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Rapport | Doc. 13800 | 04 juin 2015

Examen de l'annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015))

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Stefan SCHENNACH, Autriche, SOC

Origine - Renvoi en commission: Résolution 2034 (2015), Renvoi 4128 du 24 avril 2015. 2015 - Troisième partie de session

Résumé:

La commission de suivi regrette profondément l’absence manifeste de progrès en ce qui concerne la mise en œuvre des demandes formulées dans la Résolution 2034 (2015). Elle déplore également la décision de la délégation russe de suspendre tout contact officiel avec elle jusqu’à la fin de 2015 qui constitue un rejet clair de l’offre de dialogue de l’Assemblée, et qui conduit à s’interroger sur l’engagement de la délégation russe de coopérer et d’entretenir un dialogue positif avec l’Assemblée, s’agissant notamment du respect de ses engagements et obligations envers notre Organisation.

Cependant, la commission reste convaincue de l’importance d’un dialogue ouvert, de bonne foi, entre l’Assemblée et la délégation russe, pour trouver une solution durable, fondée sur le droit et les principes internationaux, au conflit dans l’est de l’Ukraine et à l’annexion illégale de la Crimée.

Par conséquent, il est essentiel que le Parlement russe et sa délégation auprès de l’Assemblée expriment leur volonté claire d’engager avec l’Assemblée un dialogue sans conditions préalables sur le respect par la Russie de ses obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe, notamment en ce qui concerne sa politique vis-à-vis de ses voisins. Afin d’exprimer son engagement d’un tel dialogue ouvert et constructif avec la délégation russe, l’Assemblée, tout en notant les sanctions actuellement en place, devrait décider de ne pas annuler, à ce stade, les pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 28 mai 2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2034 (2015) sur la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie, adoptée le 28 janvier 2015. Dans cette résolution, l’Assemblée condamnait fermement les graves violations du droit international commises par la Fédération de Russie dans le cadre du conflit dans l’est de l’Ukraine, ainsi que l’annexion illégale de la Crimée. Soucieuse d’exprimer clairement sa condamnation, l’Assemblée a décidé de priver la délégation russe auprès de l’Assemblée de plusieurs de ses droits pour la durée de la session de 2015. Cependant, dans le seul but explicite de maintenir un dialogue ouvert et constructif avec la délégation russe, notamment sur les actions de la Russie à l’égard de l’Ukraine, l’Assemblée décidait de ratifier les pouvoirs de la délégation russe. Cependant, au paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015), elle décidait d’annuler les pouvoirs de la délégation russe lors de sa partie de session de juin 2015 si aucun progrès n’était constaté pour ce qui concerne la mise en œuvre du Protocole et du Mémorandum de Minsk ainsi que les demandes et recommandations de l’Assemblée qui figuraient dans la résolution susmentionnée, en particulier celles relatives au retrait immédiat des troupes russes de l’est de l’Ukraine.
2. L’Assemblée regrette profondément l’absence manifeste de progrès en ce qui concerne la mise en œuvre des demandes formulées dans la Résolution 2034 (2015). Elle déplore également la décision de la délégation russe de suspendre tout contact officiel avec elle jusqu’à la fin de 2015, y compris toutes les visites au nom de ses organes. Cette décision constitue à ses yeux un rejet clair de sa proposition de maintenir un dialogue ouvert et constructif, notamment sur les actions de la Russie en Ukraine, et la conduit à s’interroger sur l’engagement de la délégation russe de coopérer et d’entretenir un dialogue positif avec l’Assemblée, s’agissant notamment du respect de ses engagements et obligations envers le Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée réaffirme sa position et réitère ses demandes en ce qui concerne l’intervention russe ayant entraîné un conflit militaire dans l’est de l’Ukraine, l’annexion illégale de la Crimée et la dégradation continue de la situation des droits de l’homme dans cette région, exprimées dans sa Résolution 1990 (2014) sur le réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, et sa Résolution 2034 (2015). Par ailleurs, elle se déclare vivement préoccupée, notamment par:
3.1. le harcèlement et la fermeture, en Crimée, de la plupart des organisations non gouvernementales (ONG) et médias critiques à l’égard de l’annexion illégale de la région par la Russie, y compris la chaîne de télévision tatare de Crimée ATR;
3.2. la détérioration constante de la situation des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine et les signalements dignes de foi de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire par les deux parties au conflit, dont des enlèvements, des exécutions, des détentions arbitraires et des actes de torture contre des civils perpétrés dans les zones contrôlées par les séparatistes pro-russes et des troupes russes;
3.3. le refus des autorités russes de libérer la membre de l’Assemblée Nadiia Savchenko et leur décision de prolonger sa détention provisoire en dépit, entre autres, de l’immunité dont elle jouit au titre de l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe et de son Protocole (STE nos 2 et 10), auxquels la Fédération de Russie est Partie;
3.4. les violations continues, de part et d’autre, du cessez-le-feu convenu dans l’Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk, signé à Minsk le 12 février 2015, et le maintien d’une artillerie lourde dans la zone d’exclusion, en violation de ces accords;
3.5. la présence permanente de troupes russes dans l’est de l’Ukraine et l’afflux, en provenance de la Fédération de Russie, d’armements lourds sophistiqués et de «volontaires»;
3.6. le harcèlement et les persécutions en Russie de militants politiques, d’ONG et d’organisations des médias qui se montrent critiques à l’égard du rôle de la Russie dans le conflit de l’est de l’Ukraine. Dans ce contexte, l’adoption récente de la loi sur «les organisations étrangères indésirables» soulève également de graves préoccupations.
4. L’Assemblée reste convaincue de l’importance d’un dialogue ouvert, de bonne foi, entre l’Assemblée et la délégation russe, pour trouver une solution durable, fondée sur le droit et les principes internationaux, au conflit dans l’est de l’Ukraine et à l’annexion illégale de la Crimée. Il est désormais essentiel que le Parlement russe et sa délégation auprès de l’Assemblée expriment leur engagement clair d’entamer avec cette dernière un dialogue sans conditions préalables sur le respect par la Russie de ses obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe, notamment en ce qui concerne sa politique vis-à-vis de ses voisins. L’Assemblée souligne que l’acceptation d’un tel dialogue est un principe fondamental de l’appartenance à l’Assemblée parlementaire, qui incombe à toutes les délégations. Elle appelle par conséquent la délégation russe à renouer, sans plus attendre, le dialogue avec elle concernant en particulier la mise en œuvre des demandes formulées dans sa Résolution 1990 (2014) et sa Résolution 2034 (2015) ainsi que dans la présente résolution. A cet égard, la délégation russe devrait dans un premier temps reprendre ses activités au sein de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) et permettre à ses rapporteurs pour la Fédération de Russie de se rendre dans le pays dans le cadre de leurs travaux. Par ailleurs, les autorités russes, en tant que puissance occupante, devraient faciliter une visite conjointe en Crimée des corapporteurs pour l’Ukraine et des corapporteurs pour la Fédération de Russie, pour évaluer la situation des droits de l’homme dans cette région.
5. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les autorités russes:
5.1. à mettre pleinement en œuvre les accords de Minsk et l’Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk, auxquels la Fédération de Russie est Partie, et à user de leur influence auprès des forces insurgées pour les amener à faire de même;
5.2. à revenir immédiatement sur l’annexion illégale de la Crimée;
5.3. à remettre immédiatement en liberté Nadiia Savchenko et à l’autoriser à rentrer en Ukraine;
5.4. à remettre en liberté tous les détenus, en particulier les civils et y compris les détenus qui sont retenus en Fédération de Russie, et à user de leur influence auprès des forces insurgées pour les amener à faire de même;
5.5. à cesser les harcèlements et les persécutions à l’encontre de citoyens, de militants, d’ONG et d’organisations des médias en Fédération de Russie qui sont critiques à l’égard du rôle de la Fédération de Russie en Ukraine;
5.6. à rendre la loi sur les agents étrangers pleinement conforme aux normes et aux principes européens;
5.7. à respecter pleinement les droits à la liberté de réunion et d’expression, y compris dans le cas des personnes qui se montrent critiques envers la politique des autorités.
6. Afin d’exprimer son engagement pour un dialogue ouvert et constructif avec la délégation russe, l’Assemblée, tout en notant les sanctions actuellement en place, décide de ne pas annuler, à ce stade, les pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe.

B. Exposé des motifs, par M. Schennach, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 28 janvier 2015, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 2034 (2015) sur la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie, dans laquelle elle a décidé de ratifier les pouvoirs de la délégation russe. Mais, dans le même temps, soucieuse d’exprimer clairement qu’elle condamne la poursuite des graves violations du droit international commises par la Fédération de Russie en Ukraine, notamment à l’égard du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1) et des engagements pris par la Russie au moment de son adhésion à l’Organisation, elle a décidé de suspendre les droits suivants des membres de la délégation russe pour la durée de la session de 2015 de l’Assemblée: les droits de vote; le droit de représentation au Bureau de l’Assemblée, au Comité des Présidents et à la Commission permanente; le droit d’être désigné comme rapporteur; le droit d’être membre d’une commission ad hoc d’observation des élections; le droit de représenter l’Assemblée dans les instances du Conseil de l’Europe ainsi qu’auprès d’institutions et d’organisations extérieures, tant au niveau institutionnel qu’à titre occasionnel.
2. Au paragraphe 15 de la Résolution 2034 (2015), l’Assemblée a décidé qu’elle pourrait examiner le rétablissement des droits de vote et de représentation au Bureau de l’Assemblée, au Comité des Présidents et à la Commission permanente de la délégation russe lors de sa partie de session d’avril 2015, s’il devait s’avérer que la Russie a fait «des progrès tangibles et mesurables pour donner suite aux exigences formulées par l’Assemblée aux paragraphes 4.1 à 4.4, 5.1 à 5.3, 7.1 à 7.9, 11 et 12.1 à 12.4» et qu’elle a apporté sa pleine et entière coopération au groupe de travail mentionné au paragraphe 17 de la Résolution 2034 (2015).
3. Par ailleurs, au paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015), l’Assemblée a décidé d’annuler les pouvoirs de la délégation russe lors de sa partie de session de juin 2015 si aucun progrès n’était constaté pour ce qui concerne la mise en œuvre du Protocole et du Mémorandum de Minsk ainsi que «les demandes et recommandations de l’Assemblée qui figurent dans la présente résolution, en particulier celles relatives au retrait immédiat des troupes russes de l’est de l’Ukraine».
4. Le 12 février 2015, l’Assemblée a reçu un courrier du président de la délégation russe, M. Alexei Pushkov, dans lequel il annonçait la suspension jusqu’à la fin de 2015 de l’ensemble des contacts officiels de la délégation russe avec l’Assemblée parlementaire, y compris toutes les visites au nom des organes de l’Assemblée 
			(2) 
			Il convient de noter
à cet égard qu’aux termes du Règlement, les Etats membres sont tenus
de coopérer pleinement avec la commission de suivi à l’exécution
de la procédure de suivi, y compris aux visites des rapporteurs
pour le pays en question. Par ailleurs, la Fédération de Russie
a pris lors de son adhésion un engagement spécifique, à savoir «de coopérer
pleinement à la mise en œuvre de la Directive 508 (1995) de l’Assemblée relative au respect des obligations et engagements
contractés par les Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi qu’aux
processus de contrôle établis en vertu de la Déclaration du Comité
des Ministres du 10 novembre 1994 (95e session)»..
5. Le 17 mars 2015, compte tenu de l’absence manifeste de progrès en ce qui concerne les demandes formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 2034 (2015) et du manque de coopération de la délégation russe avec l’Assemblée, la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) a demandé à l’unanimité au Bureau de retirer de l’ordre du jour de la partie de session d’avril 2015 de l’Assemblée le point intitulé «Suite à donner à la Résolution 2034 (2015)): réexamen des sanctions à l’égard de la délégation de la Fédération de Russie à l’Assemblée parlementaire». Le Bureau de l’Assemblée a appuyé cette demande et, le 20 avril 2015, l’Assemblée a convenu de retirer ce point de l’ordre du jour de sa partie de session d’avril.
6. Au titre du suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015), le 24 avril 2015, le Bureau de l’Assemblée a saisi la commission de suivi pour rapport sur la question «Examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015))». La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a quant à elle été saisie pour avis sur ce rapport.
7. Lors de sa réunion du 20 avril 2015, en anticipation de la décision du Bureau, la commission de suivi m’a nommé rapporteur pour le présent rapport.
8. L’Assemblée a imposé les sanctions énoncées dans la Résolution 2034 (2015) pour toute la durée de la session de 2015. Lorsqu’elle a décidé de retirer de l’ordre du jour de la partie session d’avril la discussion sur la «Suite à donner à la Résolution 2034 (2015): réexamen des sanctions à l’égard de la délégation de la Fédération de Russie à l’Assemblée parlementaire» en raison de l’absence manifeste de progrès eu égard aux demandes formulées dans la résolution susmentionnée, l’Assemblée a de nouveau confirmé les cinq sanctions 
			(3) 
			Voir
paragraphe 1 ci-dessus. pour le restant de la session de 2015. Cette décision ne saurait être remise en question par le présent rapport.
9. Dans le même temps, au paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015), l’Assemblée a décidé d’envisager l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, mais n’a pas explicitement envisagé la possibilité d’appliquer d’autres sanctions. Le présent rapport et son projet de résolution se pencheront par conséquent uniquement sur la question de savoir s’il convient d’annuler les pouvoirs de la délégation russe sur la base des critères établis au paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015) et n’examineront, ni ne pourront examiner un éventuel allègement ou durcissement des sanctions prises l’égard de la délégation de la Fédération de Russie, hormis l’éventuelle annulation des pouvoirs.
10. Je dresserai pour commencer une vue d’ensemble des principaux développements en ce qui concerne la mise en œuvre des demandes et des recommandations formulées par l’Assemblée dans la Résolution 2034 (2015) ainsi que des accords de Minsk. Une courte section sera ensuite consacrée aux évolutions concernant d’autres obligations et engagements de la Fédération de Russie à prendre en ligne de compte dans le présent contexte. Enfin, j’examinerai brièvement les questions du dialogue et des sanctions prises par l’Assemblée.

2. Suivi de la Résolution 2034 (2015)

11. Avant de se pencher sur la mise en œuvre des demandes et des recommandations formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 2034 (2015), il importe de rappeler qu’elle a décidé de retirer de l’ordre du jour de la partie de session d’avril 2015 la question du réexamen de la question des sanctions à l’égard de la délégation de la Fédération de Russie à l’Assemblée parlementaire (suivi du paragraphe 15 de la Résolution 2034 (2015)), à la suite de la demande formulée en ce sens par la commission de suivi compte tenu de «l’absence manifeste de progrès en ce qui concerne les demandes formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 2034 (2015)» 
			(4) 
			Ainsi
que du manque de coopération de la délégation russe avec l’Assemblée.. Je fonderai par conséquent mon analyse sur la question de savoir si, depuis la partie de session d’avril, des avancées sont susceptibles d’amener à reconsidérer cette appréciation.
12. S’agissant de la Crimée, aucune initiative n’a été prise à ce jour pour mettre fin à l’annexion illégale et son intégration à la Fédération de Russie se poursuit sans relâche. Dans un documentaire 
			(5) 
			Crimea, the Road to
the Motherland: <a href='https://vimeo.com/123194285'>https://vimeo.com/123194285</a>. diffusé le 15 mars 2015 par la télévision d’Etat russe, le Président Poutine a révélé avoir donné l’ordre de préparer l’annexion de la Crimée le 22 février 2014, soit le jour où l’ancien Président ukrainien Ianoukovitch s’est enfui en Russie. Dans ce contexte, il a également reconnu avoir dès le départ déployé clandestinement à cette fin des militaires russes sans insignes. Ce documentaire a clairement montré que l’annexion était préméditée et planifiée dès l’origine par les autorités russes et qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une mesure prise en réaction au soulèvement spontané du peuple de Crimée à la suite des événements de l’Euromaidan.
13. La situation des droits de l’homme en Crimée, particulièrement celle des Tatars de Crimée, a continué de se dégrader et soulève de graves préoccupations.
14. L’enquête sur la mort et la disparition de militants politiques pro-ukrainiens 
			(6) 
			Résolution 2034 (2015), paragraphe 4.2. n’a en rien progressé et les opposants à l’annexion illégale continuent d’être victimes de harcèlement. Par ailleurs, les rassemblements publics, y compris les célébrations commémoratives organisées par les Tatars de Crimée, seraient interdits ou perturbés 
			(7) 
			Amnesty International,
One Year On, Violations of the Rights to Freedom of Expression,
Assembly and Association in Crimea (EUR 50/1129/2015), p. 15-18..
15. Après l’annexion illégale, les organisations non gouvernementales (ONG) ont été tenues de se réenregistrer en vertu de la législation russe. Quelques-unes seulement y sont parvenues. Sur plus de 10 000 ONG enregistrées avant l’annexion, seules 400 ont été reconduites. Ces dernières auraient été mises en garde contre le risque de fermeture au titre de la législation russe visant à lutter contre l’extrémisme si elles venaient à organiser des activités pro-ukrainiennes. Plus inquiétant encore, le Mejlis des Tatars de Crimée a été officiellement menacé de dissolution en application de cette législation par le «procureur général de Crimée».
16. De même, les médias ont été contraints de se réenregistrer en vertu de la législation russe avant le 1er avril 2015 
			(8) 
			Initialement
fixée au 1er janvier 2015, la date butoir
a été repoussée au 1er avril 2015. . Un grand nombre d’entre eux, dont la quasi-totalité des médias pro-ukrainiens ou tatars de Crimée, ont essuyé un refus d’inscription de la part du Service fédéral russe pour la surveillance des communications, des technologies de l’information et des médias («Roskomnadzor») 
			(9) 
			Amnesty International,
One Year On, Violations of the Rights to Freedom of Expression,
Assembly and Association in Crimea (EUR 50/1129/2015), p. 12-14.. Par ailleurs, un appel d’offres pour la réattribution des fréquences radio a été organisé avant l’achèvement du processus de réenregistrement des médias, de sorte que plusieurs stations ont perdu leur fréquence.
17. Malheureusement, les organisations tatares de Crimée ont continué d’être victimes de harcèlement 
			(10) 
			Résolution 2034 (2015), paragraphes 5.1 à 5.3.. Le 29 janvier 2015, les services de sécurité russes ont arrêté Ahtem Ciygoz, vice-président du Mejlis des Tatars de Crimée, l’accusant d’avoir organisé des émeutes; ils ont perquisitionné son domicile le 30 janvier. En dépit du tollé suscité par son arrestation dans la communauté internationale, sa demande de mise en liberté sous caution a été rejetée et il a été placé en détention provisoire. Mustafa Dzhemilev et Refat Chubarov restent persona non grata dans la Fédération de Russie et ne sont pas autorisés à regagner leur domicile en Crimée. La chaîne de télévision tatare de Crimée ATR s’est vu refuser son enregistrement et a cessé d’émettre le 1er avril 2015.
18. La situation des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine continue de se dégrader et de graves violations sont commises de part et d’autre, y compris par des militaires russes et des volontaires russes présents dans cette région. Dans son rapport publié le 3 mars 2015 
			(11) 
			<a href='http://www.un.org.ua/images/stories/9thOHCHRreportUkraine_1.pdf'>www.un.org.ua/images/stories/9thOHCHRreportUkraine_1.pdf</a>. , la mission des Nations Unies de surveillance des droits de l’homme en Ukraine faisait part de signalements dignes de foi de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire par les deux parties au conflit, dont des enlèvements, des détentions arbitraires et des allégations de torture de civils perpétrés dans les zones contrôlées par les séparatistes pro-russes 
			(12) 
			Rapport sur la situation
des droits de l’homme en Ukraine, du 1er décembre
2014 au 15 février 2015, paragraphe 14.. Le 17 mars 2015, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies a exprimé ses préoccupations devant la dégradation de la situation des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine consécutive aux violations de l’accord de cessez-le-feu de Minsk, en particulier aux abords de l’aéroport de Donetsk et à Chyrokine. Le 9 avril 2015, Amnesty International a publié une déclaration 
			(13) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/articles/news/2015/04/ukraine-new-evidence-of-summary-killings-of-captured-soldiers-must-spark-urgent-investigations/'>https://www.amnesty.org/en/articles/news/2015/04/ukraine-new-evidence-of-summary-killings-of-captured-soldiers-must-spark-urgent-investigations/</a>. dans laquelle l’organisation condamne la torture, les mauvais traitements et les exécutions sommaires de soldats ukrainiens capturés par les forces séparatistes pro-russes et appelle à mener une enquête complète sur ces crimes de guerre. Le 15 avril 2015, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une décision sur la situation en Ukraine dans laquelle les Délégués des Ministres «expriment leur grave préoccupation face à la détérioration continue de la situation des droits de l’homme dans l’est de l’Ukraine et en Crimée» 
			(14) 
			Comité des Ministres,
1225e réunion, 15 avril 2015, Situation
en Ukraine, décisions, paragraphe 4. .
19. Dans sa Résolution 2034 (2015), l’Assemblée exprimait sa vive inquiétude concernant l’incarcération et l’inculpation de la pilote d’hélicoptère ukrainienne Nadiia Savchenko, en violation du droit international. Mme Savchenko étant devenue à ce moment-là membre de l’Assemblée parlementaire, cette dernière a demandé à la Fédération de Russie de respecter pleinement les obligations qui lui incombent en tant que Partie à l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe et à son Protocole (STE nos 2 et 10), en vertu desquels Mme Nadiia Savchenko jouit de l’immunité parlementaire européenne. Elle a par conséquent appelé les autorités russes à libérer Mme Savchenko dans les vingt-quatre heures après l’adoption de la résolution et à garantir son retour en Ukraine, ou à la remettre à un pays tiers.
20. Mme Savchenko n’a à ce jour toujours pas été libérée par les autorités russes. Bien au contraire, le 30 janvier 2015, le lendemain même de l’adoption de la Résolution 2034 (2015), la commission d’enquête russe a porté de nouvelles accusations contre Mme Savchenko, lui reprochant d’avoir prétendument franchi illégalement la frontière de la Fédération de Russie. Le 5 mars 2015, Mme Savchenko a interrompu sa grève de la faim, notamment après l’appel lancé en ce sens par le Médiateur russe.
21. Le 29 mars 2015, en réponse à une demande des avocats de Mme Savchenko, la commission d’enquête russe a refusé de lui accorder l’immunité en sa qualité de membre de l’Assemblée parlementaire. Le 7 avril 2015, les avocats de Mme Savchenko ont fait appel de cette décision devant un tribunal de Moscou. Cet appel a été rejeté le 6 mai 2015 et le tribunal a par ailleurs prolongé sa détention provisoire jusqu’au 30 juin 2015 
			(15) 
			<a href='http://www.rferl.org/content/savchenko-pretrial-detention-extension-ukraine-russia/26997698.html'>www.rferl.org/content/savchenko-pretrial-detention-extension-ukraine-russia/26997698.html</a>..
22. Immédiatement après l’adoption de l’Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk le 12 février 2015, le Président ukrainien Porochenko annonçait que Mme Savchenko serait libérée par la Fédération de Russie dans le cadre de cet accord. Cette information a cependant été contredite par le président de la délégation russe auprès de l’Assemblée parlementaire, M. Puskhov, qui a par la suite déclaré ne connaître aucun mécanisme juridique susceptible de garantir la libération automatique de Mme Savchenko, laquelle doit au préalable prouver son innocence devant les tribunaux 
			(16) 
			<a href='http://tass.ru/politika/1763510'>http://tass.ru/politika/1763510</a>.. Ces propos furent ensuite corroborés par le porte-parole du Président Poutine, qui a nié toute éventuelle promesse de remise en liberté de Mme Savchenko par la Russie 
			(17) 
			<a href='http://www.interfax.ru/russia/423849'>www.interfax.ru/russia/423849</a>.. Le 14 avril 2015, le ministre allemand des Affaires étrangères a confirmé que Mme Savchenko devrait être libérée en application du paragraphe 6 de l’Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk signé le 12 février 2015.
23. Aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne les demandes formulées par l’Assemblée dans la Résolution 2034 (2015) s’agissant de la politique de la Russie vis-à-vis des pays voisins. De façon controversée, le 18 mars 2015, la Russie et les autorités de fait de la «République d’Ossétie du Sud» autoproclamée ont signé un traité «d’alliance et d’intégration» similaire à celui conclu entre la Russie et la «République d’Abkhazie» autoproclamée. La communauté internationale, y compris les rapporteurs de la commission de suivi pour la Géorgie, ont condamné ce traité qu’ils considèrent comme une nouvelle illustration de l’annexion rampante de ces régions par la Fédération de Russie.
24. Au paragraphe 17 de sa Résolution 2034 (2015), l’Assemblée a invité le Bureau de l’Assemblée «à envisager d’instituer, dans l’attente de l’accord des parlements concernés, un groupe de travail spécial auquel participeraient les Présidents de la Douma russe et de la Verkhovna Rada ukrainienne, ou leurs représentants, groupe qui serait chargé de contribuer à la mise en œuvre de toutes les propositions figurant dans la présente résolution et de proposer d’éventuelles initiatives supplémentaires de l’Assemblée parlementaire pour favoriser l’application du Protocole de Minsk». Elle a demandé à la délégation russe d’apporter sa pleine et entière coopération à ce groupe.
25. Le 4 février 2015, la Présidente de l’Assemblée parlementaire, Mme Anne Brasseur, a envoyé un courrier au président de la Douma d’Etat russe, M. Sergueï Narychkine, invitant la Russie à participer à ce groupe de travail. Dans la réponse adressée le 6 février 2015, M. Pushkov, déclinant l’invitation, a déclaré qu’un groupe de travail avait été établi en juillet 2014 dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE afin d’aider à résoudre la situation en Ukraine mais que ces travaux avaient été bloqués par la Pologne, l’Ukraine et les Etats-Unis. Comme évoqué précédemment, dans une lettre datée du 12 février 2015, M. Pushkov a confirmé la décision de la délégation russe de suspendre jusqu’à la fin de 2015 tout contact et toute coopération avec l’Assemblée parlementaire.

3. Les accords de Minsk et la présence militaire russe en Ukraine

26. Les faits survenus dans l’est de l’Ukraine jusqu’à janvier 2015 et l’implication de la Russie à cet égard ont été succinctement décrits dans mon rapport 
			(18) 
			Doc. 13685. ayant conduit à la Résolution 2034 (2015). Le présent rapport n’a pas pour objet d’exposer en détail les événements intervenus depuis lors dans cette région. Je me limiterai ici aux principaux développements depuis janvier 2015.
27. A la mi-janvier, les troupes militaires ukrainiennes avaient repris le contrôle de l’aéroport de Donetsk. Le 21 janvier 2015, les forces séparatistes aidées par les troupes militaires russes 
			(19) 
			Dans une déclaration
prononcée le même jour, le Président Porochenko a affirmé que plus
de 9 000 militaires russes étaient déployés dans l’est de l’Ukraine,
ainsi que des chars, de l’artillerie lourde et des lance-roquettes. ont lancé une offensive contre l’aéroport de Donetsk, qui s’est soldée par l’éviction des forces ukrainiennes. Après s’être emparés de l’aéroport de Donetsk, les séparatistes et les forces russes ont lancé plusieurs offensives contre les troupes militaires ukrainiennes présentes le long de la ligne de contact telle qu’établie par les accords de Minsk de septembre 2014. Les combats furent particulièrement intenses aux alentours des villes de Marioupol et de Debaltseve.
28. Debaltseve est une ville stratégiquement importante qui était sous le contrôle du gouvernement. En raison de sa position stratégique en tant que nœud routier et ferroviaire, les troupes séparatistes, appuyées par l’armée russe, ont lancé l’offensive contre la ville le 17 janvier 2015. Dans les jours qui ont suivi, Debaltseve a été la cible de bombardements à l’artillerie lourde et aux lance-roquettes multiples, faisant un nombre considérable de victimes civiles. Fin janvier, les forces pro-russes avaient quasiment encerclé la localité et la situation des défenseurs et des civils ukrainiens pris au piège dans la ville est devenue insoutenable 
			(20) 
			<a href='http://www.reuters.com/article/2015/01/29/us-ukraine-crisis-deathtoll-idUSKBN0L217220150129'>www.reuters.com/article/2015/01/29/us-ukraine-crisis-deathtoll-idUSKBN0L217220150129</a>. . Au 31 janvier 2015, plus d’un millier de civils avaient été évacués par les autorités ukrainiennes et des renforts étaient dépêchés pour venir en aide aux troupes prises au piège à Debaltseve. Les combats se sont poursuivis et, le 11 février, la ville était entièrement encerclée par les forces séparatistes. Après la signature de l’accord de cessez-le-feu à Minsk le 12 février 2015 
			(21) 
			Voir
paragraphes 29 à 35 ci-après. et en violation flagrante de ces accords, les forces séparatistes et russes ont à nouveau lancé l’offensive, parvenant à occuper la ville le 18 février. Le chef autoproclamé de la «République populaire de Donetsk», Alexander Zakhartchenko, a déclaré publiquement que, selon les forces séparatistes, les accords conclus à Minsk en février 2015 ne s’appliquaient pas à Debaltseve 
			(22) 
			<a href='http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/ukraine/11414407/Ukraine-ceasefire-slows-but-does-not-stop-war-in-the-east.html'>www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/ukraine/11414407/Ukraine-ceasefire-slows-but-does-not-stop-war-in-the-east.html</a>. .
29. Le 24 janvier 2015, les forces séparatistes, soutenues semble-t-il par les troupes et l’artillerie russes, ont également lancé une offensive contre Marioupol et bombardé la ville, faisant plus de 30 victimes parmi les civils. Elles ont ensuite essuyé une contre-offensive menée par le bataillon volontaire Azov et les forces armées ukrainiennes. La situation aux abords de Marioupol est particulièrement sensible, certains chefs séparatistes ayant ouvertement annoncé qu’ils continueraient leurs tentatives visant à prendre la ville à l’armée ukrainienne. L’occupation de Marioupol par les forces séparatistes et russes marquerait une étape importante sur la voie de la création d’un pont terrestre vers la Crimée (voire vers Odessa), considérée par beaucoup comme un éventuel objectif à long-terme des autorités russes 
			(23) 
			Voir aussi le document
AS/Mon (2015) 13..
30. La rupture du cessez-le-feu convenu à Minsk en septembre 2014 a donné lieu à une série de négociations diplomatiques intenses menées par la Chancelière allemande et le Président français, qui aboutirent à la signature, le 12 février 2015 à Minsk, de l’«Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk» 
			(24) 
			<a href='http://www.elysee.fr/declarations/article/package-of-measures-for-the-implementation-of-the-minsk-agreements/'>www.elysee.fr/declarations/article/package-of-measures-for-the-implementation-of-the-minsk-agreements/. </a>, comprenant notamment un nouvel accord de cessez-le-feu censé entrer en vigueur le 15 février 2015. La reprise des hostilités et la progression des séparatistes en janvier 2015 avaient conduit les Etats-Unis à envisager de fournir une aide militaire létale aux forces armées ukrainiennes. Il va sans dire que cette possibilité a fortement contribué à la conclusion d’un accord à Minsk le 12 février 2015.
31. Une discussion et une analyse détaillées de l’Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk n’entrent pas dans le cadre de ce document. Je me limiterai aux aspects qui présentent une importance pour le présent rapport. Le 15 février 2015, l’accord de cessez-le-feu négocié à Minsk trois jours plus tôt est entré en vigueur. Cependant, comme décrit précédemment, les forces séparatistes, soutenues par la Russie, ont poursuivi sans relâche leur offensive sur Debaltseve en violation de cet accord jusqu’à ce que la ville tombe entre leurs mains. Cet accord de cessez-le-feu a néanmoins permis la cessation, jusqu’à ce jour, des actions militaires de grande ampleur. Mais il demeure extrêmement fragile et est quotidiennement violé, en particulier aux alentours de l’aéroport de Donetsk et de Marioupol. Le Président Hollande et la Chancelière Merkel ont à maintes reprises déclaré qu’une offensive des séparatistes sur Marioupol conduirait à un durcissement important des sanctions de l’Union européenne à l’égard de la Russie.
32. L’Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk prévoit le retrait par les deux parties de toutes les armes lourdes à des distances égales afin d’établir une zone de sécurité 
			(25) 
			Paragraphe 2.. Les deux camps ont procédé à un retrait massif des armes lourdes de ladite zone de sécurité, mais il en reste bien plus encore. Les observateurs internationaux, régulièrement entravés dans leurs déplacements par les deux parties au conflit, ne sont pas en mesure de déterminer avec exactitude l’ampleur du retrait des armes lourdes. Par ailleurs, plusieurs gouvernements occidentaux, ainsi que l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), ont constaté l’arrivée massive d’armes et de matériels russes réceptionnés par les rebelles au lendemain immédiat de la signature des accords de Minsk en février 2015.
33. L’Ensemble de mesures impose la libération de tous les otages et personnes retenues illicitement par toutes les parties au conflit, y compris la Russie 
			(26) 
			Paragraphe
6.. Malheureusement, comme noté dans la section précédente, la Russie prétend que Mme Nadiia Savchenko n’est pas couverte par ce paragraphe et refuse de la remettre en liberté.
34. L’Ensemble de mesures détaille une série de dispositions afin d’encourager une solution politique négociée au conflit. Il prévoit dans ce cadre la mise en place de quatre groupes de travail chargés respectivement des dossiers de la sécurité, du processus politique, des affaires économiques et des questions humanitaires. J’invite les autorités russes à participer pleinement et de manière constructive à ces groupes de travail et à faire en sorte qu’il en soit de même des représentants des forces séparatistes.
35. L’accord de cessez-le-feu demeure fragile et plusieurs obstacles qui entravent de part et d’autre l’application des accords de Minsk pourraient aisément conduire à une reprise des hostilités militaires à grande échelle 
			(27) 
			<a href='http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/europe/ukraine/b073-the-ukraine-crisis-risks-of-renewed-military-conflict-after-minsk-ii.pdf'>www.crisisgroup.org/~/media/Files/europe/ukraine/b073-the-ukraine-crisis-risks-of-renewed-military-conflict-after-minsk-ii.pdf</a>. . Le chef de la «République populaire de Donetsk» autoproclamée, Alexander Zakhartchenko, a mis en avant cette éventualité dans une déclaration où il prévient que le cessez-le-feu échouera tant que l’indépendance de la «République populaire de Donetsk» autoproclamée n’aura pas été reconnue 
			(28) 
			<a href='http://www.bbc.com/news/world-europe-32363766'>www.bbc.com/news/world-europe-32363766</a>. . Je réitère l’appel lancé par l’Assemblée à toutes les parties au conflit et particulièrement, dans le contexte du présent rapport, à la Fédération de Russie, pour qu’elles appliquent de bonne foi les accords de Minsk. Par ailleurs, j’invite les autorités russes à retirer toutes leurs troupes militaires du territoire ukrainien; à cesser sur-le-champ de fournir des armes aux forces séparatistes et à prendre des mesures crédibles pour mettre fin à la participation de volontaires russes au conflit.
36. Les autorités russes continuent de démentir toute implication de leurs troupes militaires ou fourniture d’armements lourds sophistiqués aux forces séparatistes engagées dans le conflit dans l’est de l’Ukraine. Cependant, ces affirmations sont clairement contredites par d’innombrables preuves publiquement accessibles qui attestent du contraire. Parmi elles figurent des rapports de l’OTAN et de ses Etats membres, des analyses d’images satellite disponibles dans le commerce réalisées par des analystes de la défense indépendants, ainsi que des comptes rendus de journalistes et d’autres témoins oculaires, dont ceux de militaires russes sur les médias sociaux ou lors d’interviews. En mars 2015, le Royal United Services Institute (RUSI), groupe de réflexion britannique indépendant renommé, a publié un document d’information 
			(29) 
			<a href='https://www.rusi.org/downloads/assets/201503_BP_Russian_Forces_in_Ukraine_FINAL.pdf'>https://www.rusi.org/downloads/assets/201503_BP_Russian_Forces_in_Ukraine_FINAL.pdf</a>. dans lequel il détaille au niveau du bataillon la présence de troupes militaires russes en Ukraine ainsi que la création de bataillons hybrides formés de soldats russes et de volontaires, russes et autres, dans l’intention de dissimuler la participation directe de militaires russes au conflit.

4. Développements concernant d’autres engagements et obligations de la Fédération de Russie

37. Comme cela a déjà été noté dans la Résolution 1990 (2014) et la Résolution 2034 (2015), les actions de la Russie à l’égard de la Crimée, ainsi que son rôle et sa participation dans le conflit à l’est de l’Ukraine, constituent une violation directe du Statut du Conseil de l’Europe et des engagements contractés lors de son adhésion à l’Organisation, et en particulier des paragraphes 10.7, 10.8 et 10.11 de l’Avis 193 (1996) de l’Assemblée 
			(30) 
			Avis 193 (1996), paragraphe 10.7: «de régler les différends internationaux
et internes par des moyens pacifiques (obligation qui incombe à
tous les Etats membres du Conseil de l’Europe), en rejetant résolument
toute menace d’employer la force contre ses voisins»; paragraphe  10.8:
«de régler les différends internationaux et internes par des moyens
pacifiques (obligation qui incombe à tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe), en rejetant résolument toute menace d’employer la
force contre ses voisins»; paragraphe 10.11: «de dénoncer comme
erroné le concept de deux catégories différentes de pays étrangers,
qui consiste à traiter certains d’entre eux appelés “pays étrangers
proches” comme une zone d’influence spéciale».. En outre, les événements survenus en Ukraine ont aggravé un certain nombre de tendances négatives – souvent liées à la montée de l’idéologie de «l’eurasisme» – en Fédération de Russie, relativement à d’autres obligations et engagements sur lesquels il convient de se pencher pour que ce rapport soit complet. Cela se traduit par une marginalisation croissante de l’opposition politique, un contrôle accru des médias et le musellement des voix indépendantes qui s’élèvent au sein de la société civile.
38. L’annexion de la Crimée par la Russie et le conflit militaire dans le sud-est de l’Ukraine qui en est résulté ont engendré une recrudescence du harcèlement et de la répression des militants et des organisations des droits de l’homme ainsi que des actes d’intimidation à l’égard des voix dissidentes en Russie. Ces derniers mois, le climat politique général, animé par des objectifs de sécurité et de stabilité, a porté préjudice au respect des droits fondamentaux. Avec la mise en place et l’application d’un cadre juridique répressif, l’opposition, les médias indépendants et la société civile font l’objet de nouvelles restrictions qui entravent la liberté d’expression et de réunion. Les ONG indépendantes sont soumises en permanence à des menaces qui nuisent à leur travail.
39. La législation relative aux ONG a perturbé l’action de nombreuses organisations des droits de l’homme, contraintes de cesser leurs activités ou confrontées au harcèlement et à la persécution de la part des autorités. Cette législation s’est notamment traduite par la mise en œuvre de mesures très dures visant à empêcher et à dissuader les organisations de la société civile, dont l’organisation des Mères de soldats, de mener à bien leur mission. Plus de 53 organisations ont été enregistrées en tant qu’«agents étrangers». Plusieurs d’entre elles ont fait appel de cette décision devant les tribunaux. Cinq au moins ont perdu leur procès 
			(31) 
			Il
convient de saluer la décision prise le 28 janvier 2015 par la Cour
suprême de rejeter la plainte introduite par le ministère de la
Justice, demandant la fermeture de l’association russe Memorial. et 15 au moins ont décidé de se dissoudre afin d’éviter de nouvelles persécutions 
			(32) 
			Voir
la <a href='http://www.osce.org/pc/151581?download=true'>déclaration</a> de Konstantin Baranov, du Mouvement international de
jeunes pour les droits de l’homme, faite lors de la réunion supplémentaire
de l’OSCE sur la dimension humaine consacrée à la liberté de réunion
pacifique et à la liberté d’association, avec un accent particulier
sur la seconde; cette déclaration était fondée sur les données collectées dans
le cadre du suivi effectué depuis mars 2013 par l’initiative «Closed
Society» à des fins d’information et d’analyse. Site web de l’initiative: <a href='http://closedsociety.org/'>http://closedsociety.org</a>.. La complexité de la procédure de retrait du registre des «agents étrangers» était également source de préoccupation 
			(33) 
			<a href='http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR%2fC%2fRUS%2fCO%2f7&Lang=en'>Observations
finales</a> sur le septième rapport périodique de la Fédération
de Russie adopté par le Comité des droits de l’homme des Nations
Unies lors de sa 3157e réunion tenue
le 31 mars 2015.. Ce problème ne semble pas avoir été résolu 
			(34) 
			<a href='http://www.osce.org/pc/151581?download=true'>www.osce.org/pc/151581?download=true.</a> par la nouvelle loi régissant la procédure d’exclusion des organisations à but non lucratif du registre des agents étrangers, adoptée en février 2015 
			(35) 
			<a href='http://eng.ombudsmanrf.org/events/news/we_did_it/view/president_signed_law_on_exclusion_of_ngos_from_foreign_agents_registry'>http://eng.ombudsmanrf.org/events/news/we_did_it/view/president_signed_law_on_exclusion_of_ngos_from_foreign_agents_registry.</a>. Le montant total des amendes infligées à des ONG pour défaut d’enregistrement en tant qu’«agents étrangers» s’élève à ce jour à plus de 6 000 000 de roubles russes (environ € 100 000) 
			(36) 
			D’après
les données collectées dans le cadre du suivi effectué depuis mars
2013 par l’initiative «Closed Society» à des fins d’information
et d’analyse, op. cit. .
40. Le 23 mai 2015, une nouvelle loi interdisant «les organisations étrangères indésirables» a été promulguée par le Président Poutine. Cette loi criminalise le travail des organisations étrangères à but non lucratif qui sont considérées comme «une menace pour la sécurité de l’ordre constitutionnel russe et la capacité de défense du pays», et punit de lourdes amendes quiconque est considéré comme collaborant avec elles. La liste «des organisations étrangères indésirables» sera placée sous la responsabilité du Procureur général en coopération avec le ministère des Affaires étrangères. Cette législation constitue un autre signe inquiétant des mesures prises par les autorités pour limiter toute critique 
			(37) 
			 <a href='https://www.amnesty.org/en/articles/news/2015/01/russia-law-undesirable-organizations-will-further-tighten-noose-dissent/'>https://www.amnesty.org/en/articles/news/2015/01/russia-law-undesirable-organizations-will-further-tighten-noose-dissent/</a>; <a href='https://www.fidh.org/La-Federation-internationale-des-ligues-des-droits-de-l-homme/europe-de-l-est-asie-centrale/russie/16812-le-projet-de-loi-sur-les-organisations-etrangeres-indesirables-doit-etre'>https://www.fidh.org/La-Federation-internationale-des-ligues-des-droits-de-l-homme/europe-de-l-est-asie-centrale/russie/16812-le-projet-de-loi-sur-les-organisations-etrangeres-indesirables-doit-etre</a>..
41. En particulier, les ONG œuvrant dans le domaine des médias ont continué d’être victimes d’intimidation en Russie et de subir des pressions délibérées et excessives qui mettent encore davantage en danger la liberté des médias 
			(38) 
			<a href='http://www.osce.org/fom/142391'>www.osce.org/fom/142391</a>..Le Centre de défense des médias de masse (Mass Media Defence Center, MMDC), une ONG spécialisée dans le droit des médias qui fournit une assistance juridique et protège les droits des médias, a été informé le 20 février 2015 de son inscription au registre des «agents étrangers» 
			(39) 
			<a href='http://www.article19.org/resources.php/resource/37868/en/russia:-mass-media-defence-centre,-latest-target-in-continued-ngo-crackdown'>www.article19.org/resources.php/resource/37868/en/russia:-mass-media-defence-centre,-latest-target-in-continued-ngo-crackdown</a>..L’ONG Institut régional de presse (Regional Press Institute), qui a pour vocation d’aider les journalistes et les médias, a été contrainte de s’acquitter de l’amende la plus lourde infligée à ce jour au titre de la législation sur les «agents étrangers» pour défaut d’enregistrement 
			(40) 
			<a href='http://www.themoscowtimes.com/news/article/russian-media-ngo-pays-biggest-fine-so-far-under-foreign-agent-law/517907.html'>www.themoscowtimes.com/news/article/russian-media-ngo-pays-biggest-fine-so-far-under-foreign-agent-law/517907.html</a>..
42. Les autorités russes ont, ces dernières années, durci le contrôle exercé par l’Etat sur le secteur des médias. Certains obstacles juridiques ont fait peser de nouvelles restrictions sur les médias indépendants – limitations à la propriété étrangère de médias, avertissements, retraits de licence, fermeture d’organes de presse et blocage de sites web et de plateformes en ligne. Dans ce contexte, une nouvelle loi, signée par le Président Poutine le 2 mai 2015, a multiplié par dix l’amende maximale susceptible d’être infligée aux médias d’information russes accusés d’incitation au terrorisme ou à l’extrémisme 
			(41) 
			L’amendement a été
adopté par la Douma d’Etat le 25 avril 2015 et approuvé par le Conseil
de la Fédération le 29 avril 2015.. Ces changements législatifs font craindre que des pressions accrues ne soient exercées sur les quelques médias indépendants que compte encore le pays. Les organes de presse peuvent désormais être contraints de payer jusqu’à un million de roubles, soit environ $US 19 000 (au lieu de 50 000 et 100 000 roubles) en cas de publication de contenus présumés inciter au terrorisme ou à l’extrémisme ou justifier de tels actes. La définition juridique de l’«extrémisme» reste vague et pourrait donner lieu à une application arbitraire de la nouvelle disposition 
			(42) 
			<a href='http://www.themoscowtimes.com/article/520181.html'>www.themoscowtimes.com/article/520181.html</a>.. Des médias critiques envers le Kremlin ont reçu des avertissements en ce sens. A titre d’exemple, en janvier 2015, un tribunal de Moscou a rejeté la procédure engagée par la station de radio d’inspiration libérale Ekho Moskvy (Echo de Moscou) à la suite des avertissements que lui avait adressés le Roskomnadzor pour avoir diffusé des contenus qualifiés «d’extrémistes» par ce dernier dans sa couverture du conflit dans l’est de l’Ukraine 
			(43) 
			<a href='http://www.themoscowtimes.com/news/article/moscow-court-upholds-extremism-warning-issued-to-ekho-moskvy-radio-station/514996.html'>www.themoscowtimes.com/news/article/moscow-court-upholds-extremism-warning-issued-to-ekho-moskvy-radio-station/514996.html</a>..
43. Cette répression à l’égard de la société civile et des médias est étroitement liée aux intimidations systématiques exercées contre les chefs de l’opposition dans le but de faire taire les voix critiques. Les mouvements de protestation contre la guerre en Ukraine et l’annexion de la Crimée ont été sévèrement et régulièrement réprimés 
			(44) 
			<a href='https://www.fidh.org/International-Federation-for-Human-Rights/eastern-europe-central-asia/russia/russia-the-un-reviews-dramatic-crackdown-on-civil-and-political'>https://www.fidh.org/International-Federation-for-Human-Rights/eastern-europe-central-asia/russia/russia-the-un-reviews-dramatic-crackdown-on-civil-and-political</a>.. Le meurtre d’une éminente figure de l’opposition, Boris Nemtsov, le 28 février 2015 constitue l’assassinat politique le plus révélateur à ce jour et témoigne clairement de la dégradation du climat politique en Russie. Il a été perpétré la veille du jour où Boris Nemtsov était censé conduire une marche de protestation contre la situation économique en Russie et la guerre en Ukraine et juste avant la publication d’un rapport sur l’enquête qu’il avait menée sur la participation de la Russie dans le conflit du Donbass 
			(45) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0074+0+DOC+XML+V0//FR'>www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0074+0+DOC+XML+V0//FR</a>..
44. Certains éléments de preuve laissent à penser qu’il a été fait usage de la torture sur les suspects interpellés dans le cadre de l’enquête sur cet assassinat 
			(46) 
			Observations finales
sur le septième rapport périodique de la Fédération de Russie adopté
par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies lors de sa
3157e réunion tenue le 31 mars 2015.. Les autorités russes ont menacé d’engager des poursuites pénales à l’encontre de deux militants des droits de l’homme qui avaient publié des allégations d’actes de torture formulées par les deux hommes accusés du meurtre de Boris Nemtsov, soulevant ainsi des questions préoccupantes quant à l’équité de l’enquête 
			(47) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/articles/news/2015/03/russian-activists-threatened-with-criminal-charges-after-raising-torture-allegations/'>https://www.amnesty.org/en/articles/news/2015/03/russian-activists-threatened-with-criminal-charges-after-raising-torture-allegations/</a>..
45. Le harcèlement dont serait l’objet l’opposition peut également être perçu comme une volonté de déstabiliser les efforts de création d’une alternative politique unie à l’approche des prochaines élections de 2015 et 2016. Le 17 février 2015, le chef de l’opposition russe, Alexeï Navalny, a été condamné à quinze jours de prison pour avoir violé une loi restreignant les manifestations, cette mesure l’empêchant ainsi de participer au rassemblement prévu le 1er mars 2015. Le 28 avril, le ministère de la Justice a annoncé que le Parti du progrès de M. Navalny avait été radié de la liste des partis autorisés, son inscription légale ayant été annulée pour n’avoir pas enregistré à temps ses antennes régionales. La décision survient dix jours après l’annonce de la création d’un nouveau mouvement d’opposition au sein duquel l’opposition démocratique s’est rassemblée autour d’une plateforme commune pour les élections régionales de 2015 et les élections législatives de 2016. La coalition regroupe le Parti RPR-Parnas de Boris Nemtsov, coprésidé par Mikhail Kasyanov, le Parti du progrès d’Alexeï Navalny et quatre autres partis 
			(48) 
			<a href='http://russiannewsonline.blogspot.fr/2015/04/mikhail-kasyanov-and-alexei-navalny.html'>http://russiannewsonline.blogspot.fr/2015/04/mikhail-kasyanov-and-alexei-navalny.html</a>..

5. Coopération entre la délégation de la Fédération de Russie et l’Assemblée parlementaire

46. Dans sa Résolution 2034 (2015), l’Assemblée a déclaré ceci: «Aussi la Fédération de Russie doit-elle engager un véritable dialogue avec l’Assemblée sur cette question, ainsi que sur le respect de ses engagements et obligations à l’égard du Conseil de l’Europe. Pour autant, l’Assemblée tient à souligner qu’un tel dialogue n’est possible qu’à la condition que les autorités russes acceptent de participer, en toute bonne foi et sans condition préalable, à un dialogue constructif et ouvert avec l’Assemblée, y compris sur des points à propos desquels les vues de l’Assemblée et de la Russie divergent 
			(49) 
			Paragraphe 13..» Elle a par conséquent décidé de ratifier les pouvoirs de la délégation russe – tout en suspendant un ensemble de droits afin d’exprimer clairement qu’elle condamne les actions de la Russie en Crimée et dans l’est de l’Ukraine – aux seules fins de «favoriser le dialogue avec la Fédération de Russie» 
			(50) 
			Paragraphe
14..
47. Toutefois, comme évoqué précédemment, après l’adoption de la Résolution 2034 (2015), la délégation russe a décidé de cesser tout contact et toute coopération avec l’Assemblée parlementaire jusqu’à la fin de 2015. Je déplore vivement la décision de la délégation russe, qui constitue un rejet clair de la proposition de l’Assemblée de maintenir un dialogue ouvert et constructif, y compris sur les actions de la Russie en Ukraine. Cette décision conduit à s’interroger sur la volonté de la délégation russe de coopérer et d’entretenir un dialogue positif avec l’Assemblée, s’agissant notamment du respect de ses engagements et obligations envers notre Organisation.
48. Pourtant, un dialogue de bonne foi entre l’Assemblée et la délégation russe reste essentiel pour trouver une solution durable, fondée sur le droit et les principes internationaux, au conflit dans l’est de l’Ukraine et à l’annexion illégale de la Crimée. Par ailleurs, ce dialogue est indispensable pour que la délégation russe soit amenée à rendre des comptes sur la base des valeurs et des principes du Conseil de l’Europe 
			(51) 
			Résolution 1990 (2014), paragraphe 14..
49. A de multiples occasions, l’Assemblée a clairement exprimé son souhait d’engager un tel dialogue, notamment en avril 2014 et en janvier 2015, lorsqu’elle a adopté la Résolution 1990 (2014) et la Résolution 2034 (2015), dans lesquelles elle a décidé de ratifier à cette fin les pouvoirs de la délégation russe. Il est désormais essentiel que le Parlement russe et sa délégation auprès de l’Assemblée expriment leur volonté claire d’engager avec l’Assemblée un dialogue sans conditions préalables sur le respect par la Russie de ses obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe, notamment en ce qui concerne sa politique vis-à-vis de ses Etats voisins. L’acceptation d’un tel dialogue est un principe fondamental de l’appartenance à l’Assemblée parlementaire, qui incombe à toutes les délégations. J’appelle par conséquent la délégation russe à rétablir le dialogue avec l’Assemblée concernant en particulier la mise en œuvre des demandes formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 1990 (2014) et sa Résolution 2034 (2015).
50. Dans un premier temps, la délégation russe devrait reprendre ses travaux au sein de la commission de suivi et permettre à ses rapporteurs pour la Russie de se rendre dans le pays dans le cadre de leur mission. A cet égard, il convient de noter que, conformément à l’article 8.2.b du Règlement de l’Assemblée, «le manque de coopération dans le processus de suivi de l’Assemblée» constitue en soi une raison pour laquelle les pouvoirs d’une délégation peuvent être contestés.
51. De toute évidence, l’annulation des pouvoirs de la délégation russe, en sus des sanctions générales déjà imposées par l’Assemblée, pourrait entraver dans la pratique l’instauration d’un tel dialogue avec la délégation russe. D’un autre côté, il faut bien voir que le refus de la délégation russe d’établir le dialogue, selon les modalités décrites dans les précédents paragraphes, risque de susciter des appels de plus en plus pressants au sein de l’Assemblée en faveur de la non-ratification des pouvoirs de la délégation russe en janvier 2016. La possibilité d’engager un dialogue constructif avec l’Assemblée dans son ensemble au cours des six prochains mois est une chance que la délégation russe ne peut se permettre de laisser passer.

6. Sanctions prises par l’Assemblée

52. Dans les trois paragraphes qui suivent, je réitère certaines observations à propos de la question des sanctions déjà formulées dans mon rapport «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie» 
			(52) 
			Doc. 13685. de janvier 2015. Selon moi, ces observations restent parfaitement valables dans le cadre de l’examen de l’annulation des pouvoirs de la délégation russe.
53. Le 11 avril 2014, le Bureau de l’Assemblée a invité la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à «élaborer une liste des droits de participation ou de représentation dont l’exercice peut faire l’objet d’une privation ou d’une suspension dans le cadre d’une contestation ou d’un réexamen des pouvoirs (...)». Le 30 septembre 2014, cette commission a approuvé un avis pour le Bureau 
			(53) 
			AS/Pro
(2014) 10 def. sur cette question, préparé par Mme Nataša Vučković (Serbie, SOC). Cet avis a été approuvé par le Bureau de l’Assemblée à sa réunion du 30 septembre 2014.
54. Dans son avis, Mme Vučković souligne qu’il serait impossible de donner une liste exhaustive des droits de participation 
			(54) 
			Notamment
le droit de vote, le droit de parole, le droit de déposer des amendements
ou des propositions, le droit d’être nommé Président ou Vice-président
de l’Assemblée ou de l’une de ses commissions, rapporteur ou membre
d’une commission, etc. ou de représentation 
			(55) 
			Notamment le droit
de représentation au sein du Bureau, du Comité des Présidents, de
la Commission permanente ou du Comité mixte et le droit de représenter
l’Assemblée à des événements extérieurs et au sein d’autres organes,
etc. susceptibles d’être retirés à une délégation ou suspendus, car les possibilités n’auraient de limite que l’imagination des membres 
			(56) 
			AS/Pro
(2014) 10 def, paragraphe 12.. Elle a toutefois précisé dans son exposé des motifs que toute sanction devrait être cohérente et reposer sur les principes de la sécurité juridique et de la proportionnalité avec la gravité de l’infraction en cause.
55. Les principes de sécurité juridique et de proportionnalité sont par conséquent d’importants critères à prendre en considération lors des discussions et des décisions sur les éventuelles sanctions à appliquer à la délégation russe. En l’occurrence, la sécurité juridique implique de veiller à ce que des violations similaires conduisent à des sanctions similaires si elles venaient à se répéter, et que des actions similaires d’autres délégations entraînent des sanctions de même niveau. Le respect de la proportionnalité signifie que, s’il est décidé d’appliquer des sanctions, ces dernières – ou l’absence de ces dernières – ne devront pas, par leur trop grande sévérité ou leur trop grande légèreté, empêcher l’Assemblée de sanctionner par la suite des violations plus ou moins graves des obligations et engagements d’un pays donné.
56. Comme évoqué, Mme Vučković a également précisé que la décision de sanctionner devrait être cohérente tant d’un point de vue juridique et réglementaire que d’un point de vue politique. A cet égard, la décision de sanctionner doit être rationnelle et prendre en compte l’efficacité et la clarté de la sanction appliquée 
			(57) 
			Ibid.,
paragraphe 16..
57. Dans sa Résolution 2034 (2015), l’Assemblée a décidé d’imposer une série de sanctions sévères qui ont eu un profond impact sur les privilèges des membres de la délégation russe. Ces sanctions perdurent jusqu’à la fin de la session de 2015. L’annulation des pouvoirs aurait pour principal effet, outre les sanctions déjà en place, d’empêcher les membres de la délégation russe de participer aux séances de l’Assemblée et aux réunions de ses commissions et de s’exprimer dans ce cadre. Cependant, comme mentionné précédemment, la délégation russe a pris la regrettable décision d’interrompre tout contact et de cesser toute coopération avec l’Assemblée parlementaire jusqu’à la fin de 2015. Par conséquent, dans la pratique, l’annulation des pouvoirs n’aurait guère d’effet supplémentaire et serait pour l’essentiel un geste symbolique. Il convient de souligner que la condamnation des agissements de la Russie dans l’est de l’Ukraine et en Crimée ressort déjà clairement des sanctions générales appliquées. En revanche, une annulation des pouvoirs fermerait plusieurs possibilités concrètes pour la délégation russe de rouvrir le dialogue avec l’Assemblée en vue de rétablir la coopération et de répondre aux préoccupations exprimées par l’Assemblée notamment dans sa Résolution 1990 (2014) et sa Résolution 2034 (2015).

7. Conclusions

58. Comme évoqué en introduction, la seule question à examiner dans le cadre du présent rapport est l’annulation éventuelle des pouvoirs de la délégation russe. Les sanctions établies dans la Résolution 2034 (2015) ont été imposées à cette dernière pour la durée de la session de 2015 et restent par conséquent valides jusqu’à l’ouverture de la première partie de la session de 2016. Ce rapport ne saurait alléger ou durcir les sanctions en vigueur, si ce n’est d’envisager l’annulation des pouvoirs.
59. De toute évidence, aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne les demandes formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 2034 (2015). Par ailleurs, le cessez-le-feu instauré par le processus de Minsk demeure fragile et fait l’objet de violations quotidiennes. D’importantes forces militaires russes sont encore déployées dans l’est de l’Ukraine et leur présence aurait été renforcée après la signature de l’Ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk le 12 février 2015. De plus, la fourniture aux forces séparatistes et aux «volontaires» russes d’armements lourds sophistiqués se poursuit sans relâche.
60. Cependant, l’annulation des pouvoirs de la délégation russe serait pour l’essentiel un geste purement symbolique qui n’aurait guère d’effet supplémentaire compte tenu des sanctions déjà en place et de la décision de la délégation russe de suspendre sa participation au sein de l’Assemblée jusqu’à la fin de 2015. La condamnation explicite par l’Assemblée des actions de la Fédération de Russie dans l’est de l’Ukraine ainsi que de son annexion illégale de la Crimée ressort clairement de la série de sanctions générales qu’elle a imposées pour la durée de la session de l’année en cours.
61. D’autre part, l’annulation des pouvoirs au moment présent empêcherait toute éventuelle tentative de la délégation russe d’établir le dialogue constructif et ouvert sollicité par l’Assemblée. J’ai la ferme conviction qu’il convient d’offrir à la délégation russe une nouvelle chance d’engager un dialogue sérieux et concret avec l’Assemblée, sans conditions préalables, sur le respect par la Russie de ses obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe, notamment en ce qui concerne sa politique vis-à-vis de ses Etats voisins et les demandes formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 1990 (2014) et sa Résolution 2034 (2015).
62. Je propose par conséquent à l’Assemblée de ne pas annuler, au stade actuel, les pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe. Toutefois, elle devrait exhorter cette dernière à mettre à profit le restant de l’année pour engager un dialogue constructif avec l’Assemblée concernant la mise en œuvre des demandes exprimées dans la Résolution 1990 (2014) et la Résolution 2034 (2015). Faute d’une telle démarche de la part de la délégation russe, une nouvelle contestation de ses pouvoirs au cours de la partie de session de janvier 2016 serait fort vraisemblable.