1. Introduction
1. La procédure de suivi de l’Assemblée
parlementaire se fonde sur la
Résolution
1115 (1997) sur la création d'une commission de l'Assemblée pour
le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil
de l'Europe (commission de suivi) (telle que modifiée par la
Résolution 1431 (2005), la
Résolution 1515
(2006), la
Résolution
1698 (2009), la
Résolution
1710 (2010), la
Résolution
1936 (2013) et la
Résolution 2018
(2014)). Cette résolution définit le mandat de la commission
de suivi et la charge de veiller «au respect des obligations contractées
par les Etats membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe
(STE no 1), de la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5, «la
Convention») et de toutes les autres conventions de l’Organisation
auxquelles ils sont parties», ainsi qu’au «respect des engagements
pris par les autorités des Etats membres à l’occasion de leur adhésion
au Conseil de l’Europe».
2. Conformément à la
Résolution
1115 (1997) modifiée, la commission de suivi est tenue de rendre
compte à l’Assemblée, une fois par an, du déroulement général des
procédures de suivi. En accord avec la pratique établie, la commission
m’a chargé, en ma qualité de président, de faire rapport sur ses
activités.
3. L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée pour les
pays qui en font l’objet ou sont engagés dans un dialogue postsuivi
sera traitée dans la partie suivante du présent rapport. Comme le
veut l’usage, je me suis limité aux constatations de textes pertinents
adoptés par l’Assemblée et aux rapports, déclarations et autres
documents publics établis par les corapporteurs pour les pays respectifs.
De plus, j’ai fait référence, le cas échéant, aux rapports des commissions
ad hoc pour l’observation des élections dans les pays en question.
4. Dans la
Résolution
2018 (2014) sur l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée,
cette dernière a décidé de mettre en place un examen périodique
des désormais 34

pays ne faisant pas l’objet d’une procédure
de suivi
stricto sensu et
n’étant pas engagés dans un dialogue postsuivi, concernant le respect
des obligations découlant de leur adhésion au Conseil de l’Europe.
Il a été convenu de soumettre chaque année plusieurs pays à un tel
examen périodique et d’inclure leurs rapports dans le rapport d’activité
concernant l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée pour
l’année concernée. Conformément à la
Résolution 2018 (2014), lors de sa réunion du 17 mars 2015, la commission de
suivi a adopté les méthodes de travail relatives à la mise en œuvre
de ces examens périodiques. Je présenterai ces méthodes de travail
dans les grandes lignes à la fin de la première partie du présent
rapport.
5. Au cours de la période considérée, la commission a adopté
les rapports périodiques concernant l’Andorre, la Belgique, la Croatie
et Chypre. Ces rapports figurent à la partie deux du présent rapport
d’activité.
2. Aperçu des activités de
la commission
2.1. Observations générales
6. Au début de la période couverte
par le présent rapport, dix pays

continuaient
de faire l’objet d’une procédure de suivi
stricto
sensu et quatre autres

étaient
engagés dans un dialogue postsuivi. Cependant, le 27 janvier 2015,
l’Assemblée a adopté la
Résolution
2030 (2015) sur le respect des obligations et engagements du Monténégro
et a décidé de clore la procédure de suivi et d’engager un dialogue
postsuivi avec ce pays. En outre, le 23 avril 2015, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
2052 (2015) sur le dialogue postsuivi avec Monaco et a décidé de
mettre un terme à ce dialogue à la lumière des progrès réalisés
par le pays pour honorer ses obligations envers le Conseil de l’Europe.
Par conséquent, neuf pays font actuellement l’objet d’une procédure
de suivi et quatre sont engagés dans un dialogue postsuivi.
7. Il convient de noter qu’à la suite de la réforme de la procédure
de suivi menée en 2013, un calendrier a été défini au terme duquel
l’Assemblée clôturera la procédure de postsuivi pour un pays donné
si ce dernier ne parvient pas à honorer ses engagements en suspens
dans les délais impartis, à savoir un maximum de deux rapports successifs
après l’ouverture du dialogue postsuivi – chacun étant adopté pendant
la période réglementaire de trois ans. Dans un tel cas, le pays
concerné retourne automatiquement à une procédure de suivi complète

.
Par ailleurs, compte tenu de l’importance du dialogue postsuivi,
l’Assemblée a décidé de demander à la commission de suivi de nommer
deux corapporteurs (au lieu d’un seul rapporteur) pour chaque pays
engagé dans un dialogue postsuivi, alignant ainsi la procédure sur
celle du suivi
stricto sensu. Conformément
aux dispositions transitionnelles convenues, le second rapporteur
pour les pays engagés dans un dialogue postsuivi a été désigné au
cours de la deuxième partie de session de 2015 de l’Assemblée, ou
à l’expiration du mandat du rapporteur en place ou encore lorsqu’un
rapport sur le dialogue postsuivi pour le pays concerné a été débattu
à l’Assemblée, selon ce qui s’est produit en premier. En juin 2015,
date à laquelle les dispositions transitionnelles ont pris fin,
deux rapporteurs avaient été nommés pour chaque pays engagé dans un
dialogue postsuivi.
8. Au cours de la période considérée, deux rapports complets
accompagnés de projets de résolution sur l’Albanie et le Monténégro
ont été produits et débattus par l’Assemblée. Par ailleurs, deux
rapports sur le fonctionnement des institutions démocratiques concernant
la Géorgie et l’Azerbaïdjan ont été débattus par l’Assemblée, ainsi
qu’un rapport sur le dialogue postsuivi avec Monaco.
9. L’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie
et l’intervention des forces militaires russes dans l’est de l’Ukraine
ont continué d’occuper une place importante dans les travaux de
la commission. Le 26 janvier 2015, conformément au Règlement de
l’Assemblée, la commission de suivi a été saisie pour rapport sur
la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non
encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie

. Le rapport a été débattu par l’Assemblée
le 28 janvier 2015 et la
Résolution
2034 (2015) a été adoptée. Conformément à cette résolution, la commission
a ensuite présenté un rapport intitulé «Examen de l’annulation des
pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie
(suivi du paragraphe 16 de la
Résolution
2034 (2015))»

, qui a été débattu par l’Assemblée
le 24 juin 2015 et a donné lieu à l’adoption de la
Résolution 2063 (2015).
10. Au cours de la période considérée, les corapporteurs respectifs
ont effectué des visites d’information dans les pays suivants: Albanie,
Arménie, Azerbaïdjan, Bulgarie, Géorgie, République de Moldova (deux visites),
Monaco (deux visites), Monténégro (deux visites), Fédération de
Russie, Serbie, Turquie et Ukraine (trois visites). De plus, les
corapporteurs ont pris part aux missions préélectorales et d’observation
des élections en Bosnie-Herzégovine, dans «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», en République de Moldova, en Turquie et en Ukraine.
11. Les corapporteurs ont établi des notes d’information sur la
Géorgie, la République de Moldova, Monaco, la Turquie et l’Ukraine
qui ont été déclassifiées par la commission, et fait des déclarations
quant à la situation en Arménie (deux déclarations), en Azerbaïdjan
(trois déclarations), en Bulgarie, en Géorgie (trois déclarations),
dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» (deux déclarations),
en République de Moldova, en Fédération de Russie (deux déclarations),
en Turquie (trois déclarations) et en Ukraine (trois déclarations).
12. Outre les réunions de la commission, la sous-commission ad
hoc sur la politique de voisinage de la Russie à l’égard des autres
Etats membres du Conseil de l’Europe s’est réunie à deux reprises,
à Berlin et à Paris. La sous-commission ad hoc a été dissoute en
janvier 2015, après qu’elle ait présenté ses conclusions. Compte
tenu de l’importance des conflits en cours portant sur l’Ossétie
du sud et l’Abkhazie, le Haut-Karabakh et les sept provinces, la
Transnistrie et Chypre du nord, et forte de son expérience avec
cette sous-commission et sur recommandation de cette dernière, la
commission de suivi a, en avril 2015, décidé de mettre en place une
sous-commission ad hoc sur les conflits entre les Etats membres
du Conseil de l’Europe. Celle-ci a tenu sa première réunion le 27
mai 2015 à Paris et se réunira pour la deuxième fois le 21 septembre
2015 à Vienne, à l’invitation du Parlement autrichien.
13. S’agissant de la demande d’ouverture d’une procédure de suivi
au titre de la France, la commission a adopté, le 3 septembre 2015,
un avis présenté par les deux corapporteurs, qui recommande de ne
pas ouvrir une procédure de suivi pour ce pays.
14. Le 14 novembre 2014, la commission a tenu un échange de vues
avec M. Laurent Nouvion, président du Conseil National de Monaco,
et M. Jacques Rit, président de la Commission spéciale en charge
de la modification de la loi sur l’organisation et le fonctionnement
du Conseil National, sur les avancées de la mise en œuvre des engagements
restants pris par le pays lors de son adhésion. Le 28 mai 2015,
la commission a procédé à un échange de vues avec Madame l’ambassadeur
Heidi Tagliavini, Représentante spéciale en Ukraine du Président
en exercice de l’OSCE et membre du groupe de contact trilatéral
sur la mise en œuvre de l’ensemble de mesures en vue de l’application
des Accords de Minsk concernant le conflit dans l’est de l’Ukraine.
Le même jour, la commission s’est entretenue avec Sir Nicolas Bratza,
président du comité consultatif international sur l’Ukraine, du
rapport établi par ce dernier concernant le suivi des enquêtes sur
les événements de Maïdan.
15. En réponse à la crise politique qui a éclaté au lendemain
des élections législatives en «ex-République yougoslave de Macédoine»,
la commission de suivi a décidé d’envoyer dans le pays une délégation
composée du rapporteur pour ce pays, du président de la commission
ainsi que du président du groupe socialiste de l’Assemblée. La visite
a eu lieu les 28 et 29 avril 2015.
16. Dans le cadre de l’examen périodique des 34

pays ne faisant
pas l’objet d’une procédure de suivi
stricto
sensu et n’étant pas engagés dans un dialogue postsuivi
avec l’Assemblée concernant le respect des obligations découlant
de leur adhésion au Conseil de l’Europe, quatre rapports ont été
préparés à l’égard respectivement de l’Andorre, de la Belgique,
de la Croatie et de Chypre. Ils sont présentés dans la partie II
du présent rapport d’activité.
2.2. Aperçu du suivi au cours
de la période visée concernant les pays soumis à une procédure de
suivi stricto sensu.
2.2.1. Albanie
17. Le 2 octobre 2014, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
2019 (2014) sur le respect des obligations et engagements de l’Albanie.
Les corapporteurs se sont rendus dans le pays les 29 et 30 juin
2015.
18. Dans la
Résolution
2019 (2014), l’Assemblée s’est félicitée des progrès réalisés par
l’Albanie pour honorer ses obligations et ses engagements à l’égard
du Conseil de l’Europe, mais a regretté les retards et effets négatifs
des tensions et de la polarisation politiques qui règnent en permanence
dans le pays. Elle a salué à cet égard les changements apportés
au Code électoral et les réformes parlementaires qui ont été adoptées
par consensus entre la majorité au pouvoir et l’opposition, mais
a toutefois souligné que des élections démocratiques et une coopération
constructive entre la majorité et l’opposition ne peuvent pas être
imposées uniquement par la législation, et supposent également le
développement d’une culture de la coopération et le respect des
valeurs démocratiques par toutes les parties concernées. Après leur
visite à Tirana en juin 2015, les corapporteurs se sont réjouis
de l’accord de décembre 2014 négocié par le Parlement européen qui
a permis le retour de l’opposition au parlement. Toutes les forces
politiques devraient désormais poursuivre leur coopération mutuelle
afin de mettre en œuvre ces accords d’une importance décisive pour
la stabilité politique du pays.
19. Une fonction publique impartiale et non partisane est essentielle
au fonctionnement des institutions démocratiques. La politisation,
à tous les niveaux, de la fonction publique dans le pays reste très
préoccupante. A cet égard, il convient désormais de mettre en œuvre
sans plus tarder la loi relative à la fonction publique, tant dans
l’esprit que dans la lettre.
20. Les autorités ont engagé une réforme administrative territoriale
d’envergure, accompagnée d’une diminution substantielle du nombre
de collectivités locales, répondant ainsi à une recommandation de
longue date formulée entre autres par l’Assemblée. Les élections
locales organisées le 12 juin 2015 ont marqué le point d’orgue de
ces réformes. Selon les observateurs internationaux, ces élections
ont respecté les libertés fondamentales de réunion et d’expression
mais de graves dysfonctionnements ont toutefois été constatés. Tous
les acteurs politiques doivent à présent s’employer à y remédier
rapidement. La réforme administrative territoriale et les élections
locales ont établi une base solide pour la décentralisation et le
renforcement de l’autonomie locale en Albanie. Cependant, il est
désormais essentiel de donner aux collectivités locales, d’une part,
les fonctions et pouvoirs clairs et concrets qui vont de pair avec
l’autonomie locale et, d’autre part, les moyens nécessaires pour
les mettre en œuvre.
21. La corruption endémique persistante à plusieurs échelons de
la société albanaise continue d’entraver le développement politique
et socioéconomique du pays et reste source de graves préoccupations.
Malgré la priorité accordée par le gouvernement à la lutte contre
la corruption et qu’il convient de saluer, il est important que
les autorités mettent à présent en œuvre les nombreux documents
et stratégies politiques de manière efficace et cohérente. Des résultats
concrets en ce qui concerne les poursuites et les condamnations
font encore grandement défaut et il convient de redoubler d’efforts
pour démontrer clairement qu’il ne saurait y avoir d’impunité en
matière de corruption à quelque niveau que ce soit du gouvernement,
de la police, du pouvoir judiciaire ou du ministère public.
22. L’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire continuent
de susciter des inquiétudes et le système judiciaire fait toujours
l’objet de pressions et d’ingérences politiques. A cet égard, le
fait que les autorités albanaises aient inscrit la réforme de la
justice au rang des priorités mérite d’être salué. Cette réforme,
y compris celle du ministère public, devrait être entreprise de
manière inclusive et consensuelle, dans le plein respect du principe
fondamental d’indépendance du judiciaire. A cet effet, toutes les
forces politiques devraient participer pleinement aux travaux de
la commission parlementaire ad hoc sur la réforme de la justice, mise
en place par le Parlement albanais.
2.2.2. Arménie
23. Les corapporteurs se sont rendus
en Arménie du 9 au 12 juin 2015. La réforme constitutionnelle en cours,
qui domine actuellement l’ordre du jour politique dans le pays,
constituait un élément clé du programme de la visite.
24. En juin 2013, le Président Sargsian a mis en place une commission
spéciale sur la réforme constitutionnelle en vue d’améliorer les
mécanismes constitutionnels de façon à garantir les libertés et
les droits de l’homme fondamentaux, à assurer pleinement l’équilibre
des pouvoirs et à renforcer l’efficacité de l’administration publique.
Plusieurs consultations publiques ont été organisées avec l’aide
de la communauté internationale mais les forces politiques d’opposition
ont pour la plupart décidé de ne pas participer à celles relatives
à l’élaboration d’un concept de réforme constitutionnelle. Toutefois,
la commission spéciale a présenté début juin 2014 son document conceptuel
de réforme constitutionnelle. La Commission de Venise a adopté,
lors de sa session plénière d’octobre 2014, un avis globalement
positif sur ce concept.
25. Le point essentiel du document conceptuel est la proposition
d’évoluer d’un système de gouvernement présidentiel à un système
parlementaire. Cette proposition s’est heurtée à la critique d’un
nombre important de partis de l’opposition qui prétendent que le
principal objectif de ce changement est de perpétuer le pouvoir
de l’actuel Président. De leur côté, les autorités affirment que
jusqu’à récemment la plupart de ces forces d’opposition étaient
favorables à un tel changement tandis que dans le même temps, le
Président Sargsian a publiquement déclaré qu’il ne se présenterait
pas au poste de premier ministre.
26. Il est essentiel pour la consolidation démocratique du pays
que le processus de réforme constitutionnelle repose sur une approche
inclusive et vise le renforcement du pluralisme politique et l’obligation
du gouvernement de rendre compte à l’Assemblée nationale. Compte
tenu des divergences de vues quant au système politique pour le
pays et de la nécessité de renforcer la confiance dans les structures
politiques arméniennes, il convient de saluer la décision d’adopter
les amendements constitutionnels sur la base d’un référendum national.
Un processus référendaire pleinement démocratique, reposant sur
un vaste débat public consacré aux modifications constitutionnelles,
est déterminant pour asseoir la légitimité démocratique de la nouvelle
Constitution. Les autorités devraient veiller à l’organisation de
telles consultations publiques et d’un débat avant la tenue du référendum.
27. Bien que l’introduction d’un système parlementaire de gouvernement
et d’un système électoral entièrement proportionnel domine le débat
public sur la réforme constitutionnelle, les amendements constitutionnels
ont également pour objectif de renforcer les mécanismes de protection
des droits de l’homme et l’indépendance de la justice. Ce point,
conjugué au fait que le processus de réforme constitutionnelle est mené
en étroite concertation avec la Commission de Venise, mérite d’être
salué.
28. En juin 2015, l’augmentation du coût de l’énergie a donné
lieu à Erevan à des mouvements de protestation. Les manifestations
ont été dispersées par la police qui aurait fait un usage excessif
de la force, notamment à l’encontre de journalistes. Malgré la libération
ultérieure de toutes les personnes interpellées, les allégations
de recours excessif à la force doivent faire l’objet d’une enquête
de la part des autorités. A cet égard, il convient de saluer la
coopération des manifestants avec la police qui a permis d’apaiser
les tensions lors des manifestations suivantes organisées en protestation
contre la hausse des prix énergétiques.
2.2.3. Azerbaïdjan
29. Les corapporteurs ont effectué
une visite dans le pays les 2 et 3 mars 2015. Le 23 juin 2015, l’Assemblée a
adopté la
Résolution
2062 (2015) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Azerbaïdjan.
30. La structure institutionnelle de l’Azerbaïdjan accorde des
pouvoirs particulièrement importants au président, dont le nombre
de mandats n’est pas limité par la Constitution, et se traduit par
un parlement aux compétences restreintes. Toutes les forces de l’opposition
ne sont pas représentées au parlement et les autorités sont de ce
fait encouragées à mettre en place un environnement favorable au
pluralisme politique et à un contrôle parlementaire accru sur l’exécutif.
Dans ce contexte, il est regrettable que certaines des recommandations
les plus importantes de la Commission de Venise concernant le code
électoral n’aient pas encore été mises en œuvre.
31. Malgré plusieurs réformes louables du système judiciaire azerbaïdjanais,
celui-ci souffre d’un manque d’indépendance et continue d’être soumis
à l’influence indue du pouvoir exécutif. L’administration de la
justice, y compris l’ouverture de poursuites pénales sur la base
d’arguments juridiques douteux et l’imposition de peines disproportionnées,
est hautement préoccupante. Les poursuites pénales à l’encontre
de dirigeants d’ONG, de journalistes et de leurs avocats, ou d’autres
personnes exprimant des opinions critiques envers le gouvernement,
rapportées inter alia par
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, suscitent
des inquiétudes. Il convient de saluer à cet égard la reprise des
activités du groupe de travail conjoint sur les questions de droits
de l’homme, avec la participation d’experts du Conseil de l’Europe.
32. La répression systématique des défenseurs des droits de l’homme
et de ceux qui critiquent le gouvernement ainsi que les mesures
de représailles visant des médias indépendants et des journalistes
en Azerbaïdjan doivent être condamnées et cesser immédiatement.
33. Plusieurs réformes de programmes nationaux, dont la création
d’un réseau de centres de services publics appelés centres ASAN,
ont donné lieu à une baisse du niveau de corruption dont il convient
de se féliciter. Les efforts déployés par les autorités pour promouvoir
la transparence et lutter contre la corruption, le financement du
terrorisme et le blanchiment de capitaux méritent d’être soutenus.
Dans le même temps, il importe de trouver un juste équilibre entre
d’un côté la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, et
de l’autre côté les droits fondamentaux à la liberté d’association
et d’expression, garantis par la Convention européenne des droits
de l’homme.
2.2.4. Bosnie-Herzégovine
34. Les corapporteurs ne se sont
pas rendus dans le pays durant la période considérée mais ont participé, ex officio, aux travaux de la commission
ad hoc de l’Assemblée pour l’observation des élections générales
en Bosnie-Herzégovine du 12 octobre 2014.
35. En raison de la Constitution de Dayton, le processus électoral
est excessivement complexe, avec la tenue concomitante des élections
à la présidence de l’Etat et à la Chambre des représentants de Bosnie-Herzégovine,
des élections à la présidence et du parlement de la Republika Srpska,
et des élections cantonales et à la Chambre des représentants de
la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
36. Le cadre juridique régissant les élections en Bosnie-Herzégovine
continue d’imposer des restrictions inacceptables au droit de vote
et d’éligibilité, fondées sur l’appartenance ethnique. Les mesures
générales visant à remédier à cette situation, demandées par la
Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Sejdić et Finci, n’ont malheureusement
pas été mises en œuvre par les autorités bosniennes. De ce fait,
les élections générales de 2014 ne se sont pas déroulées dans le
respect des normes européennes.
37. La commission ad hoc chargée d’observer ces élections

a toutefois noté que, hormis les
restrictions susmentionnées fondées sur l’appartenance ethnique
posées au droit de vote et d’éligibilité, le cadre juridique est
globalement propice à la tenue d’élections démocratiques. Les élections
générales de 2014 ont eu lieu sous le signe de la concurrence électorale
mais ont été entachées d’un clivage interethnique.
38. Malheureusement, la commission ad hoc a observé que le fonctionnement
des institutions démocratiques fait l’objet d’une défiance croissante
qui compromet la stabilité et l’avenir du pays. Cette situation
est particulièrement préoccupante et l’ensemble des forces politiques
du pays doivent s’efforcer d’y remédier en priorité.
2.2.5. Géorgie
39. Le 1er octobre
2014, l’Assemblée a adopté la
Résolution
2015 (2014) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Géorgie. A la suite de cela, les corapporteurs se sont rendus
dans le pays du 3 au 5 décembre 2014.
40. Malheureusement, en dépit de certaines améliorations, le climat
politique en Géorgie reste polarisé. Après la révocation controversée
du ministre de la Défense et chef du parti des Démocrates libres,
Irakli Alasania, par le Premier ministre Garibashvili, les Démocrates
libres ont quitté la coalition au pouvoir. Cet événement faisait
suite à une période de tensions croissantes au sein de la coalition
gouvernementale entre Rêve géorgien et ses jeunes partenaires. L’ancien
groupe indépendant du Parlement géorgien a rejoint la coalition
gouvernementale, préservant ainsi la majorité au pouvoir.
41. Les autorités géorgiennes ont défini comme priorités le renforcement
des institutions démocratiques et l’établissement d’un système judiciaire
véritablement indépendant et il convient de les féliciter à cet
égard. Une commission d’Etat spéciale en charge de la réforme constitutionnelle
a été formée en 2013 et regroupe des membres de la majorité et de
l’opposition, mais elle n’aurait à ce jour pas encore produit de
résultats tangibles. Un élément clé de ces réformes est la réforme
prévue du système électoral qui a récemment bénéficié d’un nouvel
élan. Il est à noter que l’écart de taille entre les circonscriptions
uninominales est actuellement si large qu’il porte atteinte au principe
d’égalité du suffrage. Il est par conséquent essentiel de mener
à terme la réforme électorale suffisamment tôt avant les élections
législatives de 2016 pour en garantir le déroulement conformément
aux normes européennes en matière d’élections démocratiques.
42. Un train complet de réformes de la justice a été mis en œuvre
en vue de renforcer l’efficacité de l’administration de la justice
et l’indépendance de la magistrature. Malgré ces réformes, l’indépendance
du judiciaire, en particulier du ministère public, demeure source
de préoccupations et de nouvelles réformes s’imposent. En dépit
d’une diminution sensible du recours excessif à la détention provisoire
en Géorgie, cette pratique continue de susciter des inquiétudes.
Il convient de souligner que la détention provisoire ne devrait être
appliquée qu’en dernier ressort, en cas de risque sérieux de fuite,
d’ingérence dans le cours de la justice ou de risque sérieux de
voir la personne commettre une infraction grave ou menacer l’ordre
public.
43. Le 9 décembre 2014, l’OSCE/BIDDH a publié son rapport d’observation
du procès de 14 anciens hauts fonctionnaires du gouvernement, concernant
en particulier le respect des normes internationales. Si ce rapport n’entend
pas formuler d’observations sur le bien-fondé des inculpations ou
condamnations de ces personnes, il relève qu’en raison de plusieurs
lacunes systémiques dans les procédures, le respect du droit à un
procès équitable n’était pas totalement garanti par le système géorgien
de justice pénale dans ces affaires.
44. La question de la surveillance illégale et systématique de
citoyens par les forces de l’ordre et de sécurité géorgiennes reste
d’actualité et préoccupante. Le 28 novembre 2014, à l’issue d’interminables
débats, le parlement a enfin adopté une loi réglementant l’accès
des forces de l’ordre et de sécurité aux réseaux de télécommunications
et aux bases de données des fournisseurs de télécommunications.
La société civile et les partis d’opposition, ainsi que le jeune
partenaire de la coalition au pouvoir, le «Parti républicain», se
montrent critiques à l’égard de cette loi qui, selon eux, n’offrent
pas de garanties adéquates pour empêcher l’accès illégal des forces
de police et de sécurité aux réseaux de télécommunications.
45. La recrudescence des discours publics intolérants et des actes
discriminatoires envers les minorités, notamment les minorités sexuelles
et religieuses, soulève de nombreuses inquiétudes. A cet égard,
il convient de saluer vivement l’adoption, le 2 mai 2014, de la
loi sur toute forme de discrimination qui renforce considérablement
le cadre juridique en matière de protection des individus contre
les actes discriminatoires.
46. La Fédération de Russie a signé des accords «d’alliance et
d’intégration» avec les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie
du Sud. Ces accords équivalent à une annexion rampante de ces régions
par la Fédération de Russie. L’Assemblée et sa commission de suivi
ont fermement condamné ces agissements de la Fédération de Russie.
47. A la suite des recommandations formulées entre autres par
l’Assemblée, les autorités ont adopté la stratégie relative au rapatriement
de la population meskhète déportée. Il est important que cette stratégie s’accompagne
d’un plan d’action réaliste afin d’en garantir la mise en œuvre.
La Géorgie n’a encore ni signé ni ratifié la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires (STE no 148),
bien qu’il s’agisse d’un des engagements souscrits par le pays lors
de son adhésion au Conseil de l’Europe.
2.2.6. République de Moldova
48. Les corapporteurs se sont rendus
en République de Moldova du 23 au 26 septembre 2014 et du 13 au 16
mai 2015. Par ailleurs, ils ont participé, ex
officio, aux travaux de la commission ad hoc pour l’observation des
élections législatives du 30 novembre 2014.
49. Cette commission ad hoc de l’Assemblée a jugé les élections
globalement bien administrées, les électeurs ayant pu exprimer librement
leur volonté grâce à un large choix d’alternatives politiques. Il
subsiste toutefois certaines lacunes, y compris au niveau du cadre
juridique qui fixe aux partis et blocs électoraux un seuil extrêmement
élevé de représentation au parlement. Le manque de transparence
des sources de financement des partis et de la campagne et de la
propriété des médias, ainsi que la répartition déséquilibrée des
bureaux de vote à l’étranger sont autant de sources de préoccupations
à cet égard. La participation d’experts et d’intérêts étrangers
ainsi que les allégations selon lesquelles certains partis bénéficiaient
de financements étrangers ont marqué ces élections qui se sont déroulées
dans un contexte géopolitique difficile pour le pays. Quatre jours
avant le scrutin, la Commission électorale centrale a décidé d’annuler l’enregistrement
du Parti Patria – prétendument proche de la Russie et financé par
cette dernière – pour violation de la législation sur le financement
des campagnes. La date à laquelle cette décision a été prise soulève
toutefois certaines questions.
50. Après les élections, un gouvernement minoritaire a été formé
entre le Parti libéral démocratique pro-européen de Moldova et le
Parti démocratique de Moldova avec le soutien du Parti communiste
de la République de Moldova. Le 12 juin 2015, le Premier ministre
Gaburici a démissionné à la suite d’allégations de falsification
de son diplôme d’études secondaires. Peu après les élections locales
qui se sont tenues les 14 et 28 juin 2015, le Parti libéral démocratique
de Moldova et le Parti démocratique de Moldova ont entamé des négociations
avec le Parti libéral de Moldova en vue de former une nouvelle coalition
gouvernementale. Le 23 juillet 2015, ces trois partis pro-européens
sont parvenus à un accord sur la formation d’un nouveau gouvernement.
51. A la fin de l’année 2014, trois banques commerciales ont été
placées sous administration directe de la banque centrale après
avoir été déclarées insolvables à la suite de plusieurs créances
douteuses. Au cours des investigations menées, la banque centrale
a découvert que plus d’un milliard d’euros (soit environ 12 % du
PIB national) avait mystérieusement disparu de ces banques et atterri
sur des comptes offshore dont les détenteurs n’ont pu être identifiés.
Malgré les enquêtes en cours, personne n’a pour l’heure été accusé
ou tenu pour responsable de la disparition de cette importante somme
d’argent. Ce scandale bancaire a ébranlé la confiance de la population
dans le fonctionnement des institutions démocratiques nationales
et terni la réputation du pays au plan international.
52. Le scandale a également mis une nouvelle fois en lumière l’importance
de renforcer la lutte contre la corruption en République de Moldova,
y compris la corruption de haut niveau. Le Centre national de lutte contre
la corruption, l’un des principaux mécanismes de lutte contre ce
fléau dans le pays, manque d’indépendance et ses activités sont
entravées par la faiblesse des sanctions ainsi que par l’absence
de coordination et de pouvoir de décision indépendant du service
anticorruption du Bureau du procureur général. L’impunité qui prévaut
en matière de corruption, comme en témoigne le peu de condamnations
prononcées à ce titre en République de Moldova, demeure par conséquent
source de préoccupations.
53. La réforme du ministère public constitue une priorité cruciale
pour le pays. Une nouvelle loi sur le ministère public, prenant
en compte la plupart des recommandations formulées par la Commission
de Venise, a été adoptée en première lecture le 29 mai 2015. Les
dispositions qui régissent la désignation du procureur général peuvent
nécessiter de modifier la Constitution. La nouvelle procédure de
désignation prévue dans le projet de loi constituera un puissant
mécanisme de dépolitisation du ministère public. L’adoption de cette
loi en dernière lecture devrait avoir lieu au courant de l’été et
l’entrée en vigueur du texte – à l’exception des dispositions relatives
à la désignation du procureur général qui supposent d’amender la
Constitution – est prévue pour le 1er janvier
2016.
54. La réforme constitutionnelle devrait également être adoptée
sans plus attendre en ce qui concerne l’élection du Président, sachant
qu’elle devrait avoir lieu au printemps 2016. Les dispositions actuelles
y afférentes ont conduit précédemment à des cercles vicieux d’élections
invalidées, plongeant le pays dans une crise politique.
55. L’actuelle situation géopolitique a un impact considérable
sur les politiques internes, comme noté précédemment à l’égard des
élections. Depuis septembre 2013, après l’ouverture des négociations
entre la République de Moldova et l’Union européenne en vue de la
conclusion d’un accord d’association, la Fédération de Russie impose
une interdiction d’importation des vins, étendue par la suite à
la plupart des produits agricoles. Après les élections tenues en
novembre 2014 en République de Moldova, deux entreprises du secteur
de la viande et deux entreprises viticoles ont bénéficié d’une dérogation
à cette interdiction qui frappe les importations. Par ailleurs,
fait positif, le Service fédéral russe de surveillance en matière
de protection des droits du consommateur et du bien-être de l’individu
a annoncé que l’interdiction d’importer des fruits en Russie pourrait
être prochainement levée.
56. La région transnistrienne de la République de Moldova a considérablement
souffert de la crise économique en Russie compte tenu de la diminution
des subventions accordées par Moscou à ces régions. Par ailleurs,
la guerre larvée dans l’est de l’Ukraine a des répercussions sur
un éventuel règlement du conflit transnistrien. Le 21 mai 2015,
la Verkhovna Rada ukrainienne a dénoncé cinq accords militaires
avec la Fédération de Russie, dont celui permettant aux marchandises
et personnels militaires russes de transiter par le territoire ukrainien
pour se rendre en Transnistrie. Dans ce contexte, la nouvelle impulsion
donnée par les autorités et le Parlement moldaves au dialogue avec
les autorités de facto de
transition mérite d’être saluée. La sous-commission ad hoc de la
commission de suivi sur les conflits entre les Etats membres du
Conseil de l’Europe consacrera sa première réunion à Vienne, le
21 septembre 2015, à l’évolution de la question du règlement du
conflit transnistrien.
2.2.7. Fédération de Russie
57. La délégation russe a pris
la regrettable décision de boycotter les travaux de l’Assemblée,
y compris la procédure de suivi, à la suite de la décision de l’Assemblée
d’appliquer des sanctions à son égard en raison de l’annexion illégale
de la Crimée et du déclenchement par la Fédération de Russie d’une
guerre larvée dans l’est de l’Ukraine. La décision de la délégation
russe a constitué un rejet clair de l’offre de dialogue de l’Assemblée
et a conduit à s’interroger sur l’engagement de la délégation russe
de coopérer et d’entretenir un dialogue positif avec l’Assemblée,
s’agissant notamment du respect de ses engagements et obligations
envers le Conseil de l’Europe. A cet égard, il convient de noter
que, en vertu de l’article 8.2.b du
Règlement de l’Assemblée, «le manque de coopération dans le processus
de suivi de l’Assemblée» est en lui-même une raison substantielle
pour laquelle les pouvoirs d’une délégation peuvent être contestés.
58. Une coopération limitée s’est instaurée entre l’Assemblée
et la délégation russe au cours du second semestre de l’année 2014.
De ce fait, la délégation russe a participé aux travaux de la sous-commission
ad hoc sur la politique de voisinage de la Russie à l’égard des
autres Etats membres du Conseil de l’Europe de la commission de
suivi ainsi qu’à certaines réunions de la commission de suivi proprement
dite. Par ailleurs, les corapporteurs ont pu effectuer une visite
d’information à Moscou les 16 et 17 décembre 2014.
59. L’annexion illégale de la Crimée et la poursuite de son intégration
dans la Fédération de Russie, ainsi que la guerre hybride larvée
menée par la Fédération de Russie dans l’est de l’Ukraine sont des
violations flagrantes du droit international, de la Charte des Nations
Unies, de l’acte final d’Helsinki de l’Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE) ainsi que du Statut du Conseil
de l’Europe (STE no 1) et des engagements
souscrits par la Russie lors de son adhésion à ce dernier.
60. Dans ce contexte, les interventions de la Russie à l’égard
de tous ses voisins immédiats ont grandement préoccupé l’Assemblée.
Celle-ci a continué de rappeler à la Fédération de Russie qu’elle
s’était engagée lors de son adhésion au Conseil de l’Europe à «dénoncer
comme erroné le concept de deux catégories différentes de pays étrangers,
qui consiste à traiter certains d’entre eux appelés “pays étrangers
proches” comme une zone d’influence spéciale», et à s’abstenir de
véhiculer la doctrine géographique des zones «d’intérêts privilégiés».
61. Compte tenu de la
Résolution
2034 (2015) et de la
Résolution
2063 (2015) adoptées par l’Assemblée en réaction à l’annexion illégale
de la Crimée et l’implication de la Russie dans le conflit à l’est
de l’Ukraine, y compris par l’envoi de troupes militaires, de volontaires
et d’armements de pointe, l’Assemblée a décidé de suspendre les
droits suivants des membres de la délégation russe pour la durée
de la session de 2015 de l’Assemblée: les droits de vote, le droit
d’être représentée au Bureau de l’Assemblée, au Comité des Présidents
et à la commission permanente, le droit d’être désigné comme rapporteur;
le droit d’être membre d’une commission ad hoc d’observation des
élections; le droit de représenter l’Assemblée dans les instances du
Conseil de l’Europe ainsi qu’auprès d’institutions et d’organisations
extérieures, tant au niveau institutionnel qu’à titre occasionnel.
Cependant, tenant compte de la mise en place de ces sanctions, et
comme expression de son engagement continu en faveur du dialogue
avec la délégation russe, l’Assemblée a décidé de ne pas annuler
les pouvoirs de cette dernière.
62. Le climat politique en Russie est animé par des considérations
de sécurité et de stabilité en raison de l’annexion de la Crimée
et du conflit dans l’est de l’Ukraine, qui se sont traduits par
une détérioration générale du respect des droits de l’homme. Un
cadre juridique restrictif et répressif a entravé le travail de
l’opposition, de la société civile et des médias indépendants.
63. L’effet cumulatif de la «loi sur les agents étrangers», de
la «loi relative aux organisations non commerciales» et de la «loi
sur la trahison» a eu un effet dissuasif sur l’action de la société
civile, contraignant bon nombre d’ONG à cesser leurs activités ou
les exposant à des persécutions et harcèlements de la part des autorités.
Plus de 80 ONG ont été enregistrées en tant «qu’agents étrangers»,
favorisant ainsi leur stigmatisation. Plusieurs d’entre elles ont
formé un recours en justice contre cette décision, alors qu’au moins 15
ONG se sont dissoutes pour éviter d’autres persécutions. Une nouvelle
loi régissant la procédure d’exclusion des organisations non commerciales
de la liste des agents étrangers a été adoptée en février 2015, mais
n’a pas répondu aux préoccupations concernant cette procédure soulevées
par les organisations internationales, notamment le Conseil de l’Europe.
64. Le 23 mai 2015, la loi sur «les organisations étrangères indésirables»
est entrée en vigueur. Cette loi érige en infraction pénale le travail
des organisations à but non lucratif étrangères considérées comme
«une menace pour la sécurité de l’ordre constitutionnel russe et
la capacité de défense du pays». Cette loi, vivement critiquée par
la communauté internationale, y compris le Conseil de l’Europe et
son Assemblée, inflige également de lourdes amendes aux organisations
ou individus accusés de «collaboration» avec des organisations jugées
«indésirables». Le ministère des Affaires étrangères et le procureur
général sont responsables de l’établissement et de l’actualisation
de la liste des «organisations étrangères indésirables». Le 7 juillet
2015, le Conseil de la Fédération a adopté à l’unanimité une «stop
liste patriotique» énumérant 12 organisations, dont notamment l’Open
Society Foundation et Freedom House, en demandant à ce qu’elles soient
ajoutées à la liste des organisations étrangères indésirables. L’adoption
de cette loi est un signe manifeste de la volonté des autorités
d’étouffer toute forme de critique publique ou d’opinion indépendante.
65. L’environnement médiatique continue de soulever de vives inquiétudes.
Les autorités ont renforcé le contrôle direct et indirect de l’Etat
sur les médias par le biais d’un environnement juridique restrictif.
Le 2 mai 2015, le Président Poutine a signé l’entrée en vigueur
d’un amendement à la loi sur l’extrémisme, qui décuple (jusqu’à
1 million de roubles) l’amende maximale susceptible d’être infligée
aux organisations des médias en cas de publication de contenus présumés
inciter au terrorisme ou à l’extrémisme ou justifier de tels actes.
Il convient par ailleurs de noter que l’extrémisme ne fait pas l’objet
d’une définition claire dans la loi, ce qui permet des interprétations
arbitraires et extrêmement larges de la part des autorités.
66. Le 28 février 2015, Boris Nemtsov, personnalité d’opposition
bien connue et ancien Premier ministre, a été assassiné près du
Kremlin par des inconnus. L’assassinat de M. Nemtsov, très critique
à l’égard des politiques du Président Poutine, ainsi que la façon
dont l’enquête a été menée, ont soulevé plusieurs interrogations
et eu un effet dissuasif sur les forces politiques et les mouvements
sociaux opposés aux politiques menées par les actuelles autorités
russes.
67. Le 14 juillet 2015, la Cour constitutionnelle russe, dans
une décision controversée, a jugé que les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme n’avaient pas de caractère contraignant pour
la Russie s’ils violaient sa Constitution. Cette décision regrettable
a été largement condamnée car elle fait naître le spectre d’une
mise en œuvre sélective des arrêts de la Cour par la Fédération
de Russie. Il convient de souligner que selon la Convention, l’exécution
des arrêts de la Cour a force obligatoire pour tous les Etats Parties
à la Convention européenne des droits de l’homme.
2.2.8. Serbie
68. Les corapporteurs se sont rendus
en Serbie du 27 au 28 octobre 2014. Cette visite faisait suite aux élections
législatives du 16 mars 2014 et portait sur la mise en œuvre de
la
Résolution 1858 (2012) sur le respect des obligations et engagements de la
Serbie, en accordant une attention particulière à la situation des médias
et des minorités. Aucun document d’information ni déclaration n’ont
été adoptés au cours de la période considérée.
2.2.9. Ukraine
69. Les corapporteurs se sont rendus
en Ukraine du 24 au 27 novembre 2014, du 25 au 27 mars 2015 et du
18 au 22 mai 2015. De plus, les corapporteurs ont participé, ex officio, aux travaux de la commission
ad hoc de l’Assemblée qui a observé les élections législatives du
26 octobre 2014.
70. Le suivi du respect par l’Ukraine de ses obligations et engagements
envers le Conseil de l’Europe a été dominé par les développements
en rapport avec le conflit militaire en cours dans l’est de l’Ukraine,
qui a eu un profond impact sur le programme de réformes.
71. La commission ad hoc qui a observé les élections a conclu
que «les élections législatives anticipées du 26 octobre ont marqué
un pas important sur la voie de la consolidation de la démocratie
conformément aux engagements internationaux et ont comporté de nombreux
éléments positifs, dont une Commission électorale centrale (CEC)
impartiale et efficace, des listes concurrentes offrant aux électeurs
un véritable choix et un respect général des libertés fondamentales».
72. Après la rupture progressive de l’accord de cessez-le-feu
conclu à Minsk en septembre 2014, un «Ensemble de mesures en vue
de l’application des accords de Minsk» a été négocié par la Chancelière allemande
et le Président français et signé le 12 février 2015. De ce fait,
les dispositions de cet ensemble de mesures, la mise en œuvre du
programme de réformes en Ukraine et la résolution du conflit dans
l’est de l’Ukraine sont étroitement liées. Bien que le nouvel accord
de cessez-le-feu ait mis fin aux hostilités militaires à grande
échelle, il est violé quasi-quotidiennement par tous les protagonistes
au conflit. De plus, des armes lourdes restent en place dans la
zone de sécurité établie par les accords signés à Minsk le 12 février
2015.
73. Des rapports crédibles font état de violations des droits
de l’homme, du droit international des droits de l’homme et du droit
international humanitaire par l’ensemble des parties au conflit,
notamment des rapports persistants d’enlèvements, d’exécutions sommaires,
de détentions arbitraires et d’actes de tortures sur des civils,
qui soulèvent de sérieuses inquiétudes. Toute allégation de participation
de forces armées placées sous le contrôle des autorités ukrainiennes
dans ces violations doit faire l’objet d’une enquête approfondie
de la part de ces dernières.
74. La réforme constitutionnelle est le fondement d’une mise en
œuvre fructueuse des principales réformes requises pour la consolidation
démocratique du pays. Dans l’ensemble de mesures signé à Minsk,
les autorités ont convenu d’adopter, en priorité, les amendements
constitutionnels permettant la décentralisation des pouvoirs aux
collectivités locales et régionales. Les amendements constitutionnels
pour la décentralisation ont été adoptés par la Verkhovna Rada,
en première lecture, le 16 juillet 2015. Il semblerait que toutes
les recommandations formulées par la Commission de Venise ont été
prises en compte. Leur adoption par la Verkhovna Rada en seconde
et dernière lecture devrait intervenir en septembre 2015. Conformément
aux accords de Minsk, les modalités temporaires de l’exercice de
l’autonomie locale permettent de régir le statut de certaines zones
des régions de Donetsk et de Lougansk par une législation spéciale.
75. Plusieurs lois ont été adoptées pour remédier aux lacunes
structurelles du système judiciaire ukrainien, concernant notamment
l’indépendance de la magistrature. Cependant, pour être mises en
œuvre, ces lois nécessitent des amendements constitutionnels adéquats.
Fait positif, la commission constitutionnelle a, le 21 juillet 2015,
communiqué pour avis à la Commission de Venise ses propositions
d’amendements constitutionnels dans le volet judiciaire. Cette démarche
fait naître l’espoir d’une adoption en lecture finale avant la fin
de cette année.
76. En avril 2015, la Verkhovna Rada a adopté une loi destinée
à reporter la mise en œuvre de la loi sur le procureur général.
L’adoption et la promulgation d’une nouvelle loi sur le ministère
public est une recommandation de longue date de l’Assemblée, qui
y attache une grande importance. Le report de sa mise en œuvre est
un coup de frein au processus de réforme de la justice.
77. L’ensemble de mesures adopté à Minsk le 12 février 2015 prévoit
l’organisation d’élections locales en vertu de la législation ukrainienne
sur l’ensemble du territoire ukrainien, y compris dans les zones
de Lougansk et de Donetsk qui ne sont pas sous le contrôle du gouvernement
central. Conformément à l’actuelle Constitution, ces élections doivent
se tenir le 25 octobre 2015. Un nouveau code relatif aux élections
locales est actuellement en cours d’examen par la Verkhovna Rada.
Il est important d’aligner cette loi sur le nouveau cadre constitutionnel
pour l’autonomie. Malheureusement, la possibilité de tenir des élections
dans les zones qui ne sont pas sous le contrôle du gouvernement
central n’est pas clairement établie.
78. Le 16 septembre 2014, la Verkhovna Rada a adopté une loi de
lustration. Selon cette loi, quiconque ayant, inter
alia, aidé le régime Ianoukovitch à usurper le pouvoir,
sapé par ses actions ou omissions les fondements de la sécurité
nationale de l’Ukraine, occupé des postes importants durant l’ère
soviétique ou encore ordonné ou encouragé l’action de la police
contre les manifestants de l’Euromaïdan, est frappé d’une interdiction
d’exercer des fonctions au sein du gouvernement ou de la fonction
publique. Les élus sont expressément exclus du processus de lustration.
Préoccupée par les implications en matière de droits de l’homme
de cette loi, la commission de suivi a sollicité l’avis de la Commission
de Venise. Après une évaluation initiale critique, plusieurs amendements
ont été adoptés, répondant en grande partie aux réserves et recommandations
de la Commission de Venise. Seules les inquiétudes relatives au
champ d’application temporel de la loi et au caractère décentralisé
de sa mise en œuvre n’ont pas été traitées.
79. Le 9 juin 2015, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
a reçu une notification officielle

de l’Ukraine l’informant que le
pays dérogerait à certains droits établis par la Convention européenne
des droits de l’homme au titre de l’article 15 de la Convention.
Cet article 15 permet aux Etats contractants de déroger à certaines
de leurs obligations «en cas de guerre ou en cas d’autre danger
public menaçant la vie de la nation». Les autorités ukrainiennes
ont fait savoir que la dérogation, limitée à la zone dite d’opérations
anti-terroristes, concerne certaines dispositions des articles 5,
6, 8 et 13 de la Convention. Il est important de noter que même avec
cette dérogation, l’Ukraine reste pleinement couverte par la Convention
européenne des droits de l’homme et la juridiction de la Cour.
2.3. Pays engagés dans un dialogue
postsuivi
2.3.1. Bulgarie
80. Le rapporteur s’est rendu en
Bulgarie du 2 au 5 juin 2015. Des élections législatives anticipées
ont eu lieu le 5 octobre 2014.
81. Après la performance lamentable du Parti socialiste bulgare
lors des élections au Parlement européen de mai 2014, le Premier
ministre du gouvernement minoritaire, M. Oresharki, a démissionné
le 23 juillet 2014, provoquant pour la seconde fois consécutive
des élections anticipées en Bulgarie. Celles-ci ont été organisées le
5 octobre 2014. Selon la Mission internationale d’observation des
élections dont faisait partie la commission ad hoc de l’Assemblée
chargée d’observer ce scrutin, «bien que les élections législatives
anticipées organisées en Bulgarie le 5 octobre aient été bien administrées
du point de vue technique et que les libertés fondamentales aient
été respectées, les allégations faisant état d’achat et de vente
de voix et d’autres irrégularités ainsi qu’une campagne inconsistante
ont continué à peser sur la confiance des électeurs dans l’intégrité
du processus». Par ailleurs, malgré l’adéquation, en principe, du
cadre juridique des élections, plusieurs recommandations de commissions
ad hoc précédentes ayant observé des élections en Bulgarie n’ont
pas été prises en compte, notamment en ce qui concerne le manque
de transparence de la campagne et du financement des partis et l’écart
excessif de taille des districts électoraux, qui viole le principe
d’égalité du suffrage.
82. Le climat politique s’est amélioré après les élections et
une stratégie sur la poursuite de la réforme du système judiciaire
a été adoptée avec un large consensus entre la majorité au pouvoir
et l’opposition. Cependant, il est désormais nécessaire de traduire
cette stratégie en réformes concrètes qui seront mises en œuvre
par les autorités.
83. La corruption reste un problème en Bulgarie. Il est important
que toutes les forces politiques affichent une volonté sans faille
de mettre en œuvre de manière efficace la stratégie anti-corruption
élaborée.
84. Les conditions carcérales et les mauvais traitements infligés
aux détenus par la police et le personnel pénitentiaire continuent
d’être source de sérieuses inquiétudes. Le 26 mars 2015, le Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT) a pris la décision peu courante de
publier une déclaration pour exprimer ses vives préoccupations face
aux mauvais traitements infligés aux détenus, aux conditions matérielles
de détention exécrables, à la surpopulation carcérale et à la violence.
Les mauvais traitements infligés aux détenus par la police et le
personnel pénitentiaire sont largement répandus et fréquents. Les
prisons sont généralement surpeuplées et leurs conditions matérielles épouvantables
s’apparentent à des traitements inhumains et dégradants. La corruption
au sein du système pénitentiaire en vue de bénéficier de meilleures
conditions de détention est endémique. Tous ces éléments sont des
problèmes de longue date et ont été soulignés à diverses occasions
par le CPT, mais malheureusement aucune de ses recommandations n’a
été mise en œuvre à ce jour par les autorités.
2.3.2. Monténégro
85. Les corapporteurs se sont rendus
au Monténégro les 17 et 18 novembre 2014. Le 27 janvier 2015, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
2030 (2015) sur le respect des obligations et engagements du Monténégro. L’Assemblée
a estimé que le Monténégro avait réalisé des progrès considérables
sur les cinq domaines clés qu’elle a identifiés, en l’occurrence
l’indépendance du pouvoir judiciaire; la situation des médias; la
lutte contre la corruption et la criminalité organisée; les droits
des minorités et la lutte contre la discrimination ainsi que la situation
des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI).
Elle a par conséquent décidé de clore la procédure de suivi pour
le Monténégro et d’ouvrir un dialogue postsuivi avec le pays.
86. La corruption reste largement répandue au Monténégro, de même
que la discrimination envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles
et transgenres (LGBT). La mise en œuvre des lois sur les tribunaux, les
droits et devoirs des juges, le Conseil de la magistrature, le Conseil
constitutionnel et le ministère public, qui, hormis la loi sur la
Cour constitutionnelle, ont ensuite été adoptées en 2015, est essentielle
pour garantir un système judiciaire et une magistrature efficaces
et réellement indépendants. L’Assemblée continuera de suivre, dans
le cadre du dialogue postsuivi, l’évolution du respect par le Monténégro
des engagements souscrits lors de son adhésion concernant les cinq
domaines clés susmentionnés. Elle a décidé d’examiner la possibilité
de rouvrir une procédure de suivi pour le Monténégro en 2017 si
les progrès dans ces domaines clés sont jugés insuffisants.
2.3.3. «L’ex-République yougoslave
de Macédoine»
87. Une crise politique a éclaté
dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à la suite des élections législatives
et présidentielle des 13 et 27 avril 2014. Face à la crise de plus
en plus grave, la commission de suivi a décidé d’envoyer dans le
pays une délégation composée du rapporteur, du président de la commission, ainsi
que du président du groupe socialiste de l’Assemblée, les 28 et
29 avril 2015.
88. La crise politique a mis en lumière les lacunes systémiques
dans le fonctionnement des institutions démocratiques du pays et
a soulevé des questions concernant la mise en pratique des accords
d’Ohrid. Tout en appelant l’opposition à mettre fin à son boycott
du parlement, la commission de suivi a fait part de ses inquiétudes
et de sa perplexité face à l’ampleur manifeste de la surveillance
à tous les niveaux mise en place dans le pays au cours des dernières
années. Elle a enjoint les autorités d’enquêter en toute transparence
et impartialité sur toutes les allégations de violations et d’actes
répréhensibles perpétrés, inter alia,
par des fonctionnaires de l’Etat apparues dans le scandale des écoutes
téléphoniques. L’accord négocié par le Commissaire de l’Union européenne
Hahn et conclu le 15 juillet 2015 par les principaux partis politiques
pour surmonter la crise politique dans le pays mérite d’être salué.
Il est désormais important d’organiser de nouvelles élections et
que toutes les forces politiques travaillent ensemble pour remédier
aux causes structurelles sous-jacentes de la crise, notamment la
défiance à l’égard du système électoral, le manque d’indépendance
de la justice et les dysfonctionnements du système judiciaire, ainsi
que le manque de liberté des médias et la dépolitisation de la fonction
publique.
89. Le 10 mai 2015, 8 policiers et 14 membres d’un gang armé,
venant prétendument du Kosovo*

voisin, ont
été tués au cours d’une fusillade qui a éclaté dans la ville de
Kumanovo entre la police et ce groupe armé. Le moment auquel cet
événement s’est produit, au beau milieu d’une profonde crise politique,
ainsi que sa prétendue connotation ethnique, ont fait naître la
crainte d’une nouvelle flambée de violences ethniques dans le pays.
Les circonstances exactes de cet affrontement doivent faire l’objet
d’une enquête approfondie menée de manière transparente pour éviter
tout regain de tensions ethniques.
2.3.4. Turquie
90. La rapporteure s’est rendue
en Turquie du 30 avril au 4 mai 2015. EIle a par ailleurs participé, ex officio, aux travaux de la commission
ad hoc de l’Assemblée qui a observé les élections législatives du
7 juin 2015.
91. Ces élections législatives étaient considérées comme un test
crucial susceptible de faire basculer le système politique d’un
régime parlementaire vers un régime présidentiel, un objectif clairement
affiché du Président Erdoğan et du parti AKP au pouvoir. La commission
ad hoc qui a observé les élections a conclu qu’elles s’étaient caractérisées
par une participation active des citoyens pendant la campagne et
par un fort taux de participation le jour du scrutin, mais le seuil
excessivement élevé de 10 % des voix requis pour entrer au parlement
a limité le pluralisme politique. La couverture médiatique de la
campagne, l’implication indue du Président de la République dans
la campagne préélectorale et le fonctionnement des organes de supervision des
élections étaient des sujets de vive préoccupation durant les élections,
les organes d’information et les journalistes critiques à l’égard
du parti au pouvoir ayant semble-t-il été la cible de pressions
et d’actes d’intimidation. Comme ce fut le cas pour l’élection présidentielle,
de manière générale, le cadre juridique, s’il est pleinement et
efficacement mis en œuvre, était favorable à la tenue d’élections
démocratiques mais il contient des restrictions injustifiées des
libertés fondamentales d’association, de réunion et d’expression,
ainsi que des droits électoraux. D’autre part, le cadre juridique
des médias instaure des limitations abusives du droit à la liberté
d’expression. Au cours de ces élections, le parti AKP a perdu sa
majorité parlementaire, mettant en suspens son projet d’introduction
d’un système politique présidentiel en Turquie. De plus, pour la
première fois le Parti démocratique des peuples (HDP) pro-kurde
a participé en tant que tel

à ces élections et
franchi le seuil des 10 %. Ces deux événements sont susceptibles
de modifier considérablement l’environnement politique de la Turquie.
92. L’actuel conflit syrien a eu d’importantes répercussions sur
les développements récents en Turquie, avec l’arrivée de plus de
deux millions de réfugiés. Il convient de féliciter les autorités
pour leur décision d’offrir un abri sûr à un tel afflux de réfugiés.
La participation active de Kurdes syriens et irakiens dans les combats contre
«EI» a eu un impact direct sur l’environnement politique turc.
93. Dans ce contexte, le processus de paix visant à résoudre la
question kurde a été mis en veilleuse et a révélé des divergences
d’approche entre le gouvernement et le Président turc, susceptibles
d’y faire obstacle. Le HDP étant devenu une force parlementaire
importante, on peut espérer une reprise du dialogue dans les meilleurs
délais entre le Gouvernement turc et les représentants kurdes.
94. Les allégations constantes des autorités concernant l’existence
de «structures étatiques parallèles» et de complots visant à renverser
le gouvernement commencent à avoir une incidence sur le fonctionnement
des institutions démocratiques nationales et la confiance qui leur
est accordée.
95. Les procès Ergenekon et Balyoz ont tourné court et de nombreuses
personnes reconnues coupables en première instance ont été acquittées
en appel. L’attention des autorités du parti AKP est désormais tournée vers
son allié d’autrefois, le mouvement Gülen, qui a été classé parmi
les organisations terroristes. La purge des prétendus sympathisants
du mouvement Gülen au sein des structures de l’Etat, notamment du
système judiciaire, du parquet et des forces de police, entrave
l’indépendance et le bon fonctionnement de ces institutions et suscite
de sérieuses préoccupations.
96. Le revirement de plusieurs réformes précédentes, mises en
œuvre pour renforcer l’indépendance du système judiciaire, fait
naître de sérieuses inquiétudes. La Commission de Venise a également
exprimé ses préoccupations au sujet des atteintes à l’indépendance
du pouvoir judiciaire dans sa déclaration de juin 2015. L’éventuelle
révision des dispositions autorisant les recours individuels devant
la Cour constitutionnelle en est un parfait exemple. L’introduction
de recours individuels en 2010 a été largement saluée par les partenaires de
la Turquie. Le gouvernement a prétendu que la Cour constitutionnelle
croulait sous les plaintes individuelles. Cet argument a cependant
été réfuté par la Cour constitutionnelle elle-même, qui est opposée
à la remise en cause de ce droit.
97. Comme évoqué dans le contexte des élections législatives,
les menaces qui pèsent sans cesse sur les libertés d’expression
et de réunion dans le pays sont sujet d’inquiétudes.
98. L’environnement médiatique souffre d’une législation excessivement
restrictive, d’enquêtes et de poursuites pénales douteuses concernant
des journalistes, de restrictions d’accès à internet et de l’ingérence des
autorités dans le travail des médias

. En mars 2015, le Parlement
turc a adopté la loi no 5651 relative
à internet, qui accorde des pouvoirs excessifs à la Direction des
télécommunications, lui permettant de bloquer des sites web en l’absence
d’un contrôle juridique suffisant. De plus, le recours récent et
de plus en plus fréquent aux dispositions juridiques qui érigent
en infraction pénale le fait «d’insulter le Président» ou de «dénigrer
la turquité» est source de préoccupations.
99. Concernant la liberté de réunion, l’adoption de la loi sur
la sécurité intérieure le 27 mars 2015 suscite un certain nombre
de questions. Cette loi, qui a été renvoyée devant la Cour constitutionnelle,
permettrait à la police de perquisitionner des domiciles ou de fouiller
des véhicules sur la base de simples «soupçons» et de retenir des
suspects en garde à vue pendant vingt-quatre heures (quarante-huit
heures pour des infractions collectives) pour les interroger sans
la supervision d’un juge.
100. Les relations avec les minorités religieuses se seraient améliorées.
Les églises et autres biens confisqués ont souvent été restitués
aux communautés, mais ces églises et communautés religieuses et ethniques
ne disposent toujours pas d’un statut juridique adéquat.
101. Malheureusement, les autorités n’ont pas encore reconnu le
droit à l’objection de conscience et procédé à la mise en place
d’un service alternatif.
102. Malgré la crise économique et des perspectives réduites d’adhésion
à l’Union européenne, les autorités turques ont continué d’œuvrer
sur la voie de l’intégration européenne, mettant ainsi clairement
en lumière la détermination du pays. Cette même finalité est reflétée
dans la décision récente et louable de la Turquie de devenir un
grand contributeur au budget du Conseil de l’Europe, permettant
ainsi au pays de disposer de 18 sièges au sein de l’Assemblée (contre
12 auparavant).
2.4. Demande d’ouverture d’une
procédure de suivi
2.4.1. France
103. Le 26 juin 2013, 21 membres
de l’Assemblée ont présenté une proposition de résolution en vue
de l’ouverture d’une procédure de suivi au titre de la France, au
motif de graves revers dans le domaine des droits de l’homme et
de l’Etat de droit en lien avec les interventions des forces de
police dans le contexte des manifestations contre la «loi Taubira»
et avec l’enseignement obligatoire de la théorie des genres dès
l’âge de six ans.
104. La commission de suivi nous a désignés, M. Ghiletchi et moi-même,
corapporteurs pour la préparation d’un avis écrit sur cette question.
Nous avons effectué une visite d’information à Paris les 10 et 11
septembre 2014. Sur la base de nos propositions, la commission de
suivi a adopté, le 3 septembre 2015, un avis contenant un projet
de décision qui recommande de ne pas ouvrir une procédure de suivi
à l’égard de la France.
3. Examen périodique du respect
des obligations contractées lors de l’adhésion au Conseil de l’Europe par
des pays ne faisant pas l’objet d’une procédure de suivi stricto
sensu et non engagés dans un dialogue postsuivi avec l’Assemblée
105. Dans la
Résolution 2018 (2014) sur l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée,
il a été convenu de mettre en place un examen périodique, pays par
pays, concernant le respect des obligations découlant de l’adhésion
au Conseil de l’Europe, de tous les pays ne faisant pas l’objet
d’une procédure de suivi stricto sensu et non engagés dans un dialogue
postsuivi avec l’Assemblée. Le 17 mars 2015, la commission de suivi
a convenu des méthodes de travail et du calendrier des rapports
pour la préparation de ces examens périodiques. Ceux-ci seront brièvement
décrits dans les paragraphes suivants.
106. En raison de l’opposition claire, au sein de la commission
de suivi, à l’idée de regrouper les pays sur une base géographique,
ces regroupements seront effectués par ordre alphabétique. Il est
prévu de présenter entre six et huit examens périodiques (préparés
en deux cycles de groupes de trois ou quatre pays) dans chaque rapport
d’activité annuel. Le nombre exact pourra être adapté par la commission
en fonction de sa charge de travail et des contraintes de ressources.
Dans le cadre d’un tel cycle, l’intervalle entre les rapports pour
chaque pays ne faisant pas l’objet d’une procédure de suivi stricto
sensu et non engagés dans un dialogue postsuivi sera d’environ quatre
ans, en phase avec l’intervalle de trois ans des pays sous procédure de
suivi.
107. Un rapport préliminaire concis sera compilé par le président
de la commission pour chaque pays sélectionné, présentant brièvement
tout fait politique majeur survenu depuis le dernier examen, ainsi
que les constatations des différents organes de suivi institutionnels
reposant sur des conventions du Conseil de l’Europe qui ont été
publiées au cours de la période de référence au regard du fonctionnement
des institutions démocratiques, de l’Etat de droit et du respect
des droits de l’homme. Le rapport préliminaire sera étudié par la
commission et transmis à la délégation nationale du pays concerné
avec demande de commentaires des autorités sur les constatations.
Un projet de rapport sera établi sur la base de ces commentaires
et fera l’objet d’un échange de vues à la commission en présence
d’un représentant de la majorité et de l’opposition du pays en question.
Le rapport final, adopté après cet échange de vues, sera inclus
dans le rapport d’activité de la commission de suivi pour l’année
durant laquelle il a été adopté. Les principales recommandations
formulées dans ces rapports seront incluses dans le projet de résolution
qui accompagne le rapport d’activité.
108. Lorsqu’il est observé dans les rapports qu’un pays respecte
globalement ses obligations de membre du Conseil de l’Europe, aucune
action supplémentaire ne devrait être nécessaire jusqu’au prochain
cycle d’établissement de rapports. En revanche, si la commission
estime que certains faits nouveaux sont particulièrement préoccupants,
elle peut présenter une proposition de résolution, conformément
au paragraphe 7 de son mandat, sur le fonctionnement des institutions
démocratiques dans le pays concerné. De même, si la commission estime
qu’un pays ne respecte pas ses obligations d’Etat membre du Conseil
de l’Europe, sur un plan structurel, elle peut proposer d’ouvrir
une procédure de suivi en se fondant sur les paragraphes 3 et 5
de son mandat.
109. Un certain nombre de situations spéciales ont été prises en
compte par la commission lors de la fixation du calendrier pour
l’établissement des rapports. A l’évidence, il serait inapproprié
pour le président de la commission de présenter un rapport sur son
propre pays. Dans de telles situations, le rapport sur ce pays devrait
être pris en compte immédiatement après la nomination d’un nouveau
président, conformément à la rotation habituelle tous les deux ans
des présidences de commission. De même, à l’instar des pays sous procédure
de suivi, un rapport d’examen périodique ne devrait pas être discuté
en plénière lorsque le pays en question occupe la présidence du
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Enfin, en cas de dépôt
d’une proposition contenant une demande d’ouverture d’une procédure
de suivi au titre d’un Etat membre, l’examen d’un rapport sur ce
pays dans le cadre de l’examen périodique sera reporté jusqu’à ce
que la procédure concernant l’ouverture d’une procédure de suivi
ait été menée à son terme.
110. Sur cette base, quatre rapports d’examen périodique ont été
préparés et inclus dans le présent rapport d’activité, respectivement
à l’égard de l’Andorre, la Belgique, la Croatie et Chypre. Ces examens
périodiques sont présentés dans les parties 2 à 5 du présent rapport
d’activité.
4. Divers
111. Actuellement le rapport sur
l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée fait l’objet
d’un débat annuel lors de la partie de session d’octobre de l’Assemblée.
Conformément aux exigences réglementaires, le rapport et le projet
de résolution sont adoptés par la commission au cours de sa réunion
de septembre. Le rapport d’activité contient de ce fait des informations
fournies par les rapporteurs entre septembre de l’année précédente
et la partie de session de juin de l’année au cours de laquelle
le rapport d’activité est présenté. Concernant plus particulièrement
l’inclusion des rapports d’examen périodique, il serait plus approprié
que le rapport d’activité couvre une année calendaire complète,
ce qui permettrait de le caler sur le calendrier des sessions de
l’Assemblée. Par ailleurs, il serait plus étroitement aligné sur
les cycles de rapport des autres mécanismes de suivi. D’où la proposition
qu’à partir du prochain rapport concernant l’évolution de la procédure de
suivi de l’Assemblée, le rapport soit présenté lors de la partie
de session de janvier. Ceci permettrait à la commission de l’adopter
lors de sa réunion de décembre. Dans les années de changement de
présidence de la commission, le rapport continuerait d’être présenté
par le président sortant.