1. Introduction
1. Les travaux réalisés pour le
présent rapport ont été lancés après la conférence du même titre
qui s’est tenue le 18 décembre 2015 à l’Assemblée nationale française,
en vue de déterminer de quelle façon les États membres et les pays
partenaires pouvaient gérer la crise des migrations et des réfugiés
qui perdure, en améliorant la coordination et le partage des responsabilités
. La proposition de résolution souligne
les failles systémiques des règlements et des mécanismes existants
mises en lumière par l’arrivée massive de réfugiés en Europe, et
les divisions entre les États membres du Conseil de l’Europe en
fonction de leur position politique et de leur situation géographique.
Elle suggère que l’Assemblée parlementaire serve de cadre à des
échanges d’idées, d’avis et d’expériences entre les pays d’origine,
de transit et d’accueil afin de concevoir des modèles opérationnels
en matière d’asile et d’intégration.
2. Pour préparer le présent rapport, j’ai étudié les trois principaux
volets de ce qui peut être compris comme une «réponse humanitaire
et politique globale à la crise actuelle». Premièrement, s’agissant
de l’action de l’Assemblée parlementaire elle-même, je me suis penché
sur les nombreuses recommandations adoptées sur des aspects spécifiques
des migrations
. Tout en tenant
compte des dernières évolutions, ces recommandations seront présentées
comme un corpus unique «global» de recommandations relatives à l’action
humanitaire et aux stratégies politiques communes.
3. Deuxièmement, le rapport étudie la façon dont la notion de
«globalité» s’applique au droit international relatif aux migrants
et aux réfugiés en vigueur, et dans quelle mesure les politiques
et les programmes englobent toutes les dimensions de la crise actuelle.
S’il est évident que la crise actuelle est «mondiale» et que, dans
un sens restrictif, elle concerne essentiellement des réfugiés fuyant
des conflits plutôt que d’autres catégories de migrants, les organisations
internationales ont toutes un champ d’application différent, une
vision différente de ce que suppose une action mondiale, et des
moyens différents pour mettre cette dernière en œuvre. Dans le même
temps, les États défendent leur droit de décider de leurs propres
politiques et les situations nationales peuvent énormément varier,
même au sein des catégories migratoires habituelles qui divisent
les pays entre ceux d’origine, de transit et d’accueil.
4. Troisièmement, le rapport examine les éléments qui font obstacle
à une approche communément admise et approuvée de la migration puisque,
malgré la nature prolongée de la crise et ses répercussions mondiales
touchant toute l’Europe, et malgré les nombreux appels à la coopération
lancés de toutes parts, la solidarité et le partage des charges
ne se sont pas généralisés. À la conférence de Paris, l’un des modérateurs a
fait remarquer que la solidarité dont les Européens avaient fait
preuve entre eux pendant les temps extrêmement difficiles du XXe siècle
était aujourd’hui beaucoup moins évidente. Le rapport explore les manifestations
de ce relatif repli afin de définir les raisons pour lesquelles
les États ne parviennent pas à mettre en place une réponse globale
et les éléments qui font obstacle à une meilleure coordination.
En conclusion, les recommandations formulées dans le projet de résolution
viseront à proposer et à promouvoir une réponse humanitaire et politique
réaliste et globale à la crise des migrations et des réfugiés.
5. Dans le cadre des travaux du présent rapport, j’ai effectué
une visite d’information en Hongrie, où j’ai rencontré des parlementaires
de partis de la majorité et de l’opposition, des décideurs et des
experts issus des services gouvernementaux pertinents et des représentants
des principales organisations non gouvernementales (ONG) nationales
et internationales travaillant avec des réfugiés et des migrants.
J’ai également visité le centre d’accueil pour demandeurs d’asile
de la «zone de transit» situé à Röszke, près de la frontière avec
la Serbie. Je tiens à remercier la délégation parlementaire hongroise
pour l’aide qu’elle m’a apportée dans l’organisation de cette mission.
6. Pendant la partie de session de janvier 2017, un échange de
vues a eu lieu avec Lisa Matos, du William James Centre for Research
(ISPA), au cours duquel il a été demandé à un certain nombre d’autres
groupes de réflexion et d’universitaires travaillant sur le sujet
de donner leur avis professionnel sur la manière de mieux coopérer
afin d’assurer une gestion humanitaire de la crise des migrants
et des réfugiés. Ces avis ont été pris en compte dans la préparation
du rapport et des projets de textes adoptés.
2. Le droit international relatif aux
migrants et aux réfugiés est-il «global»?
7. Les migrants et les réfugiés
tombent sous le coup de différents types de régimes juridiques,
allant de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des
réfugiés et de son Protocole de 1967, qui assurent une protection
aux personnes déplacées de leur pays par un conflit, aux législations
nationales qui reflètent les directives de l'Union européenne lorsque
les États membres sont concernés. Ces régimes peuvent opérer simultanément
ou créer un effet de cascade correspondant à la hiérarchie des normes
qu'ils représentent. Prenons à titre d'exemple les enfants migrants:
les migrants mineurs isolés doivent être traités avant tout comme
des enfants, être investis des mêmes droits que tous les enfants
et être protégés par la Convention des Nations Unies relative aux
droits de l’enfant et la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5), avant que leur situation
et leur prise en charge ne soient étudiées à la lumière des dispositions spécifiques
des règles applicables aux migrants. C'est ce qu'énonce clairement
la
Résolution 2136 (2016) de l'Assemblée, «Harmoniser la protection des mineurs
non accompagnés en Europe».
8. La capacité des conventions internationales existantes à faire
face à la crise actuelle est de plus en plus remise en question.
Dans le même temps, les pays ne se sont pas tous engagés à respecter
les conventions applicables ou ne les appliquent que partiellement,
en particulier les pays voisins de l’Europe. La Jordanie et le Liban
ne sont pas Parties à la Convention des Nations Unies de 1951 relative
aux réfugiés, et bien que la Turquie l’ait ratifiée ainsi que le
Protocole de 1967, elle applique une limitation géographique qui
exclut les réfugiés syriens
. En parallèle, bien que la majorité
des États membres du Conseil de l'Europe respectent la plupart du
temps la Convention européenne des droits de l'homme et les autres
conventions en vigueur, la souveraineté nationale fait que les dispositions
concernant les migrants et leur traitement peuvent être plus restrictives
que celles énoncées par les normes internationales, par exemple
s'agissant de l'emploi, des prestations d'assistance sociale et
du droit de séjour (ou de citoyenneté).
9. Les réponses à un questionnaire sur les politiques nationales
d'intégration récemment transmis aux parlements des États membres
par le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP),
à la demande de Mme Susanna Huovinen
(Finlande, SOC) dans le cadre de la préparation de son rapport sur
l’intégration des migrants
, ont révélé de très grandes divergences
entre les pays dans ces domaines, ce qui semble indiquer que l'on
ne peut s'attendre à une réponse unie et unifiée
.
10. Dans un article du Carnet des droits de l'homme publié en
novembre 2016 et intitulé «Les migrants en situation de vide juridique
en Europe ont le droit de vivre dans la dignité», le Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a rappelé que les États
européens devaient respecter pleinement leurs obligations en matière
de droits de l'homme et travailler ensemble à l’élaboration de solutions
communes fondées sur la solidarité entre les États, et se garder
d’adopter des dispositions toujours plus restrictives en matière
d’asile et d’immigration, qui ne font qu’affaiblir les normes existantes
des droits de l'homme.
11. En plus de renvoyer à la protection des droits humains des
migrants telle qu'inscrite dans la Convention européenne des droits
de l'homme, le Commissaire cite régulièrement d'autres mécanismes
du Conseil de l'Europe comme les Recommandations de politique générale
de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI)
applicables aux migrants en situation irrégulière, les recommandations
et les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), et d'autres
textes et orientations du Conseil de l'Europe comme les Vingt principes
directeurs sur le retour forcé. En outre, la mise en œuvre complète
de ces règles et lignes directrices par les États membres et les
pays partenaires du Conseil de l'Europe contribuerait grandement
à garantir le respect des droits des migrants et des réfugiés.
12. La Cour européenne des droits de l’homme détient une jurisprudence
grandissante sur les questions de migrations. Un exemple souvent
cité est celui de l’arrêt dans l’affaire Hirsi
Jamaa et autres c. Italie du 23 février 2012, où la Cour
européenne des droits de l’homme a trouvé que des migrants Somaliens
et Erythréens venant de la Libye, interceptés en mer et reconduits
en Libye par les autorités italiennes, ont fait l’objet d’une expulsion collective
prohibée par l’article 4 du Protocole no 4
à la Convention (STE no 46), et que les
requérants relevaient de la juridiction de l’Italie au sens de l’article
1 (obligation de respecter les droits de l’homme) de la Convention
européenne des droits de l’homme. La Cour a également conclu dans
cette affaire à la violation de l’article 3 (interdiction des traitements
inhumains ou dégradants) de la Convention, les requérants ayant
été exposés au risque de subir de mauvais traitements en Libye et
d’être rapatriés en Somalie ou en Érythrée. Une autre affaire, Ilias et Ahmed c. Hongrie, concerne
la rétention en zone frontière pendant 23 jours de deux chercheurs
d’asile Bangladeshi et leur transfert de la Hongrie à la Serbie.
Le 14 mars 2017, la Cour a considéré qu’il y a eu violation des
articles 5.1 et 5.4 (droit à la liberté et à la sécurité) parce
que l’enfermement des plaignants dans la zone frontière de Röszke
constituait une rétention sans motif justifié, une violation de
l’article 13 (droit à un recours effectif) et de l’article 3 puisque
l’expulsion vers la Serbie exposait les plaignants à un risque réel
d’être soumis à un traitement inhumain ou dégradant.
3. Répondre
à la nécessité de réformer
13. La
Résolution 2147 (2017) sur la nécessité de réformer les politiques migratoires
européennes, adoptée dans le cadre d'un débat urgent mené pendant
la partie de session de janvier 2017, appelle «à engager un dialogue
digne de ce nom avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (HCR) et d’autres acteurs internationaux sur l’interprétation
des dispositions juridiques de la Convention des Nations Unies de 1951
relative au statut des réfugiés, dont les conditions de reconnaissance
du statut de réfugié, ainsi que sur la question de la définition
d’un «pays tiers sûr». Elle appelle également les États membres
à intensifier leurs efforts pour trouver une solution constructive
concernant une répartition plus négociée des responsabilités afin de
mettre pleinement en œuvre les conclusions de juin 2015 du Conseil
européen concernant la relocalisation et la réinstallation des réfugiés.
En effet, les réactions très mitigées suscitées par les programmes
de relocalisation et de réinstallation de l'Union européenne, et
les «quotas» proposés, ont aussi montré sans conteste que la solidarité
et le partage des charges ne vont pas de soi quand il s'agit de
migrants et de réfugiés
.
14. Lors de ma visite en Hongrie les 15 et 16 mai 2017, les autorités
attendaient la décision de la Cour européenne de justice sur le
refus du pays d’accepter le quota d’accueil de réfugiés et de demandeurs
d’asile que l’Union européenne lui avait attribué (1 500 personnes).
Les représentants du parlement et du gouvernement avec lesquels
j’ai parlé affirmaient l’intention du pays de respecter la décision
de la Cour quelle qu’elle fût, mais il était clair que la Hongrie
n’approuvait pas que l’Union européenne tente d’imposer le partage des
responsabilités de cette façon. En outre, la lente application des
quotas fixés pour d’autres pays a démontré les limites de ce type
d’exercice, vu comme étant ultra vires par certains États.
15. Le 6 avril 2016, la Commission européenne a publié un communiqué
de presse sur la réforme du régime d'asile européen commun et le
renforcement des voies légales d'entrée en Europe. Son objectif
déclaré est de «passer d’un système qui, par sa conception ou sa
mauvaise mise en œuvre, fait peser une responsabilité disproportionnée
sur certains États membres et encourage des flux migratoires irréguliers
et incontrôlés, à un système plus équitable proposant aux ressortissants
de pays tiers qui ont besoin d’une protection ou qui peuvent contribuer
au développement économique de l’Union européenne des voies d’entrée
organisées et sûres». L'introduction souligne que pour être un succès,
le système doit être «complet et fondé sur les principes de responsabilité
et de solidarité».
16. De manière plus générale, la Commission entend proposer «une
harmonisation complète des procédures dans l'ensemble de l'UE» en
transformant la directive sur les procédures d’asile en un règlement instituant
une procédure d’asile commune unique, qui remplacerait les actuelles
modalités disparates appliquées dans les États membres. Les nouvelles
règles concernant les procédures d’asile seront directement applicables
dans la législation nationale des États membres de l’Union européenne
et couvriront la recevabilité, le recours à la procédure de l’asile
à la frontière ou à la procédure accélérée, le traitement des demandes
ultérieures et le droit de demeurer sur le territoire. La Commission
veillera particulièrement à harmoniser la durée maximale de la procédure,
tant en première instance qu’en appel. L’Assemblée regrette cependant
que les progrès dans ces domaines de politique et de droit ont été
beaucoup trop lents.
17. Parmi les résultats attendus de ce règlement figure également
l’instauration d’un statut de réfugié uniforme qui serait valable
dans tous les pays. Dans ses observations sur la proposition, le
Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (ECRE)
approuve certaines mesures, telles
que l’obligation d’apporter une assistance juridique gratuite et
la représentation à tous les stades de la procédure de demande d’asile,
mais il se préoccupe des notions de «pays sûrs» obligatoires et
de recevabilité, et des délais extrêmement courts des demandes.
Il souligne la tendance à l’externalisation et le fait que l’efficacité
et la commodité administratives prennent le pas sur l’examen détaillé
des besoins de protection.
4. Des
éléments d’une solution globale peuvent-ils se situer «à l’extérieur
de» l’Europe?
18. La «Déclaration de Malte par
les membres du Conseil européen concernant les aspects extérieurs
des migrations: remédier à la situation le long de la route de
la Méditerranée centrale», adoptée le 3 février 2017, mentionne
dès la première phrase la «politique globale de
l'UE en matière de migrations», pour ensuite énoncer qu’«il est
primordial, pour une politique migratoire durable, d'assurer un
contrôle efficace de nos frontières extérieures et d'endiguer les
flux illégaux en direction de l'UE». Plus loin, la déclaration exprime l’intention
de l’Union européenne de rechercher des solutions qui transposent
de nombreux aspects de la gestion de la crise des migrations et
des réfugiés à l’extérieur des frontières de l’Union européenne,
en particulier en Libye, avec tous les risques que cela pourrait
impliquer en matière de protection réduite et de contrôle des droits
de l’homme. La récente détérioration de la situation politique en
Libye semble rendre les solutions proposées d’accroissement de capacités
et de formation dans le pays de plus en plus irréalistes pour un
avenir proche.
19. Malgré ses débuts laborieux, la mise en œuvre de l’Accord
UE–Turquie du 18 mars 2016 a indéniablement contribué à réduire
la pression que les afflux de réfugiés ont fait peser sur la Grèce
et sur les Balkans. Il semblerait également que les investissements
réalisés dans les capacités d’accueil et de traitement aient permis
d’assurer des conditions de vie décentes. Mais pour l’heure, toute
évaluation de la situation serait prématurée, compte tenu de la
persistance de l’instabilité politique, de l’absence d’inspections
externes systématiques et du manque de visibilité à long terme des
nouvelles structures en Turquie, même si l’Etat et l’Union européenne
ont la volonté et les capacités de remplir leurs engagement à moyen
terme. L’Union européenne doit en effet prendre sa part de responsabilité
à l’égard de la Turquie pour que l’accord soit pleinement opérationnel.
20. Récemment, l’idée d’établir des dispositifs d’accueil et de
premier accueil («hotspots») à l’extérieur de l’Europe a également
fait son chemin, dans le but d’éviter que les réfugiés risquent
leur vie dans des traversées maritimes dangereuses et de gérer l’accueil
et le traitement des demandes d’asile, mais elle ne va pas sans poser
des problèmes concernant les droits de l’homme et les conséquences
humanitaires possibles. La Rés
olution 2147 (2017)
de l’Assemblée recommande «[d’]étudier les moyens de mieux
repérer les personnes ayant besoin d’une protection internationale
et [d’]organiser le traitement externe des demandes d’asile dans le
cadre de procédures sûres établies hors d’Europe dans des pays tiers
sûrs, pour autant que les droits fondamentaux des demandeurs d’asile
soient garantis, comme l'a déjà recommandé l'Assemblée dans de précédentes
résolutions et conformément aux normes de l’Union européenne».
21. Pour revenir à la Déclaration de Malte, la plupart des propositions
sont axées sur les mesures qui seront prises en vue de stabiliser
la Libye: «renforcer les capacités pour que les autorités soient
en mesure de prendre le contrôle des frontières terrestres et maritimes
et de lutter contre les activités de transit et de trafic». L’Union européenne
vise à obtenir «un règlement politique inclusif dans le cadre de
l’accord politique libyen, et (...) à appuyer le Conseil de la présidence
et le gouvernement d’entente nationale soutenus par les Nations
Unies». Une «approche intégrée [associera] la Libye et d’autres
pays situés sur la route, ainsi que les partenaires internationaux
concernés, (…) Europol et le Corps européen de garde-frontières
et de garde-côtes». Parmi les objectifs de l’accord figurent la
mise en place de structures et de conditions d’accueil adaptées
pour les migrants en Libye, de concert avec le HCR et l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM), et le déploiement de «campagnes
d’information et de sensibilisation destinées aux migrants en Libye
et dans les pays d’origine et de transit, en coopération avec les
acteurs locaux et les organisations internationales».
22. Il reste à savoir si le fait de transposer davantage de structures
d’accueil voire de procédures d’asile de l'autre côté des frontières
de l'Europe peut s’avérer adéquat
.
De nombreuses organisations humanitaires mettent en garde contre
ce type d'externalisation, considérant que les enjeux sont trop
élevés et que la réussite dépend trop largement du contexte politique
instable des voisins de l'Europe.
23. En septembre 2015, la Commission européenne a proposé l'adoption
d'un règlement établissant une liste commune de l'Union européenne
de «pays d’origine sûrs» afin d’accélérer le traitement des demandes d'asile
des personnes originaires de ces pays, dans le but d'évoluer vers
une liste entièrement harmonisée de pays d'origine sûrs au niveau
de l'Union européenne, reposant sur des propositions de la Commission,
la priorité étant donnée à l'inclusion de pays tiers d'où proviennent
un grand nombre de demandeurs d'asile. Cette liste n’est toujours
pas officielle, en raison de désaccords entre les États membres
sur les pays à inclure. En attendant, les pays dressent et appliquent
leur propre liste de pays sûrs.
24. Concernant le mécanisme de «pays tiers sûrs» qui permet à
certaines demandes d'être déclarées irrecevables lorsqu'une protection
pouvait être garantie dans un pays tiers, la Commission européenne
a, dans un communiqué du 10 février 2016, encouragé tous les États
membres à anticiper et à exiger son utilisation dans leur législation
nationale. Elle a par ailleurs annoncé son intention de proposer
une approche européenne plus harmonisée de l'utilisation de ce mécanisme,
dans le plein respect des obligations internationales inscrites dans
la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention
européenne des droits de l'homme et la Convention de Genève, de
façon à garantir une application homogène dans tous les États membres
et à établir un mécanisme d'adoption d'une liste de l'Union européenne
des pays tiers sûrs.
5. En
quoi consiste donc une réponse globale?
25. Les participants à la Conférence
de Paris ont relevé la nécessité d’adopter des stratégies communes pour
garantir en particulier le respect des droits humains des migrants,
l’éducation et la sensibilisation de tous, et l’intégration. Les
principales mesures envisagées étaient les suivantes:
- développer la solidarité financière
et humanitaire entre les pays qui sont en première ligne des arrivées massives,
ceux de transit et ceux de destination finale. Un consensus a été
atteint sur le fait que l’afflux était devenu trop important pour
pouvoir être géré par les pays de transit;
- la nécessité de lutter contre la corruption et les activités
criminelles et d’améliorer la coopération internationale des forces
de police et des services de renseignement;
- améliorer la coopération entre les organisations internationales,
notamment grâce aux dossiers de police, aux bases de données de
demandes d’asile, etc.;
- mettre en place de canaux de financement efficaces et
coordonnés en faveur de l’aide et des infrastructures humanitaires;
- poursuivre les efforts pour s’attaquer aux causes profondes
de la crise, par exemple sous la forme de négociation de solutions
politiques par les pays de destination;
- reconnaître les migrations comme une opportunité pour
le développement économique, social, culturel et démographique en
Europe et combattre les réactions de rejet par des «communications
idéologiques puissantes»;
- redoubler d’efforts pour garantir des conditions humanitaires
et de sécurité décentes dans les pays de transit et d’origine, de
manière à rendre les conditions de vie plus attractives et à remédier
au problème général d’insécurité qui incite souvent les migrants
à partir.
Ces domaines nécessitant un renforcement
de la coopération sont examinés plus en détail ci-après.
5.1. Solidarité
financière et humanitaire, et canaux de financement efficaces et
coordonnés
26. La
Résolution 2118 (2016) «Les réfugiés en Grèce: défis et risques – Une responsabilité
européenne» indique que «[la] crise des réfugiés et des migrants
dans l’est de la Méditerranée doit être reconnue pleinement comme
un problème européen et mondial, et non uniquement grec. La seule
réponse appropriée repose sur le respect des droits humains des
réfugiés et des migrants, conformément aux valeurs fondamentales communes
au Conseil de l’Europe, à l’Union européenne et à leurs États membres,
ainsi que sur une véritable solidarité et un partage concret des
responsabilités».
27. Concernant le financement, la
Résolution 2164 (2017) sur les possibilités d’améliorer le financement des situations
d’urgence impliquant des réfugiés encourage tous les États européens
à intensifier le partage de la charge financière, notamment par
le biais des cadres de coopération comme ceux de l’Union européenne,
du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et
d’autres organisations humanitaires internationales. Par ailleurs,
elle appelle l’Union européenne «à poursuivre ses financements
diversifiés afin d’améliorer les conditions d’accueil, d’accélérer
les procédures d’asile et d’encourager l’intégration à court et moyen
terme des migrants et des réfugiés, parallèlement aux mesures de
renforcement de la sécurité, du contrôle des frontières et des systèmes
de retour», et «prie instamment les Nations Unies et ses États membres
de s’employer au mieux à̀ tenir les engagements du “Grand compromis”
convenu lors du Sommet mondial sur l’action humanitaire tenu en
mai 2016».
28. Les 4 et 5 avril 2017, l'Union européenne, l'Allemagne, le
Koweït, la Norvège, le Qatar, le Royaume-Uni et les Nations Unies
ont coprésidé une conférence à Bruxelles sur l'aide à apporter pour
l'avenir de la Syrie et de la région. Cette conférence a rassemblé
plus de 70 pays, organisations internationales et membres de la société
civile qui ont collectivement promis un engagement et un soutien
continus en faveur de la Syrie et de la région. La conférence s'est
terminée par l'annonce par M. Stylianides, commissaire européen,
d'un engagement à hauteur de 5,6 milliards d'euros pour 2017, parmi
lesquels 3,7 milliards d'euros proviennent de l'Union européenne
et des États membres, la Commission européenne ayant engagé 1,275 milliard
d'euros aux fins de l'aide humanitaire et de l'amélioration de la
résilience. La Commission a en outre promis 560 millions d'euros
pour la Syrie, la Jordanie et le Liban en 2018, maintenant ainsi
la hauteur de son engagement. Les coprésidents, soutenus par tous
les participants, ont adopté une déclaration conjointe ainsi que
des annexes spécifiques sur la façon de soutenir la résilience des
pays d'accueil et des réfugiés dans le contexte de la crise syrienne
pour la Jordanie et le Liban, et sur la levée de fonds.
29. La déclaration adoptée à la conférence souligne la nécessité
de faire face à la situation humanitaire en apportant aide et protection
aux populations en détresse et de soutenir les pays voisins, et
indique «qu'il est plus urgent que jamais de dégager une solution
politique». Les participants ont appelé au redoublement des efforts
politiques visant à favoriser le règlement de la crise pour garantir
un avenir à la Syrie et à sa population. Mais il doit être souligné
que les réfugiés viennent aussi d’autres pays, notamment de l’Érythrée,
de la Somalie, de l’Irak et d’Afghanistan.
5.2. Lutter
contre la corruption et les activités criminelles
30. Jusqu'à récemment, la coopération
internationale des forces de police en matière de migration était partielle.
En raison de l'accroissement de l'insécurité et de la nécessité
d'assurer une meilleure protection internationale, à la fois des
migrants et des résidents, des efforts ont été déployés pour intensifier
les échanges d'informations et améliorer les bases de données internationales.
Une surveillance plus étroite du nombre de demandes d'asile déposées
pourrait permettre de repérer des activités suspectes et le crime
organisé.
31. En septembre 2016, la commission des migrations, des réfugiés
et des personnes déplacées a organisé une audition avec M. Brian
Donald, chef de Cabinet du Directeur de l'Office européen de police
(Europol). Celui-ci a souligné qu'Europol ne disposait pas de pouvoirs
opérationnels propres, mais avait pour mission d’appuyer les efforts
déployés par les États membres et les pays tiers en vue de lutter
contre la grande criminalité organisée et le terrorisme. Europol
intervient donc par exemple dans le cadre de crimes graves liés à
la traite d'êtres humains, au trafic et à l’exploitation de migrants,
quand au moins deux États membres sont concernés. Europol mène actuellement
deux projets particulièrement pertinents à cet égard: Focal Point Phoenix,
sur la traite des êtres humains, et Focal Point Checkpoint, sur
la lutte contre l’aide à l'immigration illégale (trafic de migrants).
Dans ce contexte, un Centre européen pour la lutte contre le trafic
de migrants comptant 60 agents a été établi pour faire face à la
crise migratoire, notamment dans les pays qui se trouvent en première
ligne comme la Grèce et l'Italie.
32. Europol souhaite passer d'une approche reposant uniquement
sur la sécurité à une approche axée sur les victimes en vue de faire
connaître et de souligner la dimension humanitaire du travail de
la police. Il a continué à aider les autorités nationales et d'autres
acteurs à faire face aux risques auxquels les enfants peuvent être
exposés, y compris la traite, l'exploitation par le travail, les
abus sexuels et l'obligation de commettre des infractions mineures.
À l'heure actuelle, au sein de l'organisation, se fait sentir la
nécessité d'attirer davantage l'attention sur l'action d'Europol
afin de mieux faire face à l'ampleur de la traite et à son caractère
mondial, qui pose d'autant plus problème qu'aucun accord de coordination
n'a été signé avec des régions clés comme par exemple l'Afrique
du Nord et la Libye.
33. Le rapport et les éléments de preuve récemment publiés sur
les enfants migrants non accompagnés ont par ailleurs mis en évidence
la nécessité d'assurer la coopération des polices nationales afin
de constituer des bases de données fiables, complètes et régulièrement
mises à jour sur les enfants non accompagnés portés disparus, d'associer
Europol et l’Agence européenne pour la gestion de la coopération
opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union
européenne (Frontex) aux enquêtes visant les groupes criminels qui
pourraient nuire aux enfants non accompagnés et les exploiter, et
de participer pleinement aux efforts pour retrouver les enfants
disparus et soutenir le développement du Système d’information Schengen (SIS).
5.3. Reconnaître
les migrations comme une opportunité pour le développement économique, social,
culturel et démographique en Europe, et combattre les réactions
de rejet des migrants
34. Toute solution politique globale
à la crise des migrations et des réfugiés dépend de l'attitude positive
des responsables politiques au niveau national, et surtout de la
présentation par ces derniers des avantages d'une migration bien
gérée pour les sociétés d'accueil. L'Assemblée a récemment adopté
plusieurs textes promouvant la reconnaissance des migrations comme
une solution à nombre des problèmes touchant l'Europe. Les migrations
peuvent ainsi contribuer à atténuer les conséquences du vieillissement
de la population et de «l'hiver démographique» (voir la
Résolution 2137 (2016)) et à développer les économies en retard en attirant
de nouveaux talents et de la main-d'œuvre supplémentaire (voir la
Résolution 1972 (2014)). Afin de parvenir à cette situation gagnant-gagnant
pour les pays d'accueil et les migrants, il faut prendre des mesures
visant à lever les barrières à l'entrée rapide des réfugiés sur
le marché du travail une fois que les procédures d'asiles sont achevées,
à reconnaître les diplômes et les compétences professionnelles des migrants,
et à améliorer l'information du public sur les avantages économiques
de la migration légale et de la diversité culturelle pour la société.
35. En Hongrie, le gouvernement alimente la peur des migrants
au sein de la population en diffusant des clips vidéo pendant les
heures de grande écoute évoquant les risques d’invasion par des
migrants violents, qui mettent également l’accent sur les différences
religieuses et présentent l’islam comme une menace. Il est surprenant
de constater à quel point le nombre de demandeurs d’asile a plongé
au cours de ces derniers mois, sous l’effet de mesures dissuasives
(construction d’un mur et fermeture des centres d’accueil ouverts
en faveur de «zones de transit» dénoncées par des ONG comme étant
des lieux de détention arbitraire.
36. Mon propre pays, le Portugal, est souvent cité en exemple
pour ses bonnes pratiques en matière d'approches positives et participatives
de l'accueil des migrants. Peut-être la taille relativement restreinte
du pays et le nombre limité de migrants non-lusophones facilitent-ils
la mise en œuvre des programmes; toujours est-il que l'état d'esprit
dans lequel ceux-ci sont exécutés mérite d'être promu pour servir
de modèle aux autres pays. Qu’il s’agisse du système de «guichet
unique» aux fins de l'accueil et de l'intégration des migrants,
de programmes de parrainage volontaires ou de formations professionnelles
et entrepreneuriales proposées aux migrants, le Portugal tient totalement
compte des avantages comparatifs des migrations pour le renouvellement
et le développement socio-économique d'un pays, ainsi que de l'opportunité
qu'elles représentent pour la promotion de la diversité culturelle.
6. «Après
la crise» – éviter la catastrophe à l’avenir
6.1. Politiques
inclusives et tournées vers l’avenir
37. Pendant la conférence de Paris,
l'une des «réponses globales» considérées comme nécessaires était la
poursuite des efforts visant à s’attaquer aux causes profondes de
la crise, par exemple sous la forme de négociation de solutions
politiques par les pays de destination. Dans la
Résolution 2147 (2017) sur la nécessité de réformer les politiques migratoires
européennes, l’Assemblée «déplore l’absence d’une vision d’ensemble précise
de la gestion des flux migratoires et de solutions durables ainsi
que le manque de débat sérieux, à l’échelon européen, sur le phénomène
migratoire dans une perspective à long terme, et ses conséquences pour
les sociétés d’accueil». Il est clair que des années après l’émergence
des premiers signes de la crise, les États et les organisations
internationales continuent d’une certaine façon d’intervenir «dans
l’urgence», lorsque de nouveaux événements surviennent.
38. Comme le montre par exemple la
Résolution 1521 (2006) «Arrivée massive de migrants irréguliers sur les rivages
de l’Europe du Sud», l'Assemblée s’attelle depuis plus d'une décennie
aux problèmes de migration massive. Pourtant, si l'on examine les
réponses apportées à ce jour, les programmes humanitaires des Nations Unies
consistent à réagir dans l'urgence au fur et à mesure que des situations
évoluent, et l'action de l'Union européenne donne l'impression d'être
en grande partie improvisée. Les réponses nationales sont même en voie
de régression dans certains pays, puisque que sur le plan politique,
les points de vue protectionnistes se radicalisent et que les responsables
politiques populistes jouent sur les peurs et sur les tensions de
leurs communautés. Face à cette crise prolongée, il est incroyable
que l'Europe n'ait pas été capable de mettre sur pied des solutions
politiques et humanitaires plus unifiées et globales, et que la
solidarité demeure si fragile.
39. Dans certains pays (la Suède, par exemple), l’aide au développement
est utilisée pour assister les autorités suédoises dans leur gestion
de l’afflux de réfugiés; la mesure peut se comprendre dans une situation d’urgence
mais la réduction de l’aide aux pays d’origine aura des conséquences
négatives dans le moyen terme. Dans d’autres pays (le Danemark par
exemple), les restrictions supplémentaires à la réunification familiale
constituent non seulement une violation du droit à la vie familiale
mais font aussi obstacle à l’intégration des réfugiés et sont susceptibles
de créer des problèmes d’ordre public et social. Cette question sera
examinée dans le rapport de notre collègue Mme Ulla
Sandbæk sur la question de la réunification familiale.
40. Face à la nécessité de promouvoir l’application de normes
internationales destinées à la protection des migrants et d’établir
une plateforme pour la diffusion des bonnes pratiques et la coopération
paneuropéenne, je pense que le Conseil de l’Europe devrait endosser
une fois de plus les responsabilités importantes auxquelles il a
décidé de se soustraire juste avant que la crise des migrations
et des réfugiés ne se déclenche en Europe par la création d’une
structure intergouvernementale avec la participation de tous les
Etats membres. Cela permettrait de mener à bien les mesures élaborées
et les activités organisées dans le cadre des différents programmes
de l’Organisation et de sa coopération intergouvernementale dans
le domaine à consolider. L’approche du Conseil de l’Europe centrée
sur les droits compléterait également celle de l’Union européenne
davantage axée sur la sécurité des citoyens européens et la protection
de ses frontières. C’est pourquoi je propose une recommandation
au Comité des Ministres dans le cadre de ce rapport sur la rétablissement
d’un comité directeur sur les migrants et les réfugiés.
6.2. Changements
climatiques – la prochaine crise?
41. Une des prochaines crises migratoires
sera due aux changements climatiques
.
Dans une certaine mesure, ce sujet a échappé à la surveillance internationale;
en premier lieu, parce que les changements climatiques ont à ce
jour provoqué davantage de mouvements internes, à l'intérieur des
pays, que par-delà les frontières, et en second lieu, parce que
l'intensité de la crise des réfugiés résultant des conflits a éclipsé
les inquiétudes concernant les migrations environnementales. En
outre, on peut suspecter les responsables politiques de manquer
intentionnellement de vision à long terme car les énormes implications
du problème sont difficiles à expliquer, et il est compliqué de
mobiliser des électeurs sur un sujet qui semble à la fois lointain
et obscur.
42. Néanmoins, les décideurs et les organisations internationales
doivent commencer à anticiper les migrations forcées qui résulteront
des changements climatiques et répondre aux questions soulevées
par ces changements, à savoir: le régime actuel de protection des
réfugiés, fondé sur les Conventions de Genève et prévoyant un ensemble
de droits fixe pour les réfugiés, peut-il être étendu à un groupe
de réfugiés bien plus nombreux que celui couvert à l'heure actuelle?
L'extension de ce régime pourrait éventuellement produire des échanges
entre les réfugiés climatiques et les réfugiés (politiques) protégés
au titre de la Convention de Genève. Le HCR a créé divers programmes
à l'intention des réfugiés environnementaux/climatiques, et les personnes
déplacées à l'intérieur de leur pays pour des raisons environnementales
tombent sous le coup de ses Principes directeurs relatifs au déplacement
de personnes à l'intérieur de leur propre pays.
43. Le statut juridique actuel des réfugiés ne garantit qu'une
protection marginale, sans mandat spécifique, aux réfugiés climatiques
que le HCR préfère d'ailleurs appeler «personnes déplacées pour
des raisons environnementales en raison des droits que le système
intergouvernemental confère actuellement aux personnes ne pouvant
bénéficier de la protection de leur pays d'origine par peur de persécutions
(politiques). Le pays d'origine en est jugé principalement responsable,
ce qui est en contradiction avec la responsabilité à caractère mondial
portée à l'égard des victimes des changements climatiques. En outre,
le nombre maximal de personnes dont le HCR peut actuellement se
charger ne représente qu'une fraction du nombre supplémentaire de
réfugiés climatiques que de nombreuses études attendent pour 2050.
44. Après avoir été Haut-Commissaire des Nations Unies pour les
réfugiés, António Guterres est devenu le 1er janvier 2017
le Secrétaire Général des Nations Unies. Il s'est déclaré «fermement
opposé» à l'élargissement de la Convention de Genève au moyen de
la création d'un statut de «réfugié climatique». À la place, il
appelle instamment à une meilleure protection mondiale qui pourrait
éventuellement être inscrite dans une nouvelle convention inspirée
de l'Initiative Nansen lancée par la Suisse, la Norvège, l'Australie, l'Allemagne,
le Bangladesh, les Philippines, le Costa Rica, le Mexique et le
Kenya en vue de créer des mécanismes de solidarité.
45. Quoi qu'il en soit, les mécanismes de gouvernance actuels
ne suffiront pas à faire face à l'imminente crise des réfugiés climatiques.
Il faut donc discuter et convenir de nouveaux cadres sur le plan
international, en tenant compte des particularités du déplacement
dû à des causes environnementales (faible probabilité de retour,
caractère prévisible des situations, droits collectifs des communautés
concernées, nécessité d'apporter une aide internationale à des régions
et pays tiers spécifiques).
7. Conclusions
46. Le besoin de trouver des réponses
humanitaires et politiques à la crise des réfugiés devient toujours plus
urgent. Dans mon travail sur ce rapport, il a été extrêmement frustrant
de constater que la plupart des solutions potentielles, immédiates
et viables, ainsi que les feuilles de route pour la gestion futures
des migrations, sont présentes et existent sur le plan international
et aussi au niveau national. Le problème réside dans la mise en
œuvre effective des politiques sur le terrain et dans le fait d’honorer
des promesses et des engagements pris par les Etats européens, et
ceci est par conséquent le message principal de mon rapport.
47. Les solutions globales doivent passer par le dialogue avec
les pays en situation de conflit armé, par la mise en œuvre les
dispositions des traités internationaux pertinents, en particulier
la Convention de Genève de 1951 et son Protocole de 1967, la Convention
européenne des droits de l’homme et la Convention relative aux droits
de l’enfant des Nations unies. Les Etats doivent continuer de dénoncer
les cas d’abus des droits de l’homme des réfugiés et des demandeurs
d’asile au moment et là où ils se produisent, et les gouvernements doivent
être systématiquement appelés à rendre compte de ces cas. Des systèmes
d’information transnationaux efficients doivent être maintenus et
développés.
48. Les migrants devraient bénéficier d’un niveau similaire de
protection de leurs droits fondamentaux quel que soit le pays où
ils se trouvent, mais en même temps il n’y a pas de solutions universelles
aux problématiques des pays de migration qui sont adaptées à des
situations géographiques, économiques, sociales et culturelles très
différentes. Chaque pays devrait être libre de chercher des solutions
appropriées dès lors que celles-ci sont conformes au droit international
et à des échanges de bonnes pratiques. Dans un avenir proche des
migrations de toutes sortes seront de plus en plus présents dans
le monde et, en conséquence, les chances de bien-être des civilisations
de demain dépendra de la protection effective des droits fondamentaux
des personnes qui se déplacent, en particulier les réfugiés, qui
ont été privées de la possibilité individuelle et de la capacité
collective à garantir leurs moyens de subsistance. L’immigration
vers l’Europe est nécessaire pour une dynamique renouvelée et la
modernisation des sociétés et de leurs cultures est absolument nécessaire
pour la survie de l’Europe, qui est entrée dans un «hiver démographique»;