1. Introduction
1. Le 13 novembre 2015, 137 personnes
étaient massacrées à Paris et quelque 350 blessées alors qu’elles
assistaient à un concert ou étaient assises à la terrasse d’un restaurant
ou d’un café; un match international de football amical était également
la cible de kamikazes.
2. Deux semaines plus tard, le 27 novembre, la Commission permanente
réunie à Sofia a tenu un débat d’actualité sur le thème du présent
rapport. J’ai eu l'honneur d'introduire ce débat et j’ai utilisé
mon introduction comme un point de départ pour ce rapport.
3. Le 14 décembre, à Londres, le Bureau de l’Assemblée a pris
note de la proposition émanant de tous les groupes politiques de
tenir un débat d’urgence sur le même sujet lors de la première partie
de session de 2016.
4. Le 25 janvier 2016, l’Assemblée a décidé de tenir un débat
d’urgence sur cette même question et la commission des questions
politiques et de la démocratie m’a nommé rapporteur.
5. Le présent rapport, et le projet de résolution qui l’accompagne,
s’inspirent, dans une large mesure, du rapport préparé par la Commission
des questions politiques et de la démocratie il y a un an, intitulé
«Attaques terroristes à Paris; ensemble, pour une réponse démocratique».
Le sujet est aussi intimement lié à celui du rapport sur «Combattants
étrangers en Syrie et en Irak», et les deux rapports seront examinés
conjointement par l’Assemblée.
6. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme
et la commission de l’égalité et de la non-discrimination étant
saisies pour avis, j’ai travaillé en consultation avec mes collègues
Pierre-Yves Le Borgn’ (France, SOC) et Gülsün Bílgehan (Turquie,
SOC), rapporteurs pour avis pour ces deux commissions respectivement,
et j’ai intégré au projet de résolution la plupart de leurs propositions.
7. Enfin et surtout, j’aimerais attirer l’attention sur le rapport
également préparé par la Commission des questions politiques et
de la démocratie intitulé «Les menaces contre l’humanité posées
par le groupe terroriste connu sous le nom de «EI»: la violence
à l’encontre des chrétiens et d’autres communautés religieuses ou
ethniques» et sur la
Résolution
2016 (2014) adoptée par l’Assemblée en octobre 2014.
2. Les faits
8. Les récentes attaques à Paris,
qui ont déclenché le débat d’urgence sur ce thème, ne sont que l’une
des nombreuses attaques terroristes qui ont marqué l’année dernière.
Pour ne citer qu’elles, le 7 janvier 2015, 11 personnes ont été
tuées et 11 blessées durant une attaque terroriste contre les bureaux
de l’hebdomadaire satirique français Charlie
Hebdo; 27 jeunes ont été tués à Suruç (Turquie) le 7
juillet; 76 personnes ont été assassinées à Bagdad le 13 août; deux
attentats à la bombe ont fait 95 morts et 246 blessés parmi des
jeunes qui manifestaient pacifiquement à Ankara le 10 octobre; le
31 octobre, 224 passagers et membres d’équipage d’une compagnie
aérienne russe trouvaient la mort dans l’explosion au-dessus du
Sinaï d’un avion reliant Charm-el-Cheikh à Saint-Pétersbourg; 43 personnes
sont tuées et plus de 180 blessées lors d’un double attentat suicide
à la bombe dans la banlieue sud de Beyrouth, le 12 novembre; 137
personnes sont massacrées à Paris et 350 sont blessées, le 13 novembre;
12 personnes sont décédées et 16 blessées dans l’explosion d’une
bombe placée dans un autobus à Tunis, le 24 novembre. En 2016, les
attentats se poursuivent: 11 personnes tuées à Istanbul le 12 janvier,
14 à Djakarta le 14 janvier et 27 à Ouagadougou (Burkina Faso) le
15 janvier.
9. Toutes ces attaques terroristes ont été revendiquées par des
groupes terroristes qui se disent «islamiques». Le plus connu aujourd’hui
est Daesh
, responsable des récentes
attaques terroristes en Europe et dans les pays proches; Boko Haram
a, quant à lui, causé jusqu’ici probablement le plus grand nombre
de morts de personnes innocentes, en particulier en Afrique. Parmi
les autres groupes terroristes importants, qui se réclament de l’Islam,
on citera Al-Qaïda et Al-Shabaab. Al-Qaïda était entre autres derrière
les attentats terroristes de 2001 à New York; de 2004 à Madrid et
de 2005 à Londres. Al-Shabaab a revendiqué de nombreuses attaques
terroristes en Somalie et au Kenya.
10. Daesh a vu le jour en 1999 sous le nom de Jamaát al-Tawhid
wal-Jihad («l’organisation du monothéisme et du djihad»); il a ensuite
fait allégeance à Al-Qaïda et participé à l’insurrection iraquienne
à la suite de l’invasion du pays par les forces occidentales, en
mars 2003. En 2006, il a proclamé la formation de «l’État islamique
d’Irak» et, après une tentative de fusion en 2013 avec le Front
al-Nosra en Syrie, a pris le nom de «État islamique en Irak et au
Levant». En 2014, le Front al-Nosra a coupé ses liens avec Daesh,
dont la base principale qu’il exploite et contrôle est maintenant
à cheval sur l’Irak et la Syrie.
11. Boko Haram (habituellement traduit par «L’éducation occidentale
est interdite») s’appelle aussi lui-même «État islamique Province
d’Afrique de l’ouest». Fondé en 2002 au Nigéria, après quelques
années d’existence, il s’est radicalisé et est devenu une organisation
terroriste active au Nigéria ainsi que dans plusieurs autres Etats
d’Afrique de l’ouest, où il a tué plusieurs milliers d’Africains.
En 2015, il a juré allégeance à Daesh, ce qui a permis à Daesh d’avoir
une présence au Nigéria, au Niger, au Tchad et au Cameroun.
12. Al-Shabaab («Mouvement de jeunesse moudjahidine», parfois
appelé Shebabs) est un groupe terroriste basé en Afrique de l’Est,
fondé probablement en 2004 en Somalie à la suite d’une scission
de l’Union des tribunaux islamiques. Il est responsable de nombreuses
attaques terroristes en Somalie, au Kenya et aussi au Yémen. En
2012, il a déclaré qu’il rejoindrait Al-Qaïda.
13. D’autres groupes, qui se revendiquent d’autres fondements
religieux ou politiques et ont recours à la violence pour atteindre
leurs buts, sont également actifs en divers endroits du monde et
terrorisent des innocents, mais leur rôle est bien moins important
aujourd’hui qu’il ne l’a été par le passé dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe et leurs voisins. Ce rapport se concentre
donc sur l’absolue nécessité de combattre les groupes terroristes
dits «islamiques».
14. En premier lieu, je voudrais rappeler que les attaques susmentionnées
visent directement les valeurs mêmes de démocratie et de liberté
en général, le type de société que notre Organisation paneuropéenne entend
construire depuis la fin de la seconde guerre mondiale, comme l’avait
déclaré l’Assemblée l’an dernier dans sa
Résolution 2031 (2015) «Les attaques
terroristes à Paris: ensemble, pour une réponse démocratique».
15. Les terroristes impliqués dans les attaques à Paris étaient
pour la plupart des citoyens européens, nés sur notre continent,
d’origine essentiellement nord-africaine. Certains s’étaient peu
avant rendus en Syrie, d’où le rapprochement avec le rapport intitulé
«Combattants étrangers en Syrie et en Irak» de mon collègue Dirk Van
der Maelen.
16. En conséquence des attentats à Paris, en décembre 2015, dans
Bruxelles paralysée par la peur, la vie normale a été presque suspendue
et tout s’est arrêté; l’état d’urgence a été déclaré en France et
en Tunisie et la France a notifié qu’elle allait déroger à certaines
dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5). Toute l’Europe et le reste du
monde se préparent à de nouvelles atrocités de la part de terroristes
de Daesh qui s’en sont pris aux valeurs fondamentales aux yeux du
Conseil de l’Europe.
17. Comme elle l’avait déjà fait en janvier 2015, l’Europe tout
entière a une nouvelle fois condamné les attaques et porté le deuil
des victimes innocentes, et toute l’Europe a exprimé son rejet du
terrorisme et son attachement aux valeurs de la démocratie, de la
liberté et des droits de l’homme, les valeurs sur lesquelles l’Europe
s’est fondée. Toute l’Europe doit continuer de travailler de concert
pour trouver une réponse démocratique à la montée du terrorisme
et de l’islamisme radical. La démocratie, la liberté et les droits
de l’homme méritent que l’on se batte pour eux.
3. Combattre le terrorisme…
18. Nous sommes tous menacés par
ce terrorisme fanatique et, par conséquent, nous devons agir ensemble
pour mettre fin à ce fléau. Nous devons combattre le terrorisme
international, comme l’indique la première partie du titre de ce
rapport. La question n’est pas de savoir si nous devons faire tout
ce qui est en notre pouvoir pour éliminer cette menace majeure qui
pèse sur la civilisation mais comment nous
devons le faire de manière efficace. C’est là que la seconde partie
du titre prend tout son sens: nous devons lutter contre le terrorisme
international tout en protégeant les normes et valeurs du Conseil
de l’Europe; cependant, l’histoire récente montre que c’est plus
facile à dire qu’à faire.
19. Au cours des 45 dernières années, l’Assemblée parlementaire
a adopté 22 recommandations et 11 résolutions relatives au terrorisme,
dont les deux tiers depuis l’année 2000.
20. A la suite des attentats terroristes de janvier 2015 à Paris,
le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté un protocole
additionnel sur les combattants terroristes étrangers à la Convention
du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196),
comme l’Assemblée appelait à le faire dans sa
Résolution 2031 (2015). Il a aussi
adopté une Déclaration et un Plan d’action sur «la lutte contre
l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme»
lors de sa réunion ministérielle de mai 2015 à Bruxelles.
21. La Convention pour la prévention du terrorisme elle-même a
été mise au point il y a 10 ans déjà à Varsovie, dans le prolongement
des attaques terroristes du 11 septembre perpétrées aux Etats-Unis
(et elle est entrée en vigueur en juin 2007). Dès 1999, les Nations
Unies avaient adopté la Convention internationale pour la répression
du financement du terrorisme.
22. Plus de 20 ans avant cette convention des Nations Unies, la
Convention européenne pour la répression du terrorisme (STE no 90)
était élaborée sous les auspices du Conseil de l’Europe – donnant
suite à une recommandation formulée en 1973 par l’Assemblée consultative
d’alors – et entrait en vigueur en 1978. Le cadre juridique du Conseil
de l’Europe sur la lutte contre le terrorisme était complété en
2003 par un protocole portant amendement à la convention susmentionnée
et, en 2008, par l’entrée en vigueur de la Convention du Conseil
de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et
à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme
(STCE no 198).
23. La Commission européenne a proposé une Directive du Parlement
européen et du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme.
Un projet de directive sur le système des données sur les fichiers
passagers (Passenger Name Record –
PNR) a été examiné par la Commission des libertés civiles du Parlement européen
en décembre 2015 et il sera mis à l’ordre du jour de la plénière
du Parlement européen dans un avenir proche.
24. Nombre de ces traités internationaux obligent les Etats membres
à en transposer la substance dans leur législation nationale. C’est
réellement une avancée majeure que d’avoir des instruments juridiques
pour lutter contre le terrorisme international. Nous ne manquons
pas d’instruments juridiques mais, trop souvent, ce qui nous fait
défaut, ce sont des instruments efficaces.
25. Malgré l’adoption à l’échelon mondial de la Convention internationale
pour la répression du financement du terrorisme de 1999, il s’est
avéré apparemment impossible, jusqu’à présent, de priver les terroristes
de Daesh de toute source de financement. Selon le Gouvernement allemand,
Daesh est de loin l’organisation terroriste la plus riche qui ait
jamais existé puisqu’elle a accès à des milliards pour financer
ses activités terroristes, tant en Syrie qu’en Irak mais aussi à
Paris, à Beyrouth, à Ankara et à Tunis et ailleurs. Malgré la convention,
qui ordonne aux Etats membres des Nations Unies de bloquer tous
les circuits financiers en provenance et en direction des terroristes
de Daesh, 40 Etats membres au moins, selon les déclarations du Président
russe, Vladimir Poutine, lors du récent sommet du G20 tenu à Antalya,
fournissent des fonds à Daesh et par là même, l’oxygène nécessaire
pour entretenir le foyer terroriste. Malgré cette convention, Daesh est
toujours en mesure de vendre du pétrole et des objets archéologiques
pillés contre lesquels il encaisse chaque mois des dizaines de millions
de dollars.
26. Après les récents attentats terroristes, un grand nombre de
nos dirigeants, dont le Président français, François Hollande, et
le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, et beaucoup d’autres
encore ont déclaré que nous étions à présent en guerre contre Daesh.
Il n’est pas difficile de comprendre l’état d’esprit de nos responsables
politiques qui emploient ce langage; nombre de nos concitoyens ressentent
sans doute la même chose. Nous devons, néanmoins, être extrêmement
prudents dans l’emploi de ce vocabulaire. Aucune des conventions
internationales que nous avons rédigées pour lutter contre le terrorisme
ne définit ceux qui commettent des actes terroristes comme les soldats
d’une armée avec laquelle nous serions en guerre mais, à juste titre
à mon avis, comme des criminels qui commettent des crimes épouvantables
contre des personnes innocentes pour déstabiliser nos sociétés et
instaurer un climat de peur.
27. A cet égard, l’Assemblée s’est montrée très claire dans sa
Résolution 1840 (2011) sur
les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, déclarant
que le concept d’une «guerre contre la terreur» est fallacieux et
de peu d’utilité, et menace l’ensemble du cadre des droits de l’homme
internationaux. Les terroristes sont des criminels, et non des soldats,
et les crimes terroristes ne peuvent être assimilés à des actes
de guerre.
28. L’Assemblée devrait continuer à écarter toute idée selon laquelle
la guerre en Syrie, le conflit arabo-israélien et les autres événements
du Proche-Orient ou d’autres régions pourraient éventuellement justifier
des actes terroristes au sein de nos sociétés démocratiques européennes
ou ailleurs. Dans le même temps, j’ai de sérieux doutes quant à
la conformité avec les normes internationales des interventions
militaires menées en Irak et en Syrie par plusieurs gouvernements.
Jusqu’à présent, ces interventions militaires ne répondent apparemment
à aucune stratégie commune et leur efficacité reste encore à démontrer.
29. Il vaudrait beaucoup mieux ne pas intensifier les interventions
militaires extérieures mais plutôt parvenir, dès que possible, à
un cessez-le-feu négocié en Syrie entre le gouvernement et les groupes
d’opposition, sur la base des négociations menées à Vienne, et avoir
en Irak un gouvernement beaucoup plus fédérateur qui pourrait unir
le pays divisé et le renforcer de l’intérieur. La communauté internationale
pourrait alors donner aux deux pays les moyens nécessaires pour
combattre et vaincre eux-mêmes le terrorisme de Daesh. Les interventions
militaires étrangères dans cette région n’ont guère donné de bons
résultats.
30. Quoi qu’il en soit, nous devons insister sur le fait que rien
ne saurait justifier ces attaques terroristes fondées sur la haine
et qu’il convient de rejeter fermement toute tentative de trouver
des excuses aux actes des meurtriers. Il ne doit pas y avoir de
«mais». Comme le déclare l’Assemblée dans sa
Résolution 1258 (2001) sur les démocraties
face au terrorisme, «rien ne peut justifier le terrorisme».
4. …tout en protégeant les
normes et valeurs du Conseil de l’Europe
31. En ces temps où nous connaissons
un si grand nombre d’attaques terroristes, nous devons répéter que les
démocraties ont le droit inaliénable, et l’obligation indissociable
de ce droit, comme le prévoient leurs Constitutions et le droit
international, de se défendre quand elles sont attaquées. L’heure
est venue de renforcer la lutte contre le terrorisme, mais à la
condition que le respect des droits de l’homme, de l’Etat de droit
et des valeurs communes défendues par le Conseil de l’Europe soit
toujours garantis. J’insiste sur ce point: la lutte contre le terrorisme
et la protection des normes et valeurs du Conseil de l’Europe ne
sont pas contradictoires mais complémentaires.
32. Au lieu de nous appuyer sur les conventions et lois en vigueur
et de veiller à une meilleure mise en œuvre, nous établissons trop
souvent de nouvelles règles, en espérant qu’elles s’avéreront plus
efficaces que les conventions et règles antérieures. Nous devons,
sur ce point, écouter attentivement ce que le Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe a déclaré en juin 2015:
«La “guerre contre le terrorisme”
conduite par les Etats-Unis et les actions de lutte contre ce phénomène menées
par les Etats européens violent les principes fondamentaux des droits
de l’homme et du droit international, notamment : la protection
contre la torture, le droit à la liberté et à la sécurité personnelles, le
droit à un procès équitable, dont la présomption d’innocence, le
droit au respect de la vie privée et familiale, les libertés d’expression
et de circulation, le droit à un recours effectif et le droit des
victimes à réparation suite à des actes illégaux commis par les
Etats ».
33. Le Commissaire aux droits de l’homme a conclu qu’au cours
de cette période, des milliers d’individus, dont de nombreux citoyens
européens et un grand nombre de personnes innocentes, ont été persécutés.
Je remercie notre Commissaire pour son courage de regarder les choses
en face lorsqu’il évalue les récentes initiatives de lutte contre
le terrorisme prises dans nos Etats membres.
34. Comme le déclarait le Commissaire, «l’activité terroriste
constitue, à l’heure actuelle, une menace bien réelle ainsi qu’une
violation majeure des droits de l’homme». Il n’y a pas un seul argument
«en faveur» du terrorisme international; ce n’est rien d’autre qu’un
crime contre nos concitoyens, contre notre mode de vie, contre nos
normes et valeurs. Le Commissaire ajoutait également que: «Les initiatives
des Etats pour combattre le terrorisme international doivent être
conformes aux droits de l’homme et ne pas sortir du cadre de l’Etat
de droit.» Et c’est avec raison à nous, responsables politiques,
qu’il s’adresse ensuite lorsqu’il affirme que «renoncer aux droits
de l’homme dans la lutte contre le terrorisme est une grave erreur
et une mesure inefficace qui peut servir la cause des terroristes».
35. Il est donc de la plus haute importance qu’en cherchant les
meilleurs moyens de lutter contre le terrorisme, nous, parlementaires,
nous assurions systématiquement que toutes les mesures proposées
et adoptées sont véritablement «à l’épreuve» des droits de l’homme
et compatibles avec ces derniers, et qu’elles s’inscrivent toujours
dans l’État de droit.
36. À titre d’exemple, l’une des mesures proposées pour lutter
contre le terrorisme est de déchoir les terroristes de leur nationalité
(européenne). Malgré l’existence de pareilles lois dans certains
Etats membres du Conseil de l’Europe, le débat sur cette question
est particulièrement d’actualité en France compte tenu de la proposition
faite en ce sens par le Premier ministre français juste après les
attaques terroristes perpétrées à Paris en novembre 2015. Le rapporteur
pour avis de la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme, M. Pierre-Yves Le Borgn’, abordera cette question en
détail. Pour ma part, je suis opposé aux lois prévoyant de retirer
aux binationaux leur citoyenneté européenne car elles sont susceptibles
de créer une discrimination entre les citoyens d’un pays européen,
à savoir entre les titulaires d’une double nationalité et les autres.
Or, appliquée à tous les nationaux, ce type de loi créerait des
apatrides, en violation de la Convention de New York sur la réduction
des cas d’apatridie, du 30 août 1961. Il est par ailleurs peu probable
qu’une telle mesure dissuade les futurs kamikazes.
37. Il convient de noter que le 12 janvier 2016, la Cour européenne
des droits de l’homme a estimé que la nouvelle législation hongroise
sur les opérations secrètes de surveillance antiterroriste ne prévoit
pas de garanties suffisantes contre les abus et a conclu à sa violation
de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Une semaine plus tard, le 19 janvier
2016, la Cour d’appel du Royaume-Uni a déclaré qu’une disposition
clef de la législation antiterroriste britannique (Terrorism Act
2000) était contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.
Il est important de noter que lors de l’évaluation de la compatibilité
des mesures prises par les Etats membres dans leur lutte contre
le terrorisme avec les exigences de la CEDH, il faut tenir compte
du contexte et de la période, de sorte que la Cour européenne des
droits de l’homme peut conclure en faveur d’une violation dans une
situation, et arriver à la conclusion inverse dans une autre situation,
présentant pourtant au premier égard des caractéristiques analogues.
La jurisprudence de la Cour est extrêmement riche à cet égard et
je renvoie à l’avis de la Commission des questions juridiques et
des droits de l’homme pour des références.
38. Concernant plus spécifiquement la notion de pouvoirs de surveillance,
rappelons la
Résolution
2045 (2015) sur les opérations de surveillance massive
dans laquelle l’Assemblée avait déclaré «les opérations de surveillance
massive ne semblent pas avoir contribué à prévenir les attentats
terroristes, contrairement à ce qu’affirmaient autrefois les hauts
responsables des services de renseignement. Au contraire, des ressources qui
pourraient servir à prévenir des attaques sont redirigées vers la
surveillance massive, laissant des personnes potentiellement dangereuses
libres d’agir». La surveillance massive semble non seulement dangereuse
pour les droits de l’homme, mais elle paraît également être inefficace
et constituer un gaspillage de ressources.
39. Il convient par ailleurs de souligner que le fait qu’un Etat
décide de décréter l’état d’urgence et de déroger à certaines dispositions
de la Convention européenne des droits de l’homme, et dépose par conséquent
l’instrument concerné près le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
conformément à l’article 15 de la Convention, ne signifie pas pour
autant que la dérogation est automatiquement valable et exonère
l’Etat en question de l’obligation de respecter les exigences de
la Convention. Il appartient au final à la Cour européenne des droits
de l’homme exclusivement de décider, dès qu’elle est confrontée
à une requête pertinente, si la dérogation satisfait ou non aux
exigences posées à l’article 15 de la Convention.
40. A la suite de la décision de la France de décréter, puis de
prolonger, l’état d’urgence jusqu’à fin février 2016, le Commissaire
aux droits de l’homme a mis en garde contre le risque que les mesures
prises en France «puissent nuire au système de contrôle démocratique»
si, par exemple, la police procède à des perquisitions administratives
plutôt que d’agir sur ordonnance judiciaire. Le Commissaire fait
également part de ses inquiétudes concernant le profilage racial
des suspects faisant l’objet d’une perquisition. Mettant en question la
nécessité de telles mesures, le Commissaire a prévenu qu’une surveillance
accrue pourrait conduire à la «stigmatisation de certaines communautés».
Le rapporteur pour avis de la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, M. Le Borgn’, abordera plus en détail
les préoccupations soulevées par la déclaration de l’état d’urgence
en France. Il m’a fait part également de son intention d’évoquer
les dérogations introduites par l’Ukraine en vertu du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies et de
la Convention européenne des droits de l’homme concernant la situation
en Crimée et dans l’est de l’Ukraine et en particulier les «opérations
antiterroristes» menées par les forces ukrainiennes dans certaines régions
de l’est de l’Ukraine. Je renvoie à cet égard à son avis.
41. Dans le même temps, il arrive qu’un État n’ayant ni décrété
d’état d’urgence ni dérogé à une disposition de la Convention prenne
de fait
des mesures de même
nature que l’état d’urgence, au nom de la «lutte contre le terrorisme».
C’est notamment ce qui semble être le cas actuellement dans le sud-est
de la Turquie où, après la rupture du processus de paix entre le
PKK et le Gouvernement turc en juillet 2015 à la suite d’un attentat
à la bombe à Suruç, le gouvernement, au nom précisément de la «lutte
contre le terrorisme», a mené plusieurs opérations antiterroristes
portant gravement atteinte aux libertés d’expression, de circulation
et de réunion et qui ont eu par ailleurs de sérieuses conséquences
humanitaires pour la population locale. Selon Amnesty International
, un
couvre-feu est en vigueur jour et nuit depuis le 11 décembre dans
le district de Sur, à Diyarbakir, et depuis le 14 décembre à Cizre
et Silopi, dans la province de Şirnak, dans le sud-est de la Turquie.
Plus de 200 000 personnes vivent dans les zones concernées; certaines
n’ont pas accès à la nourriture ni aux soins, outre les graves pénuries
d’eau et d’électricité. Des centaines de civils, parmi lesquels des
femmes, des enfants et des personnes âgées, ainsi que des dizaines
de militaires et de policiers, auraient été tués
.
42. Réagissant après un attentat contre le commissariat de Cinar
(Diyarbakir), le 13 janvier, qui a fait six morts, y compris des
enfants, et 39 blessés, les corapporteures de l’Assemblée pour le
dialogue post-suivi avec la Turquie ont exprimé leur préoccupation
au sujet de l’escalade de la violence ces six derniers mois dans le
sud-est de la Turquie, et en particulier de son impact sur la population,
et elles ont affirmé clairement que si des opérations militaires
étaient jugées nécessaires pour combattre le terrorisme dans la
région, elles devaient être menées «dans le respect des normes internationales,
en tenant compte des besoins humanitaires des citoyens, de leur
droit à la sécurité, de la justice qui doit être rendue à ceux qu’ils
ont perdus et de la réparation des dommages subis»
. Je souscris pleinement à cet appel.
43. Réagissant à l’arrestation, le 15 janvier 2016, de plusieurs
universitaires et intellectuels ayant signé une pétition en faveur
de la paix et dénonçant les opérations militaires menées par la
Turquie dans le sud-est du pays, qui ont ensuite été accusés de
«propagande pour une organisation terroriste» et de «dénigrement
de la nation turque», le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
a déclaré ce qui suit: «En cette période difficile où la Turquie
est confrontée à l’immense défi posé par les attentats terroristes,
nous devons tous conjuguer nos efforts contre la violence et le
terrorisme et respecter les droits de l’homme, y compris la liberté d’expression».
«Tout doit être mis en œuvre pour désamorcer la situation» a-t-il
ajouté.
44. Malheureusement, face à une menace terroriste grandissante,
de plus en plus de personnes déclarent que ce n’est pas le moment
de se préoccuper des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État
de droit. Elles expliquent à nos concitoyens qu’en temps de guerre,
d’autres lois prévalent. Dans mon pays, le parti qui est à présent
le plus populaire dans les sondages d’opinion affirme que nous sommes
en guerre contre l’Islam, que le Coran est un ouvrage fasciste et
que nous ne devons laisser aucun musulman franchir nos frontières pour
chercher refuge dans nos pays, quel que soit le préjudice causé
à la personne en question par les terroristes dans son pays d’origine.
Ici, les extrêmes se touchent, les deux étant opposés à nos normes
et valeurs fondamentales dont font incontestablement partie l’égalité,
la liberté d’expression et de religion et le droit de trouver refuge
ailleurs si nécessaire.
45. Dans le même temps, le fait que les terroristes agissant en
Europe soient des Européens, qui sont pour la plupart, mais pas
tous, nés et ont grandi dans des quartiers défavorisés, et que bon
nombre de personnes se disant musulmanes, en particulier des jeunes,
aient pris le parti des terroristes sur les réseaux sociaux, a déclenché
un double débat: d’une part sur la nécessité d’apporter d’urgence
une réponse commune, internationale mais aussi spécifiquement européenne,
à la menace djihadiste; et d’autre part sur la nécessité de combattre
l’exclusion sociale, la discrimination, la violence et la ségrégation,
qui font le lit du terrorisme et du fanatisme religieux.
46. Je récuse résolument l’utilisation abusive du qualificatif
«islamique» par des organisations criminelles terroristes. Daesh
ou d’autres groupes territoires similaires n’ont aucun droit de
se revendiquer de l’Islam, ni d’affirmer qu’ils représentent la
communauté musulmane. Au contraire, la plupart de leurs victimes
à ce jour sont des musulmans, dont un grand nombre ont été – et
sont encore aujourd’hui – victimes d’actes de terreur, d’abus, d’exploitation,
de torture et de massacres infligés par ces groupes terroristes,
tandis que l’utilisation mensongère du qualificatif d’«islamique»
par ces criminels porte atteinte à la religion de leurs victimes musulmanes.
47. Nous devons prendre conscience de la situation inconfortable
dans laquelle ces attentats placent les musulmans, et appeler les
dirigeants politiques à être particulièrement attentifs, lorsqu’ils
condamnent ces attentats, à éviter les généralisations stigmatisantes
qui font peser sur des groupes entiers de populations la responsabilité
d’actes commis par des individus. Cela étant, j’encourage les dirigeants
et les intellectuels musulmans à condamner publiquement, sans ambiguïté
et en permanence, l’instrumentalisation honteuse de leur religion
par des assassins fanatiques dont le but est d’intimider les populations
et les Etats en utilisant tous les types de violence à l’encontre
de personnes innocentes. J’appelle les dirigeants musulmans à souligner que
les Musulmans, tout comme les croyants d’autres religions, tirent
largement avantage de la protection de leurs droits et libertés
par la Convention européenne des droits de l’homme, et que, pour
cette raison également, leurs communautés devraient défendre avec
détermination et publiquement les normes et les valeurs du Conseil
de l’Europe contre les terroristes qui les menacent.
48. Le respect du droit de toute personne à la liberté de pensée,
de conscience et de religion, consacré par l’article 9 de la Convention,
est souvent confondu avec une «obligation» d’accepter tout ce qui
est présenté comme une composante d’une religion.
49. Il y a plus de 200 ans naissait en Europe un mouvement en
faveur de la séparation de l’Église et de l’État. À la suite de
cela, la laïcité, c’est-à-dire le principe de la séparation de l’État
et de la religion, est aujourd’hui reconnue comme l’un des piliers
d’une société démocratique. L’Assemblée a déclaré que nous devons
continuer de protéger ce principe.
50. Un processus similaire n’a pour l’heure pas été mis en œuvre
dans beaucoup de pays musulmans, où l’Islam est considéré à la fois
comme une religion et un moyen d’organiser la vie au sein de la
société. Alors qu’il convient, dans une société démocratique, de
protéger le droit de toute personne au respect de ses convictions
religieuses tant que ces dernières ne violent pas les droits d’autrui,
toute règle non respectueuse des droits de l’homme ne saurait être
tolérée.
51. De toute évidence, certains éléments considérés par quelques
musulmans comme des composantes de l’Islam, notamment la plus grande
partie de la charia, relèvent de cette catégorie et ne sont donc
pas acceptables en tant que droit civil dans les sociétés qui se
considèrent comme démocratiques. Prétendre le contraire au nom du
«politiquement correct» serait une erreur. La Cour européenne des
droits de l’homme a établi le 31 juillet 2001 que «l’instauration
de la charia et d’un régime théocratique était incompatible avec
les exigences d’une société démocratique»
.
52. Il ne s’agit certainement pas d’un processus à imposer de
l’extérieur. Cependant, l’Europe devrait se tenir prête à soutenir,
par tous les moyens possibles, les leaders et intellectuels musulmans
démocratiques, qui, avec les représentants concernés de la société
civile, entreprendront ce processus long mais inéluctable.
53. Pour commencer, l’Europe devrait interdire sur son territoire
toutes les pratiques, religieuses ou non, qui ne respectent pas
les droits de l’homme: lorsqu’il est question des droits de l’homme,
il n’y a pas de place pour des «exceptions culturelles». L’éducation
et les médias devraient également jouer un rôle important.
54. Je salue les manières – nombreuses et diverses – dont des
individus, des groupes et des sociétés ont protesté, l’année passée,
contre les actes de terrorisme. Rappelons-nous que le 11 janvier
2015, quelque deux millions de personnes, dont plus de 40 dirigeants
mondiaux, se sont réunies à Paris pour un rassemblement d’union
nationale, et que 3,7 millions de personnes ont participé à des
manifestations dans toute la France et dans de nombreuses villes
européennes comme Amsterdam, Berlin, Bologne, Bruxelles, Barcelone, Copenhague,
Istanbul, Ljubljana, Londres, Luxembourg et Moscou, ou ailleurs
dans le monde comme à Buenos Aires, Montréal, San Francisco et Washington.
Il faut espérer que ce message clair, de la part des citoyens du
monde entier, qu’ils n’acceptent aucune forme de terrorisme et sont
fermement attachés aux normes et valeurs défendues par le Conseil
de l’Europe, sera porté avec toujours plus de force par tous les segments
de nos sociétés.
5. Action du Conseil de l’Europe
55. Comme évoqué précédemment,
le Comité des Ministres a adopté un protocole additionnel sur les combattants
terroristes étrangers à la Convention pour la prévention du terrorisme
ainsi qu’une Déclaration et un Plan d’action sur la lutte contre
l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme,
en mai 2015. Le rapport «Les combattants étrangers en Syrie et en
Irak» donne un bon aperçu des objectifs et priorités du Plan d’action.
56. L’édition 2015 du Forum mondial de la démocratie, qui s’est
tenue à Strasbourg du 18 au 20 novembre 2015, avait pour thème «Liberté
vs contrôle : pour une réponse démocratique». Lors du Forum, la
tension entre le besoin de sécurité et la protection des libertés
a été reconnue, à juste titre, comme l’un des défis majeurs auxquels
sont confrontées les démocraties. Dans ses conclusions, il a souligné
en particulier que dans la lutte contre le terrorisme, «nous avons
besoin de moins de réaction et de davantage de réflexion», et que
les meilleurs antidotes contre la peur consistaient à garder notre
confiance dans les institutions démocratiques, notamment le système
judiciaire, et à éviter les pièges qui consistent à cibler des groupes
entiers ou des zones géographiques comme dangereux ou déviants
.
57. Dans sa réponse à la
Recommandation
2061 (2015) «Attaques terroristes à Paris: ensemble,
pour une réponse démocratique», le Comité des Ministres a informé
l’Assemblée de son action dans ce domaine et déclare: «Le Plan d’action
adopté en complément à la Déclaration, et qui ira jusqu’en 2017,
vise à travers une série de mesures concrètes d’une part à renforcer
le cadre juridique contre le terrorisme et l’extrémisme violent et,
d’autre part, à prévenir et combattre la radicalisation par des
mesures concrètes dans le secteur public, en particulier dans les
établissements scolaires et les prisons, et sur internet».
58. Le 25 janvier 2016, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
a procédé à un échange de vues avec la commission des questions
politiques et de la démocratie à propos de la mise en œuvre du Plan
d’action. Les priorités du volet législatif du plan sont les suivants:
les terroristes agissant de manière isolée, le financement des groupes
terroristes par le biais du crime organisé, le terrorisme et internet
et, enfin, les techniques spéciales d’enquête. Les politiques de
prévention de la radicalisation seront appliquées dans trois domaines:
les écoles, les prisons et le discours public.
59. L’enseignement est fondamental pour le développement des compétences
de citoyenneté démocratique, et les Ministres de l’Éducation des
Etats membres du Conseil de l’Europe discuteront d’un projet concret
sur cette question les 11 et 12 avril 2016 à Bruxelles. Comme le
Secrétaire Général l’a déclaré, il ne s’agit pas «d’enseigner ce
qu’il faut penser, mais d’enseigner un mode de pensée: comprendre
que les différentes cultures et religions peuvent exister côte à
côte et, dans le même temps, que nous pouvons nous entendre sur
un ensemble de valeurs universelles fondamentales». Le Conseil de
l’Europe a également, à cet égard, initié un projet contre-narratif
sur l’histoire européenne, en collaboration avec M. Ismail Serageldin,
le Directeur fondateur de la Bibliothèque Alexandrine.
60. Je suis particulièrement heureux de l’annonce du Secrétaire
Général selon laquelle notre Présidente sortante, Mme Anne Brasseur,
sera l’Ambassadrice du mouvement Non à la Haine du Conseil de l’Europe.
6. Conclusions
61. Comme l’Assemblée l’a déclaré
très clairement dans sa
Résolution
2031 (2015) «Attaques terroristes à Paris: ensemble,
pour une réponse démocratique», «les démocraties ont le droit, et
l’obligation, de se défendre lorsqu’elles sont attaquées». Elle
estime donc que la lutte contre le terrorisme et le djihadisme doit
être renforcée, tout en garantissant le respect des droits de l’homme,
de l’État de droit et des valeurs communes défendues par le Conseil
de l’Europe.
62. Le 12 décembre 2015, à l’occasion de la Journée des droits
de l’homme 2015, la Présidente Anne Brasseur a souligné que, devant
les menaces posées par le terrorisme, «il nous faut être plus attentif
encore à ne pas sacrifier les droits de l’homme et les libertés
fondamentales. La tentation est forte d’essayer de rassurer nos
citoyens en recourant à des mesures de sécurité accrues, parfois
au prix des droits et des libertés de tout un chacun de nous. Il
faut être franc et clair: il n’y a pas de société libre sans menaces
pour la sécurité. Les droits de l’homme ne sauraient être sacrifiés
sur l’autel de la lutte contre le terrorisme, c’est là précisément ce
que veulent les terroristes ! Il nous faut les empêcher d’arriver
à leurs fins»
.
63. L’Europe devra continuer à montrer qu’elle n’a pas peur et
ne rien changer à son mode de vie. S’interdire de le faire voudrait
dire que les terroristes ont gagné. La laïcité, c’est-à-dire le
principe de la séparation de l’État et des religions, doit également
être protégé.
64. Dans le projet de résolution, je propose un certain nombre
de recommandations que notre Assemblée devrait appeler les parlements
et gouvernements des Etats membres à respecter dans leur action
contre le terrorisme, de manière à veiller à un juste équilibre
entre d’une part la défense de la liberté et de la sécurité, et
d’autre part le respect de ces mêmes droits. Je propose aussi d’inviter
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à suivre les mesures
de lutte contre le terrorisme prises par les Etats membres, à en
évaluer leur proportionnalité, le cas échéant dans le cadre d’une
enquête en vertu de l’article 52 de la Convention européenne des
droits de l’homme, et à tenir l’Assemblée régulièrement informée.
65. De plus, je pense que nous devrions inviter instamment les
Etats membres à faire tout leur possible pour éradiquer les terrains
propices au terrorisme et au fanatisme religieux, en particulier
par l’éducation, les politiques sociales et une société inclusive.
Des mesures concrètes devraient être prises pour prévenir et combattre
la radicalisation en particulier dans les écoles, les quartiers
défavorisés, les prisons, sur internet et sur les réseaux sociaux,
en conformité également avec la
Résolution 2031 (2015) de l’Assemblée.
66. Je conclurai par ces mots: combattons le terrorisme international
tout en protégeant les normes et valeurs du Conseil de l’Europe.
Ces deux éléments ne sont pas contradictoires, mais complémentaires.