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Rapport | Doc. 14338 | 08 juin 2017

La reconnaissance et la mise en œuvre du principe de responsabilité à l’Assemblée parlementaire

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteure : Mme Liliane MAURY PASQUIER, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision de l’Assemblée du 28 avril 2017, Renvoi 4289. 2017 - Troisième partie de session

Résumé

Les membres de l’Assemblée parlementaire sont tenus d’agir dans le respect des devoirs et des obligations qui leur incombent, notamment des règles déontologiques en vigueur. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles considère que cette exigence doit être renforcée à l’égard de la Présidence de l’Assemblée parlementaire et des autres fonctions électives éminentes. Afin de garantir le fonctionnement démocratique de l’Assemblée, les titulaires de fonctions électives, à savoir la Présidence de l’Assemblée parlementaire, les vice-présidences de l’Assemblée, ainsi que les présidences et vice-présidences des commissions, doivent rendre des comptes à leurs mandants.

La commission entend rappeler l’importance du principe de responsabilité, qui comprend un devoir de transparence et une obligation de rendre compte, sans le respect duquel il ne saurait y avoir de confiance de l’Assemblée dans ses élus.

Afin de garantir la pleine reconnaissance de ce principe, la commission invite l’Assemblée à compléter le cadre réglementaire existant en instituant une procédure permettant de mettre en jeu la responsabilité institutionnelle des membres de l’Assemblée titulaires d'un mandat électif au sein de l’Assemblée et de les destituer en cours de mandat.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 2 juin 2017.

(open)
1. Les membres de l’Assemblée parlementaire sont tenus d’agir dans le plus grand respect des devoirs et des obligations qui leur incombent, telles qu’elles figurent notamment à l’article 6.2.b (déclaration d’adhésion aux objectifs et principes fondamentaux du Conseil de l'Europe), à l’article 13 (déontologie des membres) et à l’article 22 (discipline) du Règlement, ainsi que dans le code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire. L’Assemblée considère que cette exigence doit être renforcée à l’égard du Président de l’Assemblée parlementaire, mais également à l’égard des autres fonctions électives éminentes que sont les vice-présidences de l’Assemblée, ainsi que les présidences et vice-présidences des commissions, telles qu’elles sont définies par le Règlement.
2. De même que, dans une démocratie représentative, les exigences de transparence, d’intégrité, de responsabilité, de primauté de l’intérêt public et de confiance, ainsi que l’obligation de rendre des comptes fondent le contrat qui lie l’élu aux citoyens, l’Assemblée entend rappeler l’importance du principe de responsabilité qui lie ceux de ses membres qui sont élus à certaines fonctions à leurs mandants. Sans le respect de cet engagement de responsabilité, qui comprend un devoir de transparence et une obligation de rendre compte, il ne saurait y avoir de confiance de l’Assemblée dans ses élus. Représenter une institution c’est aussi la respecter avec intégrité et honnêteté. Détenir une fonction élective c’est agir en responsabilité du premier jour au dernier jour de ce mandat.
3. Il est de l’essence même d’un fonctionnement démocratique d’un parlement que les titulaires de fonctions électives, et au premier chef son Président, ou de responsabilités importantes, tels que les rapporteurs, rendent compte à leurs mandants. La confiance qui leur est donnée lors de leur élection est présumée et ne saurait tenir lieu de blanc-seing. L’Assemblée est convaincue que le cadre réglementaire existant, qui prévoit de nombreuses garanties, la fréquence des élections et la durée réduite des mandats à ces fonctions électives, ne suffit pas à amener leurs titulaires à se conformer à l’obligation de rendre compte de leurs actes.
4. En considération de ce qui précède, l’Assemblée décide d’instituer une procédure permettant de mettre en jeu la responsabilité institutionnelle des membres de l’Assemblée titulaires d'un mandat électif au sein de l’Assemblée et de les destituer en cours de mandat. Une telle procédure s’applique aux seules fonctions électives éminentes, à savoir le Président de l’Assemblée parlementaire, les Vice-Présidents de l’Assemblée, les présidents et vice-présidents des commissions. Elle n’a aucun caractère pénal et n’emporte d’autres conséquences que celles expressément prévues par le Règlement.
5. En conséquence, l’Assemblée décide de modifier son Règlement comme suit:
5.1. au chapitre XI «procédures d’exception», après l’article 53, insérer le nouvel article suivant:
«Procédure de destitution du Président et des Vice-Présidents de l’Assemblée parlementaire
1. L’Assemblée peut mettre fin aux fonctions du Président de l’Assemblée parlementaire ou d’un Vice-Président de l’Assemblée au motif qu’il ne bénéficie plus de la confiance de l’Assemblée, soit qu'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou qu'il a commis une faute grave en violant de manière grave ou répétée les dispositions du code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire.
Une proposition de destitution concernant la même personne et pour le même motif ne peut être déposée qu’une seule fois au cours d’une session ordinaire de l’Assemblée.
2. Une proposition de destitution doit être présentée dans les deux langues officielles et être signée par au moins un dixième des membres (représentants et suppléants) qui composent l’Assemblée, appartenant à au moins trois groupes politiques et dix délégations nationales.
La proposition de destitution est publiée comme document officiel dans un délai de 24 heures ouvrées, transmise au membre concerné et renvoyée à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles qui émet un avis sur sa recevabilité. La commission entend le membre concerné; l’absence du membre dûment convoqué à la réunion n’est pas un motif de nature à différer la décision de la commission. L’avis de la commission est approuvé dans un délai de 24 heures au plus tard à l’issue du renvoi, lorsque celui-ci intervient au cours d’une partie de session de l’Assemblée, ou, dans le cas contraire, lors de la réunion qui suit immédiatement le renvoi. La proposition de destitution est soumise au vote de l’Assemblée dans un délai de 24 heures au plus tard suivant l’approbation de l’avis de la commission, lorsque celle-ci intervient au cours d’une partie de session de l’Assemblée, ou, dans le cas contraire, à l’ouverture de la partie de session qui suit immédiatement l’approbation de l’avis de la commission.
3. Une proposition de destitution, présentée dans les deux langues officielles, peut également être signée par au moins un cinquième des membres (représentants et suppléants) qui composent l’Assemblée, appartenant à au moins trois groupes politiques et quinze délégations nationales.
La proposition de destitution est publiée comme document officiel dans un délai de 24 heures ouvrées et est transmise au membre concerné. Elle est soumise au vote de l’Assemblée dans un délai de 24 heures au plus tard après sa publication, lorsque celle-ci intervient au courant d’une partie de session de l’Assemblée, ou à l’ouverture de la partie de session qui suit immédiatement sa publication, dans le cas contraire.
4. Après la publication de la proposition de destitution et jusqu’à ce que la décision finale sur la proposition soit prise, le Président ou le Vice-Président cesse de présider les séances de l’Assemblée.
5. Les dispositions des articles 27.5 (modification de l’ordre du jour), 33 (discussion et examen des textes), 34 (amendements et sous-amendements) et 37 (motions de procédure) ne sont pas applicables.
6. Au cours du débat, peuvent seuls être entendus le premier signataire de la proposition, le président de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles ou un représentant désigné par la commission, le président de chaque groupe politique ou un représentant désigné par le groupe, ainsi que le membre visé par la procédure.
7. L’Assemblée statue en utilisant le système de vote électronique, aux conditions de quorum fixées par l’article 42.3 et à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.
8. La démission volontaire du membre concerné de son mandat interrompt la procédure.
9. Le Président de l’Assemblée parlementaire, ou le Vice-Président de l’Assemblée, est destitué à l’annonce du résultat d’un vote positif.
10. Un Président de l’Assemblée parlementaire destitué ne peut se prévaloir de l’article 20.3. Il n’est pas rééligible aux fonctions de Président ni éligible aux fonctions de Vice-Président de l’Assemblée, de président ou vice-président d’une commission. Il ne peut bénéficier du titre de Président honoraire de l’Assemblée parlementaire. Un Président ou un Vice-Président de l’Assemblée destitué peut se voir refuser le titre d’associé honoraire de l’Assemblée parlementaire.»;
5.2. au chapitre XI «procédures d’exception», à la suite de l’article précédent, insérer le nouvel article suivant:
«Procédure de destitution des présidents et vice-présidents des commissions
1. Une commission peut mettre fin aux fonctions de son président ou d’un vice-président, à la demande d’un tiers des membres titulaires de la commission appartenant à au moins trois groupes politiques et cinq délégations nationales, au motif qu’il ne bénéficie plus de la confiance de l’Assemblée, soit qu'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou qu'il a commis une faute grave en violant de manière grave ou répétée les dispositions du code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire.
Une proposition de destitution concernant la même personne et pour le même motif ne peut être présentée qu’une seule fois au cours d’une session ordinaire de l’Assemblée.
2. La proposition de destitution est envoyée aux membres de la commission au moins une semaine avant la date de la réunion au cours de laquelle ses signataires en demandent l’inscription à l’ordre du jour.
3. Après la diffusion de la proposition de destitution et jusqu’à ce que la décision finale sur la proposition soit prise, le président ou le vice-président de la commission cesse de présider les réunions de la commission.
4. La destitution est prononcée par la commission aux conditions de quorum fixées par l’article 47.3, et à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Elle est d’effet immédiat. L’article 47.2 sur le scrutin secret n’est pas applicable.
5. La démission volontaire du président ou du vice-président concerné de son mandat interrompt la procédure.
6. Un président ou un vice-président de commission destitué n’est pas éligible ou rééligible aux fonctions de président ou vice-président d’une commission. Il peut se voir refuser le titre d’associé honoraire de l’Assemblée parlementaire.»;
5.3. modifier l’article 15.5 comme suit:
«Le Président reste en fonctions jusqu’à l’ouverture de la session ordinaire suivante. En cas de vacance du poste ou d’empêchement, le doyen des Vice-Présidents fait office de Président jusqu’à l’élection d’un nouveau Président lors de la partie de session suivante [note de bas de page: Si le vice-Président doyen n’est pas en mesure d’assumer les fonctions du Président, cette charge sera confiée au Vice-Président le plus ancien après lui]. Le Président ainsi élu reste en fonctions jusqu’à l’ouverture de la session ordinaire suivante. Le Président est rééligible pour un autre mandat, consécutif ou non au premier. Cependant, un Président élu en cours de session pour un mandat incomplet est rééligible pour deux autres mandats.»;
5.4. modifier la première phrase de l’article 16.7 comme suit:
«Sauf lorsque la délégation à laquelle appartient un Vice-Président est renouvelée au cours de la session, ou en cas de destitution en application de l’article [54], les Vice-Présidents restent en fonction jusqu’à l’ouverture de la session ordinaire suivante.»;
5.5. modifier l’article 20.3 comme suit:
«Pour autant qu’il n’a pas cessé d’être représentant ou suppléant à l’Assemblée ou qu’il n’ait pas été destitué de sa fonction en application de l’article [54], le Président sortant est membre de droit de la commission des questions politiques et de la démocratie, de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) et de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. L’article 44.6 ne lui est pas applicable.»;
et modifier en conséquence les notes de bas de page de l’article 44.1;
5.6. à l’article 24.2.c, insérer la note de bas de page suivante:
«les propositions déposées par les représentants ou suppléants [y compris les propositions déposées en application de l’article [54]]»;
5.7. modifier le paragraphe 41.c comme suit:
«Les majorités requises sont: pour l’adoption d’un projet de recommandation ou d’avis au Comité des Ministres, l’adoption de la procédure d’urgence, la modification de l’ordre du jour, la création d’une commission, la fixation de la date d’ouverture et de reprise des sessions ordinaires et la décision de destituer le titulaire d’un mandat électif, la majorité des deux tiers des suffrages exprimés;»
5.8. à la fin de l’article 46.7, ajouter la phrase suivante:
«Un président ou un vice-président d’une commission ayant été destitué de son mandat en application de l’article [55] ne peut être candidat à aucune fonction de président ou de vice-président d’une commission ou d’une sous-commission».
5.9. modifier l’article 47.3 comme suit:
«Une commission peut valablement délibérer et statuer lorsque le tiers de ses membres est présent; cependant, si le sixième des membres composant la commission le demandent avant le vote sur l’ensemble d’un projet d’avis, de recommandation ou de résolution, ou sur l’élection ou la destitution du président ou des vice-présidents, ce vote ne peut avoir lieu que si la majorité des membres de la commission se trouve réunie».
6. La présente résolution entrera en vigueur dès son adoption. Ses dispositions s’appliquent aux mandats en cours du Président de l’Assemblée parlementaire, des Vice-Présidents de l’Assemblée et des présidents et vice-présidents des commissions.

B. Exposé des motifs par Mme Liliane Maury Pasquier, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Lors de sa réunion du 27 avril 2017, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a adopté à l’unanimité une déclaration intitulée «Principe de confiance et devoir de responsabilité des membres dans l’exercice de leurs fonctions électives à l’Assemblée parlementaire», qu’elle a transmise au Bureau de l’Assemblée, en lui demandant de lui renvoyer cette question pour rapport. Le Bureau a pris note de la déclaration lors de sa réunion du 28 avril et, le même jour, l’Assemblée chargeait la commission de préparer un rapport sur la reconnaissance du principe de responsabilité et sa mise en œuvre.
2. La visite entreprise en Syrie les 20 et 21 mars 2017, en compagnie et sous l’égide de parlementaires russes, par le Président de l’Assemblée parlementaire, le président du groupe ADLE et le président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme – soi-disant en leur qualité de parlementaires nationaux –, au-delà des réactions indignées de nombreux membres, de plusieurs délégations et des groupes politiques, a soulevé des questionnements quant aux engagements qui s’imposent aux membres de l’Assemblée qui exercent d’importantes fonctions électives. Une demande de débat d’urgence sur l’introduction d’une procédure de destitution des membres exerçant de telles fonctions électives n’a pas recueilli, de peu, la majorité des deux tiers requise lors de l’ouverture de la partie de session d’avril 2017.
3. Aux termes de son Règlement, l’Assemblée parlementaire ne possède pas le pouvoir de «censurer» son président ni de le destituer. Il est clair que la réflexion sur la responsabilité politique et institutionnelle des «exécutifs» des assemblées, tant sur le plan national qu’international, est lacunaire. Le principe est que les parlements élisent leur président – ainsi que leurs vice-présidents – pour la durée du mandat fixé par la constitution, la législation voire le règlement interne du parlement. Pourtant, quelques parlements en Europe prévoient la possibilité de destituer leur président en cours de mandat, marquant clairement le fait que les présidents des parlements ne sont pas irresponsables.
4. Le présent rapport vise donc à clarifier la notion de responsabilité de l’exécutif parlementaire et les procédures envisageables afin que celui-ci «rende des comptes». Les réflexions doctrinales en la matière étant embryonnaires, on se référera donc, dans une perspective comparative, aux procédures de mise en jeu de la responsabilité d’autres exécutifs, notamment les chefs d’État et les membres du gouvernement. Le rapport formulera des propositions pour l’instauration d’un principe de responsabilité des membres exerçant d’importantes fonctions électives à l’Assemblée et d’une procédure sui generis de mise en jeu de cette responsabilité.

2. Responsabilité politique et responsabilité pénale

5. En premier lieu, il convient de préciser, d’un point de vue juridique, les notions susceptibles d’entrer en ligne de compte dans la réflexion de la commission. Destitution, révocation, déposition, suspension du mandat, impeachment, s’ils sont utilisés indifféremment dans le langage courant, ne sont pas pour autant synonymes et relèvent de concepts et de procédures bien distincts. Certaines de ces procédures sont politiques ou administratives (destitution, révocation 
			(2) 
			La révocation désigne l’acte unilatéral
pris par une personne ou un organe révoquant un acte antérieur,
retirant les pouvoirs accordés à une autre personne ou mettant fin
à ses fonctions ou son mandat. , recall 
			(3) 
			La procédure de recall (rappel, référendum révocatoire
ou révocation populaire) permet aux citoyens de révoquer un élu
ou de retirer son mandat à un agent public – exprimant ainsi leur
désaccord politique ou leur perte de confiance vis-à-vis de l’élu
– et de le remplacer avant le terme de son mandat. Cette procédure
est en vigueur dans 19 États des États-Unis (au niveau du législatif
et de l’exécutif des États et des administrations locales), en Colombie-Britannique
(Canada) et dans plusieurs États notamment latino-américains et
africains. En Europe, il est prévu dans 3 Länder allemands, dans 6
cantons suisses (rappel «en bloc» et non révocation individuelle),
et au Bélarus. Dans 11 des 19 États américains, il n'y a pas besoin
de présenter des motifs spécifiques. La procédure recouvre le référendum
sur la question de la révocation de l’élu ou de l’agent public,
et l’élection simultanée ou séparée du remplaçant au poste vacant. 
			(3) 
			Au
Royaume-Uni, la loi de 2015 sur la révocation des députés (Recall of MPs Act 2015) a introduit
un processus de destitution. Si une pétition de destitution est
ouverte et qu’au moins 10 % des électeurs éligibles la signent,
le siège du député concerné devient vacant. Le processus de destitution
est lancé dans trois circonstances: si un membre du parlement est
condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois ou moins (il est
tenu de libérer son siège s’il est condamné à plus d’un an d’emprisonnement);
si un membre est exclu temporairement de la Chambre des Communes
(à la suite d’un rapport de la commission des normes) durant au
moins 10 jours de séance ou 14 jours; ou si un membre est condamné
pour une infraction au titre de l’article 10 de la loi de 2009 sur
les normes parlementaires (Parliamentary Standards
Act 2009) (délit de diffusion d’informations fausses
ou mensongères pour obtenir une indemnité).), d’autres sont pénales (impeachment).
6. Toutefois, la pratique effective qui est faite de ces procédures conduit à gommer cette dichotomie: des procédures d’impeachment ne sont pas dénuées de considérations politiques; des procédures de destitution peuvent également être alimentées par un arrière-plan pénal.
7. Aussi, dans la mise sur pied d’une procédure de destitution des titulaires de mandats électifs, l’Assemblée pourra-t-elle s’inspirer des évolutions récentes du régime de responsabilité des exécutifs, autour de la notion de «responsabilité institutionnelle» ou «constitutionnelle» visant à instaurer un mécanisme de protection de la dignité de la fonction.

2.1. La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de l’État 
			(4) 
			S’agissant de la responsabilité
pénale des ministres, on peut se reporter utilement au rapport de
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) sur la relation entre responsabilité politique et responsabilité
pénale des ministres, adopté les 8-9 mars 2013 (CDL-AD(2013)001),
ainsi qu’à une synthèse des régimes existants (CDL-REF(2012)040
et CDL-REF(2012)041). 
			(4) 
			Voir également le rapport de
l’Assemblée (Doc. 13214) et la Résolution
1950 (2013) «Séparer la responsabilité politique de la responsabilité
pénale».

8. Dans les régimes présidentiels ou semi-présidentiels, reposant sur une stricte séparation des pouvoirs et un système de freins et contrepoids, le Président, qui exerce la fonction de chef de l’État, n’est pas politiquement responsable devant le parlement. De même, sa responsabilité pénale ne peut pas être engagée pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions, sauf dans des cas spécifiques et selon une procédure particulière, généralement prévue par la Constitution. Il jouit à ce titre d’un statut particulier.
9. L’impeachment («mise en accusation» ou «procédure de mise en accusation») désigne la procédure anglo-saxonne permettant au pouvoir législatif de mettre en jeu la responsabilité pénale individuelle du chef de l’État, des ministres et de tout haut fonctionnaire et de les destituer (ce qui inclut aux États-Unis le Président, le vice-président, les membres du cabinet (secrétaires) ou encore les juges fédéraux) pour avoir commis une violation de la loi ou de la Constitution. Cette procédure de destitution a pour but de permettre d'engager des poursuites judiciaires pénales à l'encontre de la personne destituée. En pratique, elle n'aboutit pas nécessairement à un tel résultat. Cette mise en accusation – aux États-Unis votée par la Chambre des représentants à la majorité simple – doit être distinguée du procès proprement dit («impeachment trial» qui doit se prononcer sur la culpabilité; aux États-Unis, il se tient devant le Sénat, la décision de culpabilité ne pouvant être acquise qu'à la majorité des deux tiers 
			(5) 
			L'article II de la
Constitution des États-Unis dispose dans sa section 4 que «Le président,
le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis
seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation
pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs». Toutes
les infractions, sauf les plus mineures, peuvent déboucher sur cette
procédure. 
			(5) 
			La Constitution brésilienne dispose, à
l’article 85 que «Sont des crimes de responsabilité les actes du
Président de la République qui portent atteinte à la Constitution
fédérale et en particulier à: I – l'existence de l'Union; II – le
libre exercice du Pouvoir législatif, du Pouvoir judiciaire, du
Ministère public et des pouvoirs constitutionnels des unités de
la Fédération; III – l'exercice des droits politiques, individuels
et sociaux; IV – la sûreté interne du pays; V – l'honnêteté dans l'administration;
VI – la loi budgétaire; VII – l'exécution des lois et des décisions
de justice» et à l’article 86 que «Si l'accusation portée contre
le Président de la République est admise par deux tiers de la Chambre
des Députés, celui-ci est jugé par le Tribunal fédéral suprême,
pour les infractions de droit commun, et par le Sénat fédéral, pour
les crimes de responsabilité.» La destitution du Président est acquise
par un vote des sénateurs à la majorité des deux tiers.), bien que dans son usage courant, dans les pays concernés, le terme désigne aussi bien la procédure dans son ensemble que la destitution à son issue. L'impeachment est destiné à mettre en cause la responsabilité pénale individuelle du Président, du titulaire d'un siège gouvernemental ou d’un haut fonctionnaire, et non sa responsabilité politique: il n'est pas assimilable à une motion de censure.
10. Dans la majorité des États européens dotés d'un régime républicain, une procédure de mise en jeu de la responsabilité pénale du Chef de l'État existe (Albanie, Allemagne, Autriche, Azerbaïdjan, Bulgarie, Croatie, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», République de Moldova, Monténégro, Pologne, Roumanie, Fédération de Russie, Serbie, République slovaque, Slovénie, République tchèque, Turquie, Ukraine).
11. La responsabilité pénale du Président de la République pour des infractions commises dans l'exercice de ses fonctions présidentielles peut être mise en cause, après que le parlement a adopté une décision de mise en accusation (Allemagne, Arménie, Autriche, Grèce, Italie, Portugal). Lorsque le parlement est bicaméral, l'accord des deux assemblées est nécessaire, sauf en Allemagne. Les textes constitutionnels définissent rarement de manière précise et exhaustive les actes dont le président pourrait être rendu responsable. Ils se bornent à des notions comme la violation de la Constitution ou l’atteinte à l'ordre constitutionnel (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Croatie, Géorgie, Grèce, Hongrie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», République de Moldova, Roumanie, République slovaque, Slovénie), la trahison ou la haute trahison (Arménie, Bélarus, Bulgarie, Chypre, Finlande, Grèce, Italie, Roumanie, Fédération de Russie, République tchèque, Ukraine), une infraction pénale grave (Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Fédération de Russie) ou un crime (Ukraine), la violation de la loi (Allemagne, Hongrie), un crime contre l’humanité (Finlande) ou encore pour conduite immorale (Irlande) 
			(6) 
			En Grèce et en Italie,
le Président de la République n'est responsable des actes accomplis
dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison ou
de violation de la Constitution. Il est alors jugé par une juridiction
ad hoc, composée en Grèce de hauts magistrats de l'ordre judiciaire
et en Italie des membres de la Cour constitutionnelle et de citoyens.
La Loi fondamentale allemande évoque les violations délibérées,
non seulement de Loi fondamentale, mais aussi des autres lois fédérales.
La Constitution fédérale autrichienne distingue deux procédures,
l'une applicable aux «violations» de son texte et l'autre aux «actes
passibles de poursuites pénales (...) en rapport avec l'exercice
de ses fonctions». La Constitution portugaise mentionne seulement
les délits commis dans l'exercice de ses fonctions sans autre précision. .
12. Dans presque tous les États, l’initiative appartient aux parlementaires: la proposition doit être présentée par un nombre minimal de parlementaires qui varie entre le cinquième (Hongrie, Irlande, Portugal), le quart (Allemagne, Bulgarie) et le tiers (Bélarus, Grèce, Fédération de Russie, Ukraine) des membres d’une assemblée. Le renvoi devant l’organe compétent est fréquemment décidé à une majorité qualifiée (deux tiers – République de Moldova, Ukraine – ou trois quarts des votants, mais la majorité simple en Arménie). La résolution de destitution du chef de l’État est prise par le parlement par un vote à la majorité qualifiée des trois-quarts (en Azerbaïdjan, Ukraine) ou des deux-tiers (Arménie, Bélarus, Irlande, République de Moldova, Fédération de Russie) 
			(7) 
			En Allemagne et en
Autriche, le président de la République est jugé par la Cour constitutionnelle,
tandis qu'au Portugal il est jugé par la juridiction suprême de
l'ordre judiciaire..
13. Les constitutions des États peuvent déterminer précisément la durée du processus de destitution du chef de l'État: deux mois (Azerbaïdjan) ou trois mois (Fédération de Russie) après la décision de mise en accusation. Si, dans ce délai, la décision de destitution n’est pas adoptée, elle est réputée rejetée.
14. Dans la majorité des cas, la procédure d'impeachment est sans conséquence directe sur les droits électoraux et autres droits politiques du chef de l'État destitué. En Autriche, toutefois, la Cour constitutionnelle peut prononcer la privation temporaire des droits politiques, s'il existe des circonstances particulièrement aggravantes. En Pologne, la juridiction spéciale compétente en la matière peut assortir la destitution de la privation temporaire de certains droits politiques (inéligibilité générale pour une période allant jusqu'à dix ans, interdiction d'occuper certaines fonctions pour la même durée et privation des décorations et des titres honoraires). En République slovaque et en République tchèque, le Président démis perd définitivement le droit d'être élu à la présidence de la République mais peut se porter candidat à toute autre élection. En Fédération de Russie, il ne peut pas se présenter à l’élection présidentielle annoncée à la suite de sa destitution.
15. À l’occasion de l’examen de l’affaire Paksas c. Lituanie 
			(8) 
			Paksas c. Lituanie, Requête no 34932/04,
arrêt du 6 janvier 2011., la Cour européenne des droits de l’homme a analysé la procédure d’impeachment du Président de la République. Dans cette affaire, le requérant a été démis de son mandat de Président par le parlement national en raison de violations graves de la Constitution. Souhaitant se porter candidat à l’élection à la présidence de la République convoquée quelques mois plus tard, il a remis à la commission électorale centrale (CEC) les signatures nécessaires pour valider son inscription. Quelques jours avant la remise des signatures, le parlement national modifia la loi sur les élections présidentielles en y introduisant une disposition interdisant à un individu qui a été démis de son mandat dans le cadre d'une procédure d'impeachment d’être élu Président de la République si moins de cinq années se sont écoulées depuis sa destitution. À la suite de cette modification de la loi, la CEC refusa d'enregistrer la candidature du requérant pour l'élection à venir. La loi en question fut examinée par la Cour constitutionnelle qui conclut que le fait de limiter l’inéligibilité à cinq ans était inconstitutionnel dans la mesure où le requérant avait perdu définitivement le droit d'être élu Président de la République au moment où l’impeachment avait été prononcé. Les recours du requérant contre la décision de la CEC de ne pas l’enregistrer ont été rejetés sur la base de la décision de la Cour constitutionnelle.
16. Au cours de l’examen de l’affaire, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la procédure d’impeachment n’est pas une contestation sur des droits ou obligations de caractère civil du requérant. Par ailleurs, «la procédure d'impeachment du Président de la République pour violation grave de la Constitution ou manquement au serment constitutionnel, la destitution et l'inéligibilité (qui en est une conséquence), répondent à la responsabilité constitutionnelle du chef de l'État». Par conséquent, la procédure de destitution n’est pas une condamnation ou l’infliction d’une peine au sens de l’article 7 de la Convention. Cela n’empêche toutefois pas que les principes de la procédure pénale et du procès équitable s’appliquent à la procédure d'impeachment 
			(9) 
			Ibid.,
paragraphe 102..

2.2. La mise en œuvre de la responsabilité politique du chef de l’État et du gouvernement

17. Dans les régimes parlementaires, il existe divers moyens ou mécanismes par lesquels le parlement exprime une position politique à l’égard du gouvernement en cherchant à engager la responsabilité du gouvernement, en montrant sa désapprobation avec la politique gouvernementale afin de le renverser ou de le contraindre à la démission 
			(10) 
			Voir
le rapport sur «Les moyens parlementaires de contrôle de l’action
gouvernementale dont les moyens d’interpellation dans l’espace francophone»,
Assemblée parlementaire de la Francophonie, juillet 2015. <a href='http://apf.francophonie.org/IMG/pdf/1a.cap-rapport_moyens_interpellation_gouvernementale.pdf'>http://apf.francophonie.org/IMG/pdf/1a.cap-rapport_moyens_interpellation_gouvernementale.pdf</a>. La motion de censure est la procédure conduite à l’initiative des parlementaires visant à mettre en jeu la responsabilité du gouvernement. Elle est strictement politique, sans portée juridictionnelle. La question de confiance est la procédure permettant au Premier ministre/ au gouvernement de chercher le soutien parlementaire sur son programme, sa politique générale, ou un projet de loi particulier. L’interpellation est une demande d’explication faite au gouvernement, ou à un ministre, sur une question donnée permettant aux parlementaires d’engager un débat et de prendre une position; dans certains pays, elle peut engager également la responsabilité du gouvernement. Les moyens d’interpellation parlementaire du gouvernement à caractère de sanction ou «interpellation-sanction» sont des moyens essentiellement de nature politique dont l’issue est sanctionnée par la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement.
18. Dans tous les États membres dans lesquels existe une procédure de motion de censure ou d’interpellation, la constitution, la législation ou le règlement du parlement établissent des conditions précises quant à l’initiative d’une telle procédure et quant aux conditions de débat et de vote de la motion 
			(11) 
			Pour
de plus amples informations, voir notamment les réponses détaillées
fournies par les parlements nationaux à plusieurs requêtes effectuées
via le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires
(CERDP): no 2673 sur les déclarations
de politique du gouvernement (2014), no 1698
sur la responsabilité des membres du gouvernement, l’information
du parlement et la procédure de contrôle du parlement (2011), no 1214
sur les motions de censure/votes de défiance et autres mesures à
la disposition du parlement pour renverser le gouvernement (2009), no 872
sur les votes parlementaires de confiance (2007)..
19. Le Parlement européen a également la compétence de voter une motion de censure visant la Commission européenne (article 119 du Règlement): une telle motion de censure doit être déposée par un dixième des membres qui composent le Parlement et être motivée. Elle est transmise à la Commission européenne. Le débat et le vote par le Parlement ont lieu au plus tard pendant la période de session qui suit le dépôt de la motion de censure. Le vote sur la motion de censure a lieu par appel nominal, 48 heures au moins après l'ouverture du débat. La censure est adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la majorité des membres qui composent le Parlement.

3. La responsabilité institutionnelle – dispositions juridiques et pratiques dans les États membres

20. Si l’Assemblée parlementaire souhaite instituer une procédure de destitution de son Président et des autres membres titulaires de mandats électifs, il lui faudra s’inspirer des procédures existantes dans les quelques parlements nationaux dont le Règlement intérieur prévoit une telle procédure de destitution. Dans le cadre du présent rapport, la commission pourra également étudier les procédures d’engagement de la responsabilité institutionnelle ou constitutionnelle du chef de l’État, qui existent dans certaines constitutions nationales, et dont elle pourrait tirer parti mutatis mutandis.
21. Il est utile de souligner, une nouvelle fois, que la mise en œuvre d’une responsabilité «institutionnelle» d’un Président de la République ou d’un président de parlement, par le biais d’une procédure de destitution, si elle revêt incontestablement une dimension politique, n’est en rien une procédure d’impeachment, et ne vise pas sa responsabilité pénale.

3.1. Procédure de destitution du président d’un parlement

22. Aux termes du Règlement de certains parlements nationaux, ainsi que du Parlement européen, il est possible de révoquer le mandat d’un président ou d’un vice-président d’Assemblée.
23. L’article 21 du Règlement du Parlement européen sur la «Cessation prématurée des fonctions» dispose que: «Statuant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, représentant au moins trois groupes politiques, la Conférence des présidents peut proposer au Parlement de mettre fin au mandat du Président, d'un vice-président, d'un questeur, du président ou d'un vice-président d'une commission, du président ou d'un vice-président d'une délégation interparlementaire ou de tout autre titulaire d'un mandat élu au sein du Parlement, si elle considère que le député en question a commis une faute grave. Le Parlement statue sur cette proposition à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés représentant la majorité des membres le composant.»
24. Le président d’un parlement a une fonction d’administration et de gestion, mais surtout de représentation: il représente le parlement dans ses relations avec les autres organes de l’État, les diverses organisations et les partenaires internationaux. Le mot «speaker», utilisé par un grand nombre de parlements, reflète bien sa fonction de porte-parole de l’institution. Un certain nombre de constitutions mentionnent l’élection par le parlement de son président mais renvoient à la loi ou au Règlement quant aux modalités de l’élection, auxquelles s’ajoutent parfois les modalités de congédiement.
25. En Ukraine, le Président de la Verkhovna Rada peut être «révoqué» en relation avec la qualité insatisfaisante de son travail, y compris dans le cas où le parlement l’a écarté de la tenue de la séance plénière au moins trois fois au cours d’une session, ou en relation avec «toutes circonstances» qui rendent impossible l’exercice de ses fonctions. La révocation peut être proposée par la commission en charge des questions réglementaires (en cas de suspension de la présidence de la séance au moins trois fois) ou par au moins un tiers de la composition constitutionnelle du parlement. Au cours de la procédure, le parlement entend le rapport du représentant des députés qui ont initié la révocation, le rapporteur sur la question, les rapporteurs de la commission d'enquête temporaire (si elle a été constituée), le bilan du président concernant ses activités. La décision est prise au scrutin public à la majorité de la composition constitutionnelle 
			(12) 
			Articles 76 et 77. .
26. Le Règlement de la Douma de la Fédération de Russie utilise le terme «congédiement du Président» de sa fonction (oосвобождение), qui nécessite une décision prise par un vote à la majorité du nombre total de députés de la Douma 
			(13) 
			Article 9.8. . Le Règlement du Conseil de la Fédération contient une disposition similaire qui, par ailleurs, fournit plus de détails sur l’initiation de la procédure qui pourrait se faire à la demande d’un cinquième des membres du nombre total de députés 
			(14) 
			Article 20.2..
27. L’Assemblée nationale de la Hongrie prévoit la destitution du président par un vote à la majorité 
			(15) 
			Article 6 de la loi
XXXVI de 2012 sur l’Assemblée nationale. . Le président de la Chambre des députés de la République tchèque peut être révoqué sur demande écrite d'au moins deux cinquièmes de tous les députés 
			(16) 
			Paragraphe 31 du Règlement. . La particularité de la procédure à la Diète polonaise (Sejm) est que la motion de révocation du Maréchal doit faire simultanément la proposition de la candidature de son remplaçant 
			(17) 
			Article 10.a du Règlement.. La demande de révocation doit être faite par 46 députés; la destitution et l’élection du nouveau Maréchal requiert, au cours d’un seul vote, la majorité absolue des suffrages d’au moins la moitié des membres statutaires du Sejm. À l’Assemblée nationale serbe, la procédure de destitution du Président suit les dispositions réglementaires applicables à son élection 
			(18) 
			Articles
30, et 8 à 13, du Règlement., à savoir une proposition écrite signée par au moins 30 parlementaires. En Lituanie, la proposition de destituer le président du Seimas doit être présentée par le Bureau, une commission ou un cinquième des membres du Seimas; la destitution pour motif de défiance est acquise au scrutin secret à la majorité des votes d’au moins la moitié des membres du Seimas; une décision sur la base d’un autre motif requiert la majorité des votes des membres présents en séance, et par vote public. Le président du Conseil national de la République slovaque peut être destitué par un vote au scrutin secret à la majorité des votes de tous les membres du parlement 
			(19) 
			Article 89 du Règlement.
Dans la pratique, un président du Conseil national a été destitué,
lorsque la coalition gouvernementale a perdu la majorité (2011).
Un autre président a démissionné avant l’expiration de son mandat,
lorsque son parti a quitté la coalition gouvernementale (2006).. Le Sénat néerlandais (Première Chambre des États généraux) peut destituer le Président s’il «ne jouit plus de la confiance du Sénat» et nommer un nouveau président 
			(20) 
			Article 7 du Règlement.. En Norvège, le parlement ne procède pas par la voie de la destitution directe, mais procède à l’élection d’un nouveau président si un cinquième des membres du parlement adressent au Président une demande écrite requérant une telle élection (la même procédure peut viser un vice-président du parlement).
28. Dans les parlements susmentionnés (à l’exception du Sénat néerlandais), la procédure de congédiement ou de destitution du président s’applique également aux vice-présidents 
			(21) 
			Le Conseil de la Fédération
de Russie prévoit par ailleurs la possibilité de congédier le vice-président
à la demande du président de la chambre (Article 20.2.2)..
29. Enfin, il n’est pas inutile de faire état d’une situation qui n’est pas sans rappeler celle à laquelle est actuellement confrontée l’Assemblée parlementaire. Au Sénégal, le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale a été modifié en 2008 afin d’instaurer une procédure de destitution du Président de l’Assemblée et des membres de son Bureau («Le Président de l’Assemblée nationale et les autres membres du Bureau sont élus pour une durée d’un an. Ils sont rééligibles. (…) Toutefois, l’Assemblée nationale peut mettre fin aux fonctions du Président ou d’un membre du Bureau par l’adoption d’une résolution à la majorité absolue. Ladite résolution est présentée par 38 députés au moins). Lors de l’adoption de ce changement, il a été expressément stipulé que ces nouvelles dispositions «s’appliquent aux mandats en cours du Président de l’Assemblée nationale et des autres membres du Bureau» 
			(22) 
			Bien que ses détracteurs
aient dénoncé cette modification réglementaire comme une manifestation
de la conception instrumentale du droit, il n’en demeure pas moins
que celle-ci est parfaitement valide sur le plan juridique: le Conseil constitutionnel
sénégalais a validé la conformité de ces dispositions à la constitution,
par une décision du 30 octobre 2008, rappelant que «le règlement
intérieur de chaque Assemblée détermine la composition, les règles
de fonctionnement du Bureau ainsi que les pouvoirs, prérogatives
et durée du mandat de son Président» et que «la loi constitutionnelle
a conféré aux deux Assemblées compétence exclusive pour déterminer
notamment la durée du mandat de leurs présidents en précisant que
ses dispositions sont rétroactives». Le 9 novembre 2008, en application
de son règlement intérieur amendé, l'Assemblée Nationale, par 112
voix contre 21, mettait fin aux fonctions de son président..

3.2. Procédure de destitution du Président de la République

30. En France, la procédure de destitution du Président de la République est prévue par la constitution (article 68) depuis 2007 et est applicable depuis la loi organique du 24 novembre 2014. Elle permet au Parlement constitué en Haute Cour de destituer le Chef de l'État «en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat». La notion de manquement manifeste avec l’exercice du mandat «englobe les actes commis ou seulement révélés pendant le mandat, en lien ou non avec les fonctions présidentielles. Ils peuvent parfaitement être dénués de tout lien avec l’exercice de ses fonctions. Le Président de la République pourrait par exemple être mis en cause pour des actes purement privés, dont la gravité les ferait apparaître comme manifestement incompatibles avec le maintien en fonction» 
			(23) 
			Voir rapport de la
commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi
organique no 3071 (rapporteur: M. Philippe
Houillon, no 3948)..
31. Avec la procédure de destitution, l'appréciation du manquement incombe clairement au parlement. Soit le Président «n’assure plus le fonctionnement régulier des pouvoirs publics» – il ne promulgue pas les lois votées au Parlement, ne convoque pas le Conseil des Ministres, bloque le fonctionnement de l'État ou utilise les pouvoirs que la constitution lui octroie de manière abusive – soit «son comportement personnel est incompatible avec la dignité de la fonction (il commet un crime, tient des propos publics inacceptables)»; «par ses actions, son comportement, le chef de l’État devient indigne d’exercer sa fonction» 
			(24) 
			Didier
Maus, articles du journal Libération du
21 octobre 2014 – <a href='http://www.liberation.fr/france/2014/10/21/bientot-on-pourra-virer-le-president-de-la-republique_1125929'>www.liberation.fr/france/2014/10/21/bientot-on-pourra-virer-le-president-de-la-republique_1125929;</a> et du magazine Challenges du 11 mai 2016: «Imaginons
par exemple que l'on découvre avec certitude que le président de
la République possède des comptes à l'étranger qu'il n'aurait pas déclarés
à l'administration française, cela pourrait entrer dans ce cadre», <a href='https://www.challenges.fr/monde/bresil-etats-unis-france-les-procedures-pour-destituer-le-president_24804'>https://www.challenges.fr/monde/bresil-etats-unis-france-les-procedures-pour-destituer-le-president_24804.</a>.
32. La procédure peut être déclenchée par l’Assemblée nationale ou par le Sénat, par une proposition de résolution demandant la réunion du Parlement en Haute Cour signée par au moins un dixième des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée, et est motivée par des motifs susceptibles de caractériser un «manquement». Elle est adoptée à la majorité des deux tiers de leurs membres. La seconde assemblée doit ensuite se prononcer dans les 15 jours. Si elle n’adopte pas cette proposition, la procédure est alors terminée. La destitution est prononcée par le Parlement, constitué en Haute Cour, présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue sur la destitution dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, à la majorité des deux tiers des membres. Sa décision est d'effet immédiat. La délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.
33. La destitution entraîne la vacance de la présidence de la République, un intérim exercé par le Président du Sénat et l’organisation, dans les trente-cinq jours au plus tard, d’une élection présidentielle anticipée. Mais s’il a commis un acte répréhensible, le Président limogé est donc privé de son immunité et redevient un citoyen ordinaire, devant répondre normalement devant la justice.
34. Il convient de relever que cette procédure, permise depuis 2014, était applicable au Président de la République en fonction. Elle a, du reste, été mise en œuvre à l’encontre du Président François Hollande en novembre 2016 (mais la proposition de résolution a été jugée irrecevable par le Bureau de l’Assemblée).

3.3. Destitution des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires

35. Plusieurs États, en Europe et dans le monde, ont établi, dans leur constitution ou par voie de législation, des procédures de destitution pour des postes ou emplois publics de la haute administration. Dans de nombreux États, les juges et les procureurs sont révocables. Par exemple, en Suisse, c’est la Commission judiciaire de l’Assemblée fédérale qui est compétente pour préparer l’élection et la révocation des juges des tribunaux fédéraux, du procureur général et des procureurs généraux suppléants de la Confédération.
36. En France, la destitution vise également certains agents à statut spécial (officiers ministériels, magistrats, fonctionnaires, maires). La révocation entraîne immédiatement la perte de la qualité de maire et elle emporte de plein droit l’inéligibilité aux fonctions de maire pendant une durée d’un an. La loi ne précise pas les motifs pouvant justifier la révocation du maire. Il ressort cependant de la jurisprudence que cette mesure, qui est une sanction administrative, ne peut être prononcée qu’en cas de faute du maire dans l’exercice de ses fonctions ou lorsque celui-ci est impliqué dans des faits, qui bien qu’étrangers à la nature de ses fonctions, entachent son autorité morale.

3.4. Destitution de titulaires de fonctions électives dans des organisations internationales

37. Le Parlement européen a la compétence de destituer le Médiateur européen (Article 221 du Règlement), à l’initiative d’un dixième des députés qui composent le Parlement européen, «au motif qu'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou qu'il a commis une faute grave». Cette demande est transmise au Médiateur et à la commission compétente qui, si elle estime, à la majorité de ses membres, que les motifs invoqués sont fondés, présente un rapport au Parlement. Le Parlement, après un débat, au cours duquel le Médiateur est entendu à sa demande, statue au scrutin secret, à la majorité simple. La moitié au moins des membres qui composent le Parlement doivent être présents.
38. Aux termes de ses Statuts, le Président de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), mais également les présidents, les vice-présidents et les membres des commissions de discipline; d’éthique; de recours; d’audit et de conformité; de gouvernance, peuvent être révoqués par le Congrès de la FIFA.

4. Proposition d’instaurer dans le Règlement de l’Assemblée une procédure de destitution des membres titulaires de fonctions électives

39. L’instauration d’un mécanisme de mise en jeu de la responsabilité du Président de l’Assemblée parlementaire résulte de son rôle actuel dans l’architecture institutionnelle de l’Assemblée. Ce rôle s’est singulièrement accru, dans la pratique, au cours des deux dernières décennies. Cette responsabilité, plus institutionnelle que personnelle ou politique, n’est dès lors que le contrepoids démocratique à la légitimité politique, l’autorité et la confiance présumées dans le Président. La mettre en jeu par des mécanismes permettant de sanctionner, de manière très circonscrite, les manquements à ses obligations constitue une nécessité qui puise sa légitimité dans la nécessité de promouvoir le fonctionnement démocratique de l’institution parlementaire, et de donner une réalité à l’obligation de rendre des comptes.

4.1. Rappel: la procédure de contestation des pouvoirs est inapplicable aux cas individuels et ne permet pas d’engager la responsabilité de membres exerçant des fonctions électives

40. L’article 7 du Règlement permet de contester les pouvoirs aussi bien d’une délégation que d’un membre individuel. Une distinction est toutefois clairement opérée selon que la contestation des pouvoirs repose sur des motifs techniques – formels (article 7) – ou sur des motifs politiques – substantiels (articles 8 et 9). Il a ainsi été établi que, s’agissant de motifs politiques, seuls les pouvoirs d’une délégation entière pouvaient être contestés, et que la procédure prévue aux articles 8 et 9 était seule applicable. Cela signifie que la contestation des pouvoirs de membres individuels ne peut être effectuée que pour des raisons formelles (article 7.1), et plus spécifiquement sur la seule base de l’absence de déclaration solennelle (article 7.1.c), toute autre raison formelle étant inopérante dans les cas individuels.
41. C’est à l’occasion d’une demande de contestation des pouvoirs de deux des membres de l’Assemblée, en janvier 2013, qu’étaient clairement apparues les limites du Règlement. La commission du Règlement avait alors conclu que «le libellé actuel de l’article 7.1.c ne permet pas de contester les pouvoirs d’un membre individuel de manière effective, en particulier s’agissant de sanctionner un membre du fait de ses actions ou de ses déclarations lorsque celles-ci sont gravement contraires et portent atteinte de manière persistante aux principes et valeurs défendus par le Conseil de l'Europe». En pratique, seul le refus d’un membre de signer une déclaration solennelle l’exposerait à voir ses pouvoirs contestés à titre individuel.
42. La commission du Règlement avait, depuis, examiné la possibilité de modifier l’article 7 du Règlement et de séparer la procédure de contestation de pouvoirs d’un membre à titre individuel – qui serait fondée sur l’existence d’actions ou de déclarations violant de manière grave et persistante les objectifs et les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe – de celle relative à la contestation de pouvoirs pour des raisons formelles d’une délégation dans son ensemble. Lors de sa réunion du 15 mai 2014, à une courte majorité, la commission du Règlement avait décidé de ne pas proposer d’instaurer dans le Règlement une telle procédure.

4.2. L’instauration d’une procédure de révocation des mandats électifs

43. La notion de responsabilité implique une obligation de «rendre des comptes». Ainsi que le mentionne l’Union interparlementaire dans son guide des bonnes pratiques «Parlement et démocratie au vingt-et-unième siècle» (2006), «l'obligation de rendre compte des titulaires de hautes fonctions publiques ou de postes importants est aujourd'hui considérée comme une condition fondamentale de la vie publique en démocratie» et elle intègre l'obligation faite au Parlement et à ses membres de rendre compte à leurs mandants. Cette «reddition de comptes» comporte l’obligation des représentants d'informer de leurs activités et celle de répondre aux questions qui leur sont adressées à la lumière de cette information. Cette logique doit naturellement prévaloir dans les relations entre les membres de l’Assemblée parlementaire et les titulaires de mandats électifs.

4.2.1. Les mandats concernés

44. Par fonctions électives, on entend toute fonction à l’Assemblée pourvue par la voie de l’élection et confiée à son titulaire par les membres de l’Assemblée afin qu’il ou elle agisse en leur nom, dans le cadre réglementaire défini, pour une durée déterminée. Sont donc concernés par la procédure envisagée, le Président de l’Assemblée parlementaire, les Vice-Présidents de l’Assemblée, ainsi que les présidents et vice-présidents des commissions.
45. Bien qu’étant également titulaires de mandats électifs, il convient d’exclure du dispositif envisagé les présidents et vice-présidents des sous-commissions, dans la mesure où les sous-commissions ne possèdent aucun pouvoir décisionnel (article 49.8).
46. Les rapporteurs constituent un cas particulier et ne doivent pas davantage être intégrés dans le dispositif. En effet, les rapporteurs sont tenus d’observer les règles fixées par le code de conduite des rapporteurs de l’Assemblée (article 50.1 du Règlement). En cas de violation des dispositions de ce code et de «non-respect d’un ou plusieurs engagements, la commission [concernée] peut démettre le rapporteur de ses fonctions et le remplacer» (paragraphe 3). Les rapporteurs de surcroît ne sont pas «élus» mais désignés (le cas échéant au scrutin secret) par la commission au nom de laquelle ils rapportent.

4.2.2. Le principe de l’autonomie parlementaire

47. En vertu du principe de l’autonomie parlementaire – expression de la séparation des pouvoirs –, les parlements ont la compétence exclusive dans la détermination des règles fixant leur organisation interne, leur fonctionnement, les procédures mettant en œuvre leurs compétences constitutionnelles, ainsi que les règles régissant la discipline de leurs membres.
48. De même que ce principe de l’autonomie du parlement est fixé dans les constitutions nationales (en règle générale), c’est l’article 28.a du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1) qui établit le principe de la souveraineté de l’Assemblée parlementaire dans la détermination de ses règles de fonctionnement («L’Assemblée Consultative (Parlementaire) adopte son Règlement intérieur»). Et de même que les dispositions des règlements des parlements nationaux sont tenues d’être conformes à la constitution du pays, le Règlement de l’Assemblée parlementaire doit, quant à lui, se conformer au Statut du Conseil de l'Europe.
49. Le Règlement, c’est la loi intérieure de chaque parlement, fixée par lui-même; la validité des règles qu’il édicte est limitée à leur objet interne. Dans les parlements nationaux 
			(25) 
			Par exemple, en France,
le Règlement de l’Assemblée nationale est adopté et modifié par
une résolution de l’Assemblée. Il s’agit d’un acte interne, une
«mesure d’ordre intérieur», qui n’a ni valeur constitutionnelle,
ni valeur législative mais qui doit être conforme à la Constitution
et aux lois organiques prises pour son application. Un amendement
au Règlement pourrait être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. 
			(25) 
			Les
Règlements des deux chambres de l’Assemblée fédérale de la Russie
sont adoptés par des arrêtés qui sont des actes infra législatifs.
Il en est de même pour la Diète polonaise (résolution) et l’Assemblée
nationale serbe (décision). 
			(25) 
			En Ukraine, le Règlement
de la Verkhovna Rada est modifié par des lois adoptées suivant la
procédure législative ordinaire. Les Règlements sont également adoptés
par la voie législative en Lettonie, Estonie, République tchèque
et République slovaque, par exemple., comme à l’Assemblée parlementaire (article 68 du Règlement), l’initiative de modifier le Règlement appartient aux seuls parlementaires en vertu du principe d’autonomie des assemblées. L’Assemblée a donc la libre initiative de modifier son Règlement et d’instaurer toute nouvelle procédure, dans le respect des procédures prévues à cette fin.

4.2.3. La procédure de destitution du Président et des Vice-Présidents de l’Assemblée

50. Concrètement, il convient d’arrêter les modalités précises de la procédure de destitution des titulaires de fonctions électives à l’Assemblée, à tous les stades de celle-ci. En premier lieu, il y aurait lieu de prévoir deux procédures distinctes, l’une de destitution du Président et des Vice-Présidents de l’Assemblée, l’autre de destitution des présidents et vice-présidents des commissions.
51. S’agissant de la procédure de destitution du Président et des Vice-Présidents de l’Assemblée, la commission devra clarifier les points suivants – également par référence aux procédures existantes dans les parlements (chapitre 3.1):
  • l’initiative: qui initie une telle demande? quel est le nombre minimal requis pour initier la demande? quelles raisons doivent motiver la demande? sous quelle forme est présentée la demande?
  • l’examen préalable de la demande: faut-il une procédure simple et directe avec débat immédiat en plénière suivi d’un vote de l’Assemblée sans délai, ou une procédure plus complète (renvoi au Bureau et/ou à la commission compétente pour examen de la recevabilité, préparation d’un rapport de la commission compétente, respect des délais de distribution du rapport)?
  • les conditions de débat et de vote de la proposition: faut-il un débat en séance plénière qui suive la procédure «normale» ou au contraire une procédure «ad hoc»? La décision doit-elle être par vote électronique ou au scrutin secret? à quelle majorité la décision est-elle acquise: majorité des suffrages exprimés ou majorité renforcée?
52. S’agissant des conditions de recevabilité de la demande de destitution, on aura en mémoire les modalités qui régissent les demandes de contestation des pouvoirs d’une délégation nationale (l’article 9 du Règlement dispose qu’«une proposition de résolution visant à annuler la ratification doit être déposée par au moins cinquante représentants ou suppléants, appartenant à deux groupes politiques et à cinq délégations nationales au moins»). La procédure de destitution étant exceptionnelle et d’une importance majeure, on pourra également retenir des modalités renforcées: la demande pourrait reposer sur une base plus large et être présentée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée (soit à l’heure actuelle 65 membres, qu’ils soient représentants ou suppléants), appartenant à au moins trois groupes politiques et dix délégations nationales. Il va de soi qu’il convient de prévoir une disposition additionnelle spécifique afin d’éviter la multiplication de telles procédures dans le temps, notamment de mêmes initiatives à l’encontre d’un même membre.
53. S’agissant de la forme de la demande de destitution, toute demande pourrait être soumise par proposition écrite, présentée dans les deux langues officielles, signée par les membres qui la soutiennent et publiée comme document officiel de l’Assemblée (article 24.2.c)
54. S’agissant des motifs qui fondent la demande de destitution, il est proposé de retenir les motivations suivantes, comme fondant la rupture du lien de confiance:
  • le manquement aux devoirs de la fonction;
  • l’inconduite de nature à jeter le discrédit sur la fonction; l’implication dans des faits qui entache son autorité morale;
  • la faute grave;
  • la violation de manière grave ou répétée des principes et règles du code de conduite des membres de l’Assemblée;
  • la non adhésion ou le non-respect des objectifs et principes fondamentaux du Conseil de l'Europe (article 6.2.b).
55. S’agissant de la procédure d’examen de la demande, la commission pourrait proposer deux procédures alternatives:
  • une procédure à étapes: transmission de la proposition de destitution à la commission du Règlement, pour avis quant à la recevabilité de la demande, notamment sous l’angle de sa motivation; l’avis est approuvé dans les 24 heures de la saisine (si celle-ci intervient au cours d’une partie de session de l’Assemblée, ou, dans le cas contraire, lors de la réunion qui suit immédiatement le renvoi); le débat en séance plénière et le vote de l’Assemblée ont lieu dans les 24 heures suivant l’approbation de l’avis;
  • une procédure rapide et directe: soumission immédiate de la proposition de destitution pour débat en séance plénière et vote de l’Assemblée dans les 24 heures suivant sa publication (lorsque celle-ci intervient au courant d’une partie de session, ou, dans le cas contraire, à l’ouverture de la partie de session qui suit immédiatement sa publication); cette procédure requerrait des conditions renforcées quant au nombre et à la qualité de ses initiateurs.
56. Il est proposé de tenir un débat limité à l’intervention du premier signataire de la proposition de destitution, du président de la commission du Règlement (si la première procédure est privilégiée), du président de chaque groupe politique (ou de son représentant) ainsi que du Président ou du Vice-Président de l’Assemblée concerné. La proposition soumise au vote ne peut être amendée.
57. S’agissant du vote proprement dit, il est proposé de privilégier l’exigence de transparence et de ne pas voter au scrutin secret (article 40.11 du Règlement mutatis mutandis) mais par vote électronique – et que les votes individuels soient rendus publics (article 40.5) –, dans le respect de la règle du quorum. Il importe toutefois à la commission de trancher la question du nombre de voix requises pour valider la procédure, la majorité des deux tiers étant à l’heure actuelle la règle pour les décisions importantes à l’Assemblée (article 41).

4.2.4. La procédure de destitution des présidents et des vice-présidents des commissions

58. Il va de soi que la procédure envisagée au niveau de l’Assemblée plénière pour la destitution d’un Président ou d’un Vice-Président de l’Assemblée doit être adaptée aux commissions, tant en ce qui concerne l’initiation de la procédure (une proposition écrite signée par un tiers des membres titulaires de la commission, appartenant à trois groupes politiques et cinq délégations nationales). La proposition est adressée au président de la commission et inscrite de droit à l’ordre du jour de la réunion suivant son dépôt auprès du secrétariat de la commission. Les modalités de débat au sein de la commission pourraient sans doute être plus flexibles que celles prévues en Assemblée plénière, le débat en commission pouvant être immédiatement suivi du vote. En revanche, les modalités de vote de la destitution d’un président ou d’un vice-président de commission doivent être similaires à celles qui régissent la destitution du Président ou d’un Vice-Président de l’Assemblée (quorum, vote transparent, majorité des deux tiers).

4.3. Conséquences – La vacance du mandat

59. La révocation du mandat de Président ou de Vice-Président de l’Assemblée ou de président ou vice-président de commission n’emporte pas de conséquence sur leur qualité de membre de l’Assemblée (conformément à l’article 25 du Statut du Conseil de l'Europe et aux articles 6 et 11 du Règlement). Toutefois, il serait souhaitable d’envisager des mesures complémentaires qui pourraient s’appliquer d’office dès lors qu’une décision de destitution est prise par l’Assemblée. Il devrait ainsi être expressément stipulé dans le Règlement que le Président de l’Assemblée destitué ne saurait se prévaloir du bénéfice de l’article 20.3 et siéger, en tant que «Président sortant» comme membre de droit de la commission des questions politiques et de la démocratie, de la commission de suivi et de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. Il ne devrait pas davantage bénéficier du titre de Président honoraire de l’Assemblée parlementaire ni, le cas échéant, selon l’appréciation qui est portée sur la gravité des faits qui ont motivé la demande de destitution, du titre d’associé honoraire de l’Assemblée parlementaire. Des mesures similaires s’imposent pour les vice-présidents.
60. La destitution du titulaire d’une fonction élective à l’Assemblée entraîne la vacance de la fonction et l’obligation pour l’Assemblée, ou la commission concernée, de procéder à de nouvelles élections, conformément aux dispositions existantes du Règlement. Il va de soi que les membres destitués ne peuvent être candidats, ni immédiatement, ni par la suite, à ces fonctions.
61. Par ailleurs, la situation dans laquelle l’Assemblée s’est trouvée lors de la partie de session d’avril et depuis, s’agissant de l’impossibilité de son Président d’assurer tout ou partie de ses fonctions notamment de présidence des séances et des réunions du Bureau, met en exergue une lacune de son Règlement: en effet, celui-ci ne couvre pas toutes les situations de vacance dans l’exercice du mandat présidentiel, et en particulier il ne prévoit pas le cas de l’empêchement. Les règlements d’autres assemblées interparlementaires et des parlements nationaux sont, sur cette question, libellés de manière plus complète. Il convient, dans le cadre du présent rapport, de compléter l’article 15.5 du Règlement, afin de clarifier le dispositif actuel en cas de vacance de la fonction présidentielle, qui est complexe, et d’y introduire une clause chargeant automatiquement le doyen des vice-présidents d’occuper la fonction en cas de vacance ou d’empêchement.

4.4. Le respect du principe de sécurité juridique

62. Ainsi que le rappelle la Commission de Venise 
			(26) 
			Liste
des critères de l’État de droit, Etude no 711
/ 2013 (CDL-AD(2016)007) adoptée par la Commission de Venise les
11-12 mars 2016., le principe général de sécurité juridique suppose que «la loi» soit rédigée de façon intelligible et que ses effets soient prévisibles («l’impératif de prévisibilité signifie non seulement que la loi doit si possible recevoir la publicité nécessaire avant d’être promulguée et ses effets être prévisibles, mais aussi que sa formulation doit être suffisamment précise et claire pour permettre aux sujets de droit de régler leur conduite conformément à ses règles»; «un nouveau texte législatif doit préciser clairement s’il abroge ou modifie un texte antérieur» 
			(27) 
			«Le degré de prévisibilité
nécessaire dépend toutefois de la nature du texte. La prévisibilité
est en particulier essentielle en droit pénal. (…) pourtant, l’État
de droit n’en interdit pas moins de passer outre l’impératif de
prévisibilité» (paragraphe 59).), qu’elle donne lieu à un débat public, et que son application soit cohérente. Sur la question de la rétroactivité, la Commission de Venise précise qu’«une personne doit connaître par avance les conséquences de ses actes. La législation doit donc être prévisible et le droit, spécialement le droit pénal, non rétroactif. (…) Cependant, en dehors du droit pénal, la restriction rétroactive de droits de l’individu ou la création de nouvelles obligations peuvent être admissibles, mais uniquement dans l’intérêt public et dans le respect du principe de proportionnalité.»
63. Ce principe de sécurité juridique doit naturellement inspirer les propositions qui seront soumises à l’Assemblée dans le cadre du présent rapport. Il est notamment clair que le projet de résolution présenté doit établir dans le détail la procédure proposée ainsi que la date de l’entrée en vigueur de la modification ainsi apportée au Règlement de l’Assemblée 
			(28) 
			Par
exemple, le Règlement de la Douma russe prévoit que le Règlement
et ses modifications entrent en vigueur le jour de leur adoption,
à moins que la chambre en décide autrement (Article 217 du Règlement).
En l’absence de dispositions spéciales et si le parlement ne détermine
pas une date fixe pour son entrée en vigueur, la modification d’un Règlement,
adoptée par la voie législative, entre en vigueur selon la procédure
prévue d’ordinaire pour les lois nationales (après sa publication). . Il doit également formellement mentionner le fait que cette nouvelle procédure sera applicable aux mandats en cours 
			(29) 
			Le parlement peut décider
de mesures transitoires s’agissant de la mise en œuvre de nouvelles
procédures, par exemple concernant l’enregistrement des groupes
politiques ou les modalités de la nomination à certains postes ou fonctions.
Par exemple, le Règlement de l’Assemblée nationale de Slovénie a
explicitement prévu en 2002 que les nouvelles dispositions concernant
le Secrétaire Général et le Directeur des services juridiques s’appliqueraient
après la fin du mandat des titulaires en cours. .
64. Il convient ici de rappeler que, juridiquement, on ne peut pas parler de rétroactivité de cette nouvelle procédure, si elle était adoptée. La rétroactivité est l’effet que peut avoir une loi ou un règlement de s’appliquer à des faits et actes juridiques antérieurs à son entrée en vigueur 
			(30) 
			Les
modifications du Règlement ne doivent pas remettre en cause les
droits acquis ou avoir pour objectif d’influencer une procédure
en cours dans le but d’influer sur ses résultats. Ainsi, la modification
du Règlement de la Chambre des députés tchèque entreprise en 2002
prévoyait que «tout acte ayant le caractère d'une infraction commise
par un député ou un sénateur avant la date d'entrée en vigueur de
la présente loi doit être pris en considération conformément aux dispositions
légales antérieures.». Dans l’arrêt Paksas
c. Lituanie précité, la Cour européenne des droits de
l’homme précisait que, «pour autant qu'elle implique [l’inéligibilité
de M. Paskas] à un mandat parlementaire, cette règle n'a pas été appliquée
rétroactivement en la cause du requérant. De fait, les premières
élections législatives qui lui furent ainsi fermées se sont déroulées
en octobre 2004, soit bien après l'adoption de la décision et de
la loi susmentionnées».. Le principe de non-rétroactivité n'empêche pas qu'un texte réglementaire attache des effets futurs à une situation passée. «Nul titulaire d’une fonction élective ne peut prétendre avoir acquis des droits qui lui seraient personnels. Il a simplement accédé au statut applicable à la fonction pour laquelle il a été choisi, et ce statut peut à tout moment évoluer, dès lors qu’il le fait selon les formes et conditions prescrites» 
			(31) 
			Guy Carcassonne, professeur
de droit constitutionnel, dans un avis de 2010 portant sur la limitation
du nombre des mandats du Président de la République et l’application
de cette nouvelle disposition au titulaire de la fonction, ajoutant
que «Ici, en effet, il n’y a nulle rétroactivité mais seulement
application de la loi dans le temps (…). S’il prenait demain la fantaisie
au constituant de supprimer le poste de Président de la République,
par exemple pour le remplacer par un organe collégial (comme c’est
le cas en Suisse), celui en exercice ne saurait prétendre demeurer
en fonction pour cela seul qu’il avait été élu pour un mandat, de
sept ou cinq ans, et disposerait de ce fait d’un droit à le mener
à son terme. Ce serait là une conception patrimoniale de la fonction,
qui n’aurait ni fondement ni justification.»: il est l’occupant d’une fonction, pas le propriétaire. L'exercice du pouvoir réglementaire implique en effet pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante 
			(32) 
			En France,
le principe de non-rétroactivité ne s'applique qu’à des mesures
pénales (non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère qui revêt
une valeur constitutionnelle – voir également l’article 7 de la
Convention européenne des droits de l'homme). Il n'est en règle
générale pas opposable à la loi, qui peut autoriser l'application
d'une réglementation nouvelle aux situations en cours, y compris
aux situations contractuelles. Les conséquences futures de la situation
donnée seront soumises à la loi nouvelle (effet immédiat de la loi
nouvelle)..
65. On relèvera du reste, à titre d’exemple, que la Commission de Venise, dans ses différents avis très critiques portant sur des réformes constitutionnelles entreprises par certains États et ayant visé à abroger la limite du nombre de mandats présidentiels consécutifs 
			(33) 
			Avis n° 518 /2008 sur le projet d’amendements à la constitution
de la République d’Azerbaïdjan (CDL-AD(2009)010) adopté par la Commission
de Venise les 13-14 mars 2009; Avis
n° 314 / 2004 sur le référendum du 17 octobre 2004 en Bélarus
(CDL-AD(2004)029) adopté les 8 et 9 octobre 2004., n’a jamais considéré qu’une telle abrogation et l’application subséquente de cette mesure au titulaire de la fonction violait un quelconque principe juridique de «non rétroactivité» (la prolongation du mandat des Présidents concernés constituant bien naturellement la justification première de telles révisions).
66. Par conséquent, si l’Assemblée parlementaire devait modifier son Règlement et instituer une nouvelle procédure de destitution des membres exerçant des fonctions électives, cette procédure pourra être d’application immédiate et, si elle le décide ainsi, s’appliquer aux titulaires actuels des fonctions.

5. Propositions de modifications du Règlement

67. L’article 28.a du Statut du Conseil de l'Europe établit le principe de la souveraineté de l’Assemblée parlementaire dans la détermination des règles de son fonctionnement: «L’Assemblée Consultative (Parlementaire) adopte son Règlement intérieur», étant précisé que «Le Règlement intérieur fixe notamment (…) ii. la procédure d’élection et la durée des fonctions du Président et des autres membres du Bureau (…)» (article 28.c).
68. En conséquence, la commission du Règlement entend proposer à l’Assemblée de modifier son Règlement en instaurant une procédure de destitution du Président et des Vice-Présidents de l’Assemblée, d’une part, et d’autre part, une procédure de destitution des présidents et des vice-présidents des commissions (voir chapitres 4.2.3 et 4.2.4).
69. Enfin, ainsi que cela a été exposé plus haut (chapitre 4.4), et conformément au principe de la souveraineté des parlements dans la détermination de leur organisation et mode de fonctionnement, l’Assemblée peut librement déterminer la date de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Il est donc proposé que la résolution entre en vigueur dès son adoption et que ses dispositions s’appliquent aux mandats en cours du Président de l’Assemblée parlementaire, des Vice-Présidents et des présidents et vice-présidents des commissions.