1. Origine,
portée et objectif du rapport
1. L’Europe est confrontée à de
multiples défis liés à la diversité culturelle, que notre continent
et ses Etats abritent, immense richesse et source de tensions à
la fois. La multiplication des manifestations d’intolérance et de
racisme posent des questions que la démocratie se doit de résoudre.
2. Des centaines de nos jeunes, musulmans d’origine ou convertis,
partent pour combattre en Syrie, en Irak ou ailleurs, dans les rangs
du groupe terroriste Daech

; d’autres – bien plus nombreux
– restent mais sans plus croire dans les institutions démocratiques
et, victimes de discriminations, se débattent entre le repli communautariste
et l’exclusion sociale imposée. D’autres encore adhèrent à des positions
extrémistes, prônent la violence et attisent la haine, ou tout simplement
refusent le dialogue et l’idée de partager «leur» pays avec ceux
qui sont coupables d’avoir une origine, une culture, une religion
différente. Face à ces défis, la culture de la démocratie doit trouver
des applications concrètes.
3. Tous ces jeunes étaient supposés acquérir dans leurs familles
et dans nos écoles un ensemble de valeurs qui fondent notre identité
commune: le respect des droits de l’homme et l’adhésion aux principes démocratiques
et à l’Etat de droit; et acquérir aussi la capacité de vivre ces
valeurs au quotidien, de s’ouvrir au dialogue avec l’autre et de
participer activement à la vie sociale en tant que citoyen responsable.
4. Les compétences requises pour mettre la citoyenneté démocratique
en pratique, promouvoir la protection des droits de l’homme et renforcer
le dialogue interculturel sont des compétences acquises, qu’il convient
d’entretenir dès le plus jeune âge et tout au long de la vie. L'enseignement
doit permettre de les acquérir et de les développer. En France,
une proposition de loi visant à renforcer les repères républicains dans
le fonctionnement du service public de l’éducation a été déposée
au Sénat le 18 septembre 2015

sur la base du rapport du Sénateur
Jacques Grosperrin

.
5. Ainsi, une réflexion approfondie est indispensable pour déterminer
si l’offre éducative contribue à une meilleure compréhension interculturelle,
à une participation démocratique plus forte et à un plus grand respect des
normes des droits de l’homme. La mesure des résultats dans ce domaine,
à partir d’un ensemble de descripteurs de compétences conçu au niveau
européen, me semble en effet indispensable afin que les éducateurs
et les décideurs politiques puissent identifier les domaines nécessitant
d‘efforts supplémentaires.
6. A la suite de la Déclaration sur «Gouvernance et éducation
de qualité

», adoptée par les ministres de l’Education
réunis à Helsinki les 26 et 27 avril 2013, le Comité directeur sur
la politique et les pratiques en matière d’éducation du Conseil
de l’Europe a souligné en mars 2014 l’importance d’élaborer des
«descripteurs de compétences pour une culture de la démocratie et
le dialogue interculturel», afin d’intégrer pleinement la préparation
des jeunes à une vie de citoyens actifs à la mission de l’éducation.
Le résultat escompté est un cadre de compétences adaptable aux situations
et besoins spécifiques des différents pays dans le contexte de leurs
systèmes d’éducation respectifs

,
prenant en considération le principe de subsidiarité. Les descripteurs
de compétences devraient être utilisés dans les écoles, les universités
et les autres cadres éducatifs pour développer les programmes de
cours et la pédagogie nécessaires pour aider les élèves à devenir
des citoyens actifs attachés à la démocratie; ces descripteurs devraient
aussi permettre d’évaluer leurs progrès.
7. Dans la réflexion sur l’élaboration d’un cadre des compétences
pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue
interculturel (CD/DH/DI) et la façon dont il peut être intégré efficacement
dans la structure générale des systèmes, des politiques et des pratiques
éducatifs au niveau européen, il importe de bien comprendre et de
tenir compte de quatre questions stratégiques clés interdépendantes
qui sont les suivantes:
- Dans
quelle mesure est-il possible de créer un cadre cohérent des compétences
pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue
interculturel?
- Comment ce futur cadre pourrait-il être intégré dans la
structure générale des systèmes, des politiques et des pratiques
éducatifs?
- Quel effet ce cadre pourrait-il avoir sur le fonctionnement
des systèmes éducatifs?
- Quelle est la meilleure stratégie d’élaboration et de
mise en œuvre des politiques pour ce cadre au niveau européen?
8. Il conviendra d’apporter des réponses à ces quatre questions
stratégiques afin que le développement d’un cadre des compétences
pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel
soit intégré avec succès dans les systèmes éducatifs européens.
9. L’analyse qui suit s’appuie sur la contribution de M. David
Kerr et d’autres experts que notre commission a auditionnés, notamment
ceux du secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe et de
l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et
la culture (UNESCO).
10. Outre les travaux du secteur intergouvernemental du Conseil
de l’Europe, j’ai pris en considération les engagements des Etats
membres du Conseil de l’Europe au niveau mondial dans le cadre du
Programme mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme,
ainsi qu’au niveau européen au travers de leur participation au
projet phare du Conseil de l’Europe «Education à la citoyenneté
démocratique et éducation aux droits de l’homme» (ECD/EDH).
2. Créer un cadre des compétences cohérent
11. La première question stratégique
clé est fondamentale. Il s’agit de savoir s’il est possible de créer
un cadre cohérent des compétences pour la citoyenneté démocratique,
les droits de l’homme et le dialogue interculturel. Sa résolution
est cruciale pour l’avancement des travaux portant sur ces compétences.
Ceci est nécessaire pour réussir à convaincre les principaux responsables
des politiques éducatives de la cohérence du cadre des compétences
et de la fiabilité et l’intérêt d’un tel cadre de compétences en
la matière, d’une part, et, d’autre part, de la possibilité d’intégrer
ces éléments parallèlement à d’autres aspects majeurs de l’enseignement,
tels que l’écriture et le calcul, dans l’intérêt de la qualité générale
de l’enseignement.
2.1. Comprendre
la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue
interculturel
12. D’importantes études récentes
sur la citoyenneté démocratique et les droits de l’homme ont mis
en évidence un manque de sensibilisation et/ou de compréhension
parmi les responsables des politiques éducatives concernant ce qu’il
faut entendre par citoyenneté démocratique, droits de l’homme et
dialogue interculturel

.
13. La Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté
démocratique et l’éducation aux droits de l’homme donne une base
solide concernant ce qu’il faut entendre par citoyenneté démocratique
et respect des droits de l’homme

. Il conviendrait d’y ajouter une
définition de travail claire de la notion de dialogue interculturel.
14. De nombreux travaux de recherche ont aussi été menés sur la
définition et les descripteurs des compétences pour la citoyenneté
démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel.
Ceci est le résultat des différents cadres conceptuels développées
pour les plus importantes études européennes et internationales
dans ces domaines, ainsi que par des initiatives spécifiques visant
à identifier et mesurer les compétences civiques dans tous les pays
européens. Parmi ces travaux, on peut citer les cadres conceptuels pour
l’étude sur l’éducation civique et l’étude internationale sur l’éducation
civique et à la citoyenneté (ICCS09) de l’Association internationale
pour l'évaluation des acquis des élèves (IEA), ainsi que les travaux
financés par la Commission européenne sur le développement d’un
indicateur composite de compétence civique

. Les études de l’IEA sont les plus
importantes jamais réalisées sur la CD/DH/DI et permettent de fournir
les données nécessaires à la création de l’indicateur européen de
compétence civique. Ces travaux de recherche définissent les connaissances,
les aptitudes, les attitudes et les valeurs essentielles pour la
participation, la citoyenneté démocratique, la justice sociale et
le respect des droits de l’homme. Ils proposent aussi des descripteurs
pour chacune de ces dimensions et montre comment il est possible
de les combiner dans un cadre conceptuel qui peut être évalué de
manière fiable en utilisant des données de recherche

.
2.2. Intégration
à part entière de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme
et du dialogue interculturel dans les cursus scolaires
15. La citoyenneté démocratique,
les droits de l’homme et le dialogue interculturel devraient être
intégrés pleinement dans les cursus scolaires.
16. L’écriture, le calcul (mathématiques), les sciences, les langues,
ainsi que plus récemment les technologies de l’information et des
communications (TIC), sont bien établies et reconnues dans les systèmes éducatifs
et par les décideurs politiques. Ces disciplines bénéficient d’un
solide statut et d’une grande acceptation aux niveaux des politiques
et des pratiques de l’enseignement. Les compétences des élèves dans ces
domaines sont évaluées par des études internationales reconnues,
telles que PISA, TIMMS, PIRLS et TALIS, dont les résultats sont
examinés attentivement et exploités par les décideurs politiques,
notamment pour prendre des décisions visant à réformer les systèmes
éducatifs

.
17. Malheureusement, la thématique CD/DH/DI est dans une position
de désavantage comparatif considérable par rapport à ces autres
disciplines centrales de l’enseignement. Ce désavantage existe depuis longtemps
et a été exacerbé ces dernières années par l’effet de la récession
économique mondiale et la réponse stratégique qui y a été apportée,
avec une attention plus importante aux domaines qui ont un impact direct
sur l’employabilité. Plusieurs rapports récents ont souligné à quel
point la récession économique a affaibli les politiques et les pratiques
en matière de CD/DH/DI en Europe et ont invité les décideurs politiques à
examiner les effets actuels et futurs de ces changements sur la
société

.
18. La citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue
interculturel peuvent être associés au développement de compétences
non techniques liées aux attitudes, aux valeurs et aux comportements
pour la vie en société à l’avenir.
19. Pour convaincre les décideurs politiques de l’importance de
promouvoir et de soutenir la citoyenneté démocratique, les droits
de l’homme et le dialogue interculturel, parallèlement aux autres
disciplines centrales de l’enseignement, il est nécessaire d’utiliser
des données et des arguments visant à souligner la valeur de ces
éléments pour la qualité de l’éducation, parallèlement à d’autres
disciplines centrales, et leur contribution globale au renforcement
de la société, notamment l’économie. Les aptitudes et la capacité
à vivre ensemble de manière pacifique et cohésive dans des sociétés
et des communautés démocratiques visent à renforcer les droits et
les responsabilités des citoyens, tant sur le plan individuel que
sur le plan collectif, et à favoriser le dialogue et la compréhension
interculturels dans l’intérêt de l’ensemble de la société.
20. Ces évolutions revêtent une importance croissante pour les
décideurs politiques en raison de l’influence de deux facteurs.
Le premier est la reconnaissance du fait que la crise économique
mondiale actuelle a été engendrée, en partie, par les plus instruits
de la société, qui ont acquis des compétences abondantes en langues,
en mathématiques et en sciences, mais ont, en quelque sorte, perdu
leur sens social et moral plus large en faisant passer leur cupidité
avant les effets sur l’ensemble de la société. Le deuxième facteur
est la nécessité fondamentale de préparer efficacement les générations
actuelles de jeunes pour l’avenir, dans un monde toujours soumis
à une évolution rapide et en perpétuel changement. Cela signifie
les préparer à la fois à affronter la concurrence et à vivre effectivement
dans une économie mondiale qui implique qu’ils pourraient vivre
et travailler n’importe où dans le monde au cours de leur vie.
21. Ces deux facteurs soulèvent des difficultés particulières
dans la réflexion sur la façon dont les systèmes éducatifs peuvent
faire en sorte que les jeunes soient correctement préparés à réussir
sur la scène internationale afin de pouvoir prospérer de manière
individuelle ou collective. Cela implique de promouvoir les compétences
pratiques qui englobent à la fois des disciplines traditionnelles
telles que les langues, les mathématiques et les sciences, et des
aptitudes et des compétences favorisées par la citoyenneté démocratique,
l’éducation aux droits de l’homme et le dialogue interculturel;
en somme, des compétences pratiques comme moyen de promouvoir une
«compétence internationale

».
22. Il est intéressant de noter que les responsables des politiques
éducatives de nombreux pays reconnaissent déjà l’importance de veiller
à ce que leurs systèmes éducatifs permettent aux jeunes de développer
des compétences pratiques et cette compétence internationale plus
large. Cela explique pourquoi le cadre PISA de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE) pour 2018 inclura, pour
la première fois, une évaluation de la compétence internationale
parallèlement aux informations recueillies par d’autres évaluations
PISA concernant la lecture, les mathématiques, les sciences et la
résolution de problèmes. Cet ajout vise à fournir un premier aperçu
pour les pays de la façon dont les jeunes sont préparés à réussir
en tant que citoyens du monde capables de travailler sur une scène
internationale. Les résultats peuvent alors servir aux décideurs
politiques pour mettre en place des réformes et des aménagements
nécessaires de leurs systèmes éducatifs

.
23. Ce travail sera également renforcé aux niveaux européen et
international avec la nouvelle étude internationale 2016 sur l’éducation
civique et à la citoyenneté de l’IEA (ICCS16) qui fait suite à l’étude
ICSS09. Le cadre révisé pour l’ICSS16 contribuera aussi à renforcer
la définition de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme
et du dialogue interculturel et fournira d’autres preuves de la
possibilité de définir et de mesurer ces dimensions de manière fiable

.
2.3. La
formation des enseignants et des chefs d’établissement pour la mise
en œuvre du cadre de compétences
24. L’axe majeur d’une telle formation
renforcée des enseignants et des chefs d’établissement devrait être la
prise en considération de la façon dont les écoles sont organisées
du point de vue des occasions qu’elles offrent aux jeunes d’expérimenter
une citoyenneté active ou participative, et des possibilités de
procéder à un bilan des politiques et une réflexion sur la thématique
CD/DH/DI.
25. L’offre actuelle de formation en matière de CD/DH/DI est manifestement
insuffisante pour les personnes intervenant dans les systèmes éducatifs,
et notamment les enseignants et les chefs d’établissement. Cette insuffisance
se situe à plusieurs niveaux et étapes. La formation initiale ne
permet pas à suffisamment de nouveaux professeurs de posséder les
connaissances, les capacités et l’assurance nécessaires pour dispenser
une éducation en la matière, dans leurs classes et l’école dans
son ensemble. Au niveau du primaire, la formation initiale vise
à former des spécialistes dans d’autres disciplines (mathématiques,
langues et sciences) ou encore des généralistes. Dans le secondaire,
la formation initiale ne forme pas en nombre suffisant des enseignants
en mesure soit d’enseigner l’élément CD/DH/DI en tant que matière
indépendante, soit d’enseigner cet élément de façon cohérente dans
le cadre d’autres matières corrélées, comme l’histoire ou les sciences
sociales. Tous les nouveaux enseignants souffrent d’un manque de
formation et de confiance pour pouvoir s’impliquer en faveur de
la citoyenneté active ou participative par le biais de leur enseignement et
de leur engagement dans la communauté scolaire.
26. Dans beaucoup de pays, le manque de formation en matière de
CD/DH/DI touche également tous ceux qui enseignent déjà, et notamment
au niveau de ce que la littérature sur le sujet appelle la formation
en cours d’emploi ou encore la formation professionnelle continue.
Autrement dit, les nouvelles recrues arrivent souvent dans des écoles
où le corps enseignant est tout autant dépourvu de l’assurance nécessaire
pour délivrer cet enseignement. Concernant la formation des enseignants
en matière de CD/DH/DI, la situation est très différente de celle
que l’on observe dans d’autres matières fondamentales, comme les
mathématiques et les langues, pour lesquelles des spécialistes sont
formés par leur formation initiale et bénéficient ensuite d’une solide
formation continue tout au long de leur carrière.
27. Il faut aussi mentionner la question corrélée de la formation
insuffisante des chefs d’établissement, à la fois de ceux qui sont
en exercice et des futures recrues, en ce qui concerne les implications
de la thématique CD/DH/DI au niveau de l’école dans son ensemble.
Il s’agit là d’un réel problème, car toutes les grandes études sur
l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme
soulignent le rôle crucial des chefs d’établissement dans la promotion
de politiques et de pratiques effectives en la matière

. Il est intéressant de noter que,
selon le dernier rapport Eurydice, une recommandation en matière
de politiques adressée à tous les pays européens pourrait permettre
une amélioration de la formation initiale et continue des enseignants
et des chefs d’établissement. La nécessité de renforcer la compétence
des enseignants et des chefs d’établissement en matière de citoyenneté
démocratique, de droits de l’homme et de dialogue interculturel
est une question clé que les décideurs devront aborder pour qu’un
cadre de compétences CD/DH/DI puisse être intégré avec succès dans
les systèmes éducatifs en Europe, au niveau de l’enseignement primaire,
secondaire et supérieur.
3. Intégrer
le cadre des compétences dans les systèmes éducatifs et en anticiper
l’impact
3.1. Intégrer
le cadre de compétences dans l’élaboration, la mise en œuvre et
l’évaluation de politiques dans le domaine de l’enseignement
28. Une fois les décideurs politiques
convaincus de la valeur de la thématique CD/DH/DI ainsi que de l’importance
de créer un cadre cohérent des compétences en la matière, la question
stratégique suivante porte sur la façon dont ce cadre peut être
intégré efficacement à la structure générale des systèmes, politiques
et pratiques éducatifs. Les expériences et les enseignements tirés
de l’intégration de l’éducation à la citoyenneté démocratique et
aux droits de l’homme dans les systèmes éducatifs des pays européens,
recueillis depuis 1997 par le biais du projet phare ECD/EDH du Conseil
de l’Europe, laissent penser que cette intégration est plus réussie
lorsque les décideurs politiques adoptent une approche homogène
et cohérente dans l’ensemble du système éducatif en soutenant les
politiques, la recherche et les pratiques. Il peut être particulièrement
utile, également, de favoriser des partenariats et de soutenir des
réseaux.
29. La publication du Conseil de l’Europe «Un soutien stratégique
pour les décideurs – Instrument d’action pour l’éducation à la citoyenneté
démocratique et aux droits de l’homme» est particulièrement utile
à ce sujet. Elle rassemble les expériences et les approches de l’ensemble
des Etats membres du Conseil de l’Europe concernant la promotion
de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme et du dialogue
interculturel afin de formuler des conseils stratégiques aux décideurs
politiques quant aux moyens de favoriser un enseignement efficace
dans ce domaine

. Elles mettent en évidence la nécessité
d’adopter une approche de partenariat impliquant un dialogue et
une coopération entre les décideurs politiques, les parties prenantes
(les parents, les représentants de la collectivité, les médias et
le grand public) et les praticiens (ceux qui travaillent dans le
système éducatif tels que les directeurs d’établissement, les enseignants
et le personnel d’encadrement).
30. Les mesures particulières définies dans l’Instrument d’action
pour la promotion de politiques et de pratiques efficaces en matière
d’ECD/EDH dans les pays européens et leurs systèmes éducatifs sont
aussi riches d’enseignements et permettent de déterminer comment
intégrer le cadre des compétences CD/DH/DI dans toute l’Europe.
Ces mesures, dans ce qui est appelé un «cycle politique», sont notamment
les suivantes:
Elaboration des politiques:
- s’appuyer
sur une définition commune de l’ECD/EDH;
- sensibiliser à l’ECD/EDH et en faire une priorité politique;
- élaborer une réglementation sur l’ECD/EDH;
- identifier et combler les «lacunes» entre l’élaboration
des politiques de l’ECD/EDH et leur application.
Mise en œuvre des politiques:
- décider des appuis stratégiques nécessaires pour traduire
les politiques d’ECD/EDH en dispositions pratiques;
- gérer les implications pour les secteurs de l’éducation
et de la formation (y compris les programmes d’enseignement);
- répondre aux besoins de formation et de développement;
- promouvoir la gouvernance démocratique dans les établissements
d’enseignement;
- développer et soutenir une participation active;
- évaluer l’effet sur les apprenants;
- créer de solides partenariats et réseaux entre les principaux
acteurs de l’ECD/EDH;
- développer le suivi et l’évaluation de l’ECD/EDH.
Bilan et pérennité des politiques:
- élaborer des mesures de réexamen pour l’ECD/EDH;
- constituer une base d’informations théoriques fiable pour
l’ECD/EDH;
- partager les conclusions de la base d’informations théoriques
avec les acteurs clés de l’ECD/EDH;
- agir sur les conclusions pour réviser et renforcer les
politiques de l’ECD/EDH.
31. L’Instrument d’action contient
également une liste de contrôle pour l’auto-évaluation qui doit
aider les décideurs à évaluer où leur pays se situe dans le cycle
politique de l’ECD/EDH par rapport à ces différentes étapes. Si
les termes ECD/EDH ont été remplacés par ceux de citoyenneté démocratique,
de respect des droits de l’homme et de dialogue interculturel (CD/DH/DI),
alors le produit de ces étapes est un vaste ensemble d’approches
et d’actions qui, à la condition d’être mises en œuvre, contribueront
largement à l’intégration réussie d’un cadre de compétences pour
la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue interculturel
dans la conception globale des systèmes, des politiques et des pratiques
éducatives en Europe. Les approches et les actions ont l’avantage
d’être déjà ciblées sur les décideurs et de découler des politiques et
pratiques en vigueur dans les pays européens.
32. Les études et les recherches sur les politiques pointent aussi
un certain nombre de questions à examiner et de mesures à prendre.
Comme l’indique la base de données INCA (étude internationale des
programmes et cadres d’évaluation) des principaux pays développés,
l’éducation à la citoyenneté démocratique, au respect des droits
de l’homme et au dialogue interculturel donne de meilleurs résultats
lorsqu’elle constitue un objectif identifiable, intégré dans les
objectifs plus généraux de l’éducation

. Ainsi, la thématique CD/DH/DI est formellement
considérée comme possédant un statut égal et une valeur équivalente
à toute autre matière fondamentale, ce qui incite les décideurs
et les praticiens à la valoriser et à s’engager dans cet objectif
au moyen de politiques et de pratiques de soutien à tous les niveaux
du système éducatif

.
33. Les études récentes soulignent également la nécessité de reconnaître
et d’encourager les diverses approches de l’élément CD/DH/DI dans
les programmes d’enseignement nationaux. Elles ont ainsi identifié quatre
grandes approches actuellement en vigueur dans les pays européens:
son intégration dans le programme comme un élément distinct, à part
entière; son intégration dans d’autres matières; son intégration dans
plusieurs matières, selon une approche transversale, et; sa définition
au moyen d’activités organisées en dehors du programme d’enseignement.
Dans la pratique, la plupart des pays européens optent pour une combinaison
de ces approches. Ces approches nous enseignent que l’intégration
d’un cadre de compétences CD/DH/DI en Europe ne saurait être concluante
que si les éléments qui le composent sont suffisamment flexibles
et adaptables à la diversité des approches et des systèmes éducatifs.
L’intégration ne pourra fonctionner si le cadre impose une unique
approche à tous les pays.
34. Les récentes analyses des expériences des pays européens montrent
également qu’il est crucial, aux fins d’intégration, que le champ
d’action du cadre de compétences CD/DH/DI soit multidimensionnel
– autrement dit, qu’il englobe et relie le développement de compétences
dans divers environnements et lieux, dont la salle de classe, l’établissement
d’enseignement dans sa globalité et les communautés plus larges (depuis
le niveau local en passant par les écoles, et plus largement dans
la société). Les rapports Eurydice et ICCS présentent les mesures
engagées dans ce domaine par une majorité de pays européens pour encourager
et promouvoir l’actif engagement des jeunes dans les processus et
pratiques démocratiques, comme celles visant à faire entendre la
voix des élèves et les faire participer à la gouvernance des établissements
scolaires, et par le biais de projets et activités communautaires.
Un cadre de compétences CD/DH/DI ne saurait se concevoir sans possibilités
offertes aux jeunes de mettre en pratique leurs connaissances, leur
compréhension et leurs capacités, afin de pouvoir mesurer l’ampleur
de leurs acquisitions au moyen d’expériences et d’actes concrets
en la matière. De plus, l’éducation à la citoyenneté démocratique,
aux droits de l’homme et au dialogue interculturel ne saurait s’arrêter
en fin de secondaire, comme c’est le cas actuellement, si l’on veut
que les jeunes mettent en pratique leurs apprentissages en la matière
à l’âge adulte.
35. Pour l’heure, beaucoup de pays européens sont dépourvus d’un
processus permettant d’évaluer de façon appropriée l’éducation en
matière de CD/DH/DI du point de vue des résultats des apprenants
et des approches de l’école dans son ensemble. Si certains pays
recourent à des pratiques novatrices pour l’évaluation de l’apprentissage
des élèves dans ce domaine, dans bien d’autres pays l’apprentissage
et les aboutissements ne font l’objet d’aucune évaluation effective

. Cela signifie que, dans beaucoup
de pays, il n’y a aucun moyen de valider l’apprentissage et les
expériences des jeunes en la matière et aucun moyen d’évaluer dans
quelle mesure ils ont renforcé ces compétences. Il s’agit là d’un
obstacle majeur à l’intégration du cadre de compétences CD/DH/DI,
les enseignants et les jeunes risquant de ne pas comprendre l’objectif du
cadre et son fonctionnement dans la pratique.
36. Une question corrélée est celle des évaluations des approches
CD/DH/DI au niveau de l’école dans son ensemble. S’il apparaît que
de telles évaluations commencent à se pratiquer dans quelques pays,
force est de reconnaître qu’elles ne sont pas la règle dans la majorité
des pays. Cela constitue une lacune considérable que les décideurs
doivent prendre en considération si l’objectif est une intégration
véritablement réussie du cadre de compétences CD/DH/DI dans les
systèmes éducatifs. Le cadre sera probablement mieux intégré s’il s’applique
au niveau de l’école dans son ensemble et s’il englobe les différents
contextes que sont la salle de classe, l’école tout entière et les
liens à la communauté, ainsi que l’apprentissage en classe et les
possibilités de mettre cet apprentissage en pratique. Cela suggère
la nécessité d’une formation renforcée des enseignants et des chefs
d’établissement.
3.2. Anticiper
et évaluer l’impact du cadre de compétences sur le fonctionnement
des systèmes éducatifs
37. Concernant le système éducatif
dans son ensemble, l’adoption du cadre de compétences CD/DH/DI contribuera
à la réorientation des buts et des objectifs généraux de l’éducation
en instaurant un meilleur équilibre. La priorité accordée aux disciplines
centrales que sont les langues, les mathématiques et les sciences
sera élargie, afin d’inclure et de promouvoir l’élément CD/DH/DI.
La thématique CD/DH/DI sera également appréhendée comme un élément
clé du programme d’enseignement, de même statut et de rang égal.
Le cadre favorisera une refonte des systèmes éducatifs de manière
notamment à ce qu’ils puissent mieux identifier les problèmes rencontrés
par une société qui avance, éduquer les jeunes et leur apporter
les compétences nécessaires pour attaquer les problèmes de front,
avec confiance et optimisme.
38. Le cadre exigera que les établissements d’enseignement, et
notamment les écoles, adoptent une approche holistique «concertée»
de la thématique CD/DH/DI. Cela permettra d’assurer l’ancrage et l’interconnexion
de la thématique par le biais des établissements d’enseignement,
en termes d’éthique et de valeurs, de politiques et de pratiques
globales dans le programme, au niveau de l’école dans son ensemble
et au moyen de liens avec les communautés élargies

. Il aura également un impact sur
l’éthique de la classe en encourageant la multiplication des possibilités
pour les jeunes de faire l’expérience concrète des discussions et
des débats. Les principales études de l’IEA (CIVED, sur l’éducation
civique et à la citoyenneté, et ICCS09, sur les politiques et pratiques
en matière d’éducation civique et de citoyenneté démocratique) soulignent
le rôle essentiel que joue un climat de classe ouvert s’agissant
de promouvoir des niveaux plus élevés de connaissances civiques
parmi les jeunes

.
39. Le cadre, s’il est conçu et mis en œuvre avec succès, aura
un impact profond et positif sur le fonctionnement des systèmes
éducatifs et de la société. Il contribuera à l’accomplissement de
l’un des objectifs visés par l’éducation en matière de CD/DH/DI,
tel qu’énoncé dans la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation
à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme,
qui «n’est pas seulement d’apporter aux apprenants des connaissances,
des compétences et une compréhension, mais aussi de renforcer leur
capacité d’action au sein de la société pour défendre et promouvoir
les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit

». Il s’agira là d’une réalisation
majeure qui vaudra bien tous les efforts déployés pour la conception
du cadre et sa mise en œuvre dans les systèmes éducatifs.
40. Le cadre de référence CD/DH/DI est d’autant plus nécessaire,
qu’aujourd’hui, dans beaucoup de pays, il n’y a pas des moyens efficaces
pour valider l’apprentissage et les expériences des jeunes en la
matière et aucun moyen d’évaluer dans quelle mesure ils ont renforcé
ces compétences.
4. Etablir
une stratégie et assurer le soutien politique nécessaire pour une
mise en œuvre optimale d’un tel cadre au niveau européen
41. Concernant la stratégie de
conception et mise en œuvre de ce cadre de référence, il me semble
utile de faire une remarque préliminaire: d’une certaine manière,
la situation s’apparente de celle qui a poussé le Conseil de l’Europe
à l’élaboration du Cadre européen commun de référence pour les langues
(CECR)

; ainsi, la méthodologie de ce dernier
– qui prend en compte plusieurs niveaux de «capacité individuelle»
pour la pratique de la langue, c’est-à-dire la capacité à communiquer,
dépassant le stade de l’évaluation du vocabulaire appris mécaniquement
– est hautement pertinent, même si l’élaboration d’un cadre de compétences
pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue
interculturel risque d’être plus complexe.
42. Les niveaux de référence du CECR fournissent des descripteurs
de compétences qui peuvent être utilisés pour définir les objectifs
d’apprentissage des langues et évaluer les résultats atteints, c’est-à-dire
ce que l’apprenant est capable de faire dans la langue cible et
la qualité de sa performance dans l’utilisation de cette langue.
Il était important de disposer d’exemples de descripteurs faciles
d’utilisation. Dans le CECR, ils sont formulés de manière concise,
claire et concrète, sous la forme de «capacités de faire», pour
être facilement compréhensibles par l’ensemble des acteurs concernés,
y compris les apprenants. Le CECR ne se limite pas à standardiser
les niveaux de compétences et les échelles de descripteurs, mais
inclut également des exemples de scénarios pour la mise en œuvre
de la diversité linguistique dans le curriculum et le développement
de l’éducation plurilingue et pluriculturelle, conformément aux
valeurs et principes éducatifs du Conseil de l’Europe.
43. Le CECR reste un instrument dynamique qu’il est possible de
compléter pour tenir compte de l’évolution du contexte et des besoins,
enrichi par une série de guides et d’outils pratiques qui ont été
élaborés pour faciliter sa mise en œuvre: guides pour différentes
catégories d’utilisateurs et différents contextes; supports vidéo
et écrits illustrant chaque niveau de compétence; manuel décrivant
comment relier de manière fiable et valable les examens de langues
aux niveaux de référence du CECR; manuel pour l’élaboration de tests
et d’examens de langues; et site web spécifique proposant de nombreuses
ressources pratiques.
44. En tenant compte de «ce qui fonctionne» en matière de CD/DH/DI,
et de l’expérience acquise avec le CECR, il me semble que la stratégie
pour la conception et la mise en œuvre optimales d’un cadre de compétences
CD/DH/DI devrait englober cinq aspects essentiels:
- la préparation du terrain;
- une mise en œuvre aussi souple, flexible et adaptable
que possible;
- la prise en compte des étapes interdépendantes du cycle
politique de l’éducation CD/DH/DI, en veillant à ce que toutes les
étapes fassent l’objet d’un traitement approprié;
- un suivi, une évaluation et une analyse en continu;
- la promotion des résultats et des bénéfices.
4.1. La
préparation du terrain
45. La diversité des degrés de
compréhension et d’engagement de la part des décideurs en matière
de CD/DH/DI laisse penser que la mise en œuvre d’un cadre de compétences
en la matière, pour l’Europe tout entière, exige une bonne préparation
du terrain. Cette préparation devrait comporter quatre étapes. La première
étape consiste à faire campagne, en se basant sur des données probantes,
afin de renforcer chez les décideurs la prise de conscience et la
compréhension de la citoyenneté démocratique, des droits de l’homme
et du dialogue interculturel en tant que dimensions individuelles
et dans une perspective collective.
46. La deuxième étape consiste à convaincre les décideurs de la
cohérence et de la valeur d’un tel cadre. A cet égard, nous nous
réjouissons du fait que le cadre de compétences requises pour une
culture de la démocratie et le dialogue interculturel soit l’un
des éléments clés du «Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la
lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant
au terrorisme», adopté par le Comité des Ministres le 19 mai 2015

. Ce projet fera également partie
d’un autre plan d’action transversal, actuellement en préparation:
«Bâtir des sociétés inclusives». Ceci est un exemple d’action de
soutien politique clair en faveur de l’acquisition de compétences
en adéquation avec les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme.
L’interconnexion entre l’éducation à la citoyenneté, aux droits
de l’homme et au dialogue interculturel et la lutte contre la radicalisation
des jeunes par le biais de l’éducation a été également soulignée
par la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, et le Secrétaire
d’Etat adjoint des Etats-Unis, Anthony Blinken; lors d’une réunion
à ce sujet le 6 novembre 2015 dans le cadre de la 38ème Conférence
Générale de l’UNESCO à Paris

.
47. En guise de troisième étape, il faut parvenir à persuader
les décideurs qu’un tel cadre peut participer au renforcement d’autres
disciplines centrales de l’enseignement – les langues, les mathématiques
et les sciences –, mais aussi à l’amélioration du fonctionnement
global des systèmes éducatifs et de la qualité de l’éducation. La
quatrième étape consiste à relier étroitement le cadre à des développements
qui vont dans le même sens, comme les évaluations des compétences
pratiques et la promotion d’une compétence globale par l’intermédiaire
de PISA 2018.
4.2. Une
mise en œuvre aussi souple, flexible et adaptable que possible
48. Il sera important de développer
un cadre global solide, flexible et adaptable à la diversité des
approches et des contextes de l’éducation en matière de CD/DH/DI
dans l’ensemble des systèmes éducatifs en Europe. Le cadre devra
contenir une définition claire de ce que signifient les compétences
pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme et le dialogue
interculturel en termes de connaissances, de compréhension, de capacités,
d’attitudes, de valeurs et de comportements. Il devrait alors permettre
aux pays européens de décider comment l’intégrer au mieux dans les
politiques et les pratiques en vigueur. Le caractère multidimensionnel
du cadre et la possibilité pour les Etats de l’adapter à leurs contextes
spécifiques seront des éléments clé de sa mise en œuvre réussie.
4.3. La
prise en compte des étapes interdépendantes du cycle politique de
l’éducation CD/DH/DI, en veillant à ce que toutes les étapes fassent
l’objet d’un traitement approprié
49. Le cycle politique de l’ECD/EDH,
tel que défini par le Conseil de l’Europe sur la base des politiques
et pratiques en vigueur dans les pays européens, fournit un aide-mémoire
précieux aux décideurs concernant la conception des politiques et
la stratégie de mise en œuvre du cadre. Les trois étapes du cycle
– élaboration des politiques, mise en œuvre des politiques, et bilan
et durabilité des politiques – sont précisément les étapes qui devront
être négociées avec succès pour que le cadre de compétences soit
conçu de manière appropriée et transposé par les pays européens
de façon cohérente. Il sera important pour les décideurs de prendre conscience
de l’existence du «fossé» qui sépare l’élaboration des politiques
de leur mise en œuvre, et donc de la nécessité de s’en préoccuper.
Concernant les diverses étapes du cycle politique, plusieurs domaines devront
être abordés dans la stratégie de mise en œuvre du cadre:
Elaboration des politiques:
- encouragement
à la mise en œuvre de politiques qui mettent en lien l’enseignement
et l’apprentissage en matière de CD/DH/DI avec des possibilités
de mettre cet enseignement et cet apprentissage en pratique au moyen
d’expériences actives ou participatives;
- soutien à des politiques qui promeuvent la gouvernance
démocratique des institutions et la participation des jeunes;
- développement de politiques dans toutes les phases et
secteurs de l’éducation, de l’enseignement préscolaire, en passant
par le primaire et le secondaire, jusqu’à l’enseignement supérieur.
Mise en œuvre des politiques:
- mise à disposition d’une assistance et de ressources financières
appropriées à l’éducation à la CD/DH/DI;
- développement d’un vaste programme de formation à tous
les niveaux de l’éducation, à destination des chefs d’établissement,
des enseignants et du personnel d’encadrement, afin de les sensibiliser
à la thématique CD/DH/DI et de leur donner plus d’assurance en la
matière;
- définition de solides mesures et cadres d’évaluation et
de validation grâce auxquels mesurer l’amélioration des compétences
CD/DH/DI, tant pour les jeunes que pour les établissements d’enseignement.
Bilan et durabilité des politiques:
- nécessité de faire preuve de clarté quant aux résultats
attendus du cadre;
- importance de concevoir des mesures et une base de données
pour le suivi et l’évaluation des résultats;
- nécessité de disposer d’une stratégie de diffusion pour
promouvoir et partager les résultats.
4.4. Un
suivi, une évaluation et une analyse en continu
50. Le cadre étant encore en construction,
il est important de réfléchir aux résultats qu’il produira et à
la façon dont son fonctionnement sera contrôlé et évalué en permanence
au sein de chacun des pays et en Europe. La façon dont les résultats
seront utilisés, à savoir dans l’objectif de renforcer le cadre
et de le rendre plus pérenne, sera également une dimension importante
du processus.
51. Le développement des descripteurs de compétences a considérablement
progressé: environ 650 descripteurs (20 à 40 par compétence) ont
été testés avec les enseignants et d’autres professionnels de l’éducation
au cours de l’été 2015, grâce à une enquête en ligne. Les professionnels
de l’éducation ont relié chaque descripteur à une compétence donnée.
Différents réseaux de professionnels ont participé à cet exercice.
Une nouvelle banque de descripteurs est en préparation pour une
expérimentation plus concrète dans des situations réelles en classe
en 2016.
52. Une Conférence des ministres de l’éducation aura lieu au printemps
2016. Les compétences pour la culture de la démocratie seront l’un
des points forts de cette conférence, qui fournira l’occasion de
souligner l’importance d’encourager les éducateurs à faire partie
de ce processus d’expérimentation. Dans l’intervalle débutera un
travail d’élaboration de documents d’accompagnement pour lier ces
compétences à la conception des cursus scolaires, à la pédagogie,
à l’évaluation, etc., et le cadre complet devrait être prêt pour
publication à la fin de l’année 2017.
4.5. La
promotion des résultats et des bénéfices
53. Les résultats attendus et l’impact
du cadre devraient être significatifs, et notamment au niveau des systèmes
éducatifs en général et de tous ceux qui y participent – les participants,
les praticiens et les parties prenantes. Pour la conception et la
mise en œuvre du cadre de compétences pour la citoyenneté démocratique,
les droits de l’homme et le dialogue interculturel, il sera par
conséquent crucial que soit prise en compte la façon de diffuser
ses résultats et ses bénéfices auprès de larges audiences, tant
au sein des pays européens que dans toute l’Europe. Une telle promotion
est essentielle à l’intégration réussie de ce cadre dans les politiques
et pratiques quotidiennes des systèmes éducatifs et de la société
dans son ensemble.
5. Considérations
finales
54. L’éducation – formelle et non
formelle – doit favoriser le développement des compétences et des connaissances
nécessaires au «vivre ensemble».
55. A côté de compétences telles que l’adaptabilité, la capacité
d’écouter et de faire participer les autres, l’esprit critique et
la capacité d’évaluer le contexte, une compétence clé est celle
de savoir prendre en considération les différences de perspective.
Des travaux spécifiques ont été menés au sein du Conseil de l’Europe
sur la question de multiperspectivité dans l’enseignement de l’histoire,
et doivent être pris en considération dans l’élaboration du cadre
de compétences pour la citoyenneté démocratique, les droits de l’homme
et le dialogue interculturel

.
56. Les compétences linguistiques, soit la maîtrise des langues
étrangères, favorisent elles aussi le dialogue interculturel: le
fait d’être à même d’engager directement le dialogue avec des personnes
de divers pays et représentant différentes cultures aide à faire
tomber les barrières. Par ailleurs, la connaissance d’une langue,
qui est le véhicule essentiel de la culture dont elle est expression,
permet également de se confronter avec la culture en question de
manière plus directe et profonde; elle est donc complémentaire à
l’ouverture d’esprit et à la multiperspectivité.
57. L’acquisition de connaissances civiques constitue le socle
nécessaire au développement d’attitudes et de comportements positifs.
Des études récentes

mettent en lumière la corrélation positive
qui existe entre les connaissances civiques et les futurs niveaux
de participation, ainsi que les attitudes positives envers l’égalité
et l’équité dans la société. Il est également prouvé par l’étude
longitudinale sur l’éducation à la citoyenneté (Citizenship Education
Longitudinal Study, CELS), conduite en Angleterre, que bénéficier
d’un enseignement régulier sur la thématique CD/DH/DI, planifié
et délivré par des enseignants spécialisés et englobant des mesures
d’évaluation substantielles, augmente les connaissances civiques
des jeunes et influe sur leurs attitudes et leurs comportements.
Néanmoins, les systèmes éducatifs ne doivent pas simplement dispenser
des connaissances théoriques sur la démocratie; ils doivent s’attacher
aussi à développer la participation et la gouvernance démocratiques
dans tous les domaines de la vie, à commencer par l’école

. Ils doivent
doter les jeunes des compétences pratiques qui leur permettront
de faire face aux futurs défis dans leur vie et dans la société.
58. Les systèmes éducatifs en Europe n’ont pas obtenu tous les
résultats attendus; cela nous oblige à nous interroger et à chercher
de nouvelles solutions. Il me semble nécessaire, notamment, de dispenser
une éducation plus humaniste et humanitaire. Outre l’aspect national,
il convient de mettre un accent plus européen et plus international.
Le rapport du sénateur français, Jacques Grosperrin, souligne cet
aspect

: «Plusieurs personnes auditionnées
par la commission d’enquête se sont notamment inquiétées de l’appauvrissement
des enseignements d’humanités. M. Jean-Pierre Chevènement, ancien
ministre de l’éducation nationale, regrettait ainsi que “les grandes
œuvres littéraires ne soient plus enseignées et le récit national
brisé”. Vecteurs d’un héritage culturel et historique commun, “disciplines
de transmission autant que d’interprétation”, les enseignements
dits d’humanités présentent de nombreuses occasions d’interroger,
d’expliciter et de susciter l’adhésion aux valeurs républicaines.
(…) De la même manière, M. Philippe Meirieu estimait essentiel l’enseignement
des humanités et de la littérature, car elles “favorisent fortement
la cohésion et le sentiment d’appartenir à une commune humanité”.»
59. Le rapport intermédiaire sur la mise en œuvre du Programme
mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme a souligné
la nécessité de prendre en compte non seulement les compétences
des apprenants, mais aussi celles des enseignants et des formateurs
en matière d’éducation aux droits de l’homme.
60. Il sera nécessaire, donc, d’adapter les programmes et la formation
des enseignants, de prendre en compte les éventuelles barrières
dues aux mentalités (par exemple celles engendrées par le racisme
et la xénophobie), d’allouer aux programmes de citoyenneté démocratique,
droits de l’homme et dialogue interculturel les moyens financiers
(additionnels) requis, d’assurer la reconnaissance des acquis de l’apprentissage
dans ce domaine

et de mettre en place un système
de validation efficace, à même d’évaluer non seulement les connaissances
de fond en matière de citoyenneté démocratique, de droits de l’homme
et de dialogue interculturel, mais aussi l’acquisition des comportements
appropriés.