1. Introduction
1. En juin 2012, l’Assemblée parlementaire a adopté
la
Résolution 1890 (2012) sur le respect des obligations et engagements du Monténégro,
dans laquelle elle décidait de poursuivre la procédure de suivi
tout en encourageant le Monténégro à progresser dans cinq «domaines
prioritaires», à savoir l’indépendance du pouvoir judiciaire, la
situation des médias, la lutte contre la corruption et la criminalité
organisée, les droits des minorités et la lutte contre la discrimination,
ainsi que la situation des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays (PDI).
2. M. Terry Leyden (Irlande, ADLE) a été nommé corapporteur par
la commission de suivi le 27 février 2014, en remplacement de Mme Nursuna
Memecan, qui a effectué la première visite d’information après l’adoption
de la résolution de 2012. Nous souhaitons remercier notre collègue
turque pour sa contribution à la procédure de suivi du Monténégro.
3. Le présent rapport a été élaboré à partir des conclusions
de trois visites effectuées dans le pays: du 8 au 10 juillet 2013,
nous avons décidé d’examiner la mise en œuvre de la
Résolution 1890 (2012), de donner suite aux rapports d’observation de l’Assemblée
concernant les élections législatives (14 octobre 2012) et présidentielle
(7 avril 2013) et d’axer nos discussions sur les derniers développements
politiques, la réforme du pouvoir judiciaire, l’application de la
loi antidiscrimination et la situation des réfugiés et des PDI

. Notre visite d’avril 2014,
comprenant des réunions à Budva, s’est concentrée sur les questions
des médias et de la lutte contre la corruption. La visite organisée
les 17 et 18 novembre 2014, après la réception des commentaires
de la délégation monténégrine auprès de l’Assemblée

, nous a permis de débattre des récents changements intervenus
dans le pays et de donner notre évaluation finale. Le présent rapport
a trait aux récents changements intervenus au Monténégro et aux
progrès réalisés dans le domaine de l’Etat de droit, de la démocratie
et des droits de l’homme, en particulier concernant les secteurs
clés identifiés par l’Assemblée dans sa
Résolution 1890 (2012).
4. Nous tenons à remercier les deux présidents respectifs de
la délégation monténégrine, MM. Zoran Vukčević et Predrag Sekulić,
pour l’aide qu’ils ont apportée en 2013 et 2014 à la rédaction du
présent rapport et pour l’excellente préparation de nos visites
d’information. Nous aimerions également remercier les membres de
la délégation monténégrine auprès de l’Assemblée et le Secrétariat
de la délégation. Nous avons pu rencontrer le Président de la République,
M. Vujanović, le Premier ministre, M. Đjukanović, le président du Parlement,
M. Krivokapić, le Vice-Premier ministre et ministre de la Justice,
le ministre de l’Intérieur, le ministre des Droits de l’homme et
des minorités, le ministre du Travail et des Affaires sociales,
la délégation parlementaire du Monténégro auprès de l’Assemblée,
des représentants des partis politiques, les autorités judiciaires,
le médiateur ainsi que des représentants des organes de l’Etat,
de la communauté rom, des organisations internationales, de la communauté
diplomatique, des organisations non gouvernementales (ONG) et des
médias. Nous avons apprécié les renseignements fournis avant et
après nos visites par la délégation du Monténégro auprès de l’Assemblée
sur la mise en œuvre de la
Résolution
1890 (2012), en se fondant sur les réponses fournies par les ministres
et les services répressifs en juin et octobre 2013 et en avril et
novembre 2014, initiative qui s’est révélée très utile.
5. Enfin, notre coopération avec les organisations internationales
à Podgorica a été des plus profitables et nous avons eu des entretiens
extrêmement fructueux, notamment avec M. l’Ambassadeur Mitja Drobnić,
chef de la mission de l’Union européenne, M. l’Ambassadeur Lubomir
Kopaj, chef de la mission de l’Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe (OSCE) au Monténégro, Rastislav Vrbensky,
coordonnateur résident des Nations Unies pour le Monténégro, et
Mme Indu Mohanda, représentante du Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Monténégro. Nous tenons
à les remercier de nous avoir fait part de leurs expériences.
2. Développements
récents
2.1. Evolutions régionales
et internationales
6. Depuis juin 2012, le Monténégro collabore étroitement
avec le Conseil de l’Europe. Nous avons appris avec satisfaction
qu’il avait ratifié deux protocoles additionnels le 12 février 2013:
le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme
et la biomédecine, relatif à la recherche biomédicale (STCE n° 195)
et le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme
et la biomédecine relatif aux tests génétiques à des fins médicales
(STCE n° 203). Il a également ratifié, le 22 avril 2013, la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention
d’Istanbul») et, le 8 novembre 2013, le Protocole n° 15 portant
modification à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, portant ainsi à 87 le nombre de conventions
ratifiées. Le Monténégro envisage aussi de signer et de ratifier
la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits
médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE
n° 211, «Convention MEDICRIME»)

.
7. Notant que certaines réformes que les autorités monténégrines
se sont engagées à accomplir selon un calendrier précis restent
à mener à terme, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe
a décidé, le 3 avril 2014, d’interrompre le bilan périodique, basé
sur le dialogue, de la coopération et des progrès accomplis dans
l’exécution des engagements statutaires et la mise en œuvre des
processus démocratiques

, «étant entendu
que les autorités monténégrines achèveront les réformes en cours
au regard des recommandations figurant dans le document SG/Inf(2014)5,
ainsi qu’en ce qui concerne la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique, le renforcement de la participation
des femmes à la vie politique, l’amélioration de la situation des
personnes handicapées et le traitement de la discrimination à l’encontre
des Roms»

.
8. Le Monténégro a entamé des pourparlers d’adhésion avec l’Union
européenne en juin 2012. Jusqu’à présent, il a clos temporairement
les chapitres 25 et 26 (Science et recherche et Education et culture).
Le Conseil de stabilisation et d’association entre l’Union européenne
et le Monténégro a encouragé, le 26 juin 2013, le Monténégro à maintenir
le rythme des réformes dans le domaine de la justice et des droits fondamentaux
et lui a rappelé qu’il devait consolider l’Etat de droit, en matière
de criminalité organisée et de corruption, y compris à un niveau
élevé. Il a également souligné la nécessité de faire davantage d’efforts
pour garantir la transparence et l’indépendance de la justice. Il
a rappelé qu’il faudrait adopter de nouvelles mesures pour renforcer
les garanties relatives à la capacité, à la transparence et à l’intégrité
de l’appareil judiciaire

. En juillet
2013, le Monténégro a adopté des plans d’action concernant les chapitres 23
et 24 qui constitueront une base de référence et une série de mesures
visant à atteindre les normes communautaires dans ces domaines.
Le 18 décembre 2013, il a ouvert les négociations sur les chapitres
23 (appareil judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (justice,
liberté et sécurité)

.
En tant que candidat à l’adhésion, il a aligné sa politique étrangère
sur les positions de l’Union européenne concernant les sanctions
appliquées à la Fédération de Russie après l’annexion de la Crimée.
9. Le Monténégro est resté un partenaire actif dans la stabilisation
de la région. Le Président de la République, M. Vujanović, a beaucoup
insisté sur ce point, mettant en avant les bonnes relations établies
avec tous les pays voisins et la participation active du Monténégro
à toutes les initiatives régionales et rappelant l’aspiration politique
des autorités monténégrines à adhérer à l’Union européenne et à
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Nous avons
félicité M. Krivokapić, président du Parlement monténégrin, pour
son élection à la présidence de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE
le 5 juillet 2013. Nous avons par ailleurs pris note d’une initiative
lancée par M. Luksić, ministre des Affaires étrangères et européennes,
afin de créer un réseau qui regrouperait six pays des Balkans occidentaux
– Monténégro, Serbie, Kosovo
* 
(dans
le respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations
Unies, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Albanie et Bosnie-Herzégovine.
10. Bien que l’intégration à l’Union européenne fasse l’objet
d’un consensus, l’adhésion à l’OTAN demeure un sujet controversé
au Monténégro. Alors qu’en juin 2014, une loi sur le statut des
forces de l’OTAN était débattue au parlement en séance plénière
d’urgence, le Secrétaire Général de l’OTAN, M. Rasmussen, a annoncé
le 24 juin 2014 que le Monténégro ne serait pas invité à se joindre
à l’Organisation lors d’un sommet prévu en septembre 2014. L’OTAN
préférait entamer des pourparlers approfondis et ciblés pour décider
au plus tard à la fin de l’année 2015 s’il convenait d’inviter le
Monténégro à adhérer à l’alliance

.
2.2. Evolutions récentes
au niveau national
11. Depuis l’adoption de la
Résolution 1890 (2012), deux scrutins nationaux se sont déroulés au Monténégro:
les élections législatives du 14 octobre 2012 et l’élection présidentielle
du 7 avril 2013. Tous deux ont été observés par l’Assemblée parlementaire

et par une mission d’observation
restreinte du Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l’homme de l’OSCE (BIDDH). Les conclusions et recommandations formulées
par les commissions d’observation ad hoc dans leurs rapports des
14 octobre 2012 et 7 avril 2013 ont été débattues avec les autorités
et prises en compte dans notre travail.
12. La Coalition pour un Monténégro européen, dirigée par Milo
Đjukanović, chef du Parti démocratique des socialistes (DPS) – qui
réunit le DPS, le Parti social-démocrate (SDP) (dirigé par le président
du parlement, M. Krivokapić) et le Parti libéral (LP) – a remporté
39 sièges (46,33 %) et a pu former une majorité parlementaire avec
le Parti des Bosniaques (3 sièges, 4,24 %) et l’Initiative civique
croate (1 siège, 0,41 %).
13. L’opposition est composée du Front démocratique (DF) – coalition
récente regroupant le Mouvement pour le changement et le parti Nouvelle
démocratie serbe (20 sièges, 23,19 %), dirigée par M. Miodrag Lekić, du
Parti socialiste populaire (SNP) (9 sièges, 11,24 %), de Monténégro
positif (7 sièges, 8,37 %) et d’une coalition de partis albanais
(Force pour l’unité – Forca per Bashkim (FZJ-FPB): Nouveau pouvoir démocratique,
Forca per Bashkim, Perspective et Initiative civique; Ligue démocratique
au Monténégro, Parti démocrate et Alternative albanaise) (2 sièges,
2,54 %).
14. Le parlement nouvellement élu a entamé ses travaux le 25 novembre
2012. Le nouveau règlement prévoit l’organisation plus régulière
d’auditions de contrôle. Une commission anticorruption, chargée
de superviser les activités des organes de l’Etat dans le domaine
de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption ainsi
qu’une Commission pour l’intégration européenne ont été créées.
15. Le nouveau gouvernement a été élu le 4 décembre 2012. Il est
composé de 19 membres et conduit par le Premier ministre, M. Đjukanović.
La délégation a indiqué que trois des 18 membres du gouvernement appartiennent
à des minorités (16,66 %): «Le Vice-Premier ministre est bosniaque,
le ministre des Droits de l’homme et des minorités est musulman
et un ministre sans portefeuille est croate

.»
16. Le 7 avril 2013, deux candidats ont participé à l’élection
présidentielle: M. Filip Vujanović, le président sortant (DPS),
et M. Miodrag Lekić, un candidat indépendant. M. Vujanović a été
réélu avec 51,21 % des voix (161 940 votes) selon la Commission
électorale nationale. Le taux de participation a été de 63,90 %.
M. Lekić a contesté les résultats, dont il a demandé l’annulation,
et réclamé un nouveau scrutin. Estimant que l’élection présidentielle
avait été truquée, le Front démocratique a décidé de boycotter le
parlement. Lors de la campagne présidentielle, l’opposition a demandé
une réforme électorale, une meilleure mise en œuvre de l’Etat de
droit et un renforcement de la lutte contre la corruption.
17. En outre, une autre question politique a émergé après la fuite
d’enregistrements audio provenant d’une réunion du DPS organisée
pour préparer les élections législatives anticipées de 2012. Dans
notre précédente note d’information, nous décrivions «l’affaire
des enregistrements audio»

. Des membres
du DPS y feraient allusion à un éventuel abus de ressources publiques
pour obtenir davantage de voix. Nous constatons que la question
d’un éventuel abus de ce type a été soulevée à plusieurs reprises
par les observateurs électoraux de l’Assemblée parlementaire. Elle
a également été dénoncée par une ONG dans un rapport publié en novembre 2012

. Cette affaire a été largement
couverte par les médias après que le quotidien
Dan eut publié la retranscription
des propos tenus par les cadres du DPS

.
18. Le Front démocratique a contesté les résultats de l’élection
présidentielle, exprimé sa méfiance à l’égard du processus électoral
et évoqué des fraudes éventuelles. Il a décidé de boycotter le parlement.
Des négociations ont été entamées entre la majorité et l’opposition
pour faire cesser ce boycott. Le parlement est convenu de créer
deux groupes de travail chargés de régler ces questions liées aux
élections et de modifier la réglementation.
18.1. Le 24 juin 2013, le parlement a mis en place une «commission
d’enquête chargée de réunir des informations et des faits sur les
événements liés aux activités des autorités publiques à la suite
de la publication d’enregistrements audio et de transcriptions provenant
des réunions des instances et organes du DPS», avec le soutien du
DPS, parti au pouvoir, qui a répondu à toutes les invitations à
des auditions, y compris pour le président du DPS et le Premier
ministre M. Milo Đjukanović.
18.2. A la suite de nos réunions du mois de juillet 2013, nous
avons eu le sentiment que cette commission ne disposait que de pouvoirs
limités et d’aucun moyen d’appliquer des sanctions et qu’elle devait
se borner à demander au ministère public d’ouvrir une enquête lorsqu’elle
aurait réuni suffisamment d’éléments de preuve. Nous avons également
eu le sentiment, compte tenu du caractère sensible de la question,
que la commission était assez divisée et qu’elle aurait du mal à
parvenir à des conclusions politiques. La commission a finalement
remis un rapport technique au parlement le 31 juillet 2013, sans
toutefois en tirer de conclusions politiques. Dans le même temps,
le procureur général par intérim, M. Veselin Vucković, qui avait
ouvert une enquête en 2013, nous a informés que 400 personnes avaient
été auditionnées et 253 personnes morales vérifiées; 43 procédures
avaient été engagées à l’encontre de 60 personnes et d’une personne
morale; 12 personnes avaient été inculpées, dont 11 ont été condamnées;
et 21 mises en accusation ont été annulées pour éléments de preuve
insuffisants. Ces poursuites ont conduit le tribunal de première
instance de Pljevlja à imposer deux peines avec sursis, tandis que
dix autres personnes ont été acquittées

.
18.3. Le 31 mai 2013, le parlement a adopté une «proposition
de conclusion relative à l’instauration de la confiance dans le
processus électoral», qui a débouché sur la création d’un «groupe
de travail visant à donner confiance dans le processus électoral».
Ce dernier est chargé de consulter le public et les organes souhaitant
régler les questions électorales ainsi que de proposer des amendements
à la loi sur les registres électoraux, à la loi sur la carte d’identité,
à la loi sur le registre des permis de résidence temporaire, à la
loi sur l’élection des conseillers locaux et des membres du parlement,
à la loi sur le financement des partis politiques et à la loi sur
la citoyenneté monténégrine, en s’appuyant sur ses propres observations
et sur les recommandations de l’OSCE/BIDDH et du Conseil de l’Europe.
A la suite de notre réunion avec le groupe de travail (composé de
six députés de la majorité et de six députés de l’opposition désignés
par le parlement) en juillet 2013, nous avons souligné l’esprit
constructif qui animait ce groupe de travail. Celui-ci a préparé
les amendements à la plupart des lois concernées, en coopération
avec des représentants d’ONG et, sur une base ad hoc, avec des représentants
de l’Union des communes du Monténégro.
19. Des élections locales ont eu lieu le 25 mai 2014 dans 13 municipalités.
Pour la première fois au cours de ces élections, à la suite des
modifications apportées en 2014 à la loi sur l’élection des conseillers
locaux et des membres du parlement, des actions positives en faveur
des minorités ont été lancées au niveau local. Le parti au pouvoir,
le DPS, a remporté la majorité des voix dans 11 municipalités et
la majorité absolue dans trois d’entre elles. Cinq cents observateurs
nationaux d’une ONG appelée MANS (Réseau pour l’affirmation du secteur
non gouvernemental) ont suivi les élections, signalé des centaines
d’irrégularités

et annoncé qu’ils déposeraient
plus de 130 plaintes au pénal pour infractions au droit de vote.
Le MANS a accusé le DPS d’enfreindre la loi électorale et d’acheter
leurs cartes d’identité aux partisans de l’opposition afin de les empêcher
de voter

. Depuis lors, la directrice du MANS,
Mme Calović a subi de nombreuses critiques
et a récemment été la cible d’une campagne de dénigrement dans un
média

,
qui a porté atteinte à sa dignité humaine, fait inacceptable qui
ne devrait pas rester impuni. L’incident s’est produit dans un contexte
qui a selon nous fait la vie dure aux ONG assurant la surveillance
de l’action des pouvoirs publics et publiant des rapports critiques.
Ces informations doivent être discutées au fond mais il n’y a pas
lieu de critiquer les personnes qui les ont révélées.
20. Bien qu’une décision judiciaire interdise désormais la publication
des documents offensants, le quotidien Informer a
continué cette campagne de dénigrement, en violation flagrante de
la loi et de la décision judiciaire, ce qui a incité certains parlementaires
à proposer que la diffamation redevienne une infraction pénale.
De notre point de vue, une telle mesure marquerait un retour en
arrière. Nous attendons des autorités qu’elles prennent les mesures
juridiques nécessaires pour prévenir d’autres campagnes similaires,
qu’elles ne cautionnent en aucune manière de telles campagnes et
qu’elles veillent à ce que les condamnations judiciaires soient pleinement
exécutées.
21. Dans la capitale, Podgorica, les deux partis nationaux au
pouvoir, le Parti démocratique des socialistes (DPS, 29 sièges sur
59) et le Parti social-démocrate (SDP), avec Monténégro positif
(5 sièges) ont eu du mal à s’entendre sur le candidat au poste de
maire. L’opposition (Parti socialiste populaire (SNP) et Front démocratique)
a remporté 25 sièges. Une administration intérimaire a été désignée
pour régler les questions urgentes

. Le 6 octobre 2014, le DPS et le
SDP ont finalement trouvé un accord et élu M. Slavoljub Stijepović maire
de la capitale.
22. Il nous faut enfin mentionner que le Président de la République
et le Premier ministre, M. Đjukanović, ont précisé que le développement
de l’économie nationale était une priorité pour les autorités. Le
Premier ministre a en particulier souligné que l’économie du Monténégro
restait sous-développée et qu’elle devrait être stimulée par des
projets touristiques sur la côte, la construction d’autoroutes,
d’une nouvelle centrale électrique et d’un câble électrique sous-marin
avec l’Italie, ainsi que par la mise en œuvre d’un projet de recherche
visant à explorer les ressources en gaz et en pétrole. Au cours
de nos visites, nous avons constaté que la faillite et les 300 millions
d’euros de dettes de l’usine d’aluminium de Podgorica (KAP), l’un
des principaux exportateurs du pays, et l’activation de la garantie
financière fournie par l’Etat en 2005, dans le cadre d’un accord
amiable avec la KAP, a suscité des débats houleux dans le pays

.
3. Etat de droit
3.1. Indépendance du
pouvoir judiciaire (domaine prioritaire)
23. L’adoption d’amendements constitutionnels visant
à dépolitiser l’appareil judiciaire était l’une des conditions d’adhésion
et l’un des «domaines prioritaires» identifiés par l’Assemblée dans
sa
Résolution 1890 (2012). Il s’agissait également d’une exigence de la Commission
européenne pour ouvrir les négociations d’adhésion à l’Union européenne.
Les autorités monténégrines ont décidé de soumettre le nouveau projet d’amendements
constitutionnels concernant la Cour constitutionnelle, le procureur
suprême et le Conseil de la magistrature à la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en mai 2013.
Lors de sa réunion du 14 juin 2013, la Commission de Venise a autorisé
les rapporteurs à transmettre le projet d’avis

aux autorités monténégrines avant
son adoption lors de sa prochaine session plénière d’octobre 2013.
24. Lors de notre visite d’information, en juillet 2013, nous
avons discuté de ce projet d’amendements avec les plus hautes autorités
judiciaires. Le président du Conseil de la magistrature était favorable
aux amendements proposés, alors que la présidente et le vice-président
de la Cour constitutionnelle étaient beaucoup plus réservés et exprimaient
de sérieux doutes, en particulier au sujet de la proposition de
sélection de cinq des juges de la Cour constitutionnelle au terme
d’un concours ouvert. Ils considéraient que cette proposition «opportune»
permettrait des manœuvres entre les partis politiques et transformerait
la Cour constitutionnelle en instance partisane. Ils estimaient
également que ces nouveaux amendements déstabiliseraient la Cour
constitutionnelle, porteraient atteinte au mandat des juges en exercice
et menaceraient la sécurité juridique.
25. Le 31 juillet 2013, les principaux partis politiques, à l’exception
du parti d’opposition le Front démocratique, ont adopté les amendements
constitutionnels, qui étaient conformes à la plupart des recommandations
de la Commission de Venise. Nous avons salué cette adoption très
attendue, qui devrait contribuer au processus de dépolitisation
du pouvoir judiciaire. Les nouvelles dispositions constitutionnelles exigent
la majorité qualifiée pour l’élection des juges de la Cour constitutionnelle,
du procureur suprême et des membres du Conseil de la magistrature,
tout en prévoyant des mécanismes pour empêcher une paralysie. Les amendements
sont les suivants (extraits):
«Au
premier tour de scrutin à la majorité des deux tiers, et au second
tour à la majorité des trois cinquièmes de tous les membres du parlement,
après au moins un mois, le parlement élit et révoque les juges de
la Cour constitutionnelle, le procureur suprême et quatre membres
du Conseil de la magistrature parmi d’éminents juristes».
«Au premier tour de scrutin, le parlement élit le procureur
suprême sur proposition du Conseil des procureurs. Si le candidat
proposé n’obtient pas la majorité requise, au second tour le parlement
élit le procureur suprême parmi tous les candidats qui satisfont
aux exigences légales».
«Le président de la Cour suprême est élu et révoqué par
le Conseil de la magistrature à la majorité des deux tiers, sur
proposition de l’assemblée générale de la Cour suprême».
«Le président du Conseil de la magistrature est élu par
cette instance parmi ses membres qui ne sont pas des officiers judiciaires,
à la majorité des deux tiers de ses membres».
«Le Conseil de la magistrature est composé du président
et de neuf membres. Parmi ses membres peuvent figurer le président
de la Cour suprême, quatre juges élus et relevés de leurs fonctions
par la Conférence des juges, quatre juristes éminents élus et relevés
de leurs fonctions par le Parlement et le ministre en charge des
Affaires judiciaires».
26. Le 24 septembre 2013, le parlement a adopté, dans la période
de 45 jours à compter de la date de promulgation des amendements,
les premiers amendements requis à la loi sur le Conseil de la magistrature, la
loi sur les tribunaux, la loi sur le ministère public et la loi
sur la Cour constitutionnelle du Monténégro, afin d’harmoniser ces
dernières avec les amendements constitutionnels nouvellement adoptés

.
27. Nous escomptions que la nouvelle procédure de nomination du
procureur suprême, découlant des modifications constitutionnelles
de juillet 2013, conformément aux recommandations de la Commission
de Venise, renforcerait le pouvoir et l’indépendance du ministère
public. Une élection a été organisée au printemps 2014. Aucun des
quatre candidats proposés n’a réussi à obtenir la majorité des deux
tiers lors du premier tour ou la majorité requise des trois cinquièmes
au deuxième tour. Au lieu de convoquer un nouveau scrutin (comme
le prévoit la Constitution), le parlement a décidé, eu égard à son
propre règlement, d’organiser un troisième tour (pendant que nous
nous trouvions à Podgorica, en avril 2014), initiative qui s’est
également soldée par un échec. Entre-temps, cette procédure a été
contestée par l’ONG Human Rights Action (HRA). La Cour constitutionnelle
a estimé, le 23 juillet 2014, que les dispositions du Règlement
du Parlement du Monténégro relatives à l’élection du procureur suprême
n’étaient pas conformes à la Constitution

.
28. Après l’échec du parlement à trouver un candidat consensuel
qui réunirait les conditions requises pour devenir procureur suprême
en avril 2014, Ivica Stanković a été élu à cette fonction le 7 octobre
2014 au deuxième tour (avec une majorité des trois cinquièmes).
29. HRA a également dénoncé la pratique persistante consistant
à élire les responsables de l’appareil judiciaire d’une manière
non conforme à la Constitution, en soulignant que l’élection à la
présidence de la Cour suprême, en cours au mois d’août 2014, avait
été menée conformément à des dispositions de la loi sur le Conseil
de la magistrature contraires à la Constitution, ce qui l’avait
incitée à former un autre recours constitutionnel afin de contrôler
le caractère constitutionnel de dispositions de la loi sur le Conseil
de la magistrature relatives à l’élection et à la révocation du
président de la Cour suprême

.
Pendant ce temps, le Conseil de la magistrature a procédé à l’élection
et, le 26 juillet 2014, reconduit dans ses fonctions de présidente
de la Cour suprême Mme Medenica, qui
ne préside plus le Conseil de la magistrature

.
30. Les autorités préparaient la loi sur le Conseil de la magistrature,
la loi sur les tribunaux, la loi sur les droits et obligations des
juges, la loi sur le ministère public et la loi sur la Cour constitutionnelle
du Monténégro, qui devaient encore être modifiées afin de répondre
aux exigences imposées dans le cadre des négociations d’adhésion
à l’Union européenne relatives au chapitre 23. La Commission de
Venise a adopté en octobre 2014 un avis sur le projet de loi relatif
à la Cour constitutionnelle

, et a adopté
son avis sur ces quatre autres projets de loi lors de sa réunion
des 12-13 décembre 2014.
31. Nous saluons aussi l’intention des autorités de modifier et
d’améliorer la loi sur l’assistance juridique gratuite, examinée
actuellement par le parlement.
32. Bien que les modifications constitutionnelles relatives à
la magistrature représentent un net progrès dans le respect de nos
exigences, il est capital que la loi sur le Conseil de la magistrature,
la loi sur les tribunaux, la loi sur le ministère public et la loi
sur la Cour constitutionnelle du Monténégro soient pleinement conformes
aux normes du Conseil de l’Europe. Nous nous félicitons de la coopération
avec les autorités monténégrines en vue de veiller à ce que toutes
les recommandations de la Commission de Venise soient suivies lors
de l’adoption de ces lois. Leur mise en œuvre effective est par
ailleurs essentielle pour garantir l’indépendance de la justice.
Elles devraient encore être examinées dans le cadre du dialogue
postsuivi envisagé avec le Monténégro.
3.2. Lutte contre la
corruption et la criminalité organisée (domaine prioritaire)
33. Nous avons souligné que des lois et des pratiques
efficaces de lutte contre la corruption sont indispensables pour
garantir l’Etat de droit et qu’il faut obtenir des résultats concrets
pour éradiquer une corruption qui demeure largement répandue et
profondément ancrée. Plusieurs affaires ont été portées à notre attention

, également dans la ville de Budva
(dans laquelle nous nous sommes rendus en avril 2014).
34. Nous avons été informés des modifications apportées au Code
pénal et au Code de procédure pénale en août 2013, modifications
qui devraient investir le procureur suprême, ainsi que le parquet
spécial chargé de la lutte contre la corruption et la criminalité
organisée, de pouvoirs d’enquête plus étendus. Un système informatique
particulier sera mis au point pour permettre au parquet spécial
d’accéder directement aux bases de données des différents organismes
publics. Cela requerra cependant du temps et de l’argent.
35. Nous nous félicitons des mesures en cours prises par les autorités
pour mieux satisfaire aux recommandations du Groupe d’Etats contre
la corruption (GRECO). D’après le dernier rapport de Transparency
International sur la perception de la corruption, publié le 3 décembre 2014

, le Monténégro figure en 76e position
avec un indice de perception de la corruption de 42. Nous sommes
cependant convaincus que la mise en œuvre de la législation est
indispensable. Toutes les institutions d’Etat devraient être conçues
et équipées de manière à prévenir, détecter et sanctionner la corruption.
36. Les antécédents du Monténégro en matière de lutte contre la
corruption sont souvent pointés: les poursuites engagées dans des
affaires de haut niveau ont rarement été menées à leur terme. Certaines
peines prononcées par des tribunaux de première instance ont été
annulées par des juridictions de degré supérieur pour des motifs
de procédure. Le maire de Budva, Lazar Rađjenović, soupçonné d’abus
d’autorité a été arrêté en mars 2014, tout comme Aleksandar Ticić,
conseiller en privatisation du Premier ministre Milo Đjukanović, et
Jelica Petričević, directrice adjointe de la banque Prva

. Certains interlocuteurs se sont
toutefois demandé si ces arrestations auraient pu être dictées par
des querelles internes entre deux factions du DPS.
37. Le Monténégro a semble-t-il engagé plusieurs réformes de ses
politiques anti-corruption à la demande de la Commission européenne.
Aux termes du projet de loi sur la prévention de la corruption,
la Direction de l’Initiative anticorruption et la commission pour
la prévention des conflits d’intérêt devraient être fusionnées pour
former une Agence pour la prévention de la corruption, qui devrait
être opérationnelle en 2016. Cette nouvelle agence devrait aussi
recevoir les compétences de la Commission électorale nationale concernant
le contrôle du financement des partis politiques et des campagnes
électorales et elle sera chargée de traiter les signalements des
donneurs d’alerte et d’assurer leur protection, ainsi que de faire
appliquer la loi sur les groupes de pression.
38. Un projet de loi sur le procureur spécial est en cours de
rédaction et il a été examiné par la Commission de Venise. Ce texte
devrait améliorer les compétences, l’indépendance et la structure
organisationnelle du procureur spécial pour le traitement des affaires
de crime organisé et de corruption. Il reste à voir comment le procureur
spécial travaillera avec le procureur suprême.
39. Le projet de loi sur le procureur spécial pour la corruption
et le crime organisé a été adressé à la Commission de Venise, qui
a adopté ses avis les 12 et 13 décembre 2014

.
Pour l’heure, un grand nombre de nos interlocuteurs nous ont dit
ne pas savoir clairement si le procureur suprême superviserait les
travaux du procureur spécial pour la corruption et le crime organisé,
ni s’il aurait accès à l’intégralité des dossiers traités par le
procureur spécial.
40. Un projet de loi sur la confiscation des biens issus d’une
activité criminelle est aussi en préparation. Ce texte devrait améliorer
la conduite des investigations financières et l’échange d’expériences
au niveau régional et international, sachant que les biens issus
d’une activité criminelle sont souvent envoyés à l’étranger

.
41. Un projet de loi portant modification de la loi sur la prévention
des conflits d’intérêt devrait renforcer les restrictions de l’exercice
de fonctions publiques, définir le contenu des déclarations de revenus
et de patrimoine et prescrire d’autres mesures qui permettront de
détecter et de sanctionner plus efficacement les cas de conflits
d’intérêt

.
42. A cet égard, nous estimons que le Parlement a un rôle essentiel
à jouer dans la promotion de la lutte contre la corruption. Une
«commission de lutte contre la corruption», composée de huit membres
de la majorité et de cinq membres de l’opposition, a été constituée
par le parlement en 2012. Au cours de notre dernière visite, nous
avons eu un échange de vues avec son président et ses membres. Cette
commission a organisé des auditions consultatives sur «l’affaire
Telekom»

le
6 février 2013 et enjoint le Bureau du procureur suprême d’adresser
un appel urgent à l’administration américaine afin que celle-ci
transmette tous les renseignements nécessaires que le procureur
suprême nouvellement élu attendait encore en novembre 2014; une
audition consultative sur l’affaire des enregistrements audio, organisée
le 11 décembre 2013, a été ajournée parce que le procureur suprême
par intérim avait quitté la réunion; une audition consultative en
date du 30 décembre 2013 concernant l’achat du motel «Zlatica» et
du terrain attenant, et visant à résoudre la question de l’hébergement
de l’unité spéciale de la police, a été interrompue pour cause d’absence
du procureur suprême par intérim

; plus
récemment, dans le cadre d’une audition sur «les contrats de plusieurs millions
pour des services de conseil juridique payés par la Société de production
électrique du Monténégro», à la suite d’une plainte déposée par
des représentants de la société civile, les matériels collectés
ont été adressés au procureur suprême, qui devait dans un délai
de 30 jours fournir à la commission anti-corruption des informations
sur ces matériels

.
43. Des représentants de la société civile craignent néanmoins
qu’en raison de sa structure et en l’absence de compétences clairement
définies, la commission de lutte contre la corruption reste peu
efficace en ne parvenant pas grâce à des mécanismes gouvernementaux
et judiciaires à modifier concrètement les politiques et les pratiques
qui posent problème

. C’est pourquoi nous invitons
le Parlement monténégrin à renforcer les moyens juridiques fournis
à la commission afin qu’elle puisse affermir son rôle de surveillance
et sa capacité à influer sur la lutte contre la corruption. Nous
ne pouvons qu’encourager le Parlement monténégrin à tirer davantage
parti de la Plateforme contre la corruption de l’Assemblée, récemment
créée

, qui pourrait offrir une tribune
utile pour l’échange de bonnes pratiques.
44. L’une des questions particulières abordées par les ONG a été
la décision, prise en août 2013, de supprimer des registres de l’administration
fiscale et de l’administration foncière le numéro unique à 13 chiffres attribué
à chacun à la naissance. Les ONG ont souligné que ce numéro d’identité
constituait un outil efficace pour enquêter sur la situation réelle
au regard de la propriété des actifs et des investissements au sein
de sociétés à la source d’un conflit d’intérêts pour des responsables
politiques et des fonctionnaires, et pour identifier les malversations
présumées. Il permettait aux citoyens d’avoir accès à l’information
sur le patrimoine des personnalités publiques et des personnes en
lien avec elles

.
45. Alors que les autorités invoquaient la protection des données
à caractère personnel, la commission parlementaire de lutte contre
la corruption a organisé le 27 décembre 2013 une audition consultative.
Elle a conclu que dans le but de mettre en lumière des faits de
criminalité organisée et de corruption, ce qui est le métier des
journalistes d’investigation et de certaines ONG, l’accès désormais
supprimé aux données est très important, ce qui signifie que le
numéro d’identification personnel des propriétaires de sociétés
ou de biens fonciers doit être accessible. La commission a souligné
l’incompatibilité de plusieurs lois (loi relative à la protection
des données à caractère personnel, loi sur la liberté d’accès à
l’information, loi sur les entreprises, loi sur l’administration
fiscale, loi sur l’administration du territoire et du cadastre)
et du niveau de divulgation d’informations au public, y compris
par la publication sur le web de numéros d’identification personnels,
et a décidé de constituer un groupe de travail pour traiter ce problème

.
46. Concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux, notons
l’adoption le 25 juillet 2014 de la loi sur la prévention du blanchiment
de capitaux et du financement du terrorisme, qui vise notamment
à suivre les recommandations du Comité d'experts sur l'évaluation
des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme (MONEYVAL).
3.3. Autres développements
47. Pendant nos visites, nous avons discuté des derniers
développements de la réforme de la justice, et notamment de la diminution
du volume d’affaires en souffrance

, de la
création en 2010 d’une voie de recours nationale en cas de durée
excessive de la procédure (67 plaintes enregistrées en 2013), de
la formation des juges, de l’attention accordée à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme et du suivi de l’activité
des tribunaux par 14 ONG, en tenant compte du fait que 150 000 nouvelles
affaires concernant 300 000 personnes (soit la moitié de la population)
étaient ouvertes chaque année

.
48. La question des crimes de guerre demeure ouverte. Nous renvoyons
au dernier rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe à la suite de sa visite du mois de mars 2014

, dans lequel il appelait les autorités
à mettre fin à l’impunité des crimes les plus graves commis en temps
de guerre et à octroyer un recours effectif aux victimes. Les autorités
ont déclaré qu’une solution juridique avait été apportée à toutes
les affaires de crimes de guerre (Morinj, Expulsions, Bukovica,
Štrpci), à l’exception de l’affaire de «Kaluđerski laz», actuellement
en appel. Elles ont précisé que 11 verdicts définitifs d’indemnisation
de victimes de crimes de guerre avaient été rendus. Un arrangement
judiciaire a été trouvé dans 42 affaires, toutes liées à l’
affaire des expulsions. Dans 13
affaires portées devant des tribunaux monténégrins, la demande d’indemnisation
de victimes de crimes de guerre a été rejetée définitivement. Certains
défenseurs des droits de l’homme que nous avons rencontrés ont cependant
déploré le faible niveau de gravité des actes d’accusation qui ont
conduit à ces décisions judiciaires. Nous souhaitons nous faire
l’écho de leur préoccupation, et de la position du Commissaire aux
droits de l’homme, en rappelant qu’il est essentiel que justice
soit rendue dans les affaires de crimes de guerre, dans l’intérêt
de la réconciliation dans le pays et l’ensemble de la région.
4. Démocratie
4.1. Législation électorale
49. Nous avons abordé plusieurs questions d’ordre électoral
avec nos interlocuteurs. Le gouvernement, l’opposition et le secteur
non gouvernemental ont pris une mesure visant à charger le ministère
de l’Intérieur de la gestion des listes électorales, étant donné
le système informatique de pointe dont il dispose. M. Rasko Konjević,
ministre de l’Intérieur, a rappelé que les citoyens devaient avoir
une carte d’identité biométrique pour pouvoir voter. Bien que l’adoption
de cette loi remonte à 2008, 25 000 citoyens ne possèdent toujours
pas ce type de carte. De nouvelles campagnes d’information devraient
être lancées. Des équipes mobiles ont été constituées par le ministère
de l’Intérieur pour collecter des données biométriques sur le terrain.
50. Nous avons encouragé le parlement monténégrin à poursuivre
ce travail et à régler toutes les questions soulevées à plusieurs
reprises par les commissions ad hoc de l’Assemblée sur l’observation
des élections. Ces améliorations devraient garantir que le processus
électoral ne donnera pas lieu à une utilisation abusive des ressources
publiques et administratives, qu’aucune pression ou intimidation
ne sera exercée contre des enseignants et des fonctionnaires pour
les pousser à voter pour le candidat soutenu par les partis au pouvoir, que
le financement des partis politiques et des campagnes électorales
sera plus transparent grâce à la mise en œuvre complète des recommandations
du GRECO

, que
le rôle de la Commission électorale nationale (CEN) sera renforcé,
que le registre des électeurs sera amélioré et que le droit au suffrage
universel sera accordé à tous les citoyens du Monténégro, sans être
assorti d’une condition de résidence de 24 mois

.
51. Outre les activités du «groupe de travail visant à donner
confiance dans le processus électoral» (voir ci-dessus), plusieurs
changements à la législation électorale ont été effectués: le 17
février 2014, le parlement a adopté la loi sur le registre des électeurs,
la loi portant modification de la loi sur le financement des partis politiques,
la loi portant modification de la loi relative à la carte d’identité
et la loi sur l’autonomie locale.
52. La nouvelle loi sur le financement des partis politiques avait
pour but de résoudre le problème de l’utilisation abusive de ressources
administratives, à la suite de l’affaire «des enregistrements audio».
Elle dispose que, sur l’ensemble du territoire, les organismes d’Etat
ne verseront pas de prestations sociales et ne recruteront aucun
personnel pendant la période électorale. De nombreux interlocuteurs,
dont le Président de la République, ont reconnu que cette nouvelle
loi entrave le bon fonctionnement de l’Etat et doit être peaufinée. Une
autre disposition prévoit que le fournisseur d’électricité publie
le nom des débiteurs avant et après les élections, et le nom de
tous les bénéficiaires d’une aide sociale devrait également être
publié, ce qui pourrait susciter des inquiétudes quant à la protection
des données à caractère personnel. La capacité de la CEN à veiller
à la mise en œuvre de cette loi a également été mise en doute.
53. La Cour constitutionnelle a cependant annulé certaines dispositions
de la loi sur le financement des partis politiques et des campagnes
électorales en mai 2014. Un groupe de travail présidé par la parlementaire Draginja
Vuksanović a été chargé de réviser, avec la participation active
et constructive d’ONG, la version de travail de la loi sur le financement
des partis politiques et des campagnes électorales préparées par
le gouvernement. Le groupe de travail a achevé cette tâche le 17 novembre
2014.
54. Nous espérons que la loi sur le financement des partis politiques
et des campagnes électorales réglementera strictement l’utilisation
de ressources administratives pendant les campagnes électorales,
ce qui est essentiel pour garantir l’égalité des chances entre tous
les partis politiques dans un pays qui n’a connu aucune alternance
politique depuis 25 ans et où 40 % des employés travaillent pour
l’Etat.
55. Le 21 mars 2014, le parlement a adopté la loi portant modification
de la loi sur l’élection des conseillers locaux et des membres du
parlement qui n’a pas, selon les informations que nous avons reçues,
été soumise à la Commission de Venise, et qui introduit de nouvelles
dispositions

:
55.1. L’une de ces dispositions a
trait à la nomination du Président de la CEN, qui sera élu par le parlement
à la majorité de la totalité des voix des membres du parlement,
sur proposition de la commission administrative après une annonce
publique. La CEN se composera d’un président, de 10 membres permanents
et d’un représentant autorisé pour chacun des organes présentant
une liste électorale. La loi accorde désormais la possibilité de
nommer un adjoint parmi les autres groupes minoritaires en remplacement
d’un membre permanent de la CEN, désigné comme représentant d’un parti
politique ou d’une liste électorale, afin de permettre une représentation
des membres de groupes minoritaires ou de communautés nationales.
Sur la base d’un avis de vacance et sur proposition de la commission
administrative, un représentant de la société civile, du secteur
des ONG et des universités, spécialisé dans la législation électorale,
sera élu à la CEN.
55.2. Le 7 octobre 2014, le parlement a élu Budimir Šaranović
à la présidence de la CEN, Vlado Dedović membre de la CEN désigné
parmi les représentants de la société civile, des ONG et des universités,
ainsi que les neuf autres membres de la CEN

.
55.3. La loi modifie la composition des commissions électorales
municipales, qui comptent un président, quatre membres permanents
et un représentant autorisé pour chacun des organes présentant une
liste électorale. Elle dispose également que le ministère de l’Intérieur
a pour obligation de tenir des registres électoraux et de notifier
les élections à l’ensemble des électeurs. L’utilisation d’un dispositif
électronique d’identification des électeurs dans les bureaux de
vote est proposée, et certaines dispositions relatives au vote à
domicile ont été modifiées. Nous avons appris que € 200 000 avaient
été alloués pour fournir les équipements et les logiciels nécessaires
pour l’enregistrement électronique des électeurs.
55.4. Une version de travail du registre électronique des électeurs
a été mise au point par le ministère de l’Intérieur fin octobre
2014. C’est l’opposition qui a demandé que l’identification électronique
des électeurs soit effective avant les élections locales à Herceg
Novi en décembre 2014

.
55.5. D’autres dispositions portent sur les listes électorales:
le nombre de signatures nécessaires à l’établissement de la liste
électorale des conseillers locaux et des membres du parlement est
ramené de 1 % à 0,8 % des électeurs dans la circonscription; le
soutien d’au moins 150 électeurs est suffisant pour établir les
listes électorales des partis politiques ou des groupes d’électeurs
représentant des groupes ou des communautés minoritaires.
56. Nous félicitons le parlement des efforts consentis pour accroître
la confiance dans les processus électoraux et résoudre certains
des problèmes soulevés ces derniers mois. Nous sommes convaincus
que cette confiance est essentielle pour le bon fonctionnement et
la stabilité de la démocratie. Aussi encourageons-nous les autorités
à suivre la mise en œuvre de ces lois, à accorder des ressources
financières suffisantes pour permettre à la CEN de travailler convenablement
et à combler d’éventuelles lacunes pouvant affecter la vie quotidienne
de nombreux citoyens et le bon fonctionnement des services publics.
4.2. Situation des médias
(domaine prioritaire)
57. Dans notre précédent rapport, nous nous sommes penchés
sur la situation des médias. Lors de nos dernières visites, nous
avons exprimé nos inquiétudes face à des agressions répétées de
journalistes ou à des dégradations de biens appartenant aux médias
dont les coupables n’ont pas été identifiés. Nous avons également
souligné que, dans une société démocratique, il est inacceptable
que des journalistes, en particulier d’investigation, fassent l’objet
de menaces directes ou indirectes. La question de la liberté des
médias a une nouvelle fois été débattue avec les autorités en 2014.
Nous avons à cet égard pris en compte les conclusions du Commissaire
aux droits de l’homme, à la suite de sa visite dans le pays, en
mars 2014

.
58. Les violences et les menaces à l’encontre de journalistes
restent très préoccupantes. D’après les données officielles, entre
2004 et février 2014, 52 affaires d’agressions physiques ou de menaces
graves contre des représentants des médias ou de dégradations de
leurs biens ont été enregistrées

.
Trente-deux affaires ont été résolues. L’ONG Human Rights Action
nous a fourni des rapports détaillés sur 30 affaires survenues de
2004 à janvier 2014, relatives à des menaces, des jets de pierres
contre des locaux, la destruction de biens, des passages à tabac,
la pose d’explosifs et les meurtres de Duško Jovanović, rédacteur en
chef du quotidien
Dan, en
2004, et de Srđan Vojičić, garde du corps de l’écrivain agressé
Jevrem Brković, en 2006

. De nombreuses affaires n’ont
toujours pas été élucidées.
59. C’est pourquoi nous nous félicitons de la création, en décembre
2013, d’une «commission de suivi des actions des autorités compétentes
dans l’instruction des affaires de menaces et de violences envers
des journalistes, d’assassinats de journalistes et de dégradation
de biens appartenant aux medias», composée de 11 membres

et
présidée par le rédacteur en chef adjoint du quotidien
Dan, M. Nikola Marković. Cette démarche
positive aidera à rendre justice et éventuellement à restaurer la
confiance entre les journalistes d’investigation et les autorités.
Cette commission devrait, nous l’espérons, faire la lumière sur
certains meurtres et agressions non résolus – en particulier l’assassinat
de Duško Jovanović – et en règle générale, rétablir la confiance
des citoyens dans leurs institutions. Nous avons relevé que récemment,
sous l’impulsion donnée par la commission, deux affaires ont été
élucidées: deux personnes ont été arrêtées en rapport avec l’explosion
qui a eu lieu devant le bâtiment du
Vijesti,
le 23 décembre 2013, et six autres à la suite de l’agression d’un
journaliste à Nikšić. Nous avons rencontré des représentants de
la commission une deuxième fois en novembre 2014. Nous sommes convaincus
qu’elle pourra continuer de pousser à la résolution des affaires
encore non élucidées, malgré les avis divergents des représentants
des différentes parties quant aux résultats de cette commission.
En écho à l’appel du Commissaire aux droits de l’homme, nous estimons
que les autorités doivent appliquer une politique de tolérance zéro
face aux violences et menaces à l’égard des journalistes. Nous avons
noté avec satisfaction qu’aucune attaque n’a été commise depuis
janvier 2014.
60. Nous avons noté que l’emploi de l’expression «mafia des médias»
par un député de l’opposition lors d’un débat parlementaire en présence
du Premier ministre a suscité un large débat parmi les journalistes.
Par la suite, les autorités ont déclaré que cette expression ne
s’appliquait pas aux journalistes d’investigation et ont souligné
que ces mots avaient été sortis de leur contexte et mal interprétés

.
Il était toutefois clair que les journalistes que nous avons rencontrés
ressentaient cette expression comme une tentative visant à incriminer les
journalistes d’investigation et comme une manière possible de légitimer
de nouvelles menaces et agressions ciblant des journalistes qu’une
description trompeuse pourrait amener certains à considérer comme
des «mafieux».
61. Au cours de nos visites, nous avons rappelé qu’il est de la
responsabilité des autorités de créer l’espace nécessaire pour permettre
aux journalistes de travailler librement, et de renforcer les organes
d’autorégulation. Autorités et journalistes ont également pour responsabilité
commune d’améliorer encore l’éthique dans ce paysage médiatique
fortement polarisé. Les autorités ont souligné qu’elles avaient
pris la décision de dépénaliser la diffamation en 2012. Elles se
sont toutefois plaintes que certains journalistes ne se conformaient pas
aux normes déontologiques dans leur travail

. Nous avons incité les autorités
à consolider les organes d’autorégulation qui devraient se charger
de l’éthique dans le journalisme. A l’heure actuelle, il existe
trois organes d’autorégulation distincts (et divisés): le Conseil
d’autorégulation des médias (18 membres), le Conseil d’autorégulation
de la presse locale et des périodiques (22 membres), regroupant
les titres de presse écrite et les médias électroniques locaux,
et le Conseil de la presse, constitué à la fin du mois de mai 2012
par les quotidiens
Vijesti et
Dan et
l’hebdomadaire
Monitor et inscrit au registre
des ONG le 6 août 2012

. Dans son «Plan d’action pour le
suivi de la mise en œuvre des recommandations de la Commission européenne», le
gouvernement prévoit de subventionner le Conseil des médias et le
Conseil d’autorégulation. Toutefois, lors de notre visite de novembre
2014, certains se sont inquiétés du risque que ce financement public
ne soit pas garanti en 2015. Ce financement est pourtant indispensable
pour garantir que les organes de régulation soient soutenus et accomplissent
les tâches professionnelles attendues d’eux.
62. A ce sujet, nous saluons l’initiative prise par la Représentante
de l’OSCE sur la liberté des médias, Dunja Mijatović, d’organiser
à Vienne, le 13 octobre 2014, une table ronde réunissant des représentants
de divers médias monténégrins (
Pobjeda,
Dan,
Vijesti,
Dnevne
novine,
Monitor et Portal analitika),
avec le soutien des autorités monténégrines. Lors de cette réunion,
les représentants des médias ont décidé de réexaminer le code de
déontologie, en tant que première mesure pour améliorer l’autorégulation
des médias dans le pays. Ils se sont aussi entendus sur les principes
essentiels sur lesquels devrait reposer l’autorégulation des médias

.
Nous espérons que cette initiative s’avérera fructueuse. Le Conseil
de l’Europe devrait être prêt à contribuer à cette initiative.
63. Nous avons également débattu de la publicité dans les médias.
Les médias indépendants considéraient que la situation était déséquilibrée
et que les médias publics et pro-gouvernementaux – ainsi que Pobjeda, média
toujours propriété de l’Etat mais qui devrait finalement être privatisé
– tiraient de plus grands avantages de la publicité, utilisée comme
un instrument permettant d’exercer une pression économique sur des
médias critiques. Le Vice‑Premier ministre et ministre de l’Information,
M. Lazović, a reconnu qu’il n’existait pas de règles strictes en
matière de répartition de la publicité dans les médias, mais que
les annonces étaient essentiellement publiées dans les trois principaux
médias imprimés

.
Il a également insisté sur la nécessité d’assurer une diversification
des médias dans un environnement fortement concurrentiel.
5. Droits de l’homme
5.1. Droits des minorités
et lutte contre la discrimination (domaine prioritaire)
5.1.1. Cadre juridique
64. Au cours de nos visites au Monténégro, nous avons
axé nos discussions sur la lutte contre la discrimination, en particulier
envers les Roms et la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT)
avec M. Suad Numanović, ministre des Droits de l’homme et des minorités,
M. Jovan Kojićić, secrétaire du Conseil de lutte contre la discrimination
et conseiller du Premier ministre pour les Droits de l’homme et
la protection contre la discrimination, M. Šućko Baković, défenseur
des droits de l’homme et des libertés (médiateur), et avec des ONG
65. Un groupe de travail composé de représentants du Bureau du
médiateur, de la Commission des droits de l’homme et des libertés,
des institutions compétentes de l’Etat, de la Commission européenne,
de l’OSCE et du secteur non gouvernemental a été constitué pour
élaborer des amendements à la loi de 2010 sur la lutte contre la
discrimination et à la loi de 2011 relative au médiateur (voir ci-dessous)
afin de tenir compte des recommandations de la Commission de Venise
et de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance
(ECRI) pour s’attaquer à la discrimination directe et indirecte

.
66. La loi de 2010 sur la lutte contre la discrimination a été
modifiée le 26 mars 2014. De nouvelles formes de discrimination
telles que le harcèlement, le harcèlement sexuel, la discrimination
raciale et le discours de haine, sont proscrites. Ce texte présente
la promotion de l’égalité comme un outil destiné à prévenir la discrimination,
et permet des «tests en situation», grâce auxquels une personne
ayant l’intention de tester directement la mise en œuvre des règles
antidiscriminatoires peut engager des poursuites. Il traite de la question
de la ségrégation «forcée» [à l’encontre des Roms, des Ashkalis
et des Egyptiens (RAE)] soulevée par l’ECRI

. Il
prescrit un délai d’un à trois ans à compter de la date de la reconnaissance
de la discrimination pour engager des poursuites

.
5.1.2. Situation de la
communauté LGBT
67. Sur proposition du Conseil de lutte contre la discrimination,
le Monténégro a adopté une «Stratégie visant à améliorer la qualité
de vie des personnes LGBT (2013-2018)», accompagnée du plan d’action
2013. Cette stratégie globale devrait permettre un certain nombre
de changements législatifs et mieux protéger les droits des personnes
LGBT. Elle vise également à donner un signe fort de la volonté du
gouvernement de maintenir son engagement dans ce domaine.
68. Par rapport aux conclusions formulées par l’Assemblée les
années précédentes, nous avons observé que les autorités tentent
de soutenir davantage la communauté LGBT. Le nouveau groupe de sensibilisation appelé
«Queer Montenegro» a souligné l’excellente coopération établie avec
la police. L’ONG Forum Progress a organisé sa première «Marche en
bord de mer» le 24 juillet 2013 à Budva. Un certain nombre de responsables
de l’Etat ont soutenu cet événement. La police a assuré la protection
des manifestants.
69. L’organisateur de la deuxième marche de la fierté (homosexuelle)
dans la capitale – prévue pour la fin du mois de juin 2014 – a décidé
à l’issue de concertations avec la police de la reporter à l’automne
pour des raisons de sécurité. La marche a eu lieu le 2 novembre
2014, organisée par l’ONG Queer Montenegro, en présence et avec
le soutien du ministre des Droits de l’homme et des minorités, M. Numanović,
du ministre de l’Intérieur, M. Raško Konjević, et du maire de Podgorica,
M. Stijepović, ainsi que de représentants de la communauté internationale.
Cette marche avait pour slogan «Traditionnellement fiers» et appelait
au respect des droits des personnes LGBT. Elle a réuni 200 personnes,
sous la protection de 1 800 policiers, et s’est déroulée sans incident
majeur

. Nous félicitons les autorités,
qui ont permis l’organisation pacifique de trois marches de ce type
ces dix-huit derniers mois.
70. La communauté LGBT reste toutefois encore confrontée à des
difficultés: au cours de la «Marche en bord de mer» qui s’est déroulée
en 2013 à Budva, de violents affrontements ont opposé la police
à des manifestants anti-gays

, qui scandaient des slogans homophobes
comme «Tuez les homosexuels». Nous condamnons fermement ces violences,
de même que la publication de fausses nécrologies annonçant le décès
de Zdravko Cimbaljević, directeur de Forum Progress. Celui-ci est
parti au Canada, où il bénéficie du droit d’asile. Ces actes montrent
malheureusement que les programmes de sensibilisation et d’éducation doivent
rester une priorité afin de garantir les droits de l’homme pour
tous.
71. Enfin, les défenseurs des droits de l’homme ont regretté qu’une
seule accusation au pénal ait été portée contre des personnes non
identifiées pour coups et blessures graves, jet de pierres sur des
policiers durant la marche organisée à Podgorica en 2013, alors
que le Bureau du procureur suprême expliquait qu’il n’engageait pas
de poursuites pénales parce qu’il considérait qu’il n’y avait pas
d’infraction pénale pouvant être poursuivie d’office et qu’aucun
des participants à la marche n’avait signalé de violences physiques
dans les locaux de la police locale

. Après l’organisation de la marche
de Podgorica en novembre 2014, des poursuites pénales ont été engagées
contre deux mineurs, qui d’après les organisateurs de la marche
avaient agi de manière isolée.
72. Les représentants de la communauté LGBT considèrent que le
cadre juridique relatif aux droits des personnes LGBT peut être
qualifié de satisfaisant, mais qu’il reste encore à être pleinement
mis en œuvre. Le ministère public ne répond pas toujours de manière
uniforme aux cas de menaces et d’agressions. Nous nous félicitons
par conséquent de la signature en mars 2014, entre la Cour suprême
du Monténégro et l’ONG de défense des personnes LGBT Forum Progress,
d’un Protocole d’accord qui devrait renforcer et améliorer la capacité
des juges à mieux comprendre les droits de l’homme des personnes
LGBT et les normes internationales concernant l’orientation sexuelle
et l’identité de genre

.
73. Les ONG de défense des personnes LGBT continuent de militer
en faveur de l’égalité des droits pour cette communauté. Cela étant,
de nombreux interlocuteurs ont souligné que le Monténégro était
une société traditionnelle, et nous comprenons qu’il faudra du temps
et de la patience pour promouvoir et améliorer les droits des personnes
LGBT. Cela signifie qu’en dépit des progrès observés et de la volonté
politique des autorités, il reste beaucoup à faire pour garantir
la liberté de réunion. Nous attendons désormais une action déterminée
de la police et de la justice, qui doivent poursuivre et punir les
auteurs de violences et de discours de haine.
5.1.3. Egalité entre les
hommes et les femmes
74. Dans le domaine de l’égalité entre les hommes et
les femmes, nous avons été informés par Suad Numanović, ministre
des Droits de l’homme et des minorités, qu’un plan d’action en faveur
de l’égalité entre les hommes et les femmes avait été adopté en
2013. La lutte contre la violence à l’égard des femmes ainsi que
l’autonomisation économique et la représentation des femmes dans
la vie politique figurent parmi les priorités auxquelles les autorités
s’attellent.
75. Nous nous sommes félicités de la modification apportée à la
loi sur l’élection des conseillers locaux et des membres du parlement
le 21 mars 2014, qui a introduit dans les listes électorales un
«système d’alternance» grâce auquel au moins 30 % des candidats,
et un candidat sur quatre, doivent représenter le sexe le moins
représenté sur la liste, ce qui devrait, dans le contexte actuel,
assurer une meilleure participation des femmes au parlement (elles
constituent actuellement 17,8 % des députés). Cette mesure est positive

.
76. Concernant la violence à l’égard des femmes, nous félicitons
le Monténégro d’avoir ratifié, le 22 avril 2013, la Convention du
Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention
d’Istanbul»), entrée en vigueur le 1er août
2014. Nous notons avec satisfaction les activités menées par le
Club politique féminin pour la lutte contre la violence domestique,
qui a préparé une publication sur le thème «Violences familiales
– mes droits» en coopération avec le secteur des ONG

.
5.1.4. Situation des minorités
77. Le ministre des Droits de l’homme et des minorités
a indiqué que des amendements à la loi de 2004 sur la protection
des droits des minorités, la loi de 2010 sur les minorités et la
loi sur les conseils des minorités nationales étaient en préparation.
Ces amendements devraient mieux réglementer les conseils nationaux
des minorités et permettre une répartition égale des fonds destinés
aux minorités.
78. Une loi sur les communautés religieuses était en préparation
et devait être examinée par la Commission de Venise. Jusqu’à présent,
des accords bilatéraux ont été conclus entre l’Etat et le Vatican,
et avec les communautés juive et musulmane. La nouvelle loi devrait
remplacer celle qui date de 1977 et mieux réglementer les relations
entre l’Etat et les communautés religieuses. La question du patrimoine
de ces dernières devrait être réglementée dans une loi distincte.
79. La loi sur l’élection des conseillers locaux et des membres
du parlement a été amendée en 2011 pour garantir la représentation
réelle et proportionnelle des minorités. Elle a été appliquée pour
la première fois lors des élections législatives de 2012. Pour mémoire,
cette loi révisée a réduit à la fois le nombre de signatures requises
pour valider les listes de candidats (c’est-à-dire 1 000 signatures
d’électeurs inscrits au lieu de 1 % du nombre total d’électeurs;
300 signatures pour les minorités spécifiques représentant jusqu’à
2 % de la population totale) et le seuil à atteindre pour attribuer
des sièges aux listes de candidats de minorités (c’est-à-dire 0,7 %
des suffrages valablement exprimés en faveur des minorités et de
la communauté nationale minoritaire et 0,35 % en faveur de la minorité
croate, contre 3 % pour les listes ne représentant pas les minorités).
80. Lors de nos discussions du mois de juillet 2013, les représentants
du SNP ont souligné qu’ils souhaitaient faire modifier l’article 45
de la Constitution, qui subordonne le droit de vote à une condition
de résidence de 24 mois. Le représentant du Parti bosniaque souhaitait
que les minorités soient mieux représentées dans les institutions
de l’Etat et que ce principe soit inscrit dans la Constitution.
L’Initiative citoyenne croate a regretté que les minorités ne soient
pas associées aux négociations avec l’Union européenne et a demandé
l’organisation d’une table ronde sur la nouvelle loi en préparation
concernant les minorités. Le Parti démocrate (représentant les Albanais)
a déploré que la nouvelle loi électorale prive les Albanais de leur
circonscription spéciale, ce qui a ramené le nombre de leurs élus
au parlement de 4 à 2. Il a aussi insisté sur l’enseignement en
albanais et sur le fait que la représentation des Albanais dans
les institutions publiques devrait refléter la proportion de ce
groupe dans la population. De son côté, FORCA a souligné la nécessité
d’adopter une loi organique définissant les minorités, d’offrir
plus de place dans les médias publics et de renforcer les compétences
des communes dirigées par des minorités.
81. En ce qui concerne les Roms, nous avons salué l’adoption en
avril 2012 de la Stratégie 2012-2016 visant à améliorer la situation
des Roms et des Egyptiens au Monténégro, ainsi que du plan d’action
2012. M. Isen Gaši, président du Conseil national des Roms du Monténégro,
a indiqué qu’environ 6 000 Roms vivaient actuellement au Monténégro
ainsi que 2 000 Roms et Egyptiens déplacés. Il a déclaré que 70 %
des Roms ayant un domicile avaient des conditions de vie plutôt
bonnes. 2 200 enfants roms sont scolarisés, mais 700 à 800 autres
ne peuvent pas aller à l’école, faute d’être enregistrés.
82. Les Roms déplacés qui ont fui le Kosovo à la fin des années 1990
et se sont installés au Monténégro continuent de faire l’objet d’une
attention importante (voir ci-dessous). Le ministre des Droits de
l’homme et des minorités a reconnu que les Roms domiciliés au Monténégro
avaient pâti de ce processus, même si le taux de scolarisation,
le taux d’emploi et l’accès aux droits sociaux se sont améliorés.
Nous notons avec satisfaction que la stratégie comprend pour la
première fois des dispositions visant à lutter contre les mariages
forcés et précoces de femmes roms et égyptiennes et contre la violence
à l’égard des femmes. Le 1er juillet
2013, le Monténégro a succédé à la Croatie à la présidence annuelle
de la Décennie pour l’intégration des Roms, dont il entend développer
les activités pour promouvoir l’intégration des Roms.
5.1.5. Médiateur
83. Les amendements à la loi de 2010 contre la discrimination
définissent les compétences et les pouvoirs du défenseur des droits
de l’homme et des libertés (médiateur) du Monténégro en matière
de discrimination.
84. La loi sur le défenseur des droits de l’homme et des libertés
du Monténégro (médiateur) a été adoptée en 2011 et modifiée le 18 juillet
2014. La nouvelle loi dispose que le Président de la République
sélectionne les candidats à la fonction de médiateur après consultation
d’institutions scientifiques et techniques et de représentants d’organisations
de la société civile. Elle prévoit aussi que le médiateur soit reçu
dans les meilleurs délais, à sa demande, par les plus hautes autorités
et les chefs de tous les organes. L’institution du médiateur est
devenue le mécanisme de prévention de la torture établi dans le
cadre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, ainsi que le mécanisme de protection contre la discrimination
en application de la Convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination. Le médiateur pourra effectuer des visites
auprès des organes, institutions ou organisations qui accueillent
des personnes privées de liberté ou des personnes dont les déplacements
sont limités, formuler des recommandations à l’intention des organes,
institutions ou organisations compétents en vue d’améliorer le traitement
accordé à ces personnes, soumettre des avis sur les propositions
de lois et autres réglementations concernant la protection et la
promotion des droits de l’homme et des libertés des personnes détenues
ou dont les déplacements sont limités.
85. Le médiateur, son adjoint, ses conseillers et les membres
du personnel de l’institution auront un accès complet et illimité
à tous les locaux et à tous les documents nécessaires pour leurs
activités de prévention de la torture, sans aucune limite et indépendamment
du degré de confidentialité. Une nouvelle disposition prévoit la
protection permanente des personnes employées par l’institution
du médiateur (immunité) contre toute sanction ou conséquence néfaste
dont ils pourraient pâtir en conséquence de leurs positions ou de
leurs recommandations

.
86. Il semble que le médiateur devrait bénéficier d’une meilleure
situation financière après l’adoption de la loi de 2014 et avoir
une compétence plus vaste pour la gestion de son personnel. Cependant,
plusieurs de nos interlocuteurs ont soulevé la question des ressources
humaines et financières du médiateur et de sa capacité à mener à
bien ces tâches. C’est pourquoi il est essentiel que les autorités
monténégrines fassent appel au savoir‑faire du Conseil de l’Europe
pour s’assurer que les compétences et les ressources du médiateur,
telles que définies dans la loi modifiée, permettent à cette institution
d’œuvrer de manière indépendante et efficace.
5.1.6. Situation des réfugiés
et des PDI (domaine prioritaire)
87. En septembre 2014, on comptait 6587 PDI et réfugiés
(5 742 PDI du Kosovo

et 845 réfugiés de Bosnie-Herzégovine
et de Croatie résidaient au Monténégro

).
Le nombre de familles qui souhaitent rentrer de leur plein gré dans
leur pays d’origine reste faible

,
bien qu’il semble que leur nombre soit en légère augmentation

. Les autorités monténégrines
mettent en avant le manque de terrains disponibles et de solutions
d’hébergement, ainsi que les conditions générales limitées en matière
de réinsertion, qui continuent de compromettre les chances d’un
retour volontaire durable au Kosovo.
88. Dans sa
Résolution
1890 (2012), comme suite à la révision de la loi sur
les étrangers, l’Assemblée invite les autorités monténégrines à
faciliter la régularisation et l’octroi d’un titre de séjour temporaire
ou permanent aux réfugiés et aux PDI vivant encore au Monténégro
et à trouver une solution adaptée pour ceux qui risquent de se retrouver
apatrides si les papiers d’identité nécessaires à leur enregistrement
ne sont plus disponibles ou ne peuvent être obtenus. Aux termes
de la loi de 2011 sur les étrangers, les personnes déplacées et
les PDI avaient jusqu’au 31 décembre 2012 pour déposer une demande
en vue d’obtenir le statut d’étranger résident permanent. Le 28 mai
2013, le Parlement du Monténégro a adopté une loi portant modification
de la loi sur les étrangers, qui a prolongé le délai au 31 décembre
2013. Il a une nouvelle fois prolongé ce délai au 31 décembre 2014,
après avoir adopté des amendements à la loi portant modification
de la loi sur les étrangers, le 23 décembre 2013. En avril 2014,
3 400 PDI et réfugiés n’avaient pas encore demandé la régularisation
de leur statut juridique (ils étaient 4 800 en septembre 2013

). Le parlement
a repoussé, pour la quatrième fois, la date limite pour soumettre
des demandes de permis de résidence provisoire ou permanente de
la part des personnes déplacées et des PDI (jusqu’au 31 décembre
2014). Depuis 2011, les autorités s’efforcent soit d’intégrer les
réfugiés en leur accordant le statut d’étranger doté d’un droit
de résidence permanent, soit de faciliter leur retour volontaire
dans leur lieu d’origine.
89. Nous sommes conscients des efforts consentis par les autorités
et le HCR pour aider les PDI et les réfugiés à obtenir des documents
d’identité dans leur pays d’origine

, même si cela reste problématique. Nous avons
appris qu’en 2013, les autorités du Monténégro et du Kosovo avaient
adopté des mesures pour permettre à une équipe mobile du Kosovo,
dotée du matériel technique approprié, de fournir des documents d’identité
biométriques aux PDI. Début octobre 2014, quatre équipes mobiles
du Kosovo ont visité les camps de Konik et les villes monténégrines
où des réfugiés étaient accueillis et ont interrogé 332 personnes
ayant demandé des documents

.
Nous encourageons les autorités monténégrines, avec le HCR, à poursuivre
cette action, qui simplifiera la situation d’un certain nombre de
PDI et réduira le nombre de personnes en situation irrégulière.
90. Nous avons également été informés que les PDI et les réfugiés
qui résident au Monténégro jusqu’à l’obtention du statut d’étranger
doté d’un droit de résidence permanent prévu par la loi sur les
étrangers ont, jusqu’au 30 juin 2015, les mêmes droits que les citoyens
monténégrins, y compris le droit de travailler et le droit à l’assurance
chômage conformément aux réglementations applicables au travail
et à l’emploi (à quelques exceptions près liées à la nationalité
monténégrine). Cependant, ces personnes restent confrontées à des difficultés
pour accéder au marché du travail, car elles ne peuvent pas être
recrutées par les administrations publiques ou les entreprises.
91. Nous avons noté avec satisfaction que près de 90 % des enfants
résidant dans les camps de Konik vont à l’école

. Il convient
de se féliciter de l’entrée en vigueur des modifications apportées
à la loi générale sur l’éducation en août 2013, qui permettent aux
personnes ayant le statut d’étranger doté d’un droit de résidence permanent
d’enseigner dans des établissements éducatifs au Monténégro.
92. Malgré les efforts des autorités pour faciliter l’accès aux
documents dans les pays d’origine et malgré la diminution des frais
administratifs, le processus d’identification reste coûteux pour
les PDI (les frais s’élèvent en moyenne à € 100 à € 170 par personne)
et complexe, même pour les nouveau-nés dont les parents sont réfugiés
ou déplacés. Nous avons été avisés que le Gouvernement monténégrin,
avec la délégation de l’Union européenne et le HCR, continuerait
de coopérer avec les pays d’origine par le biais du Groupe de travail
sur les documents d’état civil en vertu de l’initiative de Belgrade,
de manière à réduire les coûts liés aux documents d’identité

.
93. A cet égard, le HCR préconise l’adoption d’une loi sur l’enregistrement
ultérieur des naissances, qui garantirait un enregistrement universel

.
En 2013, 98 demandes d’enregistrement ultérieur de personnes n’étant
pas nées dans des structures de santé ont été présentées par le
Centre juridique des ONG, et 45 de ces demandes ont abouti. Davantage
de demandes d’enregistrement ultérieur devaient être traitées par
le HCR et le Centre juridique en 2014

. De leur côté,
les autorités ont souligné qu’elles mettaient tout en œuvre pour
faciliter le transport et l’enregistrement. Elles craignaient que
certaines PDI s’abstiennent de rechercher leurs documents d’identité
et de s’enregistrer, afin de pouvoir bénéficier des droits sociaux
à la fois dans leur pays d’origine et dans leur pays de résidence.
94. Le ministre du Travail nous a informés que, en vertu d’un
accord avec le HCR, les réfugiés de Croatie et de Bosnie-Herzégovine
ne seraient plus considérés comme des réfugiés en 2015.
95. Lors de la visite de juillet 2013, et de nouveau en novembre 2014,
grâce à l’aide apportée par le Représentant et les membres du personnel
du HCR au Monténégro, les corapporteurs ont visité les camps de Konik
I (38 baraquements, 214 familles, 1 156 personnes) et de Konik II
(56 baraquements, 67 familles, 316 personnes)

situés dans la banlieue de
Podgorica, dans lesquels s’étaient déjà rendus les précédents rapporteurs
de l’Assemblée en 2012

. Une série de projets lancés par
les autorités pour remettre en état les logements se poursuit, comme
le Processus régional de Sarajevo et le «projet pilote du camp de
Konik» (construction de 120 unités résidentielles) lancé en mars
2013 et géré par la Banque de développement du Conseil de l’Europe,
le projet 2011 d’instrument d’aide de préadhésion (IAP) de l’Union
européenne concernant l’«identification de solutions durables pour
les personnes déplacées et les résidents du camp de Konik», le «Programme
national visant à loger les réfugiés et les personnes déplacées
les plus vulnérables» pour résoudre les problèmes de logement et
fournir 1 177 unités résidentielles à près de 6 000 personnes dans 13 municipalités,
ainsi que les contributions financières ou en nature de donateurs
nationaux (en particulier l’ONG allemande Help, l’Agence suisse
pour le développement et la coopération et les Etats-Unis

). En octobre 2014, les autorités
monténégrines et la Banque de développement du Conseil de l’Europe
ont signé un accord de subventions d’un montant de € 9,9 millions
pour la construction de logements pour 120 familles à Podgorica
et d’une maison de retraite pouvant accueillir 68 personnes âgées
à Pljevlja. Des programmes de logement régionaux permettront d’accueillir
des personnes déplacées dans 907 logements, et de fournir des matériaux
de construction pour 120 logements et la construction de 60 logements
préfabriqués. Le gouvernement prévoit d’achever ce processus en
2016 et d’avoir pu fermer tous les centres d’hébergement collectif
à cette date

.
96. Nous pensons que les autorités monténégrines n’ont cessé de
chercher des solutions durables pour les PDI et les réfugiés. En
septembre 2014, 11 569 personnes déplacées et PDI avaient demandé
le statut d’étranger doté d’un droit de résidence permanent. Sur
ce nombre, 10 284 dossiers ont été traités, et 1 285 restaient encore
dans l’attente d’une réponse; 556 PDI avaient demandé le statut
d’étranger doté d’un droit de résidence permanent. 402 dossiers
ont été traités et 154 restaient encore dans l’attente d’une réponse

. Cela signifie que plus de 70 % des 16 000
PDI et réfugiés encore recensés au Monténégro ont fait une demande de
régularisation, et nous encourageons les autorités monténégrines,
avec le soutien du HCR et des autorités des pays voisins, à faciliter
le dépôt de demandes et l’obtention de la régularisation avant le
31 décembre 2014.
97. La question du risque de cas d’apatridie reste ouverte. Le
ministère de l’Intérieur a publié du 22 septembre au 22 novembre
2014 une annonce appelant toutes les personnes qui pensent n’avoir
la nationalité d’aucun Etat, ou qui n’ont pas accès à la citoyenneté,
à demander la nationalité monténégrine

.
A ce sujet, nous nous félicitons de la ratification par le Monténégro,
en octobre 2013, de la Convention de 1961 des Nations Unies pour
la réduction des cas d’apatridie.
98. Lors de nos contacts avec le HCR, nous avons également discuté
de la situation des demandeurs d’asile. Voisin d’un pays membre
de l’Union européenne (Croatie), le Monténégro devient un pays attractif
qui est sur la voie de l’intégration européenne. Par conséquent,
le nombre de demandeurs d’asile y est en augmentation (1 066 demandes
en 2013 contre 10 en 2010). Entre 2007 et 2014, plus de 6 300 demandes d’asile
ont été soumises. Onze personnes ont obtenu la protection des autorités.
Un centre d’accueil d’une capacité de 65 places a été ouvert en
février 2014, avec une possibilité d’étendre sa capacité à 100 places. Ce
centre devrait accueillir en priorité les demandeurs d’asile les
plus vulnérables (femmes, femmes enceintes et enfants)

. Les autorités
doivent par ailleurs développer le système d’asile. A ce sujet,
les autorités nous ont indiqué qu’un groupe de travail interministériel
avait été constitué afin de rédiger une nouvelle loi sur l’asile, ainsi
que la législation secondaire, et que la mise en place de registres
électroniques des demandeurs d’asile, comportant des informations
de base, était prévue pour décembre 2014

.
6. Conclusions
99. Au cours de nos visites des mois de juillet 2013,
avril 2014 et novembre 2014, nous avons pu constater l’engagement
pro-européen et la détermination du Monténégro à se conformer aux
normes du Conseil de l’Europe et aux exigences de l’Union européenne
dans les domaines de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits
de l’homme. Le Monténégro a fortement progressé sur la voie du respect
de ses engagements et obligations.
100. Nous félicitons les autorités monténégrines pour leurs efforts
continus en faveur de la lutte contre la discrimination. Nous notons
que plusieurs mesures positives ont été prises pour garantir le
droit à la liberté de réunion de la communauté LGBT et encourageons
les autorités à poursuivre leur action de sensibilisation pour accroître
le degré de tolérance des citoyens. Les récents amendements à la
loi sur le médiateur devraient accroître les compétences, les capacités
et l’indépendance financière de cette institution, appelée à améliorer la
protection des droits de l’homme. Nous attendons aussi avec intérêt
de connaître les améliorations en préparation dans le domaine de
la protection des minorités, qui devraient encore consolider la
coexistence pacifique de l’ensemble des minorités vivant au Monténégro.
Il convient d’accorder une attention soutenue à la communauté rom.
101. Nous tenons à remercier les autorités monténégrines, aux côtés
du HCR et de la communauté internationale, pour leur action continue
concernant l’accueil et/ou l’intégration des réfugiés et des PDI.
La loi révisée sur les étrangers a facilité l’accès au permis de
résidence permanente ou temporaire, même si des difficultés administratives
et financières subsistent. C’est pourquoi nous appelons instamment
les autorités monténégrines à poursuivre leurs efforts pour aider
les 3 400 PDI et réfugiés toujours dépourvus de documents d’identité
et dont le séjour sur le territoire du Monténégro sera considéré
comme illégal fin décembre 2014.
102. Tout en félicitant les autorités monténégrines pour les progrès
réalisés, nous aimerions souligner quelques points essentiels sur
lesquels un effort supplémentaire est nécessaire:
102.1. L’adoption en juillet 2013 de
modifications constitutionnelles très attendues concernant le pouvoir judiciaire
constitue une avancée considérable. Un certain nombre de lois relatives
aux tribunaux, aux droits et devoirs des juges ainsi qu’au Conseil
de la magistrature, à la Cour constitutionnelle et au ministère
public restent néanmoins à modifier pour être pleinement conformes
aux recommandations de la Commission de Venise et aux normes du
Conseil de l’Europe, et il nous faudra suivre ces évolutions. Il
s’agit là d’une condition préalable indispensable pour restaurer
la confiance des citoyens dans leur système judiciaire et garantir
indépendance du pouvoir judiciaire. Nous encourageons vivement les autorités
monténégrines à continuer de collaborer étroitement avec la Commission
de Venise et à tenir compte de ses recommandations.
102.2. Le «groupe de travail visant à donner confiance dans le
processus électoral», constitué en 2013, a permis aux partis politiques
d’établir un dialogue constructif et de proposer des amendements concernant
un certain nombre de lois importantes relatives aux processus électoraux.
Nous regrettons cependant que la Commission de Venise n’ait pas
été consultée sur cette législation importante. La confiance dans
les processus électoraux doit être instaurée à tous les niveaux,
y compris local, et une attention plus grande devrait être accordée
à la mise en œuvre des lois par les collectivités locales et les
responsables politiques locaux.
102.3. Une nouvelle loi sur la prévention de la corruption devrait
réformer les structures chargées de combattre la corruption et la
criminalité organisée. Nous observons qu’à partir de 2016 la future
Agence pour la prévention de la corruption aura un rôle fondamental
à jouer dans le contrôle de la mise en œuvre de la loi sur le financement
des partis politiques et de nombreux autres domaines. Ses capacités devraient
être renforcées. Il nous faudra également veiller à ce que le procureur
spécial, dont les compétences et la relation avec le procureur suprême
(désormais élu démocratiquement) sont régies par une loi distincte,
dispose de toutes les garanties nécessaires pour travailler en toute
indépendance et sans aucune ingérence politique.
102.4. Dans le domaine des médias, la création de la «commission
de suivi des actions des autorités compétentes dans l’instruction
des affaires de menaces et de violences envers des journalistes, d’assassinats
de journalistes et de dégradation de biens appartenant aux medias»
est un signe encourageant et devrait contribuer à élucider certaines
affaires d’agressions et de menaces envers des journalistes. Toutefois,
cela pourrait ne pas suffire à créer un environnement de travail
favorable aux médias. Il est grand temps de s’attaquer à la question
de l’autorégulation pour s’assurer que la profession pratique un
journalisme éthique et sanctionne les violations du code de déontologie
de ses membres.
103. En conclusion, au vu des progrès réalisés par le Monténégro
depuis 2012, et de son engagement renouvelé à poursuivre le processus
de réforme dans le cadre des négociations en vue de l’adhésion à
l’Union européenne, nous sommes en mesure de proposer la clôture
de la procédure de suivi et l’ouverture d’un dialogue postsuivi
tel qu’il est prévu par la
Résolution
2018 (2014), adoptée par l’Assemblée en octobre 2014. Nous demanderons
ainsi que les autorités monténégrines mènent à bien, d’ici à la
fin 2017, une série de réformes visant à instaurer la confiance
dans le processus électoral, renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire,
intensifier la lutte contre la corruption et le crime organisé et
améliorer la situation des médias. En cas de non-respect des engagements
susmentionnés de la part des autorités monténégrines d’ici à la
fin 2017, la commission de suivi devrait examiner l’opportunité
de rouvrir la procédure de suivi général pour le Monténégro.