1. Introduction
1. La lutte contre la corruption
a été, et reste, une action prioritaire du Conseil de l’Europe.
Malgré les réalisations importantes sur ce sujet – y compris l’adoption,
déjà en 1999, de la Convention pénale sur la corruption (STE no 173)
et de la Convention civile sur la corruption (STE no 174)
– et le suivi du Groupe d’États contre la corruption (GRECO), la
fraude et la corruption sont deux phénomènes de plus en plus préoccupants dans
les États membres du Conseil de l’Europe et sapent à la fois nos
systèmes démocratiques et économiques, tout en renforçant et en
enrichissant la criminalité organisée en lui permettant de s’infiltrer
dans le milieu politique, voire dans les institutions, et dans le
monde des affaires.
2. Les chefs d’État et de gouvernement du G20, réunis à Antalya
(Turquie) les 15 et 16 novembre 2015, ont souligné la nécessité
d’instaurer une culture mondiale de l’intolérance à l’égard de la
corruption en mettant en œuvre efficacement le plan d’action du
G20 contre la corruption pour le biennium 2015-2016. Ils ont endossé
les principes sur l’intégrité et la transparence dans le secteur
privé qui devraient aider les entreprises à se conformer aux normes
mondiales en matière d’éthique et de lutte contre la corruption.
Ils ont affirmé qu’ils continueront à travailler au renforcement
de la coopération dans ce domaine.
3. Tout récemment l’Assemblée parlementaire a souligné l’importance
de la lutte contre la corruption pour les valeurs européennes et
a recommandé de renforcer la dimension parlementaire de l’arsenal
général du Conseil de l’Europe contre cette menace. Cet appel a
conduit à la création de la Plateforme anticorruption de l’Assemblée
– un espace de dialogue et de coopération sur la promotion de l’honnêteté
et de la transparence dans la vie publique.
4. Les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte
contre la corruption sous toutes ses formes. Ils peuvent agir en
adoptant des mesures préventives, en encourageant l’intégrité dans
leurs propres rangs, en donnant le bon exemple et en renforçant
la coopération avec la société civile et particulièrement avec les médias.
5. À ce dernier égard, force est de constater que de nombreux
cas de corruption sont révélés par les médias; et probablement ils
n’auraient pas été dévoilés sans le travail patient, difficile et
dangereux accomplis par des journalistes courageux, sans oublier
le rôle que jouent à cet égard les donneurs d’alerte.
6. Transparency International a fait, entre mai et juillet 2011,
une enquête auprès d’environ 3 000 entreprises de 30 pays du monde
entier pour déterminer les meilleurs moyens de lutte contre la corruption. Dans
21 des 30 pays, une majorité des entreprises sondées a indiqué le
journalisme d’investigation comme étant le moyen externe de prévention
le plus efficace

.
7. Par conséquent, c’est ma conviction profonde que les parlementaires
doivent davantage coopérer avec les journalistes d’investigation
et les donneurs d’alerte pour éradiquer la corruption: leur quête
de vérité, nous avons le devoir de l’appuyer; et nous avons aussi
tout intérêt à le faire si nous sommes fidèles aux valeurs démocratiques
et à la notion de «service» plutôt qu’à celle d’exercice du pouvoir.
8. D’un côté, il est important que les parlements soient davantage
proactifs dans la promotion d’une collaboration efficace avec les
médias d’investigation et plus réactifs, par exemple, dans l’adoption
de mesures aptes à remédier aux problèmes que le travail de journalisme
d’investigation met en lumière. De l’autre côté, on peut également
s’interroger sur ce que les médias d’investigation pourraient changer
pour mieux collaborer avec les parlements nationaux et mieux soutenir
les mécanismes existants de lutte contre la corruption.
9. Il s’agit d’établir un environnement favorable pour le journalisme
d’investigation et de faire un meilleur usage du potentiel en termes
de plus-value démocratique qu’il représente tout en renforçant le
rôle des parlements, et leur crédibilité, dans la lutte contre la
corruption.
10. Notre commission a tenu une audition sur ces questions le
3 décembre 2015, à Paris

;
d’autres éléments intéressants ont émergé lors d’un échange de vues
que j’ai organisé le 21 avril 2016 devant la sous-commission des
médias et de la société de l’information

. Des débats
riches ont encore eu lieu lors des auditions que la commission a
organisées à Paris, le 1er juin 2016,
sur le thème «Défendre l’indépendance des médias, le journalisme
d’investigation et l’intégrité rédactionnelle»

et à Kiev, le
19 septembre 2016, sur le thème du présent rapport et sur le rôle
des jeunes dans la lutte contre la corruption

.
Dans la section 2 du rapport, en m’appuyant sur des contributions
des experts et des collègues de la commission, je fais état de quelques
pistes de réflexion que les débats ont mises en évidence.
11. Le monde politique est une «cible» privilégiée des enquêtes
journalistiques. Nous pouvons parfois être agacés par des démarches
que nous estimons contraires à notre droit légitime au respect de
notre vie privée. Je ne suis pas forcement partisane d’une certaine
presse dont le seul but apparent est de publier des nouvelles faisant
scandale pour augmenter le tirage.
12. Il ne reste pas moins vrai que la vérité ne déplaît et ne
fait peur qu’à ceux qui peuvent en avoir honte et que le droit à
la liberté d’information ne saurait connaître d’autres limitations
que celles strictement nécessaires dans une société démocratique,
au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de
l’homme (STE no 5), tel qu’interprété
par la Cour européenne des droits de l’homme. Le présent rapport
n’a pas pour objectif de rediscuter la question de ces limitations
en général. Néanmoins, il n’est pas possible d’échapper entièrement
à la question des «lignes rouges» à ne pas franchir, que j’aborde
dans la section 3.
2. Pistes de réflexion
2.1. Accès
à l’information
13. Un premier axe d’activité,
sur lequel Mme Darbishire – mais d’autres
experts aussi – ont beaucoup insisté, consiste à prendre des mesures
pour faciliter le travail des journalistes d’investigation et notamment pour
garantir l’accès à l’information le plus largement possible. En
Europe, on est en retard dans ce qu’on appelle le data journalism, l’une des voies
nouvelles d’investigation journalistique qui s’est développée aux États-Unis
et dans les pays anglo-saxons.
14. Garantir un accès large aux informations est un intérêt commun
pour les parlementaires et les journalistes; les parlementaires
ont en effet, eux aussi, intérêt à accéder aux données publiques
et à pouvoir interpeller les gouvernements sur la base de ce que
peuvent révéler ces données.
15. En Europe, la Suède a été pionnière à cet égard: son système
se fonde sur l’affirmation constitutionnelle du principe de transparence

.
Il est intéressant de noter qu’il y a eu, dans les dernier 20-25
ans, une tendance à la reconnaissance par les gouvernements et les
législateurs de l’importance de la transparence. En 1992, on dénombrait
14 lois sur la liberté de l’information (voire sur la liberté d’accès
à celle-ci); il y en a aujourd’hui 105 dans le monde. Sur les 47 Etats
membres du Conseil de l’Europe, 42 ont une loi sur l’accès à l’information ou
la liberté d’information

, mais beaucoup de ces lois présentent
des insuffisances

et il faudrait que les parlements
s’engagent plus résolument dans le processus d’amélioration de ces
lois.
16. Parmi les données d’importance pour les journalistes d’investigation
figurent celles relatives aux propriétaires et bénéficiaires effectifs
des sociétés. Il est clair que l’accès à cette information peut
permettre d’identifier plus facilement les interconnections entre
milieu économique et milieu politique. Dans ce domaine outre les
législations nationales, il faudrait probablement tenir compte aussi
de la législation de l’Union européenne: la quatrième directive
anti-blanchiment prévoit la création de registres des bénéficiaires
effectifs des sociétés. Il faudrait que les journalistes puissent
accéder aux informations qu’ils contiennent.
17. Dans le domaine de la transparence financière, nous parlementaires
sommes appelés à un devoir d’exemplarité; à cet égard on peut se
demander pourquoi certaines lois sur l’accès à l’information ne s’appliquent
pas aux parlements et à ses membres. Il y a une Déclaration pour
l’ouverture et la transparence parlementaires

, dont nous pourrions peut-être
nous inspirer davantage.
18. À cet égard, il ne faut pas oublier que, en 2009, le Conseil
de l’Europe a adopté à Tromsø la Convention du Conseil de l’Europe
sur l’accès aux documents publics (STCE no 205).
Ce traité n’est pas encore en vigueur car il n’a pas encore été
ratifié par les 10 pays requis

. Les parlements pourraient s’actionner
pour accélérer le processus de ratification de leurs pays respectifs.
Dès l’entrée en vigueur de cette convention, un Groupe de spécialistes
sur l’accès aux documents publics serait établi pour en suivre la
mise en œuvre par les Parties et pourrait surveiller la qualité
des lois adoptées.
19. Par ailleurs, le Comité des Ministres, dans l’annexe à la
Recommandation
CM/Rec(2016)4 sur la protection du journalisme et la sécurité des
journalistes et autres acteurs des médias (adoptée le 13 avril 2016), rappelle
qu’un environnement favorable à la liberté d’expression comprend
aussi le droit d’accéder à l’information et le droit pour le public
de recevoir des informations, et il indique que: «La collecte d’informations est
une étape préparatoire essentielle de l’activité journalistique
et une composante inhérente et protégée de la liberté de la presse.
Il faut éviter de décourager la participation de journalistes et
d’autres acteurs des médias au débat sur des questions d’intérêt
public légitime, par exemple par des mesures qui rendraient l’accès
à l’information plus difficile ou par des restrictions arbitraires
pouvant devenir une forme de censure indirecte.»
2.2. Soutien
financier au journalisme d’investigation
20. Une autre manière pour le législateur
d’aider le journalisme d’investigation serait d’assurer que les médias
d’investigation bénéficient de conditions économiques équitables

.
21. M. Sullivan a souligné que le reportage d’investigation a
véritablement changé dans le monde entier au cours des dix dernières
années. Le modèle commercial traditionnel est mort et celui qui
prédomine aujourd’hui est un modèle à but non lucratif, dont l’émergence
a transformé d’une façon très positive l’environnement du reportage
d’investigation. Alors qu’il n’existait qu’un centre de reportage
d’investigation en 1975, on compte aujourd’hui plus d’une centaine
de centres à but non lucratif dans le monde, un grand nombre d’entre
eux ayant une influence notable. Plusieurs de ces médias ne sont
ni des journaux, ni des sociétés de radiodiffusion publiques; ils
sont sur internet. Il s’agit de médias de petite taille, sans but
lucratif, qui sont très importants pour l’écosystème du reportage
d’investigation en Europe.
22. M. Gutiérrez a témoigné de l’érosion de la capacité d’investigation
des journalistes dans les médias traditionnels. Une première raison
de cette érosion est la remise en cause du modèle traditionnel de financement
des médias qui crée des conditions très difficiles dans les entreprises
de presse. Les journalistes aujourd’hui sont toujours moins nombreux
pour faire toujours plus de travail et le travail d’investigation
qui exige du temps et des ressources humaines est particulièrement
visé par cette perte de capacité. L’autre raison c’est l’environnement
légal, réglementaire, qui est de plus en plus restrictif.
23. Dans de nombreux pays, les principaux médias sont proches
des partis politiques, ou bien il existe de grands groupes de médias
détenus par des oligarques. Il est par conséquent très difficile
pour les petits médias d’investigation de survivre sans soutiens
financier.
24. Dans ce contexte difficile, face à l’efficacité redoutable
du journalisme d’investigation, M. Sullivan a dénoncé la «guerre
ouverte contre des organisations de la société civile» menée par
un nombre élevé de pays dans plusieurs régions du monde; il a souligné
que, rien qu’au cours des trois années 2012-2015, 120 lois ont été
adoptées dans le monde, y compris dans de nombreux pays d’Europe,
précisément pour limiter fortement le travail des organisations
de la société civile et le reportage d’investigation. Un grand nombre
d’entre elles s’attaquent aux mécanismes de financement, et notamment
les aides financières par des institutions étrangères.
25. Non seulement cette tendance doit être contrée, mais elle
devrait être renversée: une solution qu’il faut envisager est celle
du financement public du journalisme d’investigation. Cette solution
serait cohérente avec l’idée que le reportage d’investigation est
fondamentalement un «bien public», un instrument de contrôle, un garde-fou,
indispensable au fonctionnement de la démocratie, qui de plus est
d’une rentabilité économique étonnante

.
26. Dans des rares cas, des fonds pour le journalisme alimentés
par les pouvoirs publics ont été créés sur initiative parlementaire.
M. Gutiérrez a souligné que, dans ce domaine, la Belgique et les
Pays-Bas sont à la pointe. Dans ces deux pays, des institutions,
totalement indépendantes du politique et sans but lucratif, bénéficient
de subventions publiques pour financer des projets journalistiques
d’enquêtes et reportages d’investigation:
- le Fonds
Bijzondere Journalistieke Projecten, aux Pays-Bas, créé en 1990, qui est financé par le ministère
néerlandais de l’Éducation;
- le Fonds Pascal Decroos, créé en 1998,
qui est financé par le Gouvernement de la communauté flamande de
Belgique; depuis 2013, ce fonds est un programme du Journalismfund.eu
vzw, organisation créée pour encourager le journalisme d’enquête
transfrontalier, en Europe et à l’échelle transcontinentale
;
- le Fonds
pour le journalisme dans la partie francophone de la Belgique (Bruxelles
et Wallonie), créé en 2009, qui est financé par le Gouvernement
de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique
.
27. J’ai connaissance seulement de trois autres fondations nationales
qui soutiennent le journalisme d’investigation, créées en Norvège

(1990), en Hongrie (2001)
et en Pologne (2010). De tels fonds existeraient donc dans cinq
des 47 États membres du Conseil de l’Europe. Il est clair que nous
pourrions mieux faire!
28. Peut-être, dans d’autres pays, les associations pour le journalisme
d’investigation

ou
les centres de journalisme d’investigation

, voire des projets journalistiques
individuels, peuvent bénéficier de financements publics; néanmoins,
il ne faut pas perdre de vue que le financement direct pourrait
accroître le risque d’une certaine dépendance, et donc se transformer
en moyen de pression ou en cause d’autocensure.
2.3. La
protection des sources et des journalistes qui rendent publiques
les informations révélées par les sources
29. Mme Lebourg
a dénoncé que lanceurs d’alerte et journalistes d’investigation
n’ont de protection efficace ni sur le plan juridique, ni sur le
plan financier.
30. L’Assemblée parlementaire a beaucoup travaillé sur la question
de la protection des donneurs d’alerte. Dans sa
Résolution 1729 (2010) sur la protection des donneurs d’alerte, après avoir
donné une définition large du donneur d’alerte – à savoir «toute
personne soucieuse qui tire la sonnette d’alarme afin de faire cesser
des agissements pouvant représenter un risque pour autrui» (paragraphe
1) – l’Assemblée a invité les États membres à revoir leur législation
sur la protection des donneurs d’alerte, en tenant compte de quelques principes
directeurs (paragraphe 6), y compris, entre autres:
- protéger «les donneurs d’alerte
des secteurs à la fois public et privé, y compris les membres des
forces armées et des services de renseignements» (paragraphe 6.1.2);
- donner une définition des révélations protégées qui «doit
inclure tous les avertissements de bonne foi à l’encontre de divers
types d’actes illicites, y compris toutes les violations graves
des droits de l’homme, qui affectent ou menacent la vie, la santé,
la liberté et tout autre intérêt légitime des individus (…)» (paragraphe
6.1.1);
- présumer la «bonne foi» du donneur d’alerte, «sous réserve
qu’il ait des motifs raisonnables de penser que l’information divulguée
était vraie, même s’il s’avère par la suite que tel n’était pas
le cas, et à condition qu’il n’ait pas d’objectifs illicites ou
contraires à l’éthique» (paragraphe 6.2.4);
- «assurer aux donneurs d’alerte de bonne foi une protection
fiable contre toute forme de représailles».
31. Plus récemment, dans sa
Résolution
2060 (2015) «Améliorer la protection des donneurs d’alerte», l’Assemblée
a, à nouveau, appelé les États membres et observateurs du Conseil
de l’Europe «à adopter une législation relative à la protection
des donneurs d’alerte qui vise également le personnel des services
de sécurité nationale ou de renseignement et des entreprises privées
qui exercent leurs activités dans ce domaine» et les a invités «à
convenir d’un instrument juridique contraignant (convention) sur
la protection des donneurs d’alerte sur la base de la Recommandation
CM/Rec(2014)7 du Comité des Ministres».
32. Cette dernière recommandation, que le Comité de Ministres
a adoptée le 30 avril 2014, demande aux États membres de mettre
en place un cadre normatif, institutionnel et judiciaire pour protéger
les lanceurs d’alerte, soit (selon la définition contenue dans l’annexe
à la recommandation) «toute personne qui fait des signalements ou
révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour
l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle
soit dans le secteur public ou dans le secteur privé».
33. La recommandation rappelle que «la liberté d’expression et
le droit de rechercher et de recevoir des informations sont indispensables
au fonctionnement d’une véritable démocratie» et que les lanceurs
d’alerte «peuvent contribuer à renforcer la transparence et la responsabilité
démocratique». Entre autres, la recommandation prône: l’accès à
plusieurs voies de signalement et de révélation des informations
d’intérêt général; des mécanismes pour que les signalements et les
révélations d’informations soient rapidement suivis d’action; l’interdiction
de toute forme de représailles, dès lors que le lanceur d’alerte
a des motifs raisonnables de croire en la véracité des informations;
la reconnaissance d’un droit pour les lanceurs d’alertes au respect de
la confidentialité de leur identité. Un guide a été publié par le
Conseil de l’Europe pour la mise en œuvre d’un cadre national de
protection des lanceurs d’alerte

, qui fait aussi
état de quelques bonnes pratiques nationales. Néanmoins, la situation
n’a pas réellement évolué.
34. Une étude récente indique qu’il y aurait une soixantaine des
pays dans le monde avec une législation assurant une protection
aux lanceurs d’alerte. En Europe, outre le cas de la Suède et de
sa loi de 1766, des lois protectrices ont été adoptées au Royaume-Uni
(1998), en Roumanie (2004), en Slovénie (2010), au Luxembourg (2011),
en Italie (2012), en Belgique (2013), en Hongrie (2013), en Irlande
(2014), en République slovaque (2014) et en Serbie (2014). Il est
intéressant de noter que, dans certains cas (Slovénie, Luxembourg, Italie),
cette protection est prévue dans des lois concernant directement
la lutte contre la corruption. En France la protection des donneurs
d’alerte résulte de plusieurs dispositions dans des lois différentes
(en matière de corruption, de prévention des risques graves pour
la santé publique et l’environnement, de conflits d’intérêts, de
fraude fiscale ou encore en matière de renseignement). Des dispositions
législatives éparses existent aussi dans la législation d’autres
pays, par exemple les Pays-Bas ou l’Autriche; néanmoins, les législations
en question sont souvent fragmentaires et incomplètes, car elles
ne couvrent que certaines catégories de personnes (les agents du
secteur public ou les salariés du secteur privé), ou ne visent la
divulgation que de certains types d’informations; par ailleurs,
elles apportent une protection très inégale, sans compter que l’effectivité
de la protection dépend aussi de la façon dont les lois en question
sont appliquées
![(21)
Danièle
Lochak, «Les lanceurs d’alerte et les droits de l’Homme: réflexions
conclusives», La Revue des droits de l’homme [en
ligne], 30 juin 2016: <a href='http://revdh.revues.org/2362'>http://revdh.revues.org/2362</a>. Voir paragraphes 36 à 40.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
35. M. Bouvier nous a informé du projet de loi sur «la transparence,
la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique»
(loi dite «Sapin II»), dont le texte a été soumis le 6 juin 2016
à l’Assemblée nationale. Ce texte vise à renforcer la protection
offerte par l’État aux lanceurs d’alerte. Bénéficierait de cette
protection «toute personne qui a connaissance de manquements graves
à la loi ou au règlement, ou de faits porteurs de risques graves».
Cette personne, qui doit agir «de bonne foi, sans espoir d’avantage
propre ni volonté de nuire à autrui» aurait «le droit de communiquer,
dans l’intérêt général, les renseignements qui y sont relatifs».
Le texte vise également à renforcer le secret des sources par des dispositions
qui devraient: étendre la protection à tous ceux qui concourent
à la production de l’information; éliminer le délit de recel concernant
les informations dévoilées; soumettre au contrôle du juge les cas
où l’atteinte au secret des sources peut être autorisée; alourdir
les sanctions contre ceux qui violent le secret des sources. Autant
de bonnes idées qui pourraient servir de modèle pour d’autres législateurs

. Par ailleurs, la loi actuelle prévoit
que le secret des sources doit céder face à «l’impératif prépondérant
d’intérêt public»; cette notion étant jugée beaucoup trop vague
et permettant des interprétations beaucoup trop larges, dans le
projet de loi elle a été rédigée de façon à mieux définir dans quels
cas cette intrusion peut être consentie.
36. Je note que, souvent, la protection du lanceur d’alerté dépend
non seulement de sa bonne foi et de la présence d’un intérêt général
à connaître l’information divulguée, mais aussi de la circonstance
que l’information concerne des manquements à la loi ou des faits
qui engendrent des risques graves. S’il me semble évident que dans
ces cas le lanceur d’alerte doit être protégé, je me demande s’il
ne faut pas envisager une protection encore plus large. Dans ce
domaine, il faut aussi tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme. Compte tenu du nombre et de la complexité
des affaires dans ce domaine, il n’est pas possible d’en faire une
présentation exhaustive; j’en rappellerai ici quelques éléments
clé

.
37. Depuis l’arrêt Goodwin, il est acquis que la protection des
sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté
de la presse, que l’absence d’une telle protection pourrait dissuader
les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public
sur des questions d’intérêt général, ce qui saperait le rôle indispensable
de «chien de garde» de la presse
![(24)
Goodwin
c. Royaume-Uni, Requête no 17488/90,
arrêt du 27 mars 1996 [Grande Chambre]; voir en particulier le paragraphe 39.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
38. Dans l’arrêt Tillack, la Cour a précisé que «le droit des
journalistes de taire leurs sources ne saurait être considéré comme
un simple privilège qui leur serait accordé ou retiré en fonction
de la licéité ou de l'illicéité des sources, mais un véritable attribut
du droit à l'information, à traiter avec la plus grande circonspection

».
39. Ce dernier principe ne veut pas dire que les journalistes
sont dédouanés de toute obligation. Ainsi, la Cour a souligné que
«les journalistes ne sauraient en principe être déliés par la protection
que leur offre l’article 10 de leur devoir de respecter les lois
pénales de droit commun

». Néanmoins (comme finalement dans
ce cas), l’intérêt d’informer le public peut l’emporter sur les
«devoirs et responsabilités» pesant sur les journalistes en raison
de l’origine douteuse des documents.
40. Dans un arrêt récent, Görmüş et autres

, concernant mon pays,
la Cour s’est prononcée à nouveau sur le juste équilibre entre,
d’une part, la liberté d’expression et la liberté de la presse et,
d’autre part, la protection des données confidentielles des organes
étatiques en l’espèce les forces armées turques. La Cour (sur la
base de sa jurisprudence précédente) a accepté que «les devoirs
et les responsabilités qu’assument les journalistes (…) puissent
inclure le devoir de ne pas publier les renseignements que des fonctionnaires
lanceurs d’alerte leur ont fournis, jusqu’à ce que ces fonctionnaires
aient utilisé les procédures administratives internes prévues pour
faire part de leurs préoccupations à leurs supérieurs» (paragraphe
61).
41. L’arrêt Guja porte directement sur la protection de la source
elle-même, qui était un agent de la fonction publique. La Cour,
après avoir rappelé l’importance particulière que revêt l’obligation
de loyauté et de réserve des agents de la fonction publique, a observé
que la dénonciation par ces agents «de conduites ou d’actes illicites
constatés sur leur lieu de travail doit être protégée dans certaines
circonstances. Pareille protection peut s’imposer lorsque l’agent
concerné est seul à savoir – ou fait partie d’un petit groupe dont
les membres sont seuls à savoir – ce qui se passe sur son lieu de
travail» (paragraphe 72).
42. Dans l’affaire Guja, la Cour a établi six principes pour parvenir
à déterminer si l’atteinte portée au droit à la liberté d’expression
est «nécessaire dans une société démocratique», principes qu’elle
a réaffirmés dans l’affaire Heinisch puis plus récemment, dans son
arrêt du 8 janvier 2013 dans l’affaire Bucur et Toma
![(28)
Guja
c. Moldova, Requête no 14277/04,
arrêt du 12 février 2008 [Grande Chambre]; Heinisch
c. Allemagne, Requête no 28274/08,
arrêt du 21 juillet 2011; Bucur et Toma
c. Roumanie, Requête no 40238/02,
arrêt du 8 janvier 2013.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Je les reprends ci-après,
tels qu’ils figurent dans l’arrêt Bucur et Toma:
i. l’existence ou non, pour la personne qui a révélé les
informations, d’autres moyens de procéder à la révélation d’informations;
ii. l’intérêt général présenté par les informations révélées
(pour la Cour, l’intérêt de l’opinion publique pour une certaine
information peut parfois être si grand qu’il peut l’emporter même
sur une obligation de confidentialité imposée par la loi);
iii. l’authenticité des informations divulguées (à cet égard,
l’exercice de la liberté d’expression comporte des devoirs et responsabilités,
et quiconque choisit de divulguer des informations doit vérifier
avec soin, dans la mesure où les circonstances le permettent, qu’elles
sont exactes et dignes de crédit
);
iv. le préjudice causé à l’employeur;
v. la bonne foi du lanceur d’alerte;
vi. la sévérité de la sanction infligée à la personne qui
a révélé les informations et ses conséquences.
2.4. La
contribution aux investigations et la valorisation du travail d’investigation
des journalistes
43. Dans beaucoup de pays, les
autorités chargées de l’application de la loi – parce qu’elles sont
politisées ou pour d’autres raisons – ne réagissent pas lorsqu’il
y a un scandale, ou pas avec suffisamment de vigueur. En tenant
compte des risques encourus par les journalistes d’investigation
cette absence de réaction ne peut qu’être frustrante pour ces journalistes.
Les parlements on là un rôle à jouer: lancer une enquête ou une investigation
parlementaire, procéder à des auditions et promouvoir un débat public
sur les problèmes décelés par les médias sont autant d’initiatives
qui peuvent valoriser le travail des journalistes d’investigation.
44. Les parlementaires pourraient aussi utiliser les questions
parlementaires pour contribuer à ce que les informations passent
dans le domaine public, lorsque des documents ont fait l’objet de
fuites ou que l’accès à des documents a été refusé

. Cela semble
être un domaine où la coopération peut être renforcée aisément, en
ayant recours à des instruments typiques du travail parlementaire;
il s’agirait simplement de vouloir le faire.
45. Une forme intéressante de valorisation du travail d’enquête
des journalistes est de les appeler à témoigner dans le cadre du
travail des commissions parlementaires et/ou de les associer dans
la réflexion sur les réformes législatives concernant la liberté
des médias. M. Spampinato nous a fourni l’exemple intéressant des
travaux menés par la «Commission antimafia» du Parlement italien

, qui a lancé une
enquête spécifique sur les menaces venant de la criminalité organisée
contre les journalistes et a organisé 35 auditions de journalistes
et de responsables de médias, avant de finaliser (en août 2015)
des propositions concrètes de réforme législative, qui sont maintenant
à l’étude.
2.5. Les
synergies avec d’autres institutions chargées de promouvoir la transparence
et de lutter contre la corruption
46. Durant les débats, il est apparu
qu’un élément supplémentaire de l’écosystème du journalisme d’investigation
est la présence d’institutions indépendantes dont l’action peut
favoriser la transparence et la liberté de l’information, telles
que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en
France, le médiateur en Suède ou aux Pays-Bas, ou le commissaire
à l’information et le Conseil de lutte contre la corruption en Serbie.
47. D’une part, la présence de ces institutions peut permettre
une plus grande liberté d’accès aux informations pour les journalistes
et d’autre part, les enquêtes des journalistes peuvent fournir à
ces institutions un matériel important sur lequel fonder leurs enquêtes
et corroborer ainsi la véracité des faits reportés par les journalistes.
48. Ces institutions peuvent aussi jouer un rôle de facilitateurs:
par exemple, les experts ont indiqué qu’aux Pays-Bas, le médiateur
national, en dialogue avec les diverses parties prenantes, a dressé
une liste de recommandations pour améliorer les relations entre
les parlementaires, les journalistes et les fonctionnaires qui au
sein des ministères sont chargés de répondre aux demandes d’information.
49. M. Sullivan a noté qu’un côté frustrant de tels organismes
est qu’ils ne possèdent pas un véritable pouvoir d’action, surtout
si le gouvernement décide de les ignorer; ils font office de conscience
morale, mais disposent souvent de peu de moyens d’action. Pour les
experts, il faudrait qu’ils aient la possibilité de divulguer des
informations sur une affaire qu’ils sont en train d’examiner et,
peut-être, de recommander au pouvoir répressif d’enquêter sur certaines
affaires.
50. Dans le cadre du présent rapport, il n’est pas possible de
procéder à un examen exhaustif de ces institutions, de leurs rapports
avec les médias, du rôle qu’elles peuvent jouer à côté des parlements
et des journalistes d’investigation et comment nous pourrions les
renforcer; ainsi ma suggestion serait d’envisager, le cas échéant,
un rapport spécifique à cet égard.
3. «Lignes
rouges»: la recherche de l’équilibre entre le droit d’accès à l’information
et le droit de la diffuser et d’autres intérêts majeurs
51. Le pendant du principe qu’il
faut assurer l’accès à l’information est le principe qu’il faut
considérer comme une exception toute restriction de l’accès à certaines
informations ou données et toute interdiction qui rendrait répréhensible
leur diffusion.
52. Il y a quatre domaines où le débat est particulièrement vif
sur la définition d’un point d’équilibre entre, d’une part, la liberté
d’information – et donc l’accès à l’information et la liberté de
la publier – et, d’autre part, la protection d’autres intérêts majeurs,
à savoir:
- le respect de la
vie privée et de l’honneur des personnes auxquelles l’information
se réfère;
- la sauvegarde de la confidentialité de certaines informations
ayant une valeur économique (secret d’affaires; protection des intérêts
commerciaux ou économiques);
- la protection du secret de l’instruction, liée aussi à
la présomption d’innocence, à l’efficacité des procédures d’investigation
qui précèdent les inculpations et la phase de jugement et à la bonne administration
de la justice;
- la protection des informations pouvant mettre en cause
la sécurité nationale et l’ordre public.
53. Sans prétention d’être exhaustive à cet égard, il me semble
utile de reprendre ci-après quelques exemples des problèmes qui
se posent à cause des tensions entre, d’une part, la liberté des
médias, et, d’autre part, le respect du droit à la vie privée, de
l’honneur des personnes et des données confidentielles, et surtout, dans
le climat actuel, la protection de la sécurité des citoyens. Bien
évidemment, les principes fixés par la Cour européenne des droits
de l’homme (dont ceux rappelés dans la section précédente) doivent
guider les autorités nationales dans la recherche de solutions équilibrées.
J’évoquerai ensuite brièvement la question délicate du détournement
du droit à la liberté d’information dans le but de manipuler l’opinion
publique.
3.1. Protection
de la vie privée, de l’honneur des personnes et de la confidentialité
de certaines informations
54. Lorsque les journalistes utilisent
des informations pour révéler, pas forcément de la corruption, mais
des relations entre le pouvoir politique et le pouvoir économique,
la protection de la vie privée est souvent mise en avant pour étouffer
le sujet

.
55. Une question qui continue de poser de sérieux problèmes nonobstant
les appels de notre Assemblée est celle des lois sur la diffamation.
Il faut veiller à ce que ces lois respectent les normes du Conseil
de l’Europe et ne soient pas de nature à favoriser des abus visant
à empêcher les journalistes de dénoncer la corruption

.
56. Une autre question délicate porte sur les tensions entre liberté
d’information et sauvegarde de la confidentialité de certaines informations
couvertes, par exemple, par le secret d’affaires ou par le secret
de l’instruction. Plus en général une question qui a été posée et
celle de la diffusion d’informations acquises de façon illicite.
57. Cette question a été posée devant le tribunal d’arrondissement
du Luxembourg, qui le 29 juin 2016, a rendu son jugement dans l’affaire
Luxleaks, concernant le dévoilement
de plus de 400 accords fiscaux confidentiels entre le fisc luxembourgeois
et des multinationales

. Il
est intéressant de noter, d’entrée, que ce tribunal a explicitement
reconnu que les deux prévenus principaux – Antoine Deltour et Raphaël
Halet, deux anciens collaborateurs du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers
– ont contribué par leurs révélations «à une plus grande transparence
et équité fiscale», qu’ils
«ont
agi dans l’intérêt général et contre des pratiques d’optimisation
fiscale moralement douteuses» et qu’il fallait donc les considérer
comme des lanceurs d’alerte. Néanmoins, le tribunal les a jugés
coupables de vol, violation du secret professionnel et du secret
des affaires, ainsi que de fraude informatique, de blanchiment et
divulgation du secret des affaires. Les deux prévenus ont donc été
condamnés respectivement à 12 mois de prison avec sursis et € 1 500 d’amende,
et neuf mois de prison avec sursis et € 1 000. Le tribunal a par
contre acquitté Édouard Perrin, le journaliste de l’émission de France
2 «
Cash investigation», qui
avait dénoncé en 2012 l’existence de ces accords fiscaux, de l’accusation pour
complicité de violation du secret des affaires et du secret professionnel,
en estimant qu’il n’a fait que son travail de journaliste.
58. La Cour de cassation française semble disposée à aller plus
loin: dans un arrêt du 30 juin 2016

, s’appuyant
sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
dans l’affaire Guja, la Cour de cassation a affirmé pour la première
fois qu’«en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression,
en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites
ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le
licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné,
de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice
de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature
à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité».
Cette immunité est applicable aux lanceurs d’alerte non seulement
lorsque les faits illicites sont portés à la connaissance du parquet
mais également, de façon plus générale, lorsqu’ils sont dénoncés
à des tiers.
59. Dans ce domaine, il convient de faire attention à la législation
de l’Union européenne, et notamment à la directive européenne sur
les secrets d’affaire

. Il faut éviter
que dans un souci légitime de protection d’intérêts économiques
privés (encore que parfois ces intérêts peuvent être significatifs
à l’échelle de l’économie nationale) leur sauvegarde retentisse
négativement sur le droit à la liberté d’information. Ainsi, je me
réjouis que l’article 1 de cette directive prévoit que celle-ci
ne porte pas atteinte à «l'exercice du droit à la liberté d'expression
et d'information établi dans la [Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne], y compris le respect de la liberté et du
pluralisme des médias»; et qu’aux termes de l’article 5, «[l]es
États membres veillent à ce qu'une demande ayant pour objet l'application
des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive
soit rejetée lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation
alléguée du secret d'affaires a eu lieu dans l'une ou l'autre des
circonstances suivantes: a) pour exercer le droit à la liberté d'expression
et d'information établi dans la Charte, y compris le respect de
la liberté et du pluralisme des médias; b) pour révéler une faute,
un acte répréhensible ou une activité illégale, à condition que
le défendeur ait agi dans le but de protéger l'intérêt public général;
(…)».
60. Je souhaite évoquer aussi le cas particulier d’informations
qui auraient été obtenues avec des méthodes qui, de par leur nature,
sont illégales, par exemple par le biais d’écoutes illicites (y
compris les cas malheureux ou de telles pratiques sont mise en œuvre
par les services de l’État). Lorsque des informations ainsi soutirées parviennent
aux médias, je me demande si le régime applicable, du moins au niveau
des normes de déontologie professionnelle, ne devrait pas être plus
strict que celui concernant la protection du secret d’affaires.
61. Enfin, je souhaite signaler un cas particulier qui s’est posé
récemment au Portugal. Suite aux graves difficultés financières
traversées par la «Caisse générale des dépôts» (Caixa Geral de Depósitos,
la plus importante institution bancaire du Portugal) à cause de
ses «emprunts toxiques», le Parlement portugais a institué une commission
parlementaire d’enquête. Un premier problème a surgi lorsque la
Banque du Portugal et la Caisse générale des dépôts ont refusé de
remettre à la commission parlementaire d’enquête certains documents
en invoquant le secret bancaire. La commission a demandé à la juridiction
compétente (le Tribunal da Relação de Lisbonne) la levée du secret.
Un deuxième problème s’est posé suite à l’ouverture par le Bureau du
Procureur Général de la République du Portugal d’une enquête pénale
pour mauvaise gestion (administração
danosa) de la Caisse générale des dépôts; les travaux
de la commission parlementaire d’enquête risquent en effet d’être
entravés par l’obligation pour les parties en cause de respecter
le secret de l’instruction pénale. Cet exemple montre bien comment
l’exigence de transparence – qui est une condition nécessaire pour
lutter efficacement contre la corruption et les malversations financières
– entre en conflit avec d’autres préoccupations légitimes, même
dans le cadre des relations entre les parlements et d’autres institutions.
3.2. Les
tensions entre exigences sécuritaires et droit à la liberté d’information
62. Pendant les discussions avec
les experts, certains membres ont insisté sur l’importance de ne
pas sous-évaluer les conséquences qu’un usage irréfléchi de l’information
peut entraîner lorsque notre sécurité est sévèrement menacée. D’autre
part, la question de la sécurité et la peur des attentats peut servir
parfois d’alibi aux gouvernements pour renforcer leur pression sur
les médias. C’est là une tendance à condamner.
63. Est-il possible de concevoir une loi sur la liberté de l’information
qui garantisse également une protection adaptée de la sécurité nationale?
Les experts que nous avons entendus ont répondu sans hésitations:
«Oui, incontestablement.» Et finalement cela ne serait pas si compliqué.
En fait, nous avons déjà en Europe de nombreuses expériences en
ce sens.
64. Mme Darbishire nous a rappelé que
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a recommandé à
ses membres d’éviter de garder secrètes trop d’informations, sans
quoi il devient difficile de préserver les véritables secrets, c’est-à-dire
les informations qui pourraient réellement nuire à la sécurité nationale.
65. Il convient également de noter que la Convention du Conseil
de l’Europe sur l’accès aux documents publics prévoit clairement
(dans son article 3 «Limitations possibles à l’accès aux documents
publics») un certain nombre d’exceptions au droit à l’accès à l’information,
en tête desquelles figure la sécurité nationale

. La convention
demande toutefois très clairement que les limitations soient établies
précisément dans la loi, nécessaires dans une société démocratique
et proportionnelles au but de protéger les intérêts légitimes indiqués.
Ainsi, les exceptions ne peuvent être retenues que s’il est prouvé
que la divulgation des informations est susceptible de porter préjudice
à l’intérêt protégé. Il ne s’agit donc pas de protéger toutes les
informations relatives à la sécurité nationale. Le principe est
plutôt de limiter l’accès aux informations qui pourraient véritablement
s’avérer dangereuses ou qui pourraient présenter une menace pour
la sécurité nationale, menace à mettre en balance avec l’intérêt
général: la convention impose en effet d’examiner si l’intérêt que peut
avoir le public à connaître les informations est supérieur à leur
danger potentiel.
66. La loi britannique de 2000 sur la liberté de l’information
intègre ces caractéristiques, même si le critère d’intérêt général
n’est pas appliqué à toutes les exceptions. Le Royaume-Uni offre,
du moins sur le papier

, un bon exemple
en matière de mécanismes de contrôle de l’application de la loi
sur la liberté de l’information. Il existe un commissaire à l’information,
que l’on retrouve dans différents pays de la région: en Allemagne,
en Slovénie et en Croatie. Si une information est refusée, la personne
qui la demande peut se tourner vers cet organe afin que le refus
soit réexaminé. Le Royaume-Uni dispose aussi d’un tribunal de l’information,
organe spécialisé qui correspond à un deuxième niveau d’appel et
dont les décisions peuvent elles-mêmes faire l’objet d’un recours
devant les tribunaux, jusqu’à la Cour suprême.
67. Enfin, il me semble que le débat sur les dommages que la diffusion
d’informations sensibles peut provoquer est trop centré sur des
cas extrêmes de lanceurs d’alerte comme Bradley Manning, Edward Snowden
ou Julian Assange. J’estime, avec M. Sullivan, que pour définir
un point d’équilibre entre intérêts qui entrent en tension – et
notamment entre le droit à la sécurité et le droit de connaître
la vérité sur certains faits – il convient de réfléchir en partant
de cas moins problématiques.
68. On peut par exemple s’entendre sur le fait que découvrir comment
est dépensé l’argent public ou révéler les propriétaires des sociétés
offshore ou obliger les sociétés offshore à déclarer leurs bénéficiaires
effectifs lorsqu’elles s’enregistrent dans un pays n’aide pas le
terrorisme. Nous pouvons assurer beaucoup de transparence au bénéfice
de l’intérêt public sans que cela ne cause ni dommage ni préjudice.
69. En somme, une loi sur la transparence et sur la liberté de
l’information doit reconnaître que la transparence n’est pas un
droit absolu et qu’il n’est pas possible pour quiconque de divulguer
quoi que ce soit n’importe quand. Néanmoins, il faut veiller à intégrer
dans ces lois le critère de l’intérêt général comme critère prépondérant,
de façon à ce que les exceptions ne soient pas utilisées abusivement
et prévoir un contrôle judiciaire adapté. Le secret devrait également
être limité dans le temps.
70. La préoccupation sécuritaire – évidemment bien légitime –
de nos gouvernements et nos parlements amène également à une autre
type de législation – antiterrorisme, sur l’état d’urgence, sur
les services de renseignement et la surveillance de masse – qui
fait obstacle au droit à la liberté d’information et, en particulier, rend
plus difficile, directement ou indirectement, le travail des journalistes
d’investigation. Certaines lois récentes ont fait l’objet d’alertes
sur la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection
du journalisme et la sécurité des journalistes. En effet, dans le
but légitime de renforcer les capacités d’investigation de la police
et des services de renseignement, ces lois, si elles ne prévoient
pas les garde-fous nécessaires dans une société démocratique, compromettent
non seulement les droits des citoyens (protection des données personnelles,
vie privée), mais aussi la protection des sources des journalistes,
et ont un effet dissuasif évident sur les lanceurs d’alerte.
71. Par exemple, en France, suite à l’entrée en vigueur le 3 octobre
2015 de la nouvelle loi no 2015-912 relative
au renseignement, 180 journalistes de l’Association confraternelle
de la presse judiciaire (APJ) ont déposé un recours auprès de la
Cour européenne des droits de l'homme, en estimant que cette loi
légalise la pratique par les services de renseignement, sous l’autorité
du premier Ministre, d’une surveillance large, intrusive et sans
contrôle judiciaire préalable

de
la population française, y compris pour des objectifs sans lien
avec le terrorisme. Par ailleurs, plusieurs syndicats français de
journalistes ont dénoncé les dispositions de la loi du 20 novembre
2015 promulguant l’état d’urgence en France permettant aux préfets
d’adopter des interdictions de séjour ciblées, qui peuvent éventuellement
viser des journalistes les empêchant ainsi de couvrir certains événements
publics.
72. De même, en Pologne, la nouvelle loi du 15 janvier 2016 portant
modification de la loi sur la police et de certaines autres lois,
entrée en vigueur le 7 février 2016, octroie aux services secrets
et aux autorités de police un accès rapide aux données d’utilisation
d’internet et des télécommunications des citoyens. La Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), en réponse
à une demande de la commission de suivi de l’Assemblée, a rendu
en juin 2016 son Avis no 839/2016, dans
lequel elle estime que «les garanties procédurales et les conditions
matérielles définies dans la loi sur la police en ce qui concerne
la mise en place de surveillances secrètes ne suffisent pas encore
à prévenir le recours excessif à cette méthode ni les ingérences
indues dans la vie privée» (paragraphe 132).
73. Un cas différent est celui de la loi espagnole sur la sécurité
citoyenne, qui a été adoptée en mars 2015 et est entrée en vigueur
le 1er juillet 2015. Cette loi, qu’on
a surnommé ley mordaza (la
loi muselière), a introduit des amendes administratives pour l’utilisation
non autorisée d’images ou données personnelles d’agents de police
si cette information peut mettre en danger la sécurité personnelle
de l’agent ou de sa famille. On peut parfaitement comprendre le
principe; mais: quid du travail
des journalistes lors des manifestations et des protestations sur
les places publiques? Là encore, une plateforme de juristes et journalistes
espagnols a saisi la Cour européenne des droits de l’homme.
3.3. Le
danger de la manipulation
74. De nature différente et plus
générale est l’exigence, pour ainsi dire intrinsèque du droit à
la liberté d’information, que cette information soit vraie et qu’il
ne s’agit pas de manipuler l’opinion publique.
75. Le thème de la manipulation est étroitement lié à celui du
pluralisme des médias et de leur indépendance réelle. Pluralisme
et indépendance sont en effet les conditions qui font des médias
les instruments d’une démocratie solide. Les experts que nous avons
entendus ont reconnu qu’il y a aussi des mauvais médias, au service
d’intérêt différents que celui du public à une information fiable.
Certains médias se font serviteurs des pouvoirs politiques et de
leurs intérêts; d’autres sont contrôlés par des groupes criminels.
76. Il faut néanmoins ne pas confondre l’engagement politique
légitime que tout journaliste et tout média ont le droit d’exprimer
de façon transparente et sans biais pour le respect de la vérité
avec la manipulation, qui consiste à vouloir façonner l’opinion
publique en relatant de faux faits ou en présentant les faits de
façon délibérément incomplète et trompeuse.
77. Attention aussi à ne pas confondre la discussion sur le journalisme
d’investigation et la discussion sur le journalisme d’opinion qui
est chose bien différente. Enfin, attention ne pas punir le bon
journalisme sous prétexte qu’il y a aussi un mauvais journalisme.
Les experts nous invitent à cet égard à avoir confiance que les bons
médias finissent généralement par prendre le pas sur les mauvais,
qui n’existent que parce qu’ils reçoivent des fonds importants de
personnalités du crime organisé ou d’autres personnes ayant des
intérêts politiques.
78. La transparence de la propriété des médias est l’un des piliers
qu’il faut consolider, afin que le grand public puisse savoir qui
est derrière les médias et puisse ainsi comprendre si le message
qu’il reçoit est biaisé ou filtré. Cette question a pour moi une
importance fondamentale, mais je ne m’y attarderai pas ici car elle
a fait l’objet de mon précédent rapport sur «Accroître la transparence
de la propriété des médias»

.
79. De même il faut assurer la transparence des subventions et
des financements publicitaires perçus par les médias et plus en
général assurer que le modèle économique des médias protège leur
indépendance. Cette problématique est examinée sous différents angles
par notre commission dans le cadre de la préparation d’autres rapports

.
4. Conclusions
80. L’analyse qui précède m’amène
à formuler quelques propositions d’actions concrètes que nous pourrions
recommander à nos États membres et en particulier à nos parlements
nationaux. Ces propositions, que je reprends aussi dans le projet
de résolution, ne portent que sur les questions spécifiques examinées dans
ce rapport, aussi pour éviter d’empiéter sur d’autres rapports en
cours.
81. Néanmoins, il est clair qu’un écosystème favorable pour le
journalisme d’investigation (et plus en général pour la liberté
des médias) ne saurait exister sans une protection efficace des
journalistes contre toute atteinte à leur sécurité et intégrité
physique, contre toute mesure de détention abusive, contre toute
tentative d’intimidation et contre toute pression indue contraire
à leur indépendance.
4.1. Accès
à l’information
82. L’accès le plus large possible
à l’information est un élément fondamental dans la lutte contre
la corruption. À cet égard, nous devrions promouvoir la ratification
de la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents
publics et demander en particulier à nos parlements de prendre des
initiatives concrètes pour accélérer le processus de ratification.
83. Dans ce contexte, il faut aussi mettre à l’ordre du jour de
nos travaux parlementaires l’amélioration des lois d’accès à l’information,
avec deux indications spécifiques:
- assurer que les lois sur l’accès à l’information s’appliquent
dûment aux parlements et à leurs membres, en particulier afin d’assurer
la transparence des intérêts financiers, car nous avons un devoir d’exemplarité;
- assurer que les données relatives aux propriétaires et
bénéficiaires effectifs des sociétés soient aisément accessibles
au public en général et aux journalistes d’investigation en particulier.
4.2. Soutien
financier au journalisme d’investigation
84. Nous devrions promouvoir, sans
réserve, non seulement par nos déclarations mais aussi de manière concrète,
l’idée que le journalisme d’investigation est un «bien public».
Dès lors, il faut disposer de mécanismes financiers permettant d’en
assurer le financement de façon adéquate sans mettre en question l’indépendance
des journalistes
85. Nos parlements devraient étudier, en étroite collaboration
avec les associations nationales des journalistes, la création dans
chaque pays d’un fonds national pour le journalisme d’investigation,
dont les statuts devraient garantir à la fois l’absence de tout
but lucratif et une gestion transparente et indépendante du pouvoir
politique. Ces institutions devraient pouvoir bénéficier de subventions
publiques, ainsi que de dons privés (dont la transparence devrait
être garantie) pour financer des projets journalistiques d’investigation.
86. Conjointement à la création d’un fonds national pour le journalisme
d’investigation, il faudrait prévoir d’inscrire au budget annuel
une subvention qui serait versée à ce fonds, avec l’obligation pour
le fonds d’informer le parlement, et le public, de son utilisation,
naturellement sans préjudice pour les enquêtes en cours de réalisations
ou prévues.
4.3. Une
meilleure protection des lanceurs d’alerte
87. J’ai évoqué les travaux de
notre Assemblée dans ce domaine, ainsi que la Recommandation CM/Rec(2014)7
du Comité des Ministres sur la protection des lanceurs d’alerte.
Il convient de rappeler aux États membres la nécessité de mettre
en œuvre ces textes; mais je propose aussi d’insister sur trois
questions:
- la nécessité d’avoir
dans la législation nationale une définition suffisamment précise
et large de «lanceur d’alerte»;
- l’importance de limiter le risque de poursuites pénales
contre les donneurs d’alerte;
- l’opportunité d’introduire un mécanisme de signalement
au niveau national.
88. Concernant la définition de «lanceur d’alerte», dans la mesure
où cette définition peut manquer, ou être trop étroite, nous pourrions
proposer que les législations nationales se conforment à la définition
contenue dans la Recommandation CM/Rec(2014)7.
89. Concernant le risque de poursuites, nous pourrions proposer
de configurer – sous réserve du respect de certaines conditions
– l’exercice du «droit de donner l’alerte» comme une condition objective
d’exclusion de la responsabilité pénale. Cette exclusion devrait
avoir lieu, selon moi, dans tous les cas de «révélation d’informations
légitime» (la législation du Royaume-Uni parle de «qualifying disclosure»).
90. Sans prétention de donner ici une définition juridique, il
me semble qu’il faudrait couvrir tous les cas où la divulgation
de l’information est faite de bonne foi et répond clairement à l’intérêt
du public. Tel est sans doute le cas lorsqu’il s’agit de violations
des droits fondamentaux ou de la loi pénale (y compris la corruption
active ou passive), ou encore de faits qui révèlent une mise en
danger de la sécurité, de la santé ou de l’environnement. Dans ces
cas, il faudrait aussi, bien entendu, sanctionner toute pression
indue ou mesure de rétorsion contre le lanceur d’alerte.
91. Le droit à la liberté d’information peut entrer en tension
avec d’autres valeurs fondamentales et il peut y avoir des raisons
justifiant une limitation du droit à la liberté d’information dans
le cadre strict fixé par l’article 10.2 de la Convention européenne
des droits de l’homme. Dans ce contexte, offrir au donneur d’alerte la
possibilité de saisir, sans crainte d’un quelconque préjudice, une
autorité indépendante ayant les pouvoirs d’enquête et d’intervention
nécessaires pourrait aider à réconcilier des exigences divergentes.
92. Dès lors, je propose d’encourager la mise en place dans chaque
pays d’un mécanisme d’alerte au niveau national, avec une procédure
de signalement qui garantisse, selon les besoins, la confidentialité
ou l’anonymat

des
donneurs d’alerte.
93. On peut envisager la création d’agences spécialisées, mais
il me semble préférable d’étudier en priorité deux pistes, l’une
n’excluant pas l’autre:
- la
saisine de commissions parlementaires d’enquête, ce qui impliquerait
la mise en place au niveau des parlements nationaux de procédures
spécifiques à cet égard;
- la saisine de l’ombudsman national, lorsque cet organe
existe, en s’assurant que cette compétence lui soit confiée explicitement
par la loi, si ce n’est pas encore le cas.
94. Bien entendu, l’existence d’un mécanisme d’alerte n’exclurait
pas la possibilité de dénonciation directe de tout fait illicite
aux autorités judiciaires; par ailleurs, celles-ci pourraient aussi
être appelées à intervenir par l’organe saisi de l’alerte.
95. Néanmoins, je suis consciente des limites d’une telle proposition,
lorsque les autorités étatiques sont elles-mêmes impliquées dans
les faits que le donneur d’alerte souhaite dénoncer et que l’indépendance
réelle de l’organe à qui il devrait s’adresser, et l’efficacité
de son intervention, est sujette à caution. Le recours aux médias
et à l’opinion publique pourrait alors paraître comme l’unique démarche
effective.
4.4. La
valorisation du travail d’investigation des journalistes, notamment
par une meilleure collaboration avec les parlements nationaux
96. Un élément déclencheur de l’initiative
qui a porté à la préparation du présent rapport a été la conviction que,
au-delà du rôle que les parlements ont, en tant que législateurs,
d’assurer à la liberté des médias en général et au journalisme d’investigation
en particulier la protection juridique dont ils ont besoin, les
parlements ont également un rôle politique majeur dans la promotion
de l’image du journalisme d’investigation et dans la reconnaissance
sociale de sa fonction dans le cadre d’une société démocratique.
97. Pour être crédibles dans ce deuxième rôle, il me semble indispensable
que les parlements fassent plus d’efforts pour rechercher les synergies
possibles avec les journalistes et les médias d’investigation, dans
la lutte contre la corruption et les malversations financières et
plus largement dans l’action de promotion d’une bonne gouvernance.
98. À cet égard, nous pourrions proposer à nos parlements d’étudier
comment associer de manière à la fois plus étendue et plus efficace
les médias d’investigation, d’une part, à la réflexion sur les réformes
législatives les concernant et, d’autre part, aux travaux des commissions
parlementaires d’enquête. La saisine par les donneurs d’alerte de
ces commissions, que je propose d’envisager, serait alors intégrée
dans un cadre plus large visant aussi à renforcer la confiance réciproque.
99. Il faudrait également assurer que toute collaboration et les
bons résultats auxquels celle-ci pourrait amener soient portés à
l’attention du grand public. En effet, et pour finir, je suis certaine
que des changements visibles à cet égard auraient un effet positif
tant sur la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques
que sur leur confiance dans les médias.