1. Introduction
1. Dans les pays d'accueil, les
migrants sont souvent en butte à la discrimination et au racisme
et, dans les cas extrêmes, ces sentiments d'hostilité xénophobe
peuvent se traduire par des violences psychologiques ou physiques.
Ces dernières années, ce phénomène de violence à l’encontre des
migrants a malheureusement pris beaucoup d'ampleur, et ce dans toute
l'Europe.
2. Une partie de la population de certains pays considère que
les migrants sont à l'origine des taux élevés de criminalité et
de chômage et conteste donc leur revendication à une égalité d'accès
au marché du travail, au logement et aux services publics. En outre,
les migrants sont parfois perçus comme une menace pour les cultures
et valeurs nationales comme pour la sécurité publique.
3. Les partis populistes ne manquent pas d'exploiter ces craintes
– par ailleurs relayées par les médias – pour étayer leurs objectifs
politiques. Aussi les migrants sont-ils souvent victimes d'agressions
motivées par des préjugés qui peuvent aller de l'exclusion verbale
à une forme de torture psychologique, ou même à des voies de fait.
4. Dans certains pays d'accueil, les garanties juridiques permettant
aux migrants de se protéger eux-mêmes contre les pratiques xénophobes
et discriminatoires et le racisme – lesquelles tendent à s'accentuer lorsqu'ils
sont en situation irrégulière – sont insuffisantes. Cela signifie
qu'ils deviennent l'une des cibles privilégiées des crimes de haine
et sont victimes de traitements dégradants dans les centres de rétention
ou d'exclusion sociale, toutes choses constituant clairement une
atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur accès à la justice.
5. Les actes de violences perpétrés contre les migrants (y compris
les femmes et les enfants) suscitent de plus en plus d'inquiétudes.
L'exposition d'enfants à des violences physiques et des discours
de haine est très alarmante. Il convient en outre de s'intéresser
de très près aux rapports faisant état d'une absence alléguée de
procédures d'enquête de police efficaces.
6. Parallèlement aux violences commises à l’encontre de migrants,
l’on assiste à un nouveau phénomène de violence entre communautés
d’immigrants et au sein de celles-ci. Ces tensions sont particulièrement
vives dans les secteurs à forte concentration de migrants, comme
dans les centres de rétention, les camps et les centres d’hébergement
provisoire. Très souvent, les communautés qui les accueillent ne
savent pas comment réagir à de telles manifestations de violence.
Ce problème appelle une attention particulière mais ne fait pas l’objet
du présent rapport.
7. L'Assemblée parlementaire s'est penchée sur certains problèmes
relatifs à ces manifestations de violence. La commission de la culture,
de la science, de l'éducation et des médias a enquêté sur le rôle
et l'influence des médias en tant qu'incitation à des comportements
violents
. La commission des migrations, des réfugiés
et des personnes déplacées a pour sa part analysé les préjugés dont
font l'objet les migrants roms en Europe
et étudié
le problème de la traite des travailleurs migrants à des fins de
travail forcé
. La commission sur l'égalité et
la non-discrimination s'est penchée sur les préoccupations suscitées
par la perpétration d'actes violents (harcèlement ou sévices sexuels,
etc.) contre des femmes, y compris migrantes, sous l'angle du lien entre
genre, violence et protection juridique
.
8. Le présent rapport vise d'une part à étudier les circonstances
dans lesquelles les migrants peuvent être victimes de violences,
l'ampleur du phénomène et ses mobiles sous-jacents et, d'autre part,
l'obligation des auteurs de répondre de leurs actes, ainsi que les
mesures préventives et la protection offertes aux victimes par les
autorités. Il a également pour but de sensibiliser l'opinion aux
crimes violents en tant que forme d'exclusion et de déni irréversible
des droits fondamentaux et de la protection des victimes.
2. Définition de la violence
à l'égard des migrants et description de ses différents types
2.1. Définition de la violence
et description de ses différents types
9. Dans les pays d’accueil, les
migrants subissent divers types de violence. Cette violence peut
être directe ou indirecte. La violence directe comprend la violence
physique, l’exploitation dans le travail, les abus sexuels, l’extorsion
et la traite. La violence directe inclut aussi une destruction des
effets personnels qui peut mettre la vie des migrants en danger.
10. La violence indirecte comprend les menaces, les violences
verbales, le harcèlement sexuel, la discrimination et la xénophobie,
qui peuvent être qualifiés de crimes de haine. Les crimes de haine
impliquent l'utilisation de moyens d'information et de communication
pour diffuser des messages agressifs et discriminatoires. Ces messages
visent à provoquer une détresse psychologique, à marginaliser et
à dissuader de recourir aux services éducatifs, de logement, de
santé, etc.
2.1.1. Violence physique
11. C'est à tous les stades de
leur processus de migration que les migrants vivent la violence
physique. De nombreux migrants sans papiers sont maltraités par
la police des frontières, y compris lors des refoulements. Ils sont
beaucoup à dénoncer des traitements inhumains ou dégradants subis
en rétention, ou des conditions de rétention inhumaines.
12. Il semble que les cas de mauvais traitements infligés par
les forces de l'ordre aux migrants et demandeurs asile se soient
multipliés ces dernières années. Il est très rare qu'une enquête
soit diligentée sur les gifles ou les coups de poings et de pieds
assénés par la police locale. Il arrive même que ces actes de violence
se soldent par la mort de migrants. Ces derniers peuvent aussi être
agressés et volés par des bandits sur leur trajet vers les pays
de destination.
2.1.2. Traite de migrants
13. La traite des êtres humains
est l'une des formes les plus extrêmes de violence physique et verbale auxquelles
sont soumis les migrants. Les victimes de la traite subissent souvent
la contrainte et la cruauté sous forme de coups, d'agressions et
d'abus de leur situation. Ils sont insultés et pris pour cibles
de manifestations de haine tout en devenant des objets au service
d'autres objectifs financiers. Leur identité est détruite, tout comme
leurs liens avec la famille ou les systèmes de protection et d’accueil
des migrants dans le pays hôte.
14. La traite est essentiellement organisée à l’échelle nationale
ou régionale, mais des cas remarquables de traite sur de plus longues
distances ont aussi été signalés. L'Europe est la destination première
des victimes du plus large éventail de pays tiers. Il est difficile
d’obtenir des statistiques précises sur le nombre de victimes de
la traite parce que beaucoup d'entre elles ne sont jamais identifiées,
mais selon le rapport d'EUROSTAT sur la traite des êtres humains
, le nombre de victimes répertoriées
entrées en contact avec les autorités des 34 pays européens entre
2010 et 2012 s’est élevé à 30 868 (les nombres les plus élevés étant
enregistrés en Italie, aux Pays-Bas, en Roumanie et au Royaume-Uni).
15. Le présent rapport n’examine pas les violences dont les migrants
sont victimes en raison de la traite: elles font l'objet d'autres
rapports que prépare la commission.
2.1.3. Violence dans les centres
de rétention pour migrants
16. La dernière décennie a connu
une augmentation du nombre de centres de rétention pour migrants
en Europe. En 2012, on comptait 473 centres de rétention répartis
sur 44 pays d'Europe. La rétention est devenue l’un des principaux
outils de «gestion» de la population de migrants et constitue en
même temps une violation permanente des droits des migrants. Chaque
année, dans les Etats membres de l'Union européenne, près de 600
000 migrants (demandeurs d'asile dont la demande de protection a
été rejetée, migrants dont le droit de séjour a expiré ou qui n'ont
jamais bénéficié de ce droit et qui, pour certains, séjournent depuis
de longues années sur le territoire) sont privés de liberté et,
dans certains cas, également d'assistance juridique, de soins de
santé et de contacts avec leur famille. En outre, des personnes
s'étant vu refuser à la frontière l'accès à des pays européens sont
fréquemment «confinées» dans des zones d'attente – aéroports internationaux,
ports et gares – avant d'être refoulées.
17. La rétention des demandeurs d'asile est une pratique courante,
voire systématique. En République tchèque, les demandeurs d'asile
sont détenus «avec obligation de demeurer dans des centres de rétention» qui
sont généralement mis en place pour les migrants et pour une durée
maximale de 120 jours
. A Malte, les demandeurs
d'asile non titulaires de papiers en règle – ils sont majoritaires
– sont systématiquement placés en rétention. La République slovaque
organise également la rétention des demandeurs d'asile, notamment dans
des zones d'attente situées dans des aéroports et dans des centres
de rétention pour migrants
. En Belgique,
les demandeurs d'asile se présentant aux frontières sont automatiquement
placés en rétention pendant l'examen de leur demande.
18. Lors de son évaluation de la mise en œuvre de la Directive
«Retour»
, la Commission européenne a insisté
sur la nécessité de réagir aux «cas les plus flagrants de rétention
dans des conditions inhumaines», reconnaissant par là même que de
graves violations des droits de l'homme sont commises et demeurent impunies
au niveau national. Ces violations des droits des migrants et réfugiés
sont les restrictions des visites des membres de leur famille et
d'organisations non gouvernementales (ONG)
, le défaut d'information sur leur situation
administrative, la protection de leurs droits et les recours possibles
en raison d’une absence d’interprétation et de contrôle et d'aide
judiciaires.
19. La rétention administrative porte atteinte aux droits fondamentaux
des migrants en même temps qu'il en fait des délinquants. De même,
il n'offre aucune garantie juridique effective et permet de dissimuler
les migrants du regard public ce qui a surtout pour conséquences
de les exposer à une violence injustifiée.
2.1.4. Violence et exploitation
sur le marché du travail
20. Les migrants en situation régulière
ou irrégulière sont particulièrement vulnérables sur le marché du travail:
ils sont en effet exploités ou forcés à travailler mais, pour pouvoir
rester dans le pays, ils préfèrent s'exécuter et supporter ces conditions
plutôt que d'être signalés aux autorités.
21. Amnesty International a confirmé l'exploitation à grande échelle
de travailleurs migrants en Italie, et la majorité d’entre eux percevraient
à leur arrivée moins de 40 % du salaire minimum légal
.
22. Jusqu'à présent, les Etats membres n'ont pas traité l'exploitation
et la violence dont sont victimes les migrants dans les milieux
du travail comme une question d'intérêt public. Les lois font défaut
pour faire du comportement des employeurs une infraction pénale
et contrôler les conditions d'emploi des travailleurs migrants.
2.1.5. Crimes de haine
23. Avec la crise économique, le
discours anti-migrants a gagné en popularité dans les communautés locales
de certains pays qui reprochent aux migrants les difficultés économiques
et politiques traversées. Il a provoqué des tensions racistes et
xénophobes qui se sont souvent soldées par des violences pouvant
être considérées comme des «crimes de haine».
24. Les migrants confrontés à de telles violences ont peur de
révéler leur identité, de circuler librement et de dénoncer ces
infractions à la police parce qu'ils se méfient du système répressif.
Ils craignent également d'être expulsés et préfèrent donc éviter
de chercher de l'aide auprès des communautés locales ou d'une organisation
donnée. Cela conduit à leur marginalisation et compromet leur intégration
dans la société d’accueil.
25. Les gouvernements européens sont malheureusement très peu
nombreux à prendre des mesures énergiques pour lutter contre cette
forme de violence et s'attaquer aux causes profondes des crimes
de haine. En effet, les services répressifs se soucient rarement
d'enquêter sur ces crimes ou d'en poursuivre les auteurs, parce
que bien souvent la législation nationale n'établit pas d'infractions
ou de sanctions spécifiques en la matière. De plus, les victimes
de crimes de haine ne bénéficient pas d'une protection juridique
appropriée.
26. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)
a pris des mesures importantes dans le but de régler le problème
de la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile contre les
crimes de haine. En décembre 2009, le HCR a publié une note d'orientation
qui insistait sur les principaux éléments stratégiques permettant
de remédier à cette situation
.
2.2. Les femmes et les enfants
migrants: des cibles vulnérables
27. Les migrantes représentent
un pourcentage important des femmes déclarant subir d'un partenaire intime
des violences qui les terrorisent et les font se sentir méprisées,
comme le souligne la
Résolution
1697 (2009) de l'Assemblée «Femmes immigrées: un risque spécifique
de violence domestique».
28. A leur arrivée dans le pays de destination, la violence et
la discrimination continuent de faire partie de leur vie alors même
qu'elles se retrouvent doublement vulnérables parce qu’elles sont
des femmes (ce qui illustre les inégalités entre sexes présentes
tant dans leur société d'origine que dans celle de destination)
et parce qu’elles sont étrangères.
29. A peine 11 % des personnes transportées clandestinement à
travers la Méditerranée sont des femmes. Fuyant leur région natale
d’Afrique septentrionale et subsaharienne ou du Proche-Orient pour
échapper à la pauvreté ou à un environnement familial violent, ces
femmes entreprennent un voyage terrifiant. Nombre d’entre elles
sont violées, battues ou torturées. Certaines sont enceintes et
font une fausse couche ou meurent en chemin; d’autres se retrouvent
enceintes après avoir été violées pendant le voyage. Les plus chanceuses, qui
finissent par poser le pied sur le sol européen restent parfois
enfermées derrière des grilles pendant un temps indéterminé ou sont
livrées à la traite pour rembourser leur «dette» aux passeurs.
30. En plus des tribulations habituelles des voyages des immigrants
clandestins, ces femmes sont également vulnérables et invisibles,
à la merci d’hommes qui les censurent et s’efforcent de les cacher
au monde extérieur. Les problèmes des immigrées sont pratiquement
absents des médias.
31. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE no 210, «Convention
d’Istanbul») traite spécifiquement de la violence infligée aux femmes
en tant que violence à caractère sexiste, ce qui vaut également
pour les filles de moins de 18 ans. L’article 3 de ce traité déclare
que la violence à l'égard des femmes doit être comprise comme une violation
des droits de l'homme et une forme de discrimination.
32. C'est la raison pour laquelle j'appelle à une ratification
générale et accélérée de la Convention d'Istanbul qui permettrait
d'élargir le champ d'application personnel de ce traité afin qu'il
couvre toutes les femmes migrantes.
33. Les enfants migrants sont pris en tenaille entre les lois
protégeant l'enfance et les politiques européennes sur (contre)
l’immigration. Le droit International garantit aux enfants l'accès
à l'éducation et aux soins de santé, quel que soit leur statut migratoire,
et contraint les pouvoirs publics à œuvrer dans l'intérêt supérieur
des enfants
.
Pourtant, les restrictions imposées par les politiques d'immigration
excluent les enfants des services de première nécessité, les laissant
plus isolés et vulnérables face aux réseaux de la criminalité organisée.
34. La rétention est aussi une forme de violence, qui nuit à la
santé physique et psychologique de l'enfant
. Le confinement dans cet environnement
quasi carcéral, l'absence de liberté et une surveillance constante exposent
les enfants aux troubles suivants: dépression, crises d'angoisse
et symptômes de stress post-traumatique (insomnie, cauchemars, incontinence
nocturne...). C'est pourquoi il est fondamental que les gouvernements
des Etats membres du Conseil de l'Europe suivent les recommandations
de la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d'enfants
migrants et proposent des alternatives à la rétention.
35. J'exhorte une nouvelle fois l'ensemble des Etats membres à
ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201,
«Convention de Lanzarote») pour garantir une meilleure protection
aux enfants migrants.
36. Des femmes et des enfants sont également confrontés à des
abus et du harcèlement sexuels dans les centres de rétention pour
migrants. Il arrive que les gardes ou les travailleurs des centres
de rétention profitent de leur position de pouvoir pour abuser de
femmes et d'enfants traumatisés et vulnérables. Ainsi, une enquête menée
en 2006 par Legal Action for Women (LAW) dans le centre de rétention
de Yarl's Wood (Milton Ernest, Royaume-Uni) a conclu que sur les
70 % de migrantes ayant dénoncé des viols, 57 % n'avaient pas de représentant
juridique et 20 % avaient eu recours aux services d'avocats qui
exigeaient d'être payés à l’avance.
2.3. Violence à l’encontre de
migrants LGBT
37. Les migrants lesbiennes, gays,
bisexuels et transsexuels (LGBT) fuient la violence, l’humiliation,
les inégalités et la discrimination auxquelles ils sont confrontés
dans leur pays, mais se heurtent ensuite aux mêmes discriminations
dans leur pays d’accueil. Ainsi, en Allemagne, entre le 1er août
et le 31 décembre 2015, l’association des gays et lesbiennes des
Länder de Berlin et de Brandebourg ont signalé 95 cas de violences physiques,
y compris des agressions sexuelles, contre des migrants. Le plus
alarmant est que les migrants LGBT arrivant en Europe sont attaqués
par leurs compagnons dans les centres pour immigrés. Les autorités néerlandaises
ont dû déménager les migrants LGBT d’Amsterdam vers un autre foyer
pour assurer leur sécurité.
38. Une évolution positive a été observée en Allemagne avec l’ouverture
d’un premier foyer pour réfugiés LGBT à Nuremberg. L’initiative
a été prise par l’association «Fliederlich», à la demande de plusieurs
migrants LGBT qui se sentaient menacés dans les foyers où ils avaient
été hébergés préalablement. L’Allemagne prévoit également d’ouvrir
un centre plus important, proposant 120 lits, à Berlin au cours
de l’année 2016
.
3. Cadre juridique international
et européen
39. La Convention internationale
de 1990 des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs
migrants et des membres de leur famille souligne, dans son article
16, que tous les travailleurs migrants et membres de leur famille
ont droit à la protection de l'Etat. La nature de cette protection
est exposée dans l'article 68, lequel insiste sur la nécessité de
détecter et d'éliminer les mouvements illégaux ou clandestins de
travailleurs migrants et de membres de leur famille et d'infliger
des sanctions efficaces aux personnes et aux groupes ou entités
qui usent de la violence envers les migrants et leur famille.
40. En ce qui concerne la violence liée à des pratiques discriminatoires,
la Convention internationale des Nations Unies sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) peut être
invoquée en combinaison avec de nouveaux engagements politiques
à lutter contre les crimes de haine et le discours de haine en ligne
fondé sur des préjugés raciaux, qui ne sont autres que des violences
psychologiques.
41. Au plan européen, la Cour européenne des droits de l'homme
a examiné les violences infligées aux migrants à la lumière de l'article
3 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5),
qui dispose que nul ne peut être soumis à des traitements inhumains.
Dans l'arrêt Natchova et autres c. Bulgarie rendu
en 2005, la Cour a jugé que les Etats avaient l'obligation d'engager
des poursuites pour des actes de violence motivés par des préjugés
raciaux.
42. Quand bien même les droits des migrants sont généralement
protégés au moyen d'instruments juridiques, les actes de violence
restent très préoccupants et continuent d'être perpétrés tant par
des institutions que par des membres de la société civile. Il faut
absolument renforcer la protection si l'on ne veut pas que les violences
et atteintes à ces droits demeurent impunies.
4. Etudes de cas sur la violence
à l'égard des migrants
43. Pour donner une idée générale
des diverses formes que prend la violence envers les migrants en Europe,
j'ai décidé de donner ici des exemples glanés dans certains Etats
membres du Conseil de l'Europe.
4.1. France
44. La France fait actuellement
face à une situation très difficile dans la région de Calais: en
effet, plusieurs milliers de demandeurs d'asile et de migrants en
provenance du Soudan, d'Erythrée et d'Ethiopie s'y entassent dans
des camps de fortune et dans la rue, dans l'attente d'une occasion
de traverser la Manche pour atteindre le Royaume-Uni. Ils n'ont
pour la plupart ni hébergement ni accès à des installations sanitaires
et sont dépendants des vivres et de l'aide procurées par des organisations
et bénévoles locaux.
45. Selon l’enquête de Human Rights Watch sur les mauvais traitements
par la police à Calais, de nombreux demandeurs d'asile et migrants
signalent des exactions commises par la police française. Dix-neuf
des 44 migrants interrogés par Human Rights Watch, dont deux enfants,
ont déclaré avoir été molestés et harcelés par les policiers français
. Les mauvais traitements décrits
incluent des passages à tabac et des attaques au gaz poivré, pourtant
interdits par le droit pénal français.
46. A Calais, les migrants doivent parfois attendre plusieurs
mois avant d'être enregistrés en tant que demandeurs d'asile, et
pendant cette période ils ne peuvent prétendre à un logement. Le
Gouvernement français a pris certaines mesures positives comme la
création d'un centre de jour offrant à boire et à manger. Des locaux
d'hébergement temporaire ont été mis à la disposition de plus de
1 500 migrants. Cependant, compte tenu de l'augmentation considérable
du nombre de migrants arrivés en octobre 2015 (estimé entre 3 500
et 6 000), ces mesures se révèlent insuffisantes.
47. Le Gouvernement français dispose de tous les moyens nécessaires
pour améliorer la situation à Calais, en instaurant un système rapide
d'enregistrement et de traitement des demandes d'asile, en ordonnant l'ouverture
d'une enquête indépendante sur des rapports dénonçant des faits
de violence et de harcèlement des migrants par la police, et en
veillant à y mettre un terme.
4.2. Allemagne
48. L'Allemagne demeure la principale
destination européenne des demandeurs d'asile originaires de Syrie, du
Kosovo*
et d'Albanie, mais également
d'Irak, d'Afghanistan et d'autres pays, plus d’un million de demandes
d'asile étant prévues pour 2015. En parallèle, les violences infligées
aux migrants augmentent. De fait, comme l'a rapporté la Fondation
Antonio Amadeu, 198 cas d'agressions à motivation raciste perpétrées contre
des demandeurs d'asile ou leurs logements ont été recensés en Allemagne
en 2015, dont 15 incendies criminels. En 2014, la police a recensé
162 agressions de ce type commises par des néonazis
. Ces chiffres sont trois fois plus
élevés qu'en 2013 et ces attaques se produisent partout en Allemagne
et pas nécessairement dans les régions où les migrants sont les
plus nombreux. L'un de ces épisodes s'est déroulé le 18 juillet
2015 à Remchingen, dans le Bade-Wurtemberg, où un bâtiment destiné
à accueillir des demandeurs d'asile a été incendié. Des faits similaires
se sont produits le 3 avril 2015 à Tröglitz, petite ville de la
Saxe-Anhalt, en Allemagne de l'Est
. Les auteurs n'ont pas été retrouvés
mais la question de la sécurité des migrants en Allemagne a été
relancée dans les médias.
49. En mai 2015, le radiodiffuseur public NDR (Norddeutscher Rundfunk)
a rapporté deux cas de tortures pratiquées par des policiers à Hanovre,
en Basse-Saxe. De jeunes réfugiés avaient été arrêtés à la gare
et violemment molestés par les forces de l'ordre. Après la divulgation
de ces affaires, de nouvelles agressions, perpétrées en 2014 par
des personnels de sécurité privée, ont été dénoncées à Bad Berleburg
et à Essen, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
50. Durant la visite d'enquête que j'ai effectuée en Allemagne,
j'ai tenté de déterminer les raisons d'une telle augmentation du
nombre d'agressions dirigées contre les migrants. Les autorités
allemandes, ainsi que les représentants d'organisations non-gouvernementales,
ont expliqué cette flambée de violence par la montée de partis extrémistes
tels que Alternative pour l'Allemagne (Alternative für Deutschland
– AfD), le parti national-démocrate d'Allemagne (National demokratische
Partei Deutschlands – NPD) et le mouvement PEGIDA (les Européens
patriotes contre l'islamisation de l'Occident – Patriotische Europäer
gegen die Islamisierung des Abendlandes). Des groupes d'extrême-droite
organisent des manifestations contre les migrants en rassemblant
leurs partisans dans les villes où doivent être accueillis des migrants.
51. Dans le même temps, la législation allemande ne prévoit pas
les protections dont auraient besoin les migrants et, dans certains
cas, elle limite même considérablement leurs droits humains. La
loi allemande sur les demandeurs d'asile et les réfugiés, ainsi
que la loi relative au séjour des étrangers (Aufenthaltsgesetz)
sont régies au niveau fédéral par
une législation exclusive ou concurrente. La législation de base
en ce domaine est la loi sur l'immigration.
52. Premièrement, l'article 87 de la loi relative au séjour des
étrangers (AufenthG) limite l'accès des demandeurs d'asile et des
migrants sans papiers aux soins de santé et oblige le personnel
médical à les dénoncer. En vertu de la loi sur la procédure de demande
d'asile, il est toujours de pratique courante de limiter les déplacements
des demandeurs d'asile à l'intérieur du pays et de leur imposer
le port d'un permis spécial pour pouvoir se rendre dans une autre
ville (paragraphes 56 et suivants AsylVfG). Enfin, jusqu'à récemment, il
n'existait pas d'actes juridiques pour sanctionner les crimes de
haine et les violences à motivation raciste. Les victimes de ce
type d'infraction ne sont pas protégées.
53. Comme on me l'a expliqué, la politique nationale allemande
en matière de demande d'asile veut que l'hébergement des réfugiés
soit réparti à travers tout le pays. La région de Saxe-Anhalt devrait
accueillir cette année entre 750 et 1 000 de ces réfugiés.
54. J'ai rencontré le président du parlement régional ainsi que
des représentants de divers partis politiques à Magdebourg, capitale
de la région de la Saxe-Anhalt, où la population étrangère ne représente
que 2,5 % des habitants. J'ai cependant été informé que la peur
des étrangers est très présente au sein de la population locale
et qu'elle se fonde sur la crainte d'une dégradation de l'économie
(«les étrangers vont nous prendre nos emplois») et de la différence,
héritée de l'ancien système socialiste dans lequel les contacts
avec des étrangers étaient limités. On établit aussi une distinction
entre la culture de bienvenue vis-à-vis des étrangers, pratiquée envers
les réfugiés et demandeurs d'asile, et le rejet violent des migrants
économiques en provenance de la région des Balkans.
55. Afin de combattre ces craintes, les pouvoirs locaux ont conçu
une série de mesures d'intégration et d'activités de sensibilisation,
tout en reconnaissant que l'Etat ne soutient pas assez ces activités
sur le plan financier. Les petites communes n'ont pas de budget
à consacrer aux activités d'intégration et aucun programme spécial
ne prépare la population locale à accueillir des étrangers.
56. Au niveau fédéral, les autorités allemandes ont engagé toute
une série de mesures pour réagir à la récente recrudescence de la
violence envers les migrants. L'agence fédérale de lutte contre
la discrimination a mené une étude sur les expériences de discrimination
vécues par les migrants. Les résultats de cette étude ont montré
que 41,9 % des personnes interrogées d'origine immigrée avaient
été victimes de discriminations au cours des douze précédents mois.
Les migrants de confession musulmane ont rapporté un nombre nettement
supérieur d'actes discriminatoires (38,2 % d'entre eux ont souffert
de discriminations sur le marché du travail).
57. Dans le cadre de ses mesures de lutte contre la violence faite
aux femmes, le ministère fédéral des Affaires familiales, du troisième
âge, des femmes et de la jeunesse se concentre sur la situation
particulière des immigrantes. Celles-ci sont beaucoup plus exposées
aux violences que les femmes allemandes et sont en outre souvent
insuffisamment informées de leurs droits et du système de protection
et d'aide offert par l'Allemagne. Le ministère soutient un réseau
d'organisations non gouvernementales qui procèdent à des évaluations
des besoins des femmes migrantes touchées par la violence et leur
apportent leur aide.
58. On constate cependant au niveau du ministère de l'Intérieur
un manque de mesures concrètes pour protéger les migrants de violences
ou d'agressions, et les arrestations – de même que les condamnations
– en lien avec ces faits sont rarissimes.
59. Le Gouvernement allemand doit trouver un moyen de faire face
au sentiment croissant d'hostilité envers les réfugiés, ainsi qu'à
la nouvelle vague d'immigration – la plus importante depuis les
années 1990. Il faut en outre que les autorités locales répondent
aux inquiétudes croissantes des citoyens concernant l'insuffisance des
logements et l'intégration de divers groupes culturels. C'est pourquoi
l'enjeu principal consistera à instaurer une plus grande tolérance
et à mieux faire accepter les réfugiés. Enfin, le gouvernement fédéral
devra déterminer comment protéger les réfugiés et leurs habitations.
60. Il est également important de reconnaître la protection contre
la discrimination comme une responsabilité à la fois locale et nationale.
Toute municipalité hébergeant des migrants doit mettre à leur disposition
des services de conseil spéciaux ainsi que des programmes communautaires
encourageant leur intégration, les connaissances interculturelles,
l'engagement citoyen et le bénévolat. Il faut informer le public des
dégâts causés par les activités des néonazis en matière de discrimination.
61. Je suis heureux de constater une évolution positive récente
au sein du Parlement allemand qui, le 23 juillet 2015, a modifié
la législation en instaurant davantage de sanctions pour les infractions
à motivation raciste et en accordant plus de pouvoirs aux procureurs
fédéraux dans les affaires de «crimes de haine». Les procureurs
seront également en mesure de lancer des procédures conjointes dans
des cas impliquant plusieurs ressortissants allemands.
4.3. Grèce
62. La Grèce a connu l'année dernière
une hausse spectaculaire de l'afflux de demandeurs d'asile en provenance
d'Asie, d'Afrique et du Proche-Orient cherchant désespérément à
rejoindre l'Europe par la mer. Comme l'a rapporté le HCR, les arrivées
de migrants par la mer en 2015 ont atteint à la fin du mois de septembre
de cette même année le nombre de 520 957
. Ce nombre est au moins deux
fois supérieur à celui de 2014. Ils arrivent majoritairement de
Syrie, d'Afghanistan et d'Irak.
63. Cet afflux massif de migrants débarquant sur des îles telles
que Lesbos, Kos, Chios, Samos, Leros, et Rhodes a mis à rude épreuve
les capacités d'accueil de la Grèce. Ceci s'est soldé par quelques
incidents violents isolés, comme par exemple sur l'île de Kos, où
des policiers ont tenté de maîtriser une foule de migrants en utilisant
des matraques et des extincteurs d'incendie
.
En l'absence de toute installation d'accueil officielle, les réfugiés
étaient parqués dans des conditions inhumaines, dormant en plein
air et manquant d'eau et de nourriture
.
64. Plusieurs plaintes m'ont été adressées par des organisations
de défense des droits des migrants concernant les exactions commises
dans des centres de rétention, les conditions de rétention inhumaines
et les prolongements des périodes de rétention. La plupart de ces
affaires ne sont pas enregistrées et les agents de police n’encourent
aucune sanction. Plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits
de l'homme ont conclu à une violation de l'article 3 de la Convention
due à de mauvaises conditions de détention et à des lacunes systématiques
dans la procédure d'asile
.
65. Afin de suivre l'évolution de la situation, j'ai effectué
en Grèce une visite d’information durant laquelle je me suis rendu
sur l'île de Lesbos, l'un des principaux points de débarquement
des migrants arrivant de Turquie par la mer. Deux centres d'enregistrement
des migrants d'une capacité maximale d'accueil de 2 000 personnes par
jour sont installés à Lesbos. Le directeur de l'un de ces centres
a néanmoins rapporté plus de 4 000 arrivées par jour, nombre qui
excède de loin la capacité des centres. Je peux cependant témoigner
de la bonne organisation de la procédure d'enregistrement, malgré
le nombre considérable de personnes attendant leur tour, dont des
familles avec des enfants en bas âge. Le centre d'accueil abritait
près de 10 mineurs non accompagnés séparés des adultes et attendant
d'être placés dans des établissements spécialisés pour enfants.
La direction du centre d'accueil, ainsi que les assistants du HCR
chargés de la protection, ont insisté sur le besoin impératif de
renforcer la capacité du centre en le dotant de matériels d'enregistrement
plus sophistiqués et en augmentant le nombre de collaborateurs qualifiés.
66. Le Service d'asile grec fait de son mieux pour faciliter l'accès
à la procédure d'asile et aider à la réinstallation de personnes
ayant manifestement besoin d'une protection internationale. Depuis
le deuxième semestre 2014, pour répondre à l'augmentation de 315 %
des ressortissants syriens pénétrant illégalement en Grèce, le Service
d'asile a mis en place une procédure accélérée permettant d'enregistrer
et d'examiner les demandes en une seule journée. Cependant, eu égard
à l'absence d'itinéraires légaux d'arrivée des migrants en provenance
de Turquie, lesquels arrivant majoritairement par mer, il est difficile
d'estimer combien arriveront en une journée. Afin d'empêcher toute
atteinte aux droits des migrants et de lutter contre les trafiquants,
il est indispensable de renforcer d’au moins 1 000 membres supplémentaires
les garde-côtes grecs.
67. Quant aux violences envers les migrants en Grèce, on peut
constater que la situation s'est nettement améliorée ces deux dernières
années. Lors de la montée du parti néonazi Aube dorée, entre 2009-2013,
les membres de ce parti se sont souvent livrés contre des migrants
à des agressions et à des attentats que Human Rights Watch a classés
dans la catégorie «actions semi-officielles», dans le sens où les
forces de l'ordre n'enquêtaient pas sur les faits
. En 2012, l'opération Xenios Zeus
s'est caractérisée par une émeute sociale au cours de laquelle près
de 4 500 policiers ont procédé dans les rues à des descentes destinées
à arrêter des immigrants pour les diriger vers un centre de rétention
à Athènes et les soumettre à des traitements humiliants. On estime
que la plupart des 40 000 immigrants ont été pris durant cette opération
et que 6 000 d'entre eux ont été placés en rétention dans un centre
où ils étaient contraints de passer des heures à genoux à même le sol
.
68. Les autorités grecques ont pris diverses mesures pour remédier
à cette situation, comme la création au sein de la police grecque
de départements et de bureaux spécialisés dans la prévention et
la répression des infractions commises pour des motifs religieux,
ethniques ou raciaux, la mise en place d'une permanence téléphonique
permettant de signaler des actes de violence raciste, la nomination
d'un procureur général pour poursuivre les auteurs d'actes racistes
violents, une modification des règles de financement public des
partis politiques, ainsi que l'adoption en septembre 2014 d'une
nouvelle loi de lutte contre le racisme visant à renforcer la législation
en vigueur contre le racisme. Depuis 2015, le placement en rétention
n'est appliqué qu'en dernier ressort et pour une période n'excédant
pas six mois. En dépit de ces améliorations, il reste à régler certaines
questions mises en évidence dans le cinquième rapport de la Commission
européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur la Grèce,
publié le 24 février 2015.
69. Le problème principal mis en avant par l'ensemble des acteurs
de la protection des droits de l'homme, y compris par le médiateur
grec, est l’absence de mécanismes d'enregistrement et de suivi des
incidents racistes et des crimes de haine, ainsi que de protection
des victimes, qui soient efficaces et indépendants de la police.
Par ailleurs, il n'existe aucun organisme public fiable pour recueillir
des informations sur les attaques violentes perpétrées contre les
migrants.
70. A l'initiative de la Commission nationale des droits de l'homme
et du HCR, un réseau d'enregistrement des incidents de violence
raciste a été mis sur pied pour coordonner les activités des ONG
en matière de collecte d'informations sur les actes de violence
envers des migrants et garantir une réaction rapide des autorités
grecques. En 2014, ce réseau a enregistré 46 agressions contre des
réfugiés et des migrants. De nombreuses victimes de ces agressions
n'ont pas souhaité prendre d'autres mesures ni porter plainte, soit
par peur de persécutions de la part des auteurs ou par crainte d'éventuelles
conséquences pour leur statut. Certaines victimes ont exprimé leur
manque de confiance vis-à-vis du système judiciaire. Dans deux cas,
elles ont affirmé avoir été dissuadées d'agir par la police. Malgré
plusieurs enquêtes récentes sur des infractions à motivation raciale,
les agressions contre des réfugiés et des migrants constituent la
majorité des affaires recensées par le réseau. Quand bien même le
nombre de ces agressions a diminué, le schéma d'agressions organisées
en groupe et de violences physiques se perpétue.
71. Jusqu'à une époque récente, les condamnations ne tenaient
pas compte des motivations raciales. L'établissement dans l'article
81 du Code pénal d'une circonstance générale aggravante pour les
crimes motivés par la haine a imposé l'obligation d'une répression
des crimes de haine en tant qu'actes punissables en soi. Cette disposition
ne peut toutefois être efficace si les fonctionnaires de police
ne portent pas spécialement attention à une possible motivation
raciale dès les premières étapes de la procédure d'enquête. Il faut
que les agents des forces de l’ordre et les autorités judiciaires
et de poursuites soient formés à traiter les crimes de haine et
à en assister les victimes. Ils doivent veiller à ce que toute motivation
raciste fasse l'objet d'une enquête approfondie à chaque stade de
la procédure judiciaire, et en particulier durant l'enquête préliminaire,
conformément à la circulaire de la police no 7100/4/3
du 24 mai 2006.
72. Concernant l'intégration des migrants, les autorités grecques
ont adopté une politique nationale d'intégration sociale pour les
années 2014-2020, laquelle inclut des mesures préalables au départ
pour les migrants réguliers potentiels, des cours de grec, ainsi
que la création de centres de soutien pour migrants et de conseils
d'intégration des migrants au niveau municipal. En avril 2014, le
Parlement grec a adopté le Code sur les migrations et l'intégration
sociale qui favorise le statut de résident de longue durée, instaure
des conditions de séjour particulières pour la «deuxième génération»
et inclut des bénéficiaires de la protection internationale dans
les politiques d'intégration relatives aux ressortissants de pays
tiers.
73. En visite à Lesbos, j'ai été impressionné par la manière dont
la population grecque exprimait sa compassion envers les migrants,
en les aidant et en leur fournissant des denrées alimentaires et
des produits de première nécessité. Ce mouvement général de soutien
des réfugiés a été souligné par les dirigeants comme par les représentants
de la société civile. A la suite de la condamnation publique d'attaques
racistes et de la dénonciation du discours raciste de certains politiciens,
le nombre d'infractions de ce type a diminué et le soutien apporté
au parti néonazi Aube dorée s'est considérablement réduit.
74. Il convient cependant de renforcer les mesures positives adoptées
par le Gouvernement grec pour lutter contre la violence envers les
migrants par des stratégies de mise en œuvre. Il faut avant tout
que les victimes de violences racistes, y compris les migrants sans
papiers, aient un accès direct au système judiciaire. L'arrestation
et la détention de victimes et de témoins ayant porté plainte doivent
être interdites dans la période séparant l'accusation et la prise
d'une ordonnance par un procureur spécial. Il est également important d'engager
des poursuites pour crimes de haine en tant qu'infractions particulières
déterminées par le Code pénal, en combinaison avec les circonstances
aggravantes générales. Si les victimes de violences sont des mineurs
non accompagnés, elles doivent bénéficier de soins de santé, être
logées dans des centres d'hébergement spéciaux et avoir accès à
l'éducation et à un apprentissage de la langue, tout ceci gratuitement. Quant
aux exactions commises au sein des centres de rétention, il faut
que les autorités veillent à ce que les migrants aient accès à l'aide
judiciaire et puissent déposer plainte. Je pense pour finir que
les organisations internationales, dont le Conseil de l'Europe et
le HCR, pourraient aider le Gouvernement grec à concevoir un plan
d'action visant à prévenir et combattre les crimes de haine et les
violences envers les migrants, y compris par la mise en œuvre d'un
plan spécial d'éducation.
4.4. Italie
75. L'Italie fait face à une arrivée
massive de migrants fuyant les guerres de Syrie, d'Irak et de Somalie,
la pauvreté au Sénégal, au Niger, en Sierra Leone et au Cameroun
et l'oppression en Erythrée et en Ethiopie. En 2014, 63 000 migrants
ont traversé la Méditerranée pour atteindre l'Italie
.
76. A la périphérie de Rome, dans le quartier de Tor Sapienza,
la police anti-émeutes a été mobilisée contre des réfugiés séjournant
dans un centre de rétention lors d'incidents que le HCR a qualifiés
d'actes «inacceptables de violence et d'intolérance».
On estime à 70 le nombre de réfugiés
nigérians, qui comptent parmi eux des mineurs originaires d'Egypte
et du Bangladesh, retenus dans ce centre
. On leur a également asséné des messages
xénophobes et racistes figurant sur des banderoles déployées pendant
les émeutes et qui clamaient «Les Musulmans, dehors!» et «Longue
vie au Duce!»
.
77. Dans d'autres villes telles que Rossano, dans la région de
Calabre (Italie du Sud), des travailleurs migrants saisonniers originaires
d'Afrique ont été agressés en janvier 2010, avant qu'une autre attaque
soit menée contre un bar bengali à Rome en mars de la même année.
Human Rights Watch a aussi répertorié des cas d'abus des forces
de l'ordre sur des migrants roms lors d'expulsions de campements
. L'organisation italienne de lutte
contre le racisme a recensé 398 cas de crimes de haine rapportés
par les médias, dont 186 agressions physiques commises cette même
année. Mohamed Alwash a fait état au nom du HCR à Tripoli de certains
«refoulements» effectués par des patrouilles italiennes lors de
l'interception d'un bateau ayant à son bord 89 personnes, dont 75
Erythréens comptant parmi eux neuf femmes et trois enfants. Cet
incident s'est produit en 2011. Le refus des Erythréens de rentrer
dans leur pays a provoqué entre les migrants et l'équipage italien
des heurts durant lesquels les Italiens ont frappé certains Africains
à l'aide de barres de plastique ou de métal
.
78. A Lampedusa et Pozzallo, des émeutes qui ont opposé les forces
de l'ordre et des réfugiés ont donné lieu à des jets de pierres
et à des charges violentes de la police, ce qui – de l'avis du HCR
– révèle l'incapacité de l'Italie à faire face à un afflux constant
de réfugiés
.
79. Mentionnons également la crise récemment traversée par le
réseau «Mafia Capital» à Rome, qui a impliqué des dirigeants politiques
locaux, des chefs d'entreprise et des criminels en lien avec des
groupes néofascistes actifs dans les années 1970 et 1980, accusés
de corruption pour des appels d'offres publics relatifs à la gestion
de centres d'accueil de migrants. Ce réseau de trafiquants a tiré
profit de la crise de la migration en faisant de l'hébergement des
migrants un commerce lucratif.
4.5. Turquie
80. La Turquie est considérée comme
un pays de destination pour les réfugiés fuyant la violence de Daech en
Irak et en Syrie. Selon les données du HCR pour le mois de novembre
2015, la Turquie accueillerait environ 2 715 789 demandeurs d'asile
et réfugiés
.
81. Entre décembre 2013 et août 2014, l'organisation a signalé
que les réfugiés syriens qui se voyaient refuser l'accès au territoire
turc étaient molestés par les gardes-frontière turcs. Dix incidents
distincts ont été recensés, au cours desquels 31 civils ont été
attaqués à balles réelles et battus par des gardes-frontière turcs alors
qu'ils tentaient de pénétrer illégalement dans le pays.
Ils ont été frappés à coups de poings,
de pieds et de bâtons. Des réfugiés ont également déclaré à Amnesty
qu'on les avait humiliés en les déshabillant, en leur urinant dessus
et en les faisant ramper comme des animaux
.
82. En octobre 2014, dans son rapport «Turquie: complément d'informations:
il faut enquêter sur la détention de réfugiés», Amnesty International
indiquait que près de 300 réfugiés de la ville syrienne de Kobanı fuyant
Daech avaient été retenus jusqu'à 15 jours dans un gymnase de Suruç,
dans la province de Şanlıurfa proche de la frontière. Le groupe
se composait de femmes, d'hommes et d'une trentaine d'enfants enfermés dans
des conditions déplorables, battus, menacés avec des couteaux et
maltraités par la gendarmerie
. L'organisation
déclare avoir conduit des entretiens au cours desquels les réfugiés
affirmaient avoir été jetés à terre et forcés à ramper par des membres
de la gendarmerie. Certains les ont menacés par un couteau placé sous
la gorge et leur ont dit «On va vous couper la tête et la balancer
en Syrie».
83. Les réfugiés étaient confinés dans le gymnase pratiquement
24 heures sur 24. Amnesty a constaté que la ventilation y était
insuffisante et qu'il n'y avait qu'une seule douche et un seul WC,
tous deux d'une saleté repoussante. Certains réfugiés qui y ont
été découverts affirment souffrir de problèmes de santé – troubles respiratoires,
problèmes cardiaques, affections cutanées et anémie – qui se sont
aggravés du fait de leur détention et parce qu'on leur a refusé
l'accès à des traitements médicaux pendant leur détention
.
84. La délégation du Comité international de secours qui s'est
rendue en Turquie a en outre constaté le traumatisme d'enfants ayant
subi des violences et sévices divers, la négligence et l'exploitation
. Un rapport de 2015 récemment publié
affirmait qu'un enfant syrien avait été agressé par le gérant du
restaurant d'une filiale de Burger King pour avoir mangé les restes
de nourriture d'un client
.
85. A Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, les groupes d'extrême-droite
quadrillent la ville pour localiser des réfugiés et les passer à
tabac en public. Des réfugiés ont également été expulsés de certains
quartiers et agressés et blessés dans les rues ou dans les parcs
.
4.6. Fédération de Russie
86. La Russie est le principal
pays de destination pour les migrants en provenance d'anciennes
républiques soviétiques d'Asie centrale et du Caucase, mais elle
reçoit également des migrants originaires d'Afrique. Selon Human
Rights Watch, cet afflux de migrants confronte le pays à des tensions
ethniques ainsi qu'à des heurts liés à l'emploi entre travailleurs
migrants
.
87. Les organisations de défense des droits de l'homme font amplement
état de meurtres à motivation raciste et ethnique et d’autres agressions
violentes perpétrés par des néonazis en Russie. Les migrants et réfugiés
en provenance d'Asie et d'Afrique en sont les premières victimes
. Comme l'a indiqué le Centre d'information
et d'analyse SOVA, au moins 11 personnes ont été tuées et environ
82 autres blessées dans des agressions racistes en Russie en 2015.
Cette même année, les tribunaux ont prononcé 12 condamnations pour
des faits qualifiés de violences racistes.
88. En 2014, 12 migrants originaires d'Asie centrale ont été tués
et 23 autres blessés (à titre de comparaison, il y a eu 14 tués
et 61 blessés en 2013). Les migrants victimes de ces attaques ont
peur de les signaler et ne font que rarement appel à la police,
aux organisations communautaires ou aux médias. Le discours xénophobe
des médias russes et les allocutions anti-migrants de certains dirigeants
politiques ne font qu'inciter l'opinion à traiter les migrants comme
des boucs émissaires. La radio d'Etat Vesti FM a publié sur son
site web un plan intitulé «Etrangers illégaux» localisant tous les
lieux de Moscou où vivent des migrants sans papiers et demandant
aux citoyens locaux de l'actualiser afin de dénoncer «le monde clandestin
des migrants».
89. Plusieurs agressions ont également été commises contre d'autres
«étrangers ethniques» sous des slogans xénophobes – contre des Palestiniens
à Voronej (six blessés), des Tsiganes dans la région de Riazan (quatre
blessés), un Bangladais et un Chinois à Moscou, deux Japonais dans
la région de Moscou, ainsi que des Kirghizes à Moscou et à Irkoutsk
.
90. Human Rights Watch a également signalé des opérations de police
à grande échelle au cours desquelles des milliers de migrants ont
été arrêtés dans toute la Russie, simplement en raison de leur physionomie
non slave. Ils ont subi une détention prolongée dans les cellules
de rétention temporaire de postes de police et n'ont pas été autorisés
à consulter un avocat, et des tribunaux ont ordonné leur expulsion en
s'appuyant sur des auditions superficielles et convenues d'avance.
En 2014, le lancement de l'Opération migrants
s'est caractérisé par des arrestations et mises en détention massives
de migrants à Moscou et Saint-Pétersbourg
. Une opération similaire, nommée
«Opération clandestins 2014», a été conduite à Saint-Pétersbourg
du 22 septembre au 10 octobre 2014. Elle s'est soldée par des accusations
pénales contre 437 migrants
. Des policiers ont effectué des descentes
dans les rues, où les migrants ont été frappés et ont subi la destruction
de leurs biens et des actes de vandalisme. Toutes ces actions sont
restées impunies. Au cours de ces opérations, plus de 7 000 personnes
ont été arrêtées dans tout Moscou – plus de 800 d'entre elles se sont
déjà vu signifier une ordonnance d'expulsion
.
91. Les autorités russes et les agents des forces de l’ordre n'ont
pas apporté de réponses adéquates aux crimes de haine commis à l’encontre
des migrants. Les organisations non-gouvernementales de défense
des droits de l'homme travaillant avec les migrants ont rapporté
plusieurs affaires de mauvais traitements infligés à des migrants
par la police. Le Comité d'assistance civique a pris acte du cas
d'un migrant battu par la police et abandonné inconscient aux abords
de la ville.
92. Outre la violence physique, les migrants et leurs familles
vivant en Russie sont particulièrement défavorisés concernant l'accès
à l'éducation et aux soins de santé. Ils sont également exploités
sur le marché du travail (retards dans le paiement des salaires,
absence de rémunération, travail forcé).
93. Les autorités russes doivent d'urgence adopter des mesures
pour remédier à la violence envers les migrants dans leur pays et
s'acquitter de leurs obligations en matière de droits de l'homme.
5. Mesures de lutte contre
la violence à l'égard des migrants
5.1. S'attaquer aux causes profondes
de la violence
94. Pour réduire la violence, il
faut avant tout en comprendre l'origine et les causes. L'intensification
de la violence envers les migrants résulte de l'intolérance (racisme
et xénophobie), notamment en cas d'instabilité politique du pays
d'accueil. Le racisme et le discours de haine se nourrissent d'un
manque d'éducation et d'information des communautés locales, au
sein desquelles les migrants sont depuis longtemps stigmatisés, notamment
par la faute des médias. De plus, le statut des travailleurs immigrés
en situation irrégulière les prive de toute protection, ce qui les
rend encore plus vulnérables aux violences.
95. Dans ces circonstances, la violence est perpétuée aussi par
le silence des migrants. En effet, craignant d'être dénoncés ou
expulsés, ils ne signalent pas les exactions dont ils sont victimes.
Par conséquent, les auteurs demeurent inconnus et impunis (il peut
s'agir d'employeurs, d'autres migrants, de groupes criminels organisés,
voire d'acteurs corrompus de l'Etat)
.
96. Pour s'attaquer aux causes profondes de la violence, il est
donc nécessaire de faciliter l'accès des migrants à la justice.
Il faut veiller à ce qu'ils bénéficient d'une assistance judiciaire,
quel que soit leur statut migratoire, et s'assurer que les victimes
puissent témoigner en toute liberté devant les tribunaux, sans crainte de
représailles de la part du pays d'accueil.
97. La clé de la lutte contre la violence demeure néanmoins l'intégration.
Cette intégration doit se fonder sur l'éducation des communautés
locales et des migrants, et tout particulièrement de la jeunesse.
Aux Pays-Bas, par exemple, les migrants sont tenus de suivre des
programmes d'assistance linguistique, une orientation sociale/professionnelle
et une formation générale
.
Il faut également faciliter l'acquisition de la nationalité par les
migrants et nous assurer de l'absence de toute ségrégation en mettant
en place des programmes de développement local.
5.2. Renforcer la législation
98. La législation est un outil
indispensable pour combattre la violence envers les migrants. Néanmoins, certaines
lois comme celle qui érige l'immigration irrégulière en infraction
pénale peuvent au contraire aggraver cette violence et exposer davantage
les migrants au racisme et à la xénophobie. C'est pourquoi il faut
que les Etats revoient et modifient leur législation pour garantir
que l'immigration irrégulière ne soit pas considérée comme une infraction
pénale, et qu'ils ratifient l'ensemble des instruments internationaux
en matière de droits de l'homme (et en particulier la Convention
internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants
et des membres de leur famille).
99. Dans ce contexte, il faut également que les Etats renforcent
les lois contre le discours de haine raciste, la discrimination
et la xénophobie. Toute forme d'incitation à la discrimination raciale
doit être érigée en infraction pénale par le droit national et toute
disposition de la législation des Etats membres autorisant ou excusant
la violence envers les migrants doit être éliminée.
100. Les lois de lutte contre la violence au sein des communautés
de migrants doivent également être renforcées. Etant donné la vulnérabilité
des femmes et des enfants migrants, le droit pénal et le droit civil doivent
être modifiés pour que toute pratique traditionnelle dommageable,
sous toutes ses formes (mutilation génitale féminine, crime d'honneur
ou test forcé de virginité), soit interdite et érigée en infraction
pénale.
5.3. Protéger et assister les
victimes et les témoins
101. Les Etats doivent s'assurer
que les migrants soient informés de leur droit d'être protégés de
la violence et de demander réparation en justice. Trop souvent,
les migrants ne s'y hasardent pas par crainte de représailles ou
de mesures d'expulsion. C'est pourquoi la répression de la violence
doit prévaloir sur le contrôle de l'immigration et le statut des
victimes.
102. L'article 16.2 de la Convention internationale sur les droits
de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
apporte des réponses pénales aux victimes de violences physiques
ou sexuelles
. Les Etats n'en doivent pas moins
mettre en place de nouvelles mesures pour garantir la sécurité des
migrants lors des procédures pénales et s'assurer qu'ils ne risquent
pas une victimisation secondaire par des représentants de la justice.
Il faut de plus que les Etats assurent la protection des témoins
migrants contre les représailles.
103. Concernant les services d'assistance, il faut que les gouvernements
fournissent aux victimes les soins nécessaires (matériel médical,
assistance psychologique et sociale) sans tenir compte de leur statut migratoire.
Les migrants doivent être informés de leurs droits (par des services
d'assistance ou des brochures) de manière à pouvoir être aidés.
Des soins spéciaux doivent en outre être prodigués aux victimes
vulnérables telles que les femmes ou les enfants, en fonction de
la nature des violences subies.
5.4. Punir les auteurs de violences
104. Les condamnations pour violence
envers les migrants doivent être proportionnées à la gravité des infractions
mais doivent également permettre la réinsertion de leurs auteurs
dans la société tout en évitant les risques de récidive. C'est la
raison pour laquelle des solutions autres que l'incarcération –
sanctions économiques, travaux d'intérêt général ou assignation
à résidence – sont privilégiées
.
Les Etats n'en doivent pas moins modifier leur législation pour
y inclure comme circonstance aggravante la perpétration d'actes violents
à l'égard des migrants.
105. Lorsque les auteurs d'infractions violentes sont des migrants,
nous devons nous assurer qu'ils sont incarcérés dans des conditions
non discriminatoires
.
Au cours de leur détention, ils doivent jouir des mêmes droits que
les non-migrants.
5.5. Sensibiliser aux problèmes
106. Les campagnes de sensibilisation
doivent avant tout être envisagées dans les pays d'origine. Il est fondamental
d'avertir les migrants des violences auxquelles ils s'exposent lors
du processus migratoire, ainsi que de leur vulnérabilité face aux
criminels. Il faut également les informer de possibilités de migration
plus sûres et leur dire où s'adresser pour demander de l'aide
.
107. Il convient également de mener des campagnes de sensibilisation
dans les pays hôtes. Les Etats doivent sensibiliser l'opinion aux
violences endurées par les migrants tout au long de leur périple,
que ce soit dans les pays d'origine, de transit ou de destination.
Il faut en outre renforcer les liens culturels entre migrants et
communautés locales. Il est essentiel que ces dernières aient conscience
des avantages de la migration pour mettre un frein à la discrimination
et à la xénophobie. Encourager le respect pour la diversité est
la clé de l'intégration sociale et de l'instauration de la non-violence.
6. Conclusions
et recommandations
108. Jusqu'à présent, la réponse
des Etats membres n'a pas suffi à protéger les migrants de la violence. Même
si les droits des migrants sont généralement protégés au moyen d'instruments
juridiques, la violence reste extrêmement préoccupante, qu'il s'agisse
du trafic de migrants, des centres de rétention ou du travail forcé.
C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer la protection des
migrants, et en particulier des femmes et des enfants, qui sont
les plus vulnérables.
109. L'application de la loi est essentielle mais ne suffit pas
à prévenir les violences envers les migrants. Il convient d'intégrer
les mesures dans une approche plus globale allant d'une politique
d'immigration claire à de nouvelles mesures préventives telles que
des campagnes de sensibilisation
dans
les pays de destination, en vue d'encourager la tolérance et de
favoriser l'intégration sociale des migrants.
110. Considérant le nombre croissant d'actes de violence à l'égard
des migrants, l'Assemblée parlementaire devrait appeler les gouvernements
à modifier leur législation afin que l'immigration irrégulière ne
soit pas qualifiée d’infraction pénale. Il faudrait en outre que
les Etats se mobilisent contre les abus commis par des membres des
forces de l’ordre, qui doivent être traduits en justice et sanctionnés.
Pour ce qui est de la violence exercée dans le contexte du travail
forcé, il est nécessaire d'informer les migrants des conditions
de travail auxquelles ils ont droit et de sanctionner les employeurs
responsables de violences. De plus, les autorités locales devraient
collaborer et coopérer avec les médias pour que ceux-ci évitent
de transmettre sur les migrants des informations erronées ou caricaturales
susceptibles de susciter des sentiments racistes et xénophobes vis-à-vis
de cette population. Il est également indispensable d'adopter des
mesures visant à dissocier les poursuites pour violences des procédures
de l'immigration, de manière à protéger les migrants contre la violence
quel que soit leur statut migratoire.
111. Enfin, je souhaiterais renouveler auprès des Etats membres
du Conseil de l'Europe mon appel à contribuer à la ratification
généralisée de la Convention d'Istanbul. Il faudrait également que
les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait ratifient la Convention
du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation
et les abus sexuels afin d’assurer la protection des enfants migrants.