1. Origine
et objectif du rapport
1. Le présent rapport a pour origine
une proposition de résolution sur «La liberté d’expression sur l’internet: promouvoir
une approche homogène»
,
dont la commission de la culture, de la science, de l’éducation
et des médias a été saisie pour rapport.
2. L’une des principales questions soulevées par cette proposition
concerne la difficulté de contrôler le traitement et le partage
de l’information sur internet, notamment (mais pas seulement) compte
tenu du nombre croissant de faux profils qui inondent le réseau
d’articles et de commentaires anonymes en utilisant les plates-formes
de différents médias. La proposition évoque également un problème
que notre commission a déjà eu l’occasion d’étudier de près: le
stockage de données privées sans règles juridiques spécifiques pour
l’encadrer, et la menace que ces pratiques, qui représentent aujourd’hui
un élément important du modèle financier de certains médias sur
internet, représentent pour la protection des données personnelles
et la vie privée des utilisateurs.
3. L’échange de vues qui a eu lieu à Paris le 3 décembre 2015
et le débat
qui a suivi ont, d’une part, fait ressortir une nouvelle fois les
multiples dangers que la diffusion d’informations fausses, déformées
ou inexactes, mais aussi le profilage des utilisateurs au moyen
du traitement de «mégadonnées» suivi du ciblage d’informations
, font peser sur les
droits individuels et sur le fonctionnement de nos systèmes démocratiques; ils
ont d’autre part soulevé la question de l’impact du nouveau paysage
médiatique, de la façon de produire et de diffuser des informations,
et de ce que nous appelons le «journalisme». C’est pourquoi la commission
a décidé de modifier le titre du rapport en «Médias en ligne et
journalisme: défis et responsabilités» et d’en réorienter le contenu
en conséquence.
4. De fait, le développement des médias en ligne et les changements
considérables qu’il entraîne dans le travail des journalistes soulève
également des questions quant au risque de «manipulation». Rappelons qu’aujourd’hui,
les contenus publiés sur internet sont souvent produits par des
personnes qui ne sont pas des journalistes professionnels et qui
travaillent sans contrôle éditorial; certains contenus sont même
le fruit d’une coproduction dans laquelle des opinions personnelles
sont ajoutées à des informations provenant d’autres sources, et
ensuite relayées. Il faut aussi rappeler la vulnérabilité des contenus
publiés sur internet à l’égard de manipulations techniques (telles
que la copie illégale d’autres sources d’information, la retouche
de photos et la manipulation des avis d’utilisateurs). Globalement,
on a aujourd’hui le sentiment qu’il n’est plus fait de distinction
nette entre des informations factuelles exactes et des points de
vue personnels agrémentés d’exagérations voire de falsifications
factuelles.
5. Dans ce contexte, les sections qui suivent ont pour but de
présenter le nouveau paysage médiatique, en particulier les nouvelles
formes et les défis du journalisme en ligne, d’examiner les responsabilités
des médias et du journalisme en ligne, de souligner l’importance
essentielle d’assurer la transparence des médias en ligne et d’engager
une réflexion sur des recours spécifiques contre les contenus en
ligne.
2. Le nouveau paysage médiatique: médias
et journalisme en ligne
6. Autrefois, le paysage médiatique
comprenait les médias imprimés (journaux et livres) et la radiodiffusion (radio
et télévision). L’avènement d’internet a entraîné une convergence
technologique des médias traditionnels et l’apparition de nouvelles
formes de médias. Aujourd’hui, ce paysage est donc constitué non seulement
des journaux et des radiodiffuseurs qui entretiennent des sites
web contenant du texte, des images et des documents audiovisuels
(enregistrements audio et vidéo), mais aussi des livres électroniques,
des journaux électroniques et des stations de radio et de télévision
sur internet.
7. Les réseaux sociaux tels que Facebook et les plates-formes
de contenus publiés par les utilisateurs comme Twitter et YouTube
ont acquis une position dominante sur le marché des nouveaux médias
en ligne. Les grands fournisseurs internationaux de services internet
(Google et Facebook, par exemple) ont aussi créé des outils permettant
aux utilisateurs de rechercher et d’agréger des informations provenant
d’autres médias en ligne («Google Actualités» sur Google, et «Breaking
News» et «fil d’actualité» sur Facebook). Ils s’établissent ainsi
comme principales sources d’information pour les utilisateurs souhaitant
se tenir au courant de l’actualité, ce qui leur permet de tirer
des revenus de la publicité et des données utilisateurs exploitées
à des fins de profilage.
8. A mesure que les nouveaux médias attirent une part croissante
de recettes publicitaires, les médias traditionnels voient logiquement
leur part diminuer. De nombreux journaux, en particulier, ont ainsi
cessé d’être rentables. En revanche, certains médias en ligne ont
réussi à se faire une place dans le paysage médiatique, à l’image
du Huffington Post et de Mediapart, dont il n’existe pas
de version papier; toutefois, la base financière des véritables
médias en ligne, c’est-à-dire ceux qui sont diffusés exclusivement
sur internet, reste incertaine compte tenu de l’évolution du modèle
économique, passé de l’abonnement à la publicité en ligne et la
vente de données utilisateurs.
9. Les difficultés financières ont eu (et ont encore) des conséquences
négatives sur l’emploi, entraînant une réduction des effectifs de
journalistes et des équipes éditoriales ainsi qu’une dégradation
de la sécurité de l’emploi et des conditions financières et de travail.
Le problème de la détérioration progressive des conditions de travail
des journalistes ne date pas d’hier; l’Assemblée a d’ailleurs déjà
souligné, dans sa
Résolution
1636 (2008) sur des indicateurs pour les médias dans une démocratie,
que les journalistes devraient disposer de contrats de travail adéquats
assortis d’une protection sociale suffisante afin que leur impartialité
et leur indépendance ne soient pas compromises.
10. Certains éléments laissent toutefois penser que les conditions
de travail qui prévalent au sein du nouveau paysage médiatique risquent
de se dégrader. En effet, les tensions financières auxquelles sont soumises
les entreprises de médias, associées au renforcement de la concurrence,
notamment entre journalistes, renforcent la pression exercée par
la hiérarchie. Les journalistes sont ainsi priés de produire rapidement
leurs articles alors qu’ils sont confrontés à une quantité énorme
de sources dont il faut extraire l’information et l’analyser. Ceci
les amène à effectuer des heures de travail supplémentaires, pas
toujours rémunérées, et tend à effacer la frontière entre leur vie
professionnelle et leur vie privée.
11. La plupart des journalistes ont aujourd’hui un statut de type
«travailleur indépendant» et touchent souvent de très faibles rémunérations
pour les articles qu’ils produisent. L’augmentation du nombre de journalistes
freelance et le recours croissant à l’externalisation et à la sous-traitance
nuisent également à la capacité des syndicats de protéger les droits
économiques des professionnels des médias.
12. Une enquête réalisée récemment par la Fédération européenne
des journalistes montre que, dans le secteur des médias en ligne,
les journalistes travaillent fréquemment dans des conditions précaires
. Globalement, ils doivent aujourd’hui
faire face à un niveau plus élevé d’insécurité en matière d’emploi,
à une pression plus forte de la part de leur hiérarchie, à une charge
de travail plus importante et, de façon générale, à de plus mauvaises
conditions de travail
.
13. La profession de journaliste connaît elle-même d’importants
changements. Lors de l’audition à laquelle notre commission a procédé
le 23 juin 2016 à Strasbourg, le directeur de l’Ecole de journalisme
Burda à Offenbourg (Allemagne) a expliqué que les journalistes en
ligne doivent interagir avec les internautes et sont chargés d’atteindre
eux-mêmes leur public grâce à Twitter et aux réseaux sociaux. Les
journalistes en ligne sont donc également les promoteurs et les
diffuseurs de leurs propres contenus.
14. En outre, tandis qu’auparavant les journalistes jouaient un
rôle d’intermédiaire entre les protagonistes de l’actualité et le
public et qu’ils utilisaient leurs sources d’information pour informer
l’ensemble du public, ils sont aujourd’hui concurrencés par d’autres
acteurs tels que les services de communication des entreprises, les
agences publicitaires, les consultants en relations publiques et
les lobbyistes politiques qui produisent eux-mêmes des contenus
en ligne et entretiennent une interactivité ciblée avec les utilisateurs.
15. Les médias en ligne se caractérisent par leur accessibilité
quasi universelle via les smartphones et autres dispositifs mobiles
permettant d’accéder à Internet, leur immédiateté, leur concision
(les messages sur Twitter sont par exemple limités à 140 caractères),
l’association de textes et de contenus audiovisuels, ainsi que l’interactivité
avec le public, qui peut y ajouter ses propres contenus.
16. Le sens du mot «actualité» a changé lors du passage des médias
traditionnels aux réseaux sociaux et aux plates-formes de contenus
produits par les utilisateurs: ces supports sont aujourd’hui dominés
par «l’infotainment» (c’est-à-dire un mélange d’information et de
divertissement se prêtant à une exploitation commerciale).
17. Cette évolution a entraîné de nouvelles exigences à l’égard
du travail des journalistes. Du fait de la réduction des effectifs,
chaque journaliste doit produire davantage de contenus dans des
délais beaucoup plus courts. Compte tenu du caractère interactif
des médias en ligne, aujourd’hui les journalistes en ligne doivent s’efforcer
de faire en sorte que leurs contenus soient retransmis en cascade
sur les réseaux sociaux. Le texte, les titres et les photos doivent
répondre aux critères des outils de recherche et des services d’agrégation d’actualités
pour atteindre le marché. Ces nouvelles exigences nécessitent de
nouvelles compétences professionnelles.
18. L’évolution en cours a également d’autres conséquences importantes.
Par exemple, les journalistes ont eux-mêmes besoin de collecter
des informations dans le cadre de leur travail; aujourd’hui, la
recherche d’informations semble être plus facile qu’auparavant grâce
aux outils de recherche, aux services d’agrégation d’actualités
et aux photographies accessibles à tous sur internet. Ce point soulève
toutefois la question fondamentale de la fiabilité de ces nouveaux
outils et de la qualité des informations auxquelles ils donnent accès:
en effet, les dommages causés par une information inexacte peuvent
être beaucoup plus importants lorsque cette information est relayée
(par erreur) par un journaliste professionnel. Cela montre que le
nouveau contexte peut également exiger l’adoption de nouvelles normes
éthiques pour les journalistes en ligne.
19. Autre problème posé par le journalisme en ligne: le fait que
les contenus produits par les journalistes professionnels puissent
être exploités par d’autres acteurs par la suite, ce qui fait peser
une pression financière supplémentaire sur la profession journalistique.
Des droits d’auteur devraient protéger ces derniers et leur assurer
une rémunération convenable lorsque d’autres personnes utilisent
leur travail. A cet égard, les législateurs nationaux ont énoncé
un certain nombre de règles à l’intention des fournisseurs de services internet:
aux Etats-Unis par exemple, le Digital Millennium Copyright Act
comporte des dispositions sur les droits d’auteur et s’applique
aux entreprises multinationales telles que Google, Facebook et Twitter
qui sont enregistrées et ont leur siège dans ce pays. Au sein de
l’Union européenne, la législation de l’UE tient compte des traités
internationaux relatifs aux droits d’auteur. L’échec de l’accord
commercial anti-contrefaçon (ACAC) en 2012 n’a pas eu d’incidence
sur la protection juridique de ces droits et des droits voisins
dans le secteur des médias en ligne. La protection du droit d’auteur
est une condition indispensable à la survie économique des médias
traditionnels offrant des contenus journalistiques originaux.
20. Les journalistes membres des différentes organisations professionnelles
attendent légitimement qu’une distinction soit faite entre eux et
les autres acteurs qui publient des informations sur le web; ils
jouissent traditionnellement d’un certain nombre de privilèges liés
au rôle important que joue la profession dans l’information du public
sur des questions d’intérêt général. Parmi ces privilèges figurent,
par exemple, des places réservées dans les tribunaux, les parlements
et les conférences de presse officielles, ou des facilités d’entrée
à d’importants événements sportifs ou culturels. En outre, les journalistes
ont le droit de ne pas révéler leurs sources d’information. Pour
des raisons pratiques et juridiques, la plupart de ces privilèges
ne peuvent être accordés à l’ensemble des «citoyens-journalistes
»,
des blogueurs et des consultants en relations publiques. Néanmoins,
ces groupes de personnes jouissent des mêmes libertés fondamentales
que les journalistes, y compris la liberté d’expression et la liberté
d’information.
3. Désinformation
et manipulation en ligne
21. Lors de la réunion que notre
commission a tenue les 19 et 20 septembre 2016 à Kiev, l’un des
experts, Mme Margo Smit, Médiatrice au
radiodiffuseur public néerlandais NOS et professeure de journalisme
à l’Université d’Etat de Groningen, a mentionné l’ouvrage «Les principes
du journalisme», de Bill Kovach et Tom Rosenstiel, dans lequel les
auteurs identifient les principes et pratiques fondamentaux du journalisme
. Mme Smit
a insisté, à juste titre, sur le premier principe qui s’applique
aux journalistes, à savoir: «S'astreindre au respect de la vérité».
22. Cependant, à l’heure actuelle, le sentiment général est que
la désinformation l’emporte sur l’information objective, et que
la manipulation et la propagande l’emportent également sur la libre
expression des opinions et points de vue personnels. Le risque que
les médias de masse ne soient utilisés pour manipuler l’opinion publique
n’est pas nouveau; encore une fois, c’est la nature tentaculaire
des médias en ligne qui pose problème étant donné qu’elle multiplie
ce risque. Nous devons nous demander si nous sommes en mesure de contrer
cette menace de façon efficace.
23. Depuis l’avènement d’internet, le caractère manipulateur de
la Toile fait l’objet d’un débat public. Les médias audiovisuels
restent le type de média auquel la population fait le plus confiance,
et la plupart des utilisateurs de médias en ligne ne font pas confiance
à ces derniers, en Europe
comme aux
Etats-Unis
.
24. Il serait utopique et faux de prétendre que le journalisme
peut mettre au jour la vérité absolue. En effet, même dans un rapport
purement factuel, il est impossible d’être exhaustif. Aussi, toute
information présentée ne peut-elle être que partiale, et il y a
forcément une part de subjectivité dans le choix des éléments relatés.
A titre d’exemple, un journaliste peut parler d’une manifestation
en mettant l’accent sur les raisons de cette mobilisation ou sur
les dégâts collatéraux provoqués par certains fauteurs de troubles
(et utiliser des images en conséquence); il peut donner la parole
davantage aux manifestants ou à leurs opposants, il peut utiliser
les chiffres de la police ou ceux des organisateurs de l’événement
concernant le nombre de participants (ceux-ci variant généralement
de façon considérable), etc.
25. Cependant, je suis d’avis que le respect du principe de la
vérité a, quant à lui, une réelle signification. Ainsi, il implique
la volonté de décrire simplement des faits ou un événement au public,
en s’appuyant sur les éléments pertinents du contexte. Il ne s’agit
donc pas de relater tous les détails possibles, mais de s’efforcer de
présenter au public des «faits vérifiés, précis et placés dans un
contexte qui a du sens».
26. Le principe du respect de la vérité exige également une vérification
professionnelle de l’information: les journalistes doivent avoir
«une approche transparente des faits (…) afin que les influences
personnelles et culturelles ne nuisent pas à la précision de leur
travail. Si eux ne peuvent pas être objectifs, leurs méthodes le sont.
Le fait de rechercher plusieurs témoins, de divulguer autant d’informations
que possible sur leurs sources ou de demander aux diverses parties
impliquées de commenter une situation sont autant de pratiques traduisant
une telle déontologie. L’astreinte de la vérification est ce qui
distingue le journalisme d’autres formes de communication, telles
que la propagande, la publicité, la fiction ou le divertissement.»
Ceci est particulièrement pertinent pour le journalisme en ligne.
27. Le public ne peut pas réellement s’attendre à ce que les journalistes
restent «neutres»: ce sont des faiseurs d’opinion, et ils cherchent
(explicitement ou non) à influencer l’opinion publique en partageant
leur interprétation des faits ou des événements qu’ils présentent,
ainsi que leurs points de vue sur la pertinence et l’impact de ces
derniers. L’influence est un objectif légitime du journalisme dans
des sociétés démocratiques, mais lorsque les «informations» factuelles
s’accompagnent d’une analyse et que le journaliste exprime également
son point de vue, le principe du respect de la vérité commande que
ce dernier indique clairement au lecteur ou au public où s’arrête
l’information et où commencent son analyse et son interprétation personnelles.
Le journalisme doit encourager la réflexion critique, et non contribuer
à sa disparition.
28. Contrairement à l’idée d’avoir de l’influence ou de convaincre,
la notion de manipulation a une connotation négative dans la mesure
où elle implique un pouvoir illicite sur quelqu’un. On pourrait
la définir comme le fait de déformer ou de présenter des données
de sorte à induire autrui en erreur et à contrôler injustement,
sans scrupules et à son propre avantage les émotions et réactions
de cette personne. La manipulation ne concerne pas seulement les
médias en ligne; c’est un phénomène ancien, observé notamment dans
les régimes non démocratiques, sous le fascisme et le communisme,
où les médias étaient considérés comme un moyen de diriger la population.
Cette manipulation orchestrée par l’Etat ou contrôlée par le parti
s’accompagnait d’une propagande officielle et d’une censure des
opinions divergentes et des informations indésirables.
29. Malheureusement, les exemples de désinformation à motivation
politique sont encore légion aujourd’hui
. Citons, par exemple, la vidéo postée
en janvier 2016 sur Facebook par un journaliste russe, Ivan Blagoy,
qui alléguait que la fille d’un couple de migrants russes en Allemagne,
âgée de 13 ans, avait été violée par des demandeurs d’asile à Berlin.
Cette fausse information avait même été reprise par le ministre
russe des Affaires étrangères lors d’une conférence de presse officielle
à Moscou
.
30. ll s‘agit là d’un cas extrême, mais, sans aller aussi loin,
les médias en ligne ont introduit de nouveaux moyens d’influencer
les débats et l’opinion publics, notamment par le biais de l’ajout
massif de certains contenus ou mots-clés sur des forums de discussion
en ligne. Ainsi, des mots-clés et des débats ont été lancés sur
des réseaux sociaux à des fins politiques. La présence en ligne
du Président des Etats-Unis, Barack Obama, a remporté un franc succès
et fait l‘objet de nombreux commentaires
. Les deux
plus grands partis politiques du Royaume-Uni
ont d’ailleurs
engagé d’anciens conseillers du Président Obama en tant que directeurs
de la communication à la suite des élections présidentielles de
2008 et 2012 aux Etats-Unis et de celles de 2015 au Royaume-Uni.
L’Italie
et la Russie
, par exemple,
se sont également dotées de tels spécialistes. De façon plus générale,
certains militants en ligne, ou «web brigades», sont désormais bien connus
pour tenter d’imposer leurs vues politiques sur les réseaux sociaux
. Dans de tels contextes, il est parfois
difficile d’établir la frontière entre l’influence et la manipulation.
32. De la même manière, en 2015, Google a été accusé d’avoir favorisé
Hillary Clinton par le biais de sa fonction de saisie automatique.
Un représentant de l’entreprise a expliqué
que l’algorithme
de saisie automatique était conçu de manière à éviter d’associer
le nom d’une personne à des termes offensants ou méprisants, et
que cette règle s’appliquait de la même manière à toute personne,
quelle qu’elle soit.
33. En 2014, c’est Facebook qui avait fait l’objet de critiques
pour avoir secrètement mené une étude visant à déterminer si le
fait de confronter des utilisateurs à des contenus véhiculant des
émotions exerce une influence sur le comportement de ces utilisateurs
lorsqu’ils publient eux-mêmes des contenus
. Des anciens employés
de l’entreprise ont reconnu dans un média en ligne en mai 2016 qu’ils
avaient manipulé des contenus politiques sur le réseau, mais le
directeur adjoint du département de la Recherche de Facebook a répondu
dans une publication en ligne concernant cette affaire qu’aucune
preuve de la véracité de ces allégations anonymes n’avait été trouvée
.
34. D’autres exemples de l’utilisation de données en ligne à des
fins de manipulation du public concernent les retours des utilisateurs
tels que les «J’aime» ou les «abonnés» sur Facebook, ou encore les
notes données par les utilisateurs sur les sites web commerciaux;
nombreux semblent être les cas dans lesquels les chiffres sont gonflés
par des contributions achetées ou partisanes.
35. Le lancement d’informations à mauvais escient est aujourd’hui
utilisé comme un puissant outil pour détruire la réputation d’opposants
ou de concurrents. La pratique est courante sur les réseaux sociaux,
et les exemples choquants de cyberharcèlement
qui sont occasionnellement
portés à l’attention du public (notamment en raison de leurs conséquences
dramatiques) ne sont que la partie émergée de l’iceberg dans ce
domaine. Cette méthode est employée dans le monde des affaires,
par exemple dans le cadre de campagnes contre des produits concurrents.
Elle est employée dans les milieux politiques également, où l’on lance
des attaques ciblées contre des rivaux politiques. Bien entendu,
les questions relatives à la fiabilité de l’information et à la
diffamation existent depuis toujours, mais avec les médias en ligne,
de telles pratiques prennent une nouvelle ampleur du fait de la
rapidité de la diffusion des informations et de l’effet exponentiel qui
s’ensuit, à quoi s’ajoute la difficulté objective de supprimer ou
de corriger de fausses informations
.
4. Responsabilité
pour ses propres contenus et les contenus de tiers
36. Ainsi qu’il est énoncé au paragraphe
12 de la
Résolution 1970
(2014) de l’Assemblée «Internet et la politique: les effets
des nouvelles technologies de l’information et de la communication
sur la démocratie», «internet accroît les risques d’abus et de dérives
pouvant mettre en danger les droits de l’homme, l’Etat de droit et
la démocratie: internet héberge l’expression de l’intolérance, de
la haine et de la violence contre les enfants et les femmes; il
arme la criminalité organisée, le terrorisme international, les
dictatures; il augmente aussi le risque d’informations biaisées
et de manipulation des opinions, et il rend possible le contrôle
sournois de notre vie privée». En outre, au paragraphe 13 de cette
même résolution, l’Assemblée constate avec préoccupation que «les
données à caractère personnel sont dégradées en simples biens marchands
et détournées à des fins commerciales ou politiques, menaçant gravement
la protection de la sphère privée. D’autre part, l’utilisation accrue
des nouvelles techniques de sondage sémantique peut mener à une
manipulation de l’opinion publique et altérer les processus politiques».
37. Face à de tels risques, l’Assemblée déclare au paragraphe
14 qu’«internet ne doit pas devenir une machine tentaculaire fonctionnant
hors de tout contrôle démocratique. Il faut empêcher que la Toile
ne devienne de fait une zone de non-droit, un espace dominé par
des pouvoirs cachés où aucune responsabilité ne pourrait être clairement
attribuée».
38. Plus de deux ans plus tard, force est de constater que la
responsabilité des médias en ligne est plus que jamais un défi sociétal
non résolu. Hors du cyberespace, il existe des voies de recours
en cas de publication d’informations inexactes ou qui nuisent au
respect de la vie privée d’autrui. Sur internet, cependant, des images
privées peuvent circuler sans véritable contrôle et des données
à caractère personnel sont massivement recueillies et traitées.
39. Lors du Dialogue européen sur la gouvernance de l’internet
(EuroDIG) qui s’est tenu à Bruxelles en 2016, le Conseil de l’Europe
a coorganisé une session plénière sur «les règles en vigueur dans
le monde numérique – économie contre droits de l’homme»; il est
ressorti du débat que les droits de l’homme et d’autres normes importantes
qui s’appliquaient jadis aux médias traditionnels sont aujourd’hui
remis en question, dans le cyberespace, par des intérêts économiques
et autres souvent puissants
. Face à
cette dichotomie, il est nécessaire que le public prenne davantage
conscience du problème et que la politique s’y attaque plus activement
afin que les droits de l’homme, tels que le droit à la vie privée,
ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la rentabilité économique.
40. Par ailleurs, il convient de se féliciter de l'arrêt de la
Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme dans
l’affaire Delfi AS c. Estonie (Requête
no 64569/09), qui clarifie le champ d'application
de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme
(STE no 5, «la Convention») en ce qui
concerne les fonctions et responsabilités des portails d’actualités
sur internet, conformément à l'article 10.2 de cette Convention,
quand ils fournissent, à des fins commerciales, une plate-forme
pour générer des commentaires d’utilisateurs sur un contenu précédemment
publié et que certains utilisateurs – qu'ils soient identifiés ou anonymes
– s’engagent dans un discours clairement illicite, violant les droits
de la personnalité des autres et contribuent au discours de haine
et d'incitation à la violence contre eux.
4.1. Responsabilité
des médias en ligne et des intermédiaires
41. Au fil des décennies, la législation
a évolué en soulignant l’importance de la liberté des médias pour
la démocratie et pour chaque personne à titre individuel, tout en
inscrivant cette liberté dans le contexte d’autres droits fondamentaux
tels que le droit à la vie privée et la protection de la réputation
d’autrui. A cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme
a établi une vaste jurisprudence en se fondant sur l’article 10
de la Convention européenne des droits de l’homme
. Il est clair que le droit à la
liberté d’expression et à la liberté d’information ne couvre pas
les appels au terrorisme, le discours de haine, l’incitation au
racisme, la pornographie enfantine ni le cyberharcèlement, qui porte
gravement atteinte à la dignité humaine.
42. La presse écrite et les radiodiffuseurs traditionnels assument
la responsabilité éditoriale des contenus qu’ils diffusent. Lorsque
des médias traditionnels entretiennent une présence sur internet,
il semble logique d’attendre d’eux qu’ils appliquent leurs normes
habituelles aux contenus en ligne également. Ce principe soulève
toutefois quelques questions, notamment celles de savoir si ces
normes sont correctement appliquées, si elles devraient être adaptées
dans une certaine mesure et s’il est possible de les faire également appliquer
par d’autres acteurs en ligne. En effet, de nombreux médias en ligne
se considèrent comme de simples intermédiaires techniques entre
les utilisateurs, à la façon des opérateurs téléphoniques traditionnels. Or,
cette analogie ne tient généralement pas compte des ressources et
des moyens dont disposent la plupart des médias en ligne.
43. Google, Facebook et d’autres fournisseurs de services internet
sont des entreprises privées qui traitent avec des utilisateurs
privés sur la base du droit des contrats au niveau national. Les
réseaux sociaux ont établi des règles à l’intention de leurs utilisateurs
sous la forme de conditions d’utilisation ou de codes de conduite. Ces
conditions contractuelles peuvent présenter un caractère d’autorégulation
ou viser à protéger l’image des marques concernées (comme Google
ou Facebook, par exemple). On peut citer, dans ce contexte, l’initiative contre
le discours de haine lancée par Facebook.
44. Les restrictions contractuelles imposées par les réseaux sociaux
aux contenus publiés par les utilisateurs, et plus généralement
à leur comportement, s’inscrivent dans le cadre de la liberté contractuelle. Les
utilisateurs ne peuvent invoquer le droit à la liberté d’expression
au titre de l’article 10 de la Convention, sauf dans le cas où un
fournisseur de services internet posséderait un quasi-monopole sur
le marché et serait de ce fait soumis à des obligations de service
public.
45. La responsabilité juridique est la forme de responsabilité
la plus contraignante. A titre d’exemple, citons l’importante décision
rendue en 2000 par le Tribunal de grande instance de Paris dans
l’affaire
LICRA c. Yahoo!,
qui a obligé Yahoo! France à bloquer l’accès, en France, à des sites
étrangers vendant du matériel illégal
.
46. En 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé
que la sanction infligée aux propriétaires du site Pirate Bay en
Suède, reconnus coupables par les tribunaux suédois d’entretenir
une plate-forme permettant de violer des droits d’auteur, était
conforme à la Convention
. Dans l’affaire
Delfi AS c. Estonie, la Cour européenne
des droits de l’homme a conclu, le 16 juin 2015, qu’il n’y avait
pas eu violation de l’article 10 de la Convention dans le fait d’imposer
une sanction à l’entreprise requérante (qui exploite un portail d’actualités
à titre professionnel dans le cadre d’une activité commerciale)
compte tenu de l’insuffisance des mesures que ladite société avait
prises pour retirer sans délai après leur publication des commentaires constitutifs
d’un discours de haine et d’une incitation à la violence et pour
assurer une possibilité réaliste de tenir les auteurs des commentaires
pour responsables de leurs propos
. En d’autres termes, l’arrêt de la
Cour signifie que la responsabilité des entreprises de médias peut
être engagée lorsque les mécanismes de filtrage (technique ou manuel)
que ces entreprises mettent en place ne suffisent pas à empêcher
que des propos injurieux ou diffamatoires soient rendus publics.
47. Le Conseil de l’Europe a également établi des normes non contraignantes,
notamment dans le cadre de la
Recommandation
CM/Rec(2014)6 du Comité des Ministres aux Etats membres sur un Guide
des droits de l’homme pour les utilisateurs d’internet. Dans cette
recommandation, le Comité des Ministres énonce clairement, par exemple,
que «les droits de l’homme, universels et indivisibles, et les normes
pertinentes en matière de droits de l’homme, priment sur les conditions
générales d’utilisation imposées par les acteurs du secteur privé
aux utilisateurs d’internet. (...) Les utilisateurs devraient pouvoir
être aidés à comprendre et à exercer effectivement les droits de
l’homme en ligne quand leurs droits et leurs libertés sont restreints
ou entravés. Cela implique notamment qu’ils soient renseignés sur
les voies de recours effectives».
48. En conséquence, la Recommandation CM/Rec(2014)6 énonce à cet
égard que, «pour garantir que les normes existantes en matière de
droits de l’homme et de libertés fondamentales s’appliquent de la
même façon en ligne et hors ligne, le Comité des Ministres recommande,
conformément à l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,
que les Etats membres (...) assurent aux utilisateurs d’internet
l’accès à des recours effectifs en cas de restriction ou quand ils
estiment que leurs droits sont violés, ce qui implique à la fois
une coordination et une coopération renforcée entre les institutions,
entités et communautés pertinentes. Cela implique également l’engagement
d’une coopération active et efficace des acteurs du secteur privé
et des organisations de la société civile. Selon le contexte national,
cela peut inclure des dispositifs de recours tels que ceux mis en
place par des autorités de protection des données, des institutions
nationales de protection des droits de l’homme (comme le médiateur),
des procédures judiciaires ou des services d’assistance téléphonique».
5. Transparence
des médias en ligne
5.1. Transparence
des auteurs de contenus en ligne
49. Les médias en ligne manquent
fréquemment de transparence en ce qui concerne notamment l’identité des
personnes exerçant une responsabilité éditoriale, les propriétaires
du média et le siège social de l’entreprise. Cette situation peut
engendrer des difficultés pour les individus qui souhaitent engager
un recours contre un média en ligne en vue de contester la diffusion
d’informations inexactes ou illicites ou de propos diffamatoires.
50. Souvent, il est impossible pour le public d’identifier les
auteurs de textes ou de photos publiés dans des médias en ligne,
notamment dans les contenus générés par les utilisateurs tels que
les commentaires ou les avis. Or, la responsabilité implique logiquement
l’obligation de transparence. En outre, pour pouvoir apprécier la
valeur et la fiabilité d’une information, il est nécessaire de connaître
son auteur et le contexte dans lequel elle a été produite.
51. La déclaration des droits sur internet adoptée par le Parlement
italien
comprend
le droit à la protection de l’anonymat. Cette protection fait toutefois
l’objet de plusieurs restrictions: «Art. 10 (Protection de l’anonymat):
1. Toute personne peut accéder à internet et communiquer par voie
électronique en utilisant des systèmes, y compris des systèmes techniques,
qui protègent l’anonymat et empêchent la collecte de données personnelles,
en particulier en vue d’exercer des libertés civiles et politiques
sans faire l’objet de discrimination ni de censure. 2. Seules sont
autorisées les restrictions à ce droit qui répondent à la nécessité
de protéger des intérêts généraux supérieurs et sont nécessaires,
proportionnées et conformes aux lois et aux principes fondamentaux
d’une société démocratique. 3. En cas de violation de la dignité
et des droits fondamentaux d’une personne, et dans d’autres cas
prévus par la loi, l’autorité judiciaire peut demander, par une
requête motivée, à connaître l’identité de l’auteur d’une communication.»
(traduction libre)
52. On entend souvent dire que l’anonymat peut contribuer à protéger
les auteurs dans les régimes répressifs et non démocratiques; cela
peut être vrai. Néanmoins, si cette exception est valable dans les
pays non démocratiques, l’exigence de transparence concernant les
auteurs de contenus en ligne n’en est pas moins justifiée dans les
pays démocratiques. Malheureusement, il est peu probable que l’anonymat
en ligne offre une protection efficace pour empêcher les régimes
non démocratiques d’identifier les auteurs de propos critiques,
car ces régimes se sont souvent dotés d’autres puissants outils
pour accéder aux sources d’information.
53. Dans le débat public, l’anonymat des utilisateurs d’internet
est parfois considéré comme un objectif légitime, voire comme un
droit qui comprendrait un prétendu droit à utiliser des technologies
de cryptage
. Ces considérations
sont contraires aux règles en vigueur pour d’autres moyens de communication.
En ce qui concerne les médias traditionnels imprimés et les films,
la plupart des législations nationales prévoient que l’identité
de la personne légalement responsable de leur contenu doit être
rendue publique. Les abonnés au téléphone peuvent empêcher que leur
numéro soit affiché sur les terminaux ou que leur nom et adresse figurent
dans les annuaires, mais leur identité peut être obtenue par l’opérateur
téléphonique et par les services répressifs.
54. En fait, les fournisseurs de services internet procèdent généralement
à l’enregistrement et au traitement de toutes les activités de leurs
utilisateurs sur le réseau, y compris la production de contenus
en ligne. Si ces «mégadonnées» sont exploitées pour améliorer de
façon ciblée les services proposés aux utilisateurs, elles constituent
également de précieux biens commerciaux qui sont vendus à des publicitaires
en ligne ou à d’autres acteurs. Il y a donc conflit entre la protection
légitime des données personnelles, d’une part, et les puissants
intérêts commerciaux du secteur de la publicité en ligne, d’autre
part.
55. En outre, il existe des techniques permettant de dissimuler
l’identité et les activités des internautes, par exemple dans le
cadre des «darknets». Pour naviguer sur le darknet, les utilisateurs
emploient fréquemment l’outil The onion router, ou Tor, qui fait
circuler le trafic internet à travers un réseau comptant plusieurs
milliers de relais mis volontairement et gratuitement à disposition,
ce qui permet de dissimuler la localisation et les activités de
l’utilisateur. Tor offre également des services cachés qui permettent
de créer un serveur quasiment impossible à tracer, hébergé au sein
du réseau Tor. Les chercheurs Daniel Moore et Thomas Rid (King’s College,
Londres) ont publié en février 2016 une étude indiquant que le darknet
Tor est principalement utilisé pour le trafic de drogues, les transactions
financières illégales, l’extrémisme, la pornographie illégale et d’autres
activités illicites
. Un anonymat
de cette nature n’a pas lieu d’être dans un Etat de droit, et internet ne
doit pas être un espace de non-droit.
56. Si les utilisateurs des médias en ligne peuvent de fait dissimuler
leur identité vis-à-vis d’autrui, leur traçabilité doit être garantie,
autant que possible, en cas de violation de la loi. Le numéro de
protocole Internet (IP) permet de retracer les utilisateurs dans
la plupart des cas. Cependant, ce n’est ni toujours facile, ni (en pratique)
toujours possible
. L’utilisation de serveurs proxy
et de «routage d'oignon», conjuguée à des problèmes juridiques découlant
de la présence de multiples juridictions, constitue, à ce jour,
un défi important pour les responsables de l’application de la loi.
A cet égard, une coopération renforcée entre les autorités nationales
et les parties prenantes de l’Internet est essentielle.
5.2. Transparence
de la propriété des médias en ligne
57. La
Résolution 2065 (2015) «Accroître la transparence de la propriété des médias»
énonce, entre autres, que les informations à communiquer concernant
les médias devraient comprendre les éléments suivants:
- leur raison sociale, leur siège
social et leurs coordonnées, ainsi que le but lucratif ou non, ou
leur appartenance à l’Etat;
- le nom des personnes qui ont une responsabilité éditoriale
ou des auteurs du contenu éditorial;
- le nom des auteurs du contenu fourni par des tiers, sauf
si la protection des sources journalistiques exige de garder leur
nom secret ou si le droit à la liberté d’expression de l’auteur
risque d’être menacé au-delà des limites de l’article 10 de la Convention
européenne des droits de l’homme.
58. La plupart des entreprises professionnelles de médias respectent
en général ce principe de transparence; toutefois, certaines cherchent
à maintenir l’anonymat de leurs propriétaires, principalement afin de
dissimuler leurs affiliations politiques. Sur les sites web privés,
dans les blogs et les articles sur les réseaux sociaux, les auteurs
semblent préférer limiter la transparence. Il convient donc de d’accorder
une attention particulière à ce secteur, par exemple en prenant
des dispositions concernant ces présences internet et les contenus
hébergés par les fournisseurs de services internet.
6. Droits
des utilisateurs d’internet et recours spécifiques contre les contenus
en ligne
59. Le 25 mars 2014, le Congrès
national du Brésil a adopté un projet de déclaration des droits
des internautes; ce texte est ensuite devenu la loi no 12965
du 23 avril 2014 sur les droits civils sur internet (Marco Civil
da Internet)
.
A la suite des révélations d’Edward Snowden sur la surveillance
des réseaux de télécommunication brésiliens par les services de
renseignement des Etats-Unis, Mme Dilma
Rousseff, alors Présidente du Brésil, avait proposé de renforcer
le droit à la vie privée dans le cyberespace dans un discours prononcé
lors de la 68e session de l’Assemblée
générale des Nations Unies, le 24 septembre 2013. La loi no 12965
énonce huit principes, à savoir la liberté d’expression, la protection
de la vie privée, la protection des données personnelles, la neutralité
du réseau, la stabilité et la sécurité du réseau, la responsabilité,
le caractère participatif du réseau et la liberté des modèles économiques.
60. Le 3 août 2015, la Chambre des députés italienne a adopté
une déclaration des droits sur internet
qui traite
de questions telles que le droit d’accès à internet, la neutralité
du réseau, la protection des données personnelles et le droit à
l’autodétermination en matière d’information, mais aussi de droits
de conception récente tels que le droit à l’identité sur internet
[«L’application d’algorithmes et de calculs de probabilité doit être
portée à la connaissance des personnes intéressées qui, en toutes
circonstances, peuvent s’opposer à la production et à la diffusion
de profils les concernant.» (Traduction libre)], la protection de
l’anonymat (voir paragraphe 5 ci-dessus) et le «droit à l’oubli»
(voir plus bas).
61. Les textes législatifs brésilien et italien sont tous deux
des déclarations politiques, qui rappellent de façon générale les
droits et libertés consacrés par les lois nationales et les normes
européennes ou internationales existantes. Ils répondent à la demande
publique de précision concernant les droits et responsabilités sur
internet et dans les médias en ligne. Par conséquent, ils peuvent
être considérés comme des références dans le cadre de l’interprétation
de la législation nationale, ainsi que comme des orientations politiques
pour toutes les parties prenantes de la gouvernance d’internet en
général.
62. Les initiatives italienne et brésilienne mettent donc en avant
l'importance politique de telles normes; elles devraient servir
de référence à d’autres parlements à cet égard. Les recommandations
CM/Rec(2016)5 sur la liberté d’internet et CM/Rec(2016)3 sur les
droits de l’homme et les entreprises sont les normes les plus récentes
adoptées par le Comité des Ministres en matière de médias en ligne.
63. Ces deux déclarations politiques sont pertinentes pour notre
rapport sur les médias en ligne et le journalisme dans la mesure
où elles rappellent le droit à la protection de la vie privée et
des données à caractère personnel, qui est consacré par l’article
8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la
Convention
pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé
des données à caractère personnel (STE no 108)
et le nouveau Règlement 2016/679 de l’Union européenne relatif à
la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
Nous examinerons de façon plus détaillée dans les paragraphes qui
suivent le nouveau «droit à l’oubli», qui désigne, en fait, le droit
de faire supprimer des liens renvoyant à des informations personnelles dans
les moteurs de recherche.
6.1. Protection
de la vie privée
64. Tandis que l’activité des internautes
est transparente pour les fournisseurs de services, les internautes ignorent
généralement quelles sont les données collectées par ces derniers
à leur sujet. Dans sa
Résolution 1843
(2011) sur la protection de la vie privée et des données à
caractère personnel sur l’internet et les médias en ligne, l’Assemblée
note avec préoccupation que la numérisation des informations a engendré
des possibilités sans précédent d’identifier les individus grâce
à leurs données. L’Assemblée approuve le principe selon lequel toute
personne doit pouvoir contrôler l’utilisation par d’autres de ses
données à caractère personnel, notamment l’accès, la collecte, le
stockage, la divulgation, la manipulation, l’exploitation ou autre traitement
de ces données, à l’exception de la rétention licite ou techniquement
nécessaire des données de trafic liées aux TIC et des données de
localisation. Le contrôle de l’utilisation des données à caractère personnel
doit comprendre le droit de chacun de connaître et de rectifier
les données qui le concernent, et de faire supprimer des systèmes
et réseaux fondés sur les TIC toutes les données qui ont été fournies
sans obligation juridique.
65. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
et la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel comportent des normes relatives
à la protection de la vie privée en ligne qui s’appliquent aux Etats
membres du Conseil de l’Europe. Au niveau de l’Union européenne,
le nouveau Règlement général relatif à la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la
libre circulation de ces données doit instaurer, au minimum, le
même niveau de protection de la vie privée.
66. Conformément à ces normes, il peut être fait obligation à
des médias en ligne de respecter la vie privée de particuliers,
ce qui peut nécessiter la suppression de contenus en ligne portant
atteinte aux droits relatifs à la vie privée.
6.2. Droit
de réponse
67. Les règles qui s’appliquent
au journalisme dans le secteur des médias imprimés et de l’audiovisuel
ont été définies par la législation, mais aussi par des normes d’autorégulation,
notamment des journalistes eux-mêmes. Le droit de réponse, par exemple,
est reconnu par de nombreux médias traditionnels et codes de déontologie
du journalisme.
68. En ce qui concerne les médias traditionnels, le droit de réponse
et de rectification est largement reconnu depuis de nombreuses années,
y compris au niveau européen, comme en témoigne la Résolution (74)
26 du Comité des Ministres sur le droit de réponse
et l’article 8 de la Convention européenne
sur la télévision transfrontière (STE no 132).
En 2004, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation CM/Rec
(2004)16 sur le droit de réponse dans le nouvel environnement des
médias
. Selon la définition donnée par la
présente recommandation, le terme «médium» désigne «tout moyen de
communication pour la diffusion périodique au public d’informations
éditées, en ligne ou hors ligne, telles que les journaux, les périodiques,
la radio, la télévision et des services d’information sur le Web».
69. La recommandation CM/Rec (2004)16 établit que «toute personne
physique ou morale, sans considération de nationalité ou de résidence,
devrait se voir accorder un droit de réponse ou une mesure équivalente
offrant la possibilité de réagir à toute information dans les médias
qui présente des faits inexacts à son propos et affecte ses droits
personnels». Afin de sauvegarder l’exercice effectif du droit de
réponse, «les médias devraient rendre publics le nom et les coordonnées
de la personne à qui les demandes de réponse peuvent être adressées.
Dans le même but, le droit ou la pratique devrait déterminer au
niveau national dans quelle mesure les médias sont astreints à conserver
une copie des informations ou programmes mis à la disposition du
public, et ce pendant un laps de temps raisonnable, ou du moins
tant qu’une demande d’insertion d’une réponse peut être formulée
ou qu’une affaire est examinée par un tribunal ou une autre instance
compétente». En outre, la réponse devrait être rendue publique à
titre gratuit pour l’intéressé et devrait, dans la mesure du possible,
bénéficier de la même importance que celle accordée aux informations litigieuses
afin d’atteindre le même public et le même impact.
70. Le droit de réponse est facilement applicable dans un média
périodique et des programmes périodiques dans les médias de radiodiffusion,
où les lecteurs ou les téléspectateurs peuvent être informés dans
le prochain numéro ou programme qu’une erreur factuelle s’est produite.
La mise en œuvre effective de ce droit fait face à plus de difficultés
lorsque les médias en ligne sont concernés, car beaucoup d’entre
eux sont moins transparents et les sites Web sont hébergés et mis
en cache ou copiés à l’étranger. Toutefois, l’adhésion à ces normes
devrait être une exigence pour les médias professionnels en ligne.
71. En revanche, la situation est différente pour les sites internet.
Il est possible, sur ces derniers, d’insérer une correction ou d’ajouter
une réponse, mais la plupart des sites internet tendent à modifier
régulièrement leur contenu. Le droit de réponse nécessiterait donc
la publication d’un nouvel article renvoyant à un ancien article
susceptible d’avoir été déjà supprimé. S’agissant des applications
d’actualités sur les téléphones portables ou autres dispositifs
permettant d’accéder à internet, il serait possible d’apporter une
correction en publiant une nouvelle brève d’actualité sur le sujet
concerné. Quant aux moteurs de recherche, la suppression d’informations
ou de données factuelles erronées pourrait constituer une solution
plus simple, techniquement parlant, que l’ajout d’une réponse ou
d’une correction aux résultats de recherches effectuées ultérieurement. De
fait, Google offre à ses utilisateurs la possibilité de supprimer
certains contenus conformément à la loi
.
72. En tout état de cause, de nombreux médias en ligne permettent
naturellement à leurs utilisateurs de publier des commentaires,
dans lesquels ceux-ci peuvent corriger des informations erronées
et s’exprimer sur des points de vue. Par conséquent, les réponses
plus formelles sont en concurrence avec ces commentaires. Les utilisateurs
de médias en ligne étant apparemment moins demandeurs de réponses
formelles, celles-ci semblent moins fréquentes dans ce milieu.
73. La suppression d’informations inexactes dans les médias en
ligne est une mesure radicale qui ne peut être ordonnée que par
un tribunal si les informations concernées sont déclarées illégales.
Elle peut aussi, lorsqu’il s’agit des contenus publiés par des tiers
ou des utilisateurs, être mise en œuvre volontairement par les médias
en ligne conformément à leurs politiques éditoriales ou leurs conditions
d’utilisation (voir le point 4 et la section consacrée à la suppression
des contenus en ligne ci-dessous).
6.3. Droit
de faire supprimer des liens renvoyant à des informations personnelles
dans les moteurs de recherche
74. Au sein de l’Union européenne,
le «droit à l’oubli» est reconnu en vertu de la directive 95/46/CE
sur la protection des données
. Il garantit aux particuliers la
possibilité, sous certaines conditions, de demander aux moteurs
de recherche de supprimer des «liens qui renvoient à des informations
personnelles les concernant. Le droit à l’oubli s’applique lorsque
les informations sont erronées, inadéquates, non pertinentes ou
excessives au regard des finalités du traitement des données
.» La Cour
de justice de l’Union européenne a fait expressément référence à
ce droit dans un arrêt rendu en 2014 (
affaire
C-131/12: Google Spain SL, Google Inc. c. Agencia Española de Protección
de Datos, Mario Costeja González)
; par la suite, le groupe de travail «article
29» sur la protection des données a publié des lignes directrices
relatives à l’exécution de cet arrêt
.
75. Au sein de l’Union européenne, un nouveau règlement général
sur la protection des données (Règlement 2016/679 relatif à la protection
des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation de ces données) est entré en
vigueur le 24 mai 2016; il entrera en application le 25 mai 2018
en remplacement de la directive 95/46/CE. Le droit à l’oubli figure
à l’article 17 de ce texte
.
76. Les algorithmes de recherche sur internet peuvent être réglés
de façon à ne pas faire apparaître de liens pointant vers des informations
personnelles ni de mots péjoratifs dans les fonctions automatiques
de saisie; toutefois, ce droit à l’oubli ne doit pas être confondu
avec le droit de réponse aux contenus en ligne. Ainsi qu’il est
indiqué plus haut, le droit de réponse ou de correction s’applique
aux contenus en ligne, mais pas aux moteurs de recherche en règle
générale. L’ajout d’une réponse au résultat d’une recherche sur
internet nécessiterait davantage d’espace que l’habituelle ligne
contenant les mots recherchés, ainsi qu’une modification profonde
de l’algorithme de recherche.
6.4. Suppression
de contenus en ligne
77. A l’initiative de son Secrétaire
Général, le Conseil de l’Europe a commandé à l’Institut suisse de
droit comparé (Genève) une étude sur les cadres législatifs nationaux
concernant le filtrage et le blocage de contenus sur internet
. Ce document montre que les lois
et les pratiques varient d’un Etat à l’autre. Si, d’un côté, il
doit être possible de faire supprimer des contenus illégaux en ligne,
de l’autre, il y a un risque d’atteinte à la liberté d’information
lorsque des autorités publiques exigent le retrait ou le blocage
d’autres contenus.
78. Une autre étude sur le sujet avait été conduite en 2011 par
le Professeur Yaman Akdeniz pour la représentante de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur la liberté
des médias; celle-ci analysait les exigences légales relatives au
blocage et au filtrage de contenus sur internet, et les éventuelles
insuffisances à cet égard
. En outre,
en 2014, le Professeur Douwe Korff a élaboré un document intitulé
«La prééminence du droit sur l’internet et dans le monde numérique
en général
» pour le Commissaire aux droits de
l’homme, dans lequel il examine cette même question dans un contexte
plus large.
79. Pour le reste, les entreprises privées qui fournissent des
services sur internet sont libres de réglementer ces services et
donc d’en définir les règles et conditions d’utilisation en ce qui
concerne les contenus en ligne, y compris la suppression de contenus,
comme le prévoit Google dans ses conditions d’utilisation
. Cependant, les Etats ne peuvent
pas simplement déléguer l’application de la loi au secteur privé
ou faire pression sur ce dernier pour qu’il supprime les contenus
en ligne politiquement indésirables, comme l’a rappelé le Rapporteur
spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit
à la liberté d’opinion et d’expression en juin 2016
. Ceci soulève la question plus générale
de la gouvernance d’internet, sur laquelle notre commission élabore
actuellement un autre rapport
.
6.5. Autorégulation
relative aux contenus
80. Les réseaux sociaux ont établi
des règles applicables aux contenus publiés par les utilisateurs.
En réponse à la demande du public, Facebook a interdit par exemple
les propos haineux, définis comme «du contenu qui cible des personnes
en raison de leur race, leur ethnicité, leur origine nationale,
leur religion, leur sexe, leur orientation sexuelle, leur infirmité,
ou leur état de santé réel ou supposé». Toutefois, l’entreprise accepte
«les contenus qui apparaissent clairement comme de l’humour ou une
satire qui pourraient par ailleurs être considérés comme une éventuelle
attaque ou menace. Cela comprend les contenus que de nombreuses personnes
pourraient qualifier de mauvais goût (par exemple: histoires drôles,
monologues comiques, paroles de chansons populaires, etc.)»
. L’Assemblée prépare actuellement
un rapport sur le thème «Mettre fin à la cyberdiscrimination et
aux propos haineux en ligne» (Doc. 13828) qui traite plus particulièrement
de ce problème.
81. Le 31 mai 2016, la Commission européenne et plusieurs grandes
entreprises d’internet ont adopté un code de conduite visant à lutter
contre le discours de haine illégal en ligne
. Il convient
de saluer ces efforts et de profiter de cette occasion pour faire
adopter des mesures analogues par les Etats membres du Conseil de
l’Europe, sans préjudice des mesures de précaution nécessaires et
des restrictions juridiques applicables à ce type de mesures d’autorégulation
privées
.
7. Conclusions
82. Tandis que la société mondiale
de l'information et de la communication déclenche des opportunités énormes,
notamment une plus grande liberté et une participation plus démocratique,
l’analyse ci-dessus indique des risques qui ne doivent pas être
négligés. Déjà dans sa
Résolution
1970 (2014) «Internet et la politique: les effets des nouvelles
technologies de l’information et de la communication sur la démocratie», l’Assemblée
a recommandé au paragraphe 19 aux Etats membres: «d’engager, tant
au niveau national qu’au sein du Conseil de l’Europe, une réflexion
sur les normes et mécanismes, en phase avec l’évolution des technologies,
nécessaires (…) à prévenir les risques de distorsion de l’information
et de manipulation de l’opinion publique, et de considérer par exemple:
- l’élaboration d’une réglementation
cohérente et/ou l’incitation à une autoréglementation concernant
la responsabilité des grands opérateurs d’internet;
- l’établissement d’une institution indépendante dotée de
pouvoirs, compétences techniques et moyens suffisants pour expertiser
les algorithmes des moteurs de recherche qui filtrent et conditionnent
l’accès aux informations et savoirs sur le web, tout en évitant
le risque qu’une telle institution puisse porter atteinte à la nature
même de la liberté d’expression;
- l’élaboration de principes et de normes générales afin
d’encadrer les nouvelles pratiques de sondage sémantique;
- l’élaboration d’une réglementation devant être appliquée
par les entreprises qui proposent des systèmes de communication
sur internet pour prévenir les abus à l’encontre de la vie privée
ou familiale des particuliers dus aux activités des fauteurs de
troubles (trolling), tout
en maintenant un équilibre avec la liberté d’expression.»
83. Je constate que ces propositions demeurent pertinentes. Cherchant
à construire sur cette base, j’ai inclus mes propositions détaillées
dans le projet de résolution. Elles s’articulent globalement autour
des quatre axes suivants:
i. le renforcement
de la sensibilisation aux lois, règlements et normes d’autorégulations
existants, ainsi qu’à de nombreuses résolutions et recommandations
pertinentes de l’Assemblée ;
ii. le respect, par les journalistes professionnels et médias
rédactionnels en ligne, des normes professionnelles qui s’appliquent
aux médias hors ligne. Les nouveaux défis posés par les médias en ligne
doivent être traités de façon adéquate dans de telles normes d’autorégulation;
iii. l’élaboration, par les fournisseurs de services internet
et les médias en ligne, de normes concernant la gouvernance d’entreprise,
la protection des utilisateurs et les politiques éditoriales afin
de garantir la fiabilité des médias en ligne;
iv. l’octroi aux utilisateurs de médias en ligne des moyens
nécessaires pour faire supprimer ou corriger toute information fausse
ou diffamatoire les concernant.
84. L’information du public et la réflexion critique sont les
meilleures garanties contre les contenus médiatiques manipulateurs.
Dans la mesure où il permet aux utilisateurs d’accéder à des informations complémentaires
et à des points de vue différents, le pluralisme des médias contribue
à lutter contre la manipulation des médias. La multitude des médias
en ligne existants implique forcément une grande diversité entre
eux; aussi leurs utilisateurs doivent-ils acquérir des compétences
en matière de médias pour pouvoir distinguer ceux qui sont fiables
de ceux qui ne le sont pas. Le taux de confiance relativement faible
dans les médias en ligne par rapport aux médias audiovisuels
semble
indiquer que les utilisateurs de ces derniers sont suffisamment
«informés» du caractère potentiellement manipulateur des médias
en ligne. Cependant, je pense que des efforts supplémentaires devraient
être faits dans le domaine de l’éducation aux médias et de la formation
des journalistes en ligne.
85. La question de l’éducation aux médias fait partie, depuis
longtemps, des priorités de nombreuses organisations internationales,
notamment l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science et la culture (UNESCO)
, l’Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE)
, l’OSCE
, le Conseil
de l’Europe
et l’Union européenne
, ainsi que de la Plate-forme européenne
des instances de régulation
, de l’Union européenne de radio-télévision
et d’autres acteurs ayant lancé des
initiatives publiques-privées dans ce domaine
. L’analyse
approfondie de ces divers travaux nécessiterait un délai plus long
que celui qui nous est imparti et sortirait du champ couvert par
le présent rapport; c’est pourquoi je suggère que l’éducation aux
médias pour les utilisateurs de médias en ligne, la formation des
journalistes en ligne et l’adoption de normes éthiques à l’intention
des «citoyens-journalistes» fassent l’objet d’un futur rapport qui
pourrait être proposé par notre commission.