1. Introduction
1. L’Assemblée parlementaire a
fait part à plusieurs reprises de sa préoccupation concernant la
situation à Gaza. Elle a notamment souligné la nécessité de trouver
une solution politique à la crise
. Cependant, le présent rapport
s’intéressera plutôt aux aspects humanitaires du conflit actuel.
2. Les chiffres suivants témoignent de la dégradation constante
de la situation humanitaire à Gaza: 71 % de la population totale
de Gaza est composée de réfugiés palestiniens dont les familles
ont été déplacées et ont perdu leurs moyens de subsistance pendant
la guerre israélo-arabe de 1948 (soit 1,3 million de personnes);
43 % de la population est au chômage (le taux de chômage des jeunes
est encore plus alarmant, atteignant un niveau de 64,4 % pour les
hommes et de 82,8 % pour les femmes). 40% de la population de Gaza
n’est approvisionnée en eau qu’une fois tous les trois jours, pendant
cinq à huit heures, en raison d’une alimentation en électricité
insuffisante et irrégulière. Selon un rapport de la Banque mondiale
, près de 80 % de la
population perçoit une aide sociale sous une forme ou une autre
et 40 % environ vit au-dessous du seuil de pauvreté. Le revenu réel
par habitant dans le territoire est inférieur de 32 % à son niveau
de 1994. Le taux de croissance de Gaza est l’un des plus faibles
au monde depuis vingt ans.
3. Après la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006,
l'organisation a pris le contrôle de la bande de Gaza en juin 2007
après un conflit militaire avec le Fatah. Depuis lors, la région
est devenue le théâtre de heurts incessants entre le Hamas et diverses
autres factions politiques opposées à Israël, le plus significatif
étant la guerre de Gaza de 2008-2009, qui a largement contribué
à aggraver la situation humanitaire. Qui plus est, les opérations
militaires menées par les Forces de défense israéliennes (FDI) – opération
«Plomb durci» en 2008, opération «Pilier de défense» en 2012 et
opération «Bordure protectrice» en 2014 – ont transformé la bande
de Gaza en une zone sinistrée.
4. La situation est devenue encore plus préoccupante depuis l’été
2014 et le lancement de l’opération militaire israélienne «Bordure
protectrice», qui a fait un nombre considérable de victimes et causé
la destruction de très nombreuses infrastructures civiles. On estime
que plus de 12 620 logements ont été totalement détruits, que 6
455 ont été gravement endommagés et que 17 650 familles, soit environ
100 000 personnes, ont été déplacées
.
En conséquence, un grand nombre d’entre elles ont préféré fuir Gaza
et rejoindre les masses de réfugiés qui vont vers l'Europe.
5. En outre, les tunnels frontaliers – par lesquels transitaient
la plupart des marchandises et du ravitaillement alimentant Gaza
depuis 2007 – ont été détruits par les armées égyptienne et israélienne
au motif qu’ils étaient aussi utilisés pour transporter clandestinement
des armes et porter des attaques sur le territoire israélien.
6. Le présent rapport a pour principal objectif d’évaluer la
situation humanitaire telle qu’elle se présente aujourd’hui à Gaza,
à partir d’entretiens avec les autorités israéliennes et palestiniennes
et sur la base de rapports émanant d’organisations humanitaires
dignes de confiance. Il importe de bien comprendre les conséquences
humanitaires de l’état de siège dans lequel vivent les Palestiniens
de Gaza depuis 2007 avant de proposer des mesures pour améliorer
la situation.
7. Je n’ai malheureusement pas pu me rendre à Gaza, les autorités
israéliennes ne m’y ayant pas autorisée et les autorités égyptiennes
n’ayant pas donné suite à ma demande, ce qui est contraire aux obligations
d’Israël qui, en tant qu’observateur auprès de l'Assemblée parlementaire,
devrait faciliter les missions d'enquête des rapporteurs de l'Assemblée.
8. Le rapport s’attache également à évaluer pourquoi l’Europe
et ses partenaires ne sont pas parvenus à promouvoir les valeurs
de la politique européenne de voisinage dans la région ni à obtenir
la réouverture de Gaza à l’assistance humanitaire et à l’aide à
la reconstruction. Selon un rapport récent de la Conférence des Nations
Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les graves dommages
à l’aquifère côtier et la dégradation globale de l’environnement
risquent de faire de Gaza un lieu invivable d’ici à 2020. Avec une population
estimée à deux millions en 2020, les ressources en eau et les infrastructures
seront insuffisantes. Il est donc vital pour la survie de la population
de Gaza que les donateurs internationaux respectent leurs engagements
et qu’il soit mis fin au blocus.
2. Le contexte historique
9. L’Agence juive a accepté la
fin du mandat britannique pour la Palestine et le partage du territoire
en deux Etats indépendants arabe et juif approuvés par l’Assemblée
générale des Nations Unies en 1947
.
La création de l'Etat d’Israël a été déclarée le 14 mai 1948, après
le retrait des forces armées britanniques. Plusieurs pays, dont
les Etats-Unis et l’Union soviétique, ont alors reconnu l’Etat israélien.
La Ligue arabe et le Haut Comité arabe de Palestine ont rejeté le
plan de partage, au motif qu’il ne respectait pas le droit à l’autodétermination inscrit
dans la Charte des Nations Unies.
10. Le lendemain de la fondation de l’Etat d’Israël, les troupes
égyptiennes, syriennes, jordaniennes et irakiennes franchissent
l’ancienne frontière de la Palestine mandataire, marquant ainsi
le début de la première guerre israélo-arabe. Environ 750 000
Palestiniens
sont alors expulsés de leur foyer ou déplacés vers les pays voisins,
dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie. Entre 1948 et 1967, la
bande de Gaza est contrôlée par l’Egypte, et la Cisjordanie par
la Jordanie. En 1967, Israël occupe la bande de Gaza et la Cisjordanie
à l’issue de la guerre des Six Jours.
11. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est créée
en 1964 dans le but de libérer la Palestine par les armes
.
Dix ans plus tard, l’Assemblée générale des Nations Unies reconnaît
l’OLP en tant que représentant du peuple palestinien
et accorde
le statut d’observateur à la Palestine
. Le Hamas
voit le jour peu de temps après la première intifada contre Israël
en 1987, avec pour objectif de libérer la Palestine de l’occupation
israélienne et d’établir un Etat islamique dans les territoires
palestiniens et israéliens. A l’époque, le Hamas refuse toute solution
pacifique au conflit israélo–arabe
et depuis lors sa branche armée multiplie
les attaques contre Israël, avec notamment des attentats suicides
et des tirs de roquettes. De nombreux pays et organisations internationales,
dont l’Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l’Australie
et Israël, inscrivent le Hamas sur la liste des organisations terroristes
.
12. L'Egypte est une puissance régionale qui a toujours joué un
rôle clé dans le conflit israélo-palestinien. Elle a participé pendant
les premières décennies à des opérations militaires contre Israël
aux côtés d’autres pays arabes. En 1977, cependant, l'Egypte entame
avec Israël des négociations secrètes qui aboutissent à la signature
des accords de Camp David en 1978 et au traité de paix israélo-égyptien en
1979. Les accords prévoient la reconnaissance par l'Egypte de l'Etat
d’Israël qui, en contrepartie, s’engage à retirer ses forces armées
du Sinaï, à y démanteler 12 implantations juives habitées par 4 500
civils et à restituer la péninsule à l’Egypte
. L’Assemblée générale
des Nations Unies a vivement critiqué cet accord, au motif qu’il
a été signé sans la participation de l’OLP et des Nations Unies
et qu’il ne tient pas compte du droit au retour des réfugiés palestiniens
dans les territoires israéliens et palestiniens ni du droit des
Palestiniens à l’autodétermination
.
13. En 1992, après plusieurs dizaines d’années de conflits armés
entre Israël et les Etats membres de la Ligue arabe et une recrudescence
des affrontements entre la police israélienne et les Palestiniens,
Israël et l’OLP entament des négociations qui aboutissent aux accords
d’Oslo. L’OLP reconnaît l'Etat d’Israël, tandis qu’Israël reconnaît
le droit à l’autonomie des Palestiniens
.
L’OLP et Israël ne parviennent toutefois pas à se mettre d’accord
sur des questions clés comme la question des implantations juives
dans les territoires palestiniens, le retour des réfugiés palestiniens
et le statut de Jérusalem.
14. En 1994, suite aux accords d’Oslo, l’Autorité nationale palestinienne
(ANP) est créée pour administrer certaines parties des territoires
de Cisjordanie et de la bande de Gaza
. Cependant,
ce dispositif n’est pas considéré comme une solution définitive
pour la Palestine et de nouvelles négociations sur le statut permanent des
territoires palestiniens et d’autres questions en suspens, notamment
Jérusalem, les réfugiés et les implantations juives, sont prévues.
En 2000, les négociations s’achèvent sans qu’un accord de paix global
ait pu être trouvé, ce qui contribue au déclenchement de la deuxième
intifada.
15. Israël impose les premières restrictions sur la bande de Gaza
en 1989, dans le contexte de la première intifada: seuls les porteurs
d’une carte magnétique délivrée par le gouvernement israélien sont
autorisés à sortir de Gaza. A partir de 1991, tout résident palestinien
de Gaza qui veut entrer en Israël doit demander et obtenir un permis
personnel; en 2000, pendant la deuxième intifada, Israël décide
du bouclage total de la bande de Gaza
.
16. En 2005, Israël met en œuvre un plan de désengagement unilatéral
qui prévoit le retrait des troupes israéliennes de Gaza après 38
ans d’occupation et l’évacuation de toutes les implantations israéliennes
dans la bande de Gaza. L’Autorité nationale palestinienne obtient
ainsi le plein contrôle de la bande de Gaza, à l’exception de ses
espaces maritime, aérien et frontalier, qui restent sous contrôle
israélien
.
17. En 2006, le Hamas remporte les élections législatives palestiniennes
devant le parti du Fatah, affilié à l’OLP; en 2007, il prend le
contrôle de la bande de Gaza et ordonne aux agents du Fatah de quitter
leurs postes
. Le Hamas
refusant de renoncer à la violence et de respecter les précédents
accords avec Israël, le Gouvernement israélien, suivi par le Quartet (Nations
Unies, Union européenne, Etats-Unis et Russie), prononce des sanctions
économiques contre l’Autorité palestinienne dirigée par le Hamas
dans la bande de Gaza
. Israël gèle aussi le reversement
des taxes collectées pour le compte de l’Autorité palestinienne.
Entre 2007 et 2010, Israël durcit progressivement les restrictions
sur l’entrée des marchandises, y compris l’aide humanitaire et l’électricité,
ainsi que sur les exportations
. La situation humanitaire s’aggrave
encore lorsqu’Israël et l'Egypte ferment leurs frontières avec Gaza,
en 2007
.
18. Depuis 2007, la bande de Gaza est soumise à un blocus imposé
par Israël et l’Egypte. Entre mai et octobre 2007, le durcissement
du blocus a entraîné une baisse de 71 % du volume des importations
. Les restrictions drastiques sur
les importations de matériaux de construction ont été très préjudiciables
à l’économie de Gaza et les Palestiniens ont des difficultés pour
reconstruire leurs maisons détruites par les frappes israéliennes
. Israël et l’Egypte subissent des
pressions de plus en plus fortes de la part de la communauté internationale
pour qu’ils assouplissent le blocus en raison de l’augmentation
dramatique du chômage, de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire
dans la bande de Gaza
. Depuis
2010, Israël autorise l’importation de toutes les marchandises non
militaires, mais continue de contrôler tous les produits qui entrent
dans Gaza
.
19. Après la révolution de 2011, l’Egypte rouvre sa frontière
avec Gaza aux femmes, aux enfants et aux hommes de plus de 40 ans
et, depuis 2012, elle recommence à approvisionner la bande de Gaza
en carburant afin d’atténuer la crise humanitaire
.
En 2013, Israël assouplit lui aussi le blocus sur l’importation
des matériaux de construction
.
20. En 2014, Israël lance l’opération militaire «Bordure protectrice»
pour stopper les tirs de roquettes à partir de Gaza
. L’opération fait des milliers de
morts, dont une majorité de civils palestiniens
; Gaza s’enfonce encore plus dans
la crise humanitaire.
3. Les
différents aspects de la crise humanitaire dans la bande de Gaza
3.1. Libre
circulation des personnes et des biens
22. Les principaux facteurs de
la crise humanitaire actuelle sont, avec les attaques militaires,
les restrictions à la libre circulation des marchandises et des personnes
imposées par Israël et l’Egypte et leurs effets économiques dramatiques,
qui entravent sérieusement l’accès de la population de Gaza à la
nourriture, au logement, à l’énergie et aux services publics de
base. Ces restrictions constituent également une violation des droits
de l’homme. Les autorités israéliennes et les autorités égyptiennes
les justifient en invoquant des menaces pour la sécurité liées à
la construction de tunnels, à la contrebande d’armes et à l’organisation d’attentats
terroristes.
23. Les premières restrictions remontent au début des années 1990;
elles ont ensuite été durcies après le blocus de 2007. Alors qu’en
2005, 31 424 personnes entraient chaque mois en Israël par le point
de passage d’Erez, leur nombre a chuté à 2 175 en 2008. La situation
s’est certes légèrement améliorée depuis 2010, mais en 2015, le
nombre de passages était divisé par deux par rapport à 2005 (moyenne
mensuelle: 15 027). Parallèlement, l’Egypte a limité le passage
des habitants de Gaza au poste-frontière de Rafah – 25 813 passages
en 2006, contre seulement 1 759 en 2008. En 2012, l’Egypte a rouvert
le poste-frontière, mais le nombre de passages mensuels a de nouveau
reculé depuis 2014, de 25 187 en 2013 à 8 141 en 2014 et à 2 393
en 2015
.
24. Le nombre de camions autorisés à entrer dans Gaza et à en
sortir a chuté de façon dramatique depuis le début du blocus. En
2005, 777 chargements en moyenne sortaient de Gaza chaque mois,
mais leur nombre a chuté à trois en 2008, entraînant la fermeture
de centaines d’usines. Le nombre de camions autorisés à sortir de
Gaza a recommencé à augmenter en 2015 – 113 camions par mois – mais
on est encore loin des chiffres d’avant le blocus. Le nombre de
chargements transitant vers Gaza a également chuté depuis le blocus
– de 9 290 par mois en moyenne en 2005 à 2 236 en 2008. Cependant,
ce nombre a augmenté au cours des deux dernières années, et 139 364
camions ont pu entrer dans la bande de Gaza en 2015
.
Selon une déclaration du 13 juillet 2016 de l’Unité de coordination
des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), le poste-frontière
d’Erez va être rouvert pour le passage de marchandises pour la première
fois depuis neuf ans
. En 2015, le nombre des autorisations de
passage en Israël depuis la bande de Gaza a doublé pour les représentants
du secteur des entreprises et le quota d’entrées est passé de 3 000 à
5 000. Quelque 100 000 personnes sont entrées en Israël par Erez
en 2015, soit 300 % de plus qu’en 2014
.
25. L’augmentation du nombre de passages (personnes et marchandises)
indique une tendance certes positive, mais insuffisante pour atténuer
la crise humanitaire à Gaza. En 2015, la Banque mondiale a indiqué que
le blocus avait entraîné une baisse du produit intérieur brut (PIB)
de Gaza d’environ 50 %
. Les exportations ne représentent
que 17 % de leur volume avant l’arrivée au pouvoir du Hamas. La
suspension des importations de ciment à Gaza entre le 3 avril et
le 22 mai 2016 est en outre à l’origine de retards des chantiers
de reconstruction. Seule une levée totale des restrictions sur la
libre circulation et l’accès à destination et en provenance de Gaza
et un appel à la levée du blocus pourront créer les conditions nécessaires
à la reconstruction de Gaza.
3.2. Insécurité
alimentaire
26. L’accès insuffisant à la nourriture,
dont souffrent 47 % des foyers de Gaza, est une conséquence directe du
blocus et des opérations militaires. Des denrées alimentaires sont
disponibles, mais leur prix est trop élevé pour la plupart des habitants,
confrontés à un taux de chômage élevé, actuellement supérieur à
40 % dans la bande de Gaza
. La fermeture
des postes-frontières vers Israël et la Cisjordanie empêche la population
d’aller travailler en dehors de la bande de Gaza et ainsi d’améliorer
la situation économique et humanitaire. Au cours de ma visite à
Jérusalem et à Ramallah, des organisations non gouvernementales
(ONG) palestiniennes m’ont informée que ceux qui réussissent à passer
la frontière sont parfois arrêtés par les autorités israéliennes
ou incités à collaborer avec Israël. La zone tampon couvre environ
23% des terres agricoles de la bande de Gaza, ce qui limite encore
la capacité des propriétaires à cultiver les champs qui leur appartiennent.
Elle est divisée en deux parties. La première partie, qui est une
«zone d’exclusion» où il est interdit à quiconque d’entrer, représente
4 % du territoire de la bande de Gaza. La deuxième partie, dans
laquelle aucune construction n’est autorisée, représente 19 % de
ce territoire.
27. Même lorsque les familles ont les moyens d’acheter assez de
nourriture, la préparation des repas est compliquée par la mauvaise
qualité de l’eau, le mauvais état de l’infrastructure d’assainissement
et l’insalubrité, le manque d’électricité et l’insuffisance des
importations de gaz à usage domestique
.
Les importations de gaz qui transitent au point de passage de Kerem
Shalom ne couvrent qu’un tiers des besoins estimés
.
Un autre gros problème est l’accès aux zones de pêche (voir ci-dessous
le paragraphe «Zones de pêche»).
28. Lors de nos entretiens, les autorités israéliennes m’ont informée
qu’au cours des dernières années, Israël a pris plusieurs mesures
pour améliorer l’approvisionnement en denrées alimentaires et relancer l’économie
dans Gaza. L’une de ces mesures a consisté à autoriser l’exportation
de produits industriels (textiles, mobilier, ferraille) et agricoles,
ce qui, selon les autorités israéliennes, a permis à Gaza de vendre
plus de 15 000 tonnes de biens à la Cisjordanie, à Israël et à d’autres
pays depuis octobre 2014. Israël aurait également autorisé l’importation
de moteurs et de véhicules d’occasion dans la bande de Gaza. Depuis
2011, selon les autorités, tous types de denrées alimentaires, de
biens de consommation et autres peuvent transiter vers Gaza à partir
d’Israël; les interdictions sont désormais limitées aux armes et
à une liste de matériels considérés comme pouvant être détournés
à des fins terroristes. Au cours du premier trimestre de 2016, les exportations
et transferts de produits agricoles à partir de Gaza ont rapporté
$US 5,6 millions, soit trois fois plus qu’en 2015
.
29. Le volume des importations et des exportations a quelque peu
augmenté depuis quelques années, mais on reste loin des chiffres
d’avant le blocus.
3.3. Reconstruction
et importations de matériaux de construction
30. Le blocus israélien sur les
importations de matériaux de construction, l’inefficacité du gouvernement
à Gaza et le retard dans le versement des fonds internationaux promis
expliquent la lenteur du processus de reconstruction.
31. Les autorités israéliennes font valoir qu’en dépit du risque
sérieux de détournement des matériaux de construction importés à
Gaza par le Hamas pour construire des infrastructures terroristes
(notamment des tunnels courant sous la frontière), elles font des
efforts pour soutenir les travaux de reconstruction dans le cadre
du Mécanisme de reconstruction de Gaza
. Plus de 4,3 millions
de tonnes de matériaux sont entrés à Gaza depuis l’été 2014, soit
800 camions chargés de matériaux de construction et d’autres matériels
par jour. Les projets soutenus par Israël dans la bande de Gaza
prévoient la construction de logements, d’écoles, d’hôpitaux et
d’infrastructures. Afin d’accélérer le processus, Israël a assoupli
la circulation du personnel concerné; un millier d’autorisations
de passer la frontière entre la Cisjordanie et Gaza ont été délivrées
depuis l’été 2014.
32. Cependant, Israël limite l'importation d'une liste spécifique
de matériaux
dans
la bande de Gaza, notamment des articles «à double usage» tels que
des matériaux de construction de base (gravier, barres d’acier et
ciment) et toute une série de pièces de rechange, d’équipements
informatiques, d’accessoires automobiles et de technologies normalement
utilisés à des fins civiles mais pouvant avoir des applications militaires.
D’après les informations recueillies au cours de ma visite sur place,
la situation n’a pas changé.
33. Les autorités israéliennes ont suspendu les livraisons de
ciment au secteur privé du 3 avril au 22 mai 2016, après avoir découvert
un tunnel souterrain entre Gaza et Israël.
3.4. Approvisionnement
en énergie et en eau
34. A Gaza, l’électricité est coupée
entre 12 et 16 heures par jour. Plus de 70 % des foyers ne sont approvisionnés
en eau courante qu’une fois tous les deux ou quatre jours et pendant
six à huit heures seulement, en raison d’une alimentation en électricité insuffisante.
Les besoins en électricité de Gaza, estimés à 470 MW, ne sont couverts
qu’à 45 %. Une partie de l’alimentation en électricité est assurée
par la centrale électrique de Gaza qui, faute de carburant industriel,
ne tourne qu’à 50 % de sa capacité depuis juillet 2013. Pour le
reste, Gaza dépend de l’électricité en provenance d’Israël et d’Egypte
.
35. Depuis neuf ans, la pénurie d’électricité perturbe les services
de distribution d’eau, d’assainissement et d’hygiène, aux dépens
de quelque 1,3 million de réfugiés, de personnes déplacées internes,
de personnes vulnérables et de populations vulnérables non réfugiées.
Depuis 2010, 29 Palestiniens de Gaza, dont 24 enfants, ont trouvé
la mort dans des incendies liés à des coupures de courant. Outre
la pénurie d’électricité, la lenteur de la mise en œuvre du Mécanisme
de reconstruction de Gaza et l’interdiction d’importer des équipements
«à double usage», comme des pompes, du matériel de forage et des
désinfectants chimiques, ont également contribué à la pénurie d’eau,
avec pour conséquences des coupures de la distribution d’eau et le
déversement d’eaux usées dans les rues et dans la mer. Le conflit
de 2014 n’a fait qu’aggraver la situation du secteur de l’eau, de
l’assainissement et de l’hygiène à Gaza, déjà rendue intenable par
le blocus prolongé. La situation a gravement pâti de l’interdiction
d’importer des articles «à double usage», de l’approvisionnement insuffisant
en électricité et de l’absence de réglementation publique.
36. Israël a autorisé Gaza à se raccorder à un pipeline de gaz
naturel pour améliorer la fourniture d’électricité sur son territoire.
Selon les autorités israéliennes, Israël va porter le volume d’eau
qu’il fournit à Gaza de 10 à 16 millions de mètres cubes d’ici à
quelques mois et soutenir la construction de petits systèmes de
désalinisation. Israël soutient également les efforts internationaux
pour construire une grande usine de désalinisation à Gaza.
37. L’eau est une ressource très rare à Gaza, où 95 % de l’eau
extraite de l’aquifère côtier est impropre à la consommation humaine.
Le projet de construction d’une usine de désalinisation financée
par l’Union européenne est donc vital pour la population. A la fin
de la première phase (juin 2016), l’usine devait produire 6 000
m³ d’eau potable par jour pour approvisionner 75 000 Palestiniens
en eau potable. A la fin de la seconde phase de construction, prévue
dans 36 mois, sa capacité sera doublée
.
3.5. Accès
aux services essentiels
38. Dans la bande de Gaza, environ
1,1 million de Palestiniens ont besoin de l’aide humanitaire sanitaire
et alimentaire. Les restrictions sur les importations de marchandises
et de ressources médicales, la pénurie d’électricité et les frappes
israéliennes ont sérieusement compromis le système de santé local.
Par ailleurs, depuis la fermeture de la frontière égyptienne à Rafah,
il devient très difficile pour les malades d’aller se faire soigner
en Israël ou dans les hôpitaux de Cisjordanie
.
Le passage est fermé depuis octobre 2014 – sauf pendant 42 jours
– et au moins 30 000 Palestiniens attendent actuellement de pouvoir
quitter Gaza via Rafah pour des raisons humanitaires
.
En 2015, selon les ONG palestiniennes, Israël a refusé à 3 188 malades
le droit de quitter Gaza pour aller se faire soigner en Israël ou
en Cisjordanie; 529 demandes ont été refusées pour des questions
de sécurité et dans 320 autres cas, les autorités Israéliennes ont
imposé des restrictions concernant leur accompagnateur, pour les
mêmes motifs.
39. Les autorités israéliennes m’ont assurée qu’Israël s’efforce
de faciliter la libre circulation des Palestiniens de Gaza à des
fins médicales. Il a accordé des autorisations d’entrée à des patients
qui avaient besoin de soins médicaux urgents et à leurs accompagnateurs,
et a augmenté le nombre des autorisations de passage en Cisjordanie
pour les soins de santé non urgents. Israël a également coordonné
le déplacement de 650 médecins et équipes médicales à partir de
la bande de Gaza vers la Cisjordanie afin de leur permettre de participer
à des projets de formation continue et à des conférences. Les autorités
israéliennes indiquent qu’en 2015, quelque 32 000 patients et leurs
accompagnateurs se sont déplacés à partir de la bande de Gaza vers la
Cisjordanie ou Israël pour y être hospitalisés. De même, plus de
6 700 tonnes de médicaments et de matériel médical sont entrées
à Gaza par le point de passage de Kerem Shalom.
40. Bien que le nombre de passages via Erez ait quelque peu augmenté
depuis 2014, la situation reste critique, des milliers de personnes
n’ayant toujours pas accès à des soins médicaux faute d’obtenir
une autorisation d’entrée en Israël ou en Egypte. Refuser à des
personnes l’accès à des traitements médicaux indispensables constitue
une violation des droits de l’homme.
41. Dans la bande de Gaza, le système de santé ne fonctionne pas
normalement et 40 % des salariés du secteur médical ne touchent
plus l’intégralité de leur salaire depuis mai 2014
.
La coordination entre Ramallah et Gaza est très réduite et les patients
doivent attendre très longtemps avant d’obtenir les médicaments
et les soins dont ils ont besoin. De ce fait, le nombre de personnes
souffrant de maladies chroniques, de cancers ou en attente d’une
opération urgente a considérablement augmenté.
42. La destruction et les dommages causés aux établissements scolaires
et aux biens immobiliers par les opérations militaires ont gravement
nui à la qualité et à la quantité des services éducatifs, ainsi
qu’au bien-être psychologique des enfants et des enseignants dans
la bande de Gaza; 462 770 enfants d’âge préscolaire et scolaire
sont concernés
. L’Office
de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de
Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) fait état d’une augmentation
aiguë des traumatismes psychologiques et le Fonds des Nations unies
pour l'enfance (Unicef) a identifié 360 000 enfants qui ont besoin
d’un soutien psychologique, dont la majorité attend d’être prise
en charge.
43. A Gaza, les combats réguliers et le blocus toujours en vigueur
ne permettent pas aux enfants réfugiés palestiniens de bénéficier
de bonnes conditions d’apprentissage et entravent fréquemment l’accès
à l’éducation formelle des enfants de l’enclave, dont plus de 263 000
élèves des écoles de l’UNRWA
.
44. Selon les ONG palestiniennes, Israël limite aussi la liberté
académique des étudiants de Gaza en leur refusant l’accès aux universités
situées en Cisjordanie, même lorsque la filière qu’ils ont choisie
n’existe pas à Gaza.
3.6. Zones
de pêche
45. Les forces israéliennes contrôlent
toujours une zone tampon à Gaza et tirent à balles réelles pour
en assurer le bouclage. La zone tampon est constituée de terres
agricoles fertiles et de riches zones de pêche désormais en grande
partie inaccessibles pour la population locale.
46. Les accords d’Oslo avaient fixé la limite de la zone côtière
de pêche à 20 milles nautiques, ce qui n’a pas empêché Israël d’imposer
des restrictions plus importantes pour des questions de sécurité.
Concernant l’accès à la mer, Israël maintient une zone de pêche
autorisée comprise entre trois et, exceptionnellement, neuf milles.
En avril 2016, cette zone a été étendue à neuf milles
.
47. L’ONG palestinienne Al Mezan a constaté une augmentation massive
et exceptionnelle des agressions et du harcèlement à l’encontre
de pêcheurs palestiniens par Israël, et notamment des cas de tirs
à balles réelles, d’arrestations arbitraires associées à des pratiques
humiliantes et dégradantes et de recours à la violence physique
et verbale. Les bateaux de pêche et les équipements sont fréquemment
endommagés et confisqués. Les pêcheurs se voient refuser l’accès
à leurs territoires de pêche et à leurs ressources vitales; ces
attaques directes constituent une violation de leurs droits de l’homme
fondamentaux, notamment l’interdiction des arrestations et détentions
arbitraires, et de tout traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Alors que la pêche était autrefois un des secteurs économiques les
plus dynamiques de Gaza, les pêcheurs sont désormais réduits à une
grande pauvreté et au chômage, conséquence directe des politiques
et des pratiques israéliennes à leur encontre.
48. Le recours excessif, intentionnel et injustifié à la force
contre des civils palestiniens dans la zone tampon, y compris à
l’encontre d’agriculteurs, de journalistes, d’équipes médicales
et de militants pacifiques, enfreint ouvertement les principes des
droits de l’homme et des normes du droit international établis dans
le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois
et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation
des armes à feu par les responsables des forces de l’ordre. Les
tirs mortels délibérés contre des personnes qui ne représentent
aucun danger imminent pour la vie révèlent une logique effroyable d’exécutions
illégales visiblement systématiques.
49. Depuis 2010, le centre Al Mezan a recensé 136 Palestiniens,
dont 20 enfants, morts sous les balles d’Israël dans la zone tampon,
ainsi que 1 775 blessés, dont 282 enfants.
4. Questions
particulièrement préoccupantes d’un point de vue humanitaire
50. En 2014, les attaques ont fait peser des pressions
particulièrement lourdes sur les plus vulnérables, qui ont déjà
connu la souffrance et la discrimination: les personnes déplacées
(PDI), les femmes et les enfants, ainsi que les personnes handicapées.
4.1. Situation
des personnes déplacées
51. Conséquence des offensives
de 2014 contre Gaza: environ 95 000 personnes ont été déplacées
(dont 78 000 sont hébergées dans des abris temporaires) et environ
168 000 personnes vivent dans des logements insalubres et/ou surpeuplés.
Selon l’UNRWA, 140 000 logements de réfugiés ont été endommagés
ou détruits pendant le conflit de 2014, dont 12 000 sont désormais
inhabitables. Plus d’un an après le cessez-le-feu, 47 000 familles
de réfugiés doivent encore remettre leur logement en état
.
52. Aujourd’hui, deux ans après leur destruction, 3 000 logements
ont été reconstruits, ce qui signifie qu’il faudra encore six ans
pour remédier aux dégâts. Beaucoup de PDI louent un logement, vivent
dans des tentes ou sont hébergées par des proches. Leurs conditions
de vie sont souvent insatisfaisantes et les logements surpeuplés,
sans services de base ni intimité. L’UNRWA assure toutefois que
toutes les PDI ont été relogées dans des structures d’hébergement pérennes,
ce qui a permis de fermer tous les centres d’accueil en juin 2015.
53. La majorité des PDI survit uniquement grâce à l’aide financière
et alimentaire de l’UNRWA. En 2016, près d’un million de PDI à Gaza
dépendaient de l’aide alimentaire. Le blocus de Gaza continue d’entraîner
une pénurie chronique de médicaments et de soins médicaux. Le nombre
de cas de cancer et d’insuffisance rénale a fortement augmenté et
le taux de suicide est élevé.
54. Le respect, la protection et la mise en œuvre du droit à un
logement convenable sont essentiels pour que les PDI puissent vivre
dans la dignité. Le défi majeur, pour améliorer leurs conditions
de vie, est d’assouplir les restrictions imposées par les autorités
israéliennes sur l’entrée des matériaux de construction dans la bande
de Gaza. La division interne entre l’Autorité nationale palestinienne
et le Hamas et, par voie de conséquence, l’absence de gouvernement
effectif, sont un autre problème important. Les donateurs internationaux
doivent également respecter leurs engagements et débloquer les fonds
nécessaires à la reconstruction de Gaza.
4.2. Situation
des femmes, des enfants et des personnes handicapées
55. Dans la bande de Gaza, les
groupes de population les plus vulnérables sont les femmes et les
enfants. La situation des veuves, des femmes et des filles déplacées,
des femmes et des filles handicapées, des adolescentes et des femmes
agriculteurs est particulièrement préoccupante. Durant les hostilités
de 2014, 495 enfants
et 299 femmes, dont 16 étaient enceintes,
ont été tués. Plus de 2 000 femmes et enfants ont été blessés. La
situation des veuves est particulièrement délicate, puisque 790
d’entre elles au moins ont perdu leur conjoint et soutien de famille
durant le conflit de 2014
.
56. Selon les ONG palestiniennes, 51 % des enfants de Gaza souffrent
de traumatismes physiques et psychologiques; beaucoup ont été témoins
de tueries et plus de 1 500 sont orphelins. Par suite de la destruction
massive de logements pendant les attaques militaires, un grand nombre
de femmes et d’enfants ont été déplacés et hébergés dans des familles
d’accueil ou dans des abris. La discrimination traditionnelle des femmes
dans la société palestinienne est attestée par la manière dont elles
sont exclues du droit à la propriété, de sorte qu’elles ont encore
plus de mal à obtenir un logement.
57. A Gaza, les femmes sont aussi discriminées sur le marché de
l’emploi et seulement 20 % de celles en âge de travailler sont actives.
Le taux de chômage des femmes est supérieur à 60 %, deux fois supérieur
à celui des hommes. Les femmes travaillant traditionnellement dans
le secteur agricole et les terres ayant été gravement endommagées
pendant les conflits, beaucoup d’entre elles ont perdu toute possibilité
d’emploi.
58. Amnesty International a fait état de «crimes d’honneur» à
l’encontre de femmes et de filles dans la bande de Gaza. Le décrochage
scolaire des filles et les mariages avant 18 ans progressent.
59. La communauté internationale devrait porter une attention
particulière à la vulnérabilité des femmes et des enfants à Gaza,
leur offrir une protection spéciale et veiller au respect de leur
droit à l’aide humanitaire en adoptant une perspective de genre.
60. La situation des personnes handicapées s’est détériorée depuis
l’opération militaire israélienne de 2014. Environ les deux tiers
des blessures orthopédiques soignées à l’hôpital de Gaza ont entraîné
une invalidité nécessitant une réadaptation: certains patients ont
été amputés des membres supérieurs ou ont perdu une ou deux jambes.
La pénurie de moyens, notamment de prothèses, reste importante et
le coût de remplacement d’un fauteuil roulant endommagé peut être
prohibitif pour les personnes handicapées qui n’ont pas de revenus.
5. Aide
internationale
61. A la Conférence du Caire organisée
par l'Egypte, la Norvège et l'Autorité nationale palestinienne le 12 octobre
2014, une réunion qui avait pour but de recueillir des fonds pour
la reconstruction de Gaza après l'opération menée par l’armée israélienne
en juillet-août 2014, les donateurs ont promis $US 3,5 milliards
pour soutenir la reconstruction de Gaza
. Il
a été convenu d'apporter une aide pendant une période de trois ans (2014-2017),
et la Banque mondiale a été appelée à surveiller le processus et
à fournir des rapports réguliers sur sa mise en œuvre au Comité
de liaison ad hoc.
62. Dans les territoires palestiniens, l’aide humanitaire est
assurée par une centaine d’ONG internationales et 19 agences onusiennes.
Les principaux donateurs multilatéraux sont les Nations Unies et
l’Union européenne, tandis que l’aide humanitaire bilatérale est
essentiellement fournie par les Etats-Unis, le Canada, le Japon,
l’Arabie Saoudite et cinq pays européens (Allemagne, Suède, Suisse,
Belgique et France)
.
63. L'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les
réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, qui compte 30 000 employés,
fournit des services essentiels à la population palestinienne, notamment une
aide alimentaire, des abris d'urgence, une éducation et des soins
de santé. En outre, l'UNRWA fournit une aide ciblée en espèces aux
familles de réfugiés palestiniens et accorde une aide financière
aux élèves pour qu’ils retournent dans ses écoles. Il offre également
des débouchés aux réfugiés palestiniens en créant entre 25 000 et
40 000 emplois par an.
64. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires (OCHA), qui est placé sous la direction du Coordonnateur
humanitaire, coordonne le Plan d'intervention annuel élaboré par
la communauté humanitaire pour répondre aux besoins de la population
palestinienne. Il gère également le secrétariat du forum des ONG
nationales et internationales qui travaillent dans les territoires
palestiniens (équipe humanitaire du pays). Le travail de l’équipe
humanitaire du pays est organisé par des groupes de tous les secteurs
clés de l'intervention humanitaire. Le plan d'intervention 2016
a prévu de consacrer $US 400 millions pour répondre aux besoins
humanitaires les plus urgents à Gaza.
65. La Commission européenne est l’un des plus gros donateurs
d’aide humanitaire à Gaza. Depuis 2000, elle a ainsi versé € 700
millions pour répondre aux besoins humanitaires urgents de la population
de Gaza et de Cisjordanie. En 2015, € 18,5 millions ont été débloqués
pour des projets humanitaires à Gaza. En 2016, l'Union européenne
a investi € 20 millions dans la construction de l'usine de désalinisation
qui, lorsqu’elle sera achevée, produira 12 000 m3 d’eau
potable pour la population de Gaza.
66. En 2016, plus de € 422 millions seront versés par l’Union
européenne (40 millions), l’Autriche, l’Irlande et le Portugal à
l’Autorité nationale palestinienne pour des allocations sociales.
Plus de 119 000 familles palestiniennes bénéficient des programmes
de transferts en espèces; près des deux tiers des bénéficiaires vivent
à Gaza
.
67. L'aide de la Turquie à la Palestine en 2014 et 2015 s’est
élevée au total à $US 100 millions. La normalisation récente des
relations entre la Turquie et Israël, annoncée en juin 2016, s’est
déjà traduite par la livraison par bateau de 11 000 tonnes, puis
de 2 200 tonnes d’aide humanitaire turque à la bande de Gaza.
68. Cependant, au 31 juillet 2016
, 46 %
seulement des fonds promis avaient été distribués. Sur le montant de
$US 1 596 milliard qui a été décaissé, $US 612 millions ont été
alloués à des interventions prioritaires décrites dans le cadre
détaillé d’évaluation des besoins et de relèvement pour Gaza, soit
16 % de l’ensemble des besoins de relèvement dans cinq secteurs
touchés par la guerre de 2014
.
69. Pour améliorer l'efficacité du processus de reconstruction
de Gaza, le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus
de paix au Moyen-Orient a élaboré le Mécanisme de reconstruction
de Gaza, qui a été convenu avec les autorités israéliennes et palestiniennes.
Sa principale tâche est de répondre aux besoins de la reconstruction
de Gaza, tout en assurant les conditions de sécurité demandées par
Israël. Cependant, le processus de gestion des importations de matériaux
de reconstruction et d'approbation des projets prévus par le mécanisme
est devenu très compliqué, ce qui a considérablement retardé la reconstruction.
En outre, ce mécanisme n’empêche pas l’utilisation abusive de matériaux
de reconstruction et la manipulation de l'aide financière. Les autorités
israéliennes ont un droit de veto sur certains projets pour des questions
de sécurité et les autorités palestiniennes en retardent d’autres
en raison de procédures conflictuelles internes. Les autorités palestiniennes
ne contrôlent pas la situation à l'intérieur de Gaza et ne peuvent
pas garantir la maîtrise des projets mis en œuvre.
70. De nombreuses organisations humanitaires déplorent aussi les
problèmes dus au refus des autorités israéliennes de délivrer aux
personnels palestiniens des autorisations d’entrée et de sortie
de Gaza, où les opérations humanitaires sont en outre compliquées
par les restrictions imposées par le Hamas et la fermeture du poste-frontière
de Rafah par l’Egypte.
71. Une brève analyse de l'aide internationale fournie à Gaza
montre que les mécanismes existants pour la coordination de cette
aide ne suffisent pas et qu’il est impératif de réexaminer d’urgence
l'ensemble du processus, en commençant par l'affectation des fonds,
l'approbation des projets de reconstruction et la nécessité d’assurer
la sécurité de ces projets et leur prise en main par les autorités
locales. Je considère qu'une nouvelle conférence internationale
sur la reconstruction de Gaza doit être appelée de toute urgence
et que toutes les parties prenantes au conflit et tous les donateurs
doivent y participer. Il est très important que la population palestinienne,
en particulier sa société civile, y soit cette fois représentée.
Les participants à la conférence pourraient proposer un plan d'action,
assorti de délais, visant à mettre fin au blocus de Gaza et garantissant
que les conditions de sécurité faciliteront la libre circulation
des personnes et des biens. La conférence permettrait également
d'évaluer l'efficacité du mécanisme existant de reconstruction de
Gaza et d’aligner le processus de reconstruction sur les principes
de transparence et de responsabilité en faisant participer tous
les acteurs humanitaires nationaux et internationaux.
6. Solutions
possibles
72. La situation humanitaire décrite
ci-dessus exige une action immédiate pour mettre fin aux souffrances des
populations qui vivent dans la bande de Gaza.
73. Il faut en premier lieu subvenir aux besoins immédiats en
eau et en électricité et permettre à la population d’accéder aux
services médicaux et sociaux. Seul le Gouvernement israélien a les
moyens d’agir, en coopération avec les organisations humanitaires
internationales. Les efforts d’Israël pour trouver une solution
durable aux difficultés d’approvisionnement en eau et en électricité
à Gaza doivent être soutenus.
74. Entré dans sa 10e année en juin
2016, le blocus de la bande de Gaza imposé par Israël doit être
levé. Le blocus a soumis les Palestiniens de Gaza à une punition
collective en contradiction flagrante avec les droits de l’homme
internationaux et le droit humanitaire international. Il faut mettre
fin au blocus afin de garantir l’accès de la population de Gaza
aux droits de l’homme fondamentaux et inaliénables.
75. En prévision de la levée du blocus, les points de passage
de Kerem Shalom, entre Israël et Gaza, doivent être modernisés et
des mesures doivent être prises pour augmenter les points de passage
à Erez et à Karni. Il importe également de faciliter les exportations
de Gaza vers Israël, vers la Cisjordanie et vers d’autres pays,
en particulier de produits agricoles et textiles, et de permettre
aux Palestiniens de travailler en Israël.
76. Tous les groupes palestiniens doivent rejeter et condamner
les actes de terrorisme contre Israël. La communauté internationale
doit maintenir le dialogue avec toutes les parties prenantes au
conflit.
77. Les femmes israéliennes et palestiniennes doivent être associées
au processus de résolution du conflit, comme le prévoit la Résolution
1325 des Nations Unies
.
78. Naturellement, le respect du cessez-le-feu est la condition
préalable la plus importante de la normalisation de la vie des habitants
de Gaza. A cette fin, la coopération en matière de sécurité doit
être renforcée entre les autorités palestiniennes, Israël, l’Egypte,
l'United States Security Coordinator (USSC) et la Mission de l’Union
européenne d’assistance à la frontière (EUBAM) (en coopération avec
le Bureau de coordination de l’Union européenne pour le soutien
de la police palestinienne, EU COPPS) au point de passage de Rafah,
conformément aux articles pertinents de l’accord de novembre 2005
sur les déplacements et l’accès aux points de passage aux frontières
de Gaza.
79. Pour une sortie de crise à Gaza par des moyens pacifiques,
les autorités palestiniennes doivent être incitées à former un gouvernement
efficace et soudé pour les deux territoires. Ce gouvernement, en coopération
avec les pays membres du Comité spécial de liaison (formé de l’Autorité
nationale palestinienne, du Gouvernement israélien, des pays voisins
d’Israël et de la Palestine, ainsi que les principaux membres de la
communauté internationale des donateurs), devrait préparer un plan
d’action pluriannuel pour la construction de l’Etat de Palestine,
conformément à l’accord d’avril 2016.
80. Ce plan d’action doit prévoir la construction de l’infrastructure
matérielle de l’Etat de Palestine: planification d’un réseau routier
et ferroviaire et création des conditions qui permettront – dans
le domaine de la sécurité et de l’environnement – la construction
d’un port maritime et d’un aéroport en Palestine. Il doit aussi inclure
des mesures visant à faciliter l’accès et la circulation des personnes,
ainsi qu’un accord israélo-palestinien sur l’eau, afin de garantir
pleinement aux Palestiniens, sur un pied d’égalité, un approvisionnement en
eau et le respect de leurs droits en la matière.
81. Enfin, je souhaite rappeler la position constante de l’Assemblée,
selon laquelle seule une solution négociée à deux Etats au conflit
israélo-palestinien et l’interruption de la construction de nouvelles
colonies et de l'extension des anciennes sur le territoire palestinien
permettront de créer le cadre nécessaire à la normalisation de la
situation humanitaire à Gaza et à la promotion de la construction
de l'Etat de Palestine. Il incombe par conséquent à l’Assemblée
d’encourager le Gouvernement d’Israël et les autorités palestiniennes à
entamer des négociations sur la base d’un engagement réciproque
et sans réserve en faveur de cette solution.