1. Introduction
1. J’assure le suivi de la situation
au Bélarus depuis maintenant deux ans et demi. J’avais déjà été
le rapporteur de l’Assemblée parlementaire de 2007 à 2009, mes travaux
ayant donné lieu à l’adoption de la
Résolution 1671 (2009) et
de la
Recommandation 1874 (2009) sur la situation au Bélarus.
2. Par la suite, notre Assemblée a fait le point de la grave
dégradation de la situation des droits de l’homme et des libertés
civiles et politiques intervenue après l’élection présidentielle
de 2010, dans la
Résolution
1857 (2012) et
la Recommandation
1992 (2012) sur la situation au Bélarus, avec M. Andres Herkel (Estonie,
PPE/DC) comme rapporteur, qui n’a malheureusement reçu aucune invitation
à se rendre au Bélarus durant son mandat de 2011 à 2014.
3. J’ai été nommé rapporteur pour la deuxième fois le 10 avril
2014, et j’ai préparé, en avril 2015, une note d’information dressant
un état des lieux des relations entre notre Assemblée et le Bélarus
depuis 2010 et des signes récents d’ouverture, tout en soulignant
les principales préoccupations en matière de droits de l’homme et
en examinant les relations avec la communauté internationale, en
particulier le Conseil de l’Europe.
4. Depuis ma nomination, j’ai eu l’occasion de me rendre à plusieurs
reprises dans le pays, sur invitation de l’Assemblée nationale de
la République de Bélarus les 25 et 26 février 2015, ainsi que pour
participer à plusieurs conférences, séminaires et tables rondes
sur des thèmes spécifiques, en conjonction notamment avec l’élection
présidentielle de 2015 et les élections législatives de 2016, ou
encore avec la question de la peine de mort. Ces événements m’ont
permis d’entretenir des contacts étroits tant avec les autorités
que les représentants de la société civile et les défenseurs des
droits de l’homme qui ont systématiquement été associés à nos discussions.
5. Dans l’ensemble de mes échanges, j’ai toujours réaffirmé la
position de principe de l’Assemblée sur l’instauration d’un moratoire
sur les exécutions en vue d’une abolition de la peine de mort. Parallèlement,
j’ai également souligné qu’il est grand temps que le Bélarus et
notre Assemblée commencent à regarder dans la même direction, instaurent
une relation de confiance réciproque et entament une collaboration
honnête, transparente et régulière.
6. Par ailleurs, la commission des questions politiques et de
la démocratie a organisé des auditions régulières aussi bien à Strasbourg
qu’à Paris, avec la participation d’élus de l’Assemblée nationale
du Bélarus, de défenseurs des droits de l’homme et de chefs de file
de l’opposition. Le dernier échange de vues a eu lieu le 24 janvier
2017. Pour la première fois en douze ans, un élu de l’opposition,
Mme Hanna Kanopatskaya, du Parti civil
uni, y a participé, ainsi que M. Andrei Naumovich, président de
la Commission permanente des droits de l’homme, des relations nationales
et des médias, et M. Valiantsin Stefanovic, représentant du Centre
des droits de l’homme Viasna.
7. Les 23 et 24 mars 2017, je me suis rendu une dernière fois
à Minsk, où j’ai rencontré des représentants du gouvernement, notamment
le Président, le ministre des Affaires étrangères et les Présidents
des deux Chambres ainsi que des représentants de la société civile,
y compris des militants de l’opposition, des journalistes et des
organisations non gouvernementales (ONG).
8. La visite s’est déroulée alors qu’avaient lieu d’importants
mouvements de protestation populaire contre la «loi sur les parasites
sociaux», qui prévoit d’imposer une taxe aux chômeurs, mouvements
qui ont abouti à une grande manifestation lors de la commémoration
annuelle de la «Journée de la liberté», le 25 mars 2017, au lendemain
de mon départ. Selon les informations relayées par les médias, depuis
début mars plus d’une centaine de journalistes ont fait l’objet
de pressions de plus en plus fortes, de placements en détention,
de violences et d’inculpations administratives, et des centaines
de personnes, parmi lesquelles des chefs de file de l’opposition,
ont été arrêtées puis nombre d’entre elles inculpées de hooliganisme
et de participation à des mouvements de protestation non autorisés
(voir ci-après les sections 2 et 3)
.
9. Mon rapport tient inévitablement compte de ces récents revers
mais il fait également le point sur les trois dernières années et
met en lumière la voie vers le dialogue et la confiance que je me
suis efforcé de tracer, en tant que rapporteur, aux côtés d’autres
pays et institutions du monde entier, dont le Conseil de l’Europe, l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Union européenne
et les Nations Unies, dans le cadre d’une approche dite «d’engagement
critique» avec un régime en place depuis 23 ans.
2. Développements politiques récents
10. Les entretiens que j’ai pu
avoir ces dernières années avec les autorités du Bélarus ont été
constructifs et ouverts. Comme je le soulignais dans le passé, la
plupart de mes interlocuteurs ont reconnu qu’il convenait d’examiner
ouvertement, avec l’ensemble des partenaires internationaux, les
problèmes et lacunes constatés.
11. Les sujets de préoccupation de l’Assemblée sont bien connus
des autorités du Bélarus. Ces dernières font en revanche montre
d’une détermination politique moins évidente à défendre les valeurs
du Conseil de l’Europe et à engager un processus global de réforme,
à commencer par l’établissement d’un moratoire sur l’exécution de
la peine de mort.
12. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 a incité les
dirigeants du Bélarus à chercher à se rapprocher davantage des institutions
et gouvernements européens. Le pays s’est opposé à la demande qu’aurait
formulée la Russie d’établir une base aérienne russe près de Babrouïsk,
au sud-est de Minsk. En outre, la Russie a introduit un contrôle
des passeports à la frontière russo-bélarussienne début février 2017.
13. Dans le même temps, la préférence du Bélarus pour des relations
privilégiées avec la Russie s’est manifestement renforcée au fil
des ans. En outre, le pays est un membre actif de l’Union économique eurasienne
et il partage des frontières ouvertes et des engagements mutuels
en matière de défense avec la Russie. L’économie bélarussienne est
entrée en récession en 2015, ce qui n’était plus arrivé depuis 1995. L’activité
économique continue de stagner sous l’effet du repli économique
qu’enregistre la Russie, de la baisse des recettes des exportations
et de divers problèmes structurels internes
. La situation transparaît de plus en
plus clairement dans la société bélarussienne, notamment chez les
personnes âgées. Les manifestations de rues ont commencé à prendre
de l’ampleur en février et mars 2017.
14. Le 17 février 2017, des syndicats et des mouvements de protestation
indépendants sont descendus dans la rue afin de faire pression sur
les autorités pour qu’elles abolissent le décret no 3
«sur la prévention de la dépendance sociale» (connu sous l’intitulé
de «taxe sur les parasites sociaux»), signé par le Président en avril 2015
et imposant une taxe (équivalant à plus de € 200 en compensation
des recettes fiscales perdues) à ceux qui «n’ont pas contribué au
financement des dépenses publiques ou qui l’ont fait moins de 183
jours par an».
15. Les manifestations dans la région se sont poursuivies malgré
la décision du Président de suspendre l’entrée en vigueur du décret,
le 9 mars. D’après les médias et les rapports des défenseurs des
droits de l’homme, plus de 700 personnes ont été interpellées depuis
le 3 mars, notamment des chefs de file et des militants de l’opposition,
des journalistes et des manifestants ordinaires. L’Association bélarussienne
des journalistes a déclaré que, en mars 2017, au moins 107 journalistes
avaient fait l’objet de répression et de harcèlement en raison de
leur activité professionnelle.
16. Le 21 mars 2017, le Président Loukachenko a accusé des organisations
«occidentales» de financer les manifestations afin de provoquer
«des échauffourées et une effusion de sang» dans le pays. Il a également déclaré
que quelque 20 «combattants» avaient été interpellés pour avoir
«prévu de se livrer à des provocations armées» le 25 mars, lors
de la «Journée de la liberté». Le 25 mars 2017, suite à une descente
de police dans les bureaux du groupe de défense des droits de l’homme
Viasna, une soixantaine de personnes ont été brièvement placées
en détention. Des observateurs d’Amnesty International ont assisté
à l’interpellation de nombreux individus, dont des personnes âgées.
2.1. Élections
présidentielle et législatives
17. Le Bélarus a tenu des élections
présidentielle et législatives respectivement en 2015 et 2016. Quatorze ans
après y avoir été conviée pour la première fois, en 2001, notre
Assemblée a été invitée à participer à la mission d’observation
électorale du scrutin présidentiel du 11 octobre 2015, puis du scrutin
législatif du 11 septembre 2016.
18. Le rapport de 2015 du Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l’homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH) a souligné que le
Bélarus avait encore d’importants progrès à accomplir pour honorer
les engagements de tenir des élections démocratiques qu’il a contractés
envers l’OSCE, notant toutefois certaines améliorations spécifiques
et une attitude d’ouverture. La campagne et l’élection elle-même
se sont déroulées sans heurts et malgré un environnement médiatique
restrictif, les candidats ont bénéficié d’une tribune pour exprimer
leurs idées. Cependant, certains problèmes importants ont compromis
l’intégrité du scrutin, en particulier l’inscription des électeurs,
le décompte des voix et la compilation des résultats, l’accès et
la transparence, les procédures de vote anticipées et le manque
de confiance général dans l’indépendance et l’impartialité de l’administration
électorale.
19. Dans la perspective des élections législatives de 2016, l’Assemblée
avait, sur ma proposition, organisé le 18 mai 2016 une table ronde
à Minsk sur les normes électorales et l’amélioration du processus
électoral au Bélarus, dans le contexte des activités menées par
l’Assemblée au titre du Cadre de coopération programmatique du Partenariat
oriental, financé par la Commission européenne. L’objectif de cette
table ronde était d’associer l’Assemblée nationale du Bélarus aux
discussions sur la mise en œuvre des recommandations de l’OSCE et
d’améliorer le climat politique à l’approche du scrutin législatif
de septembre 2016.
20. Pour la première fois, l’Assemblée nationale accueillait un
événement d’envergure internationale auquel ont participé des représentants
de l’OSCE/BIDDH, de la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise), du Parlement européen, du Comité
exécutif de la Communauté des États indépendants, du Centre pour
la perspective européenne (Slovénie), et, pour le Bélarus, des membres
du parlement, de la Commission électorale centrale, du ministère
des Affaires étrangères, ainsi que des représentants de l’ONG «Tell
the truth» et du Comité Helsinki du Bélarus.
21. Selon la Mission d’observation électorale de 2016, qui comprenait
une délégation de l’Assemblée parlementaire, les élections législatives
du 11 septembre 2016 ont été organisées de manière efficace mais ont
continué d’être entachées de défauts systémiques déjà anciens, notamment
un cadre juridique restreignant certains droits politiques, une
couverture médiatique limitée et une absence de visibilité de nombreux
candidats, un manque de pluralisme au sein des commissions électorales
ainsi que certaines irrégularités dans les procédures de vote anticipé,
de décompte des voix et de compilation des résultats. Les ONG ont
par ailleurs estimé que les modifications apportées à la législation
étaient insuffisantes pour changer la nature de la campagne sur
le plan qualitatif et favoriser des élections plus démocratiques
et transparentes.
22. Ni les amendements du Code électoral adoptés en 2013 et 2015,
ni la loi sur les partis politiques, ni la loi sur les médias, ni
les décisions et instructions de la Commission électorale centrale
n’ont répondu à certaines des recommandations essentielles des organisations
internationales, y compris celles qui figuraient dans l’Avis conjoint
Commission de Venise/OSCE/BIDDH diffusé en 2010, et aucun de ces
textes n’a été adopté après consultation publique des acteurs concernés.
23. Dans son dernier rapport, le rapporteur spécial des Nations
Unies sur le Bélarus, M. Miklós Haraszti, a souligné que «les élections
au Bélarus demeurent totalement téléguidées et sont transformées
en cérémonies visant à perpétuer le pouvoir en place»
. Le chef de la
mission d’observation de l’OSCE, M. Kent Harstedt, a quant à lui
exprimé l’espoir que «le gouvernement bélarusse, accompagné du parlement
nouvellement élu, poursuivra le processus démocratique et entreprendra
une action globale afin de répondre à nos recommandations de longue
date»
. Mme Gisela
Wurm (Autriche, SOC), Présidente de la délégation autrichienne auprès
de l’Assemblée parlementaire, a indiqué «qu’il est essentiel d’engager
sur le champ la réforme indispensable du cadre juridique», ajoutant
que «l’APCE et la Commission de Venise sont disposées à coopérer
avec le Bélarus à cet égard»
.
24. Le 24 mars 2017, Mme Lidia Yermoshina,
présidente de la Commission électorale centrale, m’a informé des
récentes propositions du groupe d’experts interinstitutionnel chargé
d’étudier les recommandations de l’OSCE/BIDDH sur l’amélioration
du processus électoral au Bélarus, qui venaient juste d’être soumises
à l’examen du chef de l’État. Les changements proposés portent notamment
sur le renforcement de l’indépendance des commissions électorales,
sur la transparence des procédures de vote et le dépouillement du
scrutin en présence d’observateurs, sur les inquiétudes relatives
au vote anticipé, sur une meilleure utilisation des crédits électoraux
pour les candidats nommés mais non encore inscrits, sur l’amélioration
de la campagne électorale et sur l’organisation de rassemblements.
En avril 2017, les analystes de la campagne «Human Rights Defenders
for Free Elections» de la société civile ont présenté aux 110 députés
de la Chambre basse les résultats de leur mission d’observation
des élections législatives de 2016 et fait savoir qu’ils déploraient
que le public n’ait été nullement informé des mesures précédemment
annoncées visant à améliorer la législation sur les élections
.
25. S’exprimant devant la commission des questions politiques
et de la démocratie, en janvier 2017 à Strasbourg, et lors d’un
entretien privé que nous avons eu le 24 mars 2017 à Minsk, Mme Anna Kanopatskaya, membre
de l’opposition (Parti civil uni), a appelé notre Assemblée à soutenir
le droit du peuple bélarussien à choisir ses dirigeants, dans le
cadre notamment des prochaines élections municipales, prévues pour février 2018.
2.2. Signes
de progrès
26. Lors de nos nombreux entretiens,
notamment le dernier, à Minsk, le 24 mars 2017, le ministre des Affaires
étrangères, M. Vladimir Makei, a systématiquement souligné que le
Bélarus, qui fut l’un des membres fondateurs des Nations Unies,
est partie à la plupart des instruments internationaux en matière
de droits de l’homme, notamment les six traités majeurs relatifs
aux droits de l’homme
et aspire à respecter
pleinement ses obligations internationales en la matière
.
27. À ce propos, je ferai référence à un certain nombre de rapports
publiés récemment par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne
et d’autres organisations internationales, notamment les Nations
Unies, l’OSCE ainsi que des organisations de défense des droits
de l’homme, dont j’ai rencontré les représentants à plusieurs reprises
à Strasbourg et à Minsk.
28. Bien que la situation des droits de l’homme – sur laquelle
je reviendrai plus précisément dans le chapitre suivant – se soit
de toute évidence détériorée ces dernières semaines, jusqu’en mars 2017
un certain nombre de signes témoignaient de la volonté du Bélarus
d’aller de l’avant et de s’ouvrir, en l’occurrence:
i. les relations du Bélarus avec la
communauté diplomatique à Minsk se sont améliorées de façon constante
ces dernières années. À titre d’exemple, le jour où je me trouvais
à Minsk, avant la manifestation du 25 mars, le ministre des Affaires
étrangères a réuni tous les ambassadeurs de l’Union européenne pour
évoquer la situation;
ii. indépendamment de l’intérêt personnel des dirigeants bélarussiens
et de la nécessité de redorer l’image du pays sur la scène internationale,
il est indéniable que le Bélarus joue un rôle important dans le contexte
régional, de par sa position autonome vis-à-vis de la Russie s’agissant
du conflit en Ukraine et également dans ses relations avec la République
de Moldova et la Géorgie, ce qui a aussi contribué à l’instauration
d’un climat positif entre l’Union européenne et le Bélarus ces trois
dernières années;
iii. le Bélarus n’est engagé dans aucun conflit ni litige d’ordre
territorial avec ses voisins et s’est ouvertement prononcé en faveur
de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et a facilité la désescalade
de la crise;
iv. en août 2015, le gouvernement a libéré six personnes condamnées
ces dernières années sur la base d’accusations à motivation politique
(mais n’a pas encore rétabli leurs droits civils et politiques);
v. lors des dernières élections, les candidats de l’opposition
ont été autorisés à s’inscrire plus facilement et les observateurs
ont bénéficié d’un meilleur accès au décompte des voix, selon le
rapport de l’OSCE/BIDDH;
vi. la candidate indépendante Mme Anna
Kanopatskaya, du Parti civil uni, et Mme Yelena
Anisim, de la Société pour la langue bélarussienne, ont remporté
un siège au parlement, et j’ai pu m’entretenir avec elles lors de
ma dernière visite à Minsk;
vii. jusqu’en février 2017, les ONG et les défenseurs des droits
de l’homme que j’ai rencontrés avaient tous relevé une amélioration
du climat politique, malgré des préoccupations persistantes en matière
de droits de l’homme, et ils étaient dans l’ensemble ouverts à un
dialogue avec les autorités; il est clair que les derniers événements
ont radicalement modifié leur façon de voir les choses;
viii. l’Assemblée a été conviée à observer les dernières élections
et j’ai moi-même été invité à deux reprises, en qualité de rapporteur
de l’Assemblée, à me rendre dans le pays et à prendre part à plusieurs conférences
internationales, organisées à Minsk par le Conseil de l’Europe,
l’Union européenne et les Nations Unies, ce qui témoigne de la volonté
des autorités d’amorcer le dialogue avec la communauté internationale
sur des questions liées aux droits de l’homme et à l’État de droit;
ix. en 2017, le Bélarus, qui a pris la présidence de l’Initiative
centre-européenne ,
a choisi «Promouvoir la connectivité dans une Europe élargie» comme
principal thème de son mandat.
3. Principales
préoccupations en matière de droits de l’homme et nouvelle vague
de répression en mars 2017
3.1. Droits
de l’homme et libertés fondamentales
29. Malgré un meilleur climat politique
jusqu’en mars 2017, la situation des droits de l’homme au Bélarus
n’a pas connu d’amélioration systématique et les restrictions posées
par les autorités aux libertés politiques, en particulier aux libertés
d’expression, d’association, de réunion pacifique et de religion,
ont été maintenues.
30. Jusqu’en mars 2017, selon le Centre des droits de l’homme
Viasna, les autorités du Bélarus appliquaient une politique de «pratiques
douces», mise en œuvre en août 2015, et s’abstenaient de recourir
à la violence pour disperser des manifestations non autorisées,
d’interpeller des manifestants et de les condamner à de courtes
peines d’emprisonnement. Parallèlement, les sanctions administratives
imposées à l’exercice des libertés de réunion pacifique et d’expression
ont été multipliées par sept en 2016 par rapport à 2015.
31. En 2016, les défenseurs des droits de l’homme ont signalé
l’engagement de poursuites pour des raisons politiques à l’encontre
de sept personnes: Vadzim Zharomski, Maksim Piakarski, Viachaslau
Kasinerau, Dzmitry Paliyenka, Eduard Palchys, Aliaksandr Lapitski
et Uladzimir Kondrus. Selon eux, de nouvelles peines de prison motivées
par des considérations politiques ont été prononcées en 2016 contre
Aliaksandr Lapitski et le militant Mikhail Zhamchuzhny
.
32. L’article 193.1 du Code pénal continue d’incriminer l’organisation
d’activités par des associations non enregistrées au Bélarus, poussant
ainsi plus de 150 ONG bélarussiennes à s’enregistrer en Lituanie,
en Pologne, en République tchèque ou ailleurs. Les restrictions
s’appliquent également aux partis politiques ainsi qu’à certains
groupes religieux qui rencontrent encore des difficultés à se faire
enregistrer, à tenir des réunions religieuses et à trouver des lieux
adaptés à la célébration de services religieux. Le ministre de la
Justice m’a informé des propositions actuelles visant à simplifier
le processus d’enregistrement, à réduire le nombre de signatures
requises et à mettre en œuvre d’autres recommandations de l’OSCE.
Rien n’a toutefois réellement changé dans l’intervalle.
33. Pour ce qui est de la liberté d’expression et de réunion,
le recours aux détentions administratives et à la violence pour
intimider l’opposition, notamment lors des dernières manifestations,
est alarmant et particulièrement inquiétant alors même que s’opère
un rapprochement entre le Bélarus et notre Assemblée. Tout devrait
être fait pour éviter que les gens qui ont été placés en détention
avant et pendant les manifestations ne deviennent des prisonniers
politiques. Comme je l’ai souligné dans une déclaration juste après
ma visite, remplir les prisons n’est pas la solution face aux critiques
et aux divergences d’opinions, et ça ne fait qu’éloigner le pays
des normes européennes en matière de respect des libertés d’expression
et de réunion et en matière de droits de l’homme
.
34. Déjà, dans sa
Résolution
2141 (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté
des médias en Europe, adoptée le 24 janvier 2017, l’Assemblée a
déploré que le pluralisme et la diversité des médias fassent toujours
défaut au Bélarus. Cette situation restreint, pour la population,
la possibilité d’exercer un contrôle public sur la conduite du gouvernement
et fait obstacle au respect des normes démocratiques durant les élections,
notamment.
35. Selon Reporters sans frontières, les journalistes indépendants
ne parviennent pas à obtenir une accréditation et sont harcelés
par les autorités judiciaires. Le ministère de l’Information a renforcé
le contrôle exercé sur les réseaux de distribution de la presse
et internet, restreint encore davantage la liberté d’expression
en étendant la définition de l’«extrémisme» et interdit l’usage
des outils de contournement de la censure en ligne. Le Bélarus occupait
la 157e place sur 180 au Classement mondial
de la liberté de la presse 2016
.
3.2. Peine
de mort
36. En violation des obligations
qui lui incombent au titre du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
le Bélarus a continué de procéder à des exécutions capitales, la
toute dernière ayant eu lieu le 17 mars 2017, malgré la demande
de mesures provisoires de protection formulée par le Comité des
droits de l’homme des Nations Unies et les appels répétés du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, du Comité des Ministres, de notre
Assemblée et des dirigeants de l’Union européenne.
37. Deux condamnés à mort, Kiryl Kazachok et Siarhei Vostrykau,
sont actuellement dans le couloir de la mort et leur peine peut
être exécutée à tout moment. J’ai vivement réagi à chaque nouvelle
exécution et peine de mort
prononcée
et souligné que chaque nouvelle condamnation envoie de nouveau un
signal négatif au Conseil de l’Europe et à l’Assemblée parlementaire,
dont la ferme opposition à la peine de mort est un principe
. La Constitution et la législation du Bélarus
n’empêchent en rien le Président, M. Loukachenko, ou le parlement
d’instaurer un moratoire. Il s’agit d’une simple question de volonté
politique.
38. Le Conseil de l’Europe déploie beaucoup d’efforts dans ce
domaine et a organisé deux événements de grande envergure à Minsk
en coopération avec le ministère des Affaires étrangères. Le premier,
tenu en 2013, portait sur le thème «Religion et peine de mort» tandis
que le deuxième, organisé le 13 décembre 2016 et auquel j’ai participé,
avait pour sujet l’abolition de la peine de mort et l’opinion publique.
J’ai par ailleurs souvent souligné que les autorités du Bélarus
devaient prendre au sérieux ce dialogue et mettre immédiatement
un terme aux exécutions.
39. En 2015, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec M. Petr Miklashevich,
président de la Cour constitutionnelle et d’examiner dans le détail
l’article 24 de la Constitution qui dispose que «jusqu’à son abolition,
la peine de mort peut être appliquée conformément au droit, à titre
de peine exceptionnelle pour des crimes particulièrement graves,
et exclusivement sur décision de justice». L’éventail des crimes
passibles de la peine de mort a été réduit au cours de ces dernières
années. La peine capitale peut aussi être commuée en emprisonnement
à vie, grâce au pardon du Président. M. Miklashevich a confirmé
que la peine de mort était une «mesure temporaire» et qu’un moratoire
pouvait être instauré à tout moment sur décision du Président et du
parlement. Deux ans plus tard, lors d’un second entretien à Minsk,
le 23 mars 2017, il a confirmé sa position, mais rien n’a changé
dans l’intervalle, ni dans la législation ni dans la pratique.
40. Lors de la dernière audition devant la commission à Strasbourg,
le 24 janvier 2017, M. Andrei Naumovich, président de la Commission
permanente des droits de l’homme, des relations nationales et des
médias et chef du groupe de travail sur la peine de mort, s’est
déclaré prêt à organiser des auditions parlementaires sur le thème
de la peine de mort fin 2017 ou début 2018, le groupe de travail
devant en définir cette année les modalités pratiques.
41. Je me suis réjoui d’assister à une réunion du groupe de travail
à l’Assemblée nationale le 23 mars 2017, et j’ai noté avec satisfaction
qu’un membre de la société civile, plus précisément du Comité Helsinki
du Bélarus, y participait également ainsi qu’un certain nombre de
représentants de la communauté internationale, notamment des ambassadeurs
et un représentant de l’Union européenne. Je ne peux qu’encourager l’Assemblée
nationale à inclure dans ce groupe un partisan de l’opposition parlementaire
et à associer à ses travaux de façon permanente des membres de la
société civile et des défenseurs des droits de l’homme ainsi qu’à
définir un calendrier précis des réunions et des résultats attendus.
42. La sensibilisation de l’opinion publique jouant également
un rôle déterminant, le parlement pourrait organiser des campagnes
publiques, des débats télévisés, des auditions parlementaires et
autres événements publics, également en coopération avec le Conseil
de l’Europe, afin de promouvoir un changement d’attitude dans la
société bélarussienne.
43. D’après un sondage d’opinion mené auprès du public en 2016
par l’Institut indépendant d’études sociales, économiques et politiques
(IISEPS), 37 % environ de la population est favorable à l’abolition
de la peine de mort, soit presque deux fois plus qu’il y a 20 ans.
Selon une enquête que la société de sondages publics Satio a réalisée
en 2014 pour le compte du Comité Helsinki du Bélarus et de Penal
Reform International, le nombre d’abolitionnistes est plus élevé
encore: il ressort d’un sondage général sur la peine de mort que
43,3 % des Bélarussiens sont favorables à une abolition immédiate
ou progressive de la peine de mort dans le pays
.
4. Relations
avec la communauté internationale
44. Le Bélarus souhaite contribuer
à installer un climat constructif avec les pays voisins et adapte
sa politique étrangère en conséquence pour renforcer la sécurité
dans la région, attirer des investissements étrangers, ouvrir de
nouveaux marchés, lever les sanctions et en éviter de nouvelles,
ou encore obtenir une aide économique.
4.1. Coopération
régionale
45. Dans le contexte de la crise
ukrainienne, le Bélarus a instauré ce que l’on appelle la «politique
étrangère multivectorielle», qui vise également à contrebalancer
la dépendance accrue vis-à-vis de la Russie.
46. Aux côtés de ses partenaires – la Russie, le Kazakhstan, l’Arménie
et le Kirghizistan – le Bélarus est Partie à l’Union économique
eurasienne (UEE), lancée le 1er janvier
2015. En parallèle, le dialogue s’est intensifié avec l’Union européenne,
la Chine, les États-Unis et l’Amérique latine. Les relations bilatérales
avec les pays européens se sont également constamment renforcées
en 2016
.
4.2. Nations
Unies
47. En septembre 2015, le Président
du Bélarus a participé à un sommet des Nations Unies organisé à
New York pour promouvoir au sein des Nations Unies les initiatives
individuelles de lutte contre la traite des êtres humains et le
trafic d’organes humains, un programme en faveur de l’énergie durable,
les jeunes et les valeurs familiales traditionnelles.
48. Comme je l’ai souligné lors de tous mes échanges, la promotion
des droits de l’homme dans les enceintes internationales, y compris
la coopération avec les mécanismes des Nations Unies, devrait rester
une priorité clé pour le Bélarus. Le premier plan d’action national
des droits de l’homme au Bélarus pour la période 2016-2020, adopté
par le gouvernement en décembre 2016, contient des mesures pour
la mise en œuvre des recommandations formulées dans le cadre de
l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des
Nations Unies. Il n’aborde toutefois pas d’importantes préoccupations
liées aux droits de l’homme et les changements proposés dans le
domaine des droits politiques et des libertés civiles sont loin
de répondre aux attentes. Néanmoins, il témoigne d’une meilleure
sensibilisation des autorités aux droits de l’homme, ce qu’il convient
de saluer.
49. À mon sens, il est particulièrement important de coopérer
avec le rapporteur spécial des Nations Unies sur le Bélarus, M. Miklós
Haraszti, et je l’ai à ce titre invité, au nom de notre commission,
à participer à l’une de nos réunions. Malheureusement, à ce jour,
M. Haraszti n’a pas été en mesure d’honorer cette invitation. Ses
recommandations nous éclairent toutefois sur les réformes qui sont
plus que nécessaires dans le pays et elles constituent également
une source d’inspiration pour notre Assemblée
.
4.3. Assemblée
parlementaire de l’OSCE
50. Avant ma visite, le 16 mars
2017, la Présidente de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, Mme Christine Muttonen,
s’est rendue à Minsk, où elle a elle aussi rencontré le Président
du Bélarus, le ministre des Affaires étrangères et le Président
de la Chambre des représentants de l’Assemblée nationale. Elle a
exprimé sa gratitude pour les efforts soutenus qui sont déployés
à Minsk en prévision de la 26e session
annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, qui doit s’y tenir
du 5 au 9 juillet 2017 et qui devrait réunir quelque 300 parlementaires
provenant d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. La session portera
sur le thème suivant: «Renforcer la confiance mutuelle et la coopération
pour la paix et la prospérité dans l’espace de l’OSCE»
51. Mme Muttonen a souligné que le
Bélarus était depuis longtemps «l’un des participants les plus actifs
au sein de l’OSCE et de notre Assemblée parlementaire» et, a-t-elle
ajouté, le fait que le pays «accueille cette année notre session
annuelle illustre la très grande détermination de Minsk à dialoguer;
et, dans le même ordre d’idée, M. Kent Harstedt, témoignant de toute
l’importance que nous attachons au Bélarus au sein de notre Assemblée,
s’est efforcé depuis avril 2016 de renforcer la coopération et de
promouvoir le développement de la démocratie dans le pays»
.
4.4. Union
européenne
52. Ces cinq dernières années,
sous l’effet des sanctions et d’un engagement limité de l’Union
européenne, le soutien à l’Union européenne parmi la population
bélarussienne a nettement reculé. Dans un sondage de 2015, plus
de 50 % des personnes interrogées étaient favorables à un nouveau
rapprochement avec la Russie contre seulement 30 % avec l’Union
européenne
. Parallèlement, la guerre en Ukraine
a érodé la crédibilité des protestations politiques populaires à
cause de la peur de voir celles-ci entraîner une intervention et engendrer
de l’instabilité
.
Cette tendance s’est apparemment inversée en mars 2017, où un mécontentement
grandissant a suscité des protestations de rue.
53. La levée des sanctions de l’Union européenne contre le Bélarus
en octobre 2015, faisant suite à la libération de prisonniers politiques
en août de la même année, a grandement facilité la normalisation
des relations et les contacts politiques à haut niveau se sont considérablement
intensifiés en 2015-2016
.
Tout en condamnant la réponse des autorités bélarussiennes aux manifestations
de mars, l’Union européenne a souligné que les mesures que prendra
le Bélarus afin de respecter les libertés fondamentales universelles, l’État
de droit et les droits de l’homme resteront décisives pour définir
la relation entre l’Union européenne et le pays.
54. Les négociations sur un accord de facilitation de la délivrance
des visas et de réadmission et un partenariat de mobilité, la reprise
du dialogue entre l’Union européenne et le Bélarus sur les droits
de l’homme, la signature d’un accord de coopération concernant un
mécanisme d’alerte rapide dans le secteur de l’énergie, et la participation
proactive du Bélarus au partenariat oriental sont autant de signes
d’un engagement critique et d’un programme plus constructif en faveur
du Bélarus. Cela pourrait changer dans les semaines à venir au vu
des récentes vagues de répression.
55. Pour la première fois depuis 2002, une délégation du Parlement
européen pour les relations avec le Bélarus s’est rendue dans le
pays, les 18 et 19 juin 2015. Cependant, le Parlement européen n’entretient aucune
relation officielle avec le Parlement bélarussien. Le 24 novembre 2016,
le Parlement européen a adopté une résolution sur la situation au
Bélarus dans laquelle il déclare avec fermeté que les progrès du Bélarus
en ce qui concerne les normes électorales et la situation des droits
de l’homme sont encore insuffisants
. Une deuxième visite officielle
à Minsk de la délégation du Parlement européen pour les relations avec
le Bélarus est prévue pour mai 2017.
56. Le 29 mars 2017, à Malte, l’Assemblée politique du groupe
PPE au Parlement européen a voté à l’unanimité en faveur de l’admission
en qualité d’observateur du parti démocrate-chrétien bélarussien
. Dans une résolution, adoptée le
6 avril 2017
, sur la situation au Bélarus, le
Parlement européen a condamné la répression des manifestants pacifiques
dans tout le pays. Ses membres ont prévenu le pays qu’en l’absence d’une
enquête approfondie et objective sur l’ensemble des allégations
concernant la répression des manifestations, l’Union européenne
pourrait imposer de nouvelles mesures restrictives.
57. Les principaux secteurs prioritaires de l’aide financière
de l’Union européenne en faveur du Bélarus pour la période 2014-2017
sont l’inclusion sociale (emploi, enseignement et formation professionnels,
soutien à l’Université européenne des sciences humaines), l’environnement
et le développement local et régional, avec un soutien additionnel
accordé à la société civile et la modernisation des institutions
publiques. En 2016, le Bélarus a aussi sollicité un financement
de la Banque européenne d’investissement et de la Banque européenne
pour la reconstruction et le développement.
58. J’ai constaté le vif intérêt manifesté à Minsk pour un renforcement
de la coopération, tant avec le Conseil de l’Europe qu’avec l’Union
européenne, sur des questions techniques telles que le commerce,
l’aide économique, la gestion des frontières, la lutte contre la
traite des êtres humains et la corruption, l’éducation et la culture,
les droits de l’enfant et le sport. En tant que membre actif de
la commission des questions politiques et de la démocratie, je ne
puis qu’encourager les autorités à mettre aussi davantage l’accent
sur les domaines de la politique et des droits de l’homme et je
me félicite de l’approbation par le Comité des Ministres, le 18 octobre
2016, du premier Plan d’action du Conseil de l’Europe pour le Bélarus.
5. Relations
avec le Conseil de l’Europe
59. Le Plan d’action du Conseil
de l’Europe pour le Bélarus pour la période 2016-2017 vise à aider
le pays dans des domaines où le Conseil peut apporter son expertise
et repose sur la coopération antérieure avec le Bélarus entre 2012
et 2015. Ce plan d’action, structuré autour de priorités définies
conjointement par l’Organisation et les autorités bélarussiennes,
couvre les domaines suivants
:
- protection et promotion des
droits de l’homme;
- abolition de la peine de mort;
- aide au choix du meilleur modèle d’institution nationale
des droits de l’homme;
- bioéthique;
- violence domestique; violence à l’égard des femmes et
des enfants; traite des êtres humains; égalité de genre;
- protection des données;
- langues régionales et minoritaires;
- médias, gouvernance d’internet;
- droits sociaux;
- garantir la justice;
- justice constitutionnelle;
- justice pénale et civile;
- combattre les menaces pesant sur l’État de droit;
- lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux;
- lutte contre le terrorisme;
- cybercriminalité;
- toxicomanie;
- lutte contre la contrefaçon des produits médicaux et les
infractions similaires;
- promotion de la gouvernance démocratique et de la participation;
- réformes de l’enseignement supérieur;
- culture, jeunesse et sports;
- questions électorales;
- société civile;
- démocratie locale;
- environnement.
60. La plupart des actions proposées ne sont pas des projets complets
mais consistent plutôt en une série d’activités visant à sensibiliser
aux normes du Conseil de l’Europe dans un secteur donné et à instaurer
la confiance entre les deux parties. Les défenseurs des droits de
l’homme et les représentants de la société civile ont exprimé leur
optimisme à la vue de ce document et espèrent être associés à l’évaluation
de sa mise en œuvre par le comité directeur.
61. Le Conseil de l’Europe envisage également d’ouvrir un bureau
à Minsk et il étudiera cette possibilité avec les autorités. Il
me semble que ce serait une bonne solution car le Point d’information
inauguré en 2009 est cantonné à l’Université d’État du Bélarus et
ne peut donc plus réaliser pleinement son potentiel.
62. Comme l’a souligné le Comité des Ministres dans sa réponse
à la
Recommandation 1992
(2012) de l’Assemblée, son objectif stratégique demeure l’intégration du Bélarus
au sein du Conseil de l’Europe sur la base des valeurs et des principes
de l’Organisation
.
63. Le Bélarus a adhéré à 11 conventions du Conseil de l’Europe,
principalement dans les domaines de la culture, de l’éducation,
du droit international, de la lutte contre la corruption, de la
lutte contre la traite des êtres humains, de la lutte antidopage
et du sport. Il a été invité à signer la Convention du Conseil de
l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions
similaires menaçant la santé publique (STCE no 211).
Le pays est membre de sept comités directeurs. Depuis 2010, le Bélarus
est autorisé à participer aux réunions de la Commission de Venise,
en tant que membre associé.
64. Le 1er septembre 2016, le Groupe
d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe a publié un
résumé du Rapport de conformité intérimaire sur le Bélarus, indiquant
que le pays n’avait mis en œuvre qu’une des 20 recommandations en
instance pour s’attaquer à la corruption. Il n’y a toujours pas
de stratégie et de plan d’action complets fondés sur des éléments
factuels, ni de mécanismes indépendants pour lutter contre la corruption;
aucune initiative n’a été prise pour renforcer l’indépendance du
Bureau du procureur général, ni celle de la justice. L’immunité
présidentielle n’a pas été limitée à la durée du mandat du Président et
le nombre d’agents publics qui bénéficient de procédures spéciales
restreignant l’étendue des investigations et poursuites dont ils
peuvent faire l’objet en cas d’infractions de corruption dépasse
encore ce qui est acceptable dans une société démocratique.
65. Le 3 juillet 2013, le Comité des Ministres a accepté la demande
du Bélarus d’obtenir le statut d’observateur auprès du Comité des
conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI),
«étant entendu que la question sera suivie à la lumière des développements
au Bélarus au regard des valeurs du Conseil de l’Europe»
. Le directeur du service général
des questions juridiques et des traités auprès du ministère des
Affaires étrangères du Bélarus a participé pour l’heure à toutes
les réunions du CAHDI.
66. En 2016, le Bélarus a une nouvelle fois demandé à être invité
par le Comité des Ministres à adhérer à la Convention du Conseil
de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201). Cependant,
au cours du processus consultatif avec les États membres du Conseil
de l’Europe, certaines objections ont été soulevées et il n’a pas
été possible de réunir la majorité requise pour inviter le pays à
adhérer à cet instrument.
67. Je suis convaincu qu’il convient de promouvoir l’adhésion
du Bélarus aux instruments fondamentaux du Conseil de l’Europe plutôt
qu’une politique du Conseil de l’Europe «à la carte», qui méconnaîtrait
l’essence même de l’Organisation. Il importe tout particulièrement,
par exemple, que le Bélarus marque son intérêt à adhérer à la Convention
européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (STE no 126),
ce qui n’est pour le moment pas le cas.
68. Le défi qui se pose au Conseil de l’Europe, ainsi qu’aux Nations
Unies et à l’Union européenne, est de promouvoir un programme universaliste
des droits de l’homme qui ne devrait pas être interprété en fonction d’intérêts
géopolitiques
.
6. Conclusions
69. Les autorités bélarussiennes
continuent d’envoyer des signes contradictoires au Conseil de l’Europe
et à ses partenaires occidentaux et orientaux.
70. Le pays est en proie à une grave récession économique, exacerbée
par la chute des prix du pétrole, la faiblesse de la monnaie, l’amoindrissement
des réserves de devises étrangères et l’absence de réformes économiques.
Depuis 2015, le Bélarus n’a de cesse de chercher à se rapprocher
des institutions et des gouvernements européens, mais il n’a pris
aucune mesure tangible pour donner suite aux recommandations restantes
et mettre la législation dans le domaine des droits de l’homme en
conformité avec les normes internationales, ni pour assurer la mise
en œuvre effective de ces recommandations.
71. Comme je l’ai souligné lors de mes entretiens avec les autorités,
le Bélarus est à la croisée des chemins dans ses relations avec
le Conseil de l’Europe et il est temps de regarder dans la même
direction.
72. Les sévères restrictions qui pèsent sur la liberté d’expression,
d’association et de réunion pacifique restent d’actualité et doivent
être réexaminées. En plus des restrictions juridiques, un grand
nombre de citoyens, militants et journalistes semblent avoir fait
les frais d’interpellations arbitraires et à l’aveuglette lors des
manifestations de mars 2017, dans tout le pays; ces personnes doivent
être immédiatement libérées. La façon dont les autorités répondent
à ces demandes déterminera inévitablement la ligne de conduite de
notre Assemblée et celle d’autres organisations internationales;
bon nombre des recommandations antérieures restent par ailleurs
aujourd’hui d’application.
73. Le Bélarus a fait exécuter environ 400 personnes depuis son
indépendance, en 1991, et de nouvelles condamnations à mort sont
régulièrement prononcées, la dernière en date le 17 mars 2017. Deux
personnes sont à l’heure actuelle dans le couloir de la mort.
74. Le gouvernement continue de refuser de coopérer avec le rapporteur
spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme
au Bélarus. Notre Assemblée devrait exhorter le gouvernement à ouvrir
le pays à tous les mécanismes et institutions de défense des droits
de l’homme, que ce soit au niveau du Conseil de l’Europe, de l’Union
européenne, de l’OSCE ou des Nations Unies.
75. Dans le même temps, il faut reconnaître que le Bélarus joue
un rôle important dans le contexte régional et que les autorités
ont fait preuve d’ouverture et de la volonté d’amorcer le dialogue
sur les questions des droits de l’homme avec le Conseil de l’Europe,
les Nations Unies, l’OSCE et l’Union européenne. Des résultats concrets
et tangibles doivent faire suite aux déclarations de principes et
à la diplomatie déclaratoire.
76. L’atteinte des objectifs que s’est fixés le gouvernement,
à savoir faire accepter le pays au plan international, maintenir
sa neutralité et redresser son économie, dépendra largement du degré
de libéralisation politique et de pluralisme que le système est
prêt à accepter, avec une opposition constructive qui soit partie prenante
de la gouvernance.
77. Mon action en qualité de rapporteur de l’Assemblée au cours
des deux dernières années et demie visait à trouver un terrain d’entente
pour instaurer un dialogue et je me suis évertué sans relâche à
rester raisonnable et objectif dans mes relations aussi bien avec
les autorités qu’avec les forces d’opposition dans le pays. Je considère
que notre rôle en tant qu’élus est non seulement de critiquer et
de condamner les violations des droits de l’homme dans un pays,
mais aussi de renforcer les convictions qui poussent sur la voie
de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit. Cela
n’est possible que si des efforts intensifs et soutenus sont déployés
pour maintenir le dialogue, avec une extrême prudence et en dépit
des obstacles.
78. Les événements du mois de mars constituent à l’évidence un
revers, mais ils ne doivent tout de même pas dissuader l’Assemblée
de rester attachée à un programme de réforme positif, fondé sur
des intérêts communs et sur les valeurs que défend le Conseil de
l’Europe.
79. Je le répéterai inlassablement: la première initiative, et
la plus urgente, du Bélarus afin de montrer sa sincère disposition
à entamer un dialogue constructif avec notre Assemblée devrait être
l’instauration d’un moratoire immédiat sur la peine de mort, en
vue de son abolition définitive.
80. Je suis convaincu que notre Assemblée ne peut rester sur la
touche et espérer qu’un changement finira par se produire. La démocratie
est un savoir-faire qui peut également s’exercer dans le cadre d’un
dialogue continu et d’un échange d’expériences et de bonnes pratiques.
Nous devons poursuivre le dialogue aussi bien avec les autorités
qu’avec la société civile pour accompagner et encourager le changement
et pour veiller à ce que les valeurs du Conseil de l’Europe s’enracinent
dans la société bélarussienne. Nous devons éliminer les obstacles
et établir des relations plus fortes, à la fois avec les autorités
et avec l’opposition.
81. Il est donc important de renforcer la dimension parlementaire
des relations entre le Bélarus et l’Assemblée parlementaire et de
poursuivre toutes les activités, notamment les contacts de haut
niveau, avec les autorités du pays. La commission des questions
politiques et de la démocratie pourrait en outre réfléchir à la
possibilité d’intensifier le dialogue avec le Parlement et la société
civile du Bélarus en conviant des représentants de la majorité et
de l’opposition ainsi qu’un représentant de la société civile aux
réunions qu’elle tiendra lors des parties de session de l’Assemblée
des deux années à venir.
82. Cela étant, en l’absence d’un moratoire sur la peine de mort
et de progrès substantiels, tangibles et vérifiables en termes de
respect des valeurs et des principes démocratiques défendus par
le Conseil de l’Europe, l’Assemblée n’est pas en mesure de demander
à son Bureau de rétablir le statut d’invité spécial du Parlement
du Bélarus.