1. Introduction
1. Lors de sa réunion du 27 avril
2017, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
a adopté à l’unanimité une
déclaration intitulée «Principe de confiance et devoir de responsabilité
des membres dans l’exercice de leurs fonctions électives à l’Assemblée
parlementaire», qu’elle a transmise au Bureau de l’Assemblée, en
lui demandant de lui renvoyer cette question pour rapport. Le Bureau
a pris note de la déclaration lors de sa réunion du 28 avril et,
le même jour, l’Assemblée chargeait la commission de préparer un
rapport sur la reconnaissance du principe de responsabilité et sa
mise en œuvre.
2. La visite entreprise en Syrie les 20 et 21 mars 2017, en compagnie
et sous l’égide de parlementaires russes, par le Président de l’Assemblée
parlementaire, le président du groupe ADLE et le président de la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme – soi-disant en
leur qualité de parlementaires nationaux –, au-delà des réactions
indignées de nombreux membres, de plusieurs délégations et des groupes politiques,
a soulevé des questionnements quant aux engagements qui s’imposent
aux membres de l’Assemblée qui exercent d’importantes fonctions
électives. Une demande de débat d’urgence sur l’introduction d’une
procédure de destitution des membres exerçant de telles fonctions
électives n’a pas recueilli, de peu, la majorité des deux tiers
requise lors de l’ouverture de la partie de session d’avril 2017.
3. Aux termes de son Règlement, l’Assemblée parlementaire ne
possède pas le pouvoir de «censurer» son président ni de le destituer.
Il est clair que la réflexion sur la responsabilité politique et
institutionnelle des «exécutifs» des assemblées, tant sur le plan
national qu’international, est lacunaire. Le principe est que les parlements
élisent leur président – ainsi que leurs vice-présidents – pour
la durée du mandat fixé par la constitution, la législation voire
le règlement interne du parlement. Pourtant, quelques parlements
en Europe prévoient la possibilité de destituer leur président en
cours de mandat, marquant clairement le fait que les présidents
des parlements ne sont pas irresponsables.
4. Le présent rapport vise donc à clarifier la notion de responsabilité
de l’exécutif parlementaire et les procédures envisageables afin
que celui-ci «rende des comptes». Les réflexions doctrinales en
la matière étant embryonnaires, on se référera donc, dans une perspective
comparative, aux procédures de mise en jeu de la responsabilité
d’autres exécutifs, notamment les chefs d’État et les membres du
gouvernement. Le rapport formulera des propositions pour l’instauration
d’un principe de responsabilité des membres exerçant d’importantes
fonctions électives à l’Assemblée et d’une procédure sui generis de mise en jeu de cette responsabilité.
2. Responsabilité politique et responsabilité
pénale
5. En premier lieu, il convient
de préciser, d’un point de vue juridique, les notions susceptibles
d’entrer en ligne de compte dans la réflexion de la commission.
Destitution, révocation, déposition, suspension du mandat,
impeachment, s’ils sont utilisés
indifféremment dans le langage courant, ne sont pas pour autant
synonymes et relèvent de concepts et de procédures bien distincts.
Certaines de ces procédures sont politiques ou administratives (destitution,
révocation
,
recall ),
d’autres sont pénales (
impeachment).
6. Toutefois, la pratique effective qui est faite de ces procédures
conduit à gommer cette dichotomie: des procédures d’impeachment ne sont pas dénuées
de considérations politiques; des procédures de destitution peuvent
également être alimentées par un arrière-plan pénal.
7. Aussi, dans la mise sur pied d’une procédure de destitution
des titulaires de mandats électifs, l’Assemblée pourra-t-elle s’inspirer
des évolutions récentes du régime de responsabilité des exécutifs,
autour de la notion de «responsabilité institutionnelle» ou «constitutionnelle»
visant à instaurer un mécanisme de protection de la dignité de la
fonction.
2.1. La
mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de l’État
8. Dans les régimes présidentiels
ou semi-présidentiels, reposant sur une stricte séparation des pouvoirs et
un système de freins et contrepoids, le Président, qui exerce la
fonction de chef de l’État, n’est pas politiquement responsable
devant le parlement. De même, sa responsabilité pénale ne peut pas
être engagée pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions,
sauf dans des cas spécifiques et selon une procédure particulière,
généralement prévue par la Constitution. Il jouit à ce titre d’un
statut particulier.
9. L’
impeachment («mise
en accusation» ou «procédure de mise en accusation») désigne la
procédure anglo-saxonne permettant au pouvoir législatif de mettre
en jeu la responsabilité pénale individuelle du chef de l’État,
des ministres et de tout haut fonctionnaire et de les destituer
(ce qui inclut aux États-Unis le Président, le vice-président, les
membres du cabinet (secrétaires) ou encore les juges fédéraux) pour
avoir commis une violation de la loi ou de la Constitution. Cette
procédure de destitution a pour but de permettre d'engager des poursuites
judiciaires pénales à l'encontre de la personne destituée. En pratique,
elle n'aboutit pas nécessairement à un tel résultat. Cette mise
en accusation – aux États-Unis votée par la Chambre des représentants
à la majorité simple – doit être distinguée du procès proprement
dit («
impeachment trial» qui
doit se prononcer sur la culpabilité; aux États-Unis, il se tient
devant le Sénat, la décision de culpabilité ne pouvant être acquise
qu'à la majorité des deux tiers
),
bien que dans son usage courant, dans les pays concernés, le terme
désigne aussi bien la procédure dans son ensemble que la destitution
à son issue. L'
impeachment est destiné
à mettre en cause la responsabilité pénale individuelle du Président,
du titulaire d'un siège gouvernemental ou d’un haut fonctionnaire,
et non sa responsabilité politique: il n'est pas assimilable à une motion
de censure.
10. Dans la majorité des États européens dotés d'un régime républicain,
une procédure de mise en jeu de la responsabilité pénale du Chef
de l'État existe (Albanie, Allemagne, Autriche, Azerbaïdjan, Bulgarie,
Croatie, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», République de Moldova, Monténégro, Pologne,
Roumanie, Fédération de Russie, Serbie, République slovaque, Slovénie, République
tchèque, Turquie, Ukraine).
11. La responsabilité pénale du Président de la République pour
des infractions commises dans l'exercice de ses fonctions présidentielles
peut être mise en cause, après que le parlement a adopté une décision
de mise en accusation (Allemagne, Arménie, Autriche, Grèce, Italie,
Portugal). Lorsque le parlement est bicaméral, l'accord des deux
assemblées est nécessaire, sauf en Allemagne. Les textes constitutionnels définissent
rarement de manière précise et exhaustive les actes dont le président
pourrait être rendu responsable. Ils se bornent à des notions comme
la violation de la Constitution ou l’atteinte à l'ordre constitutionnel
(Allemagne, Autriche, Bulgarie, Croatie, Géorgie, Grèce, Hongrie,
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», République de Moldova,
Roumanie, République slovaque, Slovénie), la trahison ou la haute trahison
(Arménie, Bélarus, Bulgarie, Chypre, Finlande, Grèce, Italie, Roumanie,
Fédération de Russie, République tchèque, Ukraine), une infraction
pénale grave (Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Fédération de Russie)
ou un crime (Ukraine), la violation de la loi (Allemagne, Hongrie),
un crime contre l’humanité (Finlande) ou encore pour conduite immorale
(Irlande)
.
12. Dans presque tous les États, l’initiative appartient aux parlementaires:
la proposition doit être présentée par un nombre minimal de parlementaires
qui varie entre le cinquième (Hongrie, Irlande, Portugal), le quart (Allemagne,
Bulgarie) et le tiers (Bélarus, Grèce, Fédération de Russie, Ukraine)
des membres d’une assemblée. Le renvoi devant l’organe compétent
est fréquemment décidé à une majorité qualifiée (deux tiers – République
de Moldova, Ukraine – ou trois quarts des votants, mais la majorité
simple en Arménie). La résolution de destitution du chef de l’État
est prise par le parlement par un vote à la majorité qualifiée des
trois-quarts (en Azerbaïdjan, Ukraine) ou des deux-tiers (Arménie,
Bélarus, Irlande, République de Moldova, Fédération de Russie)
.
13. Les constitutions des États peuvent déterminer précisément
la durée du processus de destitution du chef de l'État: deux mois
(Azerbaïdjan) ou trois mois (Fédération de Russie) après la décision
de mise en accusation. Si, dans ce délai, la décision de destitution
n’est pas adoptée, elle est réputée rejetée.
14. Dans la majorité des cas, la procédure d'impeachment est sans conséquence
directe sur les droits électoraux et autres droits politiques du
chef de l'État destitué. En Autriche, toutefois, la Cour constitutionnelle peut
prononcer la privation temporaire des droits politiques, s'il existe
des circonstances particulièrement aggravantes. En Pologne, la juridiction
spéciale compétente en la matière peut assortir la destitution de
la privation temporaire de certains droits politiques (inéligibilité
générale pour une période allant jusqu'à dix ans, interdiction d'occuper
certaines fonctions pour la même durée et privation des décorations
et des titres honoraires). En République slovaque et en République
tchèque, le Président démis perd définitivement le droit d'être
élu à la présidence de la République mais peut se porter candidat
à toute autre élection. En Fédération de Russie, il ne peut pas
se présenter à l’élection présidentielle annoncée à la suite de
sa destitution.
15. À l’occasion de l’examen de l’affaire
Paksas
c. Lituanie , la Cour européenne
des droits de l’homme a analysé la procédure d’
impeachment du Président de la République.
Dans cette affaire, le requérant a été démis de son mandat de Président
par le parlement national en raison de violations graves de la Constitution. Souhaitant
se porter candidat à l’élection à la présidence de la République
convoquée quelques mois plus tard, il a remis à la commission électorale
centrale (CEC) les signatures nécessaires pour valider son inscription. Quelques
jours avant la remise des signatures, le parlement national modifia
la loi sur les élections présidentielles en y introduisant une disposition
interdisant à un individu qui a été démis de son mandat dans le
cadre d'une procédure d'
impeachment d’être
élu Président de la République si moins de cinq années se sont écoulées
depuis sa destitution. À la suite de cette modification de la loi,
la CEC refusa d'enregistrer la candidature du requérant pour l'élection
à venir. La loi en question fut examinée par la Cour constitutionnelle qui
conclut que le fait de limiter l’inéligibilité à cinq ans était
inconstitutionnel dans la mesure où le requérant avait perdu définitivement
le droit d'être élu Président de la République au moment où l’
impeachment avait été prononcé.
Les recours du requérant contre la décision de la CEC de ne pas
l’enregistrer ont été rejetés sur la base de la décision de la Cour
constitutionnelle.
16. Au cours de l’examen de l’affaire, la Cour européenne des
droits de l’homme a conclu que la procédure d’
impeachment n’est
pas une contestation sur des droits ou obligations de caractère
civil du requérant. Par ailleurs, «la procédure d'impeachment du
Président de la République pour violation grave de la Constitution ou
manquement au serment constitutionnel, la destitution et l'inéligibilité
(qui en est une conséquence), répondent à la responsabilité constitutionnelle
du chef de l'État». Par conséquent, la procédure de destitution n’est
pas une condamnation ou l’infliction d’une peine au sens de l’article
7 de la Convention. Cela n’empêche toutefois pas que les principes
de la procédure pénale et du procès équitable s’appliquent à la
procédure
d'impeachment .
2.2. La
mise en œuvre de la responsabilité politique du chef de l’État et
du gouvernement
17. Dans les régimes parlementaires,
il existe divers moyens ou mécanismes par lesquels le parlement exprime
une position politique à l’égard du gouvernement en cherchant à
engager la responsabilité du gouvernement, en montrant sa désapprobation
avec la politique gouvernementale afin de le renverser ou de le
contraindre à la démission
. La
motion
de censure est la procédure conduite à l’initiative des
parlementaires visant à mettre en jeu la responsabilité du gouvernement.
Elle est strictement politique, sans portée juridictionnelle. La
question de confiance est la procédure
permettant au Premier ministre/ au gouvernement de chercher le soutien
parlementaire sur son programme, sa politique générale, ou un projet
de loi particulier. L’
interpellation est
une demande d’explication faite au gouvernement, ou à un ministre,
sur une question donnée permettant aux parlementaires d’engager
un débat et de prendre une position; dans certains pays, elle peut
engager également la responsabilité du gouvernement. Les moyens
d’interpellation parlementaire du gouvernement à caractère de sanction
ou «interpellation-sanction» sont des moyens essentiellement de nature
politique dont l’issue est sanctionnée par la mise en jeu de la
responsabilité du gouvernement.
18. Dans tous les États membres dans lesquels existe une procédure
de motion de censure ou d’interpellation, la constitution, la législation
ou le règlement du parlement établissent des conditions précises quant
à l’initiative d’une telle procédure et quant aux conditions de
débat et de vote de la motion
.
19. Le Parlement européen a
également la compétence de voter une motion de censure visant la Commission
européenne (article 119 du Règlement): une telle motion de censure
doit être déposée par un dixième des membres qui composent le Parlement
et être motivée. Elle est transmise à la Commission européenne.
Le débat et le vote par le Parlement ont lieu au plus tard pendant
la période de session qui suit le dépôt de la motion de censure.
Le vote sur la motion de censure a lieu par appel nominal, 48 heures
au moins après l'ouverture du débat. La censure est adoptée à la
majorité des deux tiers des suffrages exprimés, représentant la
majorité des membres qui composent le Parlement.
3. La
responsabilité institutionnelle – dispositions juridiques et pratiques
dans les États membres
20. Si l’Assemblée parlementaire
souhaite instituer une procédure de destitution de son Président
et des autres membres titulaires de mandats électifs, il lui faudra
s’inspirer des procédures existantes dans les quelques parlements
nationaux dont le Règlement intérieur prévoit une telle procédure
de destitution. Dans le cadre du présent rapport, la commission
pourra également étudier les procédures d’engagement de la responsabilité
institutionnelle ou constitutionnelle du chef de l’État, qui existent
dans certaines constitutions nationales, et dont elle pourrait tirer
parti mutatis mutandis.
21. Il est utile de souligner, une nouvelle fois, que la mise
en œuvre d’une responsabilité «institutionnelle» d’un Président
de la République ou d’un président de parlement, par le biais d’une
procédure de destitution, si elle revêt incontestablement une dimension
politique, n’est en rien une procédure d’impeachment,
et ne vise pas sa responsabilité pénale.
3.1. Procédure
de destitution du président d’un parlement
22. Aux termes du Règlement de
certains parlements nationaux, ainsi que du Parlement européen,
il est possible de révoquer le mandat d’un président ou d’un vice-président
d’Assemblée.
23. L’article 21 du Règlement du Parlement
européen sur la «Cessation prématurée des fonctions»
dispose que: «Statuant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages
exprimés, représentant au moins trois groupes politiques, la Conférence
des présidents peut proposer au Parlement de mettre fin au mandat
du Président, d'un vice-président, d'un questeur, du président ou
d'un vice-président d'une commission, du président ou d'un vice-président
d'une délégation interparlementaire ou de tout autre titulaire d'un
mandat élu au sein du Parlement, si elle considère que le député
en question a commis une faute grave. Le Parlement statue sur cette
proposition à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés
représentant la majorité des membres le composant.»
24. Le président d’un parlement a une fonction d’administration
et de gestion, mais surtout de représentation: il représente le
parlement dans ses relations avec les autres organes de l’État,
les diverses organisations et les partenaires internationaux. Le
mot «speaker», utilisé par
un grand nombre de parlements, reflète bien sa fonction de porte-parole
de l’institution. Un certain nombre de constitutions mentionnent l’élection
par le parlement de son président mais renvoient à la loi ou au
Règlement quant aux modalités de l’élection, auxquelles s’ajoutent
parfois les modalités de congédiement.
25. En
Ukraine, le Président
de la Verkhovna Rada peut être «révoqué» en relation avec la qualité insatisfaisante
de son travail, y compris dans le cas où le parlement l’a écarté
de la tenue de la séance plénière au moins trois fois au cours d’une
session, ou en relation avec «toutes circonstances» qui rendent
impossible l’exercice de ses fonctions. La révocation peut être
proposée par la commission en charge des questions réglementaires
(en cas de suspension de la présidence de la séance au moins trois
fois) ou par au moins un tiers de la composition constitutionnelle
du parlement. Au cours de la procédure, le parlement entend le rapport du
représentant des députés qui ont initié la révocation, le rapporteur
sur la question, les rapporteurs de la commission d'enquête temporaire
(si elle a été constituée), le bilan du président concernant ses
activités. La décision est prise au scrutin public à la majorité
de la composition constitutionnelle
.
26. Le Règlement de la Douma de la
Fédération
de Russie utilise le terme «congédiement du Président» de
sa fonction (oосвобождение), qui nécessite une décision prise par
un vote à la majorité du nombre total de députés de la Douma
.
Le Règlement du Conseil de la Fédération contient une disposition
similaire qui, par ailleurs, fournit plus de détails sur l’initiation
de la procédure qui pourrait se faire à la demande d’un cinquième des
membres du nombre total de députés
.
27. L’Assemblée nationale de la
Hongrie prévoit
la destitution du président par un vote à la majorité
. Le président
de la Chambre des députés de la
République
tchèque peut être révoqué sur demande écrite d'au moins
deux cinquièmes de tous les députés
.
La particularité de la procédure à la Diète
polonaise (Sejm)
est que la motion de révocation du Maréchal doit faire simultanément
la proposition de la candidature de son remplaçant
.
La demande de révocation doit être faite par 46 députés; la destitution
et l’élection du nouveau Maréchal requiert, au cours d’un seul vote,
la majorité absolue des suffrages d’au moins la moitié des membres statutaires
du Sejm. À l’Assemblée nationale
serbe,
la procédure de destitution du Président suit les dispositions réglementaires
applicables à son élection
, à savoir une proposition
écrite signée par au moins 30 parlementaires. En
Lituanie, la proposition de destituer
le président du Seimas doit être présentée par le Bureau, une commission
ou un cinquième des membres du Seimas; la destitution pour motif
de défiance est acquise au scrutin secret à la majorité des votes
d’au moins la moitié des membres du Seimas; une décision sur la
base d’un autre motif requiert la majorité des votes des membres
présents en séance, et par vote public. Le président du Conseil
national de la
République slovaque peut
être destitué par un vote au scrutin secret à la majorité des votes
de tous les membres du parlement
.
Le Sénat
néerlandais (Première
Chambre des États généraux) peut destituer le Président s’il «ne
jouit plus de la confiance du Sénat» et nommer un nouveau président
.
En Norvège, le parlement ne procède pas par la voie de la destitution
directe, mais procède à l’élection d’un nouveau président si un
cinquième des membres du parlement adressent au Président une demande
écrite requérant une telle élection (la même procédure peut viser
un vice-président du parlement).
28. Dans les parlements susmentionnés (à l’exception du Sénat
néerlandais), la procédure de congédiement ou de destitution du
président s’applique également aux vice-présidents
.
29. Enfin, il n’est pas inutile de faire état d’une situation
qui n’est pas sans rappeler celle à laquelle est actuellement confrontée
l’Assemblée parlementaire. Au
Sénégal,
le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale a été modifié en
2008 afin d’instaurer une procédure de destitution du Président
de l’Assemblée et des membres de son Bureau («Le Président de l’Assemblée
nationale et les autres membres du Bureau sont élus pour une durée
d’un an. Ils sont rééligibles. (…) Toutefois, l’Assemblée nationale
peut mettre fin aux fonctions du Président ou d’un membre du Bureau
par l’adoption d’une résolution à la majorité absolue. Ladite résolution
est présentée par 38 députés au moins). Lors de l’adoption de ce
changement, il a été expressément stipulé que ces nouvelles dispositions
«s’appliquent aux mandats en cours du Président de l’Assemblée nationale
et des autres membres du Bureau»
.
3.2. Procédure
de destitution du Président de la République
30. En
France,
la procédure de destitution du Président de la République est prévue
par la constitution (article 68) depuis 2007 et est applicable depuis
la loi organique du 24 novembre 2014. Elle permet au Parlement constitué
en Haute Cour de destituer le Chef de l'État «en cas de manquement
à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son
mandat». La notion de manquement manifeste avec l’exercice du mandat
«englobe les actes commis ou seulement révélés pendant le mandat,
en lien ou non avec les fonctions présidentielles. Ils peuvent parfaitement
être dénués de tout lien avec l’exercice de ses fonctions. Le Président
de la République pourrait par exemple être mis en cause pour des
actes purement privés, dont la gravité les ferait apparaître comme
manifestement incompatibles avec le maintien en fonction»
.
31. Avec la procédure de destitution, l'appréciation du manquement
incombe clairement au parlement. Soit le Président «n’assure plus
le fonctionnement régulier des pouvoirs publics» – il ne promulgue
pas les lois votées au Parlement, ne convoque pas le Conseil des
Ministres, bloque le fonctionnement de l'État ou utilise les pouvoirs
que la constitution lui octroie de manière abusive – soit «son comportement
personnel est incompatible avec la dignité de la fonction (il commet
un crime, tient des propos publics inacceptables)»; «par ses actions,
son comportement, le chef de l’État devient indigne d’exercer sa
fonction»
.
32. La procédure peut être déclenchée par l’Assemblée nationale
ou par le Sénat, par une proposition de résolution demandant la
réunion du Parlement en Haute Cour signée par au moins un dixième
des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée, et
est motivée par des motifs susceptibles de caractériser un «manquement».
Elle est adoptée à la majorité des deux tiers de leurs membres.
La seconde assemblée doit ensuite se prononcer dans les 15 jours.
Si elle n’adopte pas cette proposition, la procédure est alors terminée. La
destitution est prononcée par le Parlement, constitué en Haute Cour,
présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue
sur la destitution dans un délai d'un mois, à bulletins secrets,
à la majorité des deux tiers des membres. Sa décision est d'effet
immédiat. La délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés
les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour
ou à la destitution.
33. La destitution entraîne la vacance de la présidence de la
République, un intérim exercé par le Président du Sénat et l’organisation,
dans les trente-cinq jours au plus tard, d’une élection présidentielle
anticipée. Mais s’il a commis un acte répréhensible, le Président
limogé est donc privé de son immunité et redevient un citoyen ordinaire,
devant répondre normalement devant la justice.
34. Il convient de relever que cette procédure, permise depuis
2014, était applicable au Président de la République en fonction.
Elle a, du reste, été mise en œuvre à l’encontre du Président François
Hollande en novembre 2016 (mais la proposition de résolution a été
jugée irrecevable par le Bureau de l’Assemblée).
3.3. Destitution
des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires
35. Plusieurs États, en Europe
et dans le monde, ont établi, dans leur constitution ou par voie
de législation, des procédures de destitution pour des postes ou
emplois publics de la haute administration. Dans de nombreux États,
les juges et les procureurs sont révocables. Par exemple, en Suisse, c’est la Commission judiciaire
de l’Assemblée fédérale qui est compétente pour préparer l’élection
et la révocation des juges des tribunaux fédéraux, du procureur
général et des procureurs généraux suppléants de la Confédération.
36. En France, la destitution
vise également certains agents à statut spécial (officiers ministériels, magistrats,
fonctionnaires, maires). La révocation entraîne immédiatement la
perte de la qualité de maire et elle emporte de plein droit l’inéligibilité
aux fonctions de maire pendant une durée d’un an. La loi ne précise
pas les motifs pouvant justifier la révocation du maire. Il ressort
cependant de la jurisprudence que cette mesure, qui est une sanction
administrative, ne peut être prononcée qu’en cas de faute du maire
dans l’exercice de ses fonctions ou lorsque celui-ci est impliqué
dans des faits, qui bien qu’étrangers à la nature de ses fonctions, entachent
son autorité morale.
3.4. Destitution
de titulaires de fonctions électives dans des organisations internationales
37. Le Parlement
européen a la compétence de destituer le Médiateur européen
(Article 221 du Règlement), à l’initiative d’un dixième des députés
qui composent le Parlement européen, «au motif qu'il ne remplit
plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou
qu'il a commis une faute grave». Cette demande est transmise au
Médiateur et à la commission compétente qui, si elle estime, à la
majorité de ses membres, que les motifs invoqués sont fondés, présente
un rapport au Parlement. Le Parlement, après un débat, au cours duquel
le Médiateur est entendu à sa demande, statue au scrutin secret,
à la majorité simple. La moitié au moins des membres qui composent
le Parlement doivent être présents.
38. Aux termes de ses Statuts, le Président de la Fédération Internationale
de Football Association (FIFA), mais également les présidents, les
vice-présidents et les membres des commissions de discipline; d’éthique; de
recours; d’audit et de conformité; de gouvernance, peuvent être
révoqués par le Congrès de la FIFA.
4. Proposition
d’instaurer dans le Règlement de l’Assemblée une procédure de destitution
des membres titulaires de fonctions électives
39. L’instauration d’un mécanisme
de mise en jeu de la responsabilité du Président de l’Assemblée parlementaire
résulte de son rôle actuel dans l’architecture institutionnelle
de l’Assemblée. Ce rôle s’est singulièrement accru, dans la pratique,
au cours des deux dernières décennies. Cette responsabilité, plus institutionnelle
que personnelle ou politique, n’est dès lors que le contrepoids
démocratique à la légitimité politique, l’autorité et la confiance
présumées dans le Président. La mettre en jeu par des mécanismes permettant
de sanctionner, de manière très circonscrite, les manquements à
ses obligations constitue une nécessité qui puise sa légitimité
dans la nécessité de promouvoir le fonctionnement démocratique de l’institution
parlementaire, et de donner une réalité à l’obligation de rendre
des comptes.
4.1. Rappel:
la procédure de contestation des pouvoirs est inapplicable aux cas
individuels et ne permet pas d’engager la responsabilité de membres
exerçant des fonctions électives
40. L’article 7 du Règlement permet
de contester les pouvoirs aussi bien d’une délégation que d’un membre individuel.
Une distinction est toutefois clairement opérée selon que la contestation
des pouvoirs repose sur des motifs techniques – formels (article
7) – ou sur des motifs politiques – substantiels (articles 8 et
9). Il a ainsi été établi que, s’agissant de motifs politiques,
seuls les pouvoirs d’une délégation entière pouvaient être contestés,
et que la procédure prévue aux articles 8 et 9 était seule applicable.
Cela signifie que la contestation des pouvoirs de membres individuels
ne peut être effectuée que pour des raisons formelles (article 7.1),
et plus spécifiquement sur la seule base de l’absence de déclaration
solennelle (article 7.1.c),
toute autre raison formelle étant inopérante dans les cas individuels.
41. C’est à l’occasion d’une demande de contestation des pouvoirs
de deux des membres de l’Assemblée, en janvier 2013, qu’étaient
clairement apparues les limites du Règlement. La commission du Règlement
avait alors conclu que «le libellé actuel de l’article 7.1.c ne permet pas de contester les
pouvoirs d’un membre individuel de manière effective, en particulier
s’agissant de sanctionner un membre du fait de ses actions ou de
ses déclarations lorsque celles-ci sont gravement contraires et
portent atteinte de manière persistante aux principes et valeurs
défendus par le Conseil de l'Europe». En pratique, seul le refus
d’un membre de signer une déclaration solennelle l’exposerait à
voir ses pouvoirs contestés à titre individuel.
42. La commission du Règlement avait, depuis, examiné la possibilité
de modifier l’article 7 du Règlement et de séparer la procédure
de contestation de pouvoirs d’un membre à titre individuel – qui
serait fondée sur l’existence d’actions ou de déclarations violant
de manière grave et persistante les objectifs et les principes fondamentaux
du Conseil de l’Europe – de celle relative à la contestation de
pouvoirs pour des raisons formelles d’une délégation dans son ensemble.
Lors de sa réunion du 15 mai 2014, à une courte majorité, la commission
du Règlement avait décidé de ne pas proposer d’instaurer dans le
Règlement une telle procédure.
4.2. L’instauration
d’une procédure de révocation des mandats électifs
43. La notion de responsabilité
implique une obligation de «rendre des comptes». Ainsi que le mentionne l’Union
interparlementaire dans son guide des bonnes pratiques «Parlement
et démocratie au vingt-et-unième siècle» (2006), «l'obligation de
rendre compte des titulaires de hautes fonctions publiques ou de
postes importants est aujourd'hui considérée comme une condition
fondamentale de la vie publique en démocratie» et elle intègre l'obligation
faite au Parlement et à ses membres de rendre compte à leurs mandants.
Cette «reddition de comptes» comporte l’obligation des représentants
d'informer de leurs activités et celle de répondre aux questions
qui leur sont adressées à la lumière de cette information. Cette
logique doit naturellement prévaloir dans les relations entre les
membres de l’Assemblée parlementaire et les titulaires de mandats
électifs.
4.2.1. Les
mandats concernés
44. Par fonctions électives, on
entend toute fonction à l’Assemblée pourvue par la voie de l’élection
et confiée à son titulaire par les membres de l’Assemblée afin qu’il
ou elle agisse en leur nom, dans le cadre réglementaire défini,
pour une durée déterminée. Sont donc concernés par la procédure
envisagée, le Président de l’Assemblée parlementaire, les Vice-Présidents
de l’Assemblée, ainsi que les présidents et vice-présidents des
commissions.
45. Bien qu’étant également titulaires de mandats électifs, il
convient d’exclure du dispositif envisagé les présidents et vice-présidents
des sous-commissions, dans la mesure où les sous-commissions ne
possèdent aucun pouvoir décisionnel (article 49.8).
46. Les rapporteurs constituent un cas particulier et ne doivent
pas davantage être intégrés dans le dispositif. En effet, les rapporteurs
sont tenus d’observer les règles fixées par le code de conduite
des rapporteurs de l’Assemblée (article 50.1 du Règlement). En cas
de violation des dispositions de ce code et de «non-respect d’un
ou plusieurs engagements, la commission [concernée] peut démettre
le rapporteur de ses fonctions et le remplacer» (paragraphe 3).
Les rapporteurs de surcroît ne sont pas «élus» mais désignés (le cas
échéant au scrutin secret) par la commission au nom de laquelle
ils rapportent.
4.2.2. Le
principe de l’autonomie parlementaire
47. En vertu du principe de l’autonomie
parlementaire – expression de la séparation des pouvoirs –, les parlements
ont la compétence exclusive dans la détermination des règles fixant
leur organisation interne, leur fonctionnement, les procédures mettant
en œuvre leurs compétences constitutionnelles, ainsi que les règles régissant
la discipline de leurs membres.
48. De même que ce principe de l’autonomie du parlement est fixé
dans les constitutions nationales (en règle générale), c’est l’article
28.a du Statut du Conseil
de l'Europe (STE no 1) qui établit le
principe de la souveraineté de l’Assemblée parlementaire dans la
détermination de ses règles de fonctionnement («L’Assemblée Consultative
(Parlementaire) adopte son Règlement intérieur»). Et de même que
les dispositions des règlements des parlements nationaux sont tenues
d’être conformes à la constitution du pays, le Règlement de l’Assemblée
parlementaire doit, quant à lui, se conformer au Statut du Conseil
de l'Europe.
49. Le Règlement, c’est la loi intérieure de chaque parlement,
fixée par lui-même; la validité des règles qu’il édicte est limitée
à leur objet interne. Dans les parlements nationaux
, comme à
l’Assemblée parlementaire (article 68 du Règlement), l’initiative
de modifier le Règlement appartient aux seuls parlementaires en
vertu du principe d’autonomie des assemblées. L’Assemblée a donc
la libre initiative de modifier son Règlement et d’instaurer toute
nouvelle procédure, dans le respect des procédures prévues à cette
fin.
4.2.3. La
procédure de destitution du Président et des Vice-Présidents de
l’Assemblée
50. Concrètement, il convient d’arrêter
les modalités précises de la procédure de destitution des titulaires de
fonctions électives à l’Assemblée, à tous les stades de celle-ci.
En premier lieu, il y aurait lieu de prévoir deux procédures distinctes,
l’une de destitution du Président et des Vice-Présidents de l’Assemblée,
l’autre de destitution des présidents et vice-présidents des commissions.
51. S’agissant de la procédure de destitution du Président et
des Vice-Présidents de l’Assemblée, la commission devra clarifier
les points suivants – également par référence aux procédures existantes
dans les parlements (chapitre 3.1):
- l’initiative: qui initie une telle demande? quel est le
nombre minimal requis pour initier la demande? quelles raisons doivent
motiver la demande? sous quelle forme est présentée la demande?
- l’examen préalable de la demande: faut-il une procédure
simple et directe avec débat immédiat en plénière suivi d’un vote
de l’Assemblée sans délai, ou une procédure plus complète (renvoi
au Bureau et/ou à la commission compétente pour examen de la recevabilité,
préparation d’un rapport de la commission compétente, respect des
délais de distribution du rapport)?
- les conditions de débat et de vote de la proposition:
faut-il un débat en séance plénière qui suive la procédure «normale»
ou au contraire une procédure «ad hoc»? La décision doit-elle être
par vote électronique ou au scrutin secret? à quelle majorité la
décision est-elle acquise: majorité des suffrages exprimés ou majorité
renforcée?
52. S’agissant des conditions de recevabilité de la demande de destitution, on aura
en mémoire les modalités qui régissent les demandes de contestation
des pouvoirs d’une délégation nationale (l’article 9 du Règlement
dispose qu’«une proposition de résolution visant à annuler la ratification
doit être déposée par au moins cinquante représentants ou suppléants,
appartenant à deux groupes politiques et à cinq délégations nationales
au moins»). La procédure de destitution étant exceptionnelle et
d’une importance majeure, on pourra également retenir des modalités
renforcées: la demande pourrait reposer sur une base plus large
et être présentée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée
(soit à l’heure actuelle 65 membres, qu’ils soient représentants
ou suppléants), appartenant à au moins trois groupes politiques
et dix délégations nationales. Il va de soi qu’il convient de prévoir
une disposition additionnelle spécifique afin d’éviter la multiplication
de telles procédures dans le temps, notamment de mêmes initiatives
à l’encontre d’un même membre.
53. S’agissant de la forme de la demande de destitution, toute
demande pourrait être soumise par proposition écrite, présentée
dans les deux langues officielles, signée par les membres qui la
soutiennent et publiée comme document officiel de l’Assemblée (article
24.2.c)
54. S’agissant des motifs qui fondent la demande de destitution,
il est proposé de retenir les motivations suivantes, comme fondant
la rupture du lien de confiance:
- le
manquement aux devoirs de la fonction;
- l’inconduite de nature à jeter le discrédit sur la fonction;
l’implication dans des faits qui entache son autorité morale;
- la faute grave;
- la violation de manière grave ou répétée des principes
et règles du code de conduite des membres de l’Assemblée;
- la non adhésion ou le non-respect des objectifs et principes
fondamentaux du Conseil de l'Europe (article 6.2.b).
55. S’agissant de la procédure d’examen de la demande, la commission
pourrait proposer deux procédures alternatives:
- une procédure à étapes: transmission
de la proposition de destitution à la commission du Règlement, pour
avis quant à la recevabilité de la demande, notamment sous l’angle
de sa motivation; l’avis est approuvé dans les 24 heures de la saisine
(si celle-ci intervient au cours d’une partie de session de l’Assemblée,
ou, dans le cas contraire, lors de la réunion qui suit immédiatement
le renvoi); le débat en séance plénière et le vote de l’Assemblée
ont lieu dans les 24 heures suivant l’approbation de l’avis;
- une procédure rapide et directe: soumission immédiate
de la proposition de destitution pour débat en séance plénière et
vote de l’Assemblée dans les 24 heures suivant sa publication (lorsque
celle-ci intervient au courant d’une partie de session, ou, dans
le cas contraire, à l’ouverture de la partie de session qui suit
immédiatement sa publication); cette procédure requerrait des conditions
renforcées quant au nombre et à la qualité de ses initiateurs.
56. Il est proposé de tenir un débat limité à l’intervention du
premier signataire de la proposition de destitution, du président
de la commission du Règlement (si la première procédure est privilégiée),
du président de chaque groupe politique (ou de son représentant)
ainsi que du Président ou du Vice-Président de l’Assemblée concerné.
La proposition soumise au vote ne peut être amendée.
57. S’agissant du vote proprement dit, il est proposé de privilégier
l’exigence de transparence et de ne pas voter au scrutin secret
(article 40.11 du Règlement mutatis mutandis)
mais par vote électronique – et que les votes individuels soient
rendus publics (article 40.5) –, dans le respect de la règle du
quorum. Il importe toutefois à la commission de trancher la question
du nombre de voix requises pour valider la procédure, la majorité
des deux tiers étant à l’heure actuelle la règle pour les décisions
importantes à l’Assemblée (article 41).
4.2.4. La
procédure de destitution des présidents et des vice-présidents des
commissions
58. Il va de soi que la procédure
envisagée au niveau de l’Assemblée plénière pour la destitution
d’un Président ou d’un Vice-Président de l’Assemblée doit être adaptée
aux commissions, tant en ce qui concerne l’initiation de la procédure
(une proposition écrite signée par un tiers des membres titulaires
de la commission, appartenant à trois groupes politiques et cinq
délégations nationales). La proposition est adressée au président de
la commission et inscrite de droit à l’ordre du jour de la réunion
suivant son dépôt auprès du secrétariat de la commission. Les modalités
de débat au sein de la commission pourraient sans doute être plus
flexibles que celles prévues en Assemblée plénière, le débat en
commission pouvant être immédiatement suivi du vote. En revanche,
les modalités de vote de la destitution d’un président ou d’un vice-président
de commission doivent être similaires à celles qui régissent la
destitution du Président ou d’un Vice-Président de l’Assemblée (quorum, vote
transparent, majorité des deux tiers).
4.3. Conséquences
– La vacance du mandat
59. La révocation du mandat de
Président ou de Vice-Président de l’Assemblée ou de président ou
vice-président de commission n’emporte pas de conséquence sur leur
qualité de membre de l’Assemblée (conformément à l’article 25 du
Statut du Conseil de l'Europe et aux articles 6 et 11 du Règlement).
Toutefois, il serait souhaitable d’envisager des mesures complémentaires
qui pourraient s’appliquer d’office dès lors qu’une décision de
destitution est prise par l’Assemblée. Il devrait ainsi être expressément
stipulé dans le Règlement que le Président de l’Assemblée destitué
ne saurait se prévaloir du bénéfice de l’article 20.3 et siéger,
en tant que «Président sortant» comme membre de droit de la commission
des questions politiques et de la démocratie, de la commission de
suivi et de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.
Il ne devrait pas davantage bénéficier du titre de Président honoraire
de l’Assemblée parlementaire ni, le cas échéant, selon l’appréciation
qui est portée sur la gravité des faits qui ont motivé la demande
de destitution, du titre d’associé honoraire de l’Assemblée parlementaire.
Des mesures similaires s’imposent pour les vice-présidents.
60. La destitution du titulaire d’une fonction élective à l’Assemblée
entraîne la vacance de la fonction et l’obligation pour l’Assemblée,
ou la commission concernée, de procéder à de nouvelles élections, conformément
aux dispositions existantes du Règlement. Il va de soi que les membres
destitués ne peuvent être candidats, ni immédiatement, ni par la
suite, à ces fonctions.
61. Par ailleurs, la situation dans laquelle l’Assemblée s’est
trouvée lors de la partie de session d’avril et depuis, s’agissant
de l’impossibilité de son Président d’assurer tout ou partie de
ses fonctions notamment de présidence des séances et des réunions
du Bureau, met en exergue une lacune de son Règlement: en effet, celui-ci
ne couvre pas toutes les situations de vacance dans l’exercice du
mandat présidentiel, et en particulier il ne prévoit pas le cas
de l’empêchement. Les règlements d’autres assemblées interparlementaires
et des parlements nationaux sont, sur cette question, libellés de
manière plus complète. Il convient, dans le cadre du présent rapport,
de compléter l’article 15.5 du Règlement, afin de clarifier le dispositif
actuel en cas de vacance de la fonction présidentielle, qui est
complexe, et d’y introduire une clause chargeant automatiquement
le doyen des vice-présidents d’occuper la fonction en cas de vacance
ou d’empêchement.
4.4. Le
respect du principe de sécurité juridique
62. Ainsi que le rappelle la Commission
de Venise
, le principe général de sécurité
juridique suppose que «la loi» soit rédigée de façon intelligible
et que ses effets soient prévisibles («l’impératif de prévisibilité
signifie non seulement que la loi doit si possible recevoir la publicité
nécessaire avant d’être promulguée et ses effets être prévisibles,
mais aussi que sa formulation doit être suffisamment précise et
claire pour permettre aux sujets de droit de régler leur conduite
conformément à ses règles»; «un nouveau texte législatif doit préciser clairement
s’il abroge ou modifie un texte antérieur»
), qu’elle donne
lieu à un débat public, et que son application soit cohérente. Sur
la question de la rétroactivité, la Commission de Venise précise
qu’«une personne doit connaître par avance les conséquences de ses
actes. La législation doit donc être prévisible et le droit, spécialement
le droit pénal, non rétroactif. (…) Cependant, en dehors du droit
pénal, la restriction rétroactive de droits de l’individu ou la
création de nouvelles obligations peuvent être admissibles, mais uniquement
dans l’intérêt public et dans le respect du principe de proportionnalité.»
63. Ce principe de sécurité juridique doit naturellement inspirer
les propositions qui seront soumises à l’Assemblée dans le cadre
du présent rapport. Il est notamment clair que le projet de résolution
présenté doit établir dans le détail la procédure proposée ainsi
que la date de l’entrée en vigueur de la modification ainsi apportée
au Règlement de l’Assemblée
.
Il doit également formellement mentionner le fait que cette nouvelle procédure
sera applicable aux mandats en cours
.
64. Il convient ici de rappeler que, juridiquement, on ne peut
pas parler de rétroactivité de cette nouvelle procédure, si elle
était adoptée. La rétroactivité est l’effet que peut avoir une loi
ou un règlement de s’appliquer à des faits et actes juridiques antérieurs
à son entrée en vigueur
. Le principe de non-rétroactivité
n'empêche pas qu'un texte réglementaire attache des effets futurs
à une situation passée. «Nul titulaire d’une fonction élective ne
peut prétendre avoir acquis des droits qui lui seraient personnels.
Il a simplement accédé au statut applicable à la fonction pour laquelle
il a été choisi, et ce statut peut à tout moment évoluer, dès lors
qu’il le fait selon les formes et conditions prescrites»
:
il est l’occupant d’une fonction, pas le propriétaire. L'exercice
du pouvoir réglementaire implique en effet pour son détenteur la
possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans
que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles
contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation
existante
.
65. On relèvera du reste, à titre d’exemple, que la Commission
de Venise, dans ses différents avis très critiques portant sur des
réformes constitutionnelles entreprises par certains États et ayant
visé à abroger la limite du nombre de mandats présidentiels consécutifs
,
n’a jamais considéré qu’une telle abrogation et l’application subséquente
de cette mesure au titulaire de la fonction violait un quelconque
principe juridique de «non rétroactivité» (la prolongation du mandat
des Présidents concernés constituant bien naturellement la justification
première de telles révisions).
66. Par conséquent, si l’Assemblée parlementaire devait modifier
son Règlement et instituer une nouvelle procédure de destitution
des membres exerçant des fonctions électives, cette procédure pourra
être d’application immédiate et, si elle le décide ainsi, s’appliquer
aux titulaires actuels des fonctions.
5. Propositions
de modifications du Règlement
67. L’article 28.a du Statut du Conseil de l'Europe
établit le principe de la souveraineté de l’Assemblée parlementaire
dans la détermination des règles de son fonctionnement: «L’Assemblée
Consultative (Parlementaire) adopte son Règlement intérieur», étant
précisé que «Le Règlement intérieur fixe notamment (…) ii. la procédure
d’élection et la durée des fonctions du Président et des autres
membres du Bureau (…)» (article 28.c).
68. En conséquence, la commission du Règlement entend proposer
à l’Assemblée de modifier son Règlement en instaurant une procédure
de destitution du Président et des Vice-Présidents de l’Assemblée, d’une
part, et d’autre part, une procédure de destitution des présidents
et des vice-présidents des commissions (voir chapitres 4.2.3 et
4.2.4).
69. Enfin, ainsi que cela a été exposé plus haut (chapitre 4.4),
et conformément au principe de la souveraineté des parlements dans
la détermination de leur organisation et mode de fonctionnement, l’Assemblée
peut librement déterminer la date de l’entrée en vigueur des nouvelles
dispositions. Il est donc proposé que la résolution entre en vigueur
dès son adoption et que ses dispositions s’appliquent aux mandats en
cours du Président de l’Assemblée parlementaire, des Vice-Présidents
et des présidents et vice-présidents des commissions.