1. But et champ d’étude du rapport
1. L’humanité a connu plusieurs
pandémies dévastatrices. Au XIVe siècle,
la «peste noire» a décimé plus de la moitié de la population européenne,
et la variole a ôté la vie à quelque 400 millions de personnes avant son
éradication en 1980. Au siècle dernier, en l’espace de quelques
mois seulement, une pandémie de grippe a provoqué deux fois plus
de décès que la première guerre mondiale. Plus récemment, le syndrome respiratoire
aigu sévère (SRAS) (2003), la pandémie grippale liée au H1N1 (2009),
la flambée de maladie à virus Ebola (2014) et, plus récemment, cette
année, l’épidémie de virus Zika ont été un dur rappel à la réalité: la
menace que posent les maladies contagieuses et potentiellement létales
n’a pas disparu. Au total, plus de 28 000 cas de contamination par
le virus Ebola ont été imputés à la flambée épidémique survenue
en Afrique de l’Ouest et au moins 11 000 personnes en sont décédées.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait état de quelque 500
décès dus au syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), tandis
que les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC)
estiment à 284 500 le nombre de personnes ayant perdu la vie au
cours de la pandémie grippale liée au H1N1. Ces chiffres nous donnent
une idée de la forte incidence des dernières pandémies et de leurs
répercussions massives sur les droits humains essentiels que sont
le droit à la vie et le droit au meilleur état de santé susceptible
d’être atteint, ainsi que d’autres droits liés à la santé garantis,
entre autres, par la Charte sociale européenne (STE nos 35
et 163).
2. Dans un monde globalisé où les distances sont de plus en plus
faciles à franchir, où la pauvreté et le manque d’hygiène se généralisent
et où la densité de population augmente, les maladies infectieuses
sont susceptibles de se propager plus vite que jamais, faisant ainsi
peser une menace sur la santé non seulement des communautés locales
où elles se déclarent et se développent, mais aussi bien au-delà.
En d’autres termes, à l’heure actuelle, les probabilités pour qu’une
épidémie de maladie infectieuse ne reste pas limitée à une zone
bien circonscrite ou à un seul pays mais prenne une dimension internationale
sont bien plus grandes qu’avant. En outre, en raison des migrations,
de l’urbanisation, de la croissance démographique et de la pression
toujours plus grande sur les habitats naturels, de plus en plus
de personnes sont exposées à la transmission des maladies de l’animal
à l’homme, phénomène à l’origine des épidémies d’Ebola (chauves-souris),
de MERS (chameaux) et de H1N1 (porcs), le virus Zika étant quant
à lui transmis par des moustiques. Certains experts sont convaincus
que la prochaine menace de contamination à l’échelle internationale proviendra
d’un autre virus, très probablement transmis par voie respiratoire
ou aérienne comme le SRAS, et susceptible de se propager sur de
grandes distances et plus rapidement, à l’image de la flambée épidémique survenue
en République de Corée en mai 2015, avec un schéma comportemental
totalement différent de l’épidémie d’Ebola
. Une pandémie de grippe sévère
pourrait à elle seule coûter $US 3 milliards, à telle enseigne que
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE),
entre autres, place les pandémies sévères au rang des risques de
catastrophe les plus élevés à l’échelle mondiale
.
3. L’OMS est responsable au premier chef de la gestion des urgences
de santé publique de portée internationale, car son rôle prioritaire
est de diriger et de coordonner la santé mondiale au sein du système
des Nations Unies, l’un de ses principaux domaines d’activité étant
la préparation, la surveillance et la réponse aux crises sanitaires.
L’OMS joue un rôle directeur dans la mise en place des systèmes
qui constituent la défense, au niveau mondial, contre les événements
inattendus d’origine microbienne. Elle entend ainsi aider les pays
à se doter des capacités requises par le Règlement sanitaire international
(RSI) de 2005. Elle rend régulièrement compte des progrès accomplis
et du renforcement des systèmes et des réseaux pour assurer une
intervention rapide et coordonnée en cas d’urgence de santé publique.
4. Certaines crises sanitaires qui mettent en danger la santé
publique dans le monde peuvent être qualifiées, en vertu du règlement
RSI, d’urgences de santé publique de portée internationale. Le RSI
définit l’expression «urgence de santé publique de portée internationale»
comme un événement extraordinaire dont il est déterminé:
i. qu’il constitue un risque pour
la santé publique dans d’autres Etats en raison du risque de propagation internationale
de maladies;
ii. qu’il peut requérir une action internationale coordonnée.
Cette définition suppose une situation grave, inhabituelle
ou inattendue qui a des répercussions pour la santé publique au-delà
des frontières nationales de l’Etat touché et qui peut exiger une
action internationale immédiate .
2. Enseignements
tirés de l’expérience
5. «La santé n’a pas de valeur
jusqu’à ce que la maladie vienne
.»
La récente flambée de maladie à virus Ebola, la plus vaste et la
plus complexe épidémie que nous ayons connue, donne à penser que
la communauté internationale n’est pas suffisamment préparée à gérer
les grands risques sanitaires. L’épidémie d’Ebola s’est révélée
être un événement exceptionnel, qui a montré combien les systèmes
d’aide et de santé publique internationaux étaient incomplets et
longs à réagir aux urgences internationales
.
Cela étant, les urgences de santé publique de portée internationale
ont d’autres conséquences que celles liées à la maladie concernée: elles
ont des répercussions sur la santé en général, qui se traduisent
notamment par le développement de troubles psychologiques ou d’autres
maladies. Par ailleurs, une maladie comme celle liée au virus Ebola,
qui présente des symptômes non spécifiques, communs à de nombreuses
maladies très répandues (malaria et autres fièvres), n’est pas facile
à diagnostiquer, d’où les nombreuses ressources consacrées à son
dépistage et à la mise en quarantaine des porteurs présumés. A mesure
que l’épidémie a progressé en Afrique, il fut nécessaire de multiplier
les ressources consacrées à cette maladie émergente, souvent au
détriment d’autres affections (d’où les morts en couches et les
décès dus à des maladies pourtant curables telles que la malaria).
6. Les urgences de santé publique peuvent aussi gravement affaiblir
les économies nationales et aller jusqu’à provoquer l’effondrement
de l’économie mondiale. En ce qui concerne l’impact économique,
les projections des retombées de la flambée épidémique d’Ebola font
état d’un manque à gagner de quelque $US 1,6 milliards en 2015 dans
les trois pays touchés, et de plus de 12 % de leur produit intérieur
brut (PIB) combinés
. Dans
l’ensemble, l’Afrique de l’Ouest pourrait perdre en moyenne au moins
$US 3,6 milliards par an entre 2014 et 2017
.
Leurs retombées économiques s’étendent au-delà de l’épicentre des
pays directement touchés: elles s’expliquent pour l’essentiel par
la peur et donc la limitation des déplacements et des activités commerciales (voir
notamment la flambée épidémique de SRAS en Asie orientale il y a
une dizaine d’années).
7. Les retombées économiques n’épargnent pas non plus les économies
développées, qui sont dotées de systèmes de santé structurés capables
de traiter les patients en cas d’épidémie. En effet, les voyageurs, craignant
d’être contaminés, ont reporté leurs déplacements non indispensables
(ce qui a porté préjudice à l’industrie du tourisme et du commerce)
et ont renoncé aux échanges commerciaux. S’agissant de la dernière épidémie
de MERS survenue en Corée, les prévisions de la chute de croissance
annuelle du PIB s’échelonnent entre 0,1 % et 0,8 %, en fonction
essentiellement de la durée de l’épidémie (1 et 4 mois respectivement
). Les urgences de santé publique internationales
peuvent aussi menacer la stabilité politique ainsi que la sûreté
nationale et internationale. Nous avons appris à nos dépens à quel
point la communication entre les parties prenantes et la transparence
vis-à-vis des populations sont importantes pour éviter la panique et
les interprétations erronées. En résumé, les crises en matière de
santé publique bouleversent le fonctionnement normal des pays touchés
et ont des répercussions au-delà des frontières. Et même une fois qu’elles
sont passées, il peut être difficile, pour les survivants, de réintégrer
la société parce qu’ils sont victimes de stigmatisation ou souffrent
de certains handicaps.
8. La crise d’Ebola a affaibli des systèmes déjà fragiles. Elle
pourrait – et devrait – pourtant jouer le rôle de catalyseur, en
contribuant au renforcement des systèmes de santé à l’échelle locale
et mondiale. Lors de cette crise, après que les premières personnes
ont été contaminées, des professionnels de santé ont également été infectés.
Ils étaient déjà peu nombreux, dans les pays touchés (Guinée, Libéria
et Sierra Leone), avec un ratio d’un ou deux médecins pour 100 000
habitants environ (contre 245 aux Etats-Unis). Au début de la crise,
les médecins avaient entre 21 et 32 fois plus de risques d’être
contaminés par le virus Ebola que la population générale
et nombre d’entre eux furent
parmi les premiers à mourir. De graves lacunes ont été constatées dans
la mise en œuvre de la prévention et du contrôle des infections,
d’où un manque de personnel de santé pour faire face à la menace
dès le début de l’épidémie. Ces problèmes de santé publique ont
eu une incidence non seulement sur les patients infectés par le
virus, mais aussi sur les personnes dont l’accès aux services essentiels
de santé était limité ou qui en étaient privées. Ainsi, les traitements
étaient peu accessibles pour les personnes souffrant des maladies
communes ou chroniques (la malaria par exemple, qui a causé 10 000 décès
supplémentaires pendant l’épidémie d’Ebola
), ainsi que pour les femmes enceintes (entraînant
une augmentation de 75 % de la mortalité maternelle dans les pays
touchés par la maladie)
.
9. En Europe aussi, la réaction face aux cas importés de personnes
contaminées par le virus Ebola a été loin d’être parfaite. Il n’y
avait aucune procédure adaptée et harmonisée pour rapatrier les
agents sanitaires atteints du virus, et ceux chargés sur place de
leur traitement n’étaient pas convenablement formés pour faire face
aux cas d’Ebola. Cette situation a engendré une angoisse parmi les
personnels de santé, qui craignaient pour leur sécurité. Au cours
de la récente flambée épidémique
,
parmi les professionnels de santé qui étaient malades, plus de 510
sont décédés et certains, en provenance de plusieurs Etats différents,
et travaillant en Afrique, n’ont pas pu être traités dans les pays
développés, malgré les fonds nécessaires débloqués par les Nations
Unies; cette situation a compliqué le recrutement de professionnels
de santé européens destinés à prêter main-forte pendant la crise.
De même, lors de l’épidémie de 2015 liée au MERS, certains patients
ont été touchés en Europe, mais le manque d’informations sur la
maladie a inutilement compliqué les diagnostics et les traitements.
10. En tant qu’agence de l’Union européenne, le Centre européen
de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a pour mission
d’identifier, d’évaluer et de faire connaître les menaces actuelles
et nouvelles que posent les maladies infectieuses à la santé humaine.
Le Centre a très bien rempli sa mission pendant la crise sanitaire
liée au virus Ebola, essentiellement en fournissant des données
à la Commission européenne. Doté d’une compétence exceptionnelle
en épidémiologie, l’ECDC non seulement conseille la Commission européenne
et les gouvernements nationaux, mais il s’emploie aussi, dans le
cadre de ses fonctions principales, à renforcer les défenses de
l’Europe contre les maladies infectieuses. Cela étant, il n’a pas
de pouvoirs de décision exécutifs, ceux-ci relevant de la Commission
européenne ou des Etats membres. Cette répartition des compétences
sur deux entités n’est pas efficace et pourrait retarder la mise
en œuvre de mesures rapides et adéquates en Europe. Notons, du reste,
qu’aux Etats-Unis, le Centre for Disease Control (CDC, centre de
contrôle des maladies) dispose, lui, d’un pouvoir décisionnel et
contribue de façon essentielle à l’élaboration de politiques de
prévention. En fait, la Commission européenne s’est engagée à doter
la recherche pharmaceutique dans le cadre des partenariats publics
privés (PPP) d’un budget deux fois supérieur (€ 138 millions environ)
à celui réservé à l’aide humanitaire dans les pays touchés par le
virus Ebola (€ 68 millions), ce qui semble assez peu équilibré
. Enfin,
un vaccin prometteur de la maladie liée au virus Ebola (rVSV-ZEBOV),
extrêmement efficace et sûr si l’on en croit les conclusions d’une
première analyse, a été testé sur presque 8 000 Guinéens, mais financé
essentiellement par des organisations publiques et à but non lucratif
.
11. Fondamentalement, le problème est qu’en cas d’urgence de santé
publique de portée internationale, tous les efforts se concentrent
sur la gestion de la maladie vecteur de l’épidémie. Il est entendu
qu’il n’est pas facile de coordonner quelque 20 000 professionnels
en Afrique de l’Ouest, région qui compte plus de 20 millions d’habitants,
comme ce fut le cas lors de la crise Ebola, et que cela suppose,
dès le début, une coordination excellente entre les plus hauts responsables
du secteur de la santé et les petites communautés. Il faut donc
disposer d’un plan défini à l’avance et d’une définition claire
des différents rôles et mettre en place un encadrement et de bonnes
pratiques le plus tôt possible. S’agissant de ce dernier point,
les catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations,
ouragans, etc.), les accidents nucléaires et d’autres calamités de
grande ampleur (comme le bioterrorisme) ont des répercussions sanitaires
analogues dans la mesure où ils ont tendance à paralyser les systèmes
de santé publique des pays touchés, vu notamment les besoins d’assistance
médicale considérables. En conséquence, les recommandations formulées
dans le présent rapport seront probablement pertinentes pour rendre
les systèmes plus résilients et prêts à répondre de manière adéquate
dans de tels scénarios.
12. Il importe de souligner que les dernières menaces épidémiques
sont venues de la transmission animale. A cet égard, l’Organisation
mondiale de la santé animale (OIE) joue un rôle important en édictant
une réglementation spécifique relative aux normes internationales
pour les maladies animales. Ce point présente un intérêt certain
en ce qui concerne l’évolution des maladies, la prévention, la détection,
les relations entre l’homme et l’animal, le commerce, la sûreté
alimentaire, etc. S’agissant du virus Zika, la réponse à cette épidémie
prévoit un certain nombre d’activités essentielles englobant notamment
la surveillance du vecteur et la lutte antivectorielle, l’identification
des personnes les plus à risque, notamment les femmes enceintes
et les femmes en âge de procréer, le suivi et les soins pendant
la grossesse et après l’accouchement pour détecter les complications
neurologiques, la promotion de l’accès au planning familial, la
sensibilisation du public, les mesures d’auto-protection, la mobilisation
de la communauté et d’autres activités qui garantiront une réponse solide,
ciblée, bien coordonnée et multi-sectorielle. Le manque d’accès
des personnes vulnérables aux informations et services relatifs
à la santé et aux droits génésiques, ainsi que leurs conditions
de vie et environnements locaux, qui favorisent la reproduction
des moustiques, les exposent de façon disproportionnée à ce virus
qui a récemment été reconnu comme urgence de santé publique de portée
internationale par l’OMS.
13. Il y a de nombreuses leçons à tirer de ces expériences récentes,
mais le plus urgent est probablement de prendre conscience que le
monde doit être mieux préparé à gérer ces urgences de santé publique
de portée internationale
.
Les autorités nationales et régionales, les agences et organisations
internationales dont les Nations Unies, l’Organisation mondiale
de la santé et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies,
l’Organisation mondiale de la santé animale, ainsi que les ONG et
le secteur privé jouent tous un rôle essentiel dans ce contexte.
Mais la culture de la préparation et de la prise de décision rapide
n’est pas encore ancrée dans toutes les institutions
: le besoin se
fait sentir d’améliorer le leadership et la qualité de la coordination
entre l’ensemble des parties prenantes et de recourir, dans toutes
les organisations, aux compétences et aux procédures techniques
qui font autorité. Le fait est qu’aujourd’hui, le système ne fonctionne
pas suffisamment bien. Nous devons concentrer nos efforts sur la
manière d’appliquer les leçons tirées des épidémies récentes pour
que les pays et les régions enrayent la propagation des maladies
et réagissent à l’avenir plus rapidement et plus efficacement aux
menaces.
3. L’importance
de la prévention
14. Il conviendrait tout d’abord
(selon l’adage «mieux vaut prévenir que guérir») de prendre des
mesures pour se prémunir à l’avenir des menaces sanitaires. Les
dépenses annuelles nécessaires au développement et au fonctionnement
de systèmes répondant aux normes internationales sont dix fois inférieures
au coût annuel prévisible de l’inaction
.
Les stratégies visant à réduire les effets des causes sous-jacentes
de ces menaces sont plus rentables que les programmes d’adaptation
qui s’inscrivent dans la continuité. Mises en œuvre dès aujourd’hui,
ces stratégies permettraient d’économiser environ $US 350 milliards
sur les cent prochaines années, en particulier dans le domaine de
la transmission des maladies de l’animal à l’homme
.
15. Aujourd’hui, les menaces de sécurité sanitaire émanent d’au
moins six sources: émergence et propagation de nouveaux microbes;
mondialisation des déplacements et de l’approvisionnement en denrées alimentaires;
multiplication des pathogènes pharmacorésistants; accroissement
des capacités dans le domaine de la biologie et, partant, risque
de libération, intentionnelle ou non, de pathogènes; l’acquisition,
la fabrication et l’utilisation d’agents biologiques à des fins
terroristes, qui suscitent une inquiétude constante; et les catastrophes
naturelles entraînant des épidémies
.
16. Il est nécessaire de réfléchir à de nouvelles méthodes de
travail pour prévenir les crises sanitaires internationales, et
cela passera peut-être par l’élaboration de nouveaux dispositifs
par les Nations Unies, car il est extrêmement difficile de concevoir
ces méthodes une fois que la crise s’est déclenchée. Préparation
est donc le maître mot. Si cette stratégie vaut tout particulièrement
pour les maladies contagieuses, elle est aussi adaptée à tous les
autres risques sanitaires, notamment aux catastrophes naturelles
qui sont à l’origine d’épidémies.
17. La préparation aux situations d’urgence de santé publique
a été définie comme «la capacité des systèmes de santé, des communautés
et des individus à prévenir les urgences sanitaires, à s’en protéger,
à y répondre promptement et à se redresser après une crise, en particulier
lorsque les moyens ordinaires risquent de ne pas suffire à gérer
la situation d’urgence en raison de son ampleur, de l’instant où
elle survient ou de son caractère imprévisible. La préparation suppose
un processus coordonné et continu de planification et d’exécution
qui repose sur la mesure de l’efficacité et la mise en œuvre de
mesures correctives»
.
4. Détection
précoce et réaction rapide: pourquoi?
18. La détection précoce est nécessaire
pour éviter que les maladies se propagent, ce qui permet de réagir rapidement.
Il est possible d’atténuer les risques en gestation depuis longtemps
avant que la crise éclate. L’urgence n’est pas seulement de détecter,
mais aussi de caractériser et de signaler rapidement les nouvelles menaces
biologiques, de façon transparente, grâce à la biosurveillance en
temps réel, ce qui suppose la mise en place de systèmes de contrôle
compatibles entre eux, de plates-formes de partage d’informations
en réseau et de systèmes bioinformatiques reliés aux plates-formes
régionales de détection des maladies
. On ne peut certes
pas éliminer tous les risques sanitaires mondiaux, mais on peut
assurément mieux les gérer lorsque surgit une menace sanitaire précise.
Prévenir, c’est aussi réduire au minimum les effets des menaces existantes
et protéger les installations et les professionnels de santé dès
le tout début, en prévoyant des équipements et des formations adaptées,
et ce afin de garantir la continuité du service de santé également
en situation d’urgence.
19. Les Etats-Unis et l’Union africaine ont signé un mémorandum
de coopération pour soutenir la création, cette année, d’un Centre
africain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Le
CDC des Etats-Unis fournira une expertise et des conseils et accordera
des bourses à des épidémiologistes africains, contribuant ainsi
au recrutement de personnel dans le centre. Mais il serait aussi
souhaitable d’associer à cette entreprise le Bureau régional de
l’OMS pour l’Afrique pour que la réponse apportée aux défis sanitaires
dans la région soit coordonnée et exhaustive
.
20. C’est au directeur général de l’OMS qu’il incombe de déterminer
si un événement relève ou non de la catégorie des urgences de santé
de portée internationale et s’il est nécessaire de convoquer un
comité d’experts. Ce dernier conseille le directeur général sur
les mesures à promulguer d’urgence, mesures appelées «recommandations
temporaires». Les recommandations temporaires peuvent concerner
les mesures sanitaires à mettre en œuvre par l’Etat Partie où survient
l’urgence de santé publique de portée internationale, ou par d’autres
Etats Parties, pour prévenir ou réduire la propagation de maladies
dans le monde et éviter toute entrave inutile au trafic international.
21. Il est inquiétant de constater qu’au mois de juin 2012, date-butoir
fixée par l’OMS, seuls 16 % des pays ont signalé être en pleine
conformité avec les compétences essentielles définies dans le Règlement
sanitaire international. L’application de ce règlement, qui compte
parmi les vecteurs essentiels de prise de conscience et d’alerte
en cas d’urgence de santé publique majeure, doit être renforcée
pour accroître les moyens d’action dans le monde. Il serait aussi
souhaitable que l’OMS mesure et améliore la qualité de l’assistance
apportée dans ce domaine. N’oublions pas toutefois que cette organisation
n’est pas seulement composée de son secrétariat, mais aussi de ses
Etats membres. Ces derniers sont responsables de leurs actions et réglementations,
en particulier en ce qui concerne leurs obligations contractées
au titre du Règlement sanitaire international.
22. Le Conseil de sécurité des Nations Unies considère que la
sécurité sanitaire mondiale est une priorité de sécurité internationale
.
Il conviendrait de réfléchir à la coordination avec les forces militaires
locales ou internationales, en tenant compte du contexte, des conditions
spécifiques et des mandats spéciaux. La participation de l’armée
peut être d’un grand secours pour assurer une réaction rapide et
une aide logistique, mais elle peut aussi déstabiliser les communautés
et les pays touchés.
5. Comment
mieux gérer les futures urgences sanitaires?
23. Pour contenir les urgences
sanitaires, les deux grandes stratégies sont les interventions de
santé publique et les traitements médicaux (lorsqu’ils sont disponibles).
Je propose de travailler par étapes quantifiables, axées sur la
prévention des épidémies, qu’elles soient naturelles, intentionnelles
ou accidentelles. Cette action permettra de soutenir, moyennant
une bonne intercommunication, les accords existants conclus au titre
du règlement RSI de l’OMS, des codes sanitaires pour les animaux
publiés par l’OIE et des normes alimentaires internationales du Codex Alimentarius, et viendra compléter
les initiatives unilatérales existantes dans ce domaine. Cela étant,
je suis convaincue qu’il faut trouver de nouvelles approches, au-delà
des cloisonnements institutionnels. Un vrai leadership s’impose.
La communauté internationale devrait choisir l’organisation qui
en aurait la charge, probablement sous le contrôle des Nations Unies,
et aussi décider des modalités pratiques de coordination entre les
différents acteurs. De l’analyse et de la mise en œuvre d’une coopération
optimale entre toutes les parties prenantes, y compris les institutions gouvernementales
et les ONG, devrait découler un plan d’action. Le Groupe de haut
niveau sur l’action mondiale face aux crises sanitaires du Secrétaire
général des Nations Unies pourrait être utilement associé à la réflexion
sur la gestion future des crises sanitaires. Il est essentiel de
mettre sur pied un réseau mondial interconnecté des Centres d’opérations
d’urgence et de préparer une riposte multisectorielle aux incidents biologiques
par des équipes d’intervention formées, opérationnelles et rapides,
dotées d’un accès à un système d’informations en temps réel et capables
de déterminer l’origine d’une flambée épidémique de portée locale,
régionale, nationale ou internationale.
24. Le système RSI doit être non seulement amélioré, mais aussi
diffusé à tous les pays et correctement mis en œuvre, avec une gestion
appropriée. Je pense qu’il pourrait être nécessaire non seulement
d’imposer à tous les pays l’obligation légale et internationale
de signaler toute suspicion d’urgence sanitaire, de promouvoir la
communication précoce et de prévoir des sanctions en cas de non-respect
du RSI, mais aussi de mettre en place de nouveaux mécanismes financiers
innovants, notamment des assurances qui interviendraient pour limiter
les conséquences économiques préjudiciables. Il faudrait aussi prévoir
des dispositifs pour dissuader les pays de prendre des mesures qui
entravent le trafic et le commerce, au-delà de celles recommandées
par l’OMS
.
Selon moi, il sera nécessaire de définir la procédure la plus rapide permettant
à l’OMS de qualifier un événement d’urgence de santé publique de
portée internationale, en réunissant des commissions d’urgence chargées
de formuler des recommandations prioritaires dans les meilleurs
délais, mais de façon la plus transparente possible compte tenu
des circonstances et sans ingérence indue de la part des personnes
qui auraient tout à gagner de la déclaration d’un état d’urgence.
Il est essentiel de former et de déployer, dès le tout début, une
équipe efficace de biosurveillance constituée d’enquêteurs médicaux
qualifiés afin de remonter la chaîne des contacts et de trouver
le cas «indicateur»; il est tout aussi essentiel d’élaborer et d’utiliser
de nouveaux diagnostics et de renforcer les dispositifs de laboratoire
capables de détecter, avec exactitude et en toute sécurité, l’ensemble
des pathogènes dangereux majeurs, et ce avec un biorisque minimal.
A noter que la collaboration internationale d’un réseau de laboratoires
a donné de très bons résultats dans le cas du SRAS.
25. Le RSI pourrait être modifié de façon à définir une alerte
plus précoce à partir d’un niveau intermédiaire d’urgence de santé
publique de portée internationale et à signaler ainsi l’apparition
d’une nouvelle maladie ou d’une menace pour la santé publique. Je
partage les propositions du groupe d’experts externes de l’OMS après la
crise d’Ebola en 2015 sur l’importance d’une coopération étroite
entre les agences, essentiellement avec les Nations Unies et le
système humanitaire au sens large, à l’image du niveau 3 de l’urgence
humanitaire; la riposte serait ainsi adaptée à la situation. En
vertu du RSI, les Etats sont soumis à une obligation de confidentialité
et de traitement anonyme des données, conformément au droit national,
et sont donc tenus de protéger l’identité des personnes concernées,
même lorsqu’il serait souhaitable de divulguer ces informations rapidement.
Les mesures de contrôle de santé publique destinées à enrayer la
propagation des maladies pour protéger la population (mise en quarantaine,
éloignement social, contrôle aux frontières, limitation des déplacements,
etc.), qui sont susceptibles de porter atteinte aux droits et aux
libertés individuels, devraient être examinées avec soin à chaque
nouvelle épidémie, non seulement parce qu’il faut trouver un juste
équilibre entre la liberté des personnes et l’intérêt général, mais
aussi parce que des mesures mal pensées et mal appliquées peuvent
être contre-productives (en incitant les personnes infectées à se
cacher ce qui multiplie les contaminations, par exemple). Je pense
en outre que l’efficacité de ces mesures dépendra du contexte et de
la future souche pandémique.
26. Les systèmes de santé doivent s’adapter et être prêts à riposter
de façon efficace en maintenant leurs fonctions essentielles lorsque
survient une crise, le but étant de protéger la vie humaine et d’obtenir
une bonne situation sanitaire, et ce dans les bons comme dans les
mauvais moments. Pour cela, ils doivent, de mon point de vue, être
informés, diversifiés, autorégulés, inclus dans l’ensemble des parties
prenantes, y compris les communautés – qui sont le point névralgique
–, et être capables de s’adapter aux situations nouvelles
. Tout l’enjeu de la santé publique,
c’est la confiance, et à cet égard, l’OMS a besoin de renforcer
sa position dans la confiance de la communauté internationale
. Pour montrer
la voie en prévision d’une future urgence de santé publique de portée
internationale, l’OMS pourrait envisager une réforme qui permettrait
de faire face aux futures crises avec une gouvernance optimale,
une transparence renforcée et un personnel doté des meilleures compétences
possibles pour mener à bien sa mission; il s’agirait non seulement
d’assurer un financement plus stable et plus important, mais aussi
de bâtir une structure plus résiliente, capable de flexibilité et
d’adaptation à de nouveaux scénarios. A cet effet, comme c’est le
cas dans tout hôpital lorsqu’une urgence se présente, une partie
du personnel devrait interrompre ses activités habituelles et commencer
à travailler dans des conditions d’urgence. Telle est la culture
sanitaire en situation d’urgence qu’il conviendrait d’insuffler à
toutes les organisations. Cela devrait passer par l’élaboration
d’un plan d’urgence prévoyant l’affectation de certaines ressources
humaines à d’autres tâches en cas de besoin.
27. De plus, il conviendrait d’augmenter le budget national consacré
par les pays développés à la santé ainsi que celui alloué aux programmes
de l’OMS. De nos jours, moins de 25 % du budget des programmes de
l’OMS est financé par des contributions obligatoires, le reste provenant
de financements volontaires. Si une plus grande partie de ce budget
était assurée et entièrement sous le contrôle de l’OMS, il serait
possible d’élaborer une vaste stratégie d’amélioration de la santé
publique dans de nombreux pays, en mettant l’accent sur la préparation
aux urgences sanitaires et en renforçant considérablement la capacité
d’adaptation aux situations de crise
. Le financement des programmes devrait
être guidé par l’intérêt général. De plus, il y aurait lieu de garantir
la part indispensable du financement grâce à des partenariats, qui
seraient prêts à réagir au moment où une épidémie se déclare. Aucune
garantie de cette nature n’existe à l’heure actuelle. Le Groupe
de la Banque mondiale (GBM) voit ces besoins comme un élément essentiel
de la refondation de l’architecture financière pour la gestion des
risques pandémiques. Il met actuellement en place une facilité mondiale
de financement en cas d’urgence pandémique, qui permettra de débloquer
– rapidement – des ressources suffisantes en vue de répondre aux
besoins prioritaires
. Ainsi, je propose
une représentation de parlementaires des Etats membres à l’Assemblée
mondiale pour la santé en vue d’une surveillance de la fonction
et de l’action de l’OMS parce qu’ils représentent la société dans
son ensemble et le pouvoir législatif des Etats membres. Cela pourrait
permettre de renforcer le système.
28. L’inadéquation de la capacité de riposte mondiale actuelle
face aux urgences de santé publique de portée internationale ne
peut être surmontée que grâce à un système structuré capable de
mobiliser, dans un bref délai, les indispensables ressources financières,
logistiques (approvisionnement en fournitures et matériels médicaux,
transport vers les pays touchés, dispositifs d’évacuation en toute
sécurité des personnels de santé concernés, etc.) et humaines (à
savoir le recrutement et le déploiement d’experts, dont des médecins, des
infirmiers/infirmières et d’autres personnels de santé). Un dispositif
de type Casques blancs
, sorte de force
spéciale prête à intervenir là où et quand c’est nécessaire, serait
un atout majeur pour la gestion des urgences de santé publique.
Il importe aussi de garder à l’esprit que les Etats doivent garder
les liaisons aériennes ouvertes pour permettre aux équipes de secours
de rejoindre rapidement les lieux. Il pourrait aussi être utile
de disposer de centres de santé primaires répartis dans tous les
pays et dotés d’un quota suffisant de professionnels de santé servant
de sentinelles pour tirer le signal d’alarme au plus tôt. En fait,
l’accessibilité des soins de santé est une caractéristique capitale
du réseau de détection et d’intervention rapide.
29. Parmi les autres facteurs cruciaux de réussite, citons l’amélioration
de l’accès mondial aux contre-mesures médicales et non médicales
pendant les situations d’urgence sanitaire, le renforcement des
moyens de production et d’acquisition des équipements de protection
individuelle, la mise à disposition de formations adaptées, notamment
des tests et entraînements, l’accélération des travaux de recherche
répondant à l’intérêt général et l’amélioration de l’efficacité
des programmes consacrés à la vaccination contre les maladies potentiellement
épidémiques, au contrôle des infections nosocomiales et au développement
de nouveaux médicaments. Il conviendrait en outre d’étudier l’opportunité
de mettre en place des procédures accélérées d’autorisation des
traitements, des médicaments et des vaccins dans le cadre des urgences
de santé publique de portée internationale. Il serait par ailleurs
souhaitable de réfléchir au recours à des volontaires ayant surmonté
une maladie contagieuse, qui pourraient être très utiles aux communautés
lors d’une flambée épidémique. Enfin, il importe, pour la bonne
gestion de la santé publique, de communiquer des informations scientifiques
ainsi que des données correctes et précises.
30. Pour faciliter les diagnostics, il conviendrait d’intégrer,
dans un plan d’action, des activités de recherche et de biosurveillance,
parmi lesquelles l’identification, la mise en sécurité, le suivi
sécurisé et le stockage de pathogènes dangereux dans un nombre minimal
de centres
. Autres
mesures nécessaires: stopper l’émergence et la propagation d’organismes
résistants aux antimicrobiens et de nouvelles maladies zoonotiques,
renforcer les cadres réglementaires internationaux régissant la
sûreté alimentaire et promouvoir l’utilisation responsable des médicaments
anti-infectieux dans tous les contextes, etc.
. L’EDQM, en tant qu’organisation de
premier plan contribuant à la réalisation du droit fondamental que
constituent l’accès à des soins de santé de qualité et la promotion
et la protection de la santé humaine et animale, devrait jouer un
rôle au sein du Conseil de l’Europe pour développer une meilleure
stratégie vis-à-vis des urgences de santé publique internationale.
31. Pour faire face aux éventuels risques sanitaires et répondre
à temps aux besoins les plus pressants, il est impératif de fournir
les services publics de première nécessité et d’assurer l’approvisionnement
de fournitures et de matériels d’urgence. On considère qu’il est
essentiel de dépêcher des experts dans les pays touchés, avec des
soins particuliers, notamment des médecins, des infirmiers/infirmières
et des agents de santé communautaires dûment formés, en provenance
de plusieurs pays, et répertoriés dans un système coordonné doté
d’accords spécifiques relatifs aux procédures requises en cas de
besoin, leur donnant l’opportunité d’un retour à leurs fonctions
habituelles sans subir de conséquences. Parallèlement, il est impératif
d’organiser l’ensemble de la chaîne logistique, ce qui comprend
les opérations d’acheminement par les airs et le déploiement de
navires destinés au transport du matériel d’urgence. Il peut être
nécessaire de se coordonner avec des forces armées locales ou internationales.
Si les gouvernements ne sont pas à la hauteur et que les systèmes
de santé nationaux deviennent totalement inopérants en cas de crise,
par manque de réactivité et de financement d’urgence, tous les pays
devront en payer un prix plus élevé par la suite.
32. Dans le cas de plusieurs maladies contagieuses comme la maladie
à virus Ebola, il convient de fournir aux professionnels de santé
une protection spéciale. Les groupes de médecins et d’infirmiers/infirmières exceptionnels
qui risquent leur vie pour sauver celle d’autrui dans des pays pauvres
à travers le monde doivent non seulement être reconnus pour leur
action, mais aussi bénéficier obligatoirement de conditions de travail appropriées
et sûres. De plus, en cas de maladies contagieuses touchant des
professionnels de santé, comme ce fut le cas lors de l’épidémie
d’Ebola, il faut absolument garantir l’évacuation, dans un hôpital
dûment équipé, des agents de santé internationaux qui ont été exposés
au virus ou pour lesquels le diagnostic de contamination a été posé.
33. Si certains pays ne disposent pas de l’infrastructure essentielle
en raison du faible niveau de leurs services de santé, d’autres,
quoique très développés, ne possèdent pas, en raison de leur petite
taille, d’installations hautement spécialisées capables de prendre
en charge certaines nouvelles maladies. Pour être plus efficaces,
ces pays devraient avoir accès aux unités hautement spécialisées
des pays voisins, conformément à des accords et règlements sanitaires
internationaux.
34. Le secteur privé ne peut guère limiter la propagation d’une
maladie comme Ebola, MERS ou toute autre menace pour la santé publique
en cas d’urgence de portée internationale. Il peut néanmoins apporter
sa contribution dans certains domaines, notamment la logistique,
les communications et la conception, la fabrication et la constitution
de stocks de médicaments et de vaccins. La coopération entre les
autorités publiques et le secteur privé est donc de la plus haute
importance; des mesures devraient être prises pour encourager la
prévention et promouvoir la santé publique.
6. Conclusions
et recommandations
35. Le présent rapport a pour objet
d’aider les institutions à développer des capacités institutionnelles fondamentales
et des systèmes plus efficaces de sorte que, quel que soit leur
niveau d’intervention, national, régional ou international, elles
parviennent à remplir leurs obligations vis-à-vis des citoyens.
Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient mettre en place
un plan d’action robuste, accompagné d’un calendrier précisant les
mesures concrètes à prendre à ces trois niveaux ainsi que les améliorations
tangibles attendues. Pour prévenir les maladies de demain, il faut
s’assurer de l’engagement sans faille de la coalition mondiale des
parties prenantes; celles-ci doivent travailler de façon coordonnée,
avec un leadership fort en matière de santé publique. La terrible
épidémie d’Ebola offre une occasion de transformer l’architecture
du système de santé mondiale en un mécanisme structuré et proactif
avec, à sa tête, une OMS aux capacités renforcées et, à sa base,
des systèmes de santé nationaux pérennes et équitables. Ce système
serait conçu non seulement pour apporter une plus grande sécurité
face aux risques épidémiques, mais aussi pour répondre aux besoins
de santé quotidiens, concrétisant ainsi le droit de chacun au meilleur
état de santé susceptible d’être atteint
.
36. Les Objectifs du Millénaire pour le développement visent 80 %
de couverture des soins de santé. Les actions nécessaires à la réalisation
de cet objectif devraient être dûment mises en œuvre et contrôlées
et procéder de certains principes fondamentaux, notamment la volonté
d’aider les personnes et leur communauté. Les autorités nationales
devraient piloter ces actions avec l’aide d’instances intergouvernementales
sans jamais avoir le sentiment de perdre le contrôle; pour que chaque
intervenant ait un impact maximal, il sera essentiel d’instaurer
une coordination véritable. Les Etats membres devraient faciliter
la coopération à travers les frontières pour que les interventions
se déroulent sans heurts
.
37. Les fonds nécessaires devraient être prévus et disponibles
en cas de besoin. De même, la logistique et les ressources humaines
– qui doivent être prêtes à intervenir rapidement – sont les piliers
d’une structure de riposte rapide, capable d’adaptation. En outre,
les procédures techniques les plus connues devraient être prêtes,
y compris des avis scientifiques de qualité, accompagnés de protocoles
de recherche prêts à être lancés. Par ailleurs, la divulgation de
données ne doit pas être dictée par les échéanciers de publication
des journaux. Aujourd’hui, l’humanité se caractérise par une interdépendance
mondiale qui ne fait que s’amplifier, ainsi que par une vulnérabilité
partagée.
38. Une action robuste, rapide et basée sur les faits est nécessaire.
Un plan d’action doit être élaboré dans lequel seront consignés
les critères diagnostiques, les médicaments et les traitements applicables
à telle ou telle maladie, même lorsqu’aucun cas n’a été recensé
depuis de nombreuses années. Ce plan pourrait aussi servir à prévenir
ou à contrer les menaces d’actions bioterroristes recourant à des
micro-organismes anciens et connus. Il faut en outre éviter qu’une
démarche éthique ne prime sur l’efficacité. Par ailleurs, pour enrayer les
modes de transmission, il serait souhaitable de lancer une étude
sur les cultures et les particularités des différentes communautés.
Il faudrait aussi concevoir des procédures de bonne gestion ainsi
qu’une évaluation constante et rigoureuse ou un contrôle de qualité
à même de fournir des informations essentielles et de contribuer
ainsi à améliorer sans cesse le système et à définir les dispositions
à prendre, le cas échéant.
39. La législation devra être adaptée pour que les parties prenantes
se coordonnent et coopèrent efficacement, aussi bien pendant la
phase préparatoire qu’au beau milieu de la crise. Il est indispensable d’encourager
la collaboration multisectorielle entre les agences gouvernementales
ou intergouvernementales pour la santé, l’environnement et l’agriculture,
ainsi qu’avec les ONG. Le leadership et la coordination des actions
seront absolument impératifs aux niveaux national, régional et international.
Par ailleurs, pour déterminer les moyens de riposte et assurer la
pertinence des décisions, il conviendrait de s’appuyer sur une analyse
épidémiologique et de santé publique. Il sera en outre nécessaire
d’adopter, au niveau mondial, une approche des épidémies plus centralisée.
S’il est vrai que nous ignorons à quel moment frappera la prochaine pandémie
et qu’il est impossible d’éliminer tous les risques de santé qui
pèsent sur le monde, nous pouvons néanmoins améliorer la capacité
d’adaptation de nos économies et de nos sociétés et ainsi leur donner
les moyens de réduire au minimum les conséquences des menaces auxquelles
nous sommes exposés. Enfin, pour vivre dans un monde productif,
prospère, plus sûr et en meilleure santé, nous devrons faire preuve
de solidarité.