des politiques;
  • la participation des partenaires sociaux à un dialogue social renforcé;
  • des négociations collectives et la participation des salariés, en particulier pour ce qui est des processus de gouvernance économique au niveau des pays et de l’Union européenne et des réformes du marché du travail;
  • l’encouragement, le respect et l’extension des normes sociales européennes 
			(56) 
			Confédération
européenne des syndicats (CES): Une nouvelle voie pour l’Europe
– plan de la CES pour l’investissement, une croissance durable et
des emplois de qualité, 2013, p. 2, 3, <a href='http://www.etuc.org/sites/www.etuc.org/files/event/public-files/etuc_edit_fr_0.pdf'>www.etuc.org/sites/www.etuc.org/files/event/public-files/etuc_edit_fr_0.pdf</a>, voir: DGB – Confédération des syndicats allemands,
A Marshall Plan for Europe, 2012, <a href='http://www.dgb.de/repository/storage/d9715298-5590-11e2-8328-00188b4dc422/file/A-Marshall-Plan-for-Europe.pdf'>www.dgb.de/repository/storage/d9715298-5590-11e2-8328-00188b4dc422/file/A-Marshall-Plan-for-Europe.pdf</a>. .
57. Le nouveau Président de la Commission européenne s’est engagé à réaliser un programme d’investissement d’un montant de 300 milliards d’euros pendant la première année de son mandat, mais on ne sait pas bien comment se répartiront investissements publics et privés. Cependant, la FMI estime que l’Union européenne devrait investir davantage, car la zone euro risque de connaître une stagnation durable 
			(57) 
			<a href='http://euobserver.com/news/125959'>http://euobserver.com/news/125959</a>, voir: <a href='http://blog-imfdirect.imf.org/2014/09/30/now-is-a-good-time-to-invest-in-infrastructure/'>http://blog-imfdirect.imf.org/2014/09/30/now-is-a-good-time-to-invest-in-infrastructure/</a>. . Selon moi, les gouvernements européens devraient non seulement commencer à investir pour relancer l’économie, mais aussi renforcer la consultation avec les organisations de salariés et s’abstenir d’encourager des réformes structurelles qui réduisent les compétences de fixation des salaires des organisations syndicales et qui affectent les conditions de travail dans un contexte de chômage élevé.