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Rapport | Doc. 14248 | 24 janvier 2017

La nécessité de réformer les politiques migratoires européennes

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Ian LIDDELL-GRAINGER, Royaume-Uni, CE

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 4272 du 23 janvier 2017 (débat selon la procédure d’urgence). 2017 - Première partie de session

Résumé

La forte augmentation, ces dernières années, du nombre de réfugiés et migrants arrivant en Europe par la mer Méditerranée a provoqué une crise des migrations et des réfugiés sans précédent sur notre continent. D’où une énorme pression sur les pays d’accueil, notamment les pays de première arrivée et de destination, ainsi que sur les pays de transit. Le rapporteur préconise une approche européenne commune de la gestion des flux migratoires et des solutions durables, et appelle à un débat approfondi au niveau européen sur le phénomène migratoire dans une perspective à long terme et sur ses conséquences pour les sociétés d’accueil. Face à la persistance et à l’ampleur des flux migratoires mixtes, il propose un certain nombre de mesures et d’éventuelles solutions pour remédier aux problèmes et relever les défis en question.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 24 janvier 2016.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est très préoccupée par l’incapacité des dirigeants européens à trouver des moyens d’action communs et à traiter avec efficacité la crise actuelle des migrations et des réfugiés, dont la perte continue de vies humaines en mer Méditerranée, l’inadéquation des conditions d’accueil, le partage des responsabilités entre les Etats concernant l’afflux massif de personnes, les violences aux frontières et contre les migrants et, en conséquence, la perte de confiance des citoyens dans la capacité des gouvernements et des institutions européennes à faire face à la crise.
2. Le caractère inapproprié de la réaction de l’Europe à la situation migratoire et à l’arrivée massive continuelle de réfugiés et de migrants a mis en lumière le manque de pertinence et les failles systémiques des instruments et mécanismes juridiques en vigueur, dont l’incapacité à contrôler les frontières extérieures de l’Union européenne, le caractère inapplicable du Règlement de Dublin dans la pratique, le dysfonctionnement des systèmes d’asile ainsi que les divisions entre les Etats en fonction de leurs prise de position politique et situation géographique.
3. En outre, l’Assemblée déplore le manque de vision d’ensemble de la gestion des flux migratoires et de solutions durables ainsi que l’absence de débat sérieux, à l’échelon européen, sur le phénomène migratoire dans une perspective à long terme et ses conséquences pour les sociétés d’accueil.
4. L’Assemblée se félicite des efforts constants de la Turquie et de l’Allemagne pour prendre en charge la plupart des réfugiés et migrants irréguliers récemment arrivés sur leur territoire et reconnaît les efforts consentis par l'Italie et la Grèce confrontées à la réception – en tant que pays d'arrivé – des principaux flux de réfugiés et de migrants.
5. Plusieurs attentats terroristes récents commis par des réfugiés ou demandeurs d’asile soulèvent des questions de sécurité, dans le contexte, en particulier, de l’échec de l’intégration culturelle et sociale et de la radicalisation de certains jeunes d’origine immigrée, y compris de deuxième et troisième générations.
6. En outre, l’Assemblée souligne que le droit et l’obligation de protéger les frontières nationales et extérieures de l’Union européenne ne sont pas incompatibles avec l’engagement de faire respecter le droit humanitaire international.
7. Malheureusement, le dysfonctionnement des procédures de détermination du statut des migrants ne permet pas de distinguer rapidement les personnes ayant réellement besoin de protection internationale des migrants irréguliers. Cette situation, couplée à des politiques de retour inadéquates, met à mal le concept de protection internationale et conduit à des abus. L’Assemblée estime qu’il est capital de renforcer le cadre politique et juridique existant aux niveaux national et européen afin de garantir l’efficacité du système d’asile.
8. L’Assemblée renvoie à ses Résolution 2000 (2014) sur l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes, Résolution 2088 (2016) «La Méditerranée: une porte d’entrée pour les migrations irrégulières», Résolution 2118 (2016) «Les réfugiés en Grèce: défis et risques – Une responsabilité européenne», Résolution 2073 (2015) «Pays de transit: relever les nouveaux défis de la migration et de l’asile», Résolution 2109 (2016) sur la situation des réfugiés et des migrants dans le cadre de l’Accord UE-Turquie du 18 mars 2016, Résolution 2072 (2015) «Après Dublin: le besoin urgent d’un véritable système européen d’asile», Résolution 2089 (2016) sur le crime organisé et les migrants, ainsi qu’aux Résolution 2113 (2016) «Après les attaques de Bruxelles, un besoin urgent de répondre aux défaillances de sécurité et de renforcer la coopération contre le terrorisme», Résolution 2090 (2016) «Combattre le terrorisme international tout en protégeant les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe» et Résolution 2093 (2016) «Attaques récentes contre des femmes: nécessité d’une communication objective et d’une réponse globale».
9. En conséquence, l’Assemblée appelle:
9.1. les Etats membres du Conseil de l'Europe:
9.1.1. à engager un dialogue digne de ce nom avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres acteurs internationaux sur l’interprétation des dispositions juridiques de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, dont les conditions de reconnaissance du Statut, ainsi que sur la question de la définition d’un «pays tiers sûr»;
9.1.2. à intensifier leurs efforts pour trouver une solution constructive concernant une répartition plus équitable des responsabilités afin de mettre pleinement en œuvre les décisions de juillet 2015 du Conseil européen concernant la relocalisation et la réinstallation des réfugiés;
9.1.3. à continuer les opérations de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée à une échelle au moins aussi vaste qu’à l’heure actuelle;
9.1.4. à étudier les possibilités de développer les filières de migration légales, y compris d’augmenter la proportion de relocalisations et d’admissions pour des raisons humanitaires ainsi que le regroupement familial en vue de mettre un terme aux migrations irrégulières;
9.1.5. à étudier et promouvoir les initiatives de renforcement des capacités institutionnelles et normatives des pays d’origine et de transit;
9.1.6. à réfléchir aux nouveaux défis à relever concernant les politiques d’intégration, dont les menaces pour la sécurité et la radicalisation des migrants;
9.1.7. à tirer pleinement parti de la Banque de développement du Conseil de l'Europe pour mettre en œuvre des projets sociaux concernant l’accueil des migrants et leur intégration.
9.2. les Etats membres et les institutions de l’Union européenne:
9.2.1. à garantir l’efficacité des contrôles aux frontières extérieures en appliquant les mesures suggérées par la Commission européenne dans sa série de propositions validées par le Parlement européen en juillet 2016, et notamment en assurant le financement et le fonctionnement du nouveau Corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes en conformité avec les normes européennes et internationales qui s’appliquent en la matière;
9.2.2. à accroître l’efficacité des politiques de retour en dotant le Bureau européen pour les opérations de retour nouvellement créé des ressources et moyens opérationnels nécessaires; à harmoniser les pratiques de retour dans toute l’Europe et à envisager un partage des coûts;
9.2.3. à étudier les moyens de mieux repérer les personnes ayant besoin d’une protection internationale et d’organiser le traitement externe des demandes d’asile grâce à des centres de crise («hotspots») établis hors d’Europe dans des pays tiers sûrs, pour autant que les droits fondamentaux des demandeurs d’asile soient garantis, comme l'a déjà recommandé l'Assemblée dans des précédentes résolutions;
9.2.4. à apporter à la Grèce et à l’Italie un soutien financier et matériel approprié pour garantir de bonnes conditions d’accueil des réfugiés et des migrants et le fonctionnement des centres de crise conformément aux engagements antérieurs.
10. L’Assemblée décide de poursuivre sa réflexion sur ces questions et de faire le bilan des progrès réalisés à l’occasion du débat sur les migrations qui se tiendra au cours de la partie de session de juin 2017.

B. Exposé des motifs, par M. Ian Liddell-Grainger, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La forte augmentation, ces dernières années, du nombre de réfugiés et migrants arrivant en Europe par la mer Méditerranée a provoqué une crise des migrations et des réfugiés sans précédent sur notre continent. Plus d’un million de personnes ont atteint les côtes européennes en 2015 
			(2) 
			1 015 078 personnes
selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Sans mention contraire, toutes les statistiques citées dans le présent
rapport proviennent du HCR. contre 219 000 en 2014, 60 000 en 2013 et quelque 40 000 chaque année, selon les estimations, entre 1998 et 2012. La mise en œuvre à compter de mars 2016 de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie et le recul du nombre de personnes arrivant en Grèce qui en est résulté ont mis un frein au nombre de migrants et de réfugiés traversant la Méditerranée, leur effectif s’établissant à 390 000 en 2016.
2. Cette explosion des chiffres est imputable pour l’essentiel aux conflits armés en Syrie et en Irak ainsi qu’à l’instabilité, aux violations des droits de l’homme et à la misère économique que connaissent notamment l’Afghanistan, l’Erythrée, le Nigeria, la Somalie, la Gambie et le Soudan. Les routes maritimes employées pour traverser la Méditerranée changent rapidement, au gré de l’évolution des circonstances extérieures et notamment des mesures et conditions de contrôle des migrations dans les pays d’origine, de transit et de destination. La traversée de la Méditerranée est presque entièrement contrôlée par des réseaux criminels bien organisés, désireux de maximiser leurs profits et ne se souciant guère des vies humaines.
3. Les périlleux voyages à travers la Méditerranée font de nombreuses victimes. Malgré les opérations concertées de recherche et de sauvetage menées par plusieurs pays européens, plus de 4 000 personnes sont mortes en 2016 contre 3 800 en 2015, 3 500 en 2014, 600 en 2013 et 500 en 2012. Deux cent dix-neuf personnes au moins se sont noyées rien qu’au cours des deux premières semaines de cette année 
			(3) 
			Organisation internationale
pour les migrations (OIM)..
4. Les arrivées massives de migrants et de réfugiés par la mer Méditerranée font peser des pressions extrêmes sur les pays d’accueil. Il est rapidement apparu que les capacités matérielles d’accueil des premiers pays d’arrivée ne permettaient pas de répondre aux normes des droits de l’homme et les systèmes d’asile ont révélé des défaillances structurelles en termes de traitement du nombre important de demandes soumises. En raison d’une part de ces lacunes mais également d’ouvertures de frontières non coordonnées, d’opérations visant à faciliter le transport des migrants et d’autres facteurs comme les préférences des migrants, les liens familiaux et bien évidemment les modes opératoires du trafic des migrants, les flux de réfugiés se répandent dans toute l’Europe, affectant les pays de transit et de destination.
5. La réponse chaotique de l’Europe face à cette situation a immédiatement mis en lumière la faiblesse et le manque de pertinence des instruments juridiques et des politiques migratoires en vigueur. Ce fut particulièrement flagrant dans le cas dudit Règlement de Dublin, instrument juridique de l’Union européenne qui établit un mécanisme pour identifier l’Etat membre auquel il revient d’examiner une demande d’asile donnée. Ce Règlement a été adopté en 2003 quand les flux de migrants et de réfugiés étaient de nature qualitative et quantitative différente. Les migrants arrivés en masse ont ainsi été en mesure de choisir le pays dans lequel ils souhaitaient au final demander asile, scénario que le Règlement de Dublin était justement censé prévenir. Qui plus est, ils ont la possibilité d’introduire une demande dans plusieurs pays tout en abusant des systèmes locaux de protection sociale.
6. Une telle situation est devenue possible, parce qu’un autre instrument juridique de l’Union européenne, en l’occurrence l’Accord de Schengen, qui est au cœur des politiques de marché unique de l’Union européenne et qui permet la libre circulation incontrôlée des personnes entre les pays qui ont, dans une large mesure, aboli leurs contrôles aux frontières internes. De ce fait, les personnes entrées illégalement en Europe qui n’ont jamais été identifiées, et à fortiori enregistrées, peuvent circuler librement dans tout l’espace Schengen.
7. Les diverses approches nationales, des plus restrictives aux plus généreuses et souvent contradictoires entre elles, n’ont fait qu’aggraver l’échec de la politique européenne commune confrontée à des arrivées irrégulières massives. Plusieurs pays ont fermé leurs frontières même à des fins de transit, certains allant jusqu’à ériger des clôtures. Cette situation a créé des tensions sans précédent, donnant lieu notamment à des actes de violence aux frontières. D’autres Etats ont fait preuve d’une plus grande souplesse et autorisé les personnes à transiter par leur territoire, proposant même d’accueillir des réfugiés et appelant à une suspension formelle du Règlement de Dublin.
8. Les débats engagés par la suite au niveau de l’Union européenne sur le partage des responsabilités et la répartition des migrants et réfugiés sur une base volontaire ou selon un système de quotas obligatoires ont clairement montré l’incapacité des dirigeants européens à traiter le problème des migrations et suscité une perte de confiance importante des citoyens dans les gouvernements et les institutions de l’Union européenne. Dans certains pays, les tensions font le jeu des extrémistes et des populistes qui, à leur tour, s’opposent farouchement aux migrations allant jusqu’à encourager la violence à l’égard des migrants.
9. La question de l’intégration de tous les migrants nouvellement arrivés reste un sujet de préoccupation compte tenu des efforts infructueux déployés dans le passé à cet effet. Les rapports inquiétants faisant état du non-respect des valeurs démocratiques et des tentatives de certains nouveaux arrivants d’imposer des valeurs et modes de vie contraires aux valeurs européennes doivent être pris au sérieux. De même, on ne saurait ignorer ceux mettant en lumière une radicalisation croissante parmi les réfugiés et les migrants.
10. Les récents attentats terroristes commis par des demandeurs d’asile dans plusieurs pays européens (Allemagne et Turquie par exemple) ont mis en évidence des failles de sécurité et soulevé des questions légitimes quant à la gestion des flux migratoires, et plus généralement, aux politiques migratoires. L’impératif pour l’Europe de trouver une réponse adaptée à ces nouveaux défis posés par la crise actuelle des migrations et des réfugiés est devenu manifeste.
11. L’Assemblée parlementaire a traité la majorité de ces questions interconnectées à différents stades de la crise actuelle. Il serait inutile de citer ici la liste exhaustive des rapports pertinents préparés par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées; ces derniers sont facilement consultables sur le site internet de l’Assemblée. Je ferai, au besoin, référence à certains d’entre eux dans le présent texte. Je souhaite par ailleurs attirer votre attention sur les travaux menés par la commission des questions politiques et de la démocratie concernant le terrorisme.
12. Le présent rapport, établi selon la procédure d’urgence, fait suite aux vives inquiétudes face à l’absence de dialogue ouvert au niveau parlementaire européen sur les risques découlant de l’actuelle crise des migrations et des réfugiés, ainsi qu’à l’inadéquation des politiques migratoires. Par le biais du présent rapport, j’espère lancer un débat sur les réponses immédiates qui s’imposent face aux menaces qui pèsent sur la sécurité et nos valeurs démocratiques, mais aussi engager une réflexion sur les conséquences à long terme des migrations massives. L’Europe doit adopter une approche globale de la question des migrations de masse et une vision ambitieuse de nos futures sociétés. La journée des migrations prévue par l’Assemblée parlementaire au mois de juin 2017 constituera une bonne occasion pour avoir un tel débat.

2. Lacunes des politiques migratoires actuelles et principales préoccupations soulevées par les mouvements migratoires massifs

13. Bien des années avant 2011, l’Italie et la Grèce ont été critiquées pour la pratique de renvois de migrants. Les bateaux interceptés étaient renvoyés vers leurs points de départ et leurs passagers n’avaient aucune chance de déposer une demande d’asile. Qualifiée de refoulement, cette pratique constitue une violation de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), comme l’a établi la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt condamnant l’Italie en 2011 
			(4) 
			Hirsi Jaama et autres c. Italie,
arrêt du 23 février 2011, Requête no 27765/09..
14. L’arrêt de la Cour a ouvert la voie à un nouveau mode opératoire consistant à amener les migrants en situation irrégulière interceptés en mer jusqu’aux côtes européennes, que ce soit en Italie, à Malte, à Chypre ou en Grèce. Les passeurs ont rapidement appris à exploiter cette pratique: dès que les migrants et réfugiés objets du trafic quittent les eaux territoriales nationales qui s’étendent sur 12 miles marins et atteignent les eaux internationales, ils émettent un signal de détresse ou appellent les garde-côtes italiens à l’aide de téléphones portables et ont ainsi de bonnes chances d’être débarqués sur le territoire italien 
			(5) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22315&lang=FR'>Doc. 13942</a> de l’Assemblée, «La Méditerranée: une porte d'entrée
pour les migrations irrégulières» (rapporteure: Mme Daphné
Dumery, Belgique, NI).. Dans certains cas rapportés, les signaux ont été envoyés avant même que le bateau ne quitte la côte libyenne 
			(6) 
			Ibid..
15. Malheureusement, tous les passagers n’ont pas la chance d’être secourus à temps sur les embarcations impropres à la navigation, dangereusement surchargées qui prennent souvent la mer dans de mauvaises conditions météorologiques. Le nombre de naufrages dramatiques causant la mort de nombreuses personnes illustre les risques pris par ceux qui se lancent dans cette aventure. Il convient de souligner clairement qu’il est impossible d’éliminer totalement les risques. Aussi longtemps que des personnes tenteront de traverser la Méditerranée de manière irrégulière, les pertes en vies humaines seront inévitables.
16. Au cours des deux dernières années, quelques progrès ont été enregistrés dans la lutte contre les réseaux criminels impliqués dans le trafic de migrants via la Méditerranée 
			(7) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22316&lang=FR'>Doc. 13941</a>, «Le crime organisé et les migrants» (rapporteur: M. Irakli
Chikovani, Géorgie, ADLE)., mais la situation est loin d’être satisfaisante en termes de techniques d’enquête et compte tenu des lacunes juridiques qui bloquent les poursuites. Les efforts de lutte contre le trafic de migrants devraient s’attaquer aux causes profondes des migrations qui poussent les migrants à s’en remettre à des passeurs: lorsqu’il n’y aura plus de candidats aux traversées clandestines de la mer, les réseaux criminels de passeurs se déliteront d’eux-mêmes.
17. La mise en œuvre, depuis mars 2016, de l’accord UE-Turquie ayant significativement réduit le nombre de personnes arrivant en Grèce (passé de plus de 800 000 en 2015 à 175 000 en 2016), «l’itinéraire de la Méditerranée centrale», entre la Libye et l’Italie, est devenu la principale voie de migration. En 2016, rien que 181 000 personnes sont arrivées en Italie par voie maritime, contre 150 000 en 2015. Nous devrions nous inquiéter des informations selon lesquelles 300 000 personnes attendraient sur les côtes libyennes de pouvoir rejoindre l’Europe. Certaines ont traversé le désert du Sahara avant d’arriver au point d’embarquement. Fait déplorable, le Sahara et le désert libyen sont le théâtre de tragédies comparables à celles qui se déroulent en Méditerranée, mais elles ne suscitent guère l’intérêt des autorités et de l’opinion publique.
18. L’adoption de mesures de contrôle des frontières et de lutte contre les migrations irrégulières est une prérogative légitime des Etats et de l’Union européenne. Sans préjudice du droit d’asile, ces mesures sont censées permettre une gestion effective des flux migratoires et constituent une condition nécessaire pour assurer la sécurité. L’identification et l’enregistrement en bonne et due forme des arrivants est un aspect important des politiques de sécurité.
19. Jusqu’à une date récente, le défaut d’identification est resté une grave source de préoccupation. Le fait que beaucoup de personnes entrent en Europe sans que les autorités européennes n’aient la moindre trace de leur présence ni d’informations sur leur identité constitue un vif sujet d’inquiétude.
20. Les exigences du Règlement de Dublin sont claires à cet égard, l’article 8 disposant que «chaque Etat membre, dans le respect des dispositions de sauvegarde établies dans la Convention européenne des droits de l'homme et de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque étranger, âgé de 14 ans au moins, qui, à l'occasion du franchissement irrégulier de sa frontière terrestre, maritime ou aérienne en provenance d'un pays tiers, a été appréhendé par les autorités de contrôle compétentes et qui n'a pas été refoulé». Le Règlement précise par ailleurs que «l'Etat membre concerné transmet sans tarder à l'unité centrale les données relatives à tout étranger, notamment le lieu où l'intéressé a été appréhendé et la date, les données dactyloscopiques et la date à laquelle les données ont été transmises à l'unité centrale».
21. L’Italie a été critiquée sur ce point à plusieurs reprises par d’autres pays européens pour le non-respect systématique de la législation européenne. Jusqu’à l’ouverture de centres de crise (hotspots) à la fin de 2016, les migrants et réfugiés arrivant sur les côtes italiennes, qui ne souhaitaient pas coopérer, n’y étaient pas contraints. Par voie de conséquence, environ 2 % d’entre eux ne sont pas correctement identifiés 
			(8) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22315&lang=FR'>Doc. 13942</a>, op. cit., et <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=20941&lang=FR'>Doc. 13531</a>, «L’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les
côtes italiennes» (rapporteur: M. Christopher Chope, Royaume-Uni,
CE).. Après leur transfert dans un centre d’accueil, ils ont pu disparaître sans que leur identité ait pu être établie. Cependant, il y a toujours plus de 150 000 réfugiés en Italie, alors que seuls 1 950 d’entre eux ont pu être installés ailleurs.
22. Le refus de coopérer peut s’expliquer par la crainte que le relevé de leurs empreintes digitales compromette leurs chances de déposer une demande d’asile dans un autre pays. Cependant, cette clémence des autorités pourrait permettre éventuellement à des personnes mal intentionnées de se fondre dans les rangs des migrants et de passer inaperçues. Les menaces posées par ces filières de migrations irrégulières aux pays d’accueil européens ont pris encore plus d’ampleur après les déclarations publiques de chefs de l’organisation terroriste «Etat islamique» annonçant leur intention de mêler aux flux de réfugiés certains de leurs membres, chargés de commettre des attentats terroristes en Europe 
			(9) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=21690&lang=FR'>Doc. 13764</a>, «La tragédie humaine en Méditerranée: une action immédiate
est nécessaire» (rapporteur: M. Thierry Mariani, France, PPE/DC)..
23. En Grèce, avant la mise en œuvre de l’accord UE-Turquie et l’établissement des centres de crise («hotspots») en 2016, l’identification et l’enregistrement des nouveaux arrivants laissaient grandement à désirer, car les autorités étant débordées par leur nombre; les estimations à la mi-septembre 2015 faisaient état de 5 000 à 8 000 arrivées chaque jour. A la faveur de la mise en œuvre de l’accord UE-Turquie et de l’ouverture de centres de crise, la situation s’est considérablement améliorée à cet égard. Jusqu’ici, l’Union européenne n’a malheureusement pas apporté d’aide appropriée à la Grèce ni fait en sorte que la responsabilité soit partagée équitablement entre les Etats membres. Seules un peu plus de 6 000 personnes ont été installées ailleurs jusqu’ici 
			(10) 
			Ce chiffre et le nombre
des réfugiés installés ailleurs qu’en Italie portent le montant
total à un peu plus de 8 000 – bien en deçà du chiffre de 160 000
visé par le Conseil «justice et affaires intérieures» en septembre
2015. . Voilà pourquoi, plus de 14 000 personnes sont toujours confinées sur les îles. 14 000 de plus sont logées dans des appartements financés par l’Union européenne et plus de 33 000 subsistent dans des conditions d’accueil déplorables en Grèce continentale. Au total plus de 63 000 personnes sont un sujet de préoccupation en Grèce.
24. Non seulement l’absence d’identification et d’enregistrement en bonne et due forme à l’arrivée constitue une menace directe pour la sécurité, mais elle compromet aussi dans une certaine mesure la procédure de détermination du statut proprement dite. La politique de «laissez-faire» encourage les abus du système d'asile, elle constitue un facteur d’attraction pour tous ceux qui ne remplissent pas les conditions requises pour obtenir le statut de réfugiés et discrédite le concept de protection internationale aux yeux de l’opinion publique.
25. Ce problème touche un autre point souvent soulevé lorsqu’il est question de la crise actuelle des migrations et des réfugiés: celui de la distinction entre d’un côté les réfugiés et les personnes ayant besoin d'une protection internationale et de l’autre les migrants économiques, qui cherchent simplement une vie meilleure et ne peuvent prétendre à aucune forme de statut humanitaire.
26. La longueur et la complexité des procédures de détermination du statut, les dysfonctionnements des systèmes d’asile et les déficiences législatives, ainsi que le non-respect du droit communautaire de la part de certains pays, n’empêchent pas les abus et encouragent même certains migrants économiques à tirer parti de ces failles.
27. La question cruciale des critères à remplir pour bénéficier du statut de réfugié et la notion de pays tiers sûr demandent une réflexion et un débat approfondis à l’échelle européenne. J’espère que le présent rapport permettra de lancer d’autres discussions.
28. Un autre point important a trait au retour des demandeurs d’asile déboutés, ou des migrants qui n’ont pas demandé l’asile. Rares sont ceux qui souhaitent rentrer dans leur pays sur une base volontaire. Ce constat préoccupant laisse entrevoir la totale inefficacité des politiques de retour forcé menées dans toute l’Europe. Selon Eurostat entre 400 000 et 500 000 ressortissants étrangers reçoivent chaque année une injonction de quitter l’Union européenne. Cependant, moins de 40 % d’entre eux sont renvoyés dans leur pays d’origine ou dans le pays tiers sûr à partir duquel ils se sont rendus dans l’Union européenne. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait: l’absence d’accords de réadmission avec certains pays d’origine, les durées de traitement extrêmement longues, l’absence de surveillance effective des demandeurs déboutés et le coût élevé qu’impliquent ces procédures. Dans la pratique, il n’est pas difficile pour un demandeur d’asile débouté ou un migrant en situation irrégulière d’éviter l’expulsion.
29. Le manque de coordination entre les Etats et d’approche commune entre les dirigeants européens, ainsi que le défaut de vision globale pour l’avenir semblent constituer les principaux obstacles au règlement de la crise actuelle des migrations et des réfugiés. Les politiques migratoires nationales contradictoires et les discussions à propos des quotas et de leur nature facultative ou obligatoire semblent négliger la question essentielle: la crise ne prendra pas fin même en cas de mise en œuvre de tous les engagements concernant la répartition des réfugiés. Les migrants de la prochaine vague, réfugiés et migrants économiques, attendent de pouvoir embarquer; il y aura malheureusement à coup sûr d’autres pertes en vies humaines, et les problèmes resteront inchangés, voire s’aggraveront.

3. Préoccupations en matière de sécurité et d’intégration soulevées par les mouvements migratoires massifs

30. L’attentat au camion perpétré au mois de décembre sur un marché berlinois très fréquenté, qui a fait 12 morts et une cinquantaine de blessés, a apporté un éclairage différent sur les dispositifs de sécurité en liaison avec les mouvements migratoires de masse. L’auteur s’est avéré être un ressortissant tunisien, demandeur d’asile débouté qui avait déposé des demandes dans six pays différents, sous six identités différentes, et qui était connu sous 14 pseudonymes. Par ailleurs, il avait purgé une peine d’emprisonnement de quatre ans en Italie, pour violence et incendie criminel, avant d’être arrêté en Allemagne en possession de fausses pièces d’identité. Au cours des six derniers mois, on avait constaté qu’il se radicalisait et on l’avait placé sous surveillance en Allemagne, dans l’attente de son expulsion, qui avait dû être reportée à la suite de problèmes bureaucratiques avec les autorités tunisiennes. Faute d’une collaboration diligente et effective entre les forces de police, il a réussi à traverser plusieurs frontières avant d’être appréhendé en Italie.
31. L’attentat terroriste de Berlin a été mené selon un mode opératoire inquiétant, nécessitant peu de logistique humaine ou de savoir-faire technologique. C’est un autre exemple préoccupant de djihadiste qui est parvenu à dissimuler ses liens avec l’organisation terroriste. Le fait qu’il soit arrivé en Europe en tant que demandeur d’asile ne peut avoir qu’un effet négatif sur l’image des migrants illégaux aux yeux de l’opinion publique.
32. Malheureusement, l’auteur de l’attentat de Berlin n’est pas le seul exemple de radicalisation d’un demandeur d’asile. En juillet 2016, un autre demandeur d’asile débouté s’est fait exploser devant un restaurant situé à proximité d’un festival de musique dans la ville allemande d’Ansbach. L’explosion a blessé 12 personnes.
33. Au début de la même semaine, en Allemagne, un réfugié afghan de 17 ans a grièvement blessé cinq personnes dans un train, à l’aide d’un couteau et d’une hache, avant d’être abattu par la police. Dans sa chambre, les enquêteurs ont trouvé un drapeau de l’Etat islamique imprimé à la main. L’agresseur était arrivé dans le pays deux ans plus tôt en qualité de mineur non accompagné.
34. Certains des auteurs des trois attentats suicides coordonnés à la bombe qui se sont produits en Belgique (deux à l’aéroport de Bruxelles et un dans la station de métro de Maalbeek) sont arrivés en Europe en tant que réfugiés via la Grèce.
35. Le 1er janvier 2017, un djihadiste ouzbek a tué 39 personnes et blessé au moins 70 autres lors d’un attentat terroriste dans une boîte de nuit d’Istanbul. Il avait franchi la frontière syro-turque avec des réfugiés, accompagné par sa femme et deux enfants. L’EI a revendiqué officiellement la responsabilité de l’attentat et déclaré que l’auteur de la tuerie était membre de ses forces armées. Les experts qui ont examiné des vues de l’attentat ont affirmé que le tireur avait reçu un entraînement professionnel à l’usage des armes. La police turque pense que l’attentat a été mené par le même membre de l’EI qui celui qui avait visé l’aéroport Atatürk d’Istanbul en juin 2016.
36. Les quelques attentats commis par ces migrants irréguliers, qui ne représentent qu’un pourcentage minime de ceux qui sont arrivés en Europe, sont parfois associées à la grande vague de terrorisme international dont l’Etat islamique revendique la responsabilité. Elles sont par ailleurs utilisées par les partis radicaux comme argument contre les migrants illégaux en général, ou contre les migrants de confession musulmane en particulier. Cette situation est tristement paradoxale car la plupart des migrants irréguliers sont eux-mêmes victimes du terrorisme international et plus spécifiquement de l’Etat islamique.
37. Cependant, on s’inquiète de plus en plus d’une radicalisation éventuelle des migrants et des réfugiés en raison d’une mauvaise intégration 
			(11) 
			Voir
le Doc. 14031, «Après les attaques de Bruxelles, un besoin urgent de
répondre aux défaillances de sécurité et de renforcer la coopération
contre le terrorisme» (rapporteur: M. Emanuelis Zingeris, Lituanie,
PPE/DC) et Doc. 13958, «Combattre le terrorisme international tout en protégeant
les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe» (rapporteur: M. Tiny
Kox, Pays-Bas, GUE).. Il convient de souligner que la plupart des attentats terroristes d’Europe sont réalisés par des descendants de migrants de la deuxième ou de la troisième génération, nés et élevés en Europe et ayant acquis pleinement la nationalité de leur pays d’accueil. Un nombre préoccupant de personnes d’origine immigrée se rendent en Syrie en provenance de plusieurs pays européens.
38. Les inquiétudes en matière de sécurité ont également pris de l’ampleur après les agressions de femmes par des hommes de type «nord-africain» ou «arabe» à Cologne, à Hambourg et dans d’autres villes européennes, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2016. La simultanéité de ces agressions en foule dans plusieurs villes, leur ampleur, la lenteur de la réaction des autorités et les retards enregistrés dans la diffusion de l’information sont fort préoccupants 
			(12) 
			Voir Doc. 13961, «Attaques récentes contre des femmes dans des villes
européennes: nécessité d'une réponse globale» (rapporteur: M. Jonas
Gunnarsson, Suède, SOC)..
39. Des comportements sociaux et religieux contestables sont largement répandus parmi certains migrants, y compris ceux qui sont installés depuis longtemps en Europe. Dans certains domaines, les normes sociales et culturelles prédominantes sont fondamentalement incompatibles avec la perception qu’ont les communautés hôtes du fonctionnement de la société. Cette situation est illustrée par les communautés fermées de «vieux migrants», y compris des deuxième et troisième générations, leur manque d’insertion dans la société d’accueil, les «zones de non droit» et les lois qui y sont imposées, les modes de vie culturels différents, le rigorisme religieux et, parfois, un manque d’empressement à adopter et respecter les valeurs démocratiques des sociétés d’accueil européennes.
40. Certaines de ces questions, dont la polygamie, les mariages forcés, les mariages avec des mineurs, les mutilations ou les crimes d’honneur, sont tout simplement contraires à notre droit. Plus dangereux encore, certaines valeurs démocratiques sont ouvertement contestées ou passées sous silence et s’accompagnent d’une augmentation de l’extrémisme religieux et du terrorisme 
			(13) 
			Voir note 10..
41. La plupart des pays européens ont sans doute constaté une recrudescence des attitudes anti-migrants. L’expérience de l’échec de l’intégration de bon nombre d’anciens migrants est à prendre en considération dans la formulation des futures politiques migratoires. Ce fait ne peut être ignoré lors des tentatives d’identification des solutions et remèdes à la crise actuelle des migrations et des réfugiés.

4. Moyens éventuels d’améliorer la situation

42. Il convient de reconnaître que l’on assiste à une faillite collective de l’Europe en matière de gestion de la crise actuelle des migrations et des réfugiés. Les politiques migratoires devraient être revues en profondeur sur la base de l’expérience passée pour ce qui est de l’échec de l’intégration des migrants et de la prise en considération des menaces pesant sur l’intégrité des sociétés européennes.
43. Les contrôles aux frontières européennes devraient être effectifs pour assurer des systèmes de protection plus appropriés en Europe. Il faut réintroduire des contrôles de sécurité systématiques aux frontières extérieures parallèlement à une base de données et à la création d’un nouveau corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes jouissant de davantage de pouvoirs que l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (Frontex), dont la mission s’est manifestement soldée par un échec, ainsi que la Commission européenne l’a proposé dans son train de propositions destinées à assurer la sécurité des frontières extérieures de l’Europe qui ont été avalisées par le Parlement européen au mois de juin dernier. C’est là une mesure indispensable pour mieux gérer la crise de migrations et des réfugiés.
44. Le nouveau corps dispose d’une unité de réaction rapide de 1 500 gardes-frontières, qui seront nommés par les Etats membres. Il est chargé de suivre et de superviser les flux migratoires vers l’Union européenne et au sein de celle-ci et de réaliser une analyse des risques et des évaluations obligatoires de vulnérabilité pour recenser et corriger les points faibles. Le Corps des gardes-frontières pourra demander aux Etats membres de prendre des mesures pour remédier à la situation dans un certain délai lorsque de tels points faibles sont constatés. Il aura aussi le droit d’intervenir en déployant une unité de réaction rapide pour veiller à ce que des mesures soit prises sur le terrain même si un Etat membre ne peut pas ou ne veut pas faire le nécessaire.
45. Les contrôles seront considérablement améliorés par le recours aux nouvelles technologies, y compris la vérification des composants biométriques des passeports de ressortissants de l’Union européenne en cas de doute sur l’authenticité du passeport ou sur l’identité de son détenteur.
46. Le corps de gardes-frontières jouera aussi un rôle de premier plan pour le renvoi des demandeurs d’asile ou des migrants irréguliers dans leur pays d’origine. Un bureau pour les opérations de retour sera créé au sein du corps pour permettre le déploiement d’équipes européennes d’intervention pour les opérations de retour, composées de convoyeurs, de contrôleurs et de spécialistes des retours, qui coopèreront pour assurer le retour effectif des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Un document de voyage standard européen assurera une large acceptation des rapatriés dans leur pays. Ces mesures assureront des mécanismes efficaces de retour immédiat de ceux qui ne réunissent pas les conditions de la protection internationale. Toutefois, le coût de l’expulsion devrait aussi faire l’objet d’une responsabilité partagée.
47. Il est trop tôt pour évaluer l’efficacité de ces mesures étant donné que le règlement vient d’entrer en vigueur au mois d’octobre dernier; la mise en œuvre reste une question essentielle pour leur succès.
48. Je crois aussi que l’Union européenne devrait étudier la possibilité de collaborer plus étroitement y compris par l’échange d’informations et la collecte de données avec les autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Un partage d’expérience et des formations pourraient aussi être envisagés.
49. La gestion effective des frontières extérieures de l’Union européenne est fondamentale pour le bon fonctionnement de la libre circulation au sein de l’Espace économique européen. C’est là une question d’une extrême urgence.
50. En outre, il faudrait renforcer le cadre juridique et politique dans l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe afin de rendre plus efficace la procédure de détermination du statut. Il faudrait entamer un dialogue sur l’interprétation des dispositions juridiques de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, y compris les conditions de reconnaissance du statut. Il est aussi capital de définir ce que sont des pays tiers sûrs.
51. En mai 2015, l’Union européenne a mis en place un mécanisme qualifié de hotspots (centres de crise) afin de contribuer au traitement des demandes d’asile et au retour des migrants irréguliers. Dans le cadre de ce dispositif, des équipes ont été déployées en Italie et en Grèce, comprenant des experts d’Europol, du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) et de Frontex, envoyées sur le terrain pour enregistrer, prendre les empreintes digitales et interroger les migrants afin de vérifier le bien-fondé de l’ensemble des demandes d’asile. Malheureusement, jusqu’ici le nombre d’experts déployés est resté insuffisant et le traitement des demandes a souffert de retards importants.
52. Cependant, les centres de crise d’Italie et de Grèce ne peuvent être considérés comme des solutions en elles-mêmes à la crise massive des migrations. Ils peuvent au mieux permettre de gérer une situation qui a échappé à tout contrôle. Ils ne remédient pas aux morts tragiques qui se produisent lors de la traversée de la Méditerranée. Les responsables européens devraient envisager sérieusement de créer des centres de crise hors d’Europe afin de repérer les personnes qui ont besoin d’une protection internationale avant qu’elles n’entreprennent des voyages en mer périlleux. J’espère que l’ensemble des responsables européens participeront à un dialogue sérieux sur cette question.
53. L’Assemblée a répété à maintes reprises qu’elle soutenait l’idée de repérer ceux qui ont besoin d’une protection internationale et d’organiser le traitement externe des demandes d’asile par des institutions spécialisées et des experts européens déployés dans des centres de crise situés hors d’Europe pour autant que les droits fondamentaux des réfugiés et des migrants soient garantis 
			(14) 
				Voir les Résolutions 2088 (2016) et 2000 (2014) de l’Assemblée..
54. Pour éviter que les personnes déplacées ayant besoin d’une protection internationale aient recours à des réseaux criminels de passeurs et de trafiquants et risquent leur vie en faisant des voyages périlleux vers les points de départ, puis traversent la Méditerranée, des programmes de réinstallation devraient être réalisés dans les pays où les centres de crise seraient ouverts. Ils assureraient une filière légale et sûre pour entrer dans l’Union européenne à ceux qui ont droit à une protection internationale conformément aux orientations du cadre européen de réinstallation adopté par le Conseil européen en juillet 2015 et fonctionnant dans le prolongement de l’accord UE-Turquie 
			(15) 
				Dans
la déclaration de l’Union européenne du 18 mars 2016, il a été convenu
que pour tout ressortissant syrien renvoyé des îles grecques, un
autre serait réinstallé directement de Turquie dans l’Union européenne.
Au 5 décembre 2016, un total de 2 761 personnes avaient bénéficié
de ce dispositif et migré de Turquie dans l’Union européenne..
55. Malheureusement, rien n’a été fait depuis dans cette direction. L’idée mérite certainement qu’on s’y arrête et j’espère que l’Assemblée contribuera à lancer le débat sur le sujet. A cette fin, il est essentiel d’entamer un dialogue digne de ce nom avec les pays africains de transit afin de gérer conjointement les flux de migration.
56. Il faudrait aussi encourager les initiatives destinées à soutenir le renforcement des capacités institutionnelles et normatives des pays tiers. L’EASO devrait collaborer avec les pays tiers pour renforcer les capacités d’asile et d’accueil et les programmes de protection régionale. L’Union européenne finance également le nouveau Fonds de l’asile et des migrations (2014-2020) pour développer les capacités de réinstallation et d’admission humanitaire.
57. Il faudrait poursuivre la coopération entre l’Europe et les pays de transit non seulement pour leur offrir une aide financière, mais aussi pour réaliser des projets économiques contribuant au développement durable.
58. Il est capital de s’attaquer à long terme aux causes premières de la crise en Méditerranée afin de mettre fin à la crise actuelle. Le règlement des hostilités en Syrie, en Libye, en Irak et en Afghanistan est une condition sine qua non pour mettre fin à l’exode humain provenant de ces pays ou transitant par ceux-ci.
59. Dans le même temps, un certain nombre de mesures visant à améliorer les garanties de sécurité et à empêcher la radicalisation ont été adoptées. L’Assemblée a déjà pris position à cet égard. Je renvoie à la Résolution 2113 (2016) «Après les attaques de Bruxelles, un besoin urgent de répondre aux défaillances de sécurité et de renforcer la coopération contre le terrorisme» et à la Résolution 2090 (2016) «Combattre le terrorisme international tout en protégeant les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe».
60. La Banque de développement du Conseil de l’Europe, qui a notamment pour mission d’assurer le financement et l’évaluation technique des projets sociaux, notamment pour faire face aux situations d’urgence, devrait aider davantage les pays européens à relever les défis liés à l’accueil d’un grand nombre de réfugiés. L’une des lignes sectorielles de son plan d’action est l’intégration des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants.
61. Le facteur le plus important reste la volonté politique de mener une action coordonnée comprenant l’élaboration d’une approche cohérente fondée sur une vision à long terme et sur la mise en œuvre de politiques migratoires réformées. J’espère véritablement que le présent rapport et le débat contribueront à alimenter la discussion et l’action nécessaires dans ce domaine.